16
GÉRER LES CONNAISSANCES POUR TENIR COMPTE DES NOUVEAUX ENJEUX SOCIAUX Le cas de l'approche organisationnelle des pratiques de formation dans un contexte technologique Corinne Baujard ESKA | Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels 2014/49 - Vol. XIX pages 79 à 93 ISSN 1260-1705 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychosociologie-2014-49-page-79.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Baujard Corinne, « Gérer les connaissances pour tenir compte des nouveaux enjeux sociaux » Le cas de l'approche organisationnelle des pratiques de formation dans un contexte technologique, Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 2014/49 Vol. XIX, p. 79-93. DOI : 10.3917/rips.049.0079 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ESKA. © ESKA. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © ESKA Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © ESKA

Gérer les connaissances pour tenir compte des nouveaux enjeux sociaux

  • Upload
    corinne

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

GÉRER LES CONNAISSANCES POUR TENIR COMPTE DESNOUVEAUX ENJEUX SOCIAUXLe cas de l'approche organisationnelle des pratiques de formation dans un contextetechnologiqueCorinne Baujard ESKA | Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportementsorganisationnels 2014/49 - Vol. XIXpages 79 à 93

ISSN 1260-1705

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-internationale-de-psychosociologie-2014-49-page-79.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Baujard Corinne, « Gérer les connaissances pour tenir compte des nouveaux enjeux sociaux » Le cas de l'approche

organisationnelle des pratiques de formation dans un contexte technologique,

Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 2014/49 Vol. XIX, p.

79-93. DOI : 10.3917/rips.049.0079

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour ESKA.

© ESKA. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 79

GÉRER LES CONNAISSANCES POUR TENIR COMPTE DES

NOUVEAUX ENJEUX SOCIAUX

Le cas de l’approche organisationnelle des pratiques de formation dans un contexte technologique.

Corinne BAUJARD37

La formation est devenue un enjeu majeur pour les

entreprises internationales confrontées aux nombreux départs de leurs salariés (retraite, démission, licenciement, mobilité). Les difficultés organisationnelles bouleversent les schémas traditionnels en matière d’apprentissage. Désormais, la gestion des connaissances dans les activités professionnelles revêt des attentes démesurées afin de limiter les pertes de compétences des salariés. Confrontées à des besoins accrus de formation, les entreprises multiplient les expérimentations créant des risques organisationnels.

Alors qu’elles étaient traditionnellement préoccupées de réduction des coûts, elles prennent progressivement conscience que la formation dans un contexte technologique modifie les processus d’apprentissage et la conception de la formation par sa relation au temps et à l’espace. Certaines entreprises ont tenté de se conformer aux pratiques des organisations concurrentes en raison du caractère stratégique reconnu aux technologies. En outre, les expériences et savoir-faire sont d’autant plus structurants qu’ils reposent sur des processus d’apprentissage individuels et asynchrones permettant à un ou plusieurs salariés de se former à partir d’un intranet de formation, d’un intranet pédagogique ou d’un espace de travail collaboratif. Les conceptions et les buts visés dans le déploiement varient selon les intervenants impliqués qui n’engagent pourtant que très rarement une véritable réflexion managériale dans ce domaine, suscitant diverses interrogations allant de

37 Maître de conférences, Habilitée à Diriger des Recherches en science de gestion, directrice,

administratrice provisoire du département AES/Gestion, à l’université d’Évry Val d’Essonne est membre élue au conseil d’UFR et au Conseil Scientifique. Ses recherches portent sur les transformations associées aux dispositifs numériques dans les organisations privées et institutions publiques. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses publications dans des revues scientifiques, des ouvrages collectifs et des actes de colloques internationaux en mettant l’accent sur les pratiques d’apprentissage selon un cadre socioconstructiviste pour identifier les enjeux organisationnels de la formation. Elle est également auteur de trois ouvrages publiés chez Hermès Lavoisier. [email protected]

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 80

l’enthousiasme au scepticisme. Relever les insuffisances sur l’efficacité de la formation font l’objet de nombreuses critiques qui s’imposent chaque jour davantage au détriment de l’interrogation sur la gestion des connaissances dans l’organisation.

Les déclarations managériales déplorent le manque de connaissances des conditions d’appropriation qui caractérisent les différentes étapes de l’apprentissage. Lors des actions de formation, les salariés acquièrent beaucoup de connaissances, mais ils ont des difficultés à les mettre en pratique dans les organisations qui consacrent de nombreuses heures à la formation pour faciliter les reconversions de métiers aux incidences nombreuses sur la nature des compétences. Autant de raisons de se demander si le contexte technologique donne envie aux salariés de se former ? Ou si celui-ci constitue simplement un dispositif supplémentaire dans la formation ? Il n’est pas rare que les dispositifs déployés soient détournés de leur finalité ou manquent d’interactivité dans les modalités de formation proposées. En effet, les salariés sont généralement porteurs de manœuvres et de jeux de pouvoir qui se combinent aux différents outils sur son poste de travail. Chacun établit de nouvelles relations avec ses collègues, mais aussi des rapprochements avec les clients, les fournisseurs et les partenaires (Baujard, 2009). L’entreprise IBM avait développé un programme de formation à distance pour les nouveaux salariés qui, à l’usage, s’est révélé un dispositif de transfert des connaissances de salariés retraités vers les salariés en activité. Récemment des salariés retraités d’établissements bancaires, ont assuré bénévolement l’accompagnement des jeunes cadres recrutés au sein de différents services où ils avaient exercé leur activité pendant de nombreuses années leur activité professionnelle. Autant dire que la transformation du travail sous l’angle formatif rend aujourd’hui de plus en plus complexe les modes de formation dans la gestion des connaissances.

Au fond, il s’agit de s’interroger sur un paradoxe qui envisage les apprentissages informels dans l’activité professionnelle. D’une manière générale, les entreprises cherchent à capitaliser les savoir-faire pour minimiser la perte des connaissances. Elles sont conscientes que le réel enjeu consiste à construire des actions de formation, tout en formalisant une stratégie d’apprentissage. Il est évident que le contexte organisationnel joue un rôle central dans la transmission des connaissances qui, par nature, est attachée aux salariés. Comment s’en sortir ? Comment définir l’approche organisationnelle ? Comment la repérer au sein de la formation des entreprises ? Quelle approche organisationnelle peut-on développer dans l’environnement technologique pour gérer les pratiques de formation ? Se concentrer sur la technologie, qui transformerait la formation en ressource matérielle n’est généralement pas suffisant pour atteindre le résultat escompté. Si la plupart des recherches souligne l’importance de son rôle, chaque communauté cherche à identifier les variables au travers de modèles sans vraiment interroger la dimension sociale. Il faut envisager à la fois l’outil technologique de formation dans le cadre d’un processus d’apprentissage, mais aussi comme le résultat de la gestion des connaissances reliées aux retours d’expériences du terrain. Cet article présente d’abord une définition organisationnelle des pratiques de formation dans un contexte technologique. Le terrain permet ensuite d’identifier l’approche organisationnelle

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 81

des pratiques de formation. La démarche exploratoire conduit à un modèle social de gestion des connaissances qui sera discuté en conclusion.

DÉFINITION DE L ’APPROCHE ORGANISATIONNELLE

La gestion des compétences nécessaires à l’activité professionnelle dépend largement de l’interaction entre deux salariés, d’un salarié envers un groupe de salariés ou d’une activité partagée entre plusieurs salariés. Le transfert de connaissances peut s’organiser autour de discussions collectives dans un groupe, ou bien d’un salarié expliquant son savoir-faire à un collègue qui doit le mettre en œuvre dans son activité professionnelle. La formalisation des modes opératoires et des procédures devient nécessaire et doit être matérialisée dans les pratiques de formation qui rendent difficiles son management.

Comment matérialiser des compétences dans l’organisation, qui par nature sont tacites (Polanyi, 1966), dans l’environnement technologique pour gérer les pratiques de formation ?

Cette interrogation renvoie à la transmission des connaissances dans la formation, mais aussi aux interactions des salariés aux profils d’apprentissage diversifiés. Le rapprochement entre les technologies et les pratiques managériales révèle progressivement des situations de travail formatives. Au demeurant, on ne sait pas à l’avance quel dispositif d’apprentissage va émerger. Cette absence d’informations au départ conduit à une construction progressive de notre démarche qui ne peut pas se résumer à l’accumulation de concepts théoriques. Il s’agit de privilégier les pratiques d’apprentissage qui sont envisagées comme partie prenante de la découverte progressive du dispositif de formation et de son nouvel usage. Aujourd’hui, plus que jamais, toute nouvelle application informatique insérée dans un projet de formation nécessite l’apprentissage de fonctionnalités. Dans ce contexte, les mutations technologiques auxquelles sont confrontées les organisations sont de plus en plus déterminantes. Lors de tout projet de changement d’adaptation, l’organisation intègre des pratiques de formation qui dispensent aux salariés les connaissances indispensables aux transformations des activités professionnelles. Toutefois, en se concentrant sur le changement technologique, on se refuse à envisager l’apprentissage des outils de formation au risque de conduire à l’échec de projets techniquement corrects.

Depuis les années 1990, de nombreuses entreprises encouragent la création de postes spécifiques tels que directeur du « knowledge management » (Peugeot), directeur « de la connaissance et de la gestion des actifs » (Renault), directeur « du capital intellectuel » (Valoris), chef de projet du « Réseau d’échanges réciproques de savoirs » (La Poste). Dans ces entreprises, on distingue, d’une part, le capital technologique et les compétences formalisées qui composent le capital humain (expérience, jugement et intelligence des salariés) et, d’autre part, le capital organisationnel (structures, coordinations, relations informelles entre groupes). Apprend-t-on pour résoudre un problème ou la résolution d’un problème permet-elle de se former autrement ? Le renversement de la logique, « apprendre pour agir » par celle d’en « agir pour apprendre »,résulte d’une relation réciproque : le salarié

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 82

apporte son expérience et favorise le développement de l’organisation ; cette dernière assure la complémentarité de la formation dans le transfert des compétences. Il est toujours délicat d’insister sur des activités significatives car les processus liés aux connaissances peuvent s’appliquer à toutes les ressources de l’entreprise. Comment sortir de ce dilemme qui modifie le contenu de la gestion de ressources humaines ? L’heure est à l’évaluation des pratiques émergentes. La gestion des connaissances est l’occasion d’opérationnaliser ce concept nécessaire à l’organisation de la formation. Le travail devenu plus abstrait, plus intellectuel, rapproche la formation de l’activité professionnelle qui intègre des niveaux d’apprentissage différents. En réalité, la formation constitue un système technique et un système social d’interactions. A l’évidence, « plus les salariés sont intégrés dans les processus de construction, plus on obtient leur reconnaissance » (Peugeot).

Afin de conserver en mémoire les pratiques collectives, les équipements permettent de mettre en commun des informations qui aident à faire fonctionner des équipes sans contact physique. Pour encourager la mise à jour des connaissances, les entreprises offrent des espaces de formation à des salariés caractérisés par un niveau d’incertitude élevé. Les entreprises rencontrées privilégient généralement la coordination des activités autour du partage des bonnes pratiques entre tous les services : cyberculture à Air France, outils de partage à la Poste, accès partagé aux bases de données à France Telecom. Si la formation implique de repenser l’espace de travail collaboratif, l’expérience d’un salarié rend difficile sa mesure. Des groupes collaboratifs permettent aux salariés de travailler ensemble et de partager des informations. Dans la plupart des situations, l’échange informel sur l’expérience professionnelle permet aussi d’acquérir des connaissances. Les entreprises prennent conscience des dispositifs sociotechniques qui se développent au travers des environnements numériques dans la formation. En outre, dès lors que les salariés travaillent à distance, une réflexion s’impose parce que la formation n’est qu’un des éléments d’actualisation des compétences métiers des salariés. L’interrogation organisationnelle est aussi l’occasion de se demander si les situations de travail ont un effet formateur car les salariés apprennent de leurs propres expériences, dans l’interaction avec les autres, et communiquent leurs compétences au reste de l’organisation. La présentation du terrain est l’occasion d’approfondir le contexte organisationnel. PRÉSENTATION DU TERRAIN

Il s’agit de recourir à une approche compréhensive du contexte

organisationnel. Les concepts ou les énoncés de proposition s’élaborent autant à partir des dispositifs de formation que des représentations. Un procédé de comparaison constante fournit un sens explicatif ou interprétatif. La démarche adoptée envisage une variété de contextes professionnels. Les différentes étapes permettent de définir provisoirement l’approche organisationnelle des pratiques de formation dans un contexte technologique.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 83

Démarche adoptée

Au départ, l’échantillon des entreprises a été constitué selon « l’effet boule de neige » permettant d’identifier des responsables qui connaissent d’autres entreprises qui avaient déployé des expériences de formalisation des compétences dans les pratiques de formation à distance. Pour prendre du recul, les premières entreprises étudiées ont permis des comparaisons pour formuler des propositions explicatives provisoires. Tout d’abord, nous avons choisi des entreprises dont les activités étaient identiques. Puis, de façon à augmenter la fiabilité des résultats, nous avons élargi aux cas contrastés pour accroître la validité de la méthodologie. Finalement, il a été retenu un échantillon de dix entreprises très diverses, autant par la taille que par les secteurs d’activité. Elles interviennent dans les secteurs de l’assurance, de la banque, de l’équipement automobile, de l’énergie, des télécommunications, de la cosmétique, du transport ferroviaire et aérien. De cette manière, on respecte le principe de représentativité des diverses configurations des groupes stratégiques. Une série d’entretiens téléphoniques a permis de mener un travail analytique sur l’année 2008 avant de reprendre contact avec les responsables de notre terrain initial de recherche. Fin 2009 et début 2010, les entretiens téléphoniques ont pu être retranscrits sur des feuillles de contacts permettant de conserver les commentaires. Cette dernière phase a servi de support à la compréhension des situations avant de généraliser les résultats. Enfin, lorsque les entretiens retranscrits ont été soumis aux responsables de formation et de ressources humaines interrogés, ils ont été l’occasion de préciser, avec leur accord, les pratiques déployées. et de préciser la part en pourcentage de la masse salariale consacrée à la formation. Les entreprises interrogées dans le cadre de notre enquête y consacrent 4 à 9,5 % de leur masse salariale, dépassant largement les obligations légales (loi du 16 juillet 1971, loi du 24 novembre 2009) parce que la formation représente un réel enjeu stratégique. L’effort est comparable au sein d’un même secteur d’activité. Les entretiens exploratoires (notés de 1 à 10) présentent le niveau de chaque responsable en consultant une rangée du tableau de la colonne selon l’apparition des réponses.

Org. Secteur d’activité Responsable % formation/

masse salariale 1 Banque commerciale. Directrice de la formation et

du développement 4,5 %

2 SSII Directeur des compétences et des métiers

7,9 %

3 Constructeur automobile.

Responsable du département formation

6,2 %

4 Industrie cosmétique Directeur Learning developement manager

4 %

5 Energie. Responsable du projet elearning

5,15 %

6 Producteur Directeur des systèmes 5,54 %

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 84

Télécommunications. d’information 7 Opérateur

Télécommunications. Directrice qualification et

training 5,38 %

8 Transport ferroviaire. Directeur formation informatique

4,95 %

9 Transport aérien. Directeur formation informatique

9,29 %

10 Constructeur automobile.

Directeur formation du groupe

4 %

Tableau 1 – Présentation des 10 entreprises

Exploration des données recueillies

Une connaissance des travaux de recherche antérieurs s’est révélée nécessaire afin d’éviter les critiques méthodologiques classiques de la démarche inductive. La prudence s’impose dans cette démarche puisqu’elle ne doit pas vérifier des théories précédemment développées par les chercheurs. Outre la collecte d’informations sur le terrain, l’examen des travaux de recherche antérieurs, et des notes prises lors de la participation à des conférences scientifiques ont complété notre analyse. Deux questions ont été posées aux responsables : Comment sont gérées les pratiques de formation ? Comment se caractérise l’apprentissage dans votre organisation ? ». Lorsqu’un verbatim a été repéré, il a été comparé aux précédents du même groupe. Cette comparaison permet d’identifier des similarités et des différences dans laquelle la recherche est menée. Lors de cette phase exploratoire, il est apparu immédiatement les déclarations des responsables qui possèdent des sortes d’automatismes et celles de ceux qui réfléchissent effectivement avant de répondre. En effet, les questions de départ étaient très larges évitant au responsable d’aller dans le sens de ce que l’on pense être nos attentes. Dans la mesure du possible, on essaie de ne pas révéler la question suivante pour éviter de faire dire ce que l’on a envie d’entendre. La prise de notes retranscrite lors des entretiens a été le plus souvent soumise aux responsables interrogés. Les terrains ont ensuite été rapprochés afin de généraliser la comparaison des résultats. La lecture des entretiens a permis ensuite de comparer les résultats obtenus avec la fréquence de catégories repérées de manière intuitive.

L’objectif est de rendre compte de la diversité des approches gérées par les

entreprises. Cette démarche est complémentaire : elle sert de base à l’interprétation. Il importe de découper au minimum la réalité, de rester proche des données recueillies qui doivent toujours être replacées dans leur contexte. A partir de la retranscription des entretiens, un tableau rassemble les thèmes retenus. C’est un outil précieux pour toute comparaison rapide ultérieure. Il permet de rapprocher les réponses en consultant une rangée du tableau ou de diviser les entretiens en unité d’analyse pour dégager des catégories conceptuelles. Nous n’avons pas utilisé un logiciel d’analyse des résultats qui aurait pris le pas sur l’élaboration de la recherche.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 85

Notre démarche s’est attachée à identifier les situations de travail informelles qui concernent les besoins de formation dans les activités professionnelles. A partir des verbatims, les catégories et les concepts s’établissent progressivement, au fur et à mesure que les résultats se développent. Les relations ont fait apparaître trois activités identifiées dans la revue de littérature : socialisation, relation à l’outil et système d’apprentissage (Ermine, 2010). Un tableau a été créé pour rapprocher les réponses de chaque responsable en consultant les données de l’entreprise interrogée dans la colonne appropriée.

Différentes étapes

Pour Glaser et Strauss (1967), le chercheur doit développer des théories en recourant à des comparaisons méthodologiques qui se fondent sur l’observation de la réalité sociale. Au fond, il s’agit de favoriser l’émergence de nouvelles explications et ne pas s’enfermer dans des hypothèses réductrices, au risque sinon de modifier la démarche d’analyse de phénomènes peu explorés. Les individus donnent un sens à leur environnement collectif en considérant la multiplicité des sens possibles de l’apprentissage organisationnel (Weick, 1990). Des processus complexes permettent d’expliquer les conséquences qui vont se réaliser autant à partir des faits que des résultats de recherche liés au processus d’interaction entre acteurs et objets. Les interactions sociales réduisent la complexité des situations d’information selon la construction du sens commun (Schutz, et alii, 1987).

L’apport scientifique de la théorie enracinée est d’offrir une approche d’observation inductive afin de dégager des concepts, et découvrir des catégories pour donner une interprétation et une explication selon une comparaison constante (Strauss, Corbin, 2004). La méthode de collecte et d’analyse des données se réalise selon divers types de codage. La théorisation émerge des données qui se combinent parfaitement avec l’objectif de compréhension propre à tout paradigme interprétativiste. Les technologies dans l’apprentissage produisent « des explications qui ne sont pas la réalité, mais un construit sur une réalité susceptible de l’expliquer » (Le Moigne, 1990). En effet, trois niveaux sont distingués en termes de définition, de repérage et d’apprentissage capable d’expliquer le phénomène social. Mais, la démarche est-elle assez précise ? Ne risque-t-elle pas de produire de simples opinions ? Il est nécessaire de partir d’un modèle explicatif à partir d’une situation indéterminée plutôt que de rechercher la vérité.

Vers une définition de l’approche organisationnelle des pratiques de formation

La diversité des expériences de l’entreprise en matière d’acquisition de

compétences permet de capitaliser des savoirs transversaux. « C’est d’abord pouvoir capitaliser sur notre savoir-faire » (Constructeur automobile). La perception des contraintes technologiques propres à chaque organisation produit des effets divers sur les compétences. « La problématique de notre groupe, c’est notre banque de connaissances indispensable à notre réussite » (Industrie cosmétique). « Nous avons adopté de nouveaux outils pour optimiser la gestion de la connaissance parce que

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 86

plus la technologie est utilisée dans la formation plus l’accompagnement devient indispensable » (Entreprise de télécommunications). « Le groupe se développe à l’international dans des pays où la complexité des marchés, la création de nouveaux métiers et l’apparition des nouvelles technologies demandent à chaque collaborateur des compétences qui sont en augmentation » (Transport aérien).

Il existe des entreprises très contraintes dans leurs pratiques de formation en raison de leur environnement technologique « Nous travaillons sur un marché où les compétences sont très vite périmées. Il est primordial de disposer d’une vision globale des ressources humaines dont nous disposons. c’est pour nous une question de survie à l’égard de nos concurrents : piloter le potentiel compétences c’est piloter l’entreprise » (SSII) .

Il existe aussi des entreprises informatisées qui considèrent que : « les possibilités offertes par les nouvelles technologies sont une occasion de restructurer nos échanges avec nos collaborateurs internes et externes » (Industrie cosmétique). Elles privilégient une démarche sociotechnique en cohérence avec leur vision stratégique. « Nous avons adopté une solution de Knowledge Management partagée entre différents acteurs qui permet de trouver un ensemble de connaissances pour résoudre un problème posé dans un dossier contentieux » (Assurance). « En matière de gestion des ressources humaines, il s’agissait d’élaborer une véritable politique permettant de favoriser la rétention des compétences critiques pour attirer de nouveaux collaborateurs » (SSII). « Cet intranet de formation est aussi à la disposition des clients et des fournisseurs » (Banque). On repère des entreprises capables de définir leurs apprentissages en tenant compte des compétences collectives. « Les situations de travail auxquelles ont dorénavant à faire face les salariés ont profondément évolué. Les salariés n’ont plus à réaliser des tâches codifiées à l’avance mais à faire face à des demandes imprescriptibles » (Banque). « Un intranet mondial propose un espace personnel à tous les collaborateurs leur permettant de situer leurs compétences par rapport aux métiers qu’ils exercent » (Informatique).

Les entreprises encouragent l’interaction sociale entre les ressources internes. « La formation sur notre intranet c’est de relier tout le groupe afin de faciliter le knowledge management. On pourra modifier le management de la connaissance » (Banque). « Il faut donc avoir une bonne connaissance des compétences dont nous disposons qui s’expliquent par différentes interactions et la qualité de celles-ci avec notre système d’information » (Assurance). « Nous accordons beaucoup d’importance aux différents projets liés à la formation parce que nous considérons qu’ils constituent un élément déterminant de la motivation des salariés » (Industrie cosmétologique). « Dans les unités les managers qui décident de la formation choisissent toujours les processus et les décisions RH en accord avec les salariés parce que notre culture de changement ne peut être mise en œuvre que si les salariés se l’approprient » (Constructeur automobile).

Le clivage n’est cependant pas toujours aussi contrasté car de nombreuses organisations ne s’en remettent pas à une intention très précise en matière d’apprentissage. Autrement dit, la technologie étendue à l’ensemble des pratiques de formation est toujours difficile à réaliser voire non dénuée de nombreuses

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 87

hésitations. « L’apprentissage des outils technologiques favorise la diffusion de notre culture d'entreprise ou chacun a conscience du rôle qu’il apporte dans la construction des savoirs » (Industrie cosmétologique). « Nous pensons que si la culture semble maîtrisée c’est en partie grâce au sentiment collectif des salariés. La culture d’entreprise crée un sentiment de cohésion entre les salariés qui participent activement à l’amélioration des compétences collectives » (Constructeur automobile). « L’efficacité de l’espace de travail collaboratif mondial donne des solutions pour l’innovation collaborative tout en améliorant l’échange des données » (Industrie).

De nombreuses interactions influencent autant les objectifs managériaux que les moyens organisationnels. Il faut souvent tenir compte des trajectoires professionnelles des salariés qui contribuent largement aux changements des conditions de travail selon une perspective d’accès à la formation tout au long de la vie professionnelle. C’est dire que les réalités managériales en matière d’apprentissage peuvent être plus ou moins contradictoires au regard des moyens mobilisés « Le manager doit conserver la culture des unités dont il a la responsabilité. Nous avons été amenés à réorganiser le travail d’équipe pour que le salarié puisse consulter l’intranet pédagogique, dénicher une information précise qui va résoudre les questions qui se posent dans le cadre de son travail » (Télécommunications). « L’apprentissage des outils de formation change la manière de travailler tout en permettant la reconnaissance du capital de chaque salarié ». (Entreprise de transports). « Travailler en équipe c’est promouvoir une nouvelle conception relationnelle » (Industrie automobile). « Former c’est aussi réfléchir au lien qui existe entre l’organisation du travail, la motivation des salariés dans la stratégie des ressources humaines de notre entreprise » (Énergie). Au-delà d’un optimisme de façade, et dès lors que les dispositifs déployés privilégient encore largement les modalités de formation classiques, rien n’indique a priori que la technologie soit un outil d’apprentissage efficace des processus organisationnels. « La gestion des savoirs collectifs est autant indispensable que la dimension organisationnelle dans laquelle elle s’insère » (Assurance). « La formation suscite aujourd’hui des changements dans les modes d’apprentissage. Dès le départ, nous avons associé tous les managers aux changements technologiques » (Banque). Après l’échec de diverses tentatives de renouveler la formation, les entreprises ont beaucoup de mal à évaluer les retours sur investissement dans les situations de travail, dont ils ne cessent pourtant d’espérer l’amélioration. « L’expérience que nous menons actuellement n’est pas transposable dans une autre entreprise française. Nous avons découvert certains éléments progressivement au fur et à mesure du déroulement de l’expérience pédagogique » (Télécommunications).

Dès lors, les salariés partagent des informations dans les relations de travail et interagissent au sein des systèmes d’actions collectives. « Nous avons expliqué les enjeux des nouvelles technologies de l’information pour faire de l’intranet de formation un véritable outil collaboratif » (Banque). L’existence d’une importante complexité organisationnelle conduit généralement à recourir à une forte collaboration dans les pratiques de formation. « L’espace renforce la collaboration à tous les niveaux de la chaîne de valeur en permettant aux entreprises de travailler

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 88

avec leurs clients et leurs partenaires comme s’ils faisaient partie d’un seul équipement, pour développer des produits à la pointe de l’industrie ». (Industrie automobile). Dans le secteur automobile, on observe toutefois une structure centralisée qui n’est pas très complexe, mais dont la standardisation des processus de travail favorise la codification des savoirs et des connaissances dans une logique de réseau unique. « Les utilisateurs peuvent consulter toutes les informations concernant les produits, processus et ressources dont ils ont besoin pour leur activité » (industrie automobile). Cette spécificité se retrouve aussi fréquemment dans le secteur de l’informatique et des télécommunications. Il n’en reste pas moins que la nouvelle technologie est susceptible de déclencher une variété de formes d’apprentissage suscitant ainsi des interrogations à son propos. COMMENT REPÉRER L ’APPROCHE ORGANISATIONNELLE POUR LA FORMATION ?

L’approche organisationnelle fondée sur l’utilisation des technologies

repose sur de multiples modalités : les compétences métiers (savoirs) ou techniques (procédures), les savoir-faire (résolutions de problèmes de problèmes concrets), l’expérience (savoirs tacites). Ce capital intellectuel s’intègre dans les systèmes partagés au sein de dispositifs qui aident à résoudre des projets de plus en plus complexes. Dans ce contexte, la formation apparaît comme un ensemble de pratiques aux configurations d’apprentissage les plus diverses qui induit des situations professionnelles dans l’organisation du travail. La place prise par la technologie soulève l’importance des pratiques sociales qui s’établissent collectivement et permettent de réaliser l’activité elle-même (Wenger, 2000). Dans ce contexte, la mise en place d’un environnement collaboratif facilite l’apprentissage organisationnel. L’essentiel n’est plus de capitaliser et de transmettre des connaissances, mais d’inviter les salariés à créer des communautés d’expertises. Chaque salarié porte une partie de la mémoire de son organisation ; il la modifie selon sa propre représentation en la transmettant à d’autres salariés. Aucun outil ne peut tout analyser.

Socialisation Relations à l’outil Résultats en matière

d’aprentissage Définition des besoins

- Recueillir les informations et

les pratiques éprouvées, - Mettre à jour les

connaissances.

- Capitalisation des savoirs.

- Identification des expériences menées pour constituer un

stock. - Apprentissage sur

ordinateur et bornes sur sites.

- Formation déployée sur le groupe

- Réorganisation du travail collectif

- Résolution de problèmes dans l’action.

Repérage - Favoriser la conduite

- Formation élaborée à partir des compétences

- Partager les meilleures pratiques pour les besoins

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 89

des activités professionnelles.

- Transférer l’apprentissage en

situation. - déterminer les compétences

relationnelles et collaboratives.

- Renforcer le soutien des managers.

professionnelles - Contacter les

détenteurs de savoirs. - Création d’un centre d’activité formation. - Accès à une culture

technologique. - Formation sur internet

de l’activité. - Privilégier les processus de travail plutôt que les

structures. - Partager les

connaissances.

Types d’apprentissage - Partager l’expérience collective au sein des

activités professionnelles.

- Tutorat proactif et extension sur outils

mobiles - Formation multimédia.

- association des collaborateurs.

- Intégration des ressources et des

compétences difficilement imitables et peu transférables,

- Partage d’expérience par interactions.

Tableau 3 – Approche organisationnelle de la formation

Le tableau proposé de l’approche organisationnelle de la formation n’est

pas sans effet sur la diversité des modalités pédagogiques. Les salariés d’une même communauté professionnelle construisent progressivement la formation. Le processus de capitalisation des connaissances tacites comporte des risques lors de la transmission. Les entreprises ont longtemps pensé que la formation était une affaire de technologie, alors que l’essentiel repose sur ce qui se construit avec le temps. La collaboration dans un espace professionnel repose sur la construction pédagogique des acteurs. L’intégration des outils prend une place décisive dans un contexte collectif pour recueillir les informations. A ce titre, on distingue diverses attitudes selon que les organisations privilégient les fonctionnalités technologiques, agencent les relations autour des compétences collectives ou encouragent les salariés à construire leurs propres dispositifs en fonction de projets de formation. La diversité des approches est liée aux besoins des entreprises dont découlent des pratiques de formation résultant de situations d’apprentissages. La plupart du temps, la transmission des pratiques professionnelles nécessite la participation des salariés. L’organisation de la formation est très dépendante de la codification des connaissances dans les processus de travail. L’entreprise cherche à acquérir des capacités collectives qui peuvent encourager la mise en place de nouveaux modèles de gestion des connaissances. Autrement dit, les nouvelles technologiques favorisent le déploiement de la formation dont la codification peut être coûteuse en terme d’apprentissage. Les savoirs informels entraînent des expériences professionnelles qui laissent une place importante à un modèle social de gestion des connaissances.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 90

PROPOSITION D’UN MODÈLE SOCIAL ET CONCLUSION .

Les pratiques de formation révèlent le fonctionnement organisationnel dans

la construction progressive des relations sociales. « La gestion des savoirs collectifs au travers de notre intranet, c’est de relier tout le groupe afin de faciliter le knowledge management dont la formation représente un moyen aux retours difficilement mesurables » (Banque). Autant de raisons de se demander si l’approche organisationnelle des pratiques de formation est pertinente. Au fond, il s’agit d’envisager des dispositifs dans les situations de travail révélant des modalités organisationnelles à inventer. Nous assistons incontestablement aujourd’hui à un renversement de perspectives, la diversité de la formation traduit un cadre d’analyse organisationnel. A ce stade, soit l’organisation établit la liste des retours d’expériences en matière d’apprentissage ou bien elle s’en remet au processus expérimental de rétroaction collectif des salariés. Les interactions entre les salariés produisent des actions de formation dont les expériences modifient les caractéristiques organisationnelles de l’apprentissage qui remettent en cause les schémas de pensée habituels. L’apprentissage est un processus par lequel un salarié se forme. Il recouvre à la fois « qu’est ce qu’apprendre » et le « qu’est ce que j’apprends ». Les concepts d’assimilation et d’accommodation traduisent l’interaction entre l’individu qui « tente de comprendre le monde à l’aide des outils intellectuels et des représentations dont ils dispose, et des contenus qui offrent des résistances à cette assimilation obligeant la pensée à se restructurer » (Legendre, 2005). Apprendre implique une modification des représentations mentales selon différents apprentissages : l’assimilation intègre des informations aux connaissances antérieures ; l’accommodation est un processus de développement de l’intelligence qui transforme les modèles mentaux (Piaget, 1967). L’apprentissage est un processus composé de connaissances tacites et explicites. La diffusion s’effectue autour du partage et de la socialisation. La routine s’inscrit dans la mémoire organisationnelle selon la spirale de conversion des connaissances (Nonaka & Tacheuchi, 1995). Cette distinction dépasse les approches béhavioristes et cognitives pour aboutir à l’apprentissage organisationnel (Argyris & Schön, 2002). L’apprentissage individuel est à l’origine de l’apprentissage organisationnel qui, à son tour, nourrit l’apprentissage organisationnel. L’organisation peut apprendre indépendamment de chaque individu, mais non de l’ensemble des individus qui composent l’organisation. L’apprentissage individuel s’effectue dans un cadre social. Les informations sont en lien avec le milieu professionnel ; le contexte provient à la fois de ce que les individus pensent et des interactions avec les autres individus (Vygotsky, 1985). L’interaction sociale construit la relation avec l’organisation ce qui oblige l’individu à repenser en même temps ses propres représentations, celles qu’il est amené à reconsidérer avec celles diffusées par l’organisation pour reconstruire son apprentissage. La formation dépend du contexte organisationnel dont l’apprentissage est une interprétation d’une expérience de formation. La dimension organisationnelle répond à la question : quelle approche organisationnelle faudrait-il développer dans l’environnement technologique pour

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 91

gérer les pratiques de formation ? Différentes variables jouent un rôle important dans la proposition d’un modèle social qui prend en considération la complexité de la formation pour donner du sens à l’apprentissage organisationnel selon la proposition suivante :

Besoins Assimilation Accomodation

Soc

ialis

atio

n - Exploitation des informations issues du contexte organisationnel

pour résoudre des problèmes.

- Représentation de l’environnement social influence la formation des salariés dans leurs

démarches Risque : norme sociale implicite qui doit accompagner les

salariés.

Syt

ème

d’ap

pren

tissa

ge - Interactions sont dépendantes

du déploiement mis en œuvre et de la variété des dispositifs de

formation proposés.

- Apprentissage spatial et temporel sur la transmission des

compétences des salariés s’acquière par la formation dans le cadre de

l’activité professionnelle. Risque : les salariés développent leurs

relations) qui demandent du temps.

Tableau 4 – Proposition du modèle social de gestion des connaissances

Dans la mesure où la formation est constituée d’objets et de savoirs, quelle approche organisationnelle peut-on développer dans l’environnement technologique pour gérer les pratiques de formation ? L’exploitation des informations issues du contexte organisationnel pour résoudre des problèmes doit s’accompagner d’un soutien informationnel des salariés. L’influence de l’environnement social sur la formation des salariés dépend du déploiement mis en œuvre (le service formation, le supérieur hiérarchique, les interactions) et la variété des dispositifs de formation proposés. La représentation de l’environnement social influence la formation des salariés sur leurs démarches d’apprentissage. Les compétences des salariés s’acquièrent par la formation dans le cadre de l’activité professionnelle.

Outre les difficultés liées à la construction d’un modèle social, des risques existent qui laissent une véritable place à la discussion scientifique. Au fond, cette question soulève des préoccupations ontologiques qui affectent la question épistémologique : la question ontologique se limite à étudier les pratiques de formation ; la question épistémologique s’attache à trouver des formes d’expertise. La connaissance produite sur notre objet de recherche impose la prudence dans la démarche d’analyse, même si les résultats nous invitent à aller plus loin. La formation doit être l’occasion de se demander si les résultats obtenus s’expliquent par les différents contextes étudiés. L’analyse pourrait se poursuivre en recueillant suffisamment de données sur un temps beaucoup plus long afin d’identifier des régularités théoriques au sein d’une seule entreprise. Autant dire que de nouveaux cadres conceptuels doivent être appréhendés afin de réduire la distance entre chercheurs et praticiens. Il s’agit de tenir compte des savoirs produits par la recherche pour les mobiliser dans les pratiques de formation. La représentation de la

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 92

réalité est toujours multiple, une négociation de sens met l’accent sur les objets réels ou symboliques des pratiques sociales. L’approche organisationnelle des pratiques de formation dans un contexte technologique résulte d’une conversion des formes d’interactions dans la mesure où des combinaisons techniques et sociales se multiplient (Giddens, 1987). Autant dire que notre modèle social, certes indispensable pour identifier les enjeux organisationnels de la formation, n’est pas un modèle d’apprentissage (Jonnaert et al. 1999). Une marge d’incertitude est toujours présente dans un contexte technologique. L’entreprise se structure autour d’un problème général, qui se substitue progressivement à une logique collective pour devenir un outil de management des compétences de l’entreprise. Nos recherches actuelles ne cessent de remettre en cause l’évaluation classique de la formation. Dans ce contexte, l’organisation peut apparaître plus efficace dans la coordination des dispositifs dont la formation est le résultat d’un processus d’apprentissage, lui-même constitutif d’une occasion de se former.

Les échanges tacites autour des compétences sont portés au delà de l’organisation. Des pratiques de formation sont attachées à l’organisation parce qu’elles comportent une certaine matérialité technologique. Cette approche dépend du processus social de la diversité cognitive. On peut conclure que les premiers résultats de cette recherche nous ouvrent de nouvelles perspectives. Il y a une interrogation sur une complexité évolutive des pratiques de formation qui a été progressivement intégrée selon un modèle social provisoire. La formation permet de soulever le décalage entre les ambitions initiales de chercheur et le contexte organisationnel étudié. Il est apparu que c’est la manière dont les salariés envisagent la complexité organisationnelle qui transforme les pratiques de formation dans un contexte où la technologie peut jouer un rôle déterminant dans la gestion des connaissances.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A

Revue Internationale de Psychosociologie et de gestion des Comp. Organisationnels, 49, prin 2014 93

RÉFÉRENCES

Argyris, C., Schön, C., (2002), Organizational Learning: a Theory of Action Perspective, Addison-Wesley, Reading, MA.

Baujard, C., (2009), Pratiques de formation : apprentissage numérique et création de valeur, Hermès Lavoisier.

Ermine, J. L., (2010), Management et ingénierie des connaissances, Hermès Science.

Giddens, A., (1987), La constitution de la société : éléments de la théorie de la structuration, Presses Universitaires de France, Paris.

Glaser, B. G., Strauss, A. L., (1967), The Discovery of Grounded Theory: Strategies for Qualitative Research, New York, Aldine de Gruyter.

Jonnaert, P, Vander Borght, C., (1999), Créer des conditions d’apprentissage. Un cadre de référence socioconstructiviste pour une formation didactique des enseignants, Bruxelles, De Boeck.

Jonnaert, P, (1999) Compétences et socioconstructivisme, Bruxelles, De Boeck. Kergoat, P., (2007), « Une redéfinition des politiques de formation. Le cas de

l’apprentissage dans les grandes entreprises », Formation emploi, n° 99, juillet-septembre 2007.

Legendre, M. F., (2005), « Un regard socioconstructiviste sur la participation des savoirs à la construction du lien social », Education et francophonie, vol. 36, n’2, p. 63-79.

Le Moigne, J. L., (1990), La modélisation des systèmes complexes, Paris, Dunod. Nonaka, I., Takeuchi, H., (1995), The Knowledge Creating Company, How

Japanese Companies Create the Dynamics of Innovation, New York, Oxford University Press.

Piaget, J., (1967), Logique et connaissance scientifique, Paris, Gallimard. Polanyi, M., (1966), The Tacit Dimension, Doubleday. Schutz, A., Noschis, K., Maffesoli, M., (1987), Le chercheur et le praticien, la

phénoménologie des sciences sociales, ed. Meridiens Klincksieck. Strauss, A., Corbin, J., (2004), « Grounded Theory Methodology: An Overview »,

N. K. Dezin, Y. S. Lincoln (Eds), Handbook of Qualitative Research, Thousand Oaks, CA, Sage.

Vygotsky, I., (1985), Pensée et langage, ed. Sociales. Weick, K., (1990), « Technology as Equivoque: Sensmaking in New Technologies”

Technology and Organization, Goodmann P; Sproull L.S., (Eds), p. 1-44.

Wenger. C., (2000), « Communities of Practice and Social Learning Systems », Organization, vol. 7, n° 2, p. 225-246.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Nat

iona

l Chu

ng H

sing

Uni

vers

ity -

-

140.

120.

135.

222

- 11

/04/

2014

21h

58. ©

ES

KA

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - National C

hung Hsing U

niversity - - 140.120.135.222 - 11/04/2014 21h58. © E

SK

A