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Etude spectroscopique des dCrivCs du peroxyde d'hydrogcne. IV. L'acide de Caro, H2S0, Jose L. ARNAU ET PAUL A. GIGUERE Centre de Recl~erches sur les Atomes et les Molicules, UniversitP Laval, Quibec 10, Quebic Requ le 3 juillet 1970 On a mesure pour la premiire fois les spectres i.r. et Raman de HzSOS pur a I'Ctat cristallin entre 4000 et 30 cm-'. La plupart des vibrations fondamentales de la molCcule ont CtC identifiks par analogie avec celles des molecules de et H20z, ainsi que I'ion HSOS-. On a Cgalement repirk une douzaine de vibrations de rCseau. Contrairement a I'expectative la vibration de valence 0-0 se trouve a une frtquence Iegkrement sugrieure (886 cm-I) a celle de H 2 0 zcristallin. Les deux groupes hydroxyles sont nettement differents, tant du point de vue spectroscopique que chimique. Le groupe OH ionisable forme des liaisons hydrogkne intermolCculaires assez fortes comme dans HzS04. Par contre le groupe 0 2 H , peu ionisable, participe a une liaison hydrogine intramoleculaire. La maille Clementaire du cristal doit contenir plus de deux molecules. The i.r. and laser Raman spectra of pure, crystalline Caro's acid, H2SOS, were measured for the first time between 4000 and 30 cm-I. Most of the fundamental vibrations of the molecule could be identified by comparison with those of the H2S04, H202and HSOS- species. In addition, a dozen or so of lattice modes were recorded. The 0-0 stretching frequency is slightly higher (886 cm-I) than in solid HzOz, contrary to expectation. The two hydroxyl groups are quite different, both chemically (Caro's acid is essentially monobasic) and spectroscopically. The ionizable OH group forms strong intermolecular hydrogen bonds, as in HzS04. However, the non-ionizable 0 2 Hgroup is engaged mainly in intramolec- ular hydrogen bonding. The unit cell of the crystalline acid must contain more than two molecules. Canadian Journal of Chemistry, 48, 3903 (1970) Introduction L'acide monopersulfurique dtcouvert par Caro en 1898 (1) a t t t tr6s peu ttudit jusqu'ici du point de vue structural. La raison en est que l'acide pur est difficile a preparer vu son caract6re instable (danger d'explosion !), fortement rtactif et hygros- copique. Sa composition et sa structure HO- S0244H ont ttC ttablies par d'Ans et Friederich (2-4). Aucune Ctude par les mCthodes de diffraction n'a encore ttC rapportte a notre connaissance. La seule Ctude spectroscopique connue est celle de Simon (5) qui a mesurC le spectre Raman sans toutefois attribuer les frtquences observtes. Son but Ctait surtout de confirmer l'absence de liaison S-H, laquelle aurait pu expliquer le caract6re monobasique de l'acide. En i.r. seul le sel KHSO,, son mono- hydrate, et leurs tquivalents deutCriCs ont CtC CtudiCs (6). Intuitivement on peut imaginer la configuration de la molCcule H2S05 en rem- pla~ant un atome d'hydroghe par un groupe OH dans la moltcule bien connue H2S04. I1 nous a semblC qu'une ttude spectroscopique utilisant les techniques modernes pourrait fournir des prC- cisions utiles A savoir, par exemple, comment la liaison 04 se compare a celle des autres dCrivCs du peroxyde d'hydrogcne (7), ou encore l'influence du pont peroxyde sur les frtquences fondamentales du groupe SO,, et enfin le type de liaisons hydroghe dans le cristal. Partie expkrimentale L'acide pur a ett prepare par la methode classique (2) suivant la reaction 11 1 H202 + HS03CI +- H2SOS + HCI et is016 par centrifugation, tel que dkrit r h m m e n t par Kyrki (8). Le peroxyde d'hydrogkne, titrant 99% en poids, avait etC obtenu par distillation fractionnk sous vide du produit commercial 5 80% (BECCO). Quant 5 I'acide chlorosulfurique, le produit "Reagent Grade" de Eastman Organic Chemicals a CtC employk. Le produit original frais peut servir tel quel, mais a p r b un certain temps au contact de I'air ils'altere. I1 faut alors le redistiller, sinon il devient impossible de cristalliser I'acide de Caro. Une autre prkaution a observer concerne I'agitation de la solution tout au long de la reaction. I1 faut, en effet, 6liminer le gaz chlorhydrique au fur et a mesure de sa formation; autrement il finit par s'oxyder. Le chlore ainsi produit colore la solu- tion en jaune, et il est presque impossible de 1'Climiner par succion. De plus, il empkhe le produit final de cristalliser. Aprks quelques essais infructueux nous avons mis au point le dispositif illustr6 sur la fig. 1. L'acide chloro- sulfurique dans un petit ballon Ctait refroidi a environ -45" dans un bain de chlorobenzene maintenu a son point de congClation par addition periodique d'azote liquide. Un courant d'azote gazeux sec introduit par le tube lateral assurait I'agitation ainsi que I'atmosphere inerte. Le peroxyds d'hydrogene dans un petit entonnoir relie au ballon par un rodage, Ctait ajoute goutte B goutte au moyen d'un robinet 5 c!ef de Teflon. Une fois tout le peroxyde ajoutC, en quantite stoechiom8trique, le melange liquide Btait ramen6 B temperature ordinaire tout en maintenant le courant d'azote. I1 se formait alors une sorte de mousse qui disparaissait apres un certain Can. J. Chem. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by BROWN UNIVERSITY on 09/04/13 For personal use only.

Etude spectroscopique des dérivés du peroxyde d'hydrogène. IV. L'acide de Caro, H 2 SO 5

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Etude spectroscopique des dCrivCs du peroxyde d'hydrogcne. IV. L'acide de Caro, H2S0,

Jose L. ARNAU ET PAUL A. GIGUERE Centre de Recl~erches sur les Atomes et les Molicules, UniversitP Laval, Quibec 10, Quebic

Requ le 3 juillet 1970

On a mesure pour la premiire fois les spectres i.r. et Raman de HzSOS pur a I'Ctat cristallin entre 4000 et 30 cm-'. La plupart des vibrations fondamentales de la molCcule ont CtC identifiks par analogie avec celles des molecules de et H20z , ainsi que I'ion HSOS-. On a Cgalement repirk une douzaine de vibrations de rCseau. Contrairement a I'expectative la vibration de valence 0-0 se trouve a une frtquence Iegkrement sugrieure (886 cm-I) a celle de H 2 0 z cristallin. Les deux groupes hydroxyles sont nettement differents, tant du point de vue spectroscopique que chimique. Le groupe OH ionisable forme des liaisons hydrogkne intermolCculaires assez fortes comme dans HzS04. Par contre le groupe 02H, peu ionisable, participe a une liaison hydrogine intramoleculaire. La maille Clementaire du cristal doit contenir plus de deux molecules.

The i.r. and laser Raman spectra of pure, crystalline Caro's acid, H2SOS, were measured for the first time between 4000 and 30 cm-I. Most of the fundamental vibrations of the molecule could be identified by comparison with those of the H2S04, H202 and HSOS- species. In addition, a dozen or so of lattice modes were recorded. The 0-0 stretching frequency is slightly higher (886 cm-I) than in solid HzOz, contrary to expectation. The two hydroxyl groups are quite different, both chemically (Caro's acid is essentially monobasic) and spectroscopically. The ionizable OH group forms strong intermolecular hydrogen bonds, as in HzS04. However, the non-ionizable 0 2 H group is engaged mainly in intramolec- ular hydrogen bonding. The unit cell of the crystalline acid must contain more than two molecules.

Canadian Journal of Chemistry, 48, 3903 (1970)

Introduction L'acide monopersulfurique dtcouvert par Caro

en 1898 (1) a t t t tr6s peu ttudit jusqu'ici du point de vue structural. La raison en est que l'acide pur est difficile a preparer vu son caract6re instable (danger d'explosion !), fortement rtactif et hygros- copique. Sa composition et sa structure HO- S 0 2 4 4 H ont ttC ttablies par d'Ans et Friederich (2-4). Aucune Ctude par les mCthodes de diffraction n'a encore ttC rapportte a notre connaissance. La seule Ctude spectroscopique connue est celle de Simon (5) qui a mesurC le spectre Raman sans toutefois attribuer les frtquences observtes. Son but Ctait surtout de confirmer l'absence de liaison S-H, laquelle aurait pu expliquer le caract6re monobasique de l'acide. En i.r. seul le sel KHSO,, son mono- hydrate, et leurs tquivalents deutCriCs ont CtC CtudiCs (6). Intuitivement on peut imaginer la configuration de la molCcule H2S05 en rem- pla~ant un atome d'hydroghe par un groupe OH dans la moltcule bien connue H2S04. I1 nous a semblC qu'une ttude spectroscopique utilisant les techniques modernes pourrait fournir des prC- cisions utiles A savoir, par exemple, comment la liaison 0 4 se compare a celle des autres dCrivCs du peroxyde d'hydrogcne (7), ou encore l'influence du pont peroxyde sur les frtquences fondamentales du groupe SO,, et enfin le type de liaisons hydroghe dans le cristal.

Partie expkrimentale L'acide pur a ett prepare par la methode classique (2)

suivant la reaction

11 1 H202 + HS03CI +- H2SOS + HCI

et is016 par centrifugation, tel que dkrit r h m m e n t par Kyrki (8). Le peroxyde d'hydrogkne, titrant 99% en poids, avait etC obtenu par distillation fractionnk sous vide du produit commercial 5 80% (BECCO). Quant 5 I'acide chlorosulfurique, le produit "Reagent Grade" de Eastman Organic Chemicals a CtC employk. Le produit original frais peut servir tel quel, mais a p r b un certain temps au contact de I'air ils'altere. I1 faut alors le redistiller, sinon il devient impossible de cristalliser I'acide de Caro. Une autre prkaution a observer concerne I'agitation de la solution tout au long de la reaction. I1 faut, en effet, 6liminer le gaz chlorhydrique au fur et a mesure de sa formation; autrement il finit par s'oxyder. Le chlore ainsi produit colore la solu- tion en jaune, et il est presque impossible de 1'Climiner par succion. De plus, il empkhe le produit final de cristalliser.

Aprks quelques essais infructueux nous avons mis au point le dispositif illustr6 sur la fig. 1. L'acide chloro- sulfurique dans un petit ballon Ctait refroidi a environ -45" dans un bain de chlorobenzene maintenu a son point de congClation par addition periodique d'azote liquide. Un courant d'azote gazeux sec introduit par le tube lateral assurait I'agitation ainsi que I'atmosphere inerte. Le peroxyds d'hydrogene dans un petit entonnoir relie au ballon par un rodage, Ctait ajoute goutte B goutte au moyen d'un robinet 5 c!ef de Teflon. Une fois tout le peroxyde ajoutC, en quantite stoechiom8trique, le melange liquide Btait ramen6 B temperature ordinaire tout en maintenant le courant d'azote. I1 se formait alors une sorte de mousse qui disparaissait apres un certain

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FIG. 1. Appareil utilise pour preparer I'acide de Caro en atmosphere inerte.

temps laissant la solution claire et visquzuse. On arretait alors le courant gazeux, on fermait le robinet d'6vacuation et on refroidissait de nouveau la solution qui se separait en deux couches; le peracide liquide et un peu de solution- mere sumageant. Peu apres, la cristallisation s? produisait brusquement.

Par centrifugation dans un tube i essai muni d'un diaphragme de verre fritte les cristaux Btaient debarrasses d? la solution-mere. Le volume de celle-ci Ctait toujours faible vu le rendement assez Cleve de la reaction. Le peracide ttait alors fondu (vers 45 "C) puis recristallise sous forme d'aiguilles transparentes: point de fusion d'environ 47" tel que rapport6 par Kyrki. I1 se conservait sans dkomposition appreciable pendant plusieurs semaines dans un recipient hermetique et au rkfrigerateur. On n'en prCparait jamais plus de 5 g. a la fois 2 cause du danger d'explosion mentionnt par divers auteurs (4, 5,9) lequel, heureusement, ne s'est jamais mattrialisi dans notre cas.

Les Cchantillons pour les spectres Raman Btaient relativement faciles a prkparer; soit en versant directe- ment le produit liquide de la reaction dans un tube conique et en le cristallisant, soit, pour le spectrographe A laser, en scellant dans un mince capillaire de Pyrex un peu du solide fondu puis recristallisC. Les deux types d'Cchantillons ne montraient pas de differences notables dans leurs spectres, ce qui confirme bien la faible pro- portion de solution-mere dans le premier cas. Pour I1i.r., cependant, la preparation des tchantillons fut extrime- ment delicate vu le caractere a la fois corrosif, hygros- copique et instable du peracide. Aussi fallait-il travailler en atmosphere inerte, et protCger toutes les parties mCtalliques de la cellule d'absorption en les recouvrant

CHEMISTRY. VOL. 48. 1970

de ruban de Teflon. Quant aux fenitres portant 1'Cchan- tillon, la plupart des matkriaux courants se sont avCrCs inutilisables. Par exemple, NaCI, CaF, et AgCl catalysent la decomposition de I'acide de Caro; par ailleurs KBr, CsBr et Irtran-2 (Eastman Kodak) sont sensibles aux oxydants Cnergiques. Seules de minces (2mm) fenitres de silicium ClCmentaire poli ont permis d'obtenir des echantillons convenables.

Pour priparer les echantillons toutes les mCthodes courantes ont kt6 essaykes sans succes; soit par dispersion dans le nujol, le fluorolube ou la graisse Kel-F, soit en faisant reagir sur la fenctre refroidie des couches minces superposkes des deux reactifs de depart. Eventuellement on a eu recours a la technique qui avait ete mise au point dans ce laboratoire pour les spectres de I'ion H 3 0 + en solution dans SOz liquide (10). Une goutte de peracide liquide (soit le produit original de la reaction, soit le solide fondu) etait introduite, rapidement, et sous un fort courant d'azote sec, entre les deux fenitres de silicium dans le porte-echantillon. Apres refroidissement jusqu'a environ - 100" on evacuait la cellule et on laissait rkchauffer 1'Cchantillon pour le cristalliser. On a rtussi par la mime technique ii obtenir quelques bons spectres avec des fenitres neuves de AgCl en procidant tres vite pour devancer la dCcomposition du peracide. Dans ce cas I'khantillon cristallisait pendant le refroidissenlent. Des tentatives pour obtenir le spectre infrarouge en solution tres diluee dans un solvant inerte n'ont pas donne de resultats. Ainsi le peracide semblait completement insoluble dans le tetrachlorure de carbone; ce dernier, meme apres purification prolongee, devenait trouble et color6 au contact de I'acide. Les spectres ont ete enregistres avec les mcmes instruments que prkcedemment (7), sauf pour le Raman a excitation laser qui a ete dCcrit ailleurs (1 I).

InterprCtation des spectres

Les figs. 2, 3 et 4 sont une reconstitution des spectres i.r. et Raman de I'acide de Caro pur. Les friquences au maximum des principales bandes sont doilntes au tableau 1 avec les attribu- tions propostes. Ces dernieres, en l'absence de toute donnte expkrimentale sur la structure, ont CtC faites en prenant comme modele la moltcule H,SO, et en y rempla~ant un atome d'hydrogene par un groupe OH. Dans ce modele I'indtter- mination principale vient de l'orientation des groupes OH et OOH. Dans I'hypothese, a priori assez peu probable, oh ces deux groupes seraient situCs dans un m&me plan perpendiculaire a celui du groupe SO, on aurait une configuration de symttrie C,. Autrement, i l n'y aurait aucun ClCment de symCtrie. Dans le premier cas la reprksentation rCductible serait 12 A' + 6 A"; mais dans ce cas comme dans I'autre les dix-huit modes doivent Etre actifs aussi bien en i.r. qu'en Raman. Le nombre de bandes observtes ne peut donc servir de crithe ici. Simon (5) avait conclu

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FIG. 3. Bandes d'absorption de H2S0, cristallin dans I'infrarouge lointain.

que la moltcule H,SO, n'avait aucune symttrie vu le grand nombre de bandes, quinze ou seize, dans ses spectres Raman. I1 faut noter toutefois que plusieurs de ces bandes sont en fait des composantes difftrentes d'une m&me vibration (tableau 1).

Les vibrations OH On sait dtja que les deux groupes OH sont loin

d'Ctre Cquivalents dans H,S05. En effet l'acide de Caro est essentiellement monobasique, le pK de seconde ionisation Ctant de l'ordre de 10 (6). On peut expliquer cette caracttristique ?I l'aide des structures de rtsonance suivantes:

Ainsi la structure Clectronique 2 fait apparaitre une charge positive sur l'oxygine du groupe hydroxyle, rendant ainsi le proton trks ionisable. Rien de tel ne se produit dans la structure 3, le groupe perhydroxyle s'opposant a la trans- mission des effets d'induction.

La non-tquivalence des deux groupes OH est confirmte dans les spectres infrarouges par la prtsence de deux bandes de valence nettement difftrentes d'aspect: la premihe 3350 cm-', assez fine (moins de 100 cm-' A mi-hauteur), et la seconde beaucoup plus large, avec maximum

vers 2890 cm-'. Par analogie avec H2S04 (12) cette derniere doit appartenir au groupe OH ionisable. L'autre, par ailleurs, se trouve peu prks a la mCme frtquence que la vibration de valence (a 3340 cm-') dans la moltcule H,02, (13). Quant a sa faible largeur, elle est due, d'apres nous, la formation d'une liaison hy- drogkne intramolCculaire. En effet, la gtomttrie de la moltcule semble particulikrement favorable a une telle chtlation puisqu'il existe deux degrts de libertt de rotation autour des liaisons S 4 et 0 4 , (toutes deux essentiellement simples) dans ce cycle a cinq atomes. La distance 0 ..- H minimale (fig. 5) devient alors passablement inftrieure a la somme des rayons de van der Waals, 2.6 A (14). Comme cette liaison intra- moltculaire est fortement angulaire, l'amortisse- ment de la vibration de valence 0-H est beaucoup moindre que pour une liaison lintaire de mCme longueur totale. 11 n'existe pas de critkre pour tvaluer les paramktres de ces liaisons coudtes a partir des donntes spectrales. Par con- tre, les liaisons intermoltculaires rtalistes par le groupe OH ionisable doivent avoir a peu prks les mCmes caracttristiques que dans H,S04; soit une tnergie de quelque 6 kcal mole-' et une distance 0 .... 0 de 2.67 A (12).

Rtcemment on a publit des spectres i.r. (1 5) qui prtsentent dans la region de 3p le mCme aspect que les n6tres: soit un massif trks large aux environs de 3000 cm-' et un pic assez aigu situC entre 3500 et 3600 cm-'. I1 s'agit d'acides a-hydroxycarboxyliques dans lesquels une liaison hydrogene intramoltculaire serait trks im- probable, semble-t-il. On a interprttt ces spectres dans l'hypothese de groupes OH libres. Une telle explication ne nous parait pas applicable ici car les conditions sont beaucoup plus favorables a des liaisons hydrogkne, tant inter- que intra- moltculaires. Vu les nombreux sites accepteurs de proton dans ce cristal I'existence de groupes OH libres serait vraiment extraordinaire. En outre, une frtquence de 3350 cm-' est sQrement trop basse pour une vibration 0-H "libre". Par ailleurs les divers tpaulements qu'on observe (fig. 2) sur les deux principales bandes de valence 0-H risultent probablement des mouvements en phase et hors de phase dans difftrentes molC- cules de H,S05 (tout probablement plus de deux) dans la maille primitive. La presence de dimeres cycliques, comme dans les acides fluo- et chloro- sulfuriques (16), est tgalement une possibilitk.

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TABLEAU 1 Frequences (en cm-') et attribution des principales bandes de vibration de H2S0,

Raman

* t 3 Infrarouges Modes

valence 0-H (intra.)

valence 0-H (inter.)

valence S=O asym. deformation OOH

1250 Bp. 1227 m. 1181 F 1 1 3 0 6 ~ . 1. 965 m. 955 Bp. 885 F 816 m.

i -795 6p. )

deformation SOH

valence S=O sym.

valence S-OH

valence 0-0 valence S-02H

torsion OH? torsion OH?

torsion OH?

rotation dans le plan SO2

cisaillement SO2

rotation dans le plan ( H O S - 0 2 H ) torsion du squelette

deformation S O 0

reseau cisaillement OSOO

. , /

222 torsion (S-00) 190 reseau 166

121 -115 122 113 108 114

106 92 87 8 1 77 65 59 63

*D'aprB Simon (5). TA - 185 "C. $A temperature ambiante. $IT = Lrh faible; f = faible; m = mkdium; F = forte; FF = tres forte; kp. = 6paule; 1 = large.

Tout comme les vibrations de valence, les pour la vibration 0-H, et une plus ClevCe (1421 vibrations de dkformation OH sont facilement cm- l ) pour la dkformation de l'angle OOH que identifiables par comparaison avec les modes dans l'acide pur. Ces diffkrences apprCciables antisymCtriques correspondants dans H2S0, dCnotent un renforcement de la liaison hydrogene (1240 cm- I), et H 2 0 2 (1 375 cm- l). Notons que dans l'ion. I1 se peut que celle-ci soit effectivement dans le spectre i.r. de l'ion HS0,- Kyrki (6) a bifurquCe, la composante intermolkculaire se trouvk une frkquence plus basse (3270 cm-l) trouvant renforcCe, soit B cause d'un empilement

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ARNAU ET GGIUERE: ETUDE SPECTROSCOPIQUE

FIG. 5. Modele representant la configuration ap- proximative de la rnolkcule de H2S0,. (Distances en A).

plus favorable dans le rtseau cristallin, soit a cause des charges ioniques. Quant aux modes de torsion OH, leur identification dans nos spectres est assez ambigiie. Toujours par analogie avec les moltcules HzS04 et H z 0 2 ii I'ttat solide on peut prtvoir pour ces modes des frtquences com- prises entre 600 et 800 cm-l. En i.r. cette rtgion ne montre aucune absorption notable, alors qu'en Raman deux bandes, a peine visibles temptrature ambiante, apparaissent trks nette- ment ii 702 et 754 cm-' a la temptrature de I'azote liquide. Vu leur comportement identique quant B la temptrature elle doivent appartenir a des vibrations du m&me type. Par ailleurs elles semblent un peu fortes pour des torsions OH, sur- tout ttant donnt l'absence d'tquivalents en i.r. De

c toute f a ~ o n leur separation est trop grande pour des composantes du m&me mode. Remarquons que la deuttriation, difficilement rtalisable en pratique, serait de peu d'uiilitt ici puisqueles bandes dtcaltes devraient tomber dans la rtgion de 500 a 550 cm-l d t j i encombrte par les modes de dtformation de SOz.

Les vibrations du squelette La frtquence relativement Clevte de la vibration

0-0 dans H2S05 (comp. 881 cm-l dans H z 0 2 cristallin) est un peu inattendue vu la forte aug- mentation de masse du groupe substituant. L'effet demasse se fait tvidemment beaucoup plus sentir dans les dtrivts bi-substituts comme S20,2- o i ~ la frtquence 0-0 est abaisste jusqu'a 830 cm-l (17). On ne posskde pas encore assez de donntes sur les hydroperoxydes pour discerner l'influence sur cette frtquence de divers facteurs possibles, Parmi ceux-ci il y a d'abord les effets d e couplage qui doivent &tre importants dans ce cas-ci ttant donnt le voisinage des vibrations de valence 0 4 et S 4 . Un calcul

de constantes de force. une fois connus les paramktres de structure, pourrait nous renseigner 18-dessus. Viennent ensuite les effets tlectroniques qui peuvent affecter le caractkre des liaisons. Par exemple la vibration de valence S - 4 , H montre ici un abaissement d'environ 160 cm-I par rapport 2 la vibration S 4 H . I1 semble donc, d'aprks ce critkre, que le caractkre double de cette liaison soit diminut par la prtsence du groupe peroxyde. Cette conclusion est en accord avec les prtvisions de la thtorie des liaisons de valence ttant donnt que la structure canonique 3 donnte plus haut doit contribuer moins que la structure 2 a la rtsonance de la moltcule. I1 serait inttressant de vtrifier cette conclusion par une ttude aux rayons-X de la structure cristalline de HzS05:

Quant aux vibrations S-0, leur attribution ne pose pas de problkme. Ces vibrations ont dej8 tte Ctudites en dttail dans de nombreuses m6ltcules. ce aui a conduit A des corrtlations empiriquei. ~ i n s i d'aprks les relations de Daasch (18) la somme des tlectrontgativitts des groupes OH et OOH dans l'acide de Caro serait d'environ 6.0. Quant au rapport des vibrations de valence S=O symttrique et antisymttrique, il suit d'assez prks la corrtlation ttablie par Robinson (19). De plus, les constantes de force de rappel des liaisons S=O et S - 0 H tvalutes B environ 10.7 et 5.7 respectivement selon l'tquation semi- empirique de Gillespie et Robinson (20), sont ltgkrement plus Clevte que dans H2S04. Elles correspondent a des ordres de liaison de 1.87 et 1.36 r;spectivement. Notons enfin que la prtsence de trois et m&me quatre composantes (e.g. deux en i.r. et deux en Raman) des vibrations du groupe SO, est une indication assez sfire que la maille tltmentaire du cristal contient plus de deux mo- ltcules.

Ce travail a pu &tre execute grsce B une subvention du Conseil National de Recherches du Canada.

1. H. CARO. Z. Angew. Chern. 11, 845 (1898). 2. J. P A N S et W. FRIEDERICH. Ber. 43, 1880 (1910). 3. J. D'ANs et W. FRIEDERICH. Z. Elektrochern. 17,

849 (191 1). 4. J. D'ANs et W. FRIEDERICH. Z. Anorg. Chern. 73,

325 (1912). 5. A. SIMON. Z. Anorg. Chern. 242, 369 (1939). 6. J. R. KYRKI. Suorn. Kern. B38, 199 (1965). 7. J. L. ARNAU et P. A. GIGUBRE. J. Mo1. Struct. 3,

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