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Fin d'été (?) sur le chemin de Roquemaure*... Mise en images : Julien Carcasona-Llaury. Jeudi 11 septembre, je descends de Mosset vers la plaine pour un simple aller-retour ; il est 16 h. et la température relevée au Plaçal du château est de 29 °C... elle grimpe à 31 sur les hauteurs de Catllar puis à 32 à la traversée de Marquixanes et culmine à 34 à l'arrivée (17 h) à Saint Estève. Alors, est-ce la fin de cet été pour le moins maussade et le début d'une canicule tardive ? Je peux m'interroger car voilà ce que je notais, fin août, en ce qui concernait le mois écoulé: Météo maussade que ce soit à Mosset ou Saint Estève, avec des températures jouant au yoyo - de 16 à 34°C -, une tramontane souvent forte, quelques orages, des averses parfois soutenues et un soleil de temps à autre écrasant...mais le plus souvent aux abonnés absents. En plaine, premières figues mûres dès le 14, nombreux vols de guépiers s'en retournant en Afrique... Circulation route de la vallée : fin des travaux avant le pont rouge mais le pont bleu est toujours à une seule voie... embouteillages classiques de l'été dans la traversée des thermes de Molitg, demande d'attention soutenue -depuis quelques étés- au niveau du départ du canyoning au-dessus du virage de la Tina, circulation toujours délicate dans Mosset à cause du stationnement anarchique... et toujours ce temps maussade, mi figue-mi raisin...et cette Castellane qui, depuis trois ans, ne connaît pas de période d'étiage* ! *étiage : basses eaux correspondant à la sécheresse estivale propre au climat méditerranéen. En ce début septembre, je me trouve chemin de Roquemaure, au-dessus des Encantades*... C'est le matin et le temps est au beau ! *Roquemaure : littéralement « roche noire » ; coba de les Encantades : la grotte aux fées. Des champignons en veux-tu ? En voilà ! Mais que des non récoltables car franchement toxiques , véreux, trop vieux ou plus généralement qui me sont inconnus : des amanites muscarine ou tue mouches(vénéneuse), phalloïde (mortelle) ou panthère (très vénéneuse)...des clavaires tronquées ou buissonnantes parfois élégantes...des bolets dits de Satan...quelques paires de lactaires, jeunes mais déjà vermoulus...Ah ! J'oubliais, comestibles, quatre pieds de moutons reconnaissables aux aiguillons serrés tapissant le dessous du chapeau ...mais également, une odeur pestilentielle, incommodante : celle d'un Satire puant ou Phallus impudique dont le chapeau blanc est couvert de mouches attirées par son odeur fétide... quant aux restants, les plus nombreux, ils me sont inconnus et je n'y touche pas. Je chemine sur le versant exposé au Nord ou Ubac (el bac) : la forêt mixte (surtout hêtres mais également pins sylvestres, érables à feuilles d'obier, sapins, bouleaux, noisetiers. ..) est dense, parfois sombre, avec quelques beaux arbres dont les larges troncs présentent, côté exposé au Nord, des plaques de mousses et lichens... Cependant, au-dessus de la piste, ce sont surtout de grosses touffes de rejets de hêtres -des cépées-qui dominent et la pente est souvent coupée par de petites plates-formes soutenues par de grossiers contreforts de pierres sèches : les plaças carbonères ou terrasses charbonnières... tiens, au milieu d'un fouillis de branchages, je devine les restes d'une cabane en pierres -la seule de ce versant- qui devait servir d'abri aux bûcherons-charbonniers... Et oui, la forêt tout comme les autres milieux naturels, a été (et est encore) façonnée et souvent blessée par l'Homme, lequel, être intelligent*, a utilisé et modifié en partie la Nature en fonction de ses nécessités de survie, de ses goûts parfois, de ses intérêts souvent... *Intelligent : j'entends par là que l'Homme, dans un premier temps, a su s'adapter à l'ensemble des conditions naturelles même les plus extrêmes des Pôles à l'Equateur puis, dans un second temps (les temps dits modernes) il tente d'adapter la Nature à ses propres besoins (parfois artificiellement créés) et désirs (idem)...Ne va-t-il pas trop loin ? Même si le milieu, en l'occurrence l'ancienne piste forestière, a tendance à se refermer, par une trouée je découvre l'autre versant de la vallée : la Solana (soulane) ou Adret... Là, finie la dense forêt, sinon quelques superbes hêtres qui soulignent le ravin del Niu de l'astor (le nid de l'autour)... terminée l'ombre fraiche mais plutôt une franche lumière et de larges espaces couverts d'herbages côté Sant Bartomeu (Saint Barthélémy)... de tapis de fougères, de cytises et genêts côté Clot d'Espanya (le creux d'Espagne) et Serra d'Escala (la crête en échelons)... et surtout, m'apparaissent les Cortals ou estives, délaissés depuis des décennies mais encore debout pour certains ( Bousquet, les deux Marty, Vidal ...), en ruines pour la plupart, en activité en ce qui concerne Sant Bartomeu paré de ses panneaux photovoltaïques... j'en compte une bonne douzaine ! Quelle devait être animée la vie dans et autour de ces mas... fa temps ! Dès le mois de Mai, c'était la montée à l'estive au-dessus del camp de la sal..toute la maisonnée était

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Fin d'été (?) sur le chemin de Roquemaure*... Mise en images : Julien Carcasona-Llaury.

Jeudi 11 septembre, je descends de Mosset vers la plaine pour un simple aller-retour ; il est 16 h. et la température relevée au Plaçal du château est de 29 °C... elle grimpe à 31 sur les hauteurs de Catllar puis à 32 à la traversée de Marquixanes et culmine à 34 à l'arrivée (17 h) à Saint Estève. Alors, est-ce la fin de cet été pour le moins maussade et le début d'une canicule tardive ?Je peux m'interroger car voilà ce que je notais, fin août, en ce qui concernait le mois écoulé:Météo maussade que ce soit à Mosset ou Saint Estève, avec des températures jouant au yoyo - de 16 à 34°C -, une tramontane souvent forte, quelques orages, des averses parfois soutenues et un soleil de temps à autre écrasant...mais le plus souvent aux abonnés absents.En plaine, premières figues mûres dès le 14, nombreux vols de guépiers s'en retournant en Afrique... Circulation route de la vallée : fin des travaux avant le pont rouge mais le pont bleu est toujours à une seule voie... embouteillages classiques de l'été dans la traversée des thermes de Molitg, demande d'attention soutenue -depuis quelques étés- au niveau du départ du canyoning au-dessus du virage de la Tina, circulationtoujours délicate dans Mosset à cause du stationnement anarchique... et toujours ce temps maussade, mi figue-mi raisin...et cette Castellane qui, depuis trois ans, ne connaît pas de période d'étiage* !*étiage : basses eaux correspondant à la sécheresse estivale propre au climat méditerranéen. En ce début septembre, je me trouve chemin de Roquemaure, au-dessus des Encantades*... C'est le matin et le temps est au beau !*Roquemaure : littéralement « roche noire » ; coba de les Encantades : la grotte aux fées.

Des champignons en veux-tu ? En voilà ! Mais que des non récoltables car franchement toxiques , véreux, trop vieux ou plus généralement qui me sont inconnus : des amanites muscarine ou tue mouches(vénéneuse),phalloïde (mortelle) ou panthère (très vénéneuse)...des clavaires tronquées ou buissonnantes parfois élégantes...des bolets dits de Satan...quelques paires de lactaires, jeunes mais déjà vermoulus...Ah ! J'oubliais, comestibles, quatre pieds de moutons reconnaissables aux aiguillons serrés tapissant le dessous duchapeau ...mais également, une odeur pestilentielle, incommodante : celle d'un Satire puant ou Phallus impudique dont le chapeau blanc est couvert de mouches attirées par son odeur fétide... quant aux restants, les plus nombreux, ils me sont inconnus et je n'y touche pas.Je chemine sur le versant exposé au Nord ou Ubac (el bac) : la forêt mixte (surtout hêtres mais également pins sylvestres, érables à feuilles d'obier, sapins, bouleaux, noisetiers...) est dense, parfois sombre, avec quelques beaux arbres dont les larges troncs présentent, côté exposé au Nord, des plaques de mousses et lichens... Cependant, au-dessus de la piste, ce sont surtout de grosses touffes de rejets de hêtres -des cépées-qui dominent et la pente est souvent coupée par de petites plates-formes soutenues par de grossiers contreforts de pierres sèches : les plaças carbonères ou terrasses charbonnières... tiens, au milieu d'un fouillis de branchages, je devine les restes d'une cabane en pierres -la seule de ce versant- qui devait servir d'abri aux bûcherons-charbonniers...Et oui, la forêt tout comme les autres milieux naturels, a été (et est encore) façonnée et souvent blessée par l'Homme, lequel, être intelligent*, a utilisé et modifié en partie la Nature en fonction de ses nécessités de survie, de ses goûts parfois, de ses intérêts souvent...*Intelligent : j'entends par là que l'Homme, dans un premier temps, a su s'adapter à l'ensemble des conditionsnaturelles même les plus extrêmes des Pôles à l'Equateur puis, dans un second temps (les temps dits modernes) il tente d'adapter la Nature à ses propres besoins (parfois artificiellement créés) et désirs (idem)...Ne va-t-il pas trop loin ?

Même si le milieu, en l'occurrence l'ancienne piste forestière, a tendance à se refermer, par une trouée je découvre l'autre versant de la vallée : la Solana (soulane) ou Adret... Là, finie la dense forêt, sinon quelques superbes hêtres qui soulignent le ravin del Niu de l'astor (le nid de l'autour)... terminée l'ombre fraiche mais plutôt une franche lumière et de larges espaces couverts d'herbages côté Sant Bartomeu (Saint Barthélémy)...de tapis de fougères, de cytises et genêts côté Clot d'Espanya (le creux d'Espagne) et Serra d'Escala (la crête en échelons)... et surtout, m'apparaissent les Cortals ou estives, délaissés depuis des décennies mais encore debout pour certains ( Bousquet, les deux Marty, Vidal...), en ruines pour la plupart, en activité en ce qui concerne Sant Bartomeu paré de ses panneaux photovoltaïques... j'en compte une bonne douzaine ! Quelle devait être animée la vie dans et autour de ces mas... fa temps ! Dès le mois de Mai, c'était la montée à l'estive au-dessus del camp de la sal..toute la maisonnée était

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concernée y compris les quelques rares vaches, le petit ramat de brebis, parfois le mulet et même le cochon qui finirait de grossir, à l'automne, au village.Nous mangions dans la caseta attenante à la bergerie et dormions là-haut dans le fenil...en réalité, nous vivions en pleine nature, en liberté très relative car le travaily compris pour les enfants ne manquait pas. Nos parents cultivaient quelques parcelles de maïs (qui demandait pas mal d'eau), de blé (plus économe) mais également un champ de pommes de terre (pour l'hiver)...nous entretenions un potager (l'hort), des prairies qu'il fallait faucher à l'aide del dall (la faux) et dont tl fallait retourner l'herbe à l'aide d'un râteau de bois... maman faisait la lessive dans le correc...quand il y avait de l'eau courante. La vie, là-haut, était conditionnée par l'abondance ou la pénurie d'eau . On détournait parfois les eaux de ruissellement de sources et de mouillères afin d'essayer de satisfaire nos besoins. En ce qui concerne la viande, un piège ou un simple collet « paré » au crépuscule suffisait à capturer un lapin de garenne (un conill) sinon, pour les plus débrouillards d'entre nous , quelques axugades (détournements du cours d'un ruisseau) permettaient de consommer du poisson le Vendredi...

Retour au village : dans les jardins dont les plantations ont démarré tardivement, les tomates consentent enfinà mûrir : elles sont relativement abondantes et belles. Les courgettes, aubergines, oignons et autres haricots verts ont bien profité de l'abondance en eau durant toute la saison et leur récolte touche à leur fin... Henri a « réussi » ses pommes de terre... Les fleurs (cosmos, oeillets d'Inde, dalhias, bleuets...) de plus en plus nombreuses dans les potagers explosent littéralement.. Mais quelle chaleur ! Dès 10 heures (8 h solaires), faute d'ombre et d'air frais, il nous faut quitter le potager.C'est en remontant de chez William (l'épicier du village) que j'ai assisté au curieux spectacle auquel nous avons droit, tous les ans : l'entraînement au grand départ migratoire des hirondelles, toutes générations confondues... ce groupe d'arondes avait choisi comme piste d'envol puis d'atterrissage -car exposée au soleil levant- la façade de la maison de Jeannot ; toujours le même scénario : tout d'abord, les oiseaux s'accrochent au crépi en gazouillant puis, avec un bel ensemble, ils se jettent dans le vide en poussant des cris stridents... trente secondes plus tard, la bande est de retour et l'entraînement au grand départ reprend : échauffement au soleil, chute libre bruyante dans un ensemble parfait, retour à la case départ (ou arrivée)...J'ai abandonné au bout de 20 minutes... le manège se poursuivait toujours !

Les deux estives Marty. Le mas Vidal.

Sant Bartomeu. René en son jardin.

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Clavaire ou Ramaire. Amanite muscarine ou tue mouches.

Phalle impudique ou Satire puant. Séneçon à feuilles blanches (Madres).

Mauve musquée (camp de la sal). Solidage verge d'or (sentier des 5 sens).

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Hirondelles prêtes à l'envol. Taupe prise au piège par René.

Coquelicot (Corbiac) Yèble (petit sureau toxique) Sant Bartomeu.

Azurite (Echinops ritro) garrigue de Calce. Baguenaudier (Baixas).