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Fait clinique Gestion des anti-agrégants plaquettaires en préopératoire : à propos dun cas Management of antiplatelet therapy: a case report F. Carrare, N. Ferrier, G. Bitar, X. Marcaggi * , G. Amat Service de médecine interne à orientation cardiologique, département de cardiologie, centre hospitalier de Vichy, boulevard Deniere, 03200 Vichy, France Reçu le 5 juillet 2007 ; accepté le 30 août 2007 Disponible sur internet le 25 septembre 2007 Résumé À propos dune observation personnelle dinfarctus myocardique sous flurbiprofène utilisé en substitution de clopidogrel en préopératoire, nous avons revu la littérature concernant la gestion des anti-agrégants plaquettaires chez le coronarien et plus précisément le coronarien traité par angioplastie avec stent. Cette gestion savère délicate et toutes les questions posées nont pas, à ce jour, reçu de réponse, notamment en ce qui concerne le problème de la résistance à laspirine. En tout état de causse, cette observation personnelle nous a confortés dans lidée que contrai- rement à certaines recommandations, le flurbiprofène nest pas une alternative satisfaisante à laspirine et ou à la thiénopyridine. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract We report a personal case of myocardial infarction with flurbiprofen used instead of clopidogrel before an operation. We re-examined the literature concerning the management of the antiagregant treatment of the patient with angioplasty and/or stent who needs surgery. This manage- ment proves to be delicate and all the questions that it raises have not so far been answered in particular with regard to the problem of resistance to aspirin. Anyway this personal observation supports our view that contrary to certain recomendations flurbiprofène is not a satisfactory alter- native to aspirin either with or without thiénopyridine. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Anti-agrégants plaquettaires (AAP) ; Gestion préopératoire chez le coronarien ; Flurbiprofène ; Infarctus myocardique Keywords: Antiagregant; Treatment; Flurbiprofen; Myocardial infarction 1. Cas clinique M. S., patient de 63 ans est hospitalisé le 22 septembre 2006 àlUnité de soin intensif cardiaque (USIC) pour le syndrome coronarien aigu (SCA) avec sus-décalage de ST en latéral haut. Il a pour facteurs de risque cardiovasculaire : un tabagisme à 30 PA sevré depuis 1994 et une hypercholestérolémie. Il pèse 62 kg pour 1 m 72. Ses antécédents chirurgicaux sont représentés par une poly- pose nasale opérée en 1999, un stripping de varices du membre inférieur droit en 2002, une hernie inguinale droite opérée en 1986. Ses antécédents médicaux sont représentés par une her- nie hiatale, un adénome de prostate et un asthme suivi depuis 1993. Cet asthme sinscrit dans un contexte dallergie aux AINS et à la noramidopirine. Deux syncopes étaient survenues après injection intravei- neuse de noramidopirine. Par ailleurs, une injection intramusculaire de Voltarène ® en 1996 avait été suivie en une demi-heure dun malaise avec perte de connaissance, puis crise convulsive hypertonique devant les pompiers. Le patient avait été hospitalisé : pas de troubles de la repolarisation sur lélectrocardiogramme, pas de troubles rythmique ou conductif pendant la surveillance au scope. http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/ Annales de Cardiologie et dAngéiologie 56 (2007) 216221 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (X. Marcaggi). 0003-3928/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.ancard.2007.08.009

Gestion des anti-agrégants plaquettaires en préopératoire : à propos d'un cas

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http://france.elsevier.com/direct/ANCAAN/

Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 56 (2007) 216–221

Fait clinique

Gestion des anti-agrégants plaquettaires en préopératoire : à propos d’un cas

Management of antiplatelet therapy: a case report

F. Carrare, N. Ferrier, G. Bitar, X. Marcaggi*, G. Amat

Service de médecine interne à orientation cardiologique, département de cardiologie, centre hospitalier de Vichy, boulevard Deniere, 03200 Vichy, France

Reçu le 5 juillet 2007 ; accepté le 30 août 2007Disponible sur internet le 25 septembre 2007

Résumé

À propos d’une observation personnelle d’infarctus myocardique sous flurbiprofène utilisé en substitution de clopidogrel en préopératoire,nous avons revu la littérature concernant la gestion des anti-agrégants plaquettaires chez le coronarien et plus précisément le coronarien traité parangioplastie avec stent. Cette gestion s’avère délicate et toutes les questions posées n’ont pas, à ce jour, reçu de réponse, notamment en ce quiconcerne le problème de la résistance à l’aspirine. En tout état de causse, cette observation personnelle nous a confortés dans l’idée que contrai-rement à certaines recommandations, le flurbiprofène n’est pas une alternative satisfaisante à l’aspirine et ou à la thiénopyridine.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

We report a personal case of myocardial infarction with flurbiprofen used instead of clopidogrel before an operation. We re-examined theliterature concerning the management of the antiagregant treatment of the patient with angioplasty and/or stent who needs surgery. This manage-ment proves to be delicate and all the questions that it raises have not so far been answered in particular with regard to the problem of resistanceto aspirin. Anyway this personal observation supports our view that contrary to certain recomendations flurbiprofène is not a satisfactory alter-native to aspirin either with or without thiénopyridine.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Anti-agrégants plaquettaires (AAP) ; Gestion préopératoire chez le coronarien ; Flurbiprofène ; Infarctus myocardique

Keywords: Antiagregant; Treatment; Flurbiprofen; Myocardial infarction

1. Cas clinique

M. S., patient de 63 ans est hospitalisé le 22 septembre 2006à l’Unité de soin intensif cardiaque (USIC) pour le syndromecoronarien aigu (SCA) avec sus-décalage de ST en latéral haut.

Il a pour facteurs de risque cardiovasculaire : un tabagisme à30 PA sevré depuis 1994 et une hypercholestérolémie.

Il pèse 62 kg pour 1 m 72.

Ses antécédents chirurgicaux sont représentés par une poly-pose nasale opérée en 1999, un stripping de varices du membre

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (X. Marcaggi).

0003-3928/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésdoi:10.1016/j.ancard.2007.08.009

inférieur droit en 2002, une hernie inguinale droite opérée en1986. Ses antécédents médicaux sont représentés par une her-nie hiatale, un adénome de prostate et un asthme suivi depuis1993. Cet asthme s’inscrit dans un contexte d’allergie auxAINS et à la noramidopirine.

Deux syncopes étaient survenues après injection intravei-neuse de noramidopirine.

Par ailleurs, une injection intramusculaire de Voltarène® en1996 avait été suivie en une demi-heure d’un malaise avecperte de connaissance, puis crise convulsive hypertoniquedevant les pompiers. Le patient avait été hospitalisé : pas detroubles de la repolarisation sur l’électrocardiogramme, pas detroubles rythmique ou conductif pendant la surveillance auscope.

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En 1994, M. S. a été hospitalisé à deux reprises pour bilande douleur thoracique. En échographie cardiaque, la fractiond’éjection ventriculaire gauche était évaluée à 50 %, avechypokinésie inférieure et latérale. La coronarographie a montrédes coronaires très athéromateuses, une dysfonction VG modé-rée, pas de possibilité de revascularisation.

M. S. était suivi annuellement avec plusieurs épreuvesd’effort. La dernière épreuve d’effort en février 2005 sousBi-tildiem® 90 mg (2 cp/j) était négative à la fréquence maxi-male théorique.

Il prend comme traitement : Bi-tildiem® 90 mg (2 cp/j),Plavix®, Zocor® 20 mg un demi-comprimé, Ventoline® etSymbicort® en aérosol.

Une exérèse de polypes nasaux est programmée le 4 octobre2006. M. S. consulte l’anesthésiste le 21 septembre 2006. Letraitement par Plavix® est remplacé par du Cebutid® à lademande de l’anesthésiste.

Le 22 septembre, M. S. prend le premier comprimé deCebutid®. Une heure et demie après cette prise, il présenteune crise d’asthme associée à une douleur thoracique. Devantl’inefficacité de Ventoline® et Natispray®, le patient est pris encharge par le Samu.

À la prise en charge, le patient garde une douleur thora-cique. La dyspnée a régressé.

Les constantes sont : pouls à 65/minute, tension artérielle à150/100 mmHg. L’examen clinique est sans particularité avecen particulier une auscultation pulmonaire claire, pas de critè-res de bronchospasme.

L’électrocardiogramme (ECG) (Fig. 1) s’inscrit en rythmesinusal, intervalle PR à 0,18 seconde, axe des QRS à 0°, pas

Fig. 1. a : ECG à la prise en charge par le Samu ; b : ECG postcoronarographie.

d’onde Q, onde de Pardee en V1–V2–AVL, miroir en territoireinférieur.

Un traitement médical est débuté : Risordan® 2 mg/h, bolusde 5000 UI d’héparine, 500 mg d’Aspégic® i.v., quatre com-primés de Plavix®. Le patient est admis en salle de coronaro-graphie à la première heure de la douleur.

À l’arrivée en salle, on assiste à une reperfusion clinique etélectrique : disparition complète de la douleur thoracique etnormalisation de l’ECG.

La coronarographie (Fig. 2) montre un athérome non sténo-sant de l’ostium de l’interventriculaire artérielle (IVA), unesténose très serrée de l’IVA postdiagonale, une sténose trèsserrée de le l’ostium de la première diagonale avec flux TIMI2 amélioré par corvasal intracoronaire. L’artère bissectriceporte une sténose modérée proximale. L’artère circonflexedominée présente des sténoses modérées sur les marginales.La coronaire droite est dominante avec une sténose très serréeaprès le genou supérieur et une sténose modérée au genouinférieur. Une petite artère rétroventriculaire gauche estsuboccluse.

Un traitement médical est poursuivi en soins intensifs decardiologie. Il n’y a pas de récidives douloureuses. L’évolutionélectrique se fait vers une ischémie sous-épicardique en V1–V2–V5–V6–D1–AVL. La troponine I s’élève à 10 ng/ml, lesCPK à 276 UI/l.

L’échographie cardiaque montre un ventricule gauche nondilaté (DTD = 53 mm, DTS = 32 mm) avec dysfonction VGmodérée (FE à 50 % en Simpson monoplan), pas de valvulopa-thie significative.

La persistance d’un angor conduit à poser l’indication derevascularisation chirurgicale devant ces lésions tritronculaires.

M. S. est opéré le 23 novembre 2006 d’un quadruplepontage : artère thoracique interne (ATI) gauche séquentielpremière diagonale–IVA, ATI droit–marginale, saphène–CDtroisième segment.

Depuis la revascularisation chirurgicale, M. S. n’a pas pré-senté de crise angineuse. Il reçoit une association de :Tenormine® 100 mg, Kardégic® 75 mg, Crestor® 5 mg.

2. Discussion

Cette observation pose le problème de la gestion préopéra-toire des anti-agrégants plaquettaires (AAP).

Les AAP sont constitués par l’acide acétylsalicylique ouaspirine, le flurbiprofène, le dipyridamole et les thiénopyridi-nes (ticlopidine et clopidogrel).

L’aspirine entraîne une inactivation irréversible de la cyclo-oxygénase. La récupération complète de l’agrégation plaquet-taire nécessite entre sept et dix jours, délai de renouvellementdes plaquettes dans le sang périphérique.

Le flurbiprofène entraîne une inactivation réversible de lacyclo-oxygénase. Sa demi-vie est de quatre à cinq heures etla récupération de l’agrégation plaquettaire est complète aprèscinq demi-vies. Son indication est limitée à la préventionsecondaire des accidents ischémiques du myocarde ou desthromboses après revascularisation myocardique (par angio-

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Fig. 2. Coronarographie sélective.

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plastie ou chirurgicale) lorsque le traitement par aspirine esttemporairement contre-indiqué. Cette indication découle desrésultats d’une étude multicentrique [1] ayant démontré uneffet favorable par rapport au placebo sur la récidive d’accidentischémique myocardique après reperméabilisation. Il n’acependant pas pu être recherché ni démontré, contrairement àl’aspirine, une diminution de la mortalité.

Les thiénopyridines sont des antagonistes spécifiques durécepteur plaquettaire à l’adénosine diphosphate. L’inactivationest irréversible et la récupération de l’activité plaquettairenécessite entre sept et dix jours.

Le traitement AAP répond à différentes indications : en pré-vention primaire ou secondaire de l’athérosclérose (cardio-pathie ischémique, AVC, athériopathie de l’aorte et des mem-bres inférieurs) et après angioplastie coronaire.

Lorsque l’arrêt des APP est envisagé en vue d’une interven-tion chirurgicale chez les patients avec cardiopathie ischémiqueet sans antécédent d’angioplastie coronaire, il faut s’assurer ducaractère stable de cette cardiopathie. L’arrêt des AAP est pos-sible pour les chirurgies avec risque de saignement, mais il fautpoursuivre les autres traitements anti-ischémiques : bêtablo-quant en particulier et statine.

Il faut garder à l’esprit qu’il existe un rebond d’activité pla-quettaire à l’arrêt de l’aspirine responsable d’infarctus en péri-opératoire [2].

Une étude longitudinale prospective [3] a inclu 1358patients hospitalisés pour syndrome coronarien aigu. Trois centcinquante-cinq patients (26,1 %) étaient traités par AAP.Soixante-treize patients (5,4 %) avaient interrompu leur traite-ment par AAP (aspirine, ticlopidine) les jours précédents.Parmi ces 73 patients, 26 avaient arrêté leur traitement en rai-son d’une hémorragie mineure, et 47 (3,5 %) en raison d’uneintervention chirurgicale. Parmi ces 47 patients, 31 avaientbénéficié d’un traitement antithrombotique substitutif. Seizepatients ont reçu des HBPM avec une (six patients) ou deuxinjections (dix patients) par jour. Quinze patients ont reçu duflurbiprofène. Cinq patients étaient à la fois sous HBPM etflurbiprofène. Parmi les 73 patients ayant interrompu leur trai-tement par AAP, les taux de décès (19,2 %) et les taux de sai-gnements (13,7 %) à un mois étaient statistiquement plus éle-vés comparés aux patients non traités par AAP ou n’ayant pasinterrompu leur traitement.

Cette étude souligne la fréquence des SCA consécutifs à unarrêt des AAP (5 % des patients admis pour SCA). Les taux dedécès et de complications hémorragiques sont plus importantschez ces patients.

Dans la série de Mac Fadden et al. [4], quatre thromboses destents actifs sont survenues tardivement : à 343 et 442 jourspour deux stents paclitaxel et à 335 et 375 jours pour deuxstents sirolimus. Dans les quatre cas, le traitement AAG avaitété interrompu entre 4 et 14 jours avant l’infarctus.

Une étude française [5] a inclus 1236 patients hospitaliséspour syndrome coronarien aigu. Cinquante et un patientsavaient interrompu leur traitement par aspirine. Parmi ces cin-quante et un patients, dix cas étaient associés à une thrombose

de stent nu. Ces stents avaient été implantés 15,5 ± 6,5 moisavant l’hospitalisation.

Ces deux études soulignent le risque de thrombose tardivedes stents actifs et nus.

Le risque de thrombose de stent à l’arrêt du traitement AAPpersiste même à distance de l’implantation de l’endoprothèse.

Dans les différentes études, le risque d’événement corona-rien apparaît à partir du septième jour après l’arrêt de l’aspi-rine. Cette constatation est en faveur de l’existence d’une fenê-tre de cinq jours de l’arrêt de l’aspirine qui concilie risquecoronarien et risque hémorragique.

Des études soulignent le risque supplémentaire en cas destent actif.

Ainsi, Pfisterer et al. [6] ont suivi 746 patients de l’étudeBASKET pendant un an à l’issu d’une double anti-agrégationplaquettaire de six mois. Les patients avaient initialement étérandomisés pour bénéficier soit de stent nu, soit de stent actif.À six mois, le clopidogrel était interrompu. Le taux de décèsd’origine cardiaque ou d’infarctus du myocarde à 18 mois estle même dans les deux groupes. En revanche, ces événementssont survenus après l’arrêt du clopidogrel chez 4,9 % despatients avec stent actif et chez 1,3 % des patients avec stentsnus. Les cas de thrombose tardive de stent et d’infarctus dumyocarde mortel étaient deux fois plus fréquents après stentactif qu’après stent nu (2,6 contre 1,3 %). Les cas de thrombo-ses survenaient entre 15 et 362 jours après l’arrêt du clopido-grel.

Chez des patients porteurs de stent, l’intervalle entrel’implantation du stent et la chirurgie mérite d’être précisé.

Dans les recommandations américaines en 2005, Smith etal. [7] recommandent une double AAP d’un mois pour lesstents nus (sauf en cas de risque hémorragique où une duréede deux semaines est recommandée), de trois mois pour lesstents sirolimus et de six mois pour les stents paclitaxel, puisune monothérapie. Idéalement, le clopidogrel doit être pour-suivi au moins 12 mois après implantation d’un stent enl’absence de risque hémorragique.

Récemment, le ministère français de la Santé et des Solida-rités a recommandé une association d’aspirine et de clopidogrelpendant 1 à 12 mois puis l’aspirine seule après un syndromecoronarien aigu traité ou non par angioplastie [8].

Les recommandations de la SFED (endoscopie digestive)[9] en 2005 sont un arrêt des antithrombotiques avant une pro-cédure avec risque faible hémorragique mais sans possibilité decontrôle endoscopique et avant une procédure à risque élevé desaignement. La coloscopie avec polypectomie à l’anse et lasphinctérotomie peuvent être réalisées sous aspirine et AINSà dose standard. Les procédures avec faible risque hémorra-gique et avec contrôle endoscopique possible peuvent être pra-tiquées sans ajustement des AAP ou des anticoagulants.

Les recommandations de la SFMBCB (médecine buccale etchirurgie buccale) [10] en 2005 sont la poursuite des AAPquels que soient les soins dentaires.

Chez les patients porteurs d’endoprothèses coronaires nuesdatant de moins d’un mois ou actives datant de moins de six

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mois, un groupe d’expert a proposé un schéma décisionnel[11].

En cas de risque hémorragique majeur, il est recommandéun arrêt de l’association aspirine–clopidogrel cinq jours avantl’intervention chirurgicale, et une reprise de l’association qua-tre à six heures après l’intervention sauf complications hémor-ragiques. Un délai de cinq jours est suffisant pour permettre lerenouvellement de 50 % des plaquettes et permettre une agré-gation plaquettaire suffisante pour limiter le risque hémorra-gique.

En cas de risque hémorragique modéré, l’aspirine est main-tenue mais le clopidogrel est arrêté cinq jours avant l’inter-vention.

En cas de risque hémorragique mineur, l’association aspi-rine–clopidogrel est maintenue.

Les auteurs signalent que la seule étude en cours actuelle-ment est l’étude STRATAGEM (stratégies de gestion péri-opératoire des traitements antiplaquettaires en chirurgie noncoronaire). Il s’agit d’une étude randomisée, contrôlée, multi-centrique, nationale comparant l’efficacité et la tolérance d’unestratégie de maintien à une stratégie d’arrêt de l’aspirine pré-opératoire en chirurgie non coronaire. Les résultats de cetteétude apporteront peut-être un éclairage sur cette probléma-tique.

Pour ce qui est de la ticlopidine et du clopidogrel, nous dis-posons d’une étude dans laquelle une cohorte prospective [12]de 2229 patients ont été traités pour moitié par des stents pacli-taxel et pour moitié par stents sirolimus.

L’aspirine était poursuivie indéfiniment. Le clopidogrel oula ticlopidine était arrêté respectivement après trois mois pourles stents sirolimus et après six mois pour les stents paclitaxel.À neuf mois, 29 patients (1,3 %) présentaient une thrombosede stents : 0,8 % des stents sirolimus et 1,7 % des stents pacli-taxel. Treize des 29 patients sont décédés. Les facteurs prédic-tifs indépendants de thrombose de stents étaient l’arrêt préma-turé des AAP (hazard ratio à 89,78, IC à 95 % de 293,9–269,6), l’insuffisance rénale (hazard ratio à 6,49, IC à 95 %de 2,6–16,15), les lésions de bifurcation et le diabète.

Un dernier point à aborder est la résistance aux AAP. Vingt-cinq pour cent des patients seraient peu ou pas sensibles àl’aspirine. L’arrêt de la thiénopyridine chez ces patients revientà quasiment supprimer le traitement AAP.

Aucun test biologique actuellement disponible n’est suffi-samment performant et adapté à une utilisation en routinepour envisager une surveillance systématique de l’effet antipla-quettaire de ces médicaments. La sensibilité du temps de sai-gnement (TS) aux AAP est inconstante. Le Platelet FunctionAnalyzer (PFA) ne doit pas être réalisé pour estimer le risquehémorragique d’un patient sous traitement par AAP : bien qu’ilsemble plus sensible que le TS à la prise d’aspirine et aux anti-GPIIbIIIa, aucune étude n’a pour l’instant démontré que lerésultat du PFA était prédictif du risque hémorragique lié à laprise d’AAP. L’agrégation plaquettaire et la cytométrie de fluxsont des techniques lourdes non adaptées à la routine. De plus,il n’a pas été clairement démontré que leurs résultats étaient

prédictifs de l’efficacité clinique ou du risque hémorragiquede ces médicaments.

Les recommandations sur la gestion péri-opératoire desAAP de la Sfar, en 2001 [13], reposent sur la mise en balanceentre le risque hémorragique et le risque de déstabilisation de lapathologie coronaire. Un traitement substitutif des AAP estenvisageable, mais aucun médicament n’a été validé par uneétude prospective. La substitution est généralement faite soitpar flurbiprofène 50 mg deux fois par jour, la dernière doseétant donnée 24 heures avant l’intervention, soit par HBPM àdose anticoagulante efficace (85 à 100 UI activité anti-Xa/kgpar heure).

Dans cette observation, le flurbiprofène (Cebutid®) n’a pasévité la déstabilisation de la pathologie coronaire. Nous som-mes surpris par la rapidité de survenue d’un infarctus rudimen-taire alors que la dernière prise de Plavix® remontait à la veille.On peut se demander quel est le lien entre la réaction allergiqueau flurbiprofène et l’infarctus : hypoxie tissulaire liée à la criseasthmatique, action anti-agrégante plaquettaire du flurbiprofèneinsuffisante, rôle vasoconstricteur du flurbiprofène comme tousles AINS.

3. Conclusion

La gestion des AAP en peropératoire reste délicate, notam-ment chez les patients ayant bénéficié d’angioplasties coronai-res. Certaines recommandations qui prônent une substitutiondes anti-agrégants par du flurbiprofène en préopératoire n’ontpas été validées par une étude prospective et notre expériences’inscrit clairement contre cette attitude. Les recommandationssur la poursuite d’une double anti-agrégation après stent actifévoluent. On peut se demander également, si par delà lesrecommandations du ministère de la Santé, si la poursuite duclopidogrel au moins un an ne se justifie pas en l’absence derisque de saignement ou de geste chirurgical.

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