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ARTICLE ORIGINAL Étude épidémiologique et clinique des macrostomies. À propos dune série de dix observations A. Gleizal, S. Comiti, L. Caquant, J.-L. Beziat * Service de chirurgie maxillofaciale, hôpitaux Nord, 93, grande-rue-de-la-Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France Reçu le 20 juin 2005 ; accepté le 9 décembre 2005 MOTS CLÉS Macrostomie ; Fente labiale Résumé Introduction. La macrostomie congénitale fait partie des fentes faciales dites rares par oppo- sition aux fentes labioalvéolopalatines. Matériel et méthode. Nous rapportons une série de dix patients porteurs de macrostomies congénitales. Une étude rétrospective épidémiologique et clinique de chaque cas a ensuite été réalisée. Résultats et Discussion. De ces constatations cliniques, ressort une classification simple ayant des répercussions directes sur la séquence thérapeutique. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Macrostomia; Lateral cleft Abstract Introduction. Macrostomia or lateral cleft or commissural cleft or transverse cleft is a rare facial cleft in comparaison with standard cleft lip and palate. Method. A retrospective study of 10 cases of congenital macrostomia is realised. For each case a retrospective study with epidemiologic and clinic features was realised. Results and Discussion. From these clinical considerations, a new classification with direct surgical consequences is proposed. © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction La macrostomie appelée également fente maxillomandibu- laire ou fente latérale ou fente commissurale ou fente transverse fait partie des fentes faciales dites rares par opposition aux fentes labioalvéolopalatines. En effet, la face apparaît pourvoyeuse de tout un panel de fentes dites rares, répertoriées de longue date, traitées de façon variable du fait dun manque de systématisation dû aux petits nombres de cas rapportés par un seul chirurgien et du caractère fragmentaire de leur analyse. La mimique faciale (rire, sourire, déception) passe en grande partie par la position de la commissure dans lespace. Une restitu- tion chirurgicale minutieuse en cas de déformation apparaît donc être essentielle à une vie sociale normale. La macrostomie a été le centre de nombreuses proposi- tions thérapeutiques chirurgicales différentes visant à opti- miser le résultat morphologique, fonctionnel et esthétique. Nous rapportons une série de dix patients traités dans le service du Pr Béziat. Une analyse clinique et paraclinique de ces cas a été réalisée permettant ainsi une comparaison avec les différentes séries de la littérature mondiale. Par Annales de chirurgie plastique esthétique 51 (2006) 217222 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-L. Beziat). 0294-1260/$ - see front matter © 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2005.12.014 available at www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/annpla

Étude épidémiologique et clinique des macrostomies. À propos d'une série de dix observations

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Annales de chirurgie plastique esthétique 51 (2006) 217–222

ava i lab le at www.sc ienced i rect .com

journa l homepage: www.e l sev ier.com/locate/annp la

ARTICLE ORIGINAL

Étude épidémiologique et clinique des macrostomies.À propos d’une série de dix observations

A. Gleizal, S. Comiti, L. Caquant, J.-L. Beziat *

Service de chirurgie maxillofaciale, hôpitaux Nord, 93, grande-rue-de-la-Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France

Reçu le 20 juin 2005 ; accepté le 9 décembre 2005

02do

MOTS CLÉSMacrostomie ;Fente labiale

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : jean-luc.

94-1260/$ - see front mattei:10.1016/j.anplas.2005.12.

beziat@c

r © 200014

RésuméIntroduction. – La macrostomie congénitale fait partie des fentes faciales dites rares par oppo-sition aux fentes labioalvéolopalatines.Matériel et méthode. – Nous rapportons une série de dix patients porteurs de macrostomiescongénitales. Une étude rétrospective épidémiologique et clinique de chaque cas a ensuiteété réalisée.Résultats et Discussion. – De ces constatations cliniques, ressort une classification simpleayant des répercussions directes sur la séquence thérapeutique.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSMacrostomia;Lateral cleft

AbstractIntroduction. – Macrostomia or lateral cleft or commissural cleft or transverse cleft is a rarefacial cleft in comparaison with standard cleft lip and palate.Method. – A retrospective study of 10 cases of congenital macrostomia is realised. For eachcase a retrospective study with epidemiologic and clinic features was realised.Results and Discussion. – From these clinical considerations, a new classification with directsurgical consequences is proposed.© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La macrostomie appelée également fente maxillomandibu-laire ou fente latérale ou fente commissurale ou fentetransverse fait partie des fentes faciales dites rares paropposition aux fentes labioalvéolopalatines. En effet, laface apparaît pourvoyeuse de tout un panel de fentesdites rares, répertoriées de longue date, traitées de façonvariable du fait d’un manque de systématisation dû aux

hu-lyon.fr (J.-L. Beziat).

6 Elsevier SAS. Tous droits réservé

petits nombres de cas rapportés par un seul chirurgien etdu caractère fragmentaire de leur analyse. La mimiquefaciale (rire, sourire, déception) passe en grande partiepar la position de la commissure dans l’espace. Une restitu-tion chirurgicale minutieuse en cas de déformation apparaîtdonc être essentielle à une vie sociale normale.

La macrostomie a été le centre de nombreuses proposi-tions thérapeutiques chirurgicales différentes visant à opti-miser le résultat morphologique, fonctionnel et esthétique.Nous rapportons une série de dix patients traités dans leservice du Pr Béziat. Une analyse clinique et paracliniquede ces cas a été réalisée permettant ainsi une comparaisonavec les différentes séries de la littérature mondiale. Par

s.

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ailleurs, une classification inédite des macrostomies enfonction des implications chirurgicales est proposée.

La technique chirurgicale par fermeture cutanée linéairea été constante quelle que soit l’importance de la fentefaciale. Une analyse morphologique et esthétique dechaque cas a donc été réalisée afin d’évaluer la prise encharge de cette pathologie rare dans le service et de suivrel’évolution de ces patients avec un recul allant de troismois à 18 années.

Matériel et méthodes

Nous rapportons une série de dix patients. Une étude rétro-spective de chaque cas a ensuite été réalisée en divisant letravail en plusieurs parties :

● une étude épidémiologique avec recensement du sexe,de l’ethnie, du caractère uni- ou bilatérale de la fente,avec en cas d’unilatéralité, le coté atteint ;

● une étude clinique en recueillant la taille de la fente, lespathologies associées des tissus mous, des tissus osseuxet des organes, ainsi que le caractère syndromique ounon de la macrostomie.

À partir des données communes de notre série et de lalittérature, nous proposons une classification chirurgicaleoriginale des macrostomies et une attitude thérapeutiqueséquentielle fonction de cette classification et des patholo-gies associées.

Résultats

Tableau 1.

Résultats épidémiologiques

Cette étude rétrospective ne retrouve pas de prédominancede sexe (50 % de filles et 50 % de garçons).

L’ethnie blanche apparaît prédominante puisque tous lescas rapportés sont de type caucasien.

Les macrostomies sont unilatérales dans 70 % des cassans prédominance significative de coté (43 % du cotédroit et 57 % du coté gauche). Il existe donc une proportion

Tableau 1 Tableau récapitulatif des dix nouveaux cas de macrosto

no Sexe Côté Étendue(cm)

Malformations tissus

Oreille Parotide Œil Peau

1 F G 1,5 Non Non Non Non2 M G 2 Non Non Non Non3 M D 1,5 Oui Non Non Non4 F G 1,5 Non Non Non Non5 F D 4 Oui Oui Oui Non6 F D 1 Non Non Non Non7 M B 1,5 Non Non Oui Non8 M G 2 Oui Oui Non Non9 F B 1 Non Non Non Non10 M B 1,5 Non Non Non Non

M : mâle ; F : femme ; D : droit ; G : gauche . B : bilatéral.

importante de macrostomie bilatérale qui représente 30 %des cas rapportés dans la série.

Résultats cliniques

En ce qui concerne la longueur des fentes commissurales,celle-ci apparaît compris entre 1 et 2 cm dans huit cas surdix avec une moyenne à 2,22 cm et se terminent alors tou-jours mésialement par rapport au bord antérieur du massé-ter. Nous avons nommé ces fentes « formes mineures » quireprésentent 80 % des cas de notre série. Les deux autrescas sont plus étendus. Cette extension peut se faire soitlatéralement, les fentes dépassent alors le bord antérieurdu masséter et se poursuivent généralement sur le planmusculaire et muqueux jusqu’au tragus (cas clinique no 5),soit de façon antéropostérieure, la fente se traduisant alorspar une bride muqueuse atteignant le pilier antérieur del’amygdale (cas no 7). Nous avons nommé ces fentes« formes majeures » qui représentent 20 % des cas denotre série.

En ce qui concerne les pathologies associées, il existeune discordance entre formes uni- et bilatérale :

● en effet, les formes unilatérales apparaissent associées àd’autres malformations faciales dans tous les cas de lasérie. Les fibrochondromes le plus souvent préauriculai-res mais parfois jugaux sur le trajet de fusion des bour-geons maxillaires et mandibulaires sont présents dans60 % des cas. L’association isolée de macrostomie unila-térale et de fibrochondromes uniques ou multiples estretrouvée dans trois cas de formes unilatérales. Les ano-malies auriculaires à type de microtie, oreille surnumé-raire, agénésie partielle ou complète sont retrouvéesdans 45 % des formes unilatérales et apparaît être lamalformation associée la plus fréquente avec une prédo-minance de microtie et d’oreille basse implantée ;

● les anomalies de la parotide et du canal de Sténon sontsouvent omises dans la littérature mondiale. Dans notresérie de dix cas nous retrouvons trois patients porteursd’agénésie ou d’hypoplasie parotidienne et du canal deSténon homolatérale à la fente ;

● les anomalies oculaires sont retrouvées dans 20 % ;● les fentes faciales associées aux formes unilatérales sont

retrouvées dans trois cas. Celles-ci sont presque toujours

mie rapportés

mous Malformationosseuse

Extrafa-cial

Syndromeassocié

Fente Fibro Mandi-bule

Maxil-laire

Non Oui Non Non Non NonNon Non Non Non Non NonNon Oui Oui Oui Non 1er arcNon Oui Non Non Non NonOui Oui Oui Non Oui 1er arcNon Oui Oui Non Oui 1er arcOui Non Non Non Non NonNon Oui Oui Non Non 1er arcNon Non Oui Non Non NonOui Non Non Non Non Non

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Étude épidémiologique et clinique des macrostomies 219

homolatérales à la macrostomie et peuvent être expli-quées par une hypoplasie d’un bourgeon facial ;

● les malformations des bases osseuses sont fréquentesdans les formes unilatérales puisqu’elles sont retrouvéesdans 62 % des cas pour la mandibule et 13 % des cas pourle maxillaire. Il est intéressant de noter que les hypopla-sies maxillaires sont toujours associées à une atteintemandibulaire et qu’il n’existe pas d’hypoplasie du bour-geon maxillaire isolée dans cette série. Toutes cesatteintes osseuses entrent dans le cadre de syndromeotomandibulaire isolé ou associé à d’autres malforma-tions. Les anomalies mandibulaires sont essentiellementdes insuffisances de développement de la branche mon-tante et du condyle avec parfois une agénésie complètede ce dernier ;

● les formes bilatérales apparaissent isolées. On retrouveun cas de formes majeures ou la fente se poursuit jus-qu’au pilier amygdalien. Toutes les autres formes sontmineures, mesurant entre 1 et 2 cm ;

● les malformations extrafaciales sont retrouvées dans10 % des macrostomies. L’atteinte de la colonne cervi-cale et dorsale est la plus fréquente. Un seul cas d’at-teinte cardiaque à type de CIV mineure sans retentisse-ment clinique est retrouvé.

Discussion

La fréquence des fentes commissurales apparaît trèsvariable selon les auteurs. En effet, certains retrouventune fréquence des macrostomies relativement élevéecomme Grabb qui décrit une fente latérale pour 5500 nais-sances [1], Askar qui décrit les fentes commissuralescomme représentant 5 % des fentes faciales tout venant[2] ou Powell qui décrit une fréquence d’un cas pour 100fentes labiopalatines [3]. D’autres auteurs retrouvent unefréquence moins importante, comme Kawaï [4] et Jaworski[5] avec un cas tous les 80 000 naissances et Fogh-Andersen[6] avec un cas tous les 225 000 naissances soit 0,3 % desfentes faciales (1/330 fentes faciales) ce qui est en accordavec l’étude de Verheyden [7] qui retrouve une fréquencede 1/350 fentes faciales. Certains auteurs décrivent unefréquence en fonction de l’ethnie comme Boo-Chaï [8] quiretrouve un cas de fente commissurale pour 120 fentes chezdes sujets asiatiques ou Blackfield qui retrouve une fré-quence de 1/200 fentes faciales chez des sujets de raceblanche. Enfin Converse décrit une fréquence de 10 à 20 %de fentes commissurales bilatérales parmi les fentes latéra-les tout venant [9].

D’après notre expérience, nous sommes en adéquationavec les résultats de Verheyden, Blackfield ou Fogh avecune fréquence de 1/290 fentes faciales [6,9].

Comparaison épidémiologique et cliniquede la série aux données de la littérature mondiale

La série rapportée apparaît être en adéquation avec les caspubliés dans la littérature mondiale. En effet, après avoirréalisé une étude épidémiologique et clinique de 80 cas demacrostomies congénitales rapportées dans la littérature,nous retrouvons des chiffres assez proches de ceux retrou-

vés dans notre série. Cette étude rétrospective ne retrouvepas de prédominance de sexe (47,7 % de femmes et 52,3 %d’hommes). Ces constatations vont dans le sens des diffé-rentes publications de séries ne comportant que quelquescas (Boo-Chai, Fogh-Andersen) [6,8]. En revanche, si l’oncompare ces résultats aux taux retrouvés pour les fenteslabiopalatines, on retrouve que les fentes du palais pri-maire sont deux fois plus fréquentes chez les garçons alorsque les fentes du palais secondaires sont deux fois plus fré-quentes chez les filles.

L’ethnie blanche apparaît prédominante avec 75,6 % descas rapportés, puis arrive en second la population asiatiqueavec 22,1 %. L’ethnie noire et l’ethnie indienne apparais-sent peu touchées avec 1,15 % des cas. En ce qui concerneles résultats concernant la prédominance des races blancheet asiatique ces données peuvent être inexactes car fon-dées uniquement sur les publications médicales. Par ail-leurs, ces pourcentages vont à l’encontre des chiffresconnus pour les fentes labiopalatines classiques qui retrou-vent une prévalence plus importante de fentes dans lapopulation asiatique. En revanche, le faible taux de macro-stomie dans la race noire est retrouvé pour les fentes labio-palatines.

Les macrostomies congénitales sont unilatérales dans80 % des cas sans prédominance significative de coté(47,8 % du coté droit et 52,2 % du coté gauche). Il existedonc une proportion importante de macrostomie bilatéralequi représente 20 % des cas. Ce résultat marque encore unedifférence par rapport aux fentes labiopalatines qui sonttrois fois plus fréquentes du côté gauche.

Résultats cliniques

En ce qui concerne la longueur des fentes commissurales,celles-ci apparaîssent comprises entre 1 et 2 cm dans 67cas sur 72 avec une moyenne à 1,34 et se terminent alorstoujours mésialement par rapport au bord antérieur dumasséter. Nous avons nommé ces fentes « formes mineures »qui représentent 93 % des cas. Les cinq autres cas sont plusétendus. Cette extension peut se faire soit latéralement,les fentes dépassent alors le bord antérieur du masséter etse poursuivent généralement sur le plan musculaire etmuqueux jusqu’au tragus (cas cliniques rapportés parConverse et Talukder), soit de façon antéropostérieure, lafente se traduisant alors par une bride muqueuse atteignantle pilier antérieur de l’amygdale (cas no 9). Nous avonsnommé ces fentes « formes majeures » qui représentent7 % des cas. Les formes bilatérales apparaissent dans 86 %des cas (15 cas sur 17) symétriques par rapport à la lignemédiane.

En ce qui concerne les pathologies associées, il existeune discordance entre formes uni- et bilatérale :

● en effet, les formes unilatérales apparaissent associées àd’autres malformations faciales dans 89 % des cas etseuls huit cas sur 73 sont isolés. Les fibrochondromes leplus souvent préauriculaires mais parfois jugaux sur letrajet de fusion des bourgeons maxillaires et mandibulai-res sont présents dans 63,7 % des cas. L’association iso-lée de macrostomie unilatérale et de fibrochondromesuniques ou multiples est retrouvée dans huit cas soit

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11 % des cas de formes unilatérales. Les anomalies auri-culaires à type de microtie, oreille surnuméraire, agéné-sie partielle ou complète sont retrouvées dans 62,9 % desformes unilatérales et apparaît être la malformationassociée la plus fréquente avec une prédominance demicrotie et d’oreille basse implantée ;

● les anomalies de la parotide et du canal de Sténon sontsouvent omises dans la littérature mondiale. Dans notresérie de dix cas nous retrouvons trois patients porteursd’agénésie ou d’hypoplasie parotidienne et du canal deSténon homolatérale à la fente ;

● les anomalies oculaires sont retrouvés dans 11 % des caset sont dans la majeure partie des cas intégrés à un syn-drome de Goldenhar, de Treacher-Collins ou d’ablépha-sie–macrostomie ;

● les fentes faciales associées aux formes unilatérales sontretrouvées dans huit cas soit 11,1 % des cas. Celles-cisont presque toujours homolatérales à la macrostomieet peuvent être expliquées par une hypoplasie d’unbourgeon facial. Elles sont intégrées dans tous les cas àun syndrome, qu’il soit otomandibulaire dans la quasi-totalité des cas (isolé ou associé), de Van der Wood oud’abléphasie–macrostomie. Le seul cas présentant unefente faciale autre controlatérale et sans trajet pouvantêtre expliqué par l’embryogenèse entre dans le cadred’une maladie amniotique.

● les malformations des bases osseuses sont fréquentesdans les formes unilatérales puisqu’elles sont retrouvéesdans 58 % des cas pour la mandibule et 13 % des cas pourle maxillaire. Il est intéressant de noter que les hypopla-sies maxillaires sont toujours associées à une atteintemandibulaire et qu’il n’existe pas d’hypoplasie du bour-geon maxillaire isolée dans cette série. Toutes cesatteintes osseuses entrent dans le cadre de syndromeotomandibulaire isolé ou associé à d’autres malforma-tions. Les anomalies mandibulaires sont essentiellementdes insuffisances de développement de la branche mon-tante et du condyle avec parfois une agénésie complètede ce dernier.

● les formes bilatérales apparaissent isolée dans lamajeure partie des cas. En effet, sur 17 cas retrouvés,13 sont isolés, sans fibrochondromes ou anomalies auri-culaires soit 73 % des cas. Les quatre cas restants sontassociés à une microsomie mandibulaire bilatérale avecdans deux cas, présence de fibrochondromes et d’oreil-les dysmorphiques. On retrouve deux cas de formesmajeures où la fente se poursuit jusqu’au tragus. Toutesles autres formes sont mineures, mesurant entre 1 et2 cm. Un seul cas présente des anomalies de l’étagemoyen avec des atteintes palpébrales rentrant dans lecadre d’un syndrome d’ablépharon–macrostomie.

● les malformations extrafaciales sont retrouvées dans 12cas soit 13,3 % des macrostomies. L’atteinte de lacolonne cervicale et dorsale est la plus fréquente avecquatre cas et peut entrer dans le cadre d’un syndromede Goldenhar. Un seul cas d’atteinte cardiaque à type deCIV mineure sans retentissement clinique est retrouvé.

Ce résultat marque encore une différence par rapportaux fentes labiopalatines qui sont trois fois plus fréquentesdu côté gauche.

Classification originale orientée par la littératureet la série étudiée

Il n’existe pas à proprement parler de classification desmacrostomies.

Paul Tessier a réalisé en 1974 une classification des dif-férentes fentes faciales claire, reproductible et fondée surdes constatations embryologiques et cliniques [10].

Ainsi Tessier décrit les fentes orbitofaciocrâniennes selondes axes constants et bien définis qu’il nomme « méridiens »numérotés de 0 à 7 au niveau facial et 8 à 14 pour les fentescrâniennes.

Les fentes dites latérales regroupent les méridiens 6, 7et 8, les localisations 6 et 8 intéressant l’orbite. La fenteno 7 est pourvoyeuse de macrostomie. Elle correspond àune fente temporozygomatique, associant sur le planosseux une hypoplasie du ramus mandibulaire, une micro-condylie, un coroné absent par agénésie du muscle tempo-ral, une arcade zygomatique réduite et sur le plan cutané,une macrostomie, une microtie, une anomalie de la pattedes cheveux. Cette fente no 7 correspond finalement ausyndrome otomandibulaire.

Plusieurs auteurs se sont attachés à classifier les anoma-lies osseuses et/ou des parties molles associées à la macro-stomie, dans les syndromes latéraux faciaux.

Pruzansky en 1982 utilise également la mandibule etl’articulation temporomandibulaire comme centre de réfé-rence [11].

Dans le grade I, le ramus est morphologiquement normalmais de taille moins importante par rapport au coté sain.

Dans le grade II, toutes les structures anatomiquescondyliennes, coronoïde, angulaire, échancrure sigmoïdesont reconnaissables mais déformées.

Dans le grade III, le ramus est très hypoplasique et cer-taines structures ne sont plus identifiables.

Lauritzen et Munro en 1985 propose une classificationtrès chirurgicale fondée sur l’importance des malformationsanatomiques, prenant en compte la mandibule, l’ATM, lezygoma et l’orbite [12].

David en 1986, puis Mulliken en 1988, sont les premiers àfaire part d’une classification prenant en compte les tissusmous, sans pour autant réaliser une classification desmacrostomies [13,14]. Ainsi Vento et Mulliken décriventune classification dite « OMENS » qui fait actuellementréférence. Il considère cinq catégories : O pour orbite, Mpour mandibule, E pour ear, N pour nerf facial et S poursoft tissues. Chaque catégorie est classée de 0 correspon-dant à une structure normale à 3 correspondant à uneatteinte sévère. Le problème de cette classification estqu’elle entend par « soft tissues » l’atrophie des tissusmous sans prendre en compte la macrostomie.

L’analyse rétrospective de cette série fait apparaîtreplusieurs points importants :

● il n’existe pas de forme intermédiaire de fentes commis-surales puisque la fente fait soit 1 à 2 cm soit s’étendjusqu’au tragus ;

● le masséter semble jouer un rôle de verrou latéral. Eneffet, la majorité des fentes font 1 à 2 cm de longueuret se termine toujours en avant du bord antérieur dumasséter. Sinon la fente est totale et se prolonge tout

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Figure 1A Fente commissurale de type I s’arrêtant en avantdu bord antérieur du masséter.

Figure 1B Exemple de fente commissurale mineure se termi-nant en avant du bord antérieure du masséter (type I).

Figure 2 Fente commissurale de type II ou majeure dépas-sant le masséter.

Étude épidémiologique et clinique des macrostomies 221

au moins sur le plan musculaire et muqueux jusqu’autragus, un pont cutané prétragien pouvant être retrouvéou dans certains cas se développe de façon antéroposté-rieure vers les piliers amygdaliens donnant ainsi unaspect de bride muqueuse ;

● les fentes commissurales bilatérales apparaissent êtreune entité à part entière puisque la quasi-totalité descas retrouvés décrit cette fente comme isolée sansaucune anomalie des tissus avoisinants. De plus, l’ab-sence de point commissural sain de référence rend lachirurgie compliquée par le fait qu’il faut définir unenéocommissure de façon arbitraire.

De ces constatations cliniques, ressort une classificationsimple ayant des répercussions directes sur le type de répa-ration :

Tableau 2 Mesures labiales normales

Distance philtrum–commissure (mmÂge Latin Caucasien Noir ANouveau-né 16–20 15 16 1Un an 18–22Trois ans 19–25 23 22 HCinq ans 21–27 25 23 HAdulte 30–40 35 34 H

● fente commissurale de type I ou mineure : se terminanttoujours en avant du bord antérieur du masséter (Fig. 1Aet 1B). La réparation chirurgicale comprendra une répa-ration muqueuse, une myoplastie orbiculaire de réorien-tation verticale des fibres musculaires et une suturecutanée soit linéaire soit par plastie en Z ;

● fente commissurale de type II ou majeure : dépassant lebord antérieur du masséter soit dans le sens transversalantéropostérieur (type IIa), soit dans le sens antéropos-térieur (type IIb) (Fig. 2). La réparation chirurgicalecomprendra une réparation muqueuse par suturelinéaire, puis si l’extension se fait transversalementvers le tragus, une dissection musculaire de la régionmassétérine avec en cas de masséter fendu ou de muscleunique temporomassétérin une réorientation des fibresmusculaires verticales permettant d’optimiser la fonc-tion masticatrice, une myoplastie orbiculaire et une fer-meture cutanée par suture linéaire au moins dans la por-tion jugale car les grandes plasties en Z décrites parMansfield donnent des résultats esthétiques de mauvai-ses qualités et nécessitent de larges décollements [15].Si l’extension se fait de façon antéropostérieure, unedissection des muscles des piliers amygdaliens avec réo-rientation verticale sera nécessaire ;

● fente commissurale de type III ou bilatérale mineure :ces fentes bilatérales ne dépassent donc pas le bordantérieur du masséter (Fig. 3A). Cette pathologie àpart entière nécessite un repérage précis dans l’espaceafin de positionner correctement la néocommissure sansse fonder sur un coté sain. Pour ce faire il est nécessaired’utiliser les mesures standard fondées sur des constatations réalisées par Cervenka, Millard, Boo-Chai et Kaplanqui sont résumés dans le Tableau 2 [8,16,17] ;

) Distance intercommissurale (mm)siatique Caucasien Noir Asiatique7 H = 39 ; f = 27 H = 38 f = 30 H = 34 f = 33

H = 40 ; f = 28= 25 ; f = 18 H = 42 ; f = 30= 26 ; f = 20 H = 44 ; f = 32 H = 56 f = 51 H = 49 f = 41= 39 ; f = 30 54 H = 72 f = 57 H = 56 f = 53

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Figure 3B Fente commissurale de type IVb ou bilatérale avecextension pharyngienne.

Figure 3A Fente commissurale de type III ou bilatéralemineure.

A. Gleizal et al.222

● fente commissurale de type IV ou bilatérale majeure :ces fentes peuvent avoir une extension transversale

(type IIIa) ou une extension antéropostérieure vers lepilier amygdalien (type IIIb) (Fig. 3B).

Conclusion

La macrostomie congénitale apparaît être une affectionrare dont l’étiologie reste à préciser. Deux entités différen-tes méritent d’être remarquées. D’une part les fentes com-missurales unilatérales, les plus fréquentes, qui rentrentfréquemment dans le cadre d’une dysmorphose latérofa-ciale de type syndrome otomandibulaire isolé ou non. D’au-tre part, les macrostomies bilatérales qui représentent 20 %des cas et qui sont dans la majorité des cas isolés.

La prise en charge thérapeutique des macrostomiescongénitales doit être calquée sur celle des fentes labiopa-latines classiques et doit donc entrer dans un protocole thé-rapeutique séquentiel préétabli.

Références

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