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Eléments de correction du galop d’essai de droit administratif Les faits : Par une loi en date du 15 juillet 1994, le législateur a adopté un certain nombre de dispositions ayant notamment pour objet de fixer les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs. La procédure : Par deux recours administratifs en date du 20 juillet et 1 er aout 1994, le Premier Ministre a été saisi par l’association du Rassemblement des opposants à la chasse et par l’Association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire de demandes tendant à solliciter du Premier ministre qu’il abroge les dispositions législatives fixant les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs après avoir saisi le Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur la nature réglementaire de ces mêmes dispositions en application de la procédure constitutionnelle de délégalisation de l’article 37 al2. Le silence gardé par le Premier ministre pendant quatre mois 1 sur les demandes a constitué deux décisions implicites de rejet, objet de la requête des associations requérantes. Le problème de droit : Le Conseil d’Etat était amené à trancher un double problème de compétence de la juridiction administrative et de légalité des décisions implicites de refus. Le juge devait se prononcer en premier lieu sur la nature juridique des décisions contestées et déterminer plus exactement si la décision par laquelle le Premier ministre refuse de saisir le Conseil constitutionnel en application de l’article 37 al.2 est un acte administratif susceptible de recours ou bien un acte de gouvernement bénéficiant à ce titre d’une immunité contentieuse. En second lieu, et à supposer qu’il se déclare compétent, le Conseil d’Etat devait ensuite déterminer si le Premier ministre pouvait légalement refuser de faire droit aux demandes des associations requérantes. Pour ce faire, le Conseil d’Etat devait déterminer si les demandes de déclassement et d’abrogation s’imposaient au Premier Ministre. Il lui fallait en définitive, examiner la compatibilité des dispositions législatives contestées avec les objectifs de la directive du 2 avril 1979 puis juger si le Premier ministre devait nécessairement engager la procédure de déclassement et abroger les dispositions. La solution de droit : Par sa décision de section en date du 3 décembre 2009, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes des associations requérantes au motif qu’elles n’étaient pas fondées. Sur le problème de compétence, le Conseil d’Etat a considéré très audacieusement que la décision par laquelle le Premier ministre refuse de saisir le Conseil constitutionnel en application de l’article 37 al.2 n’est pas un acte de gouvernement mais plutôt un acte administratif susceptible d’être contesté au contentieux. Sur le problème de légalité, le Conseil d’Etat a considéré qu’en l’état des connaissances scientifiques les dates de clôture de la chasse retenues étaient incompatibles avec les objectifs de la directive de 1979. Il n’a cependant pas annulé les décisions de refus au motif que le Premier ministre disposait d’une large marge de manœuvre pour procéder à la régularisation des dispositions législatives inconventionnelles. 1 La loi du 12 avril 2000 prévoit désormais que le silence est constitutif d’une décision de rejet au bout de seulement 2 mois.

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galop d'essai comprenant énoncés + la correction

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Page 1: galop d'essai droit administratif

Eléments de correction du galop d’essai de droit administratif  

Les faits : Par une loi en date du 15 juillet 1994, le législateur a adopté un certain nombre de dispositions ayant notamment pour objet de fixer les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs.

La procédure : Par deux recours administratifs en date du 20 juillet et 1er aout 1994, le Premier Ministre a été saisi par l’association du Rassemblement des opposants à la chasse et par l’Association ornithologique et mammalogique de Saône et Loire de demandes tendant à solliciter du Premier ministre qu’il abroge les dispositions législatives fixant les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs après avoir saisi le Conseil constitutionnel pour qu’il se prononce sur la nature réglementaire de ces mêmes dispositions en application de la procédure constitutionnelle de délégalisation de l’article 37 al2. Le silence gardé par le Premier ministre pendant quatre mois1 sur les demandes a constitué deux décisions implicites de rejet, objet de la requête des associations requérantes.

Le problème de droit : Le Conseil d’Etat était amené à trancher un double problème de compétence de la juridiction administrative et de légalité des décisions implicites de refus. Le juge devait se prononcer en premier lieu sur la nature juridique des décisions contestées et déterminer plus exactement si la décision par laquelle le Premier ministre refuse de saisir le Conseil constitutionnel en application de l’article 37 al.2 est un acte administratif susceptible de recours ou bien un acte de gouvernement bénéficiant à ce titre d’une immunité contentieuse. En second lieu, et à supposer qu’il se déclare compétent, le Conseil d’Etat devait ensuite déterminer si le Premier ministre pouvait légalement refuser de faire droit aux demandes des associations requérantes. Pour ce faire, le Conseil d’Etat devait déterminer si les demandes de déclassement et d’abrogation s’imposaient au Premier Ministre. Il lui fallait en définitive, examiner la compatibilité des dispositions législatives contestées avec les objectifs de la directive du 2 avril 1979 puis juger si le Premier ministre devait nécessairement engager la procédure de déclassement et abroger les dispositions.

La solution de droit : Par sa décision de section en date du 3 décembre 2009, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes des associations requérantes au motif qu’elles n’étaient pas fondées. Sur le problème de compétence, le Conseil d’Etat a considéré très audacieusement que la décision par laquelle le Premier ministre refuse de saisir le Conseil constitutionnel en application de l’article 37 al.2 n’est pas un acte de gouvernement mais plutôt un acte administratif susceptible d’être contesté au contentieux. Sur le problème de légalité, le Conseil d’Etat a considéré qu’en l’état des connaissances scientifiques les dates de clôture de la chasse retenues étaient incompatibles avec les objectifs de la directive de 1979. Il n’a cependant pas annulé les décisions de refus au motif que le Premier ministre disposait d’une large marge de manœuvre pour procéder à la régularisation des dispositions législatives inconventionnelles.

                                                                                                                         1  La  loi  du  12  avril  2000  prévoit  désormais  que  le  silence  est  constitutif  d’une  décision  de  rejet  au  bout  de  seulement  2  mois.    

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La portée : Cette décision du Conseil d’Etat livre une solution originale et intéressante, novatrice notamment sur un point. La portée de l’arrêt concerne pour l’essentiel le régime contentieux de la décision par laquelle le Premier ministre refuse d’entamer la procédure de délégalisation prévue à l’article 37 al.2 de la Constitution. Le Conseil d’Etat a fixé une règle de principe ayant vocation à faire jurisprudence : la décision de refus de saisine du Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure de délégalisation est un acte administratif susceptible d’être contesté dans le cadre d’un recours en excès de pouvoir.

L’annonce du plan : La solution livrée par le Conseil d’Etat est articulée autour des problématiques de compétence et de légalité. Si l’arrêt est novateur et bénéficie aux requérants en ce que la décision de refus du Premier ministre n’est pas un acte de gouvernement mais un acte administratif susceptible de recours (I), le Conseil d’Etat ne prolonge pas sa logique d’ouverture jusqu’au bout en considérant que les décisions contestées ne sont pas illégales malgré l’inconventionnalité attestée des dispositions législatives (II).

I – La décision de refus de saisine du Conseil constitutionnel en application de l’article 37 al. 2 n’est pas un acte de gouvernement.

A) Une décision présentant toutes les caractéristiques d’un acte de gouvernement

- Notion d’AG

- Explications de la notion

- Evolution jurisprudentielle et réduction de la notion

Sur le fond : acte a priori qualifiable d’acte de gouvernement car constituant l’expression d’une relation entre le Premier Ministre et le CC. De plus, selon le CC une loi intervenant dans le domaine réglementaire n’est pas inconstitutionnelle car le gouvernement n’est pas obligé de recourir aux mécanismes constitutionnels des articles 41 et 37-2 pour s’opposer à l’empiètement de compétence (CC 1982 blocage des prix).

B) Une décision qualifiée d’acte administratif au regard des impératifs de juridicité

Motif retenu par le CE : la décision se rattache à l’exercice du pouvoir réglementaire.

Solution à rapprocher de CE Ass. 2008 Comité national des interprofessionnels des vins à appellation d’origine (cf. la décision par laquelle le Premier ministre refuse de notifier une aide d’Etat à la Commission européenne n’est pas un acte de gouvernement contrairement à la décision de saisine de la Commission).

Qualification d’acte administratif guidée par les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes car il incombe au Premier ministre de tirer les conséquences d’une loi inconventionnelle.

Obligation évoquée par le CE : obligation pour les autorités nationales d’appliquer le droit communautaire.

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Désormais obligation encore plus précise et surtout constitutionnelle dégagée à partir de l’article 88.1 C. : obligation de transposition des directives communautaires (cf. JP CC 10 juin 2004 LEN et CC 2006 loi Davsi).

II – Une décision de refus jugée légale en raison de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation

A) L’inconventionnalité des dispositions législatives au regard des objectifs de la directive

Rappel principe de primauté des normes conventionnelles (JP Nicolo-Sarran)

Rappel statut normatif interne de la directive : définition de la directive, obligation constitutionnelle de transposition, obligation de ne pas contrevenir aux objectifs de la directive non encore transposée, invocabilité d’exclusion, invocabilité de substitution si la directive est d’effet direct c’est à dire contient des dispositions suffisamment inconditionnelles et précises (cf. CE 2009 Mme Perreux).

B) Une décision de refus non entachée d’une erreur manifeste d’appréciation

- Contrôle réduit du Conseil d’Etat visant à ne sanctionner que l’EMA. - Motif : large pouvoir d’appréciation du 1er ministre pour régulariser

l’inconventionnalité à la fois au niveau de la date, et de la procédure (il est par exemple possible de déposer un projet de loi visant à abroger les dispositions incompatibles de la loi. Le déclassement suivi de l’abrogation n’est donc pas le seul mode de régularisation).

- Notions à développer : contrôle minimum et EMA.

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1) L’union nationale des fédérations départementales des chasseurs ainsi que le ministre de l’écologie soulèvent en défense une fin de non recevoir afin de contester la compétence de la juridiction administrative. L’argument consiste à défendre l’idée que la décision de refus est un acte de gouvernement parce qu’elle constitue l’expression d’une relation entre le 1er ministre et le Conseil constitutionnel et exprime l’exercice non d’une fonction administrative mais d’une fonction gouvernementale.

Développements attendus : notion d’acte de gouvernement, explications (fonction gouvernementale des autorités administratives, raison d’Etat…), identification a postériori par recensement des actes dans la JP administrative, politique de réduction des AG en raison des impératifs de l’Etat de droit (détachabilité de certains actes). JP : CE 1875 Prince Napoléon et exemples jurisprudentiels.

Qualification d’acte administratif contestable ? Dans un certains sens, les arguments à la qualification d’acte de gouvernement ne manquent pas car le raisonnement inverse aurait pu être soutenue (si la disposition dont le déclassement est sollicité n’est pas réglementaire mais finalement législative au regard de l’analyse livrée par le CC, il s’agit d’une procédure plutôt de nature législative et non comme le soutient le CE « se rattachant à l’exercice du pouvoir réglementaire »). Sinon de manière plus simple, cette procédure de déclassement notamment dans le contexte de l’affaire AOMSL est l’expression d’une volonté politique. De plus, la procédure est facultative dans sa mise en œuvre. Autant de signes pouvant attester de l’existence d’un AG. Le raisonnement du CE est différent car exclusivement guidé par les préoccupations liées à la hiérarchie des normes et la volonté de préserver l’autorité du droit communautaire.

2) La directive est un instrument de législation indirecte fixant aux Etats des objectifs à atteindre dans un délai déterminé et impliquant l’édiction d’un acte de transposition interne (loi ou règlement en fonction du domaine concerné). En pratique, il n’est pas rare de constater que les directives sont très précises et laissent peu de marge à l’Etat pour transposer. Parfois, l’Etat se contente même de reproduire les dispositions de la directive. Statut normatif : à la différence des règlements, les directives ne sont pas d’application immédiate, elles doivent faire l’objet d’une transposition en droit interne. A noter que l’absence d’immédiateté ne signifie par que la directive soit dépourvue de tout effet. Le CE a multiplié les obligations administratives : les autorités internes ne doivent pas édicter une réglementation ou une législation de nature à compromettre les objectifs d’une directive. Depuis 2004, il existe également une obligation constitutionnelle de transposition. Sur le plan contentieux : les directives peuvent être invoquées à l’effet d’exclure une réglementation ou une législation contraire (invocabilité d’exclusion). La situation est plus complexe lorsqu’il s’agit de demander l’application des dispositions de la directive (invocabilité de substitution). Pendant longtemps, le CE a refusé l’invocabilité contre un acte individuel en cas de recours direct au motif que la directive n’avait pas d’effet direct et ne pouvait créer des droits pour les particuliers (CE 1978 Cohn Bendit). Depuis 2009, le CE reconnaît une telle possibilité en considérant que les directives inconditionnelles et précises sont d’effet direct lorsque le délai de transposition est écoulé (CE 2009 Mme Perreux).

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Obligation plus précise : obligation constitutionnelle de transposition des directives issue de la jurisprudence du Conseil constitutionnel du 10 juin 2004 Loi pour une économie numérique.

3) Absence d’annulation car la décision n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Cela signifie que le juge a livré un contrôle minimum. Pourquoi un tel contrôle ? Contrôle impliqué par la marge de manœuvre dont dispose le Premier ministre pour lever l’inconvenitonnalité. Plutôt que procéder à une abrogation après déclassement, il peut également déposer un projet de loi visant à supprimer les dispositions législatives inconventionnelles. L’erreur manifeste d’appréciation est une erreur grossière de l’administration ne laissant aucun doute quant à son caractère illégal. L’EMA consiste à sanctionner l’administration dans le cadre du contrôle minimum lorsque l’illégalité est évidente.