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Transmettre les savoirs féministes Author(s): Gaël Pannatier and Anne-Françoise Praz Source: Nouvelles Questions Féministes, Vol. 27, No. 3, Féminismes autour de la Méditerranée (2008), pp. 146-149 Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40620467 . Accessed: 15/06/2014 07:04 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Nouvelles Questions Féministes. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.40 on Sun, 15 Jun 2014 07:04:52 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Féminismes autour de la Méditerranée || Transmettre les savoirs féministes

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Transmettre les savoirs féministesAuthor(s): Gaël Pannatier and Anne-Françoise PrazSource: Nouvelles Questions Féministes, Vol. 27, No. 3, Féminismes autour de la Méditerranée(2008), pp. 146-149Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions AntipodesStable URL: http://www.jstor.org/stable/40620467 .

Accessed: 15/06/2014 07:04

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Transmettre les savoirs féministes Par Gaël Pannatier et Anne-Françoise Praz

L'association suisse Femmes Féminisme Recherche (FemWiss)1 s'est lancée dans une thématique ambitieuse pour son colloque 2008 : la trans- mission des savoirs issus de la recherche féministe dans les différentes sphères de la société. Intitulée «Transmission: contre le backlash, diffuser les savoirs féministes», cette journée d'études a rassemblé à Fribourg plus d'une centaine de chercheuses, politiciennes, journalistes, économistes, travailleuses sociales, étudiantes. Les participantes - et quelques partici- pants - on pu débattre concrètement des difficultés rencontrées dans leurs tentatives de diffuser les savoirs féministes en dehors des milieux spécialisés, que ce soit dans les médias, la formation, le travail, la poli- tique, la pédagogie, l'économie ou le travail social.

Cette démarche s'est fondée sur le constat d'une quasi-absence de transfert entre la science et la société dans ce domaine, ainsi que l'indiquait la présentation du colloque: «Les débats publics et médiatiques relatifs aux questions de genre et d'égalité tiennent très peu compte des résultats des recherches en études féministes et en Études Genre. Ils reconduisent par- fois des stéréotypes ou reviennent sur des acquis féministes. » Autant cette question a semblé centrale au comité d'organisation (et constitue l'un des objectifs de la revue Nouvelles Questions Féministes par ailleurs), autant les recherches ou la littérature sur ce sujet sont rares. Ce vide est tout à fait intéressant en soi. Il n'existe pas vraiment de travaux analysant concrè- tement les résistances à la transmission des savoirs féministes. Pourtant, les difficultés à transmettre ces savoirs à un public non averti constituent un sujet récurrent des débats entre chercheuses et militantes.

FemWiss a tenté de mieux comprendre la situation, en offrant la parole à des femmes du terrain, et pas seulement à des académiques. La tâche s'est révélée ardue, témoignant aussi de la difficulté à prendre du recul par rapport à sa sphère d'activité. L'appel à contributions a récolté relativement peu de propositions et il a été parfois nécessaire de solliciter des intervenantes afin de mettre en présence différentes expériences et points de vue dans des ateliers thématiques. Le comité s'est également heurté au désistement successif de deux conférencières académiques de

1. Association autonome, FemWiss a été créée en 1983 et compte près de 1000 membres. Site de

l'association présentant ses activités: www.femwiss.ch

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Par Gaël Pannatier et Anne-Françoise Praz

niveau international, ce qui laisse à penser que la question de la transmis- sion ne relève pas du même niveau de priorité pour toutes les chercheuses en Études Genre. Au final cependant, le programme de la journée a été copieux, avec une conférence d'ouverture de Martine Chaponnière, un espace de discussion apportant un regard d'ensemble sur les résistances à la diffusion des savoirs féministes, suivi par deux vagues d'ateliers théma- tiques parallèles. La journée s'est terminée par une synthèse des ateliers et la présentation, en clôture, d'une démarche plus intimiste avec la projec- tion d'extraits du film de Rachel Noël en cours de réalisation, intitulé pro- visoirement «Je ne suis pas féministe, mais...». Nous avons choisi de pré- senter ici les principaux axes de la conférence et quelques idées issues des ateliers.

Martine Chaponnière a brillamment lancé la thématique du colloque en présentant un exposé concret fondé sur ses multiples expériences de chercheuse, éditrice, consultante, d'enseignante à l'université et dans les hautes écoles et, bien sûr toujours, de militante féministe. Son titre donne le ton de sa réflexion: «Transmettre un savoir féministe à un public adulte hostile, indifférent ou désintéressé : quelques expériences. » Parmi les prin- cipaux obstacles repérés au cours de ses années de pratique pour tenter de diffuser les savoirs féministes, la conférencière cite d'abord l'histoire de l'institutionnalisation des Études Genre : au départ le label était celui d'étu- des-femmes et le public reste toujours réfractaire à l'idée que le genre ne concerne pas seulement les femmes. Parler des relations (individuelles) des hommes et des femmes se conçoit assez bien, mais arguer des rapports sociaux de sexe est mal perçu. Un deuxième écueil central est le soupçon immuable de l'aspect idéologique des recherches féministes : la plupart des chercheuses étant des militantes, elles sont considérées comme n'étant pas objectives.

La transmission des connaissances en Études Genre suscite quasi sys- tématiquement le même type de réactions et de questions, exprimées par- fois très vivement. Résumons en quelques mots les scénarios analysés par Martine Chaponnière. L'intervenant-e est très souvent confronté-e à des arguments biologiques sur la nature féminine et entraîné-e dans une dis- cussion d'un niveau de «café du commerce». Dans ce cas de figure, il est très difficile d'arriver à recentrer le débat sur le sujet central, quel qu'il soit. Autre point récurrent: dans le grand public, l'égalité entre femmes et hommes et le questionnement sur le genre sont toujours considérés comme un problème mineur par rapport à d'autres inégalités. Par ailleurs, les résultats de la recherche féministe, qui mettent en évidence des rapports de domination, sont très déstabilisants pour les femmes et les hommes, ce qui confère à cette réception des savoirs un aspect émotionnel parfois difficile à gérer. Ces informations remettent aussi souvent en question notre fonc- tionnement dans la société et notre manière de nous accommoder face aux inégalités. Enfin, lorsque le public n'est pas déstabilisé, il pense alors que rien de nouveau n'a été dit. Chacun-e retient ce qu'elle ou il savait déjà.

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Le dernier point mis en évidence présente «l'obligation» de lénifier son propos, lors de contacts avec les non-spécialistes et le grand public, au point parfois de le transformer en un discours qui ne reflète pas vraiment sa pensée. Comme l'a montré de manière très vivante Martine Chapon- nière: «Dans les milieux peu avertis, il est quasi impossible d'utiliser les termes fondateurs de domination masculine, d'oppression, de patriarcat, etc. ce qui conduit à une autocensure. Ainsi, par exemple, j'utiliserais la phrase <La situation des femmes ne change pas vraiment dans le système qui est le nôtre >, au lieu de < L'oppression des femmes persiste dans le sys- tème patriarcal).» Il faut beaucoup de temps pour faire passer une partie de ses idées et ne pas heurter les sensibilités.

Cet exposé est entré en résonance avec les expériences de la très grande majorité des personnes présentes et a suscité une discussion qui aurait pu se prolonger longtemps sur ces obstacles et les manières d'es- sayer de les contourner. Les participant-e-s ont ensuite pris part à quatre ateliers (trois germanophones et un francophone) rassemblant différentes contributions. Le premier était centré sur les «barrières du pouvoir» et le transfert des connaissances dans le champ de la politique. Il a montré l'importance du lobbying et de la traduction des savoirs des Études Genre en informations claires et utilisables. Les chercheure-e-s sont sous- représenté-e-s dans les communications reçues par le monde politique. Les politicien-ne-s ont besoin d'être interpelé-e-s sur les questions mises en avant par les Études Genre, mais il leur faut des instruments concrets, une présentation simple des résultats, des chiffres et une définition des priori- tés. Le deuxième atelier, consacré au transfert dans les entreprises, a souli- gné à quel point la promotion de l'égalité devait constituer une tâche rele- vant des hautes sphères de la direction des entreprises pour pouvoir être appliquée. Les concepts de controlling de l'égalité et de gendermainstrea- ming ont également été présentés et débattus. Le troisième atelier s'est concentré sur les expériences faites dans les hautes écoles spécialisées et la formation professionnelle. L'atelier francophone traitait aussi de ce thème, et a montré concrètement les mêmes types de problèmes que l'exposé d'ou- verture. Deux pistes pédagogiques intéressantes ont été proposées: s'ap- puyer sur les résistances elles-mêmes, par exemple en construisant un cours à partir des stéréotypes naturalistes; ou profiter de cette tendance récurrente à évoquer des cas particuliers (situations individuelles des étu- diant-e-s) pour montrer que les disparités inter-individuelles sont plus importantes que les disparités entre les groupes femmes et hommes, et questionner ainsi la bi-catégorisation de sexe.

L'atelier français de l'après-midi a présenté différentes expériences féministes dans la presse généraliste et d'opinion. Un certain changement dans les médias a été observé ces dernières décennies, mais la représenta- tion du lecteur type reste celle d'un homme de 40 ans, avec une grande différenciation public/privé, la raison étant du côté des hommes et l'émo- tionnel des femmes. Plusieurs journalistes ont souligné le mélange de bonne volonté et d'ignorance totale des questions de genre dans les

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Par Gael Pannatier et Anne-Françoise Praz

rédactions, et la reproduction délibérée d'un certain nombre de stéréotypes. La réflexion sur l'invisibilité des femmes dans les médias manque éga- lement. Enfin, la contradiction entre les savoirs des Études Genre, qui rap- pellent toujours les mêmes faits et injustices, et le besoin de renouvel- lement des médias qui veulent toujours du «neuf» a été mise en évidence. Il faut ainsi chercher des angles d'approches originaux pour faire passer les informations. À ce titre, plutôt que de présenter «le féminisme» parlant d'une voix unique sur la place publique, il serait peut-être intéressant de présenter les enjeux et débats parmi les féministes, et montrer ainsi qu'il s'agit d'une pensée en mouvement. Un atelier en allemand s'est aussi axé sur les médias, montrant largement les mêmes obstacles, le recours omni- présent à la «nature» comme explication du genre, et les femmes comme public «spécial» et marginal. Trois pistes pour améliorer la transmission des savoirs ont été évoquées : réduire la complexité des informations pour les médias, étonner, puisque les médias s'intéressent à l'extraordinaire, et essayer, pourquoi pas, de former les journalistes à l'approche genre. Le troisième atelier s'est arrêté sur le domaine du travail social, et a insisté sur l'importance de convaincre les «spécialistes» du champ, seules person- nes pouvant diffuser le gendermainstreaming. Enfin, le regard réflexif étant tout aussi nécessaire, le dernier atelier s'est penché sur le champ scientifique. Il a questionné les possibilités de favoriser une relève sensible au genre, et s'est interrogé sur les outils permettant d'intégrer une perspec- tive de genre dans les programmes de recherche.

Autant d'ateliers, autant de présentations issues de la pratique et d'espaces de discussion pour essayer de comprendre ensemble les méca- nismes à l'œuvre dans les résistances à la transmission du savoir féministe. Certains obstacles semblent transversaux, d'autres dépendent des milieux concernés (entreprises, politique, enseignement, médias). Si ces enjeux ont été posés de manière très intéressante, les propositions de solutions pour dépasser ces réticences ou ces oppositions claires, selon les cas, ont été assez rares, montrant peut-être justement la force des stéréotypes et du système patriarcal en place. En tout cas, ce colloque a montré la nécessité de développer ce type de débat, de se questionner sur la transmission des savoirs sur le terrain, malgré et surtout au vu de la grande difficulté à trai- ter ce thème. La démarche mériterait d'être poursuivie au sein de colloques et de publications féministes. ■

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