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315 J Chir 2006,143, N°5 • © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue de presse B. Dousset 1 , Ph. de Mestier 2 , C. Vons 3 1. Service de Chirurgie Digestive, Hôpital Cochin – Paris. e-mail : [email protected] 2. Unité de Chirurgie Générale et digestive, Hôpital des Peupliers – Paris. e-mail : [email protected] 3. Service de Chirurgie, Hôpital Antoine Béclère – Clamart. e-mail : [email protected] Étude de population pour la prise en charge des métastases hépatiques colorectales J. Leporrier, J. Maurel, L. Chiche, S. Bara, P. Segol, G. Launoy A population based-study of the incidence manage- ment and prognosis of hepatic metastases from colorectal cancer. Br J Surg 2006;93:465-474. Les auteurs ont réalisé une étude de population sur la prise en charge et le pronostic de malades atteints de métastases hépatiques d’origine colorectale (MHCR) à partir du registre du département du Calvados. L’étude a inclus 1 325 malades consécutifs recensés et traités pour un cancer colorectal inscrits dans le registre des tumeurs digestives du département du Calvados entre janvier 1994 et décembre 1999. L’incidence des MHCR a été chiffrée et la mé- thode actuarielle (avec comme date de point le 31 décembre 2002) a été utilisée pour étudier la survenue de MHCR et la survie, soit 3 ans après la fin des inclusions. Les survies moyenne et médiane étaient de 32 et 26 mois respectivement. Trois cents cinquante huit malades (27 %) ont développé des MHCR, 19 % à 1 an, 25 % à 2 ans et 29,3 % à 3 ans ; 250 malades ont développé des MHCR synchrones (18,9 %), dans les 6 mois suivant la résection de la tumeur pri- mitive, et 8,1 % ont développé des MHCR métachrones. Chez les malades sans MHCR synchrones, l’incidence des MHCR métachrones était de 4 % à 1 an, de 8,7 % à 2 ans et de 13,5 % à 3 ans. La survenue de MHCR était influencée par le stade de la tumeur primitive (6,9 % pour les Dukes A, 17,6 % pour les Dukes B, 40,3 % pour les Dukes C). Le nombre de MHCR était plus élevé avec une distribution bilobaire plus fréquente chez les malades ayant des MHCR synchrones. Une résection chirurgicale des MHCR a été réalisée chez 62 malades (17,3 %), dont 71 % ont été opérés en CHU. Une récidive mé- tastatique a été observée chez 66 % des malades opérés dans un délai médian de 23,4 mois. En analyse multivariée, la résec- tion chirurgicale était proposée significativement plus souvent chez les malades de moins de 75 ans et ceux n’ayant qu’une MHCR. Une chimiothérapie palliative sans influence du centre de traitement a été faite à 40,2 % des malades, et 42,5 % des malades ont eu un traitement symptomatique pour des MHCR synchrones (75 %), bilobaires (75 %), de taille > 50 mm (71 %) ou de nombre > 3 (60 %). En analyse multivariée, les facteurs de mauvais pronostic incluaient un âge > 75 ans (p = 0,001), une extension ganglionnaire de la tumeur primitive (p = 0,02), une extension bilobaire des MHCR (p = 0,001), une taille de la MHCR la plus volumineuse > 50 mm, une extension métastatique extra-hépatique (p = 0,004) et le type de traitement (p = 0,04). La survie médiane était de 10,7 mois avec une survie actuarielle à 1, 2 et 3 ans de 52, 26 et 14 %. Les malades opérés, traités par chimiothérapie palliative et par traitement sympto- matique avaient une médiane de survie de 44,7 mois, 13,5 mois et 4,5 mois respectivement. La survie actuarielle à 1, 2 et 3 ans après chirurgie était de 95, 79 et 63 %. Les auteurs concluent que l’âge et l’extension de la maladie métastatique hépatique sont des facteurs limitant les indica- tions de la chirurgie et de la chimiothérapie palliative. Commentaires 1) Excellente étude de population sur l’incidence et la prise en charge des MHCR, confirmant un taux de MHCR synchrones de l’ordre de 20 %, concordant avec les études de population antérieures et anciennes [1-3] mais un taux de MHCR métachro- nes de 13,5 % à 3 ans inférieur aux taux de 15 à 20 % antérieure- ment rapportés. 2) Ceci traduit sûrement une meilleure stadification tumorale initiale et l’élargissement des indications de chimiothérapie adjuvante en cas d’extension ganglionnaire. 3) Cette étude suggère fortement les progrès à envisager dans le traitement des malades de plus de 75 ans porteurs de MHCR, qui pourraient bénéficier plus largement de la chimiothérapie palliative ou de la chirurgie de résection. Mots-clés : Foie. Épidémiologie. Métastase colorectale. Étude de population. 1. Traitement des métastases hépatiques des cancers colorectaux. Springer-Verlag. Paris 1992;2-9. 2. Dis Colon Rectum 1990;33:938-946. 3. NZ Med J 1985;98:697-699. L’embolisation portale droite avant hépatectomie droite pour métastases colorectales unilobaires réduit le taux de récidive intrahépatique E. Oussoultzoglou, P. Bachellier, E. Rosso, R. Scurtu, I. Lucescu, M. Greget, D. Jaeck Right portal vein embolization before right hepa- tectomy for unilobar colorectal liver metastases reduces the intrahepatic recurrence rate. Ann Surg 2006;244:71-79. Les auteurs ont comparé, de façon rétrospective, 2 groupes de malades traités pour des métastases hépatiques colorectales (MHCR) unilobaires, et ayant eu (n = 23 malades) ou pas (n = 21 malades) une embolisation portale (EP) préopératoire, en raison d’un volume hépatique résiduel < 30 % du volume du foie total. Parmi les 44 malades âgés en moyenne de 64 ans (44 à 80 ans), 16 avaient une, 8 avaient deux, 13 avaient trois et 6 plus de trois MHCR. Le diamètre moyen de la MHCR la plus volumineuse était de 86 mm (15-200 mm). Six malades ont eu un geste associé : résection d’une carcinose localisée (n = 4), d’une réci- dive locale (n = 1) ; résection partielle du diaphragme (n = 1). Vingt cinq malades ont eu une chimiothérapie néo-adjuvante avant l’hépatectomie (57 %). Trente malades ont eu une chi- miothérapie adjuvante (68 %). Les 2 groupes de malades étaient semblables pour la plupart des variables hormis le fait que dans le groupe EP il y avait significativement plus de métastase unique que dans le groupe sans EP (56,5 % versus 19 % ; p = 0,025). La mortalité postopératoire a été nulle. La morbidité a été la même dans les 2 groupes (38,6 %). Le suivi moyen a été de 35 ± 28 mois. La survie à 1, 3 et 5 ans a été de 92,5 %, 54,7 % et de 38,7 %. Elle a été semblable qu’il

Étudede population pour la prise en charge des métastases hépatiques colorectales

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J Chir 2006,143, N°5 • © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue de presse

B. Dousset 1, Ph. de Mestier 2, C. Vons 3

1. Service de Chirurgie Digestive, Hôpital Cochin – Paris. e-mail : [email protected]. Unité de Chirurgie Générale et digestive, Hôpital des Peupliers – Paris. e-mail : [email protected]. Service de Chirurgie, Hôpital Antoine Béclère – Clamart. e-mail : [email protected]

Étude de population pour la prise en charge des métastases hépatiques colorectales

J. Leporrier, J. Maurel, L. Chiche, S. Bara, P. Segol, G. LaunoyA population based-study of the incidence manage-ment and prognosis of hepatic metastases fromcolorectal cancer.Br J Surg 2006;93:465-474.

Les auteurs ont réalisé une étude de population sur la priseen charge et le pronostic de malades atteints de métastaseshépatiques d’origine colorectale (MHCR) à partir du registredu département du Calvados.L’étude a inclus 1 325 malades consécutifs recensés et traitéspour un cancer colorectal inscrits dans le registre des tumeursdigestives du département du Calvados entre janvier 1994 etdécembre 1999. L’incidence des MHCR a été chiffrée et la mé-thode actuarielle (avec comme date de point le 31 décembre2002) a été utilisée pour étudier la survenue de MHCR et lasurvie, soit 3 ans après la fin des inclusions.Les survies moyenne et médiane étaient de 32 et 26 moisrespectivement. Trois cents cinquante huit malades (27 %) ontdéveloppé des MHCR, 19 % à 1 an, 25 % à 2 ans et 29,3 % à3 ans ; 250 malades ont développé des MHCR synchrones(18,9 %), dans les 6 mois suivant la résection de la tumeur pri-mitive, et 8,1 % ont développé des MHCR métachrones. Chezles malades sans MHCR synchrones, l’incidence des MHCRmétachrones était de 4 % à 1 an, de 8,7 % à 2 ans et de 13,5 %à 3 ans. La survenue de MHCR était influencée par le stade dela tumeur primitive (6,9 % pour les Dukes A, 17,6 % pour lesDukes B, 40,3 % pour les Dukes C). Le nombre de MHCRétait plus élevé avec une distribution bilobaire plus fréquentechez les malades ayant des MHCR synchrones. Une résectionchirurgicale des MHCR a été réalisée chez 62 malades(17,3 %), dont 71 % ont été opérés en CHU. Une récidive mé-tastatique a été observée chez 66 % des malades opérés dansun délai médian de 23,4 mois. En analyse multivariée, la résec-tion chirurgicale était proposée significativement plus souventchez les malades de moins de 75 ans et ceux n’ayant qu’une

MHCR. Une chimiothérapie palliative sans influence ducentre de traitement a été faite à 40,2 % des malades, et 42,5 %des malades ont eu un traitement symptomatique pour desMHCR synchrones (75 %), bilobaires (75 %), de taille > 50 mm(71 %) ou de nombre > 3 (60 %). En analyse multivariée, lesfacteurs de mauvais pronostic incluaient un âge > 75 ans(p = 0,001), une extension ganglionnaire de la tumeur primitive(p = 0,02), une extension bilobaire des MHCR (p = 0,001), unetaille de la MHCR la plus volumineuse > 50 mm, une extensionmétastatique extra-hépatique (p = 0,004) et le type de traitement(p = 0,04). La survie médiane était de 10,7 mois avec une survieactuarielle à 1, 2 et 3 ans de 52, 26 et 14 %. Les malades opérés,traités par chimiothérapie palliative et par traitement sympto-matique avaient une médiane de survie de 44,7 mois, 13,5 moiset 4,5 mois respectivement. La survie actuarielle à 1, 2 et 3 ansaprès chirurgie était de 95, 79 et 63 %.Les auteurs concluent que l’âge et l’extension de la maladiemétastatique hépatique sont des facteurs limitant les indica-tions de la chirurgie et de la chimiothérapie palliative.

Commentaires1) Excellente étude de population sur l’incidence et la prise encharge des MHCR, confirmant un taux de MHCR synchronesde l’ordre de 20 %, concordant avec les études de populationantérieures et anciennes [1-3] mais un taux de MHCR métachro-nes de 13,5 % à 3 ans inférieur aux taux de 15 à 20 % antérieure-ment rapportés.2) Ceci traduit sûrement une meilleure stadification tumoraleinitiale et l’élargissement des indications de chimiothérapieadjuvante en cas d’extension ganglionnaire.3) Cette étude suggère fortement les progrès à envisager dansle traitement des malades de plus de 75 ans porteurs de MHCR,qui pourraient bénéficier plus largement de la chimiothérapiepalliative ou de la chirurgie de résection.

Mots-clés : Foie. Épidémiologie. Métastase colorectale. Étude depopulation.

1. Traitement des métastases hépatiques des cancers colorectaux.Springer-Verlag. Paris 1992;2-9.2. Dis Colon Rectum 1990;33:938-946.3. NZ Med J 1985;98:697-699.

L’embolisation portale droite avant hépatectomie droite pour métastases colorectales unilobaires réduit le taux de récidive intrahépatique

E. Oussoultzoglou, P. Bachellier, E. Rosso, R. Scurtu, I. Lucescu, M. Greget, D. JaeckRight portal vein embolization before right hepa-tectomy for unilobar colorectal liver metastasesreduces the intrahepatic recurrence rate.Ann Surg 2006;244:71-79.

Les auteurs ont comparé, de façon rétrospective, 2 groupesde malades traités pour des métastases hépatiques colorectales(MHCR) unilobaires, et ayant eu (n = 23 malades) ou pas(n = 21 malades) une embolisation portale (EP) préopératoire,

en raison d’un volume hépatique résiduel < 30 % du volumedu foie total.Parmi les 44 malades âgés en moyenne de 64 ans (44 à 80 ans),16 avaient une, 8 avaient deux, 13 avaient trois et 6 plus de troisMHCR. Le diamètre moyen de la MHCR la plus volumineuseétait de 86 mm (15-200 mm). Six malades ont eu un gesteassocié : résection d’une carcinose localisée (n = 4), d’une réci-dive locale (n = 1) ; résection partielle du diaphragme (n = 1).Vingt cinq malades ont eu une chimiothérapie néo-adjuvanteavant l’hépatectomie (57 %). Trente malades ont eu une chi-miothérapie adjuvante (68 %). Les 2 groupes de maladesétaient semblables pour la plupart des variables hormis le faitque dans le groupe EP il y avait significativement plus demétastase unique que dans le groupe sans EP (56,5 % versus19 % ; p = 0,025). La mortalité postopératoire a été nulle. Lamorbidité a été la même dans les 2 groupes (38,6 %).Le suivi moyen a été de 35 ± 28 mois. La survie à 1, 3 et 5 ansa été de 92,5 %, 54,7 % et de 38,7 %. Elle a été semblable qu’il