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Éviction des allergènes : où en sommes-nous ?

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Page 1: Éviction des allergènes : où en sommes-nous ?

238 Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 238-40

Séminaire FMC

Éviction des allergènes : où en sommes-nous ?

F. de Blay, A. Casset, M. Ott

rente ans après le début des premières études contrôléesd’éviction des pneumallergènes, d’importants progrès ont étéréalisés. Si les stratégies d’éviction des allergènes sont de plusen plus claires, le moment de leur application reste l’objet decontroverses. L’intérêt de la prévention primaire, c’est-à-dire laprévention de l’apparition du terrain allergique, reste àdémontrer. Le rôle potentiel de la prévention secondaire a faitl’objet de nombreuses études, présentées ci-après. Le rôle del’exposition à un ou des allergènes dans l’apparition de symp-tômes d’asthme a été démontré chez des patients sensibilisés àcet ou ces allergènes. Une corrélation entre l’hospitalisationaux urgences pour crise d’asthme et l’exposition aux pollens etaux moisissures a ainsi été montrée. Il en est de même pour lespneumallergènes de l’environnement intérieur. En effet, lesétudes transversales et prospectives ont souligné la nécessitéd’une sensibilisation préalable associée à une exposition pourl’apparition de symptômes. Certains cofacteurs de l’environne-ment intérieur semblent également jouer un rôle dans l’appari-tion ou l’aggravation des symptômes. Le tabagisme passifaugmente le risque d’asthme chez les enfants de parentsfumeurs. Le tabagisme actif est aussi fréquent chez les patientsasthmatiques que chez les non asthmatiques. Il apparaîtcomme un facteur de risque dans la réapparition de l’asthmechez des asthmatiques qui étaient devenus asymptomatiques àl’adolescence. En ce qui concerne d’autres polluants chimi-ques, l’exposition au formaldéhyde serait un facteur de risqued’asthme chez l’enfant. Une étude cas-témoins portant sur457 enfants asthmatiques âgés de 3 à 4 ans a mis en évidence,d’après les réponses des parents à un interrogatoire téléphoni-que, une relation dose-réponse entre asthme et exposition auNO2. De plus, l’exposition à ces polluants chimiques a provo-qué une aggravation de la réponse bronchique vis-à-vis del’allergène comme cela a été démontré pour des sujets ayant étéexposés préalablement à 560 µg/m3 de SO2 et/ou 720 µg/m3

de NO2 pendant 6 heures. Récemment, nous avons pu mettreen évidence qu’une pré-exposition à 100 µg/m3 de formaldé-

Unité d’asthmologie et d’allergologie, Département de pneumologie, Hôpitaux Universitaires, Strasbourg, France.

Correspondance : F. de Blay Unité d’asthmologie et d’allergologie, Département de pneumologie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, BP 426, 67091 Strasbourg Cedex.

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© 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 239

hyde pendant 30 minutes aggravait les symptômes bronchi-ques de sujets asthmatiques allergiques aux acariens [1].

Plusieurs études cliniques ont évalué l’intérêt d’une évic-tion spécifique vis-à-vis des allergènes d’acariens. Pour desenfants ayant déjà un asthme en raison d’une sensibilisationaux acariens, les premières études ont montré une améliorationde la symptomatologie d’asthme après éviction des allergèneslors de séjours dans des lieux appauvris en acariens. Un travailréalisé auprès d’enfants asthmatiques séjournant à 1 756 mètresd’altitude a montré l’existence d’une récidive des symptômes etde l’aggravation de l’hyper-réactivité bronchique non spécifi-que lorsque les enfants séjournaient de nouveau dans leurdomicile originel, riche en allergènes d’acariens, traduisant lerôle probable de ceux-ci dans la responsabilité de la symptoma-tologie d’asthme. Deux méta-analyses ont souligné l’absenced’efficacité des méthodes d’éviction des allergènes d’acarienssans changement de domicile, tant dans la réduction de l’expo-sition que dans l’amélioration clinique. Ces méta-analyses ontpermis de souligner les imperfections des études cliniques con-cernant l’éviction des allergènes d’acariens : étude chez desmalades trop âgés (> 40 ans), absence de définition allergologi-que précise des patients, utilisation d’une méthode d’évictionnon validée, durée de l’étude insuffisante. Cependant, les résul-tats de la réactualisation de cette méta-analyse, qui analysait29 études, ne montraient pas de différence significative concer-nant l’amélioration de l’asthme, les scores de symptômes,l’usage des médicaments ou le débit de pointe du matin [2].

Récemment, deux études de grande ampleur réalisées chezl’adulte asthmatique et rhinitique n’ont pas mis en évidenced’efficacité clinique de la mise en place de la housse antiacariencomme seule méthode d’éviction. La première étude portantsur 279 sujets rhinitiques définis par des pricks tests et un testde provocation nasal positifs a évalué l’effet d’une housse imper-méable aux allergènes d’acariens après 12 mois d’utilisationchez 114 sujets, sur un score rhinitique basé sur une échellevisuelle de 0 à 100. La moyenne du score des symptômes dansle groupe avec housse imperméable était similaire à celle dugroupe témoin. La seconde étude portait sur 1 122 adultesasthmatiques (dont 562 dans le groupe contrôle utilisant unehousse placebo), elle n’a pas montré d’amélioration de lamesure du débit de pointe après 12 mois, ni de différence signi-ficative de la diminution des doses de corticoïdes inhalés. Tou-tefois, seulement 65 % des sujets étaient sensibilisés auxallergènes d’acariens et 563 sujets étaient exposés à un faibletaux d’allergènes d’acariens dans la poussière du matelas, moinsde 2 µg d’allergène majeur d’acariens Der p 1/g de poussières.Et seulement dix pour cent des sujets de l’étude ont fait l’objetd’un prélèvement de la poussière du matelas à 6 mois et à12 mois : la réduction du taux d’allergènes était significative à6 mois mais plus à 12 mois (0,58 µg/g versus 1,71 µg/g ;p = 0.01 et 1,05 µg/g versus 1,64 µg/g ; p = 0.74, respective-ment). Cette dernière étude a été prise en compte dans la nou-velle réévaluation de la méta-analyse permettant de passer de230 patients à 2 733 patients. Les dernières conclusions recom-mandent de réaliser l’éviction la plus globale possible des aller-

gènes et du tabagisme passif. Concernant les allergènes de chat,deux études contradictoires ont été publiées utilisant chacunedes purificateurs d’air et des aspirateurs munis de filtre HEPAchez des patients allergiques au chat et propriétaires de chats.C’est pourquoi, il est difficile de recommander une méthodeparticulière. Une étude récente, contrôlée et randomisée, adémontré l’intérêt d’une éviction globale [3]. Cette étude ainclus 937 enfants âgés de 5 à 11 ans et présentant un asthmeallergique. Après 1 an d’éviction globale (éducation, limitationde l’exposition aux allergènes et au tabac, housse, aspirateurHEPA, purificateur d’air), une réduction significative des tauxd’acariens et d’allergènes de chat ont été obtenus dans le matelaset il en était de même pour les allergènes d’acariens et de blattesau niveau du sol. Une diminution des 19 % des symptômes(évalués sur 2 semaines par le nombre de jours avec symptômes)a été observée pendant l’année de l’intervention, de 13 % pourles visites en urgence et de 20 % pour l’absentéisme scolaire.Il existait une corrélation entre l’amélioration clinique etl’importance de la réduction allergénique. Les auteurs ont sou-ligné que l’amélioration clinique des sujets correspondait à celleobtenue lors du traitement par des corticoïdes inhalés. Dans cesconditions, l’éviction globale doit désormais être considéréecomme une part importante du traitement de l’asthme allergi-que chez les enfants qui sont exposés aux allergènes.

Avant toute éviction, il convient de mesurer la présenced’allergènes dans l’environnement au moyen de tests domesti-ques. En fonction des résultats des mesures des allergènes, plu-sieurs situations peuvent être envisagées. Pour 51 % despneumologues et des ORL, l’éviction des allergènes représenteune des méthodes thérapeutiques les plus difficiles à mettre enœuvre. Seulement 4 % des pneumologues français proposentune housse antiacariens aux enfants asthmatiques allergiquesaux acariens. Le niveau socio-économique des patients repré-sente un autre frein à la mise en place de méthodes de réduc-tion des allergènes. Les parents dont les revenus annuels sontsupérieurs à 400 kF (61 000 euros) par an achètent plus facile-ment les housses antiacariens (matelas et oreiller). De même,dans notre pays, la housse antiacariens est 13 fois plus achetéelorsque les personnes vivent dans une maison individuelle quedans un HLM. Face à ces contraintes, un conseiller médical enenvironnement intérieur (C.M.E.I) peut apporter un progrès.En effet, lors d’une visite à domicile il ou elle pourra détermi-ner les éventuelles niches d’acariens non soupçonnées par lemédecin, proposer des mesures d’éviction orientées par ledosage semi-quantitatif des acariens (Acarex-test®), et adapterles mesures conseillées aux moyens socio-économiques despatients. L’intérêt de leur travail a été démontré par uneétude multicentrique prospective française [4], regroupant378 patients allergiques aux acariens. Un effet significatif duC.M.E.I a été démontré sur la compliance aux mesures. Unebaisse significativement plus importante des taux d’allergènesdes acariens a été obtenue dans les sommiers et la moquette.Enfin, le C.M.E.I. a évité les erreurs de conseils d’éviction quefont les médecins à leur cabinet (de 13 à 74 %). Dans le futur,les C.M.E.I. s’intéresseront non seulement aux allergènes mais

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F. de Blay et coll.

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également aux autres polluants de l’air intérieur tels que lesendotoxines, le NO2, le formaldéhyde. Ils devront être capa-bles de diagnostiquer les vices de construction responsablesd’anomalies de la ventilation et de solliciter l’intervention detechniciens du bâtiment ou d’architectes plus spécialisés dansles risques santé et habitat.

En conclusion, l’intérêt de la prévention primaire reste àdémontrer et elle ne peut être recommandée au vu des résultatsd’études récentes. Pour la prévention secondaire, son intérêt aété démontré dans une étude de large ampleur chez l’enfantallergique asthmatique où le concept d’éviction globale a étéconfirmé. L’intervention à domicile d’un ou d’une Con-seiller(e) Médical(e) en Environnement Intérieur est une aideimportante pour la réalisation de l’éviction globale.

QCM – Réponses page 264

I. – Grâce à l’éviction des allergènes dès la naissance, la prévention primaire des maladies allergiques (c’est-à-dire la prévention de l’apparition des maladies allergiques)

A) a été démontrée chez les enfants atopiquesB) a été démontrée chez les enfants non atopiquesC) a été démontrée chez les adultesD) n’a pas été démontrée

II. – La prévention secondaire (prévention de l’apparition de symptômes des patients exposés et sensibilisés) à un allergène

A) est efficace chez les enfants allergiques asthmatiquessévères

B) est efficace chez les asthmatiques allergiques adultesC) est efficace chez les adultes asthmatiques sévèresD) n’est pas efficace du tout

Références

1 Casset A, Marchand C, Purohit A, Le Calves S, Urin G, Lambert B,Donnay C, Meyer P, Pauli G, de Blay F : Inhaled FormaldéhydeExposure: Effect on Bronchial Response to Mite Allergen in Sensiti-zed Asthma Patients. Allergy 2006; in press.

2 Gotzsche PC, Johansen HK, Schmidt LM, Burr ML : House dustmite control measures for asthma. Cochrane Database Syst Rev 2004 ;4 : CD001187.

3 Morgan WJ, Crain EF, Gruchalla RS, O’Connor GT, Kattan M,Evans III R, Stout J, Malindzak G, Smartt E, PLaut M, Walter M,Vaughn B : Results of a home-based environmental intervention amongurban children with asthma. N Engl J Med 2004 ; 351 : 1068-80.

4 De Blay F, Fourgaut G, Hedelin G : Medical indoor environmentcounselor (M.I.E.C.): role in the compliance with advice on miteallergen avoidance and on mite allergen exposure. Allergy 2003 ; 58 :27-33.