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396 Ann Dermatol Venereol 2005;132:396-7 Formation médicale continue Lecture d’articles Facteur d’Impact des revues (ou Impact Factor) G. LORETTE (1), B. GRENIER (2) orsque le lecteur souhaite con- naître la notoriété d’une revue et celle des articles qui y sont pu- bliés il peut très simplement consulter l’Impact Factor (IF) de la revue. L’IF est formulé sous la forme d’une fraction ou rapport du nombre de citations des arti- cles divisé par le nombre total des arti- cles publiés par la revue. Il existe d’autres modalités de calcul de l’IF, mais c’est celle là qui est la plus courante. Par qui est calculé l’Impact Factor ? Il est établi par Thomson ISI (Institute for Scientific Information), l’éditeur des Current Contents, dont le siège est à Philadelphie. Les IF sont publiés dans un journal spécifique The Journal of Ci- tations Reports. Il existe une version élec- tronique accessible sur Internet. Un IF propre à un auteur, une équipe de re- cherche, une institution est accessible contre paiement. Comment l’IF est-il calculé ? Dans un certain nombre de revues ré- pertoriées, pendant l’année n à chaque fois qu’un article des années n-1 ou n-2 est cité dans les références il compte pour un point. On additionne toutes les citations des articles de la revue pendant ces deux années et on divise par le nom- bre d’articles publiés par la revue pen- dant les deux années considérées. Par exemple une revue dont les articles de 1999 et 2000, au nombre de 255 ont été cités 516 fois en 2001 a un IF de 2001 de 516/255 = 2,02 (certains articles ont pu être cités de nombreuses fois, d’autres jamais). Ce système est-il sans reproches ? La notion d’IF est simple et apparem- ment objective ; elle offre un moyen ra- pide d’estimation de la notoriété et de l’usage scientifique d’une information. Cette méthode comporte néanmoins des biais importants dont il est bon d’être informé. Certaines spécialités sont sous-évaluées, comme la dermato- logie, à l’inverse d’autres sont suréva- luées. Ainsi une nouvelle méthode de dosage de la concentration d’un corps biologique ou d’un médicament peut- être cité à de nombreuses reprises dans la littérature, en revanche, la mise en évidence d’une forme clinique d’une maladie, rare mais intéressante, a peu de chance d’être fréquemment citée. Ainsi en 1997, l’IF le plus élevé d’une revue de biochimie était de 40,782 (et 253 revues étaient indexées dans ce do- maine), la même année l’IF de la revue la mieux classée en dermatologie n’était que 4,584 (et 32 revues étaient indexées) [1]. Au sein même de notre spécialité, en modifiant le mode de calcul (par exem- ple par le « scope ajusted impact factor » qui apporte certains correctifs), l’Ameri- can Journal of Dermatopathology avait un Impact Factor qui passait de 0,467 à 8,795, alors qu’une revue plus généra- liste comme les Archives of Dermatology passait seulement de 1,930 à 3,035 et de- venait donc moins bien classée [2]. Au sein d’une même revue, tous les types d’articles ne pèsent pas du même poids : les lettres à l’éditeur sont analy- sées précocement, ce qui leur permet d’être présentes dans la période utile, à l’inverse un mémoire scientifique long et complexe peut n’être reconnu que tardivement et n’être cité qu’après plu- sieurs années… sans utilité pour l’IF. Des articles d’enseignement comme les revues générales publiées par le New England Journal of Medicine sont très souvent citées alors qu’elles ne sont pas des articles originaux, c’est-à-dire rap- portant des faits nouveaux. À la limite, un article rapportant des faits erronés ou contestables peut être cité de nom- breuses fois dans des articles successifs, ne serait-ce que pour en contester les données, et générer ainsi un IF élevé. La façon dont les articles sont pris en compte par les indexeurs (dans une re- vue tous les articles ne sont pas pris en compte) peut accroître ou réduire l’IF. Une revue peut choisir de développer ou diminuer une rubrique selon sa « rentabilité » en terme d’IF. L’IF peut-il servir à juger directement (« mathématiquement ») les travaux d’une personne ? La question peut se poser de savoir si l’IF est un argument fiable pour évaluer la valeur des travaux d’un éventuel can- didat à une promotion hospitalière ou universitaire. La réponse est évidem- ment non puisque là n’est pas le but de l’IF. Hors les défauts généraux que nous venons de rapporter, l’IF n’évalue pas les travaux d’un auteur déterminé : avoir publié un article dans une revue dont l’IF est égal à 5 ne signifie rien de précis concernant cet article, il peut avoir fait beaucoup mieux, voire au con- traire n’avoir jamais été cité. Il existe bien sûr un rapport entre la qualité d’une revue, son IF, le fait d’avoir pu pu- blier dans cette revue et les mérites pré- sumés d’un auteur, mais ce lien, contrairement aux apparences est très imprécis, sa variabilité est trop grande. (1) Service de Dermatologie, CHU, 37044 Tours Cedex 01. (2) rue de Loches, 37000 Tours. Tirés à part : G. LORETTE, à l’adresse ci-dessus. E-mail : lorette@med.univ-tours.fr L

Facteur d’Impact des revues (ou Impact Factor)

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396

Ann Dermatol Venereol2005;132:396-7Formation médicale continue

Lecture d’articlesFacteur d’Impact des revues (ou Impact Factor)G. LORETTE (1), B. GRENIER (2)

orsque le lecteur souhaite con-

naître la notoriété d’une revue et

celle des articles qui y sont pu-

bliés il peut très simplement consulter

l’Impact Factor (IF) de la revue. L’IF est

formulé sous la forme d’une fraction ou

rapport du nombre de citations des arti-

cles divisé par le nombre total des arti-

cles publiés par la revue. Il existe

d’autres modalités de calcul de l’IF, mais

c’est celle là qui est la plus courante.

Par qui est calculé l’Impact Factor ?

Il est établi par Thomson ISI (Institute for Scientific Information), l’éditeur des

Current Contents, dont le siège est à

Philadelphie. Les IF sont publiés dans

un journal spécifique The Journal of Ci-tations Reports. Il existe une version élec-

tronique accessible sur Internet. Un IF

propre à un auteur, une équipe de re-

cherche, une institution est accessible

contre paiement.

Comment l’IF est-il calculé ?

Dans un certain nombre de revues ré-

pertoriées, pendant l’année n à chaque

fois qu’un article des années n-1 ou n-2

est cité dans les références il compte

pour un point. On additionne toutes les

citations des articles de la revue pendant

ces deux années et on divise par le nom-

bre d’articles publiés par la revue pen-

dant les deux années considérées. Par

exemple une revue dont les articles de

1999 et 2000, au nombre de 255 ont été

cités 516 fois en 2001 a un IF de 2001 de

516/255 = 2,02 (certains articles ont pu

être cités de nombreuses fois, d’autres

jamais).

Ce système est-il sans reproches ?

La notion d’IF est simple et apparem-

ment objective ; elle offre un moyen ra-

pide d’estimation de la notoriété et de

l’usage scientifique d’une information.

Cette méthode comporte néanmoins

des biais importants dont il est bon

d’être informé. Certaines spécialités

sont sous-évaluées, comme la dermato-

logie, à l’inverse d’autres sont suréva-

luées. Ainsi une nouvelle méthode de

dosage de la concentration d’un corps

biologique ou d’un médicament peut-

être cité à de nombreuses reprises dans

la littérature, en revanche, la mise en

évidence d’une forme clinique d’une

maladie, rare mais intéressante, a peu

de chance d’être fréquemment citée.

Ainsi en 1997, l’IF le plus élevé d’une

revue de biochimie était de 40,782 (et

253 revues étaient indexées dans ce do-

maine), la même année l’IF de la revue

la mieux classée en dermatologie n’était

que 4,584 (et 32 revues étaient indexées)

[1]. Au sein même de notre spécialité, en

modifiant le mode de calcul (par exem-

ple par le « scope ajusted impact factor »

qui apporte certains correctifs), l’Ameri-can Journal of Dermatopathology avait un

Impact Factor qui passait de 0,467 à

8,795, alors qu’une revue plus généra-

liste comme les Archives of Dermatology

passait seulement de 1,930 à 3,035 et de-

venait donc moins bien classée [2]. Au

sein d’une même revue, tous les types

d’articles ne pèsent pas du même

poids : les lettres à l’éditeur sont analy-

sées précocement, ce qui leur permet

d’être présentes dans la période utile, à

l’inverse un mémoire scientifique long

et complexe peut n’être reconnu que

tardivement et n’être cité qu’après plu-

sieurs années… sans utilité pour l’IF.

Des articles d’enseignement comme les

revues générales publiées par le New England Journal of Medicine sont très

souvent citées alors qu’elles ne sont pas

des articles originaux, c’est-à-dire rap-

portant des faits nouveaux. À la limite,

un article rapportant des faits erronés

ou contestables peut être cité de nom-

breuses fois dans des articles successifs,

ne serait-ce que pour en contester les

données, et générer ainsi un IF élevé. La

façon dont les articles sont pris en

compte par les indexeurs (dans une re-

vue tous les articles ne sont pas pris en

compte) peut accroître ou réduire l’IF.

Une revue peut choisir de développer

ou diminuer une rubrique selon sa

« rentabilité » en terme d’IF.

L’IF peut-il servir à juger directement (« mathématiquement ») les travaux d’une personne ?

La question peut se poser de savoir si

l’IF est un argument fiable pour évaluer

la valeur des travaux d’un éventuel can-

didat à une promotion hospitalière ou

universitaire. La réponse est évidem-

ment non puisque là n’est pas le but de

l’IF. Hors les défauts généraux que

nous venons de rapporter, l’IF n’évalue

pas les travaux d’un auteur déterminé :

avoir publié un article dans une revue

dont l’IF est égal à 5 ne signifie rien de

précis concernant cet article, il peut

avoir fait beaucoup mieux, voire au con-

traire n’avoir jamais été cité. Il existe

bien sûr un rapport entre la qualité

d’une revue, son IF, le fait d’avoir pu pu-

blier dans cette revue et les mérites pré-

sumés d’un auteur, mais ce lien,

contrairement aux apparences est très

imprécis, sa variabilité est trop grande.

(1) Service de Dermatologie, CHU, 37044 Tours Cedex 01.(2) rue de Loches, 37000 Tours.

Tirés à part : G. LORETTE, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]

L

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Ann Dermatol Venereol2005;132:396-7Le facteur d’Impact des revues (ou Impact Factor)

Il n’est pas scientifiquement acceptable

d’évaluer des candidats principalement

sur les valeurs d’IF des revues. Il serait

plus opportun si l’on tenait à utiliser l’IF

de demander à l’ISI les IF propres aux

articles de cette personne. Pour le reste,

l’IF peut bien sûr être pris en compte

par les jurys, mais comme un élément

parmi d’autres, à pondérer, concernant

les titres et travaux d’une personne.

En définitive pour le lecteur

L’IF donne une idée de l’utilité générale

des articles publiés par une revue. Ce

n’est pas une évaluation directe de la

qualité des articles ou de la valeur des

travaux publiés. C’est un indicateur vis-

à-vis duquel il faut garder une certaine

marge de jugement [3].

Références

1. Jemec GBE. Impact factor of dermatologicaljournals for 1991-2000. BMC Dermatologyhttp://www.biomed central.com/1471-5945/1/7.

2. Arndt KA. My journal is smaller than yourjournal. Am J Dermatopathol 1994;16:231-2.

3. Dumontier C, Nizard R, Sautet A. Le facteurd’impact. Ou pour publier faut-il choisir entre laRevue de chirurgie orthopédique et l’ImpactFactor ? Rev Chir Orthop 2001;87:115-28.

Question du praticien

La rubrique « Question du praticien » n’est plus annoncée dans chaque numéro des Annales de Dermatologie.

Le Comité de Rédaction et nos interlocuteurs du Comité de Lecture restent à votre disposition pour répondre à vos

questions. Celles d’intérêt général seront publiées dans notre revue.

Les « Questions » sont à adresser, en 2 exemplaires, sur papier libre ou papier à entête au Comité de Rédaction, Anna-

les de Dermatologie et de Vénéréologie, Masson, MediMedia France, 21, rue Camille Desmoulins, 92789 Issy-les-

Moulineaux Cedex 9.