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Article original Formes déficitaires de syndrome de la traversée thoraco-brachiale. Étude rétrospective de 30 cas consécutifs True neurological thoracic outlet syndrome. A series of 30 consecutive cases with amyotrophy F.-L. Marty a , P. Corcia b , J. Alexandre c , J. Laulan a, * a Services de chirurgie orthopédique et traumatologique 1 et 2, unité de chirurgie de la main, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37044 Tours cedex, France b Service de neurologie, unité de neurophysiologie clinique, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37044 Tours cedex, France c Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital privé des peupliers, 8, place de l’Abbé-Georges-Henocque, 75013 Paris, France Reçu le 6 mai 2012 ; reçu sous la forme révisée le 23 juillet 2012 ; accepté le 14 août 2012 Résumé Les formes neurologiques de syndromes de la traversée thoraco-brachiale (STTB) associées à un déficit moteur objectif sont exceptionnelles et rarement individualisées dans la littérature. L’objectif de ce travail était de préciser leur tableau clinique, les causes anatomiques, les résultats du traitement chirurgical et les facteurs pronostiques. Méthodes. Parmi les cas de STTB neurologiques, pris en charge entre 1989 et 2011, 30 cas présentant une amyotrophie ont été diagnostiqués chez 28 patients (22 femmes et six hommes) dont l’âge moyen était de 44 ans (de 16 à 70 ans). Résultats. Le déficit moteur prédominait sur les muscles thénariens latéraux et l’atteinte était bilatérale dans deux cas. Vingt-quatre cas (22 patients) ont été opérés. Vingt-trois cas ont pu être évalués avec un délai moyen de 39 mois (de quatre à 149). Après le traitement chirurgical, quatre cas (17 %) étaient guéris, neuf cas (39 %) très améliorés et dix cas (44 %) légèrement améliorés. Conclusions. Les STTB neurologiques déficitaires réalisent une entité qu’il faut différencier des formes douloureuses. Le déficit moteur est toujours d’installation progressive et la douleur, quand elle est présente, reste toujours au second plan. Le pronostic est essentiellement lié au délai d’évolution. # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Syndrome de la traversée thoraco-brachiale (STTB) ; Syndrome canalaire ; Compression nerveuse ; Côte cervicale ; Amyotrophie ; Muscles intrinsèques Abstract Objectives. Neurologic TOS with amyotrophy is exceptional and the diagnosis is usually delayed compromising the outcome after treatment. The aims of this study were to define clinical features, anatomical causes, surgical results and prognostic factors of this disease. Methods. All of the TOS with objective neurologic deficit treated in our unit between 1989 and 2011 were assessed retrospectively. Thirty cases were identified in 28 patients (two bilateral cases). The mean-age was 44 years (16 to 70). Results. Muscular atrophy always predominated in the lateral thenar muscles. Seventeen also had sensory symptoms. Twenty-two patients (24 cases) were surgically treated. Twenty-three cases could be assessed with a mean follow-up of 39 months. Recovery was complete in four cases (17%), marked in nine cases (39%) and minimal in ten cases (44%). Conclusions. Neurological TOS with objective manifestations have to be distinguished from other types of neurological TOS. Muscular atrophy in the hand appears insidiously and the pain, which is inconstant, stays always in the background. Duration of symptoms before surgical treatment is the main prognostic factor. # 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Thoracic outlet syndrome; Nerve entrapment; Nerve compression syndrome; Cervical rib; Amyotrophy; Intrinsic muscles Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Chirurgie de la main 31 (2012) 244249 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Laulan). 1297-3203/$ see front matter # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2012.08.005

Formes déficitaires de syndrome de la traversée thoraco-brachiale. Étude rétrospective de 30 cas consécutifs

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Article original

Formes déficitaires de syndrome de la traversée thoraco-brachiale.Étude rétrospective de 30 cas consécutifs

True neurological thoracic outlet syndrome. A series of 30 consecutive cases with amyotrophy

F.-L. Marty a, P. Corcia b, J. Alexandre c, J. Laulan a,*a Services de chirurgie orthopédique et traumatologique 1 et 2, unité de chirurgie de la main, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37044 Tours cedex, France

b Service de neurologie, unité de neurophysiologie clinique, hôpital Trousseau, CHU de Tours, 37044 Tours cedex, Francec Service de chirurgie orthopédique et traumatologique, hôpital privé des peupliers, 8, place de l’Abbé-Georges-Henocque, 75013 Paris, France

Reçu le 6 mai 2012 ; reçu sous la forme révisée le 23 juillet 2012 ; accepté le 14 août 2012

Résumé

Les formes neurologiques de syndromes de la traversée thoraco-brachiale (STTB) associées à un déficit moteur objectif sont exceptionnelles etrarement individualisées dans la littérature. L’objectif de ce travail était de préciser leur tableau clinique, les causes anatomiques, les résultats dutraitement chirurgical et les facteurs pronostiques.Méthodes. – Parmi les cas de STTB neurologiques, pris en charge entre 1989 et 2011, 30 cas présentant une amyotrophie ont été diagnostiquéschez 28 patients (22 femmes et six hommes) dont l’âge moyen était de 44 ans (de 16 à 70 ans).Résultats. – Le déficit moteur prédominait sur les muscles thénariens latéraux et l’atteinte était bilatérale dans deux cas. Vingt-quatre cas(22 patients) ont été opérés. Vingt-trois cas ont pu être évalués avec un délai moyen de 39 mois (de quatre à 149). Après le traitement chirurgical,quatre cas (17 %) étaient guéris, neuf cas (39 %) très améliorés et dix cas (44 %) légèrement améliorés.Conclusions. – Les STTB neurologiques déficitaires réalisent une entité qu’il faut différencier des formes douloureuses. Le déficit moteur esttoujours d’installation progressive et la douleur, quand elle est présente, reste toujours au second plan. Le pronostic est essentiellement lié au délaid’évolution.# 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Syndrome de la traversée thoraco-brachiale (STTB) ; Syndrome canalaire ; Compression nerveuse ; Côte cervicale ; Amyotrophie ; Musclesintrinsèques

Abstract

Objectives. – Neurologic TOS with amyotrophy is exceptional and the diagnosis is usually delayed compromising the outcome after treatment.The aims of this study were to define clinical features, anatomical causes, surgical results and prognostic factors of this disease.Methods. – All of the TOS with objective neurologic deficit treated in our unit between 1989 and 2011 were assessed retrospectively. Thirty caseswere identified in 28 patients (two bilateral cases). The mean-age was 44 years (16 to 70).Results. – Muscular atrophy always predominated in the lateral thenar muscles. Seventeen also had sensory symptoms. Twenty-two patients(24 cases) were surgically treated. Twenty-three cases could be assessed with a mean follow-up of 39 months. Recovery was complete in four cases(17%), marked in nine cases (39%) and minimal in ten cases (44%).Conclusions. – Neurological TOS with objective manifestations have to be distinguished from other types of neurological TOS. Muscular atrophyin the hand appears insidiously and the pain, which is inconstant, stays always in the background. Duration of symptoms before surgical treatmentis the main prognostic factor.# 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Thoracic outlet syndrome; Nerve entrapment; Nerve compression syndrome; Cervical rib; Amyotrophy; Intrinsic muscles

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Chirurgie de la main 31 (2012) 244–249

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Laulan).

1297-3203/$ – see front matter # 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.main.2012.08.005

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Les syndromes de la traversée thoraco-brachiale (STTB)sont classiquement décrits en fonction de leurs manifestationsprédominantes, vasculaires ou neurologiques. Les formesvasculaires posent peu de problèmes diagnostiques etl’indication chirurgicale est rarement discutable [1].

Les formes dites « neurologiques », même si ellesreprésentent plus de 90 % des STTB [2], restent un sujet decontroverses. La plupart se limitent à une symptomatologiedouloureuse, associée à des manifestations neurologiquessubjectives mal systématisées. Certains auteurs parlent deSTTB « discutables » pour ces formes subjectives pures [3].

Les formes neurologiques déficitaires sont beaucoup plusrares et leur prévalence est estimée à un cas par milliond’habitants [4]. De ce fait, le diagnostic est souvent retardé, etpeu de publications, ne concernant qu’un nombre limité de cas,leur ont été dédiées [5–9].

Il nous a paru intéressant de rapporter notre expérience de30 cas, dont 24 opérés, de STTB neurologiques déficitaires prisen charge dans le service entre 1989 et 2011. L’objectif de cetravail était de préciser le tableau clinique, les causesanatomiques, les résultats du traitement chirurgical et lesfacteurs pronostiques.

1. Patients et méthode

Pour cette étude rétrospective, une recherche des dossiers detous les patients suivis pour un STTB dans le service de 1989 à2011 a été effectuée. Parmi eux, ont été sélectionnés tous lescas présentant un déficit clinique, objectif, en rapport avec unecompression nerveuse au niveau de la traversée thoraco-brachiale. Les cas associés à de simples anomalies neurogènesdans les muscles intrinsèques ou à de simples anomaliesd’amplitude des potentiels d’action à l’électroneuromyogra-phie (ENMG) n’ont pas été pris en compte. Les patients qui ontpu être retrouvés ont été revus cliniquement par unexaminateur indépendant et les cas perdus de vue ont étéétudiés sur dossier.

Le diagnostic était, avant tout, clinique sur la présence d’uneamyotrophie au niveau des muscles intrinsèques de la main.D’autres signes déficitaires ont été recherchés : diminution deforce, troubles sensitifs et déformation en griffe. Afin dedifférencier les STTB des autres causes possibles d’acropa-resthésies et de déficit au niveau des muscles intrinsèques,l’examen clinique cherchait à éliminer une atteinte associée dunerf ulnaire et du nerf médian, une compression plexiqueproximale d’origine tumorale, une compression radiculaireC8 et une atteinte médullaire. Une étude ENMG a toujours étéréalisée pour préciser la systématisation des anomaliesneurogènes et éliminer une autre étiologie ainsi que pourrechercher un éventuel syndrome canalaire distal associé.

Des radiographies de la région cervico-thoracique ontsystématiquement été effectuées à la recherche d’une anomalieosseuse (côte cervicale, apophysomégalie, séquelle de fracturede la clavicule). Une radiographie du thorax de face a étéréalisée dans certains cas pour écarter une tumeur de l’apexpulmonaire dans le cadre d’un syndrome de Pancoast-Tobias.En cas de doute persistant sur une pathologie médullaire ou

pour éliminer un processus tumoral du creux sus-claviculaire,une IRM a été réalisée.

Les patients ayant un STTB déficitaire ancien et non évolutifdepuis plusieurs années n’ont pas été opérés ; ils ont été suivissur le plan clinique et par ENMG. Les patients ayant un STTBavec un déficit clinique évolutif et/ou associé à des douleurs enrapport avec leur STTB ont été opérés.

Tous les cas ont été opérés par le même chirurgien senior.Une voie d’abord sus-claviculaire a été réalisée en casd’anomalie osseuse cervicale à type d’apophysomégalie, decôte cervicale ou de cal fracturaire hypertrophique au niveauclaviculaire. Dans les autres cas, une voie d’abord axillaireselon Roos [10] a été réalisée éventuellement complétée parune voie sus-claviculaire en cas de nécessité de libération plushaute du plexus brachial.

Lors de la révision, la présence de douleurs, de paresthésies,d’un déficit sensitif et moteur, d’une amyotrophie, et d’unedéformation en griffe ont été recherchés. La satisfaction dupatient était évaluée selon quatre réponses possibles : aggravé,inchangé, amélioré ou très amélioré. Il était aussi demandé aupatient si, a posteriori, il subirait ou non l’intervention. Lerésultat global du traitement de chaque STTB a été classé parl’examinateur en différents stades :

� aggravation ;� état inchangé ;� amélioration discrète en cas de réapparition d’une activité de

certains muscles intrinsèques ;� amélioration importante en cas de récupération nette

concernant tous les intrinsèques ;� et, guérison en cas de disparition de toute symptomatologie.

2. Résultats

De 1989 à 2011, environ 1100 STTB, isolés ou associés àune autre pathologie, ont été vus en consultation. Dans 30 cas(28 patients), il existait un déficit clinique objectif avecamyotrophie des muscles intrinsèques de la main. Il s’agissaitde 22 femmes et de six hommes (sexe-ratio de 3,7), dont l’âgemoyen au moment du diagnostic était de 44 ans (de 16 à70 ans).

Chez ces 28 patients, l’amyotrophie était unilatérale 26 fois(18 cotés dominants) et bilatérale deux fois. L’amyotrophieavait toujours débuté et prédominait au niveau des musclesthénariens latéraux. Il existait un aspect en griffe « médio-cubitale » dans 18 cas (Fig. 1). Dans 16 cas, le déficit étaitassocié à une douleur cervico-brachiale mais le déficit moteurétait toujours au premier plan de la gêne ressentie. Dix-septpatients avaient aussi des troubles sensitifs dans le territoire desnerfs cutanés brachial et antébrachial médiaux. Enfin, unepatiente (cas no 12) présentait aussi un syndrome de Claude-Bernard-Horner qui n’avait été que transitoirement améliorépar la rééducation.

À l’EMG, dans tous les cas, il existait des anomaliesneurogènes dans les muscles intrinsèques de la main. En dehorsdes cas de paralysie ancienne et évoluée, les anomaliesprédominaient dans le court abducteur du pouce. La

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Fig. 1. Exemple d’une jeune patiente (cas no 6) avec une amyotrophie de tousles muscles intrinsèques de la main droite et une déformation en griffe, réalisantun aspect de paralysie médio-cubitale.

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neurographie retrouvait une faible amplitude des potentielsd’action sensitif et moteur du nerf ulnaire et une faibleamplitude du potentiel d’action moteur du nerf médian. Letableau était toujours celui d’une souffrance, le plus souventchronique, intéressant le faisceau médial du plexus [11].

Dans huit cas, une IRM a été réalisée, aucun processustumoral sus-claviculaire ni aucune pathologie médullaire n’ont

Tableau 1Caractéristiques des 24 cas opérés, classés en fonction de l’ancienneté de l’amyot

Cas Sexe Âge (années) Durée d’évolution (années) Anomali

1 M 47 0,2 Cal clav2 M 46 0,2 Aucune

3 F 30 0,5 Côte cer4 F 33 0,5 Côte cer5 F 16 0,75 Apophys6 F 18 1 Apophys7 F 58 1 Apophys8 F 28 2 Apophys9 F 60 2 Côte cer10 M 47 3 Aucune

11 F 43 4 Aucune

12 F 51 4 Aucune

13 F 25 5 Côte cer14 F 46 6 Apophys15 F 58 6 Aucune

16 F 34 12 Apophys17 F 32 13 Aplasie

18 F 52 16 Apophys18 bis F 52 16 Apophys20 F 70 17 Apophys21 F 38 18 Apophys22 F 43 21 Hypopla22 bis F 43 21 Hypopla24 M 61 42 Côte cer

été retrouvés. Un cas de discopathie C5-C6 et un casd’uncodiscarthrose C5-C6-C7 ont été retrouvés mais ilsn’étaient pas associés à une compression médullaire et/ouradiculaire.

Six malades atteints d’un STTB unilatéral n’ont pas étéopérés. Une patiente âgée de 58 ans présentait un déficit ancienet stable depuis plus de 15 ans. Un homme de 55 ans, déficitairedepuis cinq ans mais ayant présenté une aggravation récente, arefusé le traitement chirurgical. Pour ces deux malades, letraitement par rééducation n’a permis aucune amélioration.Une autre patiente avec un déficit ancien non évolutif et sansdouleur associée n’a pas été opérée. Elle présentait une scolioseet une dysplasie cervico-dorsale avec apophysomégalie de C7.Le déficit était survenu dans les suites opératoires de lascoliose ; il avait régressé partiellement pendant les premiersmois d’évolution et était resté stable depuis [12]. Enfin, deuxfemmes et un homme, âgés de 45 à 59 ans, présentaient undéficit évoluant depuis six mois à trois ans dans les suites d’untraumatisme de la ceinture scapulaire (un cas) ou d’un effortphysique soutenu en élévation du membre supérieur (deux cas).Après éviction du facteur déclenchant et une rééducation biensuivie, une récupération complète du déficit s’est faite en moinsde six mois et s’est maintenue depuis.

Pour les 22 autres patients (24 cas), en raison d’un déficitrestant évolutif malgré la rééducation ou de l’aggravationrécente d’un déficit ancien (reprise évolutive), un traitementchirurgical a été effectué. Le délai moyen entre le début destroubles et l’opération était de huit ans (de deux mois à 42 ans).Les anomalies radiographiques et les structures pathogènesobservées en peropératoire sont rapportées dans le Tableau 1.La voie d’abord a été axillaire dans sept cas, sus-claviculaire

rophie.

e radiographique Cause compression Résultat

iculaire Cal hypertrophique GuérisonBride Guérison

vicale Bride Guérisonvicale Bride Inconnuomégalie Bride + dysplasie scalène Guérisonomégalie Bride + dysplasie scalène Amélioration importanteomégalie Bride Amélioration importanteomégalie Bride Amélioration importantevicale Dysplasie scalène Amélioration discrète

Bride Amélioration discrèteDysplasie scalène Amélioration importanteDysplasie scalène Amélioration importante

vicale Bride Amélioration importanteomégalie Bride Amélioration discrète

Bride Amélioration importanteomégalie Bride + dysplasie scalène Amélioration importante18 côte Bride + dysplasie scalène Amélioration discrèteomégalie Dysplasie scalène Amélioration discrèteomégalie Dysplasie scalène Amélioration discrèteomégalie Bride Amélioration discrèteomégalie Dysplasie scalène Amélioration importantesie 18 côte Bride + dysplasie scalène Amélioration discrètesie 18 côte Bride + dysplasie scalène Amélioration discrètevicale Côte cervicale Amélioration discrète

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Fig. 2. Patiente ayant une amyotrophie importante des deux mains (cas no 18 et 18 bis), plus sévère à droite, évoluant depuis 16 ans (a et b). Un an après lesopérations (c), elle a récupéré à gauche une ébauche d’antépulsion et a corrigé en partie l’abduction du cinquième doigt. À deux ans (d), elle a une antépulsion partielleà droite et fonctionnelle à gauche.

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dans 16 cas, et combinée dans un cas. Dans ce dernier cas, il y aeu une parésie postopératoire du muscle serratus antérieur qui arécupéré en trois mois sans séquelles. Nous n’avons eu aucuneautre complication neurologique, ni de complication vasculaireou pleurale à type de pneumothorax.

Parmi les 24 cas opérés, une malade ayant quitté la régionaprès l’opération (cas no 4) n’a jamais pu être examinée oumême recontactée par la suite. Pour les 23 autres cas, 18 ont puêtre revus au plus long recul et quatre autres personnes perduesde vue (cinq cas) ont pu être évalués sur dossier. Le délai moyende révision clinique ou sur dossier était de 39 mois (de quatre à149 mois).

Il y a eu quatre cas (17 %) de guérison, neuf cas (39 %)d’amélioration importante et dix cas (44 %) d’améliorationdiscrète lors de l’évaluation au plus long recul. Le traitementchirurgical a toujours permis la stabilisation du déficit.Concernant les quatre cas guéris, la moyenne d’âge était de35 ans. Pour trois d’entre eux, âgés de 16, 30 et 47 ans, le STTBévoluait depuis moins de neuf mois. Le dernier, âgé de 46 ans(cas no 2), était suivi pour une forme douloureuse ancienne, etprésentait un déficit d’installation récente qui a pu être opéréprécocement. Pour les neuf cas où l’amélioration a étéimportante, l’âge moyen était de 39 ans (de 18 à 58 ans) etl’ancienneté des troubles était en moyenne de sept ans (de un à18 ans). Parmi ces neuf cas, une patiente (cas no 21) a présenté,dix ans après l’opération, une symptomatologie clinique decompression du nerf cubital au coude diagnostiquée lors de larévision. Le syndrome de Claude-Bernard-Horner qui étaitassocié au STTB (cas no 12) s’est complètement résolu après lachirurgie. Pour les dix cas où l’amélioration a été discrète

(Fig. 2), l’âge moyen était de 51 ans (de 32 à 70 ans) etl’ancienneté des troubles était en moyenne de 16 ans (de deux à42 ans). Parmi ces dix cas, une patiente (cas no 17) a consulté11 ans plus tard pour une aggravation récente du déficit résiduelen rapport avec une compression du nerf médian dans la régiondu coude.

Parmi les 16 cas initialement douloureux, 14 ont étéefficacement soulagés. Deux restaient douloureux en raisond’un déséquilibre persistant de la ceinture scapulaire, d’originedysfonctionnelle. Parmi les 18 cas opérés et revus, tous ontaffirmé a posteriori qu’ils subiraient à nouveau l’intervention.Concernant l’évaluation du résultat par les patients, cinq setrouvaient très améliorés, dix améliorés et trois stabilisés.

3. Discussion

Il paraît justifié de distinguer deux formes neurologiques deSTTB : les formes neurologiques déficitaires avec amyotrophieet les formes subjectives, essentiellement douloureuses. Si,pour nous, les formes douloureuses relèvent avant tout d’uneprise en charge pluridisciplinaire [13], les formes déficitairesévolutives imposent le traitement chirurgical en l’absence defacteur déclenchant récent clairement identifié. Les possibilitésde récupération sont liées à l’âge mais surtout à l’ancienneté età l’importance du déficit. Il faut donc insister sur l’importanced’un diagnostic et d’un traitement précoces pour améliorer leurpronostic.

Le diagnostic est avant tout clinique et doit être évoqué enprésence d’une amyotrophie d’installation progressive desmuscles intrinsèques débutant par les thénariens latéraux. Cet

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aspect doit être différencié du « split hand syndrome » danslequel l’amyotrophie dès le stade précoce touche aussi lepremier interosseux dorsal réalisant une amyotrophie duversant latéral de la main évocatrice d’une atteinte dumotoneurone [14]. Dans les formes déficitaires de STTB, lespatients présentent souvent quelques phénomènes douloureuxassociés, mais le déficit moteur est toujours au premier plan dela gêne ressentie.

En plus de 20 ans d’expérience, nous n’avons observéqu’une seule fois (cas no 2) le passage d’une forme subjective àune forme déficitaire. À l’inverse, comme le montre l’évolutiondans trois de nos cas d’apparition récente, secondaires à unfacteur déclenchant en général postural, la guérison peut êtreobtenue par la suppression de l’activité responsable et larééducation. Mais, le plus souvent, le diagnostic est retardéd’une part, en raison du caractère insidieux de l’installation del’atrophie des muscles thénariens et, d’autre part, en raison deserrances diagnostiques liées à la rareté de cette pathologie. Ilfaut signaler, chez des patients ayant depuis plusieurs annéesune amyotrophie stable et isolée des muscles thénarienslatéraux, la possibilité d’une reprise évolutive avec extensionrécente du déficit aux autres muscles intrinsèques. Celaexplique, malgré l’ancienneté de l’atteinte initiale, la possibilitéd’une amélioration substantielle après chirurgie (cas no 21).

Les 24 cas opérés d’un STTB déficitaire dans notre série onteu au moins une stabilisation voire, le plus souvent, uneamélioration du déficit. Dans les cas anciens, même sil’amyotrophie est peu modifiée, les patients ressentent uneamélioration fonctionnelle au niveau de leur main. Unerécupération complète n’est survenue que dans les quatre casdont le déficit évoluait depuis moins de neuf mois avant lachirurgie. Au-delà de ce délai, les résultats montrent que lescapacités de récupération des muscles intrinsèques décroissentet que le pronostic se dégrade.

Nos résultats sont difficiles à comparer à ceux de lalittérature car les formes déficitaires y sont rarementindividualisées. Roos [15], en 1982, rapporte 92 % de bonset excellents résultats sur 1315 cas mais le nombre de formesdéficitaires n’est pas précisé. Bacourt et Goëau-Brissonnière[5], dans une série de 194 cas, en 1989, rapportent quatre casavec amyotrophie et 20 cas avec un déficit sensitivo-moteur.Les résultats ont été bons dans 89 % des cas, l’intérêt de leurprise en charge précoce est précisé mais le résultat spécifiquedes cas déficitaires n’est pas rapporté. Smith et Trojaborg [6],en 1987, rapportent dix cas de STTB déficitaires. Les résultatssont peu détaillés mais ils signalent une disparition des troublessensitifs dans tous les cas, dans deux cas une absence desymptomatologie pendant plus de dix ans et, dans un cas, unerécidive de la symptomatologie justifiant une reprise chirurgi-cale. Allieu et al. [7], en 1991, rapportent 17 cas de STTBdéficitaires. Parmi les 14 cas opérés, l’amyotrophie et l’atteintemotrice ont récupéré de façon totale dans huit cas, partiellementdans trois cas et pas du tout dans trois cas. Le délai diagnostiqueétait de un à dix ans et l’âge des patients variait de dix à 35 ans.Nous avons aussi observé une amélioration plus importanteparmi les patients les plus jeunes de notre série chez qui ledéficit était d’installation plus récente. Enfin, Le Forestier et al.

[8], en 2000, rapportent dix cas de STTB déficitaires avec uneamélioration au niveau moteur, à un an de recul, dans deux dessept cas opérés.

Selon Melliere et al. [16], les deux voies d’abord peuvent sediscuter dans les STTB de localisation C8-T1 ; si un gestevasculaire associé est nécessaire, la voie axillaire est préférablealors que la double voie d’abord est à privilégier dans lesreprises de STTB récidivants. Dale [17], en 1982, rapportaitque la chirurgie du STTB par voie axillaire était la premièrecause de procès contre les chirurgiens thoraciques. Nousn’avons pas eu de complication notable ni dans les voiesaxillaires, ni dans les voies sus-claviculaires isolées. Enrevanche, nous avons eu une atteinte du nerf thoracique longspontanément résolutive en quelques semaines chez la patienteoù il a été nécessaire de réaliser une double voie d’abord enraison d’une dysplasie locorégionale importante associée à unescoliose. Merle et Borrelly [18], en 1987, rapportent quatrelésions identiques, elles aussi résolutives en quelques mois. Lavoie sus-claviculaire est maintenant devenue pour nous l’abordprivilégié des formes déficitaires dans la mesure où uneanomalie fibreuse et/ou musculaire est toujours clairementidentifiée dans ces cas.

L’indication chirurgicale dans les formes neurologiquesdéficitaires est reconnue [19] et nos résultats montrent que lesformes déficitaires doivent être traitées chirurgicalement, ycompris les cas anciens en cours d’aggravation ou associés àdes phénomènes douloureux. Peu d’études [5–9] étudientspécifiquement les STTB neurologiques déficitaires et rappor-tent les anomalies anatomiques en cause dans la compressiondu plexus brachial. Allieu et al. [7] mettent en évidence unecompression du tronc primaire inférieur au niveau de soncroisement postérieur et inférieur avec le tendon du scalènemoyen dans les 14 cas étudiés. Nous retrouvons 12 scalènesanormaux parmi nos 24 cas opérés. Dans la série de Le Forestieret al. [8], une bride fibreuse étendue de la première côte à unecôte cervicale surnuméraire ou à une apophysomégalie deC7 est en cause dans les sept cas opérés de la série avec, dans uncas, une association avec un scalène antérieur fibreux. Nousretrouvons, parmi les 24 cas opérés, 19 cas d’anomaliessquelettiques mais en peropératoire seulement six de cesanomalies contribuaient à la compression nerveuse ; elles sontessentiellement le témoin de la dysplasie locorégionale. Eneffet, dans 22 cas, ce sont avant toutes les brides fibreuses et/ouune anomalie des scalènes qui étaient responsables de lacompression. Allieu et al. [7] rapportent trois apophysoméga-lies sur huit responsables de la compression, les cinq autresétant associées à des brides fibreuses, seules pathogènes. Smithet Trojaborg [6] rapportent dix cas de brides fibreuses associéesdans neuf cas à une côte cervicale et dans un cas à uneapophysomégalie de C7, l’anomalie osseuse n’étant mise encause que dans sept cas. Il apparaît que, le plus souvent,l’anomalie anatomique en cause dans le STTB se situe auniveau des parties molles.

Dans cette série de 30 STTB déficitaires, il y avait deuxatteintes bilatérales et un cas avec un syndrome de Claude-Bernard-Horner associé. Allieu et al. [7] rapportent quatre casbilatéraux sur une série de 17. Les cas bilatéraux dans les

Page 6: Formes déficitaires de syndrome de la traversée thoraco-brachiale. Étude rétrospective de 30 cas consécutifs

F.-L. Marty et al. / Chirurgie de la main 31 (2012) 244–249 249

formes déficitaires ne sont donc pas un fait exceptionnel maisdoivent faire éliminer une atteinte médullaire liée à unemyélopathie cervicarthrosique ou une syringomyélie. Enrevanche, il n’y a pas, à notre connaissance, d’autre casrapporté dans la littérature d’association d’un STTB déficitaireet d’un syndrome de Claude-Bernard-Horner. Les fibresnerveuses des voies sympathiques cervicales contrôlentl’irido-dilatation et le relèvement des paupières. Le ganglionstellaire répond en avant à la veine sous-clavière et le ganglioncervical moyen, inconstant, est proche de l’artère sous-clavièreen avant de l’apophyse transverse de C6. Bien sûr, une IRM estindispensable pour éliminer une tumeur de l’apex. Un cas a étérapporté par Hornick et al. [20], mais il s’agissait d’un STTBsecondaire à un neurinome de T1. Ekatodramis et al. [21]rapportent un cas de syndrome de Claude-Bernard-Hornerpersistant après un bloc inter-scalénique compliqué d’unhématome.

4. Conclusion

Les STTB neurologiques déficitaires réalisent une entitéclairement individualisée qu’il faut différencier des formesneurologiques douloureuses. Contrairement aux formes sub-jectives pures, dans les formes déficitaires, la douleur esttoujours au second plan derrière le déficit moteur.

Le déficit est souvent d’installation progressive voireinsidieuse retardant d’autant la consultation que le patient neperçoit pas de problème notable avant de constater uneamyotrophie franche. Celle-ci débute toujours par les musclesthénariens latéraux – qui peuvent rester longtemps les seulsconcernés – puis s’étend progressivement aux autres musclesintrinsèques, parfois des années plus tard au cours d’une repriseévolutive du déficit.

À l’exception des formes anciennes, non évolutives, et desrares cas récents où un facteur déclenchant peut-être évincé, letraitement est résolument chirurgical. Une anomalie anato-mique est constamment retrouvée à l’intervention et nousréalisons actuellement un abord sus-claviculaire quasi-systé-matique qui permet de contrôler efficacement toutes lesstructures susceptibles de réaliser une compression plexique.

Dans les formes anciennes, si le déficit est toujours évolutif(aggravation progressive) ou en cas de reprise évolutive(extension récente aux muscles interosseux), la chirurgiepermet au moins une stabilisation voire parfois une petiteamélioration fonctionnelle ainsi que, le plus souvent, unedisparition de la douleur.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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