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“Gérondif”, “participe présent” et “adjectif déverbal en –anten morphosyntaxe comparative Paulo de Carvalho ERSSàBordeaux (UMR 5610) Université Michel de Montaigne- Bordeaux 3 Vieux pédagogue de la Cour, appelé le tyran des mots et des syllabes, et qui s’appelait lui-même le grammairien à lunettes et à cheveux gris … qui traite gravement l’affaire des gérondifs et des participes, comme si c’était celle de deux peuples voisins l’un de l’autre et jaloux de leurs frontières (Guez de Balzac, Socrate des Chrétiens, dans Littré s.v. Participe) M Meyer Lübke nous fait remarquer que les langues romanes ont remplacé le participe dans la tournure “Catonem vidi in biblioteca sedentem” par le gérondif. Pour le prouver, il allègue l’italien “lo trovai giocando”, le castillan “le hallaron leyendo”, le portugais “achou-o jazendo”, mais il allègue aussi le français “je l’ai trouvé lisant”. Pour le français, la nature gérondive de la tournure reste à prouver. (Damourette & Pichon, Des mots à la pensée) ABSTRACT The unique issue this paper aims at is to argue that the traditional opposition, in French, between a “participe présent” and a “gérondif” is a quite inadequate one : there is positively nothing, in the syntax of French, which could be called a gerund. The demonstration, which is founded upon an analysis, on new grounds, of the so-called “participium præsens and “gerundivum / gerundium” in Latin, brings out notable differences between the French construction en –ant and the gerund in Spanish or Portuguese. In conclusion a new approach of the “parts of speech” is suggested. La présente étude est issue de recherches récentes, et destinées à un public de spécialistes de linguistique latine (DE CARVALHO 2001 et 2002), sur les formes verbonominales latines dites, selon la terminologie scolaire française, “gérondif”, “adjectif verbal” et “participe présent”. Elle portera néanmoins, essentiellement, sur la morphosyntaxe du français, et n’aura, même, dans ce domaine, qu’un unique objectif : montrer, à la lumière d’un regard comparatif 1 , que le concept de “gérondif”, dont la légitimité paraît, aujourd’hui 2 ,, au- « Du nom (dé)verbal en -nd o / a - : “gerundium” vs. “gerundivum” », in Actes du 10 ème Colloque International de Linguistique Latine Paris, 2001, 307-320.. 1 Renouant, donc, mais sur d’autres bases, avec B. Weerenbeck, 1927, ouvrage abondamment et heureusement nourri par une réflexion comparative de haut niveau. 2 Mais cela n’a sans doute pas toujours été le cas, même dans les temps modernes. Ainsi, H. Bonnard, en 1971 (dans le Grand Larousse de la langue française, p. 2222), notait que le terme “gérondif” était absent de la nomenclature élaborée par la commission ministérielle en 1910, et qu’il manquait encore dans la réédition de 1949, comme, d’ailleurs, dans la Progression Beslais, imposée aux

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“Gérondif”, “participe présent” et “adjectif déverbal en –ant”

en morphosyntaxe comparative

Paulo de Carvalho ERSSàBordeaux (UMR 5610) Université Michel de Montaigne-Bordeaux 3

Vieux pédagogue de la Cour, appelé le tyran des mots et des syllabes, et qui s’appelait lui-même le grammairien à lunettes et à cheveux gris … qui traite gravement l’affaire des gérondifs et des participes, comme si c’était celle de deux peuples voisins l’un de l’autre et jaloux de leurs frontières (Guez de Balzac, Socrate des Chrétiens, dans Littré s.v. Participe)

M Meyer Lübke nous fait remarquer que les langues romanes ont remplacé le participe dans la tournure “Catonem vidi in biblioteca sedentem” par le gérondif. Pour le prouver, il allègue l’italien “lo trovai giocando”, le castillan “le hallaron leyendo”, le portugais “achou-o jazendo”, mais il allègue aussi le français “je l’ai trouvé lisant”. Pour le français, la nature gérondive de la tournure reste à prouver. (Damourette & Pichon, Des mots à la pensée)

ABSTRACT

The unique issue this paper aims at is to argue that the traditional opposition, in French, between a “participe présent” and a “gérondif” is a quite inadequate one : there is positively nothing, in the syntax of French, which could be called a gerund. The demonstration, which is founded upon an analysis, on new grounds, of the so-called “participium præsens and “gerundivum / gerundium” in Latin, brings out notable differences between the French construction en –ant and the gerund in Spanish or Portuguese. In conclusion a new approach of the “parts of speech” is suggested.

La présente étude est issue de recherches récentes, et destinées à un public de spécialistes de linguistique latine∗ (DE CARVALHO 2001 et 2002), sur les formes verbonominales latines dites, selon la terminologie scolaire française, “gérondif”, “adjectif verbal” et “participe présent”. Elle portera néanmoins, essentiellement, sur la morphosyntaxe du français, et n’aura, même, dans ce domaine, qu’un unique objectif : montrer, à la lumière d’un regard comparatif1, que le concept de “gérondif”, dont la légitimité paraît, aujourd’hui2,, au-

∗ « Du nom (dé)verbal en -ndo/a- : “gerundium” vs. “gerundivum” », in Actes du

10ème Colloque International de Linguistique Latine Paris, 2001, 307-320.. 1 Renouant, donc, mais sur d’autres bases, avec B. Weerenbeck, 1927, ouvrage

abondamment et heureusement nourri par une réflexion comparative de haut niveau.

2 Mais cela n’a sans doute pas toujours été le cas, même dans les temps modernes. Ainsi, H. Bonnard, en 1971 (dans le Grand Larousse de la langue française, p. 2222), notait que le terme “gérondif” était absent de la nomenclature élaborée par la commission ministérielle en 1910, et qu’il manquait encore dans la réédition de 1949, comme, d’ailleurs, dans la Progression Beslais, imposée aux

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dessus de tout soupçon n’a aucune pertinence en français, et ne fait que brouiller les pistes. De fait, ce qui est ainsi nommé dans les grammaires de cette langue3 — soit : l’expression en + Vant — n’est rien d’autre, comme on entend le faire apparaître4, qu’un emploi substantival du nom adjectif qu’est, en lui-même, le participe “présent”, l’opérateur de substantivation5 étant, en l’occurrence, la préposition en6.

Cette introduction dicte le plan de l’exposé qui suit : 1° après un aperçu des propriétés des objets grammaticaux latins appelés “gérondif”, ”adjectif verbal” et ”participe présent”,

on s’attachera 2° à mettre en évidence des différences considérables quant au fonctionnement des “gérondifs” d’autres langues romanes et de ce à quoi on donne traditionnellement ce nom en syntaxe française,

et, enfin, 3° à dire ce que représente le signifiant français en -ANT et quelles sont les conditions de son fonctionnement tantôt, par connexion directe, en fonction adjectivale — adnominale ou prédicative — , tantôt, par connexion indirecte, réalisée au moyen de la préposition, en fonction substantivale, avec des effets de sens spécifiques, pas toujours aperçus, que détermine ce fonctionnement alternatif.

Les signifiants verbonominaux latins à suffixe -nt/-nd-

Un latiniste linguiste un peu attentif, et pas trop à l’aise dans la clôture hexagonale, ne peut manquer d’être frappé par le caractère extrêmement réducteur de la doctrine, toujours en vigueur, qui consacre l’existence, en français, d’un signifiant verbonominal

classes du 1er cycle en 1910. Selon le même auteur, le terme n’aurait été officialisé qu’en 1960/1961, par la commission Le Lay.

3 Il n’est sans doute pas inutile de rappeler ici, comme le faisait d’ailleurs B. WEERENBECK (1927, 14), cet avertissement d’A. MEILLET (1948 [= 1920, « Sur les caractères du verbe], 181) : « En donnant les mêmes noms à des formes grammaticales de langues diverses et en construisant autant que possible sur le même plan la grammaire de langues différentes, les grammairiens ont beaucoup péché ; ils ont répandu bien des idées fausses. »

4 Et comme d’autres, d’ailleurs, l’avaient bien compris et dit, dans l’indifférence générale : « Cette construction, qui porte le nom de gérondif, est un cas particulier de l’emploi du participe. Elle est analogue à celle ou à, après, pour servent à construire un infinitif. En permet au participe d’assumer la fonction de complément circonstanciel… Le participe construit au moyen de en se distingue ainsi du participe, qui, de nature, est un adjectif. La portée de cette distinction est toutefois restreinte en français moderne du fait de la règle qui veut que le gérondif se rapporte à l’agent du procès exprimé par le verbe principal… »

5 Cf. WILMET, Grammaire critique, p. 531, à propos de j’ai rencontré Pierre en sortant du cinéma : « (… = au sortir du cinéma). Elle [la préposition] transfère le participe en nom déverbal (en sortant du cinéma = “à la sortie du cinéma”). »

6 On rejoint donc — n’en déplaise à ARNAVIELLE 1996, 50 n.6, et 1997b, 18 — la première des deux positions théoriques définies par cet auteur (ARNAVILLE 1997a), selon laquelle le prétendu “gérondif” ne serait qu’un participe “présent” prépositionnel. Dans son ouvrage de 1927, B. Weerenbeck semblait, d’ailleurs, tenté d’aller dans ce sens, en revendiquant les droits du “participe présent” en syntaxe française, contre les empiètements d’un “gérondif” envahissant.

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“gérondif”, généralement porté, comme tel, de nos jours en tout cas, par le signifiant en.

Tout d’abord, qu’appelle-t-on, au juste, “gérondif” ? Quelle idée se fait-on des propriétés et du fonctionnement du signifiant latin couramment désigné par ce terme ? La grammaire latine élémentaire est-elle à ce point oubliée qu’il faille rappeler ici que le gérondif latin — pour conserver, provisoirement, un concept qu’il faudra discuter — n’est, comme le reconnaissent d’ailleurs les spécialistes qui s’en sont occupés (BENVENISTE, 1973 [=1935], 1437 ; AALTO, 1949, 14 ; ERNOUT & THOMAS, 1989 [= 1953], 262-263) ; HASPELMATH, 1987, 2, et passim ; RISCH, 1983, 3), qu’un cas particulier de réalisation, en phrase, d’un signifiant nominal, donc déclinable, dont l’autre version, à incidence « externe », pour parler comme Gustave Guillaume, est ce qui s’appelle dans la description française grammaire latine, un “adjectif verbal“ ; de celui-ci, qui ne semble pas d’ailleurs avoir laissé des descendants en morphosyntaxe romane, les manuels de grammaire latine nous disent qu’il pouvait, dans certaines conditions, « remplacer » le “gérondif”. Il apparaît donc pour le moins simpliste d’avoir pris une (petite) partie pour le tout, en réduisant, sans autre forme de procès, et comme si cela allait de soi, le gérondif latin à ce qui n’était qu’un, parmi d’autres, des cas d’emploi d’une forme verbonominale aux compétences beaucoup plus larges (cf. ERNOUT & THOMAS, 1983, 262-270 et 285-287. On surprend ici un exemple de plus de cet étrange cercle vicieux — fondé, finalement, en traduction —qui consiste, d’abord, à exporter vers ou sur le latin une construction typiquement française, pour ensuite, fâcheux retour des choses, à réimporter, de façon non moins frauduleuse, dans la description de la syntaxe du français, ce latin quelque peu fantastique.

Or dans l’un des deux articles déjà mentionnés (DE CARVALHO 2001), il est démontré que l’adjectif verbal et le gérondif que la grammaire scolaire latine s’évertue à distinguer, depuis la fin du 15e siècle8, sont deux argumentations, en syntaxe, d’une seule et même entité morphosyntaxique, qui est, non une “forme nominale du verbe“, mais un “nom post- ou déverbal, “dérivé“ du verbe, adossé au verbe, donc au Temps. Un Nom, par conséquent, engendré9, comme ne le prévoyait pas la théorie guillaumienne, au-delà du Verbe, et fait, en quelque sorte, du prolongement notionnel d’une expérience personnelle, celle-ci étant, dans le cas qui nous occupe, structurée en fonction, non d’un principe personnel d’existence — c’est-à-dire la

7 « Le “gerundium” et le “gerundivum” [ = “adj. verbal”] sont issus en même

temps du nom verbal et remplissent théoriquement le même rôle ». Mais il est vrai que Benveniste ne s’était guère risqué à vérifier cette identité théorique de rôle par l’analyse des conditions d’emploi, en syntaxe latine, du gérondif et de l’adjectif verbal. Sur celles-ci, cf. DE CARVALHO, 2000).

8 Avec Érasme et, en France, Jean Despautère, dont les ouvrages « ont constitué la base de l’enseignement du latin dans la plupart des collèges français pendant deux siècles ». (COLOMBAT, 1999, 14), et Érasme. On trouvera dans ce même ouvrage (p. 193, n. 46) une utile bibliographie sur l’émergence de l’opposition, en grammaire latine, entre “gérondif” et “adjectif verbal”.

9 Comme ne le prévoyait pas la théorie guillaumienne des “parties de langue”, toute dominée par ces deux “primitifs” très kantiens que sont l’Espace et le Temps. Sur cette révision nécessaire, cf. DE CARVALHO, 1997, 59.

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personne variable inscrite dans les formes personnelles du verbe, autrement dit le “sujet”, tel qu’on l’entend généralement, d’après le fonctionnement syntaxique des langues indo-européennes occidentales modernes) — mais d’un site (cf. CHEVALIER, 1978, 78) où, du point de vue du locuteur latin, toute opération est nécessairement appelée à inscrire ses effets, positifs ou négatifs. C’est pourquoi, d’ailleurs, cette catégorie de représentation n’est pas accessible à des lexèmes verbaux dépourvus de toute référence à l’effet d’une opération : on sait que sum, possum, volo, par exemple, n’ont ni “gérondif” ni “adjectif verbal”, pas plus d’ailleurs que de “participe parfait”. Et par là, déjà, on voit, en passant, l’impropriété qu’il y a à présenter les vocables verbaux français étant, pouvant, voulant comme des gérondifs ou comme des constituants d’un syntagme “gérondif”.

Au demeurant ce rapport à un site du signifiant en -ndo/a-, qui rend immédiatement compte des effets de sens “passifs” qu’on s’accorde à constater dans ses emplois adjectivaux, n’avait pas échappé à É. BENVENISTE (1973 = 1935, 136) :

« Nous dirons que le rôle de l’adjectif en -ndus est de faire passer sur son antécédent le concept verbal comme tel ; il indique qu’un substantif est l’objet ou le siège du procès

La même idée a été, il y a quelques années, brillamment illustrée par M. Haspelmath 1987 (8 ss.) qui mettait en parallèle le fonctionnement du “gerundivum” latin et une propriété de l’infinitif en hindi, qui est de s’accorder en genre et en nombre avec son objet10.

Dans le cas du Nom post-verbal latin en -ndo/a-, l’effet sur un site dont il implique la représentation est envisagé selon la perspective de l’infectum, c’est-à-dire comme relatif à un contenu événementiel qui n’apparaît pas encore institué, objectivé (DE CARVALHO, 1996a, 178). En cela il s’opposait à un Nom post-verbal en -to/a-, en d’autres termes au participe dit “passé” ou, moins imprudemment, “parfait”, dont le propre est, au contraire, de représenter l’au-delà nominal d’une opération considérée à partir de son effet acquis, “effectivement” inscrit dans un site positivement atteint. Dans les signifiants, ce contraste se manifestait par le jeu d’une sorte de “déclinaison” d’une consonne occlusive linguodentale, selon qu’elle s’articulait, ou non, dans le contexte sonorisant, ou voisant, constitué par l’adjonction d’une occlusive nasale à la linguodentale précédant la voyelle thématique. D’où, dans un cas, -n-d-o/a- (p.ex. amand-o/a-), base thématique du nom gérondi(v)al, et, de l’autre, -Ø-t-o/a-, base thématique, avec consonne non voisée, du participe en -t-o/a-11.

10 « This type of agreement is very unusual cross-linguistically. Normally, verbs

agree with their direct objects only in person » (p. 10). Et Haspelmath de préciser, à propos du latin (p. 11) : « The gerund is thus only a special case of the gerundive. It is a gerundive without a direct object to agree with. »

11 C’était, semble-t-il, l’opinion de Bopp (Coniugationssystem 115, Vergl. Gr.2), qui traitait le suffixe –ndo- comme une modification du suffixe participial “actif” -nt- (cf. AALTO 1949, 20). Dans le même ordre d’idées, cf. BENVENISTE, 1973 = 1935, 144 : « D’après le parallélisme de *–ent-, *-ont et

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Or, sur une autre dimension, le Nom gérondi(v)al en -ndo/a- — avec ses deux modes de réalisation, adjectival (= “gerundivum”) ou, par implicitation d’un “site” directement aperçu dans la situation énonciative (DE CARVALHO, 2001, 308 ss.), substantival (“gerundium”)12 — s’opposait à un nom adjectif post-verbal dit “participe présent”, bâti, comme lui, sur le thème verbal d’infectum, mais caractérisé, face à lui, par le refus de toute thématisation en - o/a-, et, de ce fait, relevant d’un autre paradigme morphologique, p. ex., amant(i-)- > amans-ntis (“3e déclinaison”). En termes de signifié, le critère de l’opposition est, cette fois, la prise en compte (signifiant en -ndo/a-), ou non (signifiant en -nt(i) - Ø-), du site d’effection de l’opération transcendée. En d’autres termes : à la représentation (abstraite, nominale) du Temps que véhicule le signifiant verbonominal en -nd-o/a-, celle d’une opération orientée vers un site virtualisé, fait pendant, avec le participe “présent”, celle d’une opération abstraite considérée hors référence à toute effection proprement dite, et, par conséquent, réduite, en quelque sorte, à elle-même et à son origine personnelle — bref, la vision, par abstraction généralisante, d’un comportement momentané dont l’effet reste hors de vue.

Ce n’est pas ici, naturellement, le lieu de reproduire dans le détail une argumentation exposée et abondamment illustrée ailleurs (cf. DE CARVALHO, 2001, à paraître). Pour simplement, comme on dit, fixer les idées, les exemples suivants, en (1)-(2), suffiront, que l’on relève dans des textes que la plupart des romanistes ont l’habitude de considérer comme des « sources du latin vulgaire » :

(1) cum enim linuntur [craticii), recipientes umorem turgescunt, deinde siccescendo contrahuntur “car, au moment où ils [= les murs en claies] sont crépis, en recevant l’humidité ils se gonflent, puis, lors du séchage, ils se contractent” (Vitr. arch. 2, 8, 20).

Citant cet exemple, V. Väänänen (1981, 140) parlait, à tort, de « l’équivalence de recipientes umorem et siccescendo ». Bien au contraire, ce qui s’exprime, dans cet énoncé, par l’alternance du participe “présent” et du gérondif est la succession de deux moments dans le déroulement d’un seul et même événement : un moment initial, où “les murs” sont vus manifester une réaction au traitement qui leur est appliqué — ils acceptent, intègrent l’umidité —, et un moment conclusif, où ces mêmes murs apparaissent, au contraire, en position de “site” d’un effet — le séchage — qui d’instant en instant s’inscrit en eux, déterminant leur état fin

de *–endo-, *-ondo-, les deux suffixes doivent s’analyser en *–e/on-t- et *–e/on-do-. »

12 C’est le juste sentiment de cette “substantivation” qui avait conduit de nombreux auteurs à valider l’idée d’une précédence chronologique du “gerundivum” sur le “gerundium”, sans que toutefois ils eussent aperçu le fondement du mécanisme de la substantivation.

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(2) faciens iter iam notum per singulas provincias, quas eundo transiveram “en accomplissant un chemin, que je connaissais déjà, à travers chacune des provinces, que lors de mon déplacement [à l’aller] j’avais traversées.” (Per. 23,7)

Ici, au contraire, on voit le propos évoluer de la description du parcours accompli par un sujet opérateur vers le rappel, dans la relative, d’un parcours préalable, envisagé cette fois du point de vue non plus de l’opérateur mais des lieux traversés.

De même, il suffit de comparer les contextes d’emploi de dicendo de (3a) et de dicentes, et dicens, dans (3b-c-d), pour s’interdire de parler (comme VÄÄNÄNEN, 1987, 87), d’ « empiètement du gérondif sur le participe » :

3. a. quicumque essent baptizandi … baptizarentur, sic redirent … dicendo psalmos vel antiphonas “tous ceux qui devaient être baptisés, qu’ils le fussent, et qu’ils reviennent … en récitant de psaumes ou des antiphones” (Per. 15,5 : indétermination du sujet, orientation du propos vers la définition de l’objet)

vs. b. Et iam inde descenditur cum ymnis, omnis populus usque ad unum toti

cum episcopo ymnos dicentes vel antiphonas aptas diei ipsi “et à ce moment on descend de là, au milieu d’hymnes, <et> tous les gens, jusqu’au dernier, tous ensemble avec leur évêque “disant” des hymnes, ou bien des antiphones appropriées à ce jour-là” (Per. 43, 6 : ici, au contraire, c’est la caractérisation du sujet et de son comportement qui occupe l’avant-plan du propos).

c. Et sic singulariter interrogat episcopus vicinos eius, qui intravit, dicens : « … » “et voici comment, les prenant un à un, l’évêque interroge les voisins de celui qui est entré, en disant…” (Per. 45, 3 : dicens, participe, vise le comportement d’un sujet non quelconque, l’évêque, qui fait le tri de deux qui méritent le baptême)

d. Si autem in aliquo accusatur, iubet illum foras exire dicens « … » : “mais si [le candidat] fait l’objet d’un reproche dans quelque domaine, [il = l’évêque] lui dit de sortir”.

Il semblerait, d’ailleurs, que ce contraste ait persisté très longtemps dans l’histoire tardive du latin, comme le donne à penser l’alternance des deux signifiants dans l’exemple (4), relevé par Max Bonnet dans le latin de Grégoire de Tours (BONNET p. 650) :

4 Sicque factum est ut bibendo cibos, pocula ruminando, primam prandii partem esuriens querelis, medietatem comedens rapinis, ultimam satur lacrimis <exegeris>

On remarquera, en effet, que dans (4) les gérondifs ont pour régime des substantifs désignant des objets nettement déterminés — cibos, pocula —, ce qui donne à penser qu’à ce niveau de la structure de la phrase le propos vise le rapport entre l’opération et son site, alors que dans la suite de celle-ci les régimes sont constitués par des substantifs abstraits (primam…partem, medietatem) et qu’en outre les participes (esuriens, comedens) se rapportent à des moments successifs de l’existence d’un sujet, cette référence étant d’ailleurs, dans chaque cas, explicitée par un terme à l’ablatif qui fait référence à des comportements personnels : querelis, rapinis, lacrimis.

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Un écho de ce type d’alternance apparaît, d’ailleurs, beaucoup plus tard, dans les deux énoncés de Dante donnés en (5)13, et où le gérondif, répondant dans (a) la prédominance de la référence au lieu de l’événement (per la fiamma andando) fait pendant au participe (festanti) employé dans (b), où le propos vise, à l’évidence, la définition du sujet de la notion verbale véhiculée :

5 a. e vidi spiriti per la fiamma andando (Dante, Purg. 25, 124) b. vidi più mille angeli festanti (Dante, Par. 31, 131)

Les considérations qui précèdent font déjà entrevoir, du moins peut-on l’espérer, le véritable, et non négligeable, enjeu de cette affaire, et de la possibilité d’admettre, ou non, l’existence en français d’une forme grammaticale digne d’être appelée “gérondif”, c’est-à-dire assise, comme dans les signifiants latins dont elle serait le prolongement, sur l’image d’un objet logique, ou site. Il ne sera donc pas question, ici, de valeurs “temporelles” ou non, c’est-à-dire de sémantique des contenus verbaux, mais de morphosyntaxe, plus exactement de la structure interne, et du fonctionnement, du signifié des formes en -ant. C’est ce contraste entre deux représentations abstraites d’une opération ineffective — c’est-à-dire envisagée en fonction d’un site tantôt virtualisé, tantôt déclaré hors de vue, hors de propos — qui subsiste, à différents degrés, et avec naturellement des fonctionnements syntactico-sémantiques nouveaux, sur l’ensemble de l’espace roman, dans le contraste entre, d’une part, des signifiants gérondiaux — conservés, notamment, en ibéro-roman —, et, d’autre part, des “participes présents”, quasiment inexistants dans cette partie de l’espace roman, mais, au contraire, bien installés dans l’appareil des formes verbonominales du français. Et ce sera le propos de cet article de montrer qu’il n’y a pas lieu de faire état, dans la description morphosyntaxique de cette dernière langue, d’un quelconque “gérondif”, ce qui est généralement présenté comme tel dans les grammaires françaises — là encore, sous la pression du modèle de la grammaire latine — n’étant qu’une construction momentanée, “de discours”, mettant en œuvre, selon un schéma bien établi dans d’autres cas, une préposition, avec ses propriétés “substantivantes”, et un adjectif.

Du “vrai” gérondif Or les capacités du mot verbonominal appelé “gerundio” (esp.) ou

”gerúndio” (port.) dans la tradition grammaticale de l’espagnol et du portugais — langues à peu près semblables de ce point de vue, et auxquelles par commodité on s’en tiendra ici le plus souvent — renvoient, plutôt, à ce qui vient d’être dit du gérondif latin, et ce à la différence du participe “présent” français, tant dans les emplois directs qu’indirects (c’est-à-dire : en + V-ant) de celui-ci. En d’autres termes : la représentation lexicale produite par un “gerundio” de ces langues est celle, de nature substantivale, d’un événement orienté non vers sa

13 Et que j’emprunte à E. Lerch d’après WEERENBECK, 1927, 111.

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source personnelle mais vers son apport effectif aperçu en cours d’instauration. À preuve les faits suivants :

I. l’aptitude du “gerundio” hispano-portugais à constituer, à lui seul, une phrase nominale, désignant un état de choses autonome, c’est-à-dire non lié à une donnée constitutive d’un état de choses précédemment construit. Ainsi dans les exemples (6) et (7), empruntés, pour l’espagnol, à BENABEN, 1993, 156, et à BOUZET 1945 — sans toutefois qu’il soit nécessaire de supposer, comme le font ces auteurs, une quelconque ellipse verbale :

• espagnol :

(6) a ¡ El negocio prosperando ! “l’affaire prospère, va prospérant, continue de prospérer”

b. Las ranas pidiendo rey “les grenouilles qui demandaient un roi” c. La vieja alborotaba toda la casa con voces y amenazas … y la niña siempre

riéndose “La vieille ameutait toute la maison par des cris et des menaces … et la fillette qui riait toujours.”

d. ¡ Ay que pesimista ! Yo rabiando por hacer aqui un paréntesis, un refugio, un mundo aparte, y tú empeñado en traer a este rinconcito los afanes de allá “Ah quel pessimiste ! Moi, qui me donne du mal pour faire de ce lieu une parenthèse, un refuge, un monde à part, et toi qui ne cherche qu’à apporter dans ce petit coin les préoccupations de là-bas” (Galdós)

e. En el colegio, en la casa, en el barrio, en el círculo, en la Fracción, en ”La Crónica” — dice Santiago. Toda la vida haciendo cosas sin creer, toda la vida disimulando “au collège, à la maison, dans le quartier, au cercle, à la Fracción, dans ‘La Chronique’ — dit Santiago. < il passait > toute sa vie à faire des choses sans y croire, toute sa vie à dissimuler” (M. Vargas Llosa, cité par MOLHO, 1975, 696).

• portugais :

7 É assim mesmo. Vivendo e aprendendo ! “C’est bien cela. On vit, et on apprend !”

C’est, notamment, le cas dans les énoncés produits en réponse à une interrogation, comme dans (8) et (9) :

• espagnol :

8 a. Pues tú, ¿ que haces ? — Ya lo ves : bebiendo un trago “et alors, toi, que fais-tu ? — Tu vois bien : je bois un coup.”

b. Y doña Paquita ? — Doña Paquita siempre acordándose de sus monjas ! “ — Et Madame Paquita ? — Madame Paquita ne cesse jamais de penser à ses nonnes” (Moratín).

c. — ¿ Pero qué te pasa ? ¿ Que estás haciendo ? — Nada. Probándome el vestido que me ha mandado Sofia ? “ — Mais qu’est-ce qui t’arrive ? Que fais-tu ? — “Rien. J’essaie la robe que m’a envoyée Sophie” (Martín Gaite, cité par PLAS, 1995, 76)14.

14 En français, on ne répondra pas à une question comme Qu’es-tu en train de

faire ?par un énoncé comme *(en) essayant la robe.

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• portugais :

9. E você ? — Dando duro, como sempre ! “ — Et toi ? — Je travaille dur comme d’habitude.”

En portugais européen, le “gerúndio” peut même constituer un énoncé à valeur impérative, cf. (10) :

10. a. Andando ! “On avance” (emprunté à VAZQUEZ CUESTA et MENDES DA LUZ, 1980, 536, qui expliquent qu’un énoncé impératif de cette sorte « sert à marquer la supériorité de celui qui parle, et l’impossibilité de désobéir »)

Ce n’est pas que le syntagme français en + V-ant soit absolument incapable d’intervenir dans des énoncés de cet ordre, à ceci près toutefois que, lorsque cela arrive, l’énoncé construit se présente généralement comme un développement de la caractérisation d’une entité comprise dans l’état de choses préalablement désigné, ainsi dans (11), où l’énoncé-réponse se rapporte au sujet pronominal des questions :

11. a. — Comment crois-tu que j’ai fait mon chemin dans cette cour cruelle ? En éliminant impitoyable les regrets et les rêves. (Kenizé Mourad, De la part de la princesse morte, cité par HERSLUND, à paraître15) b. Comment devient-on forgeron ? — En forgeant !

II. l’aptitude du “gerundio” espagnol et du “gerúndio” portugais à opérer sur un support personnel propre, indépendant de celui de tout prédicat régissant, cf. (12) et (13) :

• espagnol :

12 a. Canta y no llores, porque cantando se alegran, cielito lindo, los corazones “chante, ne pleure pas, car lorsqu’on chante, se réjouissent, mon joli petit ciel, les cœurs” (chanson mexicaine, sauf erreur).

b. Viniendo tú, estaríamos tranquilos “si tu venais, nous serions tranquilles” (cf. BENABEN, 157)

c. Pasando más aire por la nariz el paladar no vibra con la misma facilidad…“lorsque (si) davantage d’air passe par le nez, le voile du palais ne vibre pas aussi aisément” d. Estando el mar en calma, he contemplado mi rostro en la ribera “comme la mer était calme, j’ai contemplé mon visage sur la rive” (Fr. Luís de León, d’après BOUZET, 232) e. El edificio es ventiladísimo, entrando el aire a chorros “l’édifice est très aéré, et l’air y pénètre à flots” (cf. BOUZET, 357) f Allí no llegaban ruídos del mundo más que pasando el tren “Là n’arrivaient pas des bruits du monde, sinon lorsque le train passait” (exemple forgé par MOLHO, 1975, 682, pour illustrer l’alternance possible, en ce cas, avec l’infinitif : más que al pasar el tren)

• portugais :

13. a. Chovendo assim, não saio “s’il pleut comme cela, je ne sors pas” b. …porque no subterrâneo, havendo motores ligados, não era permitido

fumar “car dans le souterrain, du moment qu’il y avait des moteurs en marche,

15 Un grand merci à l’auteur de m’en avoir donné communication.

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10

il n’était pas permis de fumer” (J. Saramago, A caverna, 3e édition, Lisboa, Editorial Caminho, p. 19). c. Você querendo, eu venho “dès lors que tu voudras, je viens”

Il n’est pas sans importance de signaler, à propos des expressions de cette sorte, que le gérondif, espagnol ou portugais, peut parfaitement, dans certaines circonstances — et qu’il y ait ou non coïncidence entre son propre support personnel et celui du verbe conjugué adjacent — , être porté par la préposition esp. en, port. em. Avec ceci, toutefois, qui fait toute la différence par rapport au syntagme français en V-ant, que dans ces langues en ∞ em Gérondif implique toujours une antériorité par rapport à l’événement signifié par le verbe conjugué, cf. les exemples (14) et les commentaires des spécialistes qui suivent :

14. a. esp. En diciendo estas palabras, se levantó “ayant prononcé ces mots” (ex. et trad. de BOUZET, 1945, 358, cf. ci-après ses commentaires)

b. En hablándote de esto, no te ocurre nada que decir “dès que je te parle de cela, tu ne trouves rien à me dire” (Moratín, cité et traduit par BOUZET, ibid.)

c. port. Em ela chegando, falo-lhe “dès qu’elle sera arrivée, je lui parle” (d’après VÁSQUEZ CUESTA & MENDES DA LUZ, 1980, 535, cf. ci-après leurs commentaires)

« Le gérondif précédé de en n’est jamais l’équivalent du participe présent français. Il marque soit l’antériorité immédiate de l’action, soit une condition préalable » (BOUZET, 1945, 358, les italiques sont de l’auteur cité)

« Com a preposição em, o gerúndio exprime com mais vigor a sua precedência imediata relativamente à acção do verbo principal » (VÁSQUEZ CUESTA & MENDES DA LUZ, 1980, 535).

Il est vrai que les deux grammairiennes du portugais ne manquent pas de faire observer, immédiatement (ibid.), et en alléguant les exemples donnés en (15), que « parfois la préposition em peut avoir avec le gérondif un sens duratif, qui équivaut à une proposition temporelle avec enquanto [“pendant que”, “aussi longtemps que”) ». C’est, sans doute, faire peu de cas, à cause d’un regard par trop attaché à la réalité matérielle des choses, l’antériorité logique qui s’exprime dans les énoncés de ce type :

15. a. Em sendo novos, não há tristeza que dure “aussi longtemps — et parce que — nous sommes jeunes, il n’y a pas de tristesse durable”

b. Em vivendo, não podemos queixar-nos “aussi longtemps que nous sommes en vie — et parce que nous sommes en vie — nous ne pouvons pas nous plaindre”

III. Le “gerúndio de posterioridad”

Un signifiant gérondial de l’espagnol et du portugais désigne, couramment, un événement chronologiquement postérieur à celui du prédicat proprement verbal, comme dans (16) :

16. a. El rey les concedió aquelle plaza con sus términos…, originándose de aquí la orden militar de Calatrava “Le roi leur concéda cette place avec les territoires sous sa dépendance, et ce fut là l’origine de l’ordre militaire de Calatrava.” (Aguado Bleye, cité par MOLHO, 702).

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b :Pepita fue por un peine y le alisó con amor los cabellos, besándoselos después “Pepita alla chercher un peigne, et elle lui effleura avec amour les cheveux, avant d’y poser un baiser” (J. Valera, cité par MOLHO, 701)

c. Julián … se compadecía del chiquillo, y, bajándose, lo tomó en brazos, pudiendo ver que … era el más hermoso angelote del mundo. ”Julien … avait pitié du petit, et, se baissant, il le prit dans ses bras, et il put voir que c’était le plus joli petit ange au monde” (Pardo Bazán, cité par PLAS, 1995, 70)

Il y a, ici, lieu de rappeler, avec Molho, que ce type de construction a été dénoncé par plusieurs grammairiens espagnols, et non des moindres, depuis A. Bello, au 19e siècle, jusqu’à S. Gili y Gaya (1955, 172), en passant par la Gramática de la lengua española de la Real Academia (1951), qui là-dessus est formelle (§ 458) :

« Con esta significación [= temporelle] denota el gerundio simple coincidencia de tiempo o tiempo inmediatamente anterior, nunca posterior. »

Cela dit, tout en les condamnant, certains reconnaissent, comme à contrecœur, la réalité de ces usages, ainsi GILI Y GAYA, ibid. :

« Hay que decir, sin embargo, que tan censurables construcciones van siendo frecuentes. »

Quant à Maurice Molho, il n’est pas moins formel, mais dans l’autre sens, que la Real Academia :

« Así formulado, el precepto [rappelé ci-dessus] es falso no sólo en los hechos, sino en los términos. El gerundio, por la posición que ocupa en la cronogénesis, es incapaz de fechar por sí solo el tiempo, que sólo el verbo al que se refiere es susceptible de significar. El gerundio, que no es ni pasado, ni presente, ni futuro, no puede hacer otra cosa sino declarar la relación del acontecimiento al verbo conjugado… » (MOLHO, 1975, 698)16

D’autre part, il convient de signaler que le “participe présent” français se prête à des emplois assimilables, à première vue, au “gerundio de posterioridad”. Ainsi, la traduction de (17) pourrait parfaitement mettre en œuvre un participe :

17. La trilladora deshace las espigas, saliendo la paja por un lado y cayendo los granos en una criba “la batteuse défait les épis, la paille sortant par un côté, et les grains tombant dans un crible” (cité par BOUZET, 357, qui néanmoins préfère éviter la traduction suggérée).

16 La manière dont M. Molho rendait compte des différents cas d’emploi du

“gerundio”, en termes, classiquement guillaumiens, d’appréhension plus ou moins tardive de la « parcelle de temps décadent » — soit, par convention, v — qui entre dans sa composition n’apparaît pas pertinente dans le cadre du présent exposé, dont l’objet est de rendre compte des conditions syntaxiques d’engendrement et du “gerundio” et du participe “présent” français. Il n’en est pas moins significatif que ce soit le temps “décadent” — et non le temps ”incident”, a, qui entre pourtant, selon lui, pour une part, dans la composition de la représentation gérondiale — qui soit apparu à Molho comme la clé de fonctionnement sémantique du gerundio espagnol.. Cela ne contredit en aucune façon l’idée que le propre de la représentation instituée par cette forme est d’orienter le regard vers l’acquis, envisagé, perspectivé, de l’opération signifiée, plutôt que vers la source déterminant l’existence de celle-ci.

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Il en va même des exemples (18), qui sont empruntés à KINDT 2000, 261 et 266), et de (19) :

18. a. L’autre képi ne répondait pas, commençant à s’agacer. b. Il s’agit d’isoler et de démoraliser les troupes adverses pour les amener à

se rendre, limitant ainsi les pertes en vies humaines c. Comme convenu, les deux hommes se séparèrent, Reb ne disant pas où il allait et Diego allant où Reb lui avait dit d’aller.

19. Deux ans se passèrent, pendant lesquels M. et Mme d’Aiglement menèrent la vie des gens du monde, allant chacun de leur côté, se rencontrant dans les salons plus souvent que chez eux ; élégant divorce par lequel se terminent beaucoup de mariages dans le grand monde. (Balzac, La femme de trente ans, éd. Gasnier, 71)

Mais la ressemblance n’est qu’apparente : dans les exemples français de (18) et (19), les constructions en -ant n’apportent aucun fait nouveau, et ne font, là non plus, comme plus haut, exs. (11) et (12), qu’expliciter un aspect du comportement des entités personnelles représentées par les sujets des verbes auxquels elles sont adjacentes. Elles se présentent, autrement dit, dans l’interprétation, comme des prolongements internes de ce que ceux-ci expriment.

IV. Emplois en “périphrase”

Il est notoire que le “participe présent” français oppose une forte résistance à l’emploi de type “attributif”, dans ce qu’il est convenu d’appeler “périphrase”. C’est à peine17 si l’on peut faire état des tournures illustrées par (20), dans lesquelles, on le remarquera, le participe, accordé ou non au sujet, introduit ou non par en, évoque une propriété interne (sa position, son aspect, son développement) de l’entité représentée par le sujet :

20. a. La terre était riante et dans sa fleur première (Musset, cité par GREVISSE-GOOSSE, 1310)

b. Deux femmes étaient gisantes côte à côte derrière le mur (Hugo, Quatrevingt-treize, I, IV, 7, cité par GREVISSE-GOOSSE, ibid.) c. Il était mourant ; Pierre est crevant ; Marie est partante (cf. Wilmet, 1998, 321)18 ; ils sont marrants…

d. Et quand il lui fut demandé…de dévoiler enfin ce nom, le colonel Rol demeura taisant. (Pierre Bourget, “Le Monde”, 25/08/94, p. 2)

e. Il va répétant que les dossiers sont vides (entendu très récemment sur France-Inter)

f Une onde sonore qui allait s’élargissant (Camus, cité par GREVISSE-GOOSSE, 1193, 790 e, p. 1194)

g. Un long rayon de lune, qui allait en s’élargissant…(Proust, ibid.) h. À travers les flancs durcis de la terre, du fond des froides ténèbres où il

est gisant, le métal fauve darde ses farouches séductions. (La Vie Catholique, 1926, d’après WEERENBECK 1927, 191)

17 Au point que l’on a pu déclarer que « depuis Malherbe, la périphrase avec aller

a pu seule survivre » (Brunot, 1909, cité par WEERENBECK, 1927, 191). 18 Quitte à anticiper un peu sur la suite, on fera remarquer dès maintenant que

dans ces périphrases employant être l’attribut renvoie toujours à une situation, un état, une disposition particulière du sujet. Cela fait aussitôt comprendre pourquoi des énoncés comme *Il est marchant ∞ jouant ∞ mangeant (cf. Wilmet, ibid.) ne sont guère concevables.

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i. Sa sonorité a été s’affaiblissant pendant la période moyenne de la langue. (É. Bourciez, 1914, ibid.)

Or il est bien connu que d’autres langues romanes — l’espagnol, le portugais, notamment — font usage de constructions dites “périphrastiques” à valeur “aspectuel”, où le “gerundio” est régi par de nombreux verbes représentatifs d’une permanence, d’une durée, etc., ainsi, pour l’espagnol, ser, estar, andar, quedar, ir, venir, seguir. Cf. GILI Y GAYA, 1955, 105-106, BOUZET, 1945, 253-254 et BENABEN, 1993, à qui sont empruntés la plupart des exemples espagnols cités en (20) :

20. a. Fuimos llenando los sacos “nous remplîmes les sacs (successivement)” b. Está viviendo con sus padres “il vit avec ses parents” c. Te estuve esperando una hora “je suis resté une heure à t’attendre”

d. Siguen oyendo los programas de Radio Nacional d’Espagne “vous entendez toujours les programmes de la Radio Nationale d’Espagne”

d. Vengo observando sus actos “j’observe [depuis quelque temps] ses actes” e. Los alumnos iban entrando “les élèves entraient {les uns après les autres)” f. Andaban contando que… “il racontait (aux uns et aux autres) que…”

Les tournures gérondiales attestées par ces exemples trouvent leurs exacts équivalents en portugais, à ceci près que l’éventail des notions verbales disponibles, dans cette langue, pour cet usage semble encore plus étendu, du côté tant des “auxiliaires” que du “gerúndio”, cf. (21) :

21. a. …grandes armações de tecto plano, rectangulares, feitas de plástico de uma cor neutra que o tempo e as poeiras, aos poucos, foram desviando ao cinzento e ao pardo “de grands bâtiments au toit plat, rectangulaires, faits en plastique d’une couleur neutre que le temps et les poussières, peu à peu, firent tourner au gris et au brun” (J. Saramago, A caverna, p. 12)

b. Está chovendo (∞ está a chover Port.) “il pleut” c. Esse sujeito está querendo briga “ce type est en train de chercher la bagarre”. d. Como ia dizendo, em Málaga estão os meus três irmãos “comme j’avais commencé à le dire, à Malaga se trouvent mes trois frères » (Eugénio de Andrade, traduisant G. Lorca, Editora Limiar, p. 45) e. Vêm viajando a velocidade reduzida por causa da fragilidade da carga “ils

roulent à vitesse réduite à cause de la fragilité du chargement” (J. Saramago, A caverna, p. 12)

e. Vamos andando “on s’en va”, ou “allons, en route” f. A vida continua encarecendo “la vie devient chaque jour plus chère” g. Fiquei pensando no que ele me dissera “je me suis mis à penser à ce qu’il

m’avait dit” h. Como não conheciam bem a região, acabaram sendo capturados “comme

ils ne connaissaient pas bien la région, ils finirent par être faits prisonniers”

On remarquera, cependant, que ni en espagnol ni en portugais ser (“être”) n’admet de porter le gérondif à une autre forme temporelle que le prétérit (fui)19, des énoncés tels que (22) sont exclus, sans doute parce qu’ils ne donnent à voir aucune sorte d’acquis :

19 Cf. la remarque en ce sens d’E. Lerch rapportée par WEERENBECK, 1927,

184).

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22. a. esp. * somos llenando los sacos, cf., en revanche estamos llenando los sacos, où le contenu lexical de estar emporte, de lui-même, l’impression d’un acquis provisoire20

. b. port. * é querendo briga, mais está querendo briga.

V. Gerúndio et diminutif

Une propriété remarquable du “gerúndio” espagnol — dont les grammairiens, pourtant, se plaisent à affirmer le caractère “verbal” — est de pouvoir se prêter à un traitement aussi typiquement nominal que le “diminutif”. Ce seul fait suffirait à confirmer la validité de la thèse soutenue dans cet article : il n’y a, que l’on sache, que ce qui apparaît acquis, stable, soustrait au devenir, qui puisse faire l’objet d’une quantification. Cf. (23) :

23. a Yo lo que hice fué arrimarle la lanza. Lo demás lo hizo el difunto : él mismo se la fue clavandito como si le gustara el frío del jierro “moi, ce que j’ai fait, ce fut de mettre la lance près de lui. Le reste, qui le fit ce fut le défunt : c’est lui-même qui la fait pénétrer petit à petit [dans son corps], comme si le froid du fer lui faisait plaisir” (R. Gallegos, cité par GILI Y GAYA, 1955, 173)

b. No ven aquel moro que, callandico y pasito a paso…, se llega por las espaldas de Melisendra ? “ne voyez-vous pas ce Maure, qui, sans mot dire, et pas à pas, … se rapproche des épaules de Melisendra ? (Cervantes, El Quijote, cité par BÉNABEN, 1993, 156)

c. El agua pasa cantandillo bajo la sombra de los álamos “l’eau passe en faisant entendre son petit chant à l’ombre des peupliers” (F. García Pavón, d’après PLAS, 1995, 85)

Michel Bénaben (1993, 156) signale, au sujet de ces expressions, que « le féminin et le pluriel sont exclus (*ella[s] venía[n] callanditas) », et ce fait, à son avis, « marque les limites de la nature nominale du gérondif » Mais une finale en -ndo n’est pas précisément, que l’on sache, une marque de flexion verbale, “personnelle”, en espagnol. Il faut, d’autre part, rappeler (cf. DE CARVALHO, 1993, et 1997, 120) que le genre dit “masculin“ dans nos langues ne mérite pas vraiment cette appellation ; il est, plutôt, le résultat de l’extension de l’ancien neutre du latin, signifiant le cas général, “non marqué”, de genre, mis en œuvre chaque fois qu’aucune particularité, ni sous le rapport du genre ni sous celui du nombre, n’est à signaler. Dans le cas présent, cette invariabilité se conçoit assez aisément : la représentation d’un acquis, vers lequel, comme il est soutenu ici, est orientée la représentation inhérente au signifiant en -nd-, n’appelle aucune spécification de cet ordre. On peut par conséquent y voir une confirmation supplémentaire de la présente analyse. La variabilité du signifiant eût, au contraire, signifié l’orientation de son signifié vers une source personnelle singulière.

En ce qui concerne le portugais, ce traitement paraît également possible, mais certains grammairiens croient pouvoir le limiter, de

20 « La représentation assignée à ESTAR est celle d’une position acquise.

Subséquent au devenir qui a apporté l’être (SER), le propre de ESTAR est de le situer dans la perspective d’un devenir ultérieur qui l’emporte (il est, au vrai, indifférent qu’il s’y maintienne ou s’y abolisse). » (MOLHO, 1969, 93, non, d’ailleurs, sans renvoyer, en note, à F. Hanssen, « qui, à plusieurs reprises, a insisté, en comparatiste averti, sur le caractère perfectif de estar. »

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façon probablement arbitraire, à l’usage brésilien (cf. VÁSQUEZ CUESTA & MENDES DA LUZ, 1980). Quoi qu’il en soit, la question n’est quasiment jamais évoquée dans les manuels de grammaire portugaise, et les exemples que pourrait forger le “locuteur natif” qu’est l’auteur de cet article n’auraient, par eux-mêmes, aucune force argumentative.

VI. Réitérabilité du gérondif :

La Grammaire espagnole de Jean Bouzet (2e édition, 1945) signale, à juste titre, qu’un “gerúndio” peut être répété, « pour marquer une insistance », et cela est vrai aussi de son homologue portugais. C’est un indice de plus, semble-t-il, des propriétés “substantives” du gérondif, qui lui assurent une totale autonomie syntaxique. Cf. (24) :

24. Andando, andando descubrió un profundo valle “à force de marcher, il aperçut une profonde vallée.” (exemple et traduction de BOUZET, §537, p. 233), cp. fr. *en marchant, en marchant.

VII. Gérondif et fonction épithétique

On arrive, ici, à un passage obligé de la tradition grammaticale de l’espagnol et du portugais : que faire de la construction — très courante — où un gérondif apparaît adossé à un support nominal ou pronominal, à la manière d’un participe “présent” français dans sa fonction adnominale, p. ex. un hebdomadaire satyrique paraissant le mercredi ? L’attitude qui semble prédominer, dans les deux cas, est celle d’une condamnation plus ou moins nuancée. Certains sont péremptoires, d’autres, comme J. Bouzet, estiment ce type d’emplois « tolérable », dans certains cas, voire lui trouvent, à l’occasion, des avantages “stylistiques”, comme, pour le portugais, M. Rodrigues Lapa :

« si tratásemos de particularizar o especificar al sujeto, el gerúndio perdería su cualidad verbal para convertirse en adjetivo, y su empleo sería incorrecto. Por este motivo es contrario a la naturaleza del gerundio español su uso como atributo : Era un hombre robusto, alto y gozando de buena salud. » (GILI Y GAYA, 1955, 174-175)

« il lui est impossible de jouer le rôle d’un adjectif. Un chef d’entreprise espagnol à la recherche d’une secrétaire sachant parler anglais et français ne peut utiliser le gérondif sabiendo. » (BÉNABEN, 1993, 155)

« …Il faut regarder comme incorrectes et ne pas imiter les constructions dans le genre de celle-ci : Llevaban … pañuelos de seda cubriendo las espaldas (J. Valera, Pepita Jiménez). La langue courante emploie néanmoins quelques constructions analogues : a la velocidad de un hombre andando “à la vitesse d’un homme au pas” ; con la atención de una fiera acechando su presa, “avec l’attention d’un fauve guettant sa proie”, etc. » (BOUZET, 1945, § 531, p. 231).

« Não há dúvida pois que o uso do gerúndio é em certos casos preferível à oração relativa, sobretudo quando não temos o recurso acertado, expressivo das preposições. Não abusemos dele, mas não hesitemos em empregá-lo, sempre que o reconheçamos superior a outros modos de escrever. Tem um poder semelhante ao adjectivo, como se vê deste passo de Eça de Queirós : Os seus braços redondinhos descobriam por baixo, quando se erguiam… fiozinhos louros

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frisando e fazendo ninho. Nenhum outro processo daria o colorido movimentado do gerúndio na caracterização do objeto”. » (RODRIGUES LAPA, s/d [années 40], 228, où l’auteur signale l’existence d’exemples analogues au 17e et au 19e siècles)

Or pour rendre compte de ces interdictions et de ces possibilités Maurice Molho (1975, 693-695) a proposé une analyse, tout à fait convaincante, en termes de contenu lexical, “imperfectif” ou non, des notions verbales : n’acceptent d’être ainsi traitées que celles qui impliquent, par définition, l’image d’un événement opératif, c’est-à-dire d’une suite d’instants allant d’une limite initiale à une limite terminale. Ce n’est pas le cas de contener, « qui tient tout entier dans un seul instant » ; c’est, au contraire, le cas de hervir, « qui représente un événement ou d’un état destiné, tôt ou tard, à s’achever », et « ce qui a un terme court à son terme ». D’où vient que des énoncés tels que (25), qui font intervenir des gérondifs à contenu lexical imperfectif, seraient, selon Molho, « impensables », alors qu’en revanche ceux de (26) sont tout à fait “grammaticaux” :

25. *un rey amando a su esposa “un roi aimant son épouse”, *los alumnos viviendo lejos de la escuela “les élèves vivant loin de l’école”, *un caballero sabiendo los usos de la corte “un chevalier sachant les usages de la cour”

26. a. esp. Vi a tu padre pasando por la calle “j’ai vu ton père passant dans la rue” b. Asomóse a la ventana una mujer gritando “parut à la fenêtre une femme

criant” c. Llevaban … pañuelos de seda cubriendo las espaldas “eles portaient des

fichus en soie couvrant leurs épaules” (J. Valera, Pepita Jiménez, cité par BOUZET, § 531, p. 231, cf. ci-dessus).

d. ptg. Entre as barracas e os primeiros prédios da cidade, como uma terra-de-ninguém separando duas facções enfrentadas…“Entre les baraquements et les premiers immeubles de la ville, comm un no man’s land séparant deux factions qui s’affrontent…” (J. Saramago, A caverna, p. 16)

Les conditions de l’emploi adnominal des gérondifs hispano-portugais fournissent, donc, un argument supplémentaire à l’idée que la représentation attachée à de tels signifiants, par-delà tout particularité d’origine lexicale, est celle, nominalisée, et substantive, d’un contenu opératif conçu en fonction d’un acquis, d’un effet, ou d’un fait, en voie d’institution, le socle personnel de l’événement restant, en l’occurrence, indiscriminé, et laissé, en tant que tel, à l’arrière-plan du propos. Ce n’est tout simplement pas de cette “personne” que parle un gérondif, et celui-ci, dès lors, comme on l’a dit plus haut, n’a pas à tenir compte des propriétés particulières (genre, nombre) de celle-ci. On entrevoit déjà, ici, “a contrario”, le principe de construction et de fonctionnement syntactico-sémantique, du participe “présent” français : celui-ci, qui se construit en fonction du socle personnel de l’événement, et qui est donc, à ce titre, essentiellement, un nom adjectif, est prêt, sous certaines conditions, à en épouser, par “accord”, les caractéristiques formelles.

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De l’adjectif déverbal en -ANT

Il n’entre pas dans le propos de cet article de procéder à une énième description du fonctionnement du participe “présent” français. Les faits sont, dans ce domaine, bien établis21, bien que l’interprétation en soit parfois faussée, souvent intuitive, ou l’explication défaillante, à cause, justement, de l’importation — illégitime, comme on le soutient ici — du concept de gérondif. On se bornera donc, pour la circonstance, à souligner deux ou trois faits moins souvent évoqués, ou imparfaitement expliqués, voire, parfois, totalement négligés :

I. “Adjectif verbal” et “participe”

Une opposition qui n’a, apparemment, jamais été remise en question oppose — le plus souvent sous le même signifiant morphologique22 — , un “adjectif verbal”, caractérisé par l’accord obligé avec un support nominal (soit, par définition, “personne invariablement 3e”), et un “participe” (à support personnel de rang variable), cf. les exemples (27), empruntés à RIEGEL - PELLAT - RIOUL, 1997, 339 :

(27) a. Le soleil, tombant d’aplomb sur les larges verdures, les éclaboussait. (Flaubert), vs.

b. Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes. (Lamartine)

Or si profondément ancrée est l’idée d’une dualité catégorielle (“adjectif verbal” vs “participe”) qui serait comme donnée d’avance, que l’on n’a en général guère accordé d’ attention au fait que tous les lexèmes verbaux susceptibles de se réaliser sous la forme en -ant n’acceptent pas, et n’ont probablement jamais accepté, l’emploi adjectival. Les exemples, pourtant, n’en manquent pas : pouvant (vs *pouvante, *pouvants), devant (vs *devants, *devante), sachant (vs. *sachants, *sachante), étant (vs *étants, *étante), ayant (cf. *ayante, ayants), etc. Dans d’autres cas, le fonctionnement adjectival n’est possible qu’au prix d’une altération de la base lexicale, ainsi pour pouvant vs puissant, sachant vs savant, valant vs vaillant, etc. (cf. WILMET, 1998, 296). La raison n’en est pas difficile à concevoir : pouvoir, devoir, savoir, valoir, être ont, par définition, la propriété de diriger le regard du côté d’un comportement, opération, activité, d’une situation, etc. que conditionne la représentation attachée au contenu lexical de ces verbes. En d’autres termes, ceux-ci impliquent nécessairement, comme leur source, une “personne” variable, engagée, comme telle, dans le devenir ; ce qu’ils signifient ne se laisse point concevoir comme une propriété “essentielle” d’une entité déterminée, et c’est pour cela qu’ils ne peuvent pas “devenir” adjectifs.

On gagnerait donc à abandonner l’apriori d’une opposition catégorielle classique, entre “adjectif” et “participe “présent”. Le

21 Pour les travaux les plus récents, cf. notamment ARNAVIELLE 1997a. et b.,

ainsi que HERSLUND 2000. 22 Soumis, dans quelques cas, à différenciation orthographique : adhérant vs

adhérant, différent vs. différant, excellent vs excellant, etc. Pour puissant vs pouvant, savant vs sachant, cf. ci-après dans le texte.

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signifiant en -ant est un : il est, partout et toujours, un nom adjectif déverbal “ambivalent“, c’est-à-dire engendré dans la subséquence notionnelle du verbe — supposant, donc, en tant que tel, un support personnel — et susceptible de viser :

• tantôt, rétrospectivement, le dit support personnel, qu’il donne, alors, à voir comme situé en amont de toute modalité de devenir,

• tantôt, prospectivement, l’événement dont ce support, considéré cette fois comme engagé dans le temps, lui apparaît être le socle personnel.

L’expression morphologique est, naturellement, dans un cas, l’“accord” du participe avec le nom d’une entité dont les propriétés ne sont pas perdues de vue, et, dans l’autre, le “désaccord”, le participe prenant en ce cas, comme on l’a dit plus haut, la forme “non marquée”, ”non spécifiée” sous le rapport du genre et du nombre qu’est celle du prétendu “masculin” au singulier. Cette proposition peut être figurée de la manière suivante :

Figure 1

On comprend, dans ces conditions, que certains contenus lexicoverbaux amenés à l’état grammatical signifié par V-ant refusent de manière plus ou moins définitive toute orientation rétrospective : aucune entité concevable n’a, a priori, la capacité de “pouvoir”, ”devoir”, ”savoir” relativement à un comportement déterminé. Aucune, non plus, ne paraît capable d’un “avoir” portant sur un “quelque chose” soumis au contrôle de celui qui “a” — à moins qu’il ne s’agisse, très exceptionnellement, d’une propriété “interne”, définissant, justement, quelque chose comme un “statut personnel momentané”: un ayant droit ∞ cause, des ayants droit ∞ cause, un oyant compte, etc. (cf. GREVISSE-GOOSSE, 1993, § 888, p. 1310)23. Et l’auteur de ce texte a même entendu, récemment, les énoncés cités en (28) :

23 Mais, jamais, notons-le, une *ayante droit ∞ cause, n’en déplaise à certain

féminisme simplificateur…

Support personnel vu “en soi”,

avant le TEMPS

Support personnel vu engagé dans le TEMPS, orienté vers l’exercice d’une de ses propriétés

V-ant représentation

déverbale d’un contenu événementiel

nominalisé en incidence externe

(nom adjectif)

accord variable selon le genre de son support

“désaccord” adj. au genre non-marqué

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28.a. les sachants, expression utilisée par un sociologue au micro d’une prestigieuse radio du service public, à propos de ceux qui, dans une situation particulière, ont le savoir relatif à cette situation.

b. Le sachant, en la matière, c’est lui, pas moi (prononcé par un administrateur de copropriétés, lors d’une A.G.)

De même, l’idée d’un étant en soi, c’est-à-dire hors référence à un attribut ou à une localisation quelconque, est quasiment inconcevable dans les situations d’expression usuelles — mais on conçoit qu’une pensée philosophante, en quête d’un concept abstrait, et, surtout, en mal de traduction, ne se voie contrainte à un passage “en force”, cf (29) :

29. a. L’étant marque la convergence des ayants été. (Lacan, cité par le Petit Robert)

b. Parmi les modes d’être de cet étant qu’est l’homme… (Auroux & Weil, 1975, 106, à propos du Dasein d’Heidegger).

Dans son obstination à maintenir l’opposition entre un “participe présent” et un “adjectif verbal” — caractérisé, celui-ci, par l’obligation d’accord dont dispense est faite au premier — la tradition grammaticale24, et les linguistes qui s’y soumettent25, se trouvent parfois dans l’impossibilité de produire une explication véritablement linguistique de certains faits apparemment aberrants. Ainsi, on enseigne, depuis 1679, comme on le sait, que le participe reste « invariable » s’il régit un objet ou un circonstant. Or il est à peine besoin de rappeler les nombreuses “infractions” dont a été victime cette ”règle”. Soit, pour simple mémoire, les exemples de (30) :

30. a. Ma mère sa voilette, la rafale la lui arrache, trempée … elle va plaquer sur la bouche d’une dame à l’autre extrémité … mourante de renvois… (Céline, d’après Wilmet, 1998, 295)

b. Seule une société nazie franco-allemande régnante sur la France pouvait reconnaître ses services. (Duras, citée par GREVISSE-GOOSE, 1993, § 888, p. 1310).

On ne saurait, à propos de tels énoncés, nullement exceptionnels, se contenter de concepts aussi flous, aussi faciles, que “recherche littéraire”, ou “archaïsme”. Il est assurément prévisible, on l’a assez dit, que le signifié d’un adjectif déverbal spécifié par un régime, direct ou indirect, se trouve, par là même, comme spontanément orienté vers l’effectivité du contenu événementiel qu’il signifie, plutôt que vers sa source personnelle. Mais cela n’exclut pas, si du moins l’on admet l’unicité du signifiant, qu’un locuteur puisse, à l’occasion, ne pas

24 Parfois non dépourvue d’ambiguïté. cf. RIEGEL-PELLAT-RIOUL 1997, 340 :

« Ces deux formes [participe présent et adjectif verbal] représentent deux degrés de l’adjectivisation du verbe : le participe présent garde l’essentiel des propriétés du verbe, alors que l’adjectif verbal se comporte comme un véritable adjectif. »

25 À l’exception, qui n’est pas unique sans doute, de M. Wilmet (1998, 366, p. 296), dénonçant « l’artifice d’une séparation », en signalant ses « nombreux inconvénients », sans toutefois, si l’on comprend bien, aller plus loin que dégager, parmi les « caractérisants stricts », une sous-classe de « participes présents — adjectifs verbaux », ou « participes adjectivaux ». C’est, peut-être, et que l’on me pardonne, laisser rentrer par la fenêtre une discrimination chassé par la porte…

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consentir, malgré tout, à perdre de vue celle-ci, et à le dire par le moyen de l’accord. D’où des énoncés “surchargés” par le désir inconscient de trop dire à la fois, comme ceux de (30).

Reste que certains participes présents s’opposent, effectivement, à des signifiants que distingue, face à eux, une modification quelconque de la base lexicale, et qu’il convient alors, et alors seulement, de définir comme de véritables noms adjectifs — mais des noms adjectifs non plus “déverbaux” mais “postverbaux”, portant représentation d’une propriété “abstraite” assise sur le souvenir d’un contenu événementiel transcendé. Cf. par exemple pouvant vs puissant, sachant vs savant, valant vs vaillant, etc. et la figure représentant, ci-après, cette opposition :

AVANT APRÈS

Immanence Transcendance

Figure 2

Il faut, enfin, pour parachever cette description de la structure sémantique et des aptitudes syntaxiques du nom adjectif déverbal signifié par Vant, pointer un fait, d’ordre diachronique en fin de compte, qui, l’arbitraire du signe aidant, ne semble pas avoir retenu l’attention. Ce n’est sans doute pas le seul hasard des facteurs phonétiques qui a pu unifier, sur la base d’une voyelle unique, -a-, la marque du participe présent français, neutralisant ainsi tous les contrastes, de quelque ordre qu’ils soient, qui s’expriment morphologiquement au niveau des mots verbaux proprement dits, à savoir les formes à personne variable explicite (“conjuguées”) comme celles à personne variable implicite (“infinitif”) :

marchant ∞ partant ∞ finissant ∞ sachant ∞ rendant vs marcher ∞ partir ∞ finir ∞ savoir ∞ rendre.

Rien ne saurait mieux exprimer l’indifférence de l’adjectif déverbal à l’égard du contenu événementiel particulier qu’il véhicule ; il ne s’intéresse, en fin de compte, qu’à la source personnelle de celui-ci, qu’il “attaque” soit rétrospectivement, soit prospectivement, selon les orientations décrites ci-dessus (fig. I). Tout au contraire, les substantifs déverbaux gérondifs d’autres langues romanes, dont le signifié est orienté, comme on l’a dit, vers l’apport effectif des contenus événementiels qu’ils signifient, conservent toujours, peu ou prou, quelque chose des anciens contrastes vocaliques latins — quand ils ne les affinent pas :

esp. I. hablando (de hablar) vs. II. temiendo (de temer) ∞ leyendo (de leer) ∞ diciendo (de decir) ∞ sirviendo (de servir)

it. parlando (de parlare) vs. temendo (de temer) vs. leggendo (de leggere) ∞ dicendo (de dire), servendo (de servire).

Verbe Adjectif déverbal : pouvant

Adjectif postverbal :

puissant

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port. I. falando (de falar) vs II. temendo (de temer) ∞ lendo ∞ dizendo (de ler, dizer) vs III. servindo (de servir)

On notera en passant que, de l’adjectif déverbal, ces dernières langues n’ont retenu que la version “rétrospective”, d’où l’impression qu’on peut effectivement éprouver, à les comparer avec le français, que le participe “présent” y joue un rôle plus effacé. Il est significatif, par exemple, que, dans les manuels français de grammaire espagnole déjà mentionnées (J. Bouzet, M. Bénaben), aucune entrée, ni dans la table des matières ni dans l’index des mots et des notions étudiées, ne signale l’existence d’un participe “présent”. Quant à la Gramática de la Real Academia Española, elle étudie bien, en un assez long paragraphe26 (§§ 469, p. 428-429), un « participio de presente en –ante, -ente o –iente », en en distinguant deux modes d’emploi, comme « adjectif verbal », et comme « véritable participe », avec cependant, dans tous les cas, accord avec un support nominal, comme dans (31)27 :.

31. a. Miran la doctrina de la Iglesia en este punto como conducente a la esclavitud de los pueblos. (Balmes, « verdadero participio », cp. las doctrinas conducentes)

b. Juan, obediente al mandato de su padre, no vaciló en hacer lo que se le había ordenado (« participio de presente », cp. Juan y su hermano, obedientes al mandato…

c. Juan es obediente (en ce cas, selon la R.A., le participe « se convierte en adjetivo, aunque conserve en esta construcción el mismo caso complementario que su verbo »).

On a, peut-être, là une clé pour comprendre l’évolution qui a conduit à la prédominance, dans la norme actuelle, du principe qui veut qu’un AdjDévant ne s’accorde pas à son support nominal s’il régit un complément, ou un circonstant. Cette évolution est, bien évidemment, incontestable, mais elle n’exclut pas la persistance — provisoire, peut-être — d’un principe fonctionnant, désormais, en régime de “résistance”. Des exemples en ont déjà été cités, cf. ci-dessus, ex. (30). De même, si l’exemple célèbre de Racine, rappelé en (32), ne correspond certainement plus à l’usage dominant de nos jours, le principe, alors dominant, qui autorisait l’accord du participe n’en reste pas moins opérant, si bien que, de ce point de vue, l’interprétation de Brunot & Bruneau garde toute sa pertinence :

26 À comparer, néanmoins, aux dix paragraphes qui précèdent (pp. 417-428),

entièrement consacrés, eux, au « participio pasivo ». 27 Peu importe, en l’occurrence, de déterminer selon quels critères les

grammairiens espagnols sont conduits, ici, à opposer un « adjetivo » à un « verdadero participio ».

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(32) N’est-ce point à vos yeux un spectacle assez doux que la veuve d’Hector pleurante à vos genoux (Racine, Andromaque, III 4,

859-860)

« Ce n’est pas en ce moment seul, notent à juste titre BRUNOT & BRUNEAU (1956, § 549, p. 400), qu’Andromaque pleure : elle est “pleurante” depuis la mort de son Hector et le restera toujours. » Ce qui revient à dire que le propos reste focalisé sur cette figure personnelle, et sur le contraste entre son statut d’avant (la veuve d’Hector !) et sa nouvelle situation — “vivre en pleurs” — , destinée d’ailleurs à se perpétuer dans sa descendance : et mon fils avec moi n’apprendra qu’à pleurer (v. 880). Dès lors l’apport effectif du contenu événementiel signifié — “les larmes versées, d’instant en instant” — passe à l’arrière-plan du propos, et c’est bien ce que signifie l’accord du participe à son support nominal.

Mais, alors, en quoi consiste, au juste, l’évolution — au niveau du système grammatical, s’entend — qui conduit à refouler, et sans doute, à éliminer à plus ou moins long terme le principe qui autorise de telles expressions ? Il paraît, au vrai, hautement probable — c’est en tout cas l’hypothèse qu’on s’estime fondé à avancer — que c’est là, encore, dans son ordre, un écho, parmi beaucoup d’autres, d’une tendance puissamment marquée en syntaxe française, qui est de pousser à l’extrême le rôle “nodal” du mot verbal (MOIGNET, 1973, 363), ou de « régissant de toute la phrase verbale » (TESNIÈRE, 1976, 103), en réduisant par conséquent le “prime actant”, ou “socle personnel”, de l’événement désigné à l’état de support interne, non plus du mot verbal proprement dit, mais du “syntagme verbal” appelé à désigner cet événement ou état de choses. En d’autres termes, et Tesnière avait vu juste28, ce qu’on appelle le ”sujet” est, en syntaxe française moderne, d’abord, et avant tout, un support formel — un “article personnel” de verbe, en quelque sorte — faisant attendre, et appelant, un apport lexical verbal. C’est bien là son signifié syntaxique, grammatical, avant toute particularité lexicale. Et c’est là l’origine profonde du phénomène qui nous occupe : de plus en plus tourné vers cet apport qu’il réclame instamment, le socle personnel impliqué dans tout AdjDévant, n’a quasiment plus d’yeux pour les propriétés générales — genre, nombre — de l’entité personnelle qu’il représente, et dont il ne produit plus qu’une image en quelque sorte existentielle, celle de son inclusion dans un certain état de choses.

Du syntagme prépositionnel EN AdjDévant

Une fois éliminé de la grammaire du français le fantôme du “gérondif”, il ne reste plus qu’à dire, si l’on peut, en vertu de quoi et dans quelles conditions AdjDévant se laissera, ou non, porter en phrase

28 « Le sujet est un complément comme les autres » (TESNIERE, 1976, 109).

Formulation sans doute excessive, car ce “complément », justement, n’est pas comme les autres, dès lors que sans lui aucun mot verbal, en français, ne fonctionne. D’autre part, Tesnière voyait, à tort, dans un fait de syntaxe française un principe théorique supposé valable pour toute langue fondée sur l’opposition “nom” vs. “verbe”.

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par l’auxiliaire prépositionnel EN. Ce ne sera pas long ; le terrain est bien balisé, et l’interprétation des effets de sens déterminés, généralement, par ces deux modes de construction fait l’objet d’un très large consensus. On s’en remettra ici, à cet égard, à M. Herslund, qui dans les passages cités ci-après décrit avec précision, et non sans bonheur, l’effet sémantique de l’une ou l’autre de ces constructions, à l’aide du concept de co-verbe :

« Ce que montre cette discussion, c’est que le gérondif aux niveaux morphologique, syntaxique et sémantique a les traits caractéristiques d’une forme détachée, adverbiale, alors que PP a plutôt les caractéristiques d’une forme liée, adjectivale, qui entre dans une construction très intime avec son verbe principal. » (HERSLUND, 2000, 88)

« Disons seulement pour terminer que le PP présente deux verbes, verbe principal + co-verbe, comme désignant une même situation alors qu’avec le gérondif, les deux verbes désignent toujours deux situations séparées. S’il s’agit manifestement de la même situation, elle se trouve pour ainsi dire scindée en deux par l’emploi du gérondif, ce qui permet d’exprimer deux points de vue différents sur un même point. » (2000, 93).

Bien entendu, on comprendra qu’après avoir cherché, dans les pages qui précèdent, à montrer que le signifiant en -ant n’est justement pas un verbe, on éprouve quelque difficulté à apercevoir l’intérêt théorique du concept de « co-verbe »29, qui à la limite friserait la contradiction : si PP, pour emprunter l’expression de Herslund, « forme avec le verbe principal un prédicat complexe » (ibid. 93), n’est-ce pas précisément parce que le lexème verbal se voit ici privé de la forme verbale qui, dans d’autres circonstances (p. ex. la sultane s’est levée et mit fin à l’entretien, au lieu de la sultane s’est levée mettant fin à l’entretien), lui aurait conféré une autonomie référentielle ? D’autre part, dans Pierre est rentré ivre, Herslund applique à ivre le concept, emprunté à Gettrup, d’“attribut indirect”, qui « véhicule indéniablement l’information essentielle ou nouvelle de l’énoncé » ; ce serait, à l’en croire, un autre cas d’“attribut indirect” que son « co-verbe » en –ant. Mais, au fait, ivre, dans Pierre est rentré ivre : n’est-ce pas justement … un adjectif ? Enfin, que penser de l’idée qu’il incomberait au co-verbe de porter le « poids lexical, et partant l’information la plus importante » ? Dans l’exemple rappelé ci-dessus — la sultane s’est levée… — quelle est-elle, l’information la plus importante : l’idée que “la sultane mit fin à l’entretien” ? N’est-elle pas, plutôt, constituée par le rapport institué entre un comportement — le fait de “se lever” — et sa signification “la fin de l’entretien ” ? Ne serait-ce pas plus cohérent avec l’idée d’un prédicat unique, et complexe ?

Quoi qu’il en soit du contenu de ces interprétations, et de la réserve qu’elles peuvent inspirer, l’important, pour l’argumentation exposée

29 Au secours de celle-ci M. Herslund (ibid. 89) convoque l’akan, langue africaine

parlée au Ghana. L’auteur de ces pages avoue humblement qu’il n’a pas, lui, l’ombre du début de la première connaissance d’une telle langue, et qu’il ignore, en particulier, comment s’y présente morphologiquement — si tant est qu’elle s’y présente — l’opposition du nom au verbe. On mesure ici les risques d’une tentation “typologique”, indifférente à la morphologie spécifique des langues…

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ici, n’est pas vraiment là. Le fond de notre affaire réside, et M. Herslund n’a pas manqué de le relever, en ce que la construction “directe”, non prépositionnelle, donne à voir l’inclusion d’un contenu événementiel (nominalisé) dans le champ institué par un autre, si bien que l’ensemble prédicatif ainsi constitué « désigne une même situation », alors que l’autre construction, prépositionnelle, construit un rapport d’exclusion, dont le signifiant n’est autre que la préposition.

Nous voici donc ramenés à la problématique générale de l’outil grammatical appelé, dans nos langues, préposition ; c’est, en réalité, à la théorie de la préposition que renvoie le prétendu “gérondif” des grammaires du français, comme d’ailleurs le non moins invraisemblable “article partitif” auquel avait succombé même la pensée vigoureuse, et profonde, d’un Gustave Guillaume. On ne peut, à cet égard, que renvoyer à un texte publié il y a quelques années, dans le BSLP (DE CARVALHO, 1996b). Il s’agissait alors d’établir, à l’encontre des conceptions en vigueur, que l’être grammatical dit “article partitif”, avec le syntagme nominal qu’il construit et institue, est engendré par un geste énonciatif, ou, mieux, locutif, consistant à ne retenir, dans le champ du “présent délocuté” — soit : “ce qui se passe et dont il est parlé présentement”— qu’une unité personelle fugace, momentanément dégagée d’un certain entier notionnel, lequel, par le fait même, se trouve ainsi exclu, comme tel, du noyau prédicatif.

Les signifiés nominaux, voire pronominaux, susceptibles d’un tel traitement ne représentent pas uniquement, loin s’en faut, des référents matériellement continus, ou massifs. Dans l’état actuel de la langue, ils peuvent être à peu près quelconques : faire du vélo, jouer du Mozart, faire du cent à l’heure, défense de déposer du sublime dans l’histoire (V. Hugo), elle ne lui donnait jamais que du vous, etc. Quant aux syntagmes nominaux générés par cette procédure, leur fonction syntactico-sémantique est d’apporter à la représentation d’un événement, ou d’un état de choses, quelque chose comme un minimum notionnel jusque requis requis pour en parfaire la caractérisation. Ainsi, dans les situations évoquées par les expressions jouer du Mozart, ou faire du vélo, il n’est évidemment pas question de la personne nommée Mozart, ou de l’objet nommé vélo, mais simplement “quelque chose” qui donne sa forme spécifique aux opérations signifées par ces verbes, et il n’est, pour s’en convaincre que d’opposer jouer du Mozart et jouer Mozart, faire du vélo et faire un vélo : les énoncés sans préposition évoquent des opérations orientées vers les entités personnelles désignes, alors les expressions prépositionnelles regardent vers les opérations elles-mêmes, où Mozart et un vélo n’interviennent qu’indirectement, par un “quelque chose” qui en est une émanation, ou un “souvenir”, mais qui ne les engage pas en tant que personne ou chose.

C’est en cela qu’une préposition est substantivante : elle assure à la notion nominale dont ellle se saisit une autonomie référentielle relativement à un contenu événementiel particulier à la construction duquel cette notion participe. De ce point de vue, elle opére comme un “article”, à ceci près que celui-ci substantive le nom — qui, en soi, n’est pas, en français, substantif — a priori, c’est-à-dire avant toute

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référence à un cas d’événement particulier ; “en pensée”, pour ainsi dire. Ce n’est certainement pas par hasard que le phénomène de coalescence entre prépositions et articles est tellement développé en roman, et singulièrement en français, ni que ces deux catégories aient connu, depuis le latin, un développement parallèle.

Or il n’en va pas différemment du syntagme en + AdjDév-ant : là encore, en le soustrayant à la saisie directe par un mot verbal, la préposition fait apparaître une représentation nominale, ou nominalisée, comme exclue de l’état de choses représenté, et instauré, par celui-ci. À cette différence, qui tient au contenu lexical propre à chaque préposition, que en dessine l’image substantive d’un contenant terminal, au sein duquel une représentation nominale, ou nominalisée, se retrouve finalement “située” et, de ce fait, modifiée. On pense alors à Guillaume, décrivant, dans Le problème de l’article, avec beaucoup de finesse et précision, l’apport sémantique de en :

« Soit l’expression changer de l’eau en vin. Elle présente à l’esprit, non pas deux natures distinctes se mélangeant, comme dans : mettre de l’eau dans du vin, mais une chose qui en devient une autre, par un procès tout interne … Soit à présent un exemple sans verbe : maison en feu. Les mêmes conditions s’y retrouvent. Une maison en feu est, en effet, une maison qui devient du feu, par un procès non moins interne que celui par lequel l’eau se change en vin. »(1919, 266-267).

Selon le même processus, dans un expression telle que avancer en silence, « le mot silence, poursuit Guillaume, devient ainsi un mode du sujet : il devient l’attitude observée par celui-ci durant l’action. » Mutatis mutandis, on en dira à peu près autant de l’apport sémantique des syntagmes de la forme en Adj comme ceux que signale T. Arnavielle (1997a, 18 et 2001, 143) — et, naturellement, en particulier, de en AdjDévant. Ils parlent, les uns comme les autres, d’une entité vue dans un état, une situation, une position d’après, c’est-à-dire : que le locuteur observateur se représente comme différente par rapport à ce qu’il voit, ou aurait pu voir, être cette entité. Ainsi, dire que ce poisson est rouge, c’est décrire “le poisson” tel que le locuteur le voit être présentement, alors qu’une expression comme ce mur, il le voyait bien en rouge, ou ce mur est peint en rouge évoquent inévitablement une transformation de “ce mur”. De la même manière, ce meuble est haut, ou il est froid avec tout le monde évoquent des propriétés d’un objet, ou d’une personne, mais des expressions comme ce meuble est en haut, ou il est en froid avec tout le monde font référence à une position variable, ou à un état relationnel, par définition variable.

Il faut cependant souligner, et ce n’est sans doute pas le moins important dans cette affaire, que l’emploi de l’adjectif déverbal en –ant par connexion directe ou indirecte (médiatisée par la préposition) correspond à une modification capitale dans le statut de l’entité personnelle impliquée, par définition, dans la représentation produite par l’adjectif déverbal en –ant :

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I. là où la connexion se fait directement, cette entité personnelle apparaît relever du “présent délocuté” ; elle est conçue comme un constituant “interne” de l’état de choses désigné, et ce au titre de la fonction qui reste la sienne de “prime actant” de l’événement nominalisé. Ainsi, dans les exemples (33), elle est affectée, immédiatement, à un des pôles internes (sujet ou régime “direct”) de cet état de choses ; elle est donc donnée comme intégrée à l’événement, tant et si bien qu’en fin de compte ce n’est pas elle, en soi, que vise le locuteur, mais l’entier de l’événement en question.

(33) (a) La longue table de la salle à manger, où à chacun des bouts sont assis, se faisant face, se parlant de loin, se souriant, le père et la mère, entre leurs quatre enfants, deux garçons et deux filles … (N. Sarraute, Enfance, 1985, Folio Gallimard, 32) : se faisant face, se parlant, se souriant sujet : le père et la mère)

(b) Consommant, un de ces matins le café au lait traditionnel […] mes esprits ont été subitement troublés. (Ch. Bruneau, dans Le Fig. litt.12 juillet 1952, cité par GREVISSE-GOOSSE, 1993 : consommant personne impliquée dans l’article possessif mes du syntagme nominal sujet).

(c) Connaissant votre générosité, ma demande ne saurait être mal reçue (cité, parmi d’autres exemples par GREVISSE-GOOSSE, 1993, 511, avec ce commentaire prudent : « On considère que sont mal construites des phrases comme celles-ci… ». Le rapport est, ici, comme dans (b), connaissant personne impliquée dans l’article possessif ma du syntagme nominal sujet30).

(c) J’ai rencontré Pierre sortant du cinéma. (cité par WILMET, 1998, 297 : sortant régime direct Pierre).

(d) On le voyait marchant dans Venise (…) (Le Monde, cité par WILLEMS & DEFRANCQ, 2000, 12)

On notera, au passage, que toute construction directe de adjectif déverbal en –ant (comme d’ailleurs du participe dit “passé”) avec un régime indirect, ou un adjoint circonstanciel, du moins avant la construction du prédicat verbal31, paraît pour le moins malaisée, cf. (34) :

(34).a. *Enfermé dans son bureau, rédigeant les dernières pages de sa thèse, elle se souvenait de lui (avec enfermé et rédigeant rapportés à lui)

b. *au juge souhaitant boucler au plus vite son dossier on a prêté cette intention32.

30 En quoi cette construction est à distinguer de celle qui est mentionnée ci-après,

et dans laquelle la “discordance” quant à référence personnelle n’est pas, semble-t-il, soumise à cette condition de référence indirecte à l’entité désignée par le syntagme nominal sujet.

31 Pour une construction analogue de l’adjectif déverbal après le prédicat verbal, p. ex. *elle ne fut pas insensible à l’invitation de son voisin voulant la séduire) on n’en cite guère d’exemples. Une recherche philologique approfondie sur ce point paraît indispensable, qui ne serait ni possible, ni d’ailleurs, utile pour la démonstration exposée ici.

32 T. Arnavielle, que je remercie chaleureusement pour sa lecture aussi précise que sympathique de ce texte, me fait remarquer, ici, d’une part, que (b) « est nettement meilleur » qu (a), d’autre part que, dans ce dernier cas, la résistance

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Il convient sans doute de préciser, à toutes fins utiles, que dans des énoncés comme ceux de (35), empruntés à KINDT, 2000, 260, le pronom clitique auquel se rapporte l’AdjDév-ant a bien la fonction d’un “régime direct”, c’est-à-dire non prépositionnel, immédiat — il ne faut pas confondre logique et syntaxe :

(35) Ayant touché le sol sans encombre, il lui avait fallu marcher près de deux heures…

II. Au contraire, la connexion indirecte, prépositionnelle, a pour effet de dégager l’entité personnelle impliquée dans l’adjectif déverbal du présent délocuté pour l’installer au niveau du présent locutif, comme un objet du regard du locuteur.

C’est là toute la différence sémantique qui sépare (a) Pierre l’a rencontré sortant du cinéma, et (b) Pierre l’a rencontré en sortant du cinéma : dans (b) la personne impliquée n’est certainement pas celle que désigne le régime pronominal, et pas davantage celle que désigne le sujet nominal Pierre : elle s’identifie plutôt au sujet locutif, qui, estimant nécessaire de compléter la représentation d’un certain état de choses, le fait en lui annexant une représentation secondaire, et extérieure au dit état de choses, de la situation dans laquelle33 lui apparaît être tel constituant nominal. D’où, pour commencer, cette indépendance de référence personnelle, souvent signalée et assez banale en fin de compte — et quoi que prescrive la norme académique —, entre l’adjectif déverbal en –ant et le “sujet” du verbe, p. ex. (36)34, dans GREVISSE-GOOSSE (1993, 511) :

(36) (a) L’appétit vient en mangeant ∞ la fortune vient en dormant. (b) En attendant le plaisir de vous voir, veuillez agréer mes salutations distinguées. (c) La marquise resta debout, immobile. En voyant Arthur pâle, maigre et

hâve, il n’y avait plus de sévérité possible. (Balzac, La femme de 30 ans, Gasnier Étampes, 1966)

(d) Le bonheur s’obtient en n’y pensant pas. (H. de Montherlant, cité par WAGNER & PINCHON, 1962, 315). (e) Le pont rompu fait ventre au milieu et ne vous laisse passer qu’en vous baissant. (E. de Goncourt, même source) (f) En admettant ∞ attendant ∞ supposant que …(cité par LE GOFFIC, 1993, 436, qui commente, à juste titre — mais en limitant indûment la portée de sa remarque : « Le gérondif renvoie au sujet énonciateur dans les “locutions conjonctives” suivantes, sans support déterminé dans la phrase »). (g) Nous étions dix en comptant les enfants ; en y réfléchissant elle était mignonne ; soit dit en passant… (cf. WILMET, 1998, 334).

D’où, également, l’impression, correctement décrite, parmi d’autres, par HERSLUND (à paraître), qu’en pareil cas le syntagme en + AdjDévant « dénote une situation autonome qui sert de point de repère

serait moindre s’il n’y avait pas discordance de genre entre le sujet “logique” du participe et celui, grammatical, du prédicat verbal : *? Enfermé dans son bureau, rédigeant sa thèse, ce vacarme lui fut supportable.

33 Cf. ARNAVIELLE, 2001, 145, qui évoque « une affinité (sélective…) entre le signifié fondamental de cette préposition [en] et celui de la forme en –ant. »

34 À comparer, d’ailleurs, à la construction directe de (32)(b-c).

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ou d’ancrage temporel à la situation dénotée par le verbe principal ». C’est d’ailleurs ce sentiment qui autorise cet auteur à attribuer à cette construction, « dans le cas canonique du gérondif antéposé … des fonctions anaphoriques », dès lors qu’elle lui apparaît « apporter de l’information nouvelle ».

CONCLUSION

Il y aurait beaucoup à dire, et trop sans doute au moment de clore cet exposé, de ce qui s’en dégage, pour l’explication des faits étudiés, mais aussi de la démarche et des raisonnements mis en œuvre à cette fin. Il est sage de s’en tenir, pour finir, aux deux remarques suivantes :

I. Il y a urgence, du point de vue de la linguistique romane, à remettre en cause l’idée, largement consensuelle, d’une prétendue “confusion”, en latin tardif, entre “participe présent” et ”gérondif”. Il s’agit, en vérité, et de façon beaucoup plus vraisemblable, de deux dérives distinctes opérant à partir du signifié verbonominalisé inhérent aux signifiants latins marqués par –nt/nd(o/a). La première, qui s’est imposée en gallo-roman, est celle qui, dès les origines latines, consacrait la prééminence, dans la construction du contenu verbal nominalisé, du “sujet” — “actif” ou non, peu importe —comme source, ou principe, de l’existence de l’état de choses à représenter. La seconde, au contraire, prolonge, dans les langues ibériques notamment — qui possèdent, elles, ce véritable substantif déverbal traditionnellement appelé “gérondif”—, la représentation d’un contenu événementiel conçu en fonction du “site” qu’il est vu affecter. Cela devrait en principe rappeler “quelque chose” — naturellement, mutatis mutandis — aux linguistes familiers de la problématique de l’“ergatif”, qui est au cœur du fonctionnement syntactico-sémantique de nombreuses langues de par le monde. On ajoutera qu’un tel choix, dans le terreau duquel devait naître le français, n’apparaîtra pas vraiment surprenant, à quiconque voudra bien considérer la subordination, de plus en plus marquée dans cette langue, du signifié verbal à un support interne, nominal ou pronominal, dont il dépend pour fonctionner, et “faire sens”.

II. D’un point de vue théorique, l’urgence n’est pas moindre de repenser la question des “parties du discours”, qui, n’en déplaise à l’orthodoxie guillaumienne, ne saurait plus, désormais, se réduire à une opposition radicale entre un avant nominal et un après verbal : il y a, pour le nom, une vie après le verbe, au cours de laquelle s’engendrent, à divers degrés, et de différentes manières, selon les langues, des représentations verbonominales et, au-delà, des substantifs déverbaux abstraits. Au fait …et s’il y avait là une nouvelle figure — mais fondée, cette fois, en syntaxe — de ce “tenseur binaire radical” tant célébré ? Un t.b.r qui, en l’occurrence,

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conduirait, en tension I, de la généralité indéterminée des notions nominales “abstraites de l’avant” à la particularité momentanée d’un “présent délocuté”, puis, en tension II, par contre particularisation, à des notions nominales “abstraites de l’après”, dégagées de l’emprise d’un verbe dont elles portent, néanmoins, le souvenir plus ou moins lointain, mais toujours là …

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