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Évaluation du tout numérique dans le dépistage organisé du cancer du sein à travers une expérience dans le département de la Vienne

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Page 1: Évaluation du tout numérique dans le dépistage organisé du cancer du sein à travers une expérience dans le département de la Vienne

J Radiol 2009;90:1837-42© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2009

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

article original

sénologie

Évaluation du tout numérique dans le dépistage organisé du cancer du sein à travers une expérience dans le département de la Vienne

A Pluvinage (1), C Morin (2), L Devineau (3), V Migeot (4) D Coste (5) A Jouhanneaud (1) et JP Tasu (1)

Abstract Résumé

Evaluation of a fully integrated digital screening mammography program in the Vienne regionJ Radiol 2009;90:1837-42

Purpose. To evaluate a fully integrated digital screening mammog-raphy program (image acquisition, transfer and over-read).Materials and methods. Between April 2005 and December 2007, two imaging sites were authorized by the Department of Health to use digital mammography units (Senographe 2000D

®

and 2000DS

®

, GEMS) for screening mammography. The initial interpratation was made on a workstation with accompanying digital films. The images were also transmitted via the internet on the same day for over-read on a workstation. In addition, a « classical » over-read was also performed from printed mammographic images using a viewbox. Differences in interpratation and BIRADS classification as well as economical consid-erations were analyzed between the types of interpratation setups.Results. A total of 7008 screening mammograms were included. No significant problem was reported with regards to internet image transfers. No significant interperation difference was noted related to the fully integrated digital imaging process. This technology could generate cost savings estimated in 2007 at 3.793 /year (mailing fees).Conclusion. A fully integrated digital screening mammography program results in improved organisational processes and significant cost reductions without reduced diagnostic accuracy.

Objectifs. Évaluer la technologie « tout numérique » (acquisition, transfert et deuxième lecture) dans le dépistage organisé du cancer du sein.Matériels et méthodes. Entre avril 2005 et décembre 2007, deux sites ont été autorisés par le Ministère de la Santé à utiliser un mammo-graphe numérique (sénographe 2000D

®

et 2000DS

®

, GEMS) dans le cadre de la campagne de dépistage organisé du cancer du sein. La première lecture était réalisée sur console et sur film laser. Les images étaient transmises le jour même via internet pour une deuxième lecture sur console. Parallèlement, le cliché bénéficiait d’une deuxième lecture « classique », dans la structure de gestion, sur négatoscope. L’analyse des divergences en termes de classification BIRADS et l’aspect économique ont été évalués pour les différentes lectures.Résultats. Sept mille huit mammographies de dépistage ont été incluses dans l’étude. Aucun incident grave lors du transfert des images n’a été noté. Il n’a pas été observé de cas divergents liés spéci-fiquement au « tout numérique ». Cette technologie permettrait des économies estimées en 2007 à 3793 €/an (frais postaux d’envoi des clichés).Conclusion. La technologie « tout numérique » permet un bénéfice organisationnel et des économies significatives, sans diminuer la performance diagnostique.

Key words:

Breast. Cancer, breast. Screening mammography. Digital mammography. Conventional mammography.

Mots-clés :

Sein. Cancer du sein. Dépistage organisé. Mammographie numérique. Mammographie analogique.

e cancer du sein représente le cancerle plus fréquent chez la femme(36,6 % des nouveaux cas de cancers)

(1). Le taux de mortalité par cancer du sein,tous âges confondus, est de 17,7 % pourl’année 2005 (1-3). Le dépistage organiséapparaît comme un moyen efficace pourlutter contre le cancer du sein. Une dizained’essais randomisés conduits aux USA(Health Insurance Plan), en Suède (Kop-parber et Ostergotland, Malmö, Stoc-kholm, Gothenburg) au Canada (Cana-dian Trial) et en Ecosse (Edinburgh)entre 1963 et 1982 ont conclu en faveur

L

(1) Service d’Imagerie Médicale du CHU de Poitiers, 2, rue de la Milétrie, 86000 Poitiers. (2) Réseau régional de cancérologie Onco-Poitou-Charentes, Poitiers. (3) AMNP, Poitiers. (4) Unité d’évaluation médicale du CHU de Poitiers, 2, rue de la Milétrie, 86000 Poitiers. (5) Association DOCVIE, Poitiers.Correspondance : A Pluvinage, 27, rue du Terrage, 75010 Paris. E-mail : [email protected]

d’une réduction de la mortalité associée audépistage organisé (4-10). L’importancedu gain en termes de mortalité estaujourd’hui très controversée. En France,

l’impact du dépistage organisé du cancerdu sein sur la mortalité est actuellementévalué par un groupe de travail de l’INVS(11). Le dépistage organisé du cancer du

Abbréviations

ACR : American College of RadiologyADMPC : Association de Dépistage Mammographique en Poitou-CharentesAMNP : Association de Mammographie Numérique en PoitouBDI : Bilan Diagnostic ImmédiatBIRADS : Breast Imaging Reporting and Data SystemCTI : Cliché Techniquement InsuffisantDICOM : Digital Imaging and Communication in MedecineDMIST : Digital Mammography Imaging Screening TrialDOCVIE : association de Dépistage Organisé dans la VienneFAQSV : Fond d’Aide à la Qualité des Soins de VilleFORCOMED : association de Formation des Collaborateurs des cabinets MédicauxGIPC : General Informatic Poitou-CharentesHAS : Haute Autorité de SantéINVS : Institut national de Veille SanitairePACS : Picture Archiving Communication System (système d’archivage informatique)RIS : Radiologic Information System (système d’information radiologique)URCAM : Unions Régionales des Caisses d’Assurance MaladieVPN : Virtual Private Network

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sein, généralisé à tout le territoire françaisdepuis 2004, concerne actuellement lesfemmes âgées de 50 à 74 ans. Elles se voientproposer une mammographie, sans avancede frais, tous les deux ans. Cette mammo-graphie bénéficie d’une première lecturedans un centre de radiologie puis d’une se-conde lecture dans une structure de ges-tion départementale en cas de premièrelecture normale et selon le cahier des char-ges en vigueur (12). Une particularité fran-çaise du dépistage du cancer du sein résidedans le fait qu’un dépistage individuelexistait avant la mise en place du dépistageorganisé et qu’il perdure depuis. Ainsi, enraison de la concomitance des deux typesde dépistage, le taux de participation aux 5dépistages organisés en France, de 50,7 %en 2007, reste inférieur aux recommanda-tions européennes (70 %). En 2007, le rap-port sur « l’évaluation du coût du dépista-ge organisé du cancer colorectal et ducancer du sein » (13), a étudié le coût desdépistages organisés du cancer du sein etdu cancer colorectal en France métropoli-taine. Dans l’attente d’une augmentationdu taux de participation, il apparaît impor-tant de réduire les « coûts indirects » quisont représentés par les coûts des locaux,les coûts de fonctionnement de la campa-gne de dépistage et les ressources humai-nes. Le dépistage organisé du cancer dusein était fondé jusqu’à présent sur lamammographie analogique. La mammo-graphie numérique a été introduite enFrance depuis janvier 2000, et les perfor-mances diagnostiques dans le cadre du dé-pistage du cancer du sein ont été validéespar l’étude nord américaine DMIST en2005 (14, 15). Cette technologie permet une diminutionde la dose d’irradiation, un gain de tempsdans la réalisation de l’examen, un con-fort de lecture pour l’interprétation desanomalies, un gain écologique, une amé-lioration de l’archivage des mammogra-phies (16, 17). En outre les possibilités of-fertes par le format numérique peuventsimplifier le dépistage organisé du cancerdu sein et en diminuer les coûts. Une ex-périmentation portant sur l’utilisation dela mammographie numérique dans leprogramme de dépistage organisé ducancer du sein, et sur l’intérêt organisa-tionnel du transfert des mammographiesnumérisées a été autorisée dans la Vienne,par le Ministère de la Santé (DirectionGénérale de la Santé) en avril 2005. Lastructure de gestion de la Vienne, DO-CVIE était coordinatrice de ce projet.

L’objectif de l’étude était de faire le bilande l’intégration de mammographies nu-mériques dans le processus de dépistageorganisé, et de montrer l’apport organisa-tionnel et économique du « tout numéri-que » ainsi que sa faisabilité et son inté-gration dans le cadre d’une campagne dedépistage organisé.

Matériel et méthodes

L’étude comportait deux volets,

d’unepart le bilan de l’expérimentation réaliséedans la Vienne, d’autre part une évalua-tion des gains économiques réalisables.

Mise en place de l’expérimentation

Après quatre ans de mise au point (2001-2004), la collaboration entre des équipesmédicales (Association de DépistageMammographique en Poitou-CharentesADMPC- renommée Association deMammographie Numérique en Poitou),informatiques (General Informatic Poi-tou Charentes – GIPC- et UNI-MEDE-CINE) et industrielles (General ElectricMedical System) a permis de développerune expérimentation de transfert d’ima-ges numériques entre les deux centreséquipés en mammographes numériques,en partie financée sur le Fonds d’Aide à laQualité des Soins de Ville (FAQSV), at-tribué par l’Union Régionale des Caissesd’Assurance Maladie (URCAM). L’organisation de cette expérimentationétait la suivante

(fig. 1)

:• le mode d’invitation des femmes étaitfidèle au cahier des charges, sous formed’une lettre identique pour toutes les fem-mes, sans mention du numérique ; • la dispense d’avance de frais étaitmaintenue pour toutes les femmes sou-haitant participer au dépistage organisénumérisé ; • une lettre d’information leur étaitfournie à l’arrivée au cabinet de radiolo-gie, leur laissant le choix soit de se fairedépister par mammographie analogique,soit d’opter pour la mammographie nu-mérique ;• la signature d’un consentement libre etéclairé était demandée aux femmes quichoisissaient le dépistage numérique,concernant la transmission de leur dossierpar réseau informatique. Pour les mammographies numériques,un film laser était tiré. La première lectu-

re était réalisée sur console et sur film la-ser pour toutes les femmes. Les patientesdont les mammographies étaient anor-males en première lecture (ACR 3/4/5)étaient orientées vers une surveillance oudes examens complémentaires, comme leprévoyait le cahier des charges (18).Concernant les dossiers normaux en pre-mière lecture ou innocentés après bilandiagnostique immédiat (BDI), les imagesétaient transmises le jour même par voienumérique, pour une deuxième lecturesur la console du second centre radiologi-que numérisé par un lecteur différent dupremier. Les résultats de cette lecture,réalisée par un des quatre radiologuesparticipant à l’expérimentation, étaientsaisis dans un logiciel développé par la so-ciété UNIMEDECINE (fiche d’interpré-tation informatisée était identique à cellequi est utilisée dans le cadre de la campa-gne) ; cette lecture était réalisée le plussouvent en fin de vacation, par « pa-quets » de 10 à 30 examens, parfois entre 2rendez-vous d’une vacation de mammo-graphie diagnostique. • parallèlement le cliché laser était adres-sé à la structure de gestion pour unedeuxième lecture sur un négatoscope, parun deuxième lecteur agréé, différent dupremier lecteur. C’est cette deuxième lec-ture réalisée à DOCVIE qui était prise encompte pour la classification de la mam-mographie suivant la classification de ré-férence Breast Imaging Reporting AndData System (BIRADS) établie parl’American College of Radiology (ACR).Les dossiers présentant une anomalie endeuxième lecture, sur film laser, faisaientensuite l’objet d’une étude au cas par cas,lors de réunions de concertation entre ra-diologues experts, afin de vérifier si cettedivergence entre les deux lectures avaitété retrouvée sur console seule, sur filmlaser seul, ou dans les deux cas.La fiche d’interprétation informatiséeétait saisie par le radiologue premier lec-teur, à l’écran, dans le logiciel de traite-ment des dossiers patients « DOCVIEELECTRONIQUE ». Elle était ensuite éditée sur papier, puissaisie une seconde fois par une secrétairede DOCVIE dans le logiciel de gestion dela campagne. Selon l’interprétation, lescourriers habituels étaient édités par lastructure de gestion. Celle-ci adressait lecompte rendu final, ainsi que les clichés, àla patiente. Les neuf membres de l’ADM-PC participaient à la première lecture. Ladeuxième lecture sur écran était assurée

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par quatre radiologues de l’ADMPC.L’ensemble des premiers et deuxièmeslecteurs avait suivi, comme le préconise lecahier des charges, les formations adap-tées dispensées par l’association FOR-COMED.Le but de l’expérimentation étant d’ana-lyser la faisabilité du transfert d’images, ledispositif avait été testé sur l’ensemble desmammographies numériques, qu’ellessoient réalisées ou non dans le contexte dudépistage organisé. Dans un premiertemps, la base de données (4 056 dossiers)avait été sélectionnée pour ne contenirque les femmes âgées de 50 à 74 ans,qu’elles rentrent dans le cadre du pro-gramme de dépistage organisé ou non.Sur ces 4 056 dossiers, le nombre de dos-siers exploitables (dont le résultat avait été

notifié en termes de classification ACR)était de 3 552, correspondant au nombrede premières lectures réalisées.Le nombre de dossiers ayant bénéficiéd’une deuxième lecture, sur un autre sitede radiologie après transfert d’images, etdont le résultat a été précisé dans le logi-ciel s’élevait à 1 478. Comme nous l’avionsdéfini, cette population de 1 478 femmesétait âgée de 50 à 74 ans (qu’elles fassentpartie de la campagne de dépistage ounon), pour une médiane d’âge à 59 ans etune moyenne à 60,2 ans.Ces deux sites étaient équipés, avec desmammographes à capteurs plans « pleinchamp » ou Full Field Digital Mammo-graphy (FFDM), développés par la sociétéGeneral Electric Medical System : « Séno-graphe 2000 D

®

» de première généra-

tion, jusqu’en 2005 puis « Sénographe2000 DS

®

» de deuxième génération de-puis 2006. Ces mammographes, aux capteurs plans àbase de Silicium amorphe et d’Iodure deCésium, permettaient d’obtenir une taillede pixel de 100 microns. Le format ducapteur disponible sur le « sénographe2000 DS » était 19x23 cm (un format24x31 cm est disponible sur le modèle leplus récent « sénographe Essential

®

»

).Le poids de l’image obtenue était d’envi-ron 8 mégaoctets.Ce type de mammographe était utiliséavec une console de lecture ou station derevue

« Seno Advantage 2.1 »

, composéede deux moniteurs haute résolution(5Mpixels) auxquels s’ajoutait un troisiè-me écran permettant d’afficher les dos-

Fig. 1 : Schéma de l’expérimentation.

EXAMEN DE DEPISTAGE PAR MAMMOGRAPHIE NUMERIQUE

– sur console du site radiologique n°1 : L1 console– production d’un film laser

Dossiers anormaux

Films remis aux patientes

Dossiers normauxou

innocentés après bilan diagnostique immédiat

Surveillance ou bilan

Transmission du film laser par voie terrestre

Transfert de l’image par le réseau informatique

Transmission des résultats positifs en L2 console

STRUCTURE DE GESTION DOCVIE

– 2e lecture des films laser : L2 film– saisie des résultats

Deuxième lecture sur la console au sein du site radiologique n°2 : L2 console

Reprise des dossiers positifs en L2 (console et films) et étude par un collège d’experts

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siers des patients. Un poste informatiquesynchronisé avec le système d’informa-tion radiologique ou

Radiologic Informa-tion System

(RIS) permettait, à travers unlogiciel développé par le GIPC, la gestiondes premières et deuxièmes lectures.Deux protocoles de lectures :

« TissueEqualization »

et

« Premium View »

étaientutilisés. Le réseau de communication étaitde type ADSL, associé à un Réseau LocalVirtuel ou VLAN (

Virtual Local AreaNetwork

). La sécurité de la transmissionétait garantie par un cryptage des donnéesgénérées au moment de l’envoi.Les images étaient transmises en formatDICOM, sans compression, sous deuxmodalités :• données natives (

Row Data

) ;• images traitées ou « streamées » (

Pro-cessed

).La transmission des images d’un site àl’autre était réalisée quotidiennement, defaçon continue, le débit de transmissiondépendant de la disponibilité de la bandepassante du réseau (d’autres donnéestransitaient sur le même réseau : des ima-ges DICOM de scanner et d’IRM prove-nant de différents sites et dirigées vers lesite d’archivage des données).

Evaluation des gains économiques réalisable dans l’hypothèse du tout numérique

Plusieurs catégories de coûts ont été ana-lysées, afin de pouvoir déterminer les éco-nomies qui pourraient être réalisées lorsde la deuxième lecture, dans l’hypothèsed’une généralisation du « tout numéri-que », avec transfert d’images et deuxiè-me lecture sur console. Les catégories dé-finies étaient : les moyens humains, lesmoyens matériels, la maintenance et lecontrôle qualité, les locaux, la deuxièmelecture, ainsi que le retour des clichés auxpatientes après la deuxième lecture.Ces données ne représentaient qu’unepartie des dépenses de l’association DO-CVIE, partie sur laquelle le passage autout numérique aurait une influence. Nous avions plus précisément évalué àDOCVIE le temps de secrétariat néces-saire pour effectuer des étapes qui pour-raient être supprimées au niveau de lastructure de gestion, si la deuxième lectu-re était décentralisée. Cette étude avait étéréalisée sur une semaine, comportant 4séances de seconde lecture ; elle concer-nait la gestion de 320 dossiers, qui nécessi-tait 2 280 minutes (38 heures).

Résultats

Dépistage organisé dans la Vienne

Sur les 35 879 mammographies pratiquéesdans le cadre du dépistage organisé du can-cer du sein, de mai 2005 à décembre 2007,on a pu comptabiliser 28 871 mammogra-phies analogiques (80,5 %) et 7 008 mam-mographies numériques (19,5 %).La première lecture a permis de détecter142 cancers par mammographie analogi-que et 32 cancers par mammographie nu-mérique.La seconde lecture a permis de détecter 6cancers par mammographie analogique,1 cancer par mammographie numérique,ce dernier ayant été diagnostiqué aussibien par la deuxième lecture sur film quepar celle sur écran.

Capacités diagnostiques de la technologie numérique

Impact sur la détection des cancersConcernant la première lecture, nousn’avons pas retrouvé de différence dans letaux de détection des cancers entre lestechnologies analogique et numérique,lorsqu’une anomalie a été décelée en pre-mière lecture.Impact sur le nombre de BDILe nombre de Bilans Diagnostiques Im-médiats (BDI) effectués a été comparablepour l’une et l’autre des deux technolo-gies.

Analyse des discordances entre la L1 sur écran et la L2 sur film à DOCVIE

Concernant la deuxième lecture sur filmà DOCVIE, aucun cliché n’a été jugétechniquement insuffisant (CTI) avec latechnologie numérique. Il n’y a pas euplus de dossiers divergents par rapport àla première lecture avec l’une ou l’autredes 2 technologies. Sur les 6 724 mammo-graphies numériques réalisées, 53 étaientdiscordantes lors de la L2 sur film, et 11patientes au total ont bénéficié égalementd’une deuxième lecture sur écran :• pour 2 dossiers, la discordance était lamême (une seule et même patiente en sur-veillance),• pour 8 dossiers, la classification étaitplus péjorative à DOCVIE (une patienteperdue de vue, 2 en surveillance et 5 dos-siers reclassés ACR2),

• pour 1 dossier, la classification étaitmoins péjorative à DOCVIE (patienteperdue de vue). L’ensemble des dossiersdiscordants ont été relus et analysés par 2radiologues experts et un junior (interneen imagerie médicale). Cette relecture aété réalisée sur écran, dans certains cas àl’aide des mammographies antérieures,pour juger de l’évolutivité des images. Deplus, les patientes ont été convoquéespour un suivi adapté.

Analyse des discordances entre la L1 sur écran et la L2 sur écran délocalisée

Sur 1 478 dossiers ayant été transférés parle réseau mis en place entre les deux sites,77,9 % des premières et deuxièmes lectu-res sur écran étaient concordantes. Parmi les 326 dossiers discordants :• 176 présentaient une discordance pluspéjorative lors de la deuxième lecture surécran,• 148 présentaient une discordancemoins péjorative lors de la deuxième lec-ture sur écran. De nombreuses divergen-ces (159 dossiers discordants ACR1 en L1/ ACR2 en L2) étaient soit le fait d’une er-reur de remplissage dans le logiciel (parrapport à la classification indiquée sur lecompte rendu de la mammographie), soitle fait d’une « erreur » de classificationACR. Parmi les 176 discordances plus pé-joratives, 17 sont plus intéressantes à étu-dier. Parmi ces 17 dossiers, 4 faisaient par-tie du dépistage organisé (et ont bénéficiéd’une deuxième lecture sur film à DO-CVIE), 13 n’en faisaient pas partie. Parmiles 13 dépistages individuels, la deuxièmelecture numérique a permis de dépister 2cancers.Parmi les 4 patientes du dépistage organi-sé, 2 patientes ont été reclassées ACR2, les2 autres sont en cours de surveillance.Deux cancers ont été détectés par ladeuxième lecture sur écran, dans des casde dépistage individuels (qui n’auraientpas bénéficié de deuxième lecture en de-hors de l’expérimentation poitevine).

Transfert d’image

Concernant la lecture sur console aprèstransmission d’images numériques, 17 in-cidents de transfert survenus ont nécessitéune intervention humaine entreavril 2005 et janvier 2008. Il a toujours étépossible de récupérer les données perduessur un site, à partir des images

Processed

stockées sur le deuxième site.

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Ce temps de transmission a été évalué à 30 à45 minutes par jour pour 60 examens (soit30 à 135 secondes par examen pesant 32 à64 Mo, pour un débit réseau de 512 Bits).

Délai de la L2 sur écran

Le délai de réalisation entre la première etla deuxième lecture sur écran s’échelon-nait entre 0 (deuxième lecture le jour mê-me) et 181 jours (délai tardif en rapportavec des deuxièmes lectures à distance dudébut de l’étude), avec une médiane de 8jours et une moyenne de 12 jours. Le butde l’étude n’était pas d’obtenir unedeuxième lecture rapide, mais au regardde ces divers chiffres, il nous est apparupossible de diminuer le délai entre la réa-lisation de la mammographie de dépista-ge et le moment où le compte rendu défi-nitif parvient à la patiente.

Évaluation économique

L’analyse détaillée des coûts de fonctionne-ment de la structure de gestion pour une se-conde lecture centralisée montre que lestrois principaux postes de dépenses annuelssont représentés par les moyens humains(82 305

/an), la deuxième lecture propre-ment dite (62 013

/an) et les frais d’envoides clichés à la patiente (24 205

/an).Sachant que de nombreuses tâches pour-raient être supprimées pour 20 % desmammographies totales, réalisées en nu-mérique, ceci permettrait dans l’absoluune économie de 20 % de ce temps soit0,22 ETP (soit 4 434

/an). Cependant il faut mettre en balance le faitqu’en cas de deuxième lecture décentrali-sée, de nouvelles tâches seraient assuréespar les secrétaires de DOCVIE, telles quela vérification de la concordance entrel’identité de la femme et le code du dos-sier d’invitation ou l’édition d’un courrierpour la patiente afin de l’informer du ré-sultat de la seconde lecture.Dans cette même hypothèse de 20 % delecture décentralisée, les films laser se-raient rendus à la patiente à l’issue de lapremière lecture, permettant une écono-mie sur 20 % des frais d’envoi des clichésà la patiente après seconde lecture(24 205

/an), soit 4 841

/an. L’envoi d’un courrier simple pour 20 %de dossiers représentant 1 048

/an,l’économie finale réalisée serait de3 793

/an.Au total l’introduction du numérique àhauteur de 20 % entraînerait pour la struc-ture de gestion une économie de 8 227

/an.

Discussion

Les résultats du dépistage par mammographie numérique et les référentiels européens

Le taux de cancers détectés pendant la pé-riode avril 2005-décembre 2007 est de5,14 ‰ pour la technologie analogique et4,67 ‰ pour la technologie numérique,soit un taux de détection globale de5,05 ‰, conforme aux référentiels euro-péens préconisant un taux de 5 ‰. Laproportion de cancers

in situ

détectés parla technique analogique est de 15,5 %, cel-le par la technique numérique n’est quede 3 %. Cependant, ce pourcentage estpeu significatif étant donné le petit nom-bre de cancers dépistés (33) dans le groupede femmes dépistées par mammographienumérique.

Application du « tout numérique »

Dans son rapport de 2006 (19), l’HASévoque 5 scénarii d’implantation de lamammographie numérique dans le cadredu dépistage organisé. L’une de ces hypo-thèses correspond à l’expérimentation encours dans la Vienne, elle est immédiate-ment applicable avec le dispositif existantaujourd’hui à Poitiers. Deux circuits de deuxième lecture pour-raient immédiatement coexister : • une deuxième lecture à DOCVIE,pour les 80 % de mammographies analo-giques ou les mammographies numéri-ques sans transfert d’images ;• une deuxième lecture sur l’un des deuxsites de radiologie équipés, pour les 20 %de mammographies réalisées par la tech-nologie numérique avec transfert d’ima-ges. Aucun investissement supplémentairene serait nécessaire pour que ce dispositiffonctionne aujourd’hui en routine.Une économie en temps de secrétariat eten frais d’envoi postaux pourrait ainsiêtre réalisée.

Autres solutions envisagées

Les saisies multiples de données (donnéesadministratives, résultats de mammogra-phies) sont une source d’erreur et de pertede temps de secrétariat. La solution est unremplissage unique. La base de donnéesdu logiciel « DOCVIE électronique »,remplie au site de la première lecture,pourrait être transmise à la structure de

gestion via Internet et être alors intégréeau processus de deuxième lecture, ce quisupprimerait l’envoi et la réception descourriers, ainsi que la saisie par les secré-taires de DOCVIE.Cette étude nous a aussi permis d’envisa-ger une amélioration de notre dispositifde dépistage (trop de « perdues de vue »)améliorant le système de relance DO-CVIE pour ces patientes. Un autre pointnous semble capital à améliorer : le re-cueil des données anatomopathologiquespar la structure de gestion ce qui permet-trait de mieux évaluer l’impact sanitairedu dépistage organisé du cancer du sein.La technologie numérique et la possibilitéd’archivage sur le site de lecture semblentdonc constituer un gain logistique nonnégligeable. On pourrait imaginer un ar-chivage central à DOCVIE, permettantau deuxième lecteur de faire une compa-raison avec les clichés antérieurs.L’extension progressive de la technologienumérique (mammographe, systèmes d’ar-chivage et développement de réseaux infor-matiques) dans le département, ayant pourconséquence une augmentation du volumedes mammographies numériques (doréna-vant réalisées dans le cadre du dépistage or-ganisé), permettra dans l’avenir d’accroîtreces économies. La question de la compatibi-lité entre constructeurs est devenue une pré-occupation croissante depuis la publicationdu rapport de la HAS en 2006.Le développement des

Picture ArchivingCommunication System

(PACS) dans lesstructures privées et les hôpitaux permetd’envisager le développement de réseauxde transmissions entre différentes struc-tures, ce qui apparaît particulièrement in-téressant dans le cadre du dépistage orga-nisé du cancer du sein.Plusieurs constructeurs (comme FENICS,HOLOGIC, MACQ ou SECTRA) ontainsi mis au point des stations de travail quipermettent d’afficher des images prove-nant d’appareils de constructeurs diffé-rents. Les principales difficultés rencon-trées par les constructeurs concernent lacomparaison des images acquises d’unepart par des mammographes à capteursplans et d’autre part par des mammogra-phes à ERLM, en raison de la variation desprotocoles d’acquisition des données.

Conclusion

Les coûts relatifs au dépistage organisé ducancer du sein sont élevés et vont aug-

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menter avec le taux de participation. Latechnologie numérique et les possibilitésde transfert d’images peuvent permettreune diminution des coûts de fonctionne-ment du dépistage organisé tout en amé-liorant son organisation. L’autorisationde réaliser des mammographies numéri-ques dans le cadre du dépistage organisédu cancer du sein est récente (décret paruau Journal Officiel du 6 février 2008).Le développement de plusieurs expéri-mentations dans d’autres départements,réalisées dans le but de simplifier le dé-roulement du dépistage organisé du can-cer du sein, apporte des solutions adaptéesaux spécificités régionales (répartition descabinets, type d’équipement). La coexis-tence de différents schémas selon la tech-nologie utilisée et selon les régions sembleêtre une étape intermédiaire en attendantla généralisation du tout numérique.

Références

1. INCa. Présentation des dernières don-nées d’incidence et de mortalité par can-cer en France et des tendances des 25 der-nières années (1980-2005). Conférence depresse du 21 février 2008, Ministère de laSanté, de la Jeunesse et des Sports.

2. Remontet L, Buemi A, Velten M et al. Evo-lution de l’incidence et de la mortalité parcancer en France de 1978 à 2000. 2003, Insti-tut de Veille Sanitaire : Paris. p. 99-105.

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