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GROUPE SOCIETES, RELIGIONS, LAÏCITES UMR 8582 CNRS-EPHE 59-61 rue Pouchet 75017 Paris (métro Brochant ou Guy Môquet) Journée du jeudi 13 avril 2006 Salle 124 du Site Pouchet POUR UNE SOCIOLOGIE DE L’ESOTERISME Matinée à 9 heures 30 :  Présentation : Régis Dericquebourg et Jean-Pierre Laurant Emmanuel Kreis : « Désillusion du New Age et conspiration ufologique » Yves Hivert-Messeca : « Esotérismes : de la méfiance à l’adhésion, une grande variété de regards maçonniques » Après-midi à 14 heures : Stéphane François : « Les nouvelles manifes tations de l ’ésotérisme occidental, musique,  bande dessinée et paralittérature » Bernard Renaud de La Faverie : « Esotérisme : le regard de l’éditeur » Pierre-André Taguieff : « L’imaginaire ‘ésotéro-complotiste’ dans la nouvelle culture  populaire mondialisée » Table ronde dirigée par Emile Poulat avec Jean-Pierre Brach et les intervenants Conclusion de la journée : Emile Poulat ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------- « Esotérisme » appartient à cette catégorie de mots/autobus, selon la belle expression d’Emile Poulat, véhiculant des n otions d’origine différente et q ui n’ont pas la même destination ; de  plus, les utilisateurs ne se parlent pas pendant le trajet. La confusion est de règle depuis l’apparition du mot en 1828 : Pierre Leroux, un des premiers à l’utiliser comme catégorie de  pensée (De l’Humanité 1840) parlait déjà, à son propos, de « brumes » (  La grève de Samarez 1863). Parallèlement, la référence omniprésente au secret et à des mystères de l’initiation  provoqua de façon récurrente la dénonciation d’un complot ésotérique. La polémique catholique antimaçonnique (Barbier, 1910) garda la haute main sur le thème au XIXè siècle ;

Faivre, Antoine et Jean-Pierre Laurant - Pour une sociologie de l'ésotérisme

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8/17/2019 Faivre, Antoine et Jean-Pierre Laurant - Pour une sociologie de l'ésotérisme

http://slidepdf.com/reader/full/faivre-antoine-et-jean-pierre-laurant-pour-une-sociologie-de-lesoterisme 1/2

GROUPE SOCIETES, RELIGIONS, LAÏCITESUMR 8582 CNRS-EPHE

59-61 rue Pouchet 75017 Paris (métro Brochant ou Guy Môquet)

Journée du jeudi 13 avril 2006Salle 124 du Site Pouchet 

POUR UNE SOCIOLOGIE DE L’ESOTERISME

Matinée à 9 heures 30 : 

Présentation : Régis Dericquebourg et Jean-Pierre Laurant

Emmanuel Kreis : « Désillusion du New Age et conspiration ufologique »

Yves Hivert-Messeca : « Esotérismes : de la méfiance à l’adhésion, une grande variété de

regards maçonniques »

Après-midi à 14 heures :

Stéphane François : « Les nouvelles manifestations de l’ésotérisme occidental, musique,

 bande dessinée et paralittérature »

Bernard Renaud de La Faverie : « Esotérisme : le regard de l’éditeur »

Pierre-André Taguieff : « L’imaginaire ‘ésotéro-complotiste’ dans la nouvelle culture

 populaire mondialisée »

Table ronde dirigée par Emile Poulat avec Jean-Pierre Brach et les intervenants

Conclusion de la journée : Emile Poulat

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

« Esotérisme » appartient à cette catégorie de mots/autobus, selon la belle expression d’Emile

Poulat, véhiculant des notions d’origine différente et qui n’ont pas la même destination ; de

 plus, les utilisateurs ne se parlent pas pendant le trajet. La confusion est de règle depuis

l’apparition du mot en 1828 : Pierre Leroux, un des premiers à l’utiliser comme catégorie de

 pensée (De l’Humanité 1840) parlait déjà, à son propos, de « brumes » ( La grève de Samarez

1863). Parallèlement, la référence omniprésente au secret et à des mystères de l’initiation

 provoqua de façon récurrente la dénonciation d’un complot ésotérique. La polémique

catholique antimaçonnique (Barbier, 1910) garda la haute main sur le thème au XIXè siècle ;

8/17/2019 Faivre, Antoine et Jean-Pierre Laurant - Pour une sociologie de l'ésotérisme

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elle a connu une nouvelle jeunesse avec la lutte antisecte et, plus récemment avec les remous

 provoqués par le succès fulgurant du Da Vinci Code (2003) ramenant la question au premier

rang de l’actualité (Taguieff 2005). Les contenus des définitions savantes ont, de plus, varié

considérablement, centrés sur les religions à mystères des initiations antiques au XIXè siècle

 puis sur l’idée de Révélation primordiale dans le néotraditionalisme guénonien à partir des

années 1920-1930 (Luc Benoist l’ésotérisme,Que Sais-je ? 1963). Des différences notoires

entre l’usage populaire et les divers usages savants ont ajouté à la confusion suscitant, dans

les années 1980, une recherche méthodologique menée par des historiens : Antoine Faivre a

discerné ainsi quatre caractères dominants1) nature vivante, 2) correspondances 3)

imagination créatrice 4) expérience de la transmutation ( Accès de l’ésotérisme occidental,

1986). L’élimination du secret comme élément constitutif de l’ésotérisme et la mise au second

 plan de la transmission ont creusé l’écart entre conception savante et conception populaire. Le

flou et l’absence de rigueur de cette dernière lui ont assuré, en revanche, une certaine stabilité

de sens comme phénomène de société deux fois séculaire et évoluant parallèlement au

religieux en mutation. C’est ce phénomène là qui est un objet d’étude pour le sociologue qui

ne paraît pas se saisir du même « ésotérisme ». A cause de cette incertitude, on ne trouve

 pratiquement pas de travaux de sociologues sur les mouvements ésotériques en France alors

que la notion a été et demeure omniprésente dans les débats médiatiques et que des

mouvements dits ésotériques sont recensés dans les inventaires de groupes religieux et des

cercles de spiritualité minoritaires destinés à un large public.

L’historien et le sociologue sont en même temps débiteurs de leurs travaux réciproques de

définitions nécessaires au bornage avec les champs voisins du religieux : quid de « sacré », de

« religion », de « mystique », du symbolisme… ? En disposant de cet outillage commun il est

 possible d’éclairer le cheminement d’un groupe et d’étudier l’enracinement de ses prises de

 position. Dans une relation réciproque, l’histoire peut fournir des éléments pour construire

l’ésotérisme comme un « objet social » qui sera soumis aux méthodes de description et

d’analyse sociologique. On pourrait alors tenter de faire une sociographie des acteurs sociaux

incarnant ce courant, des cercles qui s’en réclament et de son public. On pourrait mettre en

évidence les liens que l’ésotérisme a entretenus avec le politique, les milieux artistiques, le

champ religieux à diverses époques. On pourrait y repérer les ruptures et les continuités. En

 bénéficiant d’études empiriques sur ce qui est ésotérique, ce qui se proclame ou est dénoncé

comme tel, le sociologue pourra s’interroger sur ses rapports avec la modernité et

l’hypermodernité, sur ses liens avec la protestation, avec la sécularisation…