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Specbochmicu Acne. Vol. 39A,No. I I, pp. 1019-1026, 1983 Printed in Great Britain. 0584-8539183 s3.00 + 0.00 Pergamon Press Ltd. Etude par spectroscopic Raman de la liaison hydrogkne dans 1’Cthylknediamine g P&at solide sous ses deux formes allotropiques MICHEL JOUAN, NGUYEN QUY DAO et HENRY BRUSSET Laboratoire de Chimie et Physico-Chimie Mitt&ales, ERA 928, Ecole Centrale des Arts et Manufactures, 92290 Chatenay-Malabry, France (Received 29 April 1983) Abstract-The Raman spectra of partially deuterated ethylenediamine (5 and 95 7; on NH, groups) have been recorded between -46 and - 196°C in the region of the NH and ND stretching vibrations. The vibrational frequencies of the isotopically diluted NH and ND bonds enabled us to demonstrate the importance of the hydrogen bonds in the cohesion of the crystals and during the allotropic transformation, and also to show the influence of the asymmetric effect on the form of the normal modes of vibration of the NH, groups. INTRODUCTION Lors de nos Ctudes vibrationnelles sur les composes de solvatation de l’dthyltnediamine avec les halogtnures alcalins [l-1], nous avons CtCamen& a nous interesser aux spectres de vibration de composes isotopiquement dilds. Nous avons ainsi pu montrer, g&e aux spectres Raman de l’tthylenediamine solide partiellement de- utCrCe, que, dans la forme “Basse Temperature”, les deux liaisons NH des groupements NH2 ne sont pas Cquivalentes[4]. Nous avions d’autre part mis en evidence un changement de phase de l’ethylenediamine solide P basse temperature [l, 21. Etant don& que l’effet de la temperature sur les liaisons hydrogtne est generalement important, nous avons entrepris l’etude des spectres Raman de 1’Cthyltnediamine solide iso- topiquement dilute en nous inttressant aux vibrations de valence N-H et N-D, a leur variation en fonction de la temperature et au phenomene de changement de phase. CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES Les conditions de preparation des kchantillons et d’enregistrement des spectres ont deja CtC dCc- rites [ 141. Dans la suite, nous designerons par “enhd” et “endh” des melanges contenant respectivement 95 “/;, den et 5 “/od’end, en moles pour le premier, 5 “/oden et 95 “/od’end, pour le second*. Ces m&urges sont r&h& a l’etat liquide et, du fait de f&change rapide entre les atomes d’hydrogene des groupements NH,, on obtient finalement un liquide enhd contenant 90,25x de groupements NH2, 9,50x de groupements NHD et 0,25 “/ode groupements ND, en supposant, comme on le fait gentralement, qu’il y a equirepartition des atomes d’hydrogene et de deuterium. A Yetat solide, l’etude de la structure montre que les liaisons NH se repartissent en deux jeux de quatre liaisons sym- * en=NH,CH,CH,NH,; end,=ND,CH,CH,ND,. : Comme dans un precedent article r41, nous designerons par NH, la liaison correspondant a la fr&&ence la plus elevee et par NH,, I’autre liaison. etriquement Cquivalentes, chacun des deux jeux &ant represent6 dans chacun des quatres groupements NH*; nous avons deja montre que l’on peut mettre en evidence spectroscopiquement la nonequivalence des vibrateurs correspondant a chacun des deux jeux de liaisons NH, et NH: et nous avons explique cet effet par la presence de liaisons hydrogene NH,. . N alors que les liaisons NH, ne seraient pratiquement pas perturbees par de telles liaisons [4]. Si l’on admet qu’il y a ici encore Cquirepartition des atomes d’hydrogene et de deuterium, les 9,50% de groupements NHD se subdivisent done en 4,75 y0 de groupements NH,D, et 4,757; de groupements NH,D,. Ces proportions montrent que les groupements ND, (0,25 ‘A) &ant en quantites negligeables dans le melange enhd ne doivent pas apparaitre sur les spectres de vibration. Par contre, les groupements NH,D, et NH,D, (4,75x) sont en proportions suffisantes dans ce melange pour que les pits correpondant aux elongations ND,et ND, soient clairement visibles sur les spectres. Les pits cor- respondant aux elongations NH, et NH, de ces groupements devraient apparaitre aussi nettement mais, du fait qu’ils se trouvent dans le m’?me domaine de frequences que ceux des groupements NH,H, (90,25 %), ils peuvent ^etre noyes par ces derniers. En fait, on pourra Cventuellement les observer si l’effet du couplage entre les vibrateurs NH, et NH, dans les groupements NH,H, est suffisamment different de celui qui existe entre les vibrateurs NH et ND dans les groupements NH,D, et NHP,. SPECTRES RAYdAN DE L’ETHYLENEDIAMINE A L’ETAT SOLIDE ModiJications des spectres sous i’infIuence de la dilution isotopique Sur le spectre Raman de enhdBT (Fig. l), en dehors des pits correspondant aux vibrations des groupe- ments NH, 1 savoir v,,(NH,) sit& a 3336cm-’ et v,(NH,) en resonance de Fermi avec les niveaux 26(NH,), situ&s a 3170 et environ 3240cm-‘, nous voyons apparaitre nettement deux pits a 2455 et 2397 cm- qui peuvent ^etre attribues sans ambiguite 1019

Etude par spectroscopie Raman de la liaison hydrogène dans l'éthylènediamine à l'état solide sous ses deux formes allotropiques

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Specbochmicu Acne. Vol. 39A, No. I I, pp. 1019-1026, 1983 Printed in Great Britain.

0584-8539183 s3.00 + 0.00 Pergamon Press Ltd.

Etude par spectroscopic Raman de la liaison hydrogkne dans 1’Cthylknediamine g P&at solide sous ses deux formes allotropiques

MICHEL JOUAN, NGUYEN QUY DAO et HENRY BRUSSET

Laboratoire de Chimie et Physico-Chimie Mitt&ales, ERA 928, Ecole Centrale des Arts et Manufactures, 92290 Chatenay-Malabry, France

(Received 29 April 1983)

Abstract-The Raman spectra of partially deuterated ethylenediamine (5 and 95 7; on NH, groups) have been recorded between -46 and - 196°C in the region of the NH and ND stretching vibrations. The vibrational frequencies of the isotopically diluted NH and ND bonds enabled us to demonstrate the importance of the hydrogen bonds in the cohesion of the crystals and during the allotropic transformation, and also to show the influence of the asymmetric effect on the form of the normal modes of vibration of the NH, groups.

INTRODUCTION

Lors de nos Ctudes vibrationnelles sur les composes de solvatation de l’dthyltnediamine avec les halogtnures alcalins [l-1], nous avons CtC amen& a nous interesser aux spectres de vibration de composes isotopiquement dilds. Nous avons ainsi pu montrer, g&e aux spectres

Raman de l’tthylenediamine solide partiellement de- utCrCe, que, dans la forme “Basse Temperature”, les deux liaisons NH des groupements NH2 ne sont pas Cquivalentes[4]. Nous avions d’autre part mis en evidence un changement de phase de l’ethylenediamine solide P basse temperature [l, 21. Etant don& que l’effet de la temperature sur les liaisons hydrogtne est generalement important, nous avons entrepris l’etude des spectres Raman de 1’Cthyltnediamine solide iso- topiquement dilute en nous inttressant aux vibrations de valence N-H et N-D, a leur variation en fonction de la temperature et au phenomene de changement de phase.

CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES

Les conditions de preparation des kchantillons et d’enregistrement des spectres ont deja CtC dCc- rites [ 141. Dans la suite, nous designerons par “enhd” et “endh” des melanges contenant respectivement 95 “/;, den et 5 “/o d’end, en moles pour le premier, 5 “/o den et 95 “/o d’end, pour le second*. Ces m&urges sont r&h& a l’etat liquide et, du fait de f&change rapide entre les atomes d’hydrogene des groupements NH,, on obtient finalement un liquide enhd contenant 90,25x de groupements NH2, 9,50x de groupements NHD et 0,25 “/o de groupements ND, en supposant, comme on le fait gentralement, qu’il y a equirepartition des atomes d’hydrogene et de deuterium. A Yetat solide, l’etude de la structure montre que les liaisons NH se repartissent en deux jeux de quatre liaisons sym-

* en=NH,CH,CH,NH,; end,=ND,CH,CH,ND,. : Comme dans un precedent article r41, nous designerons

par NH, la liaison correspondant a la fr&&ence la plus elevee et par NH,, I’autre liaison.

etriquement Cquivalentes, chacun des deux jeux &ant

represent6 dans chacun des quatres groupements NH*; nous avons deja montre que l’on peut mettre en evidence spectroscopiquement la nonequivalence des vibrateurs correspondant a chacun des deux jeux de liaisons NH, et NH: et nous avons explique cet effet par la presence de liaisons hydrogene NH,. . N alors que les liaisons NH, ne seraient pratiquement pas perturbees par de telles liaisons [4]. Si l’on admet qu’il y a ici encore Cquirepartition des atomes d’hydrogene

et de deuterium, les 9,50% de groupements NHD se subdivisent done en 4,75 y0 de groupements NH,D, et 4,757; de groupements NH,D,. Ces proportions montrent que les groupements ND, (0,25 ‘A) &ant en quantites negligeables dans le melange enhd ne doivent pas apparaitre sur les spectres de vibration. Par contre, les groupements NH,D, et NH,D, (4,75x) sont en proportions suffisantes dans ce melange pour que les pits correpondant aux elongations ND,et ND, soient

clairement visibles sur les spectres. Les pits cor- respondant aux elongations NH, et NH, de ces groupements devraient apparaitre aussi nettement mais, du fait qu’ils se trouvent dans le m’?me domaine de frequences que ceux des groupements NH,H, (90,25 %), ils peuvent ^etre noyes par ces derniers. En fait, on pourra Cventuellement les observer si l’effet du couplage entre les vibrateurs NH, et NH, dans les groupements NH,H, est suffisamment different de celui qui existe entre les vibrateurs NH et ND dans les groupements NH,D, et NHP,.

SPECTRES RAYdAN DE L’ETHYLENEDIAMINE A L’ETAT

SOLIDE

ModiJications des spectres sous i’infIuence de la dilution isotopique

Sur le spectre Raman de enhdBT (Fig. l), en dehors des pits correspondant aux vibrations des groupe- ments NH, 1 savoir v,,(NH,) sit& a 3336cm-’ et v,(NH,) en resonance de Fermi avec les niveaux 26(NH,), situ&s a 3170 et environ 3240cm-‘, nous voyons apparaitre nettement deux pits a 2455 et 2397 cm- ’ qui peuvent ^etre attribues sans ambiguite

1019

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1020 MICHEL JOUAN et al.

2455 2397

2345

Fig. 1. Spectre Raman de 1Ythyknediamine a I’Ctat solide sous la forme BT (& - 46°C) dans le domaine des Clongations NH et ND. en haut : enhdBT; en bas : endhBT.

respectivement aux Clongations des liaisons ND, et ND,. On observe de m^eme SW le spectre de endhBT (Fig. 1) les pits correspondant aux Clongations des liaisons NH, et NH, respectivement g 3326 et 3242 cm- ’ tandis que les autres pits correspondent 51 v,,(ND,) (2494 cm- ‘) et v,(ND,) en resonance de Fermi avec les civeaux 26(ND,) (2425, 2400 et 2345 cm-‘).

L’examen des spectres nous montre que, comme prCvu, les pits correspondant d l’esptce isotopique-

ment dilute (ND pour enhd et NH pour endh) apparaissent seuls dans leur domaine de frkquence. On peut remarquer Cgalement que le pit v(NH,) g

3242 cm-’ [ou v(ND,)h 2397 cm-‘] correspondant zi l’klongation de la liaison NH,, . N (ou ND,. . N) perturbte par liaison hydrogkne est nettement plus large que celui qui correspond ?I la liaison NH, (3326 cm-‘) ou ND, (2455 cm-‘). D’autre part, par comparaison de ces deux frkquences avec celles du

groupement NH, (ou ND,) correspondant, on con- state que la frkquence v(NH3 [ou v(NDJ], bien que proche de v,dNH,) a 3336cm-’ [ou v,,(ND,) A 2494 cm- ’ 1, en differe cependant suffisamment pour que ces pits apparaissent skpartment. Les pits cor- respondant ?I v(NH,) sont par contre situ& chacun dans le m^eme domaine de frkquences que les pits dQs d l’klongation vs correspondante et aux niveaux 26 avec lesquels elle est en rksonance de Fermi; B cause de cette proximitC et de la plus grande largeur de ces pits, il ne nous a pas CtC possible de distinguer v(NHd dans enhd et v(NDd dans endh.

Effet de la tempirature

Afin d’ktudier l’effet de la temperature sur les frkquences de vibration NH (ND) examintes prC- ctdemment, nous avons enregistre les spectres Raman des melanges enhd et endh g diverses temperatures entre leur temptrature de fusion et la tempkrature de

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Speetroseopie Raman de la liaison hydrogene dans I’bthylenediamine 1021

l’azote liquide. Ceci nous a permis d’obtenir, pour

chacun des deux melanges, des spectres de la forme BT, de la forme TBT que nous avions precedemment mise en evidence [l, 21 et du melange de ces deux formes (Fig. 2). Ces spectres mettent en evidence deux phtno- mtnes principaux:

Dans la forme BT, les frtquences v(NHJ et v(NHd et [ v(NDJ et v(ND,)] sont telles que si l’on Porte leur valeur en fonction de la temperature (Fig. 3), on constate que pour v(NH,) [v(ND,)] il n’a y pratique- ment pas de variation avec la temperature tandis que v(NHd [v(ND&] diminue sensiblement avec la tem- perature (respectivement de 15 et 12cm-r dans l’intervalle CtudiC c’est-a-dire de - 46 a - 196°C); ceci confirme bien l’hypothese que nous avions avancte lors dun precedent article [4] oh nous avions propose

3326

3242 L

3312 ’ c

3237

M e

NH, comme ne participant pratiquement pas a une liaison hydrogene tandis que NH,, praticipe B une liaison hydrogbne de force moyenne.

En dessous de - 70°C environ, nous voyons genera- lement apparaitre Cgalement les raies correspondant a la forme TBT du fait du changement de phase. I1 est interessant de noter que l’on observe ici encore deux pits v(NH,) et v(NHd comme dans la forme BT. Le pit v(NH,) [v(ND,)] de la forme TBT se distingue nettement du pit v(NH,) [ v(ND,)] de la forme BT et se trouve a une frequence 16gkrement inferieure (re- spectivement 14 et lOcm_‘); sa frequence ne varie pratiquement pas avec la temperature. Le pit v(NH,) [v(ND,,)] de la forme TBT est par contre confondu avec celui de la forme BT et il est interessant de noter qu’il presente la m^eme variation que ce dernier avec la

2455 2397

h

I b 1

I d

2455

Fig. 2. Effet du changement de phase sur les frequences d’tlongation NH et ND dans les composes isotopiquement dilds. (a: endhBT [ - 46”C]; b: enhdBT [ - 46”C]; c: endhBT + endhTBT [ - 7O”C1; d: enhdBT + enhdTBT [ - 96C]; e: endhTBT [ - 146”C]; f: enhdTBT [ - 146”C]; g: enhdBT -I- enhdTBT

[ - 196”C].

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1022 MICHEL JOUAN et al

3301

3251

2451

a- 3

I 0 240

+

+

Y (NH,) enBT +-f-C-+-+-+,

v(NH,) enTBT +

v(NH,) enBT et enTBT

+ + +__+-+-+-

+ e

v(ND,,) enBT

+-+-+- +-+L+-+~+_

t++ +-

v(ND,) enTBT

v(ND,) enBT et enTBT

+-+-+-+-+-+- + + + -

+ I I I I III I I

-196 -183 -171 -146 -12 -96 -70-65-58 -46 -28

t PC)

Fig. 3. Effet de la tempkrature sur les frequences d’elongation NH et ND isotopiquement diluCes dans 1’6thyknediamine solide sous ses deux formes allotropiques.

temperature. Nous verrons dans la partie discussion comment nous pouvons relier ces resultats a la nature reelle des vibrations d’elongation des groupements

NH, (ND,). Signalons enfin un fait experimental interessant:

dans le cas du melange des formes BT et TBT de enhd obtenu par transformation incomplete de la forme BT, nous avons vu apparaitre un nouveau pit dont la frequence (2418 cm- ‘) correspond a la moyenne des frequences v(ND,) et v(NDJ correspondantes (Fig. 2g). Nous verrons dans la partie discussion comment relier ce fait experimental au mecanisme du change- ment de phase.

E$et de la polarisation

GCnCralement, les solides obtenus lors de nos man- ipulations sont sous forme polycristalline; nous avons cependant pu obtenir dans un cas des spectres Raman polarises de enhdBT. La Fig. 4 reproduit les 4 com- posantes x(zz)y, x(yx)y, x(zx)y et x(yz)y du spectre Raman dans le domaine des elongations ND (234&2490cm-‘). On peut y remarquer un trts net effet de polarisation dans lequel l’intensite relative du pit v(ND,) (2396 cm- ‘) par rapport au pit v(ND.J (2455 cm- ‘) est la plus forte dans la polarisation x(zz)y et la moins forte dans la polarisation x(yx)y. Now avons enregistrt la partie du spectre correspondant aux elongations NH, dans les deux polarisations les

plus typiques relevees ci-dessus. On constate que selon que v(NHd est relativement plus intense [x(zz)y] ou moins intense [x(yx)y] que v(NH,), il en est de m^eme pour l’intensite des pits v,(NH,) et 26(NH,) par rapport a celle du pit v,,(NH,). Nous verrons ci- dessous comment ce resultat peut ‘Stre relic lui aussi A la nature rtelle des vibrations d’elongation des groupe- ments NH, et ND,.

DISCUSSION

Liaisons hydrogLne

Dans un precedent article[4], nous avions deja signale que, sur le spectre de endhBT, on trouve deux pits dans le domaine des elongations NH correspond- ant aux vibrations des liaisons NH isotopiquement diluees et nous avions propose une interpretation basee sur la structure cristalline. En effet, comme nous l’avons signale plus haut, les 8 liaisons NH dans la maille se repartissent en 2 jeux de 4 liaisons Cquivalen- tes, chaque groupement NH, comportant une liaison de chacun des 2 jeux. Dans ces conditions, le pit de frequence la plus tlevee, a 3326 cm-r correspond A Mongation des liaisons que nous avons appelees NH, qui ne sont pratiquement pas perturbees par liaison hydrogtne car elles ne pointent pas vers un atome d’azote proche. L’autre pit, de frequence comprise entre 3231 et 3245 cm- ’ correspond a l’elongation des

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Spectroscopic Raman de la liaison hydrogtne dans l’&hyltnediamine 1023

3336 v 3326

cl

/

3172

X(zq Y

d

A x(YZ) Y

h e

Fig. 4. Spectres Raman polaris& de enhdBT 21 - 58°C dans le domaine des 6longations NH et ND. (Les polarisations sont rep&es suivant la notation de PORT0 part rapport 9 un systkme d’axes drthonormts

arbitraires et A priori sans relation avec ceux du cristal.)

liaisons que nous avons appelees NH, et qui sont perturbkes par liaison hydrogene puisqu’elles pointent approximativement vers un atome d’azote relative- ment proche; la distance N . . . N (322 pm) relative- ment longue, bien que plus courte que la distance analogue dans NH, (338 pm)[5], permet de prevoir qu’il devrait s’agir d’une liaison hydrogene que l’on peut qualifier de moyenne[6]. La difference entre v(NHJ et v(NHJ, de l’ordre de 8&95 cm- ’ suivant la temperature montre qu’effectivement, la liaison NH, doit 8tre affectee par une liaison hydrogene notable- ment plus importante que celle qui affecte la liaison NH,

Les rtsultats obtenus au tours de la prtsente etude montrent que l’on peut bien mettre en evidence le m^eme phenomene pour enhdBT c’est-a-dire dans le cas inverse de liaisons ND isolees dans un environnement

de liaisons NH et de groupements NH,. On trouve ainsi, a 2455 cm- ’ un pit que l’on peut attribuer aux liaison ND,et un pit de frequence comprise entre 2384 et 2397 cm-’ qui correspond aux liaisons ND,. Les rapport isotopiques pour ces deux frtquences sont pratiquement Cgaux et leur valeur (1,355) correspond a ce que l’on peut attendre dans le cas de liaisons NH non associees; ceci montre encore que nous ne nous trouvons pas ici dans un cas de liaisons hydrogene fortes. En utilisant la formule de KRIMM[~] qui correspond d’ailleurs ici simplement a l’approximation de l’oscillateur diatomique, on trouve en effet une valeur (1,369) supkrieure d’environ 1 7” au rapport observe, comme cela semble normal dans le cas de vibrateurs NH et OH. Ce rtsultat est en bon accord avec la litterature [6] 00 les liaisons hydrogene dans les amines auto-associees (en solution diluee) sont

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1024 MICHEL JOUAN et al

qualifiees de faibles (avec des valeurs de AH ne depassant pas 12-16 kJ mol- ‘) et oti, pour le dim&e de la dimethylamine (en solution dans un solvant inerte)

par exemple, l’abaissement de la frequence v(NH), du fait de la liaison hydrogbne, est d’environ 50 cm- ‘.

La modification des spectres en fonction de la temperature confirme ce resultat: la liaison NH, prati- quement pas perturbee par liaison hydrogene a ef- fectivement une frequence qui ne varie pas, a la precision des mesures p&s, entre - 28 et - 196°C; la diminution reguliere de v(NH,) avec la temperature (0,08 cm- ’ ‘C-l) est pratiquement Cgale a celle que l’on trouve dans le dimere de la dimethylamine (0,09 cm- 1 “C- ’ ) [6] et nous indique elle aussi que la liaison hydrogene est de force moyenne. L’etude des frequences v(NDJ et v(ND,) conduit aux m^emes resultats.

Les spectres obtenus pour la forme TBT nous montrent que la frequence la plus ClevCe a diminue de 14 cm-’ pour NH, et environ lOcm_’ pour ND,. Ceci veut dire que les liaisons NH,et ND, se trouvent maintenant affectees dune liaison hydrogene tres faible et en particulier nettement plus faible que celle qui affecte les liaisons NH, et ND, dans cette forme.

(Nous ne prejugeons en rien ici dune interversion ou non des deux liaisons NH de chaque groupement NH, lors du changement de phase.) Dans ces conditions, on s’attend a ce que v(NH,) et v(ND3 puissent presenter une diminution trbs faible avec la temperature. En fait, nos resultats experimentaux ne permettent ni d’infirmer ni de confirmer une Cventuelle diminution de ces deux frequences avec la temperature, m’?me si

v(NDJ semble presenter effectivement cette

diminution. En ce qui concerne la frequence v(NHd ou v(ND&

par contre, tant pour l’une ou l’autre des deux formes BT et TBT que pour le melange des deux, nous n’avons pas observe de dedoublement ni m^eme d’elargissement du pit correspondant. Ceci veut dire que v(NHd et v(NDd ont la m^eme valeur dans les deux formes et, par consequent, presentent la m^eme diminution avec la temperature. Nous pouvons done en conclure que, dans la forme TBT, l’une des liaisons NH ou ND (NH,

ou ND,) presente les m^emes caracteristiques de liaison hydrogene de force moyenne que la liaison NH, ou ND, de la forme BT tandis que l’autre liaison NH ou ND (NH, ou ND,) de la forme TBT differe de la liaison NH, ou ND, correspondante de la forme BT par la faible liaison hydrogene que l’on peut mettre en evidence sur nos spectres pour cette liaison.

Influence de l’asymktrie des liaisons hydrogbne sur les

modes normaux et /a polarisation des raies

Nous avons montre [4,8] qu’a partir des frequences des vibrations d’elongation NH des groupements NH, et NHD dans un environnement legerement asymet- rique, il est possible, grlce a des formules approchees, de calculer la contribution de chacune des deux liaisons aux modes d’elongation des groupements NH,. Dans

les cas oh, comme ici, la frequence v, est perturbee par resonance de Fermi avec le niveau 26, il est possible de

resoudre cette resonance avec une bonne approxima- tion si I’on suppose que les relations approchees de BURNEAU [9] sur les coefficients d’anharmonicite re- stent valab!es. En effet, dans ce cas, l’effet du couplage entre les vibrations NH et ND est d’augmenter v(NH) #environ 2 cm- ’ [et de diminuer r(ND) d’environ 3 cm- ‘1 [8] en supposant, bien stir, que les vibrations d’elongation des groupements NH, peuvent ^etre traitees separement. Done, si l’on admet que v,,(NH,) n’est pas perturbee par resonance de Fermi, la valeur de

A(NH,Hd = v,,(NH,Hd- v,(NH,Hd peut ^etre calculee avec une bonne approximation par la

relation: A(NH,H,) = Z[v,,(NH,H,) - v(NHA + 21 + A,(NH,Hd avec AO(NH,Hd = v(NHJ - v(NH&

La valeur de v,(NH,)- v(NH;3 mesuree sur nos spectres &ant de 10 cm- I, la forme des modes nor- maux d’elongation que l’on en deduit Q - 58°C. c’est-a- dire pour A0 = 84 cm- ’ est, en ne retenant que les termes correspondant aux elongations NH, et NH,:

S,, = 0,93 NH,-0,37 NH,,

5, = 0,37 NH,+ 0,93 NH,,

c’est-a-dire que, si l’on se base sur les coefficients correspondants dans la distribution de l’tnergie poten- tielle, v,,(NH,) est compose de 86 “/, NH, et 14 ‘x NH, et v,(NH,) est compose de 14 ‘;;, NH,et 86 ‘x NH,. Les vibrations d’elongation des groupements ND, con- duisent a des resultats analogues bien que non ident- iques. Dans ces conditions, on peut interpreter divers

effets observes sur les spectres. En ce qui concerne l’effet de la polarisation, on

s’attend ace que les caracteristiques de polarisation du pit v,,(NH,) qui correspond a une elongation NH,

soient les m’?mes que celles du pit v(NDJ et done que du pit v(NH3 et qu’il en soit de m^eme entre les pits v,(NH,) et v(NDd. C’est ce que nous observons effectivement sur les spectres (Fig. 4).

Similairement, la variation avec la temperature des frequences de vibration est telle que v(NHd ne varie pas pour une m^eme phase mais diminue de 14 cm- ’ lors du changement de phase; on constate qu’effectivement, v_(NH,) ne varie pas avec la tem- perature et diminue de 13 cm ’ lors du changement de phase. En ce qui concerne v(NHd, il presente la m^eme valeur dans les deux formes mais diminue regulitre- ment avec la temperature. On constate que les pits vset 26 ont leur frequence qui diminue effectivement avec la temperature et que v, semble ne pas varier lors du

changement de phase. Les frequences d’elongation des groupements ND,

conduisent a des observations analogues mais moins nettes du fait du couplage different des vibrateurs ND entre eux et avec les autres vibrateurs de la molecule.

Changement de phase et hypothkse de structure pour la

forme TBT

Remarquons tout d’abord que lors du changement de phase enBT -+ enTBT, le squelette N-C-C-N de la

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Spectroscopic Raman de la liaison hydrogtne dans I’Cthyltnediamine 1025

molCcule reste sous la conformation trans, ainsi que

cela a CtC montrC par nous m^eme [l, 21 et par RIGHINI et CALIFANO[13]. Les problkmes que l’on peut se poser concernent done la structure molCculaire exacte de enTBT et les causes du changements de phase. NOUS

avions dejja mentionnC que l’effet du changement de phase enBT + enTBT se traduit, au niveau des groupe- ments NH,, par un 1Cger accroissement, au total, des forces de liaison hydrogene puisque la diffkrence entre les deux structures correspond B l’apparition d’une liaison hydrogkne faible remplapnt une liaison hydro- g&ne pratiquement nulle.

On constate de plus que la difference entre les forces de liaison hydrogene NH,. . N et NH,. . . N dans enTBT est plus faible que dans enBT (72 cm- ’ au lieu de 86 cm- ‘). 11 est done interessant d’examiner dans quelle mesure les diff&ences v(NHJ -v(NHd ob- servCes dans les 2 phases sont normales pour des cristaux d’amine primaire ou si au contraire elles sont en majeure partie dDes a des effets d’encombrement stCrique et de rigidit du squelette de la molCcule d’Cthyl&nediamine. En effet, les groupements NH, peuvent donner 2 protons mais ne disposent que d’un seul doublet pour les recevoir. La mkthylamine fournit un exemple de cristal d’amine primaire oti l’encombrement de la chaine est rCduit au minimum et

oh il n’y a pas d’effet de rigidit du squelette. On constate dans ce cas qu’il existe deux pits v(NHJ et v(NHd sur le spectre du solide isotopiquement

diluC[lO] et que la diffkrence v(NH;3- v(NHd qui vaut 3309 - 3259 = 50 cm-’ & - 105°C n’est en fait que peu infkrieure aux valeurs correspondantes pour enBT (3326-3240 = 86 cm-‘) et enTBT (3312 - 3240 = 72 cm-‘). Si l’on tient compte de ce que les frCquences d’Clongation NH sont en gCnCra1 plus

Clevees dans la mithylamine que dans l’kthylknediamine A cause d’effets intramolCculaires, la comparaison des frCquences ci-dessus montre que la principale diffkrence entre les liaisons hydrogkne dans ces composCs reside dans une liaison hydrogkne NH,

N plus forte dans la mkthylamine que dans l’tthyl&nediamine. On peut done en dtduire que le changement de phase de l’dthylknediamine a pour effet de diminuer 1’Ccart entre les deux forces de liaison hydrogkne, pour le rapprocher de la valeur observCe pour la mkthylamine qui apparait ainsi comme un cas limite.

La difference entre les deux formes enBT et enTBT reside done soit dans une simple difference d’empilement de molCcules d’kthylknediamine dont la conformation ne changerait pas, soit dans une rotation des groupement NH, autour de la liaison C-N (probablement accompagnCe d’une diff&ence d’empilement des molCcules). La faible Cnergie nCcess- aire A cette rotation (2,7 kJ mol-’ pour Mhylamine [14]) serait compensCe principalement par l’augmentation des forces de liaison hydrogkne; la difficultC de la transformation s’expliquerait alors par le fait que la barriere de potentiel sCparant les deux conformations gauche-trans de la liaison C-N

(6,5 kJ mol-’ pour l’tthylamine) serait notablement

supCrieure A l’enthalpie de la rtaction. C’est cette deuxieme possibilitC qui nous semble la plus

vraisemblable. Le changement de phase se traduit done par une

rotation concert&e des 2 groupements NH, autour des axes CN de manikre A conserver son centre de symCtrie P la molCcule. Le pit g 2418 cm- ’ de la Fig. 2(g) s’explique ainsi par le fait que dans certaines ex- ptriences le rkarrangement des molCcules d’Cthyl*nediamine dans les Cchantillons microcristall-

is& se fait progressivement et la position moyenne observCe correspond A un pseudo-puits de potentiel intermolCculaire.

Dans ces conditions, on peut comprendre que la forme BT soit une forme relativement instable bien que les molCcules y soient sous la configuration trans qui est rCputCe la plus stable. Ceci est vCrifiC par le fait que dans 1’Cthyltnediamine hydratte en-H,0 solide, les molCcules d’Cthyl&nediamine sont egalement sous la

forme trans mais les liaisons hydrogkne existantes sont dans ce cas suffisamment importantes pour qu’il n’y ait plus de changement de phase par refroidissement [2,8].

Une Ctude de deutkration partielle sur les groupe- ments CH, est actuellement en tours pour confirmer la conformation gauche des liaisons CH,-NH, en se basant sur l’effet trans du doublet non appariC de l’azote [15,16].

En conclusion, au tours de cette etude nous avons pu montrer, grlce 5 la deuteration partielle sur les groupements NH2, que ces groupements sont as- ymetriques. Cette asymCtrie est bien d^ue B la diffkrence de la force des liaisons hydrogkne et nous avons pu estimer quantitativement l’effet de cette asymCtrie sur les modes normaux de vibration. Ces liaisons hydro- g&ne jouent un grand rale dans la cohesion des cristaux d’CthyBnediamine et nous avons pu montrer que la transformation en une phase TBT correspond A un accroissement de ces liaisons hydrogtne par particip- ation de la liaison NH non perturbCe dans la forme BT.

Remerciements-Nous remercions vivement Monsieur MENARD pour son aide efficace dans la partie expkrimentale de ce travail.

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