7
Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2013) 42, 159—165 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com TRAVAIL ORIGINAL Grossesse et syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire : prise en charge et complications Pregnancy and Ehlers-Danlos vascular syndrome: Patients’ care and complications E. Dubruc a,, S. Dupuis-Girod a , P. Khau Van Kien b , E. Denis-Belicard c , C. Chirossel d , S. Fokstuen e , R. Touraine f , H. Plauchu a,g a Service de génétique, hôpital Louis-Pradel, hospices civils de Lyon, 28, avenue Doyen-Lépine, 69500 Bron, France b Laboratoire de biologie moléculaire IURC, hôpital A. de Villeneuve, 34295 Montpellier, France c Gynécologie-obstétrique, CHU Nord, avenue Albert-Raymond, 42270 St-Priest-en-Jarez, France d Gynécologie-obstétrique, CHU La Tronche, boulevard Chantourne, BP 00217, 38043 Grenoble cedex 9, France e Service de médecine génétique, centre médical universitaire, rue Michel-Servet, 1 1206 Genève, Suisse f Université de Lyon, université Lyon-1, 8, avenue Rockfeller, 69373 Lyon cedex 08, France g Service de génétique, CHU Nord, avenue Albert-Raimond, 42270 St-Priest-en-Jarez, France Rec ¸u le 25 f´ evrier 2012 ; avis du comité de lecture le 1 er aoˆ ut 2012 ; définitivement accepté le 17 aoˆ ut 2012 Disponible sur Internet le 2 octobre 2012 MOTS CLÉS Syndrome d’Ehlers-Danlos ; Pathologie héréditaire ; Grossesse ; Complications ; Prise en charge Résumé Introduction. — Le syndrome d’Ehlers-Danlos de type IV vasculaire (SED4) est une pathologie héréditaire du tissu conjonctif responsable d’un risque augmenté pendant et après la grossesse de complications artérielles, utérines et digestives parfois létales. Patients et méthodes. — Il s’agit d’une étude rétrospective décrivant la prise en charge obs- tétricale, la nature et la fréquence des complications liées à la grossesse pour les patientes atteintes du SED4 et leurs apparentées. Résultats. — Vingt-sept grossesses ont été étudiées dont 23 accouchements, 18 par voie basse (AVB) et cinq par césarienne. Aucun décès maternel et deux complications majeures (8,7 %) engageant le pronostic vital et pouvant être directement liées au SED4 ont été constatées. Il s’agissait d’une rupture d’un pilier de la valve mitrale après AVB et d’une rupture du cæcum après césarienne prophylactique. Dix accouchements se sont déroulés avec anesthésie péridu- rale sans complication. Six complications périnéales (33,3 %) ont été observées. Conclusion. — La grossesse chez les patientes atteintes du SED4 nécessite une prise en charge dans une structure qui dispose d’une équipe sensibilisée associant une réanimation médicale et une équipe chirurgicale de garde. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (E. Dubruc). 0368-2315/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.08.003

Grossesse et syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire : prise en charge et complications

  • Upload
    h

  • View
    232

  • Download
    11

Embed Size (px)

Citation preview

Journal de Gynecologie Obstetrique et Biologie de la Reproduction (2013) 42, 159—165

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

TRAVAIL ORIGINAL

Grossesse et syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire :prise en charge et complicationsPregnancy and Ehlers-Danlos vascular syndrome: Patients’ care andcomplications

E. Dubruca,∗, S. Dupuis-Giroda, P. Khau Van Kienb, E. Denis-Belicardc,C. Chirosseld, S. Fokstuene, R. Tourainef, H. Plauchua,g

a Service de génétique, hôpital Louis-Pradel, hospices civils de Lyon, 28, avenue Doyen-Lépine, 69500 Bron, Franceb Laboratoire de biologie moléculaire IURC, hôpital A. de Villeneuve, 34295 Montpellier, Francec Gynécologie-obstétrique, CHU Nord, avenue Albert-Raymond, 42270 St-Priest-en-Jarez, Franced Gynécologie-obstétrique, CHU La Tronche, boulevard Chantourne, BP 00217, 38043 Grenoble cedex 9, Francee Service de médecine génétique, centre médical universitaire, rue Michel-Servet, 1 1206 Genève, Suissef Université de Lyon, université Lyon-1, 8, avenue Rockfeller, 69373 Lyon cedex 08, Franceg Service de génétique, CHU Nord, avenue Albert-Raimond, 42270 St-Priest-en-Jarez, France

Recu le 25 fevrier 2012 ; avis du comité de lecture le 1er aout 2012 ; définitivement accepté le 17 aout 2012Disponible sur Internet le 2 octobre 2012

MOTS CLÉSSyndromed’Ehlers-Danlos ;Pathologiehéréditaire ;Grossesse ;Complications ;Prise en charge

RésuméIntroduction. — Le syndrome d’Ehlers-Danlos de type IV vasculaire (SED4) est une pathologiehéréditaire du tissu conjonctif responsable d’un risque augmenté pendant et après la grossessede complications artérielles, utérines et digestives parfois létales.Patients et méthodes. — Il s’agit d’une étude rétrospective décrivant la prise en charge obs-tétricale, la nature et la fréquence des complications liées à la grossesse pour les patientesatteintes du SED4 et leurs apparentées.Résultats. — Vingt-sept grossesses ont été étudiées dont 23 accouchements, 18 par voie basse(AVB) et cinq par césarienne. Aucun décès maternel et deux complications majeures (8,7 %)engageant le pronostic vital et pouvant être directement liées au SED4 ont été constatées. Ils’agissait d’une rupture d’un pilier de la valve mitrale après AVB et d’une rupture du cæcumaprès césarienne prophylactique. Dix accouchements se sont déroulés avec anesthésie péridu-rale sans complication. Six complications périnéales (33,3 %) ont été observées.

Conclusion. — La grossesse chez les patientes atteintes du SED4 nécessite une prise en chargedans une structure qui dispose d’une équipe sensibilisée associant une réanimation médicaleet une équipe chirurgicale de garde.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (E. Dubruc).

0368-2315/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2012.08.003

160 E. Dubruc et al.

KEYWORDSEhlers-Danlossyndrome;Hereditary pathology;Pregnancy;Complications;Care

SummaryIntroduction. — Elhers-Danlos vascular syndrome type IV (EDS4) is a hereditary pathology ofthe connective tissue responsible for an increased risk of lethal arterial, uterine and digestivecomplications during and after pregnancy.Patients and methods. — We describe the obstetrical care, the nature and frequency ofcomplications related to pregnancy of patients with EDS4 and their relatives.Results. — Twenty-seven pregnancies were studied including 23 deliveries, 18 vaginal deliveriesand five caesarean, no maternal death and two major life-threatening complications (8.7%) wererecorded which could be directly linked to EDS4 (rupture of the biscupid valve pillar after vaginaldelivery and a rupture of the caecum after a prophylactic caesarean). Ten deliveries underwentepidural anesthesia without complication. Six perineal injuries (33.3%) were observed.Conclusion. — Pregnancy in patient with EDS4 needs obstetrical cares in a special unit’s motiva-ted medical team with intensive care and surgical disponibilities.

. All

A

AAACAAAAADGMMPRsSSVIF

I

Ldlsdpptdedépdsdc

Cusu

dlcv[mn[

pcpeadagcr

P

P

Tcanem

dd

© 2012 Elsevier Masson SAS

bréviations

C accouchement césariennecc accouchementnest anesthésieomplic. complicationG anesthésie généraleP anesthésie périduralert artèreVB accouchement voie basseVC accident vasculaire cérébral

droitegauche

AP menace d’accouchement prématuréFIU mort fœtale in uteroP post-partumPM rupture prématurée des membranesem semaineAE sphincter anal externeED4 syndrome d’Ehlers-Danlos de type IV vasculaireB voie basse

VG interruption volontaire de grossesseCS fausses couches spontanées

ntroduction

e SED4 est une pathologie héréditaire du tissu conjonctife transmission autosomique dominante dont la préva-ence est estimée entre 1/100 000 et 1/250 000 [1]. Ceyndrome est défini par une peau fine et translucide aveces vaisseaux sous-cutanés nettement visibles par trans-arence au niveau du thorax, des plis des coudes et desoignets, et de l’abdomen, des ecchymoses et des héma-omes, une fragilité tissulaire prédisposant à la survenuee complications sévères artérielles, digestives et utérinest quelques éléments morphologiques du visage (paucitée la graisse périoculaire, nez fin, lèvre supérieure fine etversée, absence d’individualisation du lobule de l’oreille,ommettes saillantes, peau fine et tendue). Des mutationsu gène COL3A1, codant pour le (pro)collagène de type III,

ont à l’origine du SED4 [1]. Le diagnostic est établi sures critères cliniques majeurs et mineurs (Tableau 1) [2] etonfirmé soit par l’identification d’une mutation du gène

lfia

rights reserved.

OL3A1, soit à partir des cultures de fibroblastes montrantne sécrétion de procollagène type III anormal [2]. Du fait dea rareté, le diagnostic de SED4 est souvent effectué aprèsne complication sévère.

Les femmes atteintes de SED4 ont un risque augmentée complications létales artérielles pendant et aprèsa grossesse (dissections des artères de moyen et grosalibres), utérines (rupture utérine, hémorragie de la déli-rance), périnéales (lésion du SAE [3—5] et digestives4,6,7]. La méconnaissance de la maladie compromet laise en place de soins adaptés. La mortalité mater-

elle est estimée entre 11,5 et 38,5 % dans la littérature4,6].

Du fait des complications liées à la grossesse, certainsraticiens contre-indiquent la grossesse ou préconisent uneésarienne prophylactique [8]. Peu d’informations sont dis-onibles sur ces grossesses et la prise en charge obstétricalet anesthésique préférable chez ces patientes. Il nous estpparu nécessaire de décrire la nature et la fréquencees complications liées à la grossesse pour les patientestteintes du SED4, explorées et suivies dans les services deénétique du CHU de Lyon, Saint-Étienne et Grenoble, ethez leurs apparentées. Nous avons également effectué uneevue de la littérature.

atientes et méthode

atientes

ous les dossiers de femmes atteintes de SED4 vues enonsultation de génétique et ayant eu des grossesses ont éténalysés. Le diagnostic de SED4 a été fait par l’examen cli-ique à partir des critères cliniques révisés de Villefranchen 1997 (Tableau 1) et confirmé par l’identification d’uneutation sur le gène COL3A1.La présence d’au moins deux critères majeurs permet un

iagnostic clinique qui doit être confirmé par la recherche’une mutation dans le gène COL3A1 en biologie molécu-aire soit par analyses biochimiques à partir des cultures de

broblastes montrant une sécrétion de procollagène type IIInormal [2].

Grossesse et syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire : prise en charge et complications 161

Tableau 1 Critères cliniques diagnostiques du syndrome d’Ehlers-Danlos type IV, révisés de Villefranche 1997, et complétéslors de l’essai clinique BBEST.Ehlers-Danlos syndrome type IV: clinical criteria for diagnosis, revised from Villefranche 1997 and completed during clinicalassay BBEST.

Critères majeurs Critères mineurs

Peau fine et translucide AcrogérieFragilité ou rupture artérielle, intestinale ou utérine Hypermobilité des petites articulationsEcchymoses fréquentes, pour des traumatismes minimes Rupture musculaire ou tendineuseFaciès évocateur Pieds bots

Varices précocesFistule artérioveineuse ou du sinus caverneux carotidienPneumothorax/pneumohémothoraxRétraction gingivaleHistoire familiale, mort subite chez un apparenté procheRupture prématurée des membranesAbsence de frein de la lèvre inférieure

u(

lmacncspppeau

j3sgndalAudcecdsbnca

Méthode

Il s’agit d’une étude rétrospective. Les informations concer-nant les grossesses ont été recueillies auprès des patientesà partir d’un questionnaire (Annexe 1) dans le cadre du suivihabituel des patientes, au cours d’un entretien téléphoniqueou lors d’une consultation.

Concernant les complications majeures mettant en jeu lepronostic vital (dissections, rupture vasculaire ou digestive,hémorragie de la délivrance), des informations médicalesprécises ont été recueillies à partir des comptes renduschirurgicaux, d’hospitalisation et de consultations obstétri-cales.

Les complications mineures ont concerné les MAP,la rupture prématuré des membranes, les difficultésde suture de l’hystérotomie, les complications péri-néales, les douleurs prolongées au niveau de l’épisiotomieainsi qu’un retard de cicatrisation sans désunion de lacicatrice.

Résultats

Neuf familles, soit 13 patientes (huit patientes index et cinqapparentées), ont été incluses. Un total de 27 grossesses aété relevé, se déroulant de 1956 à 2009. La moyenne d’âgedes patientes était de 29 ans au moment de la grossesse.

Parmi les 27 grossesses, il y a eu 23 accouchementsd’enfants vivants, une IVG et trois FCS. Aucun décès mater-nel lié à la grossesse n’a été constaté.

Dix accouchements se sont déroulés avec AP, aucunecomplication à type d’hématome épidural n’a été obser-vée. Trois accouchements se sont déroulés avec AG pourcésarienne prophylactique. Quatre accouchements se sontdéroulés sans anesthésie. Pour les six autres accouchements,l’information n’a pas pu être obtenue (patiente décédée).

Deux complications majeures pouvant être directement

liées au SED4 ont été observées. Sur dix huit accouche-ments par VB (78,3 % du nombre total d’accouchements),une rupture d’un pilier de la valve mitrale au cinquième jourdu post-partum et sur cinq accouchements par césarienne,

btt

ne rupture du cæcum au sixième jour du post-partumTableau 2).

Description de la situation de P3 : rupture d’un pilier dea valve mitrale à j5 du PP : Il s’agissait d’une femme pri-ipare de 36 ans dont le diagnostic n’avait pas été posé

vant la grossesse. Un accouchement par VB a été déclen-hé à 40 SA, en raison d’un terme dépassé. La délivrance aécessité une épisiotomie qui s’est compliquée d’un périnéeomplet avec une suture difficile de 1h30 et une déglobuli-ation (hémoglobinémie à 60 g/L). Au cinquième jour PP, laatiente a présenté une insuffisance cardiaque gauche rap-ortée à une insuffisance mitrale majeure sur rupture d’unilier de la valve mitrale. Une plastie mitrale a été effectuéen urgence. Le chirurgien a signalé des tissus très fragilesvec un sternum fragile, une oreillette droite pellucide etne aorte saignant au moindre contact.

Description de la situation de P9 : rupture du cæcum à6 du post-partum. Il s’agissait d’une femme primipare de2 ans. Le diagnostic de SED4 avait été établi avant la gros-esse et confirmé par l’identification d’une mutation sur leène COL3A1. La grossesse a été suivie dans un CHU pre-ant en charge les grossesses à risque ou il a été décidée pratiquer une césarienne prophylactique. La grossesseété menée sous traitement bêtabloquant (celiprolol) et

a césarienne a été réalisée à 36 SA et six jours, sous AG.u sixième jour du post-partum, la patiente a présentén syndrome occlusif fonctionnel avec un tableau cliniquee péritonite nécessitant une reprise chirurgicale. Auours de la chirurgie, une perforation cæcale a été misen évidence. La fermeture de cette brèche a été diffi-ile en raison de la fragilité pariétale des tissus et suivie’une colectomie droite avec stomie de décharge. Lesuites ont été marquées par le développement d’une throm-ose veineuse ovarienne associée à une embolie pulmonaireécessitant un traitement par AVK. Le rétablissement de laontinuité digestive n’a pu être faite que plus de six moisprès l’intervention de départ.

Six complications périnéales sur 18 accouchements voieasse (33,3 %) ont été observées. Quatre lésions du SAEotale (22,2 % des accouchements VB), une lésion du SAE par-ielle ; une lésion de type hématome périnéal (Tableau 3).

162 E. Dubruc et al.

Tableau 2 Complications observées en prépartum, accouchement et post-partum.Observed complications during pre-partum, delivery and postpartum.

Pat no Mode d’accouchement/type d’anesthésie

Complications

Prépartum Accouchement Post-partum (PP)

P1 VB/AP RPM à 38 SA

P2 VB/AP Incontinence urinaire

P3 VB/pas d’anesthésie Périnée complet Rupture d’un pilier de la valvemitrale à j6

P4 VB/AP Périnée incomplet Incontinence urinaire

P5 VB/AP Hémorragie de la délivrancePérinée complet

Syndrome de Sheehan

P6 Césarienne/AP RPM à 37 SA Cicatrisation cutanée longue etdifficile

P7 VB/AP RPM à 36 SA Hématome périnéal

P9 Césarienne/AG Rupture du cæcum à j6Thrombose d’une veine ovarienneet embolie pulmonaire

P10 VB/APCésarienne/AG

Périnée completSuture de l’hystérotomielongue, difficile avechémorragie

Incontinence fécale

P11 VB/ ? MAP (34 SA)

P12 VB/0 MAP (32 SA) Périnée complet

Totaln = 11P

9 AVB/3 césariennes

3 RPM/2 MAP Périnée :(4 complets/1 incomplet),2 hémorragies

21 complications/23 accouchements

VB : voie basse ; AP : anesthésie péridurale ; RPM : rupture prématurée des membranes ; AG : anesthésie générale ; MAP : menaced’accouchement prématuré ; AVB : accouchement voie basse.

Lfn

D

Nccspvrf[ndo[d1

aelàccmdrmàuvptll

a patiente P10 a développé par la suite une incontinenceécale, et deux patientes (P2 et P4) une incontinence uri-aire, réduite après des séances de rééducations périnéales.

iscussion

otre enquête rapporte l’expérience de 23 accouchementshez 13 patientes sans aucun décès maternel. Lesomplications majeures, engageant le pronostic vital,ont observées dans 9 % des grossesses. Les complicationsérinéales sont observées dans 33 % des cas. Cette étudea dans le même sens que l’étude de Pepin, et al. [4] quietrouve un taux de mortalité lié à la grossesse (11,5 %) plusaible que ce qui avait été initialement décrit par Lurie et al.6] et Rudd et al. [7] (25 % et 38 %). Les complications péri-éales, comme cela a été rapporté, sont plus élevées queans la population générale avec des lacérations vaginales

u des cicatrisations de suture de l’épisiotomie difficiles3,7,12,15]. Dans la population générale, la fréquencee ces complications varie selon les auteurs entre 0,1 et0,2 % [16].

mlêg

Une complication grave après césarienne prophylactiqueété observée (rupture du cæcum à j6 du post-partum). Lesffets secondaires de l’anesthésie ont certainement favorisé’immobilité digestive et la distension colique conduisant

un syndrome occlusif, puis à une rupture du cæcum sures tissus fragilisés. De plus, la fragilité des parois utérineshez ces patientes rend difficile la suture d’une hystéroto-ie et allonge le temps opératoire exposant à des risques’hémorragie. À ce jour, il n’y a pas de données dans la litté-ature comparant les complications et le taux de mortalitéaternelle d’un accouchement par voie basse par rapportla césarienne dans le SED4 [3,4,12]. La césarienne est

n geste chirurgical invasif associé à un risque de lésionsasculaires et intestinales périopératoire [17] et dans cetteathologie, la prise en charge anesthésique et périopéra-oire est un élément majeur du fait des complications de’hystérotomie qui ont été décrites dans le SED4 : sutureongue et difficile, déchirure large du myomètre [3], aug-

entation du risque d’hémorragie et prolongement de

’anesthésie, risque digestif. Cependant, la césarienne peuttre discutée pour diminuer les risques vasculaires en fin derossesse.

Grossesse et syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire : prise en charge et complications 163

Tableau 3 Revue de la littérature.Literature review.

Étude Nombre degrossessessuivies

Nombre depatientes avecSED4a

AVB AC (cause) Complications : artérielles, intestinales, utérines,périnéales

Palmquist et al.,2009 [5]

1 1 0

Ohkuchi et al.,2009 [9]

1 1 1 (MAP) 0

Gdynia et Huber,2008 [10]

2 1 2 Hémiplégie gauche à 3 sem PP sur AVC ischémiquefronto-pariétal droit (occlusion art carotidienneinterne D et dissection proximale et distale artcarotidienne G)

Erez et al., 2008[8]

1 1 1(prophylactique)

0

Bjorck et al.,2007 [11]

1 1 1 Décès maternel sur rupture de l’artère sus-clavière droite durant la délivrance

Tassart et al.,2006 [3]

2 1 1 1 (anévrisme artrénale droite)

Hémorragie de la délivrance suite à l’AVB,épisiotomie de suture difficileAnévrisme disséquant de l’artère rénale droite à34 SA + 4jDéchirure large du myomètre après hystérotomie,compliquant la suture

Campbell etRosaeg, 2002[12]

2 1 2 0

Pepin et al.,2000 [4]

183 81 12 décès maternels (5 ruptures utérines, 7 rupturesartérielles)3 décès de nouveau-nés10 avortements spontanés, 3 IVG

Lurie et al., 1998[6]

50 26 10 décès maternels (38,5 %) : 2 ruptures vasculairesmajeures avant le travail, 1 rupture utérinependant le travail, 1 rupture utérine associée à unerupture vasculaire à la délivrance, 5 rupturesvasculaires dans le PP, 1décès de cause inconnueNon létales : rupture hépatique, utérine,hémorragie, lacération des tissus périnéaux

Athanassiou etTurrentine,1996 [13]

1 1 MAP à 30 SA traitée par terbutaline sous-cutanéeavec relais PO, 72 h après IDM par dissectioncoronarienne, décès

Brees et Gall,1995 [14]

1 1 Décès maternel à 29 SA, rupture de l’artère iliaqueexterne puis rupture du jéjunum

De Paepe et al.,1989 [15]

2 1 1 1 (chochémorragique)

Hémorragie orbitaire majeure à la délivrance,rupture de l’épisiotomie, périnée completMFIU, rupture utérine en dehors du travailconduisant à une hystérectomie subtotale

Rudd et al., 1983[7]

20 10 5 décès maternels (25 %)Rupture intestinale, rupture de l’aorte ou de laveine cave, rupture de l’utérusHémorragie de la délivranceLacérations vaginales

SED4 : syndrome d’Ehlers-Danlos de type IV vasculaire ; AVB : accouchement voie basse ; AC : accouchement césarienne ; MAP : menaced’accouchement prématuré ; AVC : accident vasculaire cérébral ; PP : post-partum ; MFIU : mort fœtale in utero ; IVG : interruptionvolontaire de grossesse ; IDM : infarctus du myocarde.

a Diagnostic confirmé par la mise en évidence d’une mutation dans le gène COL3A1 ou par analyses biochimiques du collagène 3 à partirdes cultures de fibroblastes.

1

mntLrcclslvdudcmVdEeipicnc

rditctmpedséêggcp

cllpctpur

C

Ldt

duruucgl

D

Lr

A

1

2

3

5

D6

7

8

9

1

A

A111E

1

1111

64

Parmi les anesthésies péridurales pour les accouche-ents par VB rapportées dans notre enquête, aucune

’a présenté de complications. D’autres cas dans la lit-érature mentionnent le succès de cette technique [12].e bénéfice d’une analgésie péridurale contrebalance lesisques potentiels associés à l’insertion épidurale d’unathéter. L’augmentation de pression artérielle associée auxontractions utérines douloureuses et à l’augmentation dea pression intra-abdominale, particulièrement pendant laeconde phase du travail pourrait altérer la pression vascu-aire transmurale et prédisposer aux lésions et aux rupturesasculaires. L’analgésie péridurale réduirait la probabilitée cette hypertension artérielle associée aux contractionstérines douloureuses et réduirait l’urgence des pousséesurant le second temps du travail. Cette anesthésie pro-urerait également un soulagement de la douleur et uneeilleure relaxation périnéale facilitant la délivrance parB [12]. Les patientes peuvent donc bénéficier de ce type’anesthésie, réalisée à l’aide d’une aiguille de fin calibre.n revanche, l’AG expose la patiente au risque d’aspirationt aux difficultés d’intubation. Au cours de l’intubation,l peut se produire une hypertension artérielle qui prédis-ose aux lésions vasculaires par l’augmentation de pressionntraluminale [12]. De plus, si ce mode d’anesthésie esthoisi, une pression basse des voies aériennes est à mainte-ir compte tenu du risque augmenté de pneumothorax chezes patientes [18].

Un biais de mémoire doit être pris en compte car leecueil des données cliniques a été rétrospectif et sur la base’un questionnaire adressé aux patientes. Cependant, desnformations médicales précises ont pu être obtenues à par-ir des comptes rendus chirurgicaux, d’hospitalisation et deonsultations obstétricales. L’interrogatoire médical directéléphonique a permis de préciser au mieux les termesédicaux employés et les informations retransmises par lesatientes. Le biais de recrutement est également à prendren compte dans l’analyse des résultats car les patientese notre enquête ont été adressées et explorées dans leervice de génétique en raison de complications majeuresvoquant la maladie. Un biais supplémentaire pourrait aussitre pris en compte du fait de la description de plusieursrossesses par patiente : celles qui débutent une nouvellerossesse sont peut-être celles qui ont un risque moindre deomplications si la première grossesse s’est déroulée sansroblème.

Concernant la prise en charge de ces grossesses,ertaines mesures sont déjà conseillées : éviction des pré-èvements des villosités choriales et de l’amniocentèse [1],imitation des manœuvres instrumentales, fermeture de laeau et des autres tissus avec des précautions particulièresomme la juxtaposition des berges avec des agrafes et main-ien des sutures jusqu’à 15 jours [15]. De plus, un traitementréventif bêtabloquant (celiprolol), désormais disponible ettilisable pendant la grossesse, réduirait de 20 à 30 % leisque de complications artérielles [19].

onclusion

e SED4 est une maladie rare du tissu conjonctif’expressivité clinique variable. Lors de la grossesse, la mor-alité maternelle est estimée à 11,5 %. A la vue des données

11

E. Dubruc et al.

e la littérature (Tableau 3) et des résultats de notre étude,ne information claire doit être donnée à la patiente enaison d’un risque augmenté de complications vasculaires,térines, périnéales et digestives. Une prise en charge dansne structure qui dispose d’une équipe sensibilisée asso-iant réanimation médicale et une équipe chirurgicale dearde pour la mère et d’une maternité de niveau 2 ou 3 pour’enfant est nécessaire.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

nnexe 1. Questionnaire

) Avez-vous utilisé auparavant un moyen de contraception, sioui lequel ? (Pilule, implant, patch, stérilet)

) Combien d’enfants avez-vous eus auparavant (parité) ?Combien de grossesses avez-vous eu auparavant (gestité) ?

) Est-ce qu’il s’agit d’une grossesse spontanée ou avez-vouseu recours à une Fécondation in Vitro ? À quel âge avez-vousdébuté la grossesse ?

) À quel endroit (nom de l’hôpital ou maternité) avez-vousété suivie et avez-vous passé les échographies ? Indiquezégalement le nom de votre gynéco-obstétricien

éroulement de la grossesse) Échographies de suivi : est-ce que des malformationsconcernant le fœtus ont été visualisées : ex : pieds bots,luxation de hanche ? Est-ce qu’il y a eu un oligoamnios ?

) Durant la grossesse, est-ce qu’une ponction des villositéschoriales ou une amniocentèse a été pratiquée ?

) Est-ce qu’il y a eu une Interruption Médicale de Grossesse ?Si oui, à quel terme et pour quelle raison ?

) Avez-vous eu une grossesse qui s’est arrêtée spontanément ?Si oui à quel terme ? En savez-vous la raison ?

0) Avez-vous présenté une menace d’accouchementprématuré ? C’est-à-dire des contractions utérines et unraccourcissement du col avant le terme de 37 Semainesd’Aménorrhée

vez-vous été hospitalisée durant votre grossesse ? Si oui,combien de fois ? Pour quelles raisons ?

ccouchement1) Terme de l’accouchement :2) Présentation fœtale : (céphalique, siège, transverse)3) Le travail a-t-il été spontané ou avez-vous été déclenchée ?st-ce qu’il y a eu une rupture prématurée des membranes :avez-vous perdu les eaux au minimum 12 h avant le début dutravail

4) Avez-vous eu une anesthésie péridurale ou une anesthésiegénérale ?

5) Avez-vous accouché par voie basse ? Si oui : détail5a Combien d’heures a duré le travail ?5b Avez-vous présenté une rupture utérine ?5c La délivrance du nouveau-né a-t-elle nécessité l’utilisationde ventouses ou de forceps et si oui pourquoi ?

5d Avez-vous eu une épisiotomie ?5e Est-ce qu’il y a eu une déchirure périnéale, si ouiatteignait-elle l’anus ?

char

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[Emmerich J, et al. Effect of celiprolol on prevention of

Grossesse et syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire : prise en

15f Avez-vous présenté une hémorragie de la délivrancec’est-à-dire avez perdu plus de 500 mL de sang, les heuressuivant l’accouchement ou beaucoup de sang nécessitantune hospitalisation prolongée ou des transfusions ?

16) Avez-vous eu une césarienne ? Si oui :16a Quelles en sont les raisons : entourez les bonnes réponses :

absence de progression du fœtus pendant le travail,souffrance fœtale, anomalie du rythme cardiofœtalfœtus mal engagéutérus cicatricielbassin étroitautre raison : précisez

16b De combien s’élevait la perte sanguine au cours del’intervention ?

17) Avez-vous eu une transfusion sanguine, si oui de combiende culots globulaires ?

18) Avez-vous présenté, dans un délai de 30 jours aprèsl’accouchement, une rupture vasculaire ou d’une valvecardiaque ? Une rupture d’un organe ?

19) Poids du nouveau-né ?

Après l’accouchement20) Avez-vous présenté des difficultés de cicatrisation

(hématome de paroi, ouverture spontanée, infection) auniveau des cicatrices d’épisiotomie ou de césarienne ?

21) Avez-vous eu des complications thromboemboliques(thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire ?). Àdistance de l’accouchement :

22) Avez-vous suivi des séances de rééducation périnéale ?Pendant combien de temps et à quelle fréquence ?

23) Souffrez-vous d’une descente d’organe ? D’uneincontinence urinaire ou fécale secondaire àl’accouchement ?

24) Avez-vous eu un stérilet intra-utérin par la suite ?25) Souhaitez-vous une autre grossesse ?

Références

[1] Germain DP. Ehlers-Danlos syndrome type IV. Orphanet J RareDis 2007;2:32.

[2] Beighton P, De Paepe A, Steinmann B, Tsipouras P, WenstrupRJ. Ehlers-Danlos syndromes: revised nosology, Villefranche,1997. Ehlers-Danlos National Foundation (USA) and Ehlers-Danlos Support Group (UK). Am J Med Genet 1998;77:31—7.

[3] Tassart S, Bernard P, Debieve F, Devylder M, Hubinont C. Dis-section of renal artery aneurysm in a pregnant woman withElhers-Danlos disease type IV. J Gynecol Obstet Biol Reprod

(Paris) 2006;35:275—9.

[4] Pepin M, Schwarze U, Superti-Furga A, Byers PH. Clinical andgenetic features of Ehlers-Danlos syndrome type IV, the vascu-lar type. N Engl J Med 2000;342:673—80.

ge et complications 165

[5] Palmquist M, Pappas JG, Petrikovsky B, Blakemore K, RoshanD. Successful pregnancy outcome in Ehlers-Danlos syn-drome, vascular type. J Matern Fetal Neonatal Med 2009;22:924—7.

[6] Lurie S, Manor M, Hagay ZJ. The threat of type IV Ehlers-Danlos syndrome on maternal well-being during pregnancy:early delivery may make the difference. J Obstet Gynaecol1998;18:245—8.

[7] Rudd NL, Nimrod C, Holbrook KA, Byers PH. Pregnancycomplications in type IV Ehlers-Danlos Syndrome. Lancet1983;1:50—3.

[8] Erez Y, Ezra Y, Rojansky N. Ehlers-Danlos type IV in pre-gnancy. A case report and a literature review. Fetal Diagn Ther2008;23:7—9.

[9] Ohkuchi A, Matsubara S, Takahashi K, Inoue S, Saito T, Mit-suhashi T, et al. Ehlers-Danlos type IV in pregnancy witha history of myocardial infarction. J Obstet Gynaecol Res2009;35:797—800.

10] Gdynia HJ, Huber R. Bilateral internal carotid artery dissec-tions related to pregnancy and childbirth. Eur J Med Res2008;13:229—30.

11] Bjorck M, Pigg M, Kragsterman B, Bergqvist D. Fatal blee-ding following delivery: a manifestation of the vasculartype of Ehlers-Danlos’ syndrome. Gynecol Obstet Invest2007;63:173—5.

12] Campbell N, Rosaeg OP. Anesthetic management of a par-turient with Ehlers Danlos syndrome type IV. Can J Anaesth2002;49:493—6.

13] Athanassiou AM, Turrentine MA. Myocardial infarction andcoronary artery dissection during pregnancy associated withtype IV Ehlers-Danlos syndrome. Am J Perinatol 1996;13:181—3.

14] Brees CK, Gall SA. Rupture of the external iliac artery duringpregnancy: a case of type IV Ehlers-Danlos syndrome. J Ky MedAssoc 1995;93:553—5.

15] De Paepe A, Thaler B, Van Gijsegem M, Van Hoecke D, MattonM. Obstetrical problems in patients with Ehlers-Danlos syn-drome type IV; a case report. Eur J Obstet Gynecol ReprodBiol 1989;33:189—93.

16] Beucher G. Maternal morbidity after operative vaginaldelivery. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2008;37:S244—59.

17] Brighouse D, Guard B. Anaesthesia for caesarean section ina patient with Ehlers-Danlos syndrome type IV. Br J Anaesth1992;69:517—9.

18] Volkov N, Nisenblat V, Ohel G, Gonen R. Ehlers-Danlos syn-drome: insights on obstetric aspects. Obstet Gynecol Surv2007;62:51—7.

19] Ong KT, Perdu J, De Backer J, Bozec E, Collignon P,

cardiovascular events in vascular Ehlers-Danlos syndrome: aprospective randomised, open, blinded-endpoints trial. Lancet2010;376:1476—84.