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Eva JOLY

«En clarifiant la répartition des compétences entre Etat et collectivité, en réaffirmant la pertinenced’une relation partenariale et, au besoin, contractuelle, une nouvelle étape de la décentralisationpourra ainsi satisfaire l’ensemble des acteurs et des institutions concernées »

Les élus locaux aspirent à une meilleure concertation avec l’Etat, au niveau nationalcomme au niveau local. Quelles doivent être, selon vous, les modalités de cedialogue renouvelé ?

Le quinquennat qui s’achève a été marqué par un recul considérable de l’autonomie des collectivitéslocales, qui s’est notamment traduit au travers de l’absence complète de dialogue entre l’Etat et lesélus locaux. Les récentes attaques à l’encontre de la gestion des collectivités attestent d’uneméconnaissance profonde du rôle et de l’activité de celles-ci. Nous souhaitons poursuivre ladynamique inaltérable qui s’est engagée depuis près de trente ans, en soutenant un développementresponsable et partenarial de la décentralisation et en réinscrivant la concertation entre l’Etat et lescollectivités dans un nouveau système de gouvernance. Plusieurs de nos propositions nouspermettent d’affirmer cette ambition.

Nous préconisons tout d’abord la transformation du rôle du Sénat. Celui-ci doit être confirmé dansson rôle de représentant des collectivités territoriales, pour devenir une véritable chambre desrégions. En étant systématiquement et étroitement associé à la rédaction des lois et desrèglements qui impacteraient les finances et le budget des collectivités, il sera mieux à même dedéfendre leurs intérêts. Il faudra également renforcer les structures intermédiaires de dialogueentre administrations centrale et territoriale, comme le Comité des finances locales et laCommission consultative d’évaluation des normes. Par exemple, un cortège de députés ou desénateurs pourrait saisir la CCEN pour avis sur le modèle actuel de la saisine du ConseilConstitutionnel.

D’une manière plus globale, le climat de méfiance qui s’est instauré depuis cinq ans doit cesser. Enclarifiant la répartition des compétences entre Etat et collectivité, en réaffirmant la pertinence d’unerelation partenariale et, au besoin, contractuelle, une nouvelle étape de la décentralisation pourraainsi satisfaire l’ensemble des acteurs et des institutions concernées.

Les concours financiers de l’Etat aux collectivités territoriales sont gelés en valeurdepuis 2011. Comment doivent-ils évoluer à l’avenir ?

Les collectivités territoriales sont le biais principal de l’investissement public en France. Cettecapacité à financer a été mise en péril par la crise de la dette : faillite de Dexia, envol des taux des« emprunts toxiques », perte automatique du triple A suite à la dégradation du pays, etc. Aujourd’huicertaines collectivités, conseil général de Seine-Saint-Denis en tête, sont au bord du gouffre financier.Il faudra donc organiser le désendettement des collectivités en difficulté, en posant la question dela légitimité de certaines dettes avec les établissements financiers. Ceux-ci n’hésitent pas àaugmenter leurs marges en accusant les nouvelles règlementations, dites Bâle III, de compliquer lacirculation monétaire. Et au même moment, l’Etat annonçait le gel des dotations aux collectivités, les

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privait de toute autonomie financière avec la suppression de la taxe professionnelle et continuait àleur demander de se substituer à lui dans l‘exercice de compétences régaliennes. L’Etat, lescollectivités et les banques doivent faire le bilan de ces cinq années de crise et en tirer toutes lesconséquences.

Mais le problème n’est pas seulement conjoncturel, et les collectivités réclament depuis longtempsune évolution des conditions d’emprunt, notamment auprès de la Caisse des dépôts etconsignations. Il faudra d’abord soulager les collectivités surendettées en centralisant les« emprunts toxiques » qui les pénalisent. Ensuite, pour leur permettre d’emprunter à des tauxraisonnables et les mettre à l’abri d’une nouvelle crise financière, la constitution d’une agence definancement, chargée de soutenir l’investissement public, devra survenir au lendemain desélections. Dotée de fonds public, elle permettra de protéger les collectivités en mutualisant leursefforts et leurs besoins.

Dans un second temps, une remise à plat des finances locales semble indispensable. Le principed’autonomie financière des collectivités locales, malmené durant le dernier quinquennat doit êtreréaffirmé et renforcé. Mais pour cela, il est impératif de changer les pratiques en matière deréforme des finances locales en associant plus étroitement les élus et leurs représentants au seindes associations. Cette deuxième question est donc indissociable de la première. La récente réformede la taxe professionnelle est à cet égard un véritable contre-exemple, puisqu’elle a été faite sansconcertation, et donc sans apporter de solution pérenne pour la gestion financière des collectivités.Nous pensons que la diversification des sources de prélèvements pour chaque collectivité(entreprises, revenus, patrimoine) ainsi que la libre fixation des taux sont la solution pour adapterles impôts locaux aux contextes économiques spécifiques et responsabiliser pleinement lescollectivités.

Quand aux valeurs locatives cadastrales, elles devront être actualisées pour correspondre, enfin, àla réalité. On peut aussi imaginer que certains impôts nationaux (TVA, CSG, etc.) soient redirigésvers les collectivités pour compenser les transferts de compétence qui ont été réalisés durant ladernière décennie.

Les petites villes, qu’elles soient bourg-centre de leur bassin de vie ou pôlesecondaire de leur intercommunalité, occupent une place stratégique pourl’aménagement du territoire, jouant un rôle d’interface entre l’urbain et le rural.Comment l’Etat peut-il les aider à défendre leur place et leur rôle ?

Les petites villes recouvrent des réalités et des enjeux divers. Quand certaines subissent les dégâts dela périurbanisation sauvage, d’autres connaissent une véritable hémorragie démographique. D’unemanière générale, le désengagement de l’Etat a fortement pénalisé les petites communes, etnotamment quand celles-ci sont situées en milieu rural. Or l’Etat, garant de la cohésion nationale,doit veiller à ce qu’aucun territoire ne soit laissé à l’abandon. Pour arrêter l’érosion des servicespublics dans les territoires, la « Charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au publicen milieu rural » pourrait être étendue à toutes les petites communes, puisqu’elles sontparticulièrement vulnérables en cas de disparition de service public de proximité.

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Dans le même temps, pour pérenniser l’accès de toutes les communes à l’ensemble des servicespublics, et compte tenu des difficultés financières de l’Etat, nous militons pour la relance desmaisons de services publics polyvalents. Celles-ci devront soutenir les habitants dans leursdémarches administratives, et servir de relais pour les compétences de l’Etat central dans chacunedes communes du territoire national. Dans le domaine de la santé, nous proposons également lemaintien d’antennes hospitalières de proximité, le renforcement des dispositifs d’incitation àdestination des médecins et la facilitation de l’embauche de personnels de santé par lescommunes et les communautés. En matière scolaire, la fin de la règle de non-remplacement d’unfonctionnaire sur deux permettra d’arrêter temporairement les dégâts. Par la suite, noussouhaitons la généralisation du plan Ecole Numérique Rurale à toutes les petites communes qui enferont la demande.

Enfin, l’Etat doit soutenir les petites communes en mettant toutes ses capacités d’ingénierie à leurservice. Il faudra également améliorer les dispositifs de péréquation pour que les petitescommunes puissent bénéficier du développement économique des grands centres urbains etqu’elles aient à nouveau les moyens d’animer leur territoire. A cet égard, la réforme de la Dotationde Solidarité Rurale proposée dans le Manifeste des Petites Villes constitue une piste intéressante.

La loi du 16 décembre 2010 prévoit que les délégués des communes au sein desintercommunalités seront élus au suffrage universel. Quelles doivent être, selonvous, les modalités de cette élection ?

De manière générale, EELV est tout à fait favorable au développement de l’intercommunalité, àcondition qu’elle réponde à des projets de territoires, et qu’elle serve les intérêts des communes etde leurs citoyens. La loi RCT de 2010 pose de sérieux problèmes à cet égard, en imposant des délaistrop courts aux commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI). Il faudra doncrevenir sur les échéances fixées, mais également sur les modalités de décisions des CDCI. En effet,en passant d’un vote à la majorité simple à un vote à la majorité qualifiée, il sera possible de faireprévaloir l’intérêt général et la dynamique des bassins de vie sur certains égoïsmes locaux.

Pour ce qui est des modalités électives des EPCI, nous sommes favorables à l’élection des déléguéscommunautaires au suffrage universel direct sans fléchage. On peut espérer que ce type de scrutinfavorise « l’identification » des délégués communautaires, et facilite l’installation d’un sentimentd’appartenance à la communauté. La composition des conseils communautaires devra êtredéterminée par les élus locaux eux-mêmes, dans la même logique de responsabilisation qui doitprévaloir en matière fiscale. Certaines règles devront être cependant réaffirmées, commel’obligation d’accorder un siège au minimum à chaque commune, ou l’interdiction pour unecommune d’occuper plus de 50% des sièges.