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pratique | biochimie 20 OptionBio | Jeudi 17 décembre 2009 | n° 428 L’ os a une fonction de réservoir pour deux principaux minéraux : le calcium et le phosphore. Pour que l’homéostasie soit respectée, interviennent trois hormones (la vita- mine D, la parathormone ou PTH, et la calcitonine) et trois organes (l’intestin, le rein et l’os). Le tissu osseux est constitué d’une matrice inorga- nique (cristaux d’hydroxyapatite) et d’une matrice organique (collagène de type I et protéines non collagéniques). Ce tissu est en perpétuel renou- vellement, grâce aux ostéoblastes et ostéoclastes qui travaillent simultanément au sein d’unités de remodelage. Un “cycle” de remodelage (activa- tion, résorption, inversion, formation) dure environ 4 mois. Environ 90 % de la masse osseuse sont acquis à l’âge de 20 ans, l’ostéoformation étant surtout importante de la naissance à 4 ans, et à la puberté. Chez l’enfant puis l’adolescent, le pic de croissance staturale précède le pic de masse osseuse précédant lui-même le pic de masse musculaire. Les marqueurs osseux nous renseignent sur la quantification de la masse osseuse ; ils nous per- mettent de mesurer la vitesse de formation et de dégradation de la matrice osseuse. Les marqueurs d’ostéoformation Les phosphatases alcalines Il existe plusieurs isoformes de phosphatases alca- lines (PAL) dont une spécifiquement osseuse, qu’il est possible de doser aisément depuis l’apparition de techniques avec anticorps monoclonaux. Sa clairance est hépatique, sa demi-vie de 1,6 jour. Une réaction croisée avec la PAL hépatique est possible, à hauteur de 10 à 20 % (non gênant si la fonction hépatique est normale) L’ostéocalcine sérique Synthétisée par les ostéoblastes, l’ostéocalcine sérique régule la maturation ostéoblastique et le remodelage osseux. Elle est sécrétée en par- tie (10 à 20 %) dans le milieu extracellulaire et la circulation, où elle a un rythme circadien similaire à celui du cortisol et une demi-vie de 5 minutes. Des dosages immunologiques sont disponibles, mais il existe une grande hété- rogénéité des formes circulantes et, la forme intacte étant instable, des conditions pré-ana- lytiques strictes sont requises (prélèvement le matin à jeun, congelé dans l’heure suivant le prélèvement). Les peptides d’extension du collagène de type I Issus de l’action de peptidases sur le procolla- gène, les peptides d’extension du collagène de type I sont le P1CP (procollagène 1C peptide ou propeptide C-terminal du collagène de type 1) et le P1NP (propeptide N-terminal du collagène 1). La mesure de ces deux peptides permet d’ap- préhender le niveau de formation des molécules de collagène. En pratique, pour explorer l’ostéoformation, il convient d’utiliser les marqueurs adaptés : le P1CP reflète la phase de prolifération ostéoblasti- que, l’ostéocalcine, la phase de minéralisation, et la PAL osseuse, la phase de maturation du tissu osseux. Les marqueurs de résorption • La calciurie est utilisée, rapportée à la créatini- nurie, sous la forme d’index de Nordin. • L’hydroxyprolinurie. • Les molécules de pontage du collagène appe- lées en anglais “crosslinks” sont excrétées dans les urines à 40 % sous forme libre (pyridinoline et désoxypyridinoline ou DPD). Elles sont dosées par HPLC (high performance liquid chromatogra- phy) ou Elisa. Le dosage de DPD est l’un des plus spécifiques de la résorption osseuse. Les peptides associés sont le NTX (N-télopeptides du collagène de type 1) et le CTX ou Crosslaps ® . Facteurs de variation des marqueurs du remodelage L’âge Chez l’enfant, les variations sont sensiblement parallèles à la vitesse de croissance. Les concen- trations des marqueurs sont élevées la première année de vie puis diminuent ; elles atteignent un pic en milieu de puberté (stade P3 chez les filles, P4 chez les garçons) puis s’abaissent chez l’adulte jeune. L’interprétation des marqueurs est donc fonction de l’âge et du stade pubertaire. Variations saisonnières et circadiennes Le remodelage osseux est accéléré en hiver. Il est très important de doser toujours ces marqueurs au même moment de la journée car les valeurs atteignent un pic en fin de nuit et leur nadir en fin d’après-midi. Comme il existe une influence de l’alimentation, les dosages doivent être réalisés à jeun. L’activité physique – alitement/immobilisation Les marqueurs de formation augmentent en réponse à l’exercice, les marqueurs de résorption peuvent varier. L’alitement entraîne une augmen- tation des marqueurs de résorption osseuse (30 à 50 % après 7 jours) ; après mobilisation, le retour aux valeurs normales est progressif. Pathologie Toute fracture entraîne une augmentation des mar- queurs de formation et de résorption ; il convient donc de doser ces marqueurs à distance. De nom- breuses affections sont aussi sources de variations : Exploration du remodelage osseux chez l’enfant © Fotolia.com/D Sabljak Le tissu osseux est en perpétuel renouvellement, mais l’ostéoformation est surout importante jusqu’à 4 ans et à la puberté. Le dosage des marqueurs qui explorent le remodelage osseux permettent d’évaluer une perte osseuse et/ou une efficacité thérapeutique. Cependant, il existe des variations selon l’âge du patient, tout particulièrement chez l’enfant, la saison, le moment de la journée, la pathologie, etc.

Exploration du remodelage osseux chez l’enfant

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20 OptionBio | Jeudi 17 décembre 2009 | n° 428

L’os a une fonction de réservoir pour deux principaux minéraux : le calcium et le phosphore. Pour que l’homéostasie soit

respectée, interviennent trois hormones (la vita-mine D, la parathormone ou PTH, et la calcitonine) et trois organes (l’intestin, le rein et l’os).Le tissu osseux est constitué d’une matrice inorga-nique (cristaux d’hydroxyapatite) et d’une matrice organique (collagène de type I et protéines non collagéniques). Ce tissu est en perpétuel renou-vellement, grâce aux ostéoblastes et ostéoclastes qui travaillent simultanément au sein d’unités de remodelage. Un “cycle” de remodelage (activa-tion, résorption, inversion, formation) dure environ 4 mois. Environ 90 % de la masse osseuse sont acquis à l’âge de 20 ans, l’ostéoformation étant surtout importante de la naissance à 4 ans, et à la puberté. Chez l’enfant puis l’adolescent, le pic de croissance staturale précède le pic de masse osseuse précédant lui-même le pic de masse musculaire.Les marqueurs osseux nous renseignent sur la quantification de la masse osseuse ; ils nous per-mettent de mesurer la vitesse de formation et de dégradation de la matrice osseuse.

Les marqueurs d’ostéoformationLes phosphatases alcalinesIl existe plusieurs isoformes de phosphatases alca-lines (PAL) dont une spécifiquement osseuse, qu’il est possible de doser aisément depuis l’apparition de techniques avec anticorps monoclonaux. Sa clairance est hépatique, sa demi-vie de 1,6 jour. Une réaction croisée avec la PAL hépatique est possible, à hauteur de 10 à 20 % (non gênant si la fonction hépatique est normale)

L’ostéocalcine sériqueSynthétisée par les ostéoblastes, l’ostéocalcine sérique régule la maturation ostéoblastique et le remodelage osseux. Elle est sécrétée en par-tie (10 à 20 %) dans le milieu extracellulaire et la circulation, où elle a un rythme circadien similaire à celui du cortisol et une demi-vie de 5 minutes. Des dosages immunologiques sont disponibles, mais il existe une grande hété-rogénéité des formes circulantes et, la forme intacte étant instable, des conditions pré-ana-lytiques strictes sont requises (prélèvement le matin à jeun, congelé dans l’heure suivant le prélèvement).

Les peptides d’extension du collagène de type IIssus de l’action de peptidases sur le procolla-gène, les peptides d’extension du collagène de type I sont le P1CP (procollagène 1C peptide ou propeptide C-terminal du collagène de type 1) et le P1NP (propeptide N-terminal du collagène 1). La mesure de ces deux peptides permet d’ap-préhender le niveau de formation des molécules de collagène.En pratique, pour explorer l’ostéoformation, il convient d’utiliser les marqueurs adaptés : le P1CP reflète la phase de prolifération ostéoblasti-que, l’ostéocalcine, la phase de minéralisation, et la PAL osseuse, la phase de maturation du tissu osseux.

Les marqueurs de résorption• La calciurie est utilisée, rapportée à la créatini-nurie, sous la forme d’index de Nordin.

• L’hydroxyprolinurie.• Les molécules de pontage du collagène appe-lées en anglais “crosslinks” sont excrétées dans les urines à 40 % sous forme libre (pyridinoline et désoxypyridinoline ou DPD). Elles sont dosées par HPLC (high performance liquid chromatogra-phy) ou Elisa. Le dosage de DPD est l’un des plus spécifiques de la résorption osseuse.Les peptides associés sont le NTX (N-télopeptides du collagène de type 1) et le CTX ou Crosslaps®.

Facteurs de variation des marqueurs du remodelageL’âgeChez l’enfant, les variations sont sensiblement parallèles à la vitesse de croissance. Les concen-trations des marqueurs sont élevées la première année de vie puis diminuent ; elles atteignent un pic en milieu de puberté (stade P3 chez les filles, P4 chez les garçons) puis s’abaissent chez l’adulte jeune. L’interprétation des marqueurs est donc fonction de l’âge et du stade pubertaire.

Variations saisonnières et circadiennesLe remodelage osseux est accéléré en hiver. Il est très important de doser toujours ces marqueurs au même moment de la journée car les valeurs atteignent un pic en fin de nuit et leur nadir en fin d’après-midi. Comme il existe une influence de l’alimentation, les dosages doivent être réalisés à jeun.

L’activité physique – alitement/immobilisationLes marqueurs de formation augmentent en réponse à l’exercice, les marqueurs de résorption peuvent varier. L’alitement entraîne une augmen-tation des marqueurs de résorption osseuse (30 à 50 % après 7 jours) ; après mobilisation, le retour aux valeurs normales est progressif.

PathologieToute fracture entraîne une augmentation des mar-queurs de formation et de résorption ; il convient donc de doser ces marqueurs à distance. De nom-breuses affections sont aussi sources de variations :

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Le tissu osseux est en perpétuel renouvellement, mais l’ostéoformation est surout importante jusqu’à 4 ans et à la puberté. Le dosage des marqueurs qui explorent le remodelage osseux permettent d’évaluer une perte osseuse et/ou une efficacité thérapeutique. Cependant, il existe des variations selon l’âge du patient, tout particulièrement chez l’enfant, la saison, le moment de la journée, la pathologie, etc.

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outre les maladies osseuses (hyperparathyroïdie, ostéodystrophie rénale, métastases osseuses...), le diabète (diminution des marqueurs de formation, augmentation de ceux de résorption), l’hyperthyroïdie (augmentation des marqueurs de formation et de résorption), l’insuffisance rénale (clairance modifiée

de tous les marqueurs sauf la PAL osseuse), l’insuffi-sance hépatique (interférence sur la PAL osseuse qui croise avec l’isoforme hépatique), la cirrhose biliaire primitive (augmentation des marqueurs du colla-gène corrélée au stade histologique de la maladie ; diminution de l’ostéocalcine). Enfin, l’ostéoporose secondaire à une corticothérapie est associée à une augmentation importante des marqueurs de résorp-tion et à une diminution de ceux de formation.

Utilité cliniqueChez l’enfant, l’exploration du remodelage osseux est justifiée au cours de différentes situations telles que fractures, immobilisation, pathologies osseuses ou autres (maladies inflammatoires intestinales, diabète, transplantation d’organes, cancers, mucoviscidose, ostéogenèse imparfaite) ou administration de médicaments tels que les corticoïdes. Dans tous ces cas, les dosages de

marqueurs permettent d’évaluer la perte osseuse et/ou l’efficacité thérapeutique.L’évaluation de l’état de la matrice osseuse peut passer par la mesure de la densité minérale osseuse (DMO) par absorptiométrie biphotonique. Mais pour suivre l’efficacité d’un traitement de l’ostéoporose sur la DMO, il faut attendre 2 ans ; l’avantage de la biologie est que les marqueurs de résorption diminuent après 3 mois de traite-ment efficace ; les marqueurs de formation sont modifiés à 6 mois. La réduction du délai de suivi des patients contribue à la meilleure observance des traitements. |

LuciLe Jeanne

Biologiste, Angers (49)

SourceCommunication de M. Pressac, lors des Journées internationales de biologie, novembre 2008, Paris.

Recommandations pour l’utilisation des marqueurs osseux

• Sérum recueilli à jeun avant 9 h ; urines

de première miction.

• Conservation : +4 °C (4 mois à –20 °C).

• Dosage toujours dans le même

laboratoire.

• Attention aux fractures récentes ou

aux traitements par corticoïdes.

M. S., 31 ans, consulte le 16 mai 2008 pour des douleurs anales. Il est séropositif pour le VIH depuis 2006, traité par Tru-

vada® et Kaletra®. Il a eu une gonococcie en 2006 et une syphilis secondaire en 2007. Il est homo-sexuel et a une hépatite C ainsi que des érosions anales douloureuses, apparues quelques jours auparavant. Il ne semble pas avoir de rectite.

DiagnosticFace à ces symptômes, quelle est l’hypothèse diagnostique ?1. Une maladie de Nicolas Favre ou lymphogranulomatose vénérienne (LGV).

2. Un herpès anal.

3. Une syphilis secondaire.

4. Ces trois maladies.

Bonne réponse : 4.

Sur le gland, des papules indolores sont apparues récemment. Cela restreint-il le champ diagnostique ?1. Oui.

2. Non.

3. Pas sûr.

4. Parfois on peut “avoir la vérole” et autre chose.

Bonnes réponses : 3 et 4.

Un premier traitementMalgré un examen au fond noir négatif, vous avez opté pour un traitement par Extencilline®

2,4 MU en IM, doxycycline 200 mg/j et valaciclo-vir (Zelitrex®) 500 mg x2/j. Lorsque vous revoyez M. S. quelques jours plus tard, vous vous félicitez de ce choix car les résultats des prélèvements des ulcérations sont :– présence d’un herpès en culture (anus),– présence de nombreuses colonies de staphy-locoque doré,– Chlamydia trachomatis (Ct) dans l’anus,– TPHA : 10 240, et VDRL : 32 (sérologie identique à celle d’il y a un an ; mais nous n’avons pas de sérologie intermédiaire : le VDRL a pu se négativer puis se repositiver).Au total, cette personne a une syphilis secondaire, un herpès anal, et un Ct dans l’anus (sérotype “normal” ou de LGV).

Traitement de suiteLes lésions anales ayant cicatrisé presque com-plètement, quel(s) traitement(s) poursuivez-vous au-delà de la 1re semaine ?1. Extencilline®.

2. Doxycycline.

3. Zélithrex®.

4. Les trois.

Bonne réponse : 2.

La doxycycline est continuée car, en présence d’un Ct sur une ulcération génitale ou dans le rectum, il s’agit peut-être d’une maladie de Nicolas Favre,

dont le traitement dure 3 semaines. L’Extencilline® n’est pas poursuivie car il s’agit d’une syphilis précoce (phase primaire ou secondaire) dont le traitement est une injection de 2,4 MU (dose uni-que). Le Zelitrex® ne sera pas non plus continué si le patient est guéri.La sérologie Ct est faiblement positive : IgG : 31 UA/mL et IgA : 22 UA/mL (seuils à 20 UA/mL). Cela élimine-t-il le diagnostic de LGV ?1. Oui.

2. Non.

3. Peut-être.

Bonne réponse : 2.

Il existe d’authentiques LGV avec Ct dans les lésions et une sérologie faible ou négative. L’exa-men sérologique est peu sensible ; la seule solu-tion diagnostique est de rechercher directement Ct dans la lésion, puis d’envoyer la souche au CNR Ct (B. de Barbeyrac, Bordeaux), pour typage. Le résultat revenant au bout de quelques semai-nes, il faut considérer, dans une rectite ou une ulcération, qu’il s’agit d’un Nicolas Favre, et traiter en conséquence (3 semaines). |

caroLe ÉmiLe

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

SourceCommunications de M. Janier, D. Vexiau-Robert et S. Fouere, Jour-nées dermatologiques de Paris, décembre 2008.

Cas clinique/IST

Un homme aux multiples pathologies vénériennes