14
MILLE REGARDS ET UN

Extrait Mille Regard Et Un

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Extrait Mille Regard Et Un

MILLE REGARDS

ET UN

Page 2: Extrait Mille Regard Et Un

Mémoires infidèlesCollection dirigée par Louis Porcher

Le propos de cette collection est d'abord d'ordre littéraire, romansou nouvelles orientés vers le passé de l'auteur. Ce ne sont cependant ni destextes autobiographiques, ni des récits de vie.Ici, il s'agit d'un de textes que l'on pourrait appeler légitimement«autofiction », (comme depuis quelque temps déjà, dans le monde anglo-saxon, en Allemagne ou en Italie).L'auteur y élabore une histoire à partir de ses souvenirs, de la manière dont ilse les représente, dont il les rêve aussi, les identifie aujourd'hui, bref, racontesa propre vie telle qu'il la voit ou veut la voir.A cette condition, celle de la littérature donc, des textes singuliers (puisquechacun a son propre passé et ses propres rapports avec lui) seront reçus par lelecteur comme des itinéraires qu'ils peuvent partage, dans leur liberté même.

Olivier BERGER, Vous ne pouvez pas vous souvenir, 2003.Virginie MAURE,Mehr Licht 1Lumière 1,2003.Octave BOULANGER, Portraits d'ici et de là-bas, 2003.Ludovic RECROP, Souvenirs d'un homme dont la mémoire flanchait,2002.Louis PORCHER, Nouvelles d'hier pour aujourd'hui, 2002.Octave BOULANGER, Mémoires d'unefamille qui a traversé lesiècle, 2002.Dominique KYPPIG, Village d'une jeunesse qui ne reviendra plus,2002.Vladimir EUMEE, Chroniques de guerre, de mort et d'amitié, 2001.Ludovic RECROP, Un petit paysan jeté dans l'océan parisien, 2001.Olivier BERGER, Vagabond aux quatre coins du monde, 2001.Louis PORCHER, Chroniques d'un jeune homme devenu vieux, 2001.Octave BOULANGER, Une jeunesse entre la France et l'Algérie,2000.Dominique KYPPIG, Aventures d'un provincial à Paris, 2000.Louis PORCHER, Récits d'une enfance vendéenne, 2000.Vladimir EUMEE, Souvenirs d'un enseignant voyageur, 2000.

Page 3: Extrait Mille Regard Et Un

Collection « Mémoires infidèles»

Lorence GARCIAet

Louis PORCHER

MILLE REGARDS

ET UN

L'Ha attan5-7, rue de J'&ole-Polytechnique

75005 ParisFRANCE

L'Ha attan HongrieHargita u. 3

J026 BudapestHONGRIE

L'Harmattan IIIIIÙI

Vi" Bava, 37J02J4 TorinoITALIE

Page 4: Extrait Mille Regard Et Un

~ L'Hannat1an, 2004ISBN: 2-7475-5950-5EAN : 9782747559508

Page 5: Extrait Mille Regard Et Un

LIBER AMICORUM

Composé par Lonmce GARCIA

Page 6: Extrait Mille Regard Et Un
Page 7: Extrait Mille Regard Et Un

C'est une curieuse impression que de voir surgir devant sesyeux, des regards orientés vers vous exclusivement à traversle souvenir: vous touchez au sentiment d'avoir plusieursidentités et vous acquérez la certitude que chacun des autres(qui vous aiment encore assez pour vous consacrer un mot) arecueilli en lui un fragment de vous-même que vous n'aviezpas perçu. Etrange aussi de constater que, parmi ces quatre-vingt quatre personnes, aucune n'a conservé de vous le mêmesouvenir, ne vous a ressenti pareillement, ne met en exergueles mêmes traits éphémères. Stupéfiant enfin de noter decombien d'erreurs objectives sont tissées de tellesremembrances (et je noterai à chaque fois celles qui sontavérées, donc qui résultent d'une trace objective parce qu'iln'y a aucune raison que ma mémoire soit meilleure que celledes autres). Ces personnes qui ont écrit à mon propos, ellessont bien entendu différentes entre elles. S'y mêlent lagénération (depuis celui qui m'a vu naître jusqu'à mondemier étudiant en 1998 lorsque j'avais 58 ans), la situation(ce sont des amis, d'anciens étudiants, d'anciens collègues),des professions (ministres, inspecteurs généraux, professeursdes universités, écrivain, journaliste, éditeurs, cadres du privé,hauts fonctionnaires, conseiller d'Etat ou à la Cour desComptes, professeur du primaire ou du secondaire, coopérantsà l'étranger, secrétaire), des proximités (d'anciens camaradesde classe des trois lycées où j'ai étudié, ou de très jeuneshommes ou femmes dont j'ai accompagné, et parfois fait, lacarrière éventuellement depuis plusieurs décennies). Plussurprenants encore ceux qui ont refusé l'exercice, parce qu'ilsne voulaient pas livrer une intimité, parce qu'ils n'osaient pas,parce que, disaient-ils, ils n'y parvenaient pas, sans comptersans doute ceux qui se tiraient du jeu parce que ce qu'ilsauraient eu à dire de saillant sur moi aurait été méchant. Bref,au total, un ensemble de miroirs (déformants comme tous lesmiroirs) et de très émouvantes marques d'amitié qui m'ont,

9

Page 8: Extrait Mille Regard Et Un

plus d'une fois, mis la lanne à l'œiL Je n'aurais pas pensé, parexemple, qu'autant d'anciens étudiants eussent répondu, niqu'un si grand nombre de mes amis d'adolescence, parfoisperdus de vue depuis plus de trente ans, eussent conservé destraces mémorielles aussi aiguës et aussi contemporaines. Il y adans cet ensemble, beaucoup de gens que je souhaiteraisrevoir, mais je sais déjà que je n'y parviendrais pas, soit parceque la différence d'âge entre nous est trop grande, soit parcequ'ils sont montés trop haut dans la société pour que je puisseoser, malgré cet encouragement objectif, m'adresser à eux.Lorence Garcia doit être particulièrement remerciée parcequ'elle s'est occupée de tout, mais toutes les réponsesobtenues méritent la reconnaissance que je leur témoigne ici.

e' est Lorence qui a donné les titres sauf pour onze descontributions où c'est l'auteur lui-même qui a décidé de lanommer. Nous avons choisi de classer les textes par ordrealphabétique pour ne pas créer de fausses hiérarchies.Jean Alayrangues (professeur, retraité), Stéphanie Anthony(artiste muhicarte), Marc Bailly (Alliance Française),Geneviève Baraona (enseignante, chercheuse), Sophie Barluet(cadre de très haut niveau, enseignante), Catherine Bamoud(enseignante, auteure), Hélène Bekker (coopérante), PascalBelon (artiste multicarte), André Berland (professeur,retraité), Sandrine BiHaud (spécialiste de cultures étrangères),Nicole Blondeau (enseignante, universitaire), LaurenceBlouin (coopérante), Françoise Bollonnotte (enseignante,universitaire), Jean-François Bourdet (universitaire), GillesBreton (enseignant, concepteur, animateur), Marie-PauleBreton (ATOS à la Sorbonne), Hervé Brocard (coopérant),Jean-Michel Cartier (coopérant retraité, auteur), MichelCavillac (professeur des universités retraité), DominiqueCharbonneau (enseignante, chercheuse, auteure), Cada Chau(enseignante, chercheuse), Murielle Coquat (enseignante),Alex Cormanski (coopérant), Gilbert Dalgalian (coopérant,

10

Page 9: Extrait Mille Regard Et Un

formateur, auteur, retraité), Charles de Margerie(universitaire, auteur, retraité), Antonietta de Vigili (très hautfonctionnaire, au Conseil de l'Europe, italienne, retraitée),Denise Delacroix-Vautier (enseignante, responsable deprogramme), François Delafosse (très haut fonctionnaire à laCour des Comptes), Catherine Delvert (coopérante,chercheuse), Jean-Claude Demari (journaliste, chercheur),Alain Demurger (universitaire, auteur, retraité), MauriceDenuzière (ancien journaliste au Monde, écrivain), BernardEsmein (coopérant), Pierre Espagnon (enseignant), AlainFleury (haut fonctionnaire), Alain Fohr (haut fonctionnaire),Pierre Frémont (formateur), Michèle Garabédian(universitaire, auteur), Olivier Garreau (haut cadre du privé),Jean-Marie Gautherot (coopérant, chercheur, retraité),Michèle Grandmangin (haut cadre du privé, enseignante),Yves Guérin (inspecteur général, retraité), Maurice Guillot(journaliste, retraité), Bruno Halff (inspecteur général,retraité), Michel Journot (enseignant, retraité), Jean-PierreHelt (enseignant, haut fonctionnaire, artiste-peintre), LorenceGarcia (artiste-peintre, coopérante), Philippe Lane (professeurdes universités), Grégory Lasne (coopérant), Fabienne Bernet-Rollande, (directrice d'entreprise, enseignante, formatrice),Hélène Leclerc (universitaire), Simonne Lieutaud(chercheuse, formatrice, retraitée), Gérard Links (hautfonctionnaire), François Louvrier (enseignant), Jean-Noël Luc(professeur des universités), Philippe Marchand (avocat,Conseiller d'Etat, ancien député, ancien ministre), MichelMassacret (haut fonctionnaire), René Minot (enseignant,retraité), Marion MisticheHi (coopérante), Annie Monnerie(directrice à l'Alliance Française), Isabelle Normand(coopérante), Philippe Normand (coopérant), Franca Orione(enseignante italienne à l'université catholique de Milan),Muriel Pernet (coopérante), Henri Plagnol (ministre),Bernadette Plot (professeur des universités), Marif Poulain

11

Page 10: Extrait Mille Regard Et Un

(fonnatrice), Anne Rébérioux (très haut cadre du privé),Liliane Rios (enseignante à l'université, retraitée), RenéRodriguez (enseignant, fonnateur, retraité), Catherine Roemer(conseillère principale d'éducation), Jean-Louis Rousse(coopérant, retraité), Jean-Philippe Rousse (coopérant fils duprécédent), Marie-France Rouzade-Brévant (haut fonction-naire, retraitée), Jacques Rubenach (universitaire), EnekoSaint-André (coopérant), Bertrand Sapin-Lignères (inventeurmulticarte, fonnateur, auteur, retraité), Jean-Jacques Scaêrrou(coopérant), Evelyne Sirejols (coopérante, auteure), Jean-Michel Sivirine (haut fonctionnaire, auteur), Michel Tardy(professeur des universités, mon ancien directeur de thèse,retraité), Bernard Vannier (haut cadre du privé, retraité),Florence Vidal (intellectuelle, multicarte).Ces 84 personnes ont été classées par ordre alphabétique etc'est dans cet ordre que vous retrouverez leurs textes. l'aimoi-même simplifié leurs titres parce que ceux-ci sontéminemment provisoires, peuvent changer à chaque instant etqu'il fallait bien fournir un point de repère. C'est pourquoij'ai privilégié la dernière position en date. Sur ces 84 noms,42 sont mes anciens étudiants, 8 des amis de lycée, 5 desanciens élèves de l'Ecole Nonnale Supérieure de St-Cloud, 6des anciens khâgneux de Poitiers (certains pouvant appartenirà plusieurs de ces catégories à la fois). Mon égale gratitude àtous, immense, sincère, émotive.

Louis Porcher

12

Page 11: Extrait Mille Regard Et Un

DiscrètementJe n'ai pas eu la chance de partager avec toi les longsmoments de travail et d'échanges qui ont fortement marqué, àtelle ou telle époque de leur vie, la mémoire de ceux qui terendent hommage. L'Asdifle qui a été à l'origine de nosrelations ne nous a pas réunis aussi fréquemment et dans lamême complicité laborieuse. C'est pourtant par elle que jeconnais l'universitaire, peut-être l'écrivain et c'est bien grâce àelle que nous sommes devenus amis.De l'universitaire j'avais seulement lu quelques pages avecd'autant plus d'intérêt que tu y abordais des questions faisanttrès souvent écho à mes préoccupations d'enseignantangliciste. J'avais apprécié la simplicité de ton approche, talucidité et la clarté de ton expression. Dans tes interventionslors des réunions du bureau de l'association et lors desRencontres j'ai pleinement retrouvé ces qualités, valoriséesmême par ton aisance dans les prestations orales. Mais ce queje trouve admirable, c'est ta capacité à écouter l'Autre avecune infinie bienveillance et à respecter son opinion au pointde laisser le dernier mot à ton contradicteur sans autre formede procès si tu penses que seule vous sépare une différence desensibilité. Je comprends aisément quel crédit tu peux avoirparmi ceux de tes pairs qui comme toi refusent de jouer lesmandarins.Dans tes romans j'ai constaté la même surprenante lucidité (depsychologue plus précisément cette fois) probablement parceque, t'appuyant très largement sur les données de ta propreexpérience, tu disposes des outils de ta formation premièrepour les analyser avec pertinence. Tu réussis magnifiquementen tout cas à établir une connivence parfaite entre tespersonnages et toi. Mais je persiste tout de même à medemander comment tu es parvenu, par exemple, à traduireavec une telle exactitude les drames humains et lesquestionnements qui ont marqué toute la période de la guerre

13

Page 12: Extrait Mille Regard Et Un

d'Algérie. J'aime ton style, je ne peux qu'être sensible àl'ampleur de ton talent.A titre plus strictement personnel, j'aimerais simplement tedire combien j'ai été sensible naguère à ton accueil et combienj'apprécie la délicatesse avec laquelle tu t'es soucié depuis lorsd'entretenir nos relations en dehors du cadre de L'Asdifle. Jepense aux exemplaires de tes romans que tu m'as offerts et ànos déjeuners Chez Marcel en tête-à-tête. J'ai très vite comprisque tu détestais les arrivistes et les prétentieux tout autant quele fidèle gardien des troupeaux d'Ulysse détesta lesprétendants qui tournaient autour de Pénélope. Tu n'es pasvraiment cordial tellement peut-être tu es attaché à uneauthenticité sans faille. Mais tu es un ami discrètementchaleureux. C'est à cet ami que je dédie ces quelquesréflexions en affectueux hommage.

Jean ALAYRANGUES

Douze heures trenteLouis monte doucement les escaliers de la rue St-Jacques etun certain silence se fait.Louis commence son cours et sa voix, tout en restant trèsdouce, prend entièrement possession de la grande salle.Eneko et moi ne raterions pour rien la séance du vendredimatin, « les leçons de vie ».Louis pose des questions et je mets des mois à ne pas avoir latrouille de répondre.Louis raconte les philosophes, les sociologues, et en quelquesminutes je digère des idées que d'autres n'ont pas réussi à mefaire avaler en une année complète. Je me dis que s'il semettait à nous parler de la scission de l'atome ou de zoologie,pas un des cinquante types ne bougerait.Louis n'a jamais d'agenda et il débite une liste de datesd'intervention jusqu'aux vacances de Pâques, bien sûr il n'a.. .JamaiS aucun papier pour ses cours.

14

Page 13: Extrait Mille Regard Et Un

Après ma soutenance de DEA, Louis me demande del'appeler le lendemain matin, je me dis qu'il y a un problèmepour mon diplôme mais il s'agit de déjeuner ensemble.C'est le début d'une longue série.

.

Toujours des déjeuners, nous parlons des heures, nous râlonsensemble sur la bêtise de ce monde, nous fumons beaucoup, àla fin toujours deux cafés, c'est la tradition.Louis m'apporte ses livres à la couverture mauve, je retrouvedans les gentilles dédicaces la petite écriture noire, fine etpointue, comme sur les cartes postales et les bristols blancs. Jele découvre autrement et en même temps je le retrouveentièrement.Nous nous faisons des cadeaux, des livres bien sûr, Elisabethnous rejoint de temps en temps.Je vais l'écouter à l'Alliance Française, la magie de la facilitéà faire comprendre reprend ses effets, je me dis qu'il aurait puêtre hypnotiseur et qu'il aurait fait un homme politique aupouvoir redoutable.Louis vient me chercher à la Cité Universitaire où je travaille.Il s'assied toujours sur le banc de pierre à côté de la poste,avant que nous allions au collège d'Espagne. Je devine sasilhouette de loin, L'Equipe sous le bras, le feutre bleu sur latête, bientôt plus de clope au bec.Un jour à l'Espace Langues de la Cité, un étudiant thésardtunisien nous rend visite, mon collègue est aussi un ancienélève de Louis. On en vient à parler de lui, l'étudiant n'enfinit plus de nous dire son admiration, de nous dire la chanceque nous avons eue de travailler avec lui (oui nous savons),on dirait qu'il parle d'un maître, presque d'un gourou. Louispousse alors la porte de la salle et lance:

- Qu'est-ce que vous foutez Stéphanie, on avait dit12H30 à la poste.Je m'étais trompée de date, l'étudiant a manqué s'évanouir.

15

Page 14: Extrait Mille Regard Et Un

Je te remercie Louis pour ton amitié, ta fidélité. Je vieillis ettu deviens un de mes amis de jeunesse, toi mon plus vieil ami.Jet' embrasse.

Stéphanie ANTONY

TerroirJe connais Louis Porcher depuis de nombreuses années àtravers de (trop) brèves rencontres dans les couloirs et lesbureaux de PAF de Paris.Nous avons découvert assez tôt - je ne me souviens plus àquelle occasion - que nous étions originaires de la mêmeprovince, amateurs de matelote d'anguilles et de lumas.J'imagine que cela a créé entre nous une sorte de lien du solbien que nous soyons devenus, en tout cas en ce qui meconcerne, d'indécrottables Parisiens pour qui l'exil commenceaux portes de Paris.Néanmoins nos rencontres sont restées somme toute assezrares et c'est grâce à la fiction que j'ai le mieux connu L.P.n y a quelques mois, il m'a présenté son double, OctaveBoulanger. J'ai ainsi eu le plaisir de faire connaissance avectoute la famille: Philippe (Louis), ses sœurs Claire etBéatrice, ses amis Romain, Alexandre, ses parents et sonancien professeur, Monsieur Aquoibon.Je me souviens que lors d'un déjeuner dans une petite aubergeà Poitiers où ils burent du vin blanc et mangèrent desécrevisses et de la matelote d'anguilles, Monsieur Aquoibondemanda à Philippe:« - Qu'est-ce qui vous intéresse vraiment? La pensée, l'actionpolitique, l'argent, la réussite, l'enseignement, les femmes?Philippe répondit en riant:

L'argent, non, l'action politique, je ne sais pas, la réussiteet les femmes, je n'y crois pas.Reste la pensée, si je comprends bien.

16