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Guide d’utilisation de l’imatinib (GLEEVEC MC ) dans le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales Le présent document a été rédigé dans le but d'aider les cliniciens à dégager des données probantes l’utilisation optimale de l’imatinib (Gleevec MC ) dans le traitement des tumeurs stromales gastro- intestinales (TSGI) en regard de sa valeur thérapeutique et de son coût. Les TSGI représentent le type le plus fréquent de tumeurs mésenchymateuses du tube digestif. Elles se localisent principalement dans l’estomac (60-70% des cas). Lorsque c’est possible de le faire, la chirurgie demeure l’alternative thérapeutique préférable. Toutefois, jusqu’à 85% des patients opérés présentent ultérieurement une récidive locale, des métastases ou décèdent suite à la résection chirurgicale. Jusqu’à tout récemment, il n’existait aucun traitement efficace pour les TSGI inopérables, récidivantes ou métastatiques. L’imatinib est un nouveau médicament inhibiteur spécifique de la tyrosine kinase bcr-abl mais également du récepteur de surface cellulaire c-kit (CD117). Son efficacité est mieux documentée dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique. Cependant, des études de phase I et II ont été conduites chez des patients atteints d’une TSGI inopérable, récidivante ou métastatique puisqu’il est connu que les TSGI expriment le CD117. Bien que les résultats d’études de phase III ne soient pas disponibles, la revue de littérature et la révision de la documentation fournie par la compagnie Novartis ont permis d’identifier des études de phase I et II ayant démontré une efficacité de l’imatinib dans le traitement des TSGI. De plus, le profil de toxicité semble acceptable. Suite à l'analyse des données disponibles et en l'absence d'une alternative thérapeutique valable, l'imatinib est indiqué dans le traitement des patients atteints d'une TSGI inopérable, récidivante ou métastatique en autant que le diagnostic histopathologique du TSGI avec présence du récepteur c-kit (CD117) soit établi (données probantes de niveau IV, recommandation de grade B). Le dosage quotidien idéal et la durée de traitement demeurent à déterminer de même que l’efficacité à long terme de l’imatinib et son impact sur la survie globale. Cependant, selon les données disponibles, le dosage recommandé est de 400 mg par jour (recommandation de grade C). Le suivi des patients devrait comprendre, en plus des visites médicales régulières, un bilan hématologique, hépatique et rénal. Une évaluation radiologique devrait être faite par tomographie axiale, par résonance magnétique ou par tomographie par émission de positrons aux huit à 12 semaines pour mesurer la réponse tumorale et justifier la poursuite du traitement. Advenant une progression de la maladie lorsque le dosage initial utilisé était de 400 mg par jour, les données récentes suggèrent qu'une augmentation de la dose journalière à 600 mg pourrait s'avérer bénéfique chez quelques patients. Actuellement, l'utilisation de l’imatinib dans le contexte de traitement adjuvant ou néo-adjuvant n’est pas recommandée. Le présent document devra être mis à jour lorsque des données probantes justifiant une modification des recommandations actuelles seront publiées. Une révision est prévue pour septembre 2003.

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Guide d’utilisation de l’imatinib (GLEEVECMC)dans le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales

Le présent document a été rédigé dans le but d'aiderles cliniciens à dégager des données probantesl’utilisation optimale de l’imatinib (GleevecMC) dansle traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales (TSGI) en regard de sa valeurthérapeutique et de son coût.

Les TSGI représentent le type le plus fréquent detumeurs mésenchymateuses du tube digestif. Ellesse localisent principalement dans l’estomac (60-70%des cas). Lorsque c’est possible de le faire, lachirurgie demeure l’alternative thérapeutiquepréférable. Toutefois, jusqu’à 85% des patientsopérés présentent ultérieurement une récidive locale,des métastases ou décèdent suite à la résectionchirurgicale. Jusqu’à tout récemment, il n’existaitaucun traitement efficace pour les TSGI inopérables,récidivantes ou métastatiques.

L’imatinib est un nouveau médicament inhibiteurspécifique de la tyrosine kinase bcr-abl maiségalement du récepteur de surface cellulaire c-kit(CD117). Son efficacité est mieux documentée dansle traitement de la leucémie myéloïde chronique.Cependant, des études de phase I et II ont étéconduites chez des patients atteints d’une TSGIinopérable, récidivante ou métastatique puisqu’il estconnu que les TSGI expriment le CD117.

Bien que les résultats d’études de phase III nesoient pas disponibles, la revue de littérature et larévision de la documentation fournie par lacompagnie Novartis ont permis d’identifier desétudes de phase I et II ayant démontré uneefficacité de l’imatinib dans le traitement desTSGI. De plus, le profil de toxicité sembleacceptable.

Suite à l'analyse des données disponibles et enl'absence d'une alternative thérapeutique valable,l'imatinib est indiqué dans le traitement des patientsatteints d'une TSGI inopérable, récidivante oumétastatique en autant que le diagnostichistopathologique du TSGI avec présence durécepteur c-kit (CD117) soit établi (donnéesprobantes de niveau IV, recommandation de gradeB).

Le dosage quotidien idéal et la durée de traitementdemeurent à déterminer de même que l’efficacité àlong terme de l’imatinib et son impact sur la survieglobale. Cependant, selon les données disponibles,le dosage recommandé est de 400 mg par jour(recommandation de grade C). Le suivi des patientsdevrait comprendre, en plus des visites médicalesrégulières, un bilan hématologique, hépatique etrénal. Une évaluation radiologique devrait être faitepar tomographie axiale, par résonance magnétiqueou par tomographie par émission de positrons auxhuit à 12 semaines pour mesurer la réponse tumoraleet justifier la poursuite du traitement. Advenant uneprogression de la maladie lorsque le dosage initialutilisé était de 400 mg par jour, les données récentessuggèrent qu'une augmentation de la dosejournalière à 600 mg pourrait s'avérer bénéfiquechez quelques patients. Actuellement, l'utilisation del’imatinib dans le contexte de traitement adjuvant ounéo-adjuvant n’est pas recommandée. Le présentdocument devra être mis à jour lorsque desdonnées probantes justifiant une modificationdes recommandations actuelles seront publiées.Une révision est prévue pour septembre 2003.

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INTRODUCTION

Les tumeurs stromales gastro-intestinales (TSGI)représentent les tumeurs mésenchymateuses les plusfréquentes du tube digestif. Elles se développentsurtout chez les patients âgés entre 40 et 70 ans dansles organes suivants : l'estomac (60 à 70 % des cas),l’intestin grêle (20 à 30 % des cas), le côlon etl’œsophage (10 % des cas) (1). La survie est reliée àl’âge du patient, à l’organe atteint, au diamètre et àl’index mitotique de la tumeur initiale (2).

L'incidence est de 2000 à 5000 nouveaux cas deTSGI par année aux États-Unis (3). La populationcanadienne équivaut à 10% de la populationaméricaine et la population québécoise représenteenviron 25% de la population canadienne. Parextrapolation, il y aurait entre 50 et 125 cas de TSGIpar année au Québec. Cependant, l'utilisation de laproportion des nouveaux cas de cancer estprobablement plus appropriée que le rapport despopulations car la prévalence des cancers estgénéralement plus élevée dans l'est du Canada quedans l'ouest (4). En effet, 27,64% des nouveaux casde cancer de l'estomac au Canada sont au Québec (4).On considère que 66% des patients atteints de TSGIsont inopérables, présentent des métastases ou unerécidive suite à la résection chirurgicale (4). Ainsi,entre 33 et 91 Québécois se retrouveraient dans cessituations par année.

La chirurgie demeure le traitement de choix pour lesTSGI jugées opérables. Cependant, jusqu'à 85% despatients présenteront une récidive locale, desmétastases ou encore décèderont suite à l'intervention(2,5). La survie médiane est de 10 à 12 mois chez lespatients présentant une récidive locale ou desmétastases (5). Jusqu'à récemment, il n'existait aucuntraitement efficace pour les TSGI inopérables,récidivantes ou métastatiques.

Les TSGI possèdent un récepteur de surfacecellulaire nommé c-kit (CD117) qui a une activitétyrosine kinase (1,6). L'imatinib mésylate est uninhibiteur des protéines tyrosines kinases qui a étéétudié chez les patients atteints d'une TSGIinopérable, récidivante ou métastatique dans desessais cliniques de phase I et II (7,8).

Dans ce contexte, un mandat d'évaluation del'imatinib a été confié au Comité de l'évolution de lapratique (CÉP) par le Conseil québécois de luttecontre le cancer (CQLC). De façon précise, le mandatétait d'évaluer l'efficacité et l'innocuité de l'imatinib(GleevecMC) dans le traitement des TSGI et de situerla place de ce nouveau médicament dans l'arsenalthérapeutique en tenant compte de sa valeurthérapeutique et de son coût par rapport aux autrestraitements, afin de dégager l'utilisation optimale dechacune de ces thérapeutiques.

MÉTHODE

Une revue de la littérature publiée jusqu’enseptembre 2002 a été effectuée en utilisant MedlinePubMed, Cancerlit et les mots clés STI571, imatinibet GIST. Les banques de données Cochrane ontégalement été consultées. La monographie duproduit, distribuée par la compagnie Novartis, a étéprise en considération. Les évaluations réalisées parle comité des cancers digestifs hauts, le comité des

cancers hématologiques et l’auteur principal ont étémises en commun afin de rédiger lesrecommandations. Les niveaux de données probanteset grades de recommandations utilisés par l’AmericanSociety of Clinical Oncology (ASCO) et l’EuropeanSociety for Medical Oncology (ESMO) ont servi deréférence (voir annexe).

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RÉSULTATS

Jusqu’à récemment, il n’existait aucun traitementefficace pour les TSGI inopérables, récidivantes oumétastatiques (9, 10). Dans une étude de casrapportée par Joensuu et al.,l’imatinib a été utiliséchez un patient atteint d’une TSGI métastatique à undosage de 400 mg par jour. Le diamètre des lésionsmétastatiques a diminué de 75% et une disparition desix des 28 métastases hépatiques a été notée à larésonance magnétique après huit mois detraitement (11). Cette réponse a été confirmée par latomographie par émission de positrons où uneinhibition quasi complète de la captation du [18F]fluorodéoxyglucose a été observée. De plus, lors dusuivi, des biopsies hépatiques faites chez ce patientont confirmé la diminution importante de lacellularité tumorale et la dégénérescence myxoïde desmétastases. L’ imatinib a été bien toléré et lessymptômes reliés à la TSGI ont disparu.

L’European Organization for Research andTreatment of Cancer (EORTC) Soft tissue and BoneSarcoma Group a publié les résultats d’une étudemulticentre de phase I concernant l’efficacité etl’innocuité de l’imatinib (STI571) chez 40 patientsatteints de sarcomes des tissus mous dont 36 avaientune TSGI avec présence de récepteurs c-kit (12-14).Dans cette étude, les patients étaient répartis enquatre groupes différents définis par la dosequotidienne d’imatinib utilisée soit 400 mg, 600 mg,800 mg et 1000 mg. Le traitement était poursuivijusqu’à ce que la maladie progresse, que des effetsindésirables se manifestent ou que le patient refuse depoursuivre le traitement. Aucune réponse complèten’a été obtenue. Cependant, une réponse partielleavec diminution d’au moins 50% de la massetumorale mesurable a été observée chez 19 des 36patients (53%). Chez six autres patients (17%), uneréponse mineure avec une diminution de 20% à 29%a été obtenue. Chez sept patients (19%), la maladieest demeurée stable alors que chez quatre patients(11%) on a noté une progression rapide et ce, chezdeux d’entre eux, en trois semaines après le début dutraitement. Une amélioration des symptômes a étéobservée chez 24 des 27 patients symptomatiques àl’entrée dans l’étude (89%). Après plus de neuf mois,29 des 36 patients recevaient toujours l’imatinib(données probantes de niveau IV).

Les résultats d’un essai clinique multicentre, noncontrôlé, avec répartition aléatoire, de phase II(CSTI571B2222), comparant l’imatinib utilisé à desdoses quotidiennes de 400 mg et 600 mg ont étéprésentés lors de la réunion annuelle de l’ASCO en2001 (15). Aucune réponse complète n’a été observéechez les 86 patients admis dans l’étude. Après un àtrois mois de traitement, une réponse partielle a étéobservée chez 59% des patients, une stabilité de lamaladie, chez 28% et une progression, chez 13%.Une amélioration de la symptomatologie a été notéechez 89% des patients symptomatiques à l’entréedans l’étude. De plus, des mutations du c-kit étaientprésentes dans 86% des spécimens tumoraux analysés(71% exon 11, 14% exon 9 et 1% exon 17). Soustraitement à l’imatinib, les patients ayant des TSGIsans mutation du c-kit avaient huit fois plus de risquede progression tumorale (44%) que les patients ayantdes TSGI avec mutation c-kit à l’exon 11 (5,8%) (8).

Une mise à jour de cette étude de phase II a étéprésentée lors de la dernière réunion de l’ASCO, enmai 2002 (16). Les 147 patients admis dans l’étudeont été répartis de façon aléatoire afin de recevoir unedose quotidienne de 400 ou de 600 mg d’imatinibpour un maximum de 24 mois. Après un suivi de plusde six mois, 82% des patients faisaient toujours partiede l’étude. Aucun patient n’a présenté une réponsecomplète, mais une réponse partielle a été observéechez 54% d’entre eux. Une réponse mineure ou unestabilité de la maladie a été notée chez 28% despatients et une progression tumorale, chez 14%d’entre eux. Les données étant insuffisantes, laréponse au traitement n’a pu être évaluée chez 4%des patients. Aucune différence statistiquementsignificative entre les doses administrées n’a pu êtredémontrée. Cependant, le nombre de patients admisdans l'étude était restreint. La médiane pour obtenirune réponse était de 12 semaines. Dix patients sontdécédés suite à la progression tumorale et quatredécès non reliés à la maladie ou au médicament àl’étude ont été rapportés.

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Les résultats de cette étude ont récemment été publiéset demeurent semblables à plus de neuf mois de suivi(17) (données probantes de niveau IV). Cependant,dans la publication, les auteurs rapportent desobservations détaillées qui méritent une attentionparticulière. D'abord, parmi les 73 patients ayant reçuune dose thérapeutique initiale de 400 mg par jour, ona observé une progression de la maladie chez 12d'entre eux. Chez neuf de ces 12 patients, le dosagequotidien d'imatinib a subséquemment été augmentéà 600 mg. Suite à cette augmentation, on a observéune réponse partielle chez un patient et unestabilisation de la maladie chez deux patients. Deplus, on mentionne dans l'étude que le statut deperformance des patients a été amélioré parl'utilisation de l'imatinib. En effet, après quatre moisd'utilisation chez 144 patients recevant toujours lemédicament, le taux de patients ayant un statut deperformance de 0, tel que défini par l'EasternCooperative Oncology Group (ECOG), est passé de42% à 64% et le taux de patients ayant un statut deperformance de 2 ou 3 est passé de 19 % à l'entréedans l'étude à 5 % après traitement (18).

Ces études cliniques ne permettent pas de concluresur l’efficacité à long terme de l’imatinib ou encoresur le taux de survie suite à son utilisation comptetenu du court suivi des patients.

Innocuité

L’imatinib est bien toléré comparativement auxmédicaments utilisés jusqu’à maintenant dans letraitement des TSGI (9,10). Dans l’étude européennede phase I, les effets indésirables notés incluaientl’œdème périphérique (52%), la fatigue (50%), leséruptions cutanées (41%), l’œdème péri-orbitaire(41%), les nausées et vomissements (30%), ladiarrhée (17%) et l’anorexie (17%) (12-14). Ils sontprincipalement survenus pendant les huit premièressemaines du traitement et leur incidence a diminuépar la suite. Le degré de toxicité était relié à la doseadministrée. Ainsi, cinq des huit patients ayant reçuune dose quotidienne de 1 000 mg d’imatinib ont eudes effets indésirables de grade 3 : nausées etvomissements chez trois patients, œdème chez unpatient et dyspnée chez un autre. De plus, unehémorragie intra-tumorale est survenue chez troispatients, possiblement comme conséquence d’unelyse tumorale rapide. La toxicité médullaire nesemblait pas être un effet indésirable fréquent nidépendre de la dose administrée. Un seul patient a eu

une fièvre neutropénique; il recevait une dosequotidienne de 800 mg d’imatinib.

Dans la publication de l’étude CSTI571B2222, leseffets indésirables de grade 1 à 4 ont été définis selonle système de gradation utilisé par le National CancerInstitute des États-Unis (17, 19). Chez les 147patients traités avec l’imatinib à une dose de 400 mgou 600 mg par jour, 90 % des effets indésirablesétaient de grade 1 ou 2 : œdème (74%) dont lamajeure partie était périorbitaire, nausées (52%),diarrhée (45%), crampes ou douleurs musculo-squelettiques (40%), fatigue (35%), dermatite ouéruption cutanée (31%), céphalées (26%) et douleursabdominales (26%). Des effets indésirables de grade3 ou 4 associés à l'imatinib sont survenus chez 21%des patients avec une incidence équivalente entre lesgroupes étudiés. Parmi ces effets, les plus fréquentsétaient : une neutropénie (5%), une hémorragietumorale ou digestive (5%), une dermatite ou uneéruption cutanée (3%), une anomalie des épreuves defonctions hépatiques (3%) une anémie (2%) et de ladiarrhée (2%). Dans d’autres publications, onrapporte aussi de la toxicité hépatique (4,1%) ourénale (1,4%) (20, 21). Il faut prendre enconsidération que l’utilisation de l’imatinib estrécente et que d’autres effets indésirables pourraientéventuellement être identifiés ou encore que lagravité ou l’importance de ceux déjà connuspourraient être modifiée.

L’imatinib étant éliminé en majeure partie par lecytochrome P450 et principalement par l’isoenzyme3A4, plusieurs interactions médicamenteuses peuventsurvenir. Ainsi, les inhibiteurs du CYP3A4(antifongiques imidazolés, macrolides, etc.) peuventfaire augmenter les taux sériques de l’imatinib. Lesinducteurs du CYP3A4 (dexaméthasone, phénytoïne,etc.) peuvent produire l’effet inverse. L’ imatinibserait également substrat des isoenzymes CYP3A4,2D6, et 2C9. Ce phénomène peut entraînernotamment l’augmentation des taux sériques de lasimvastatine, de la cyclosporine et de la warfarine(20). Bien que les données sur les interactionsmédicamenteuses soient limitées, la prudencedemeure de mise lors de l’administrationconcomitante de médicaments éliminés par lecytochrome P450.

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DISCUSSION

L’imatinib est un nouvel agent thérapeutique ayantune activité inhibitrice des tyrosines kinases PDGFr(platelet derived growth factor receptor), bcr-abl etc-kit. On considère le c-kit capable de promouvoir lacroissance tumorale ou de prévenir l’apoptose dansles TSGI. Les études cliniques de phase I et II ontdémontré l'efficacité et l'innocuité de l'imatinib dansle traitement des TSGI inopérables, récidivantes oumétastatiques (12-17). Bien qu'on n’ait rapportéaucune réponse complète, une réponse partielle a étéobservée chez 53 à 59% des patients et la maladie estdemeurée stable chez 19% à 28% des patients. Entre11 et 14% des patients ont connu une progression deleur TSGI. Une amélioration des symptômescliniques a été observée chez 89% des patients. Dansles deux études actuellement publiées, 182 des 183patients avaient un statut de performance de l'ECOGde 0 à 2 (12, 17). Cependant, en considérant le peud'effets indésirables de l'imatinib et l'amélioration dessymptômes cliniques observés chez plusieurs patientssuite à son administration, le statut de performanceinitial pourrait différer de ces normes habituelles.

Le dosage quotidien idéal et la durée du traitementrestent à déterminer de même que l'efficacité à longterme de ce médicament et son impact sur la survie.

Les résultats des études de phase III actuellement encours permettront probablement d'éclaircir certains deces points. Jusqu'à maintenant, le dosage quotidienrecommandé est de 400 mg (16, 17). Advenant uneprogression de la maladie lorsque le dosage initiald'imatinib était de 400 mg, les données récentessuggèrent qu'une augmentation de la dose journalièreà 600 mg pourrait s'avérer bénéfique chez quelquespatients (17). Bien que ces données soientencourageantes et incitent à pousser plus loin larecherche, elles ne concernent qu'un petit nombre depatients et ne permettent pas de tirer des conclusionsdéfinitives. Elles sont toutefois à considérer pour lebénéfice des patients. Des essais cliniques pourévaluer l'utilisation néo-adjuvante ou adjuvante del'imatinib sont déjà planifiés (8).

En considérant un dosage quotidien de 400 mg et leprix du médicament tel que fixé par le fabricant(24,35$ pour une capsule de 100 mg), le traitementcoûterait 97,40$ par jour par patient traité.

CONCLUSION

Même si aucune étude clinique de phase III n’estprésentement publiée, l’imatinib démontre uneefficacité et une innocuité qu’aucun autreagent thérapeutique n’a pu égaler jusqu’à maintenantdans le traitement des TSGI. Il demeure le seultraitement efficace. Toutefois, les conditionsoptimales d'utilisation, la durée de la réponse, leseffets à long terme et l'impact sur la survie ne sontpas connus et nécessitent la poursuite des recherches.

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RECOMMANDATIONS

Considérant les résultats encourageants obtenus dansles essais cliniques de phase I et II et en l’absenced’une alternative thérapeutique valable, l'utilisationde l'imatinib est recommandée dans le traitement despatients atteints d'une TSGI inopérable, récidivanteou métastatique en autant que le diagnostichistopathologique de TSGI avec présence durécepteur c-kit soit établi (recommandation de gradeB). Selon les études cliniques dont les résultats sontdisponibles, le dosage quotidien recommandé est de400 mg (recommandation de grade C). Le suivi despatients devrait comprendre, en plus des visitesmédicales régulières, un bilan hématologique,hépatique et rénal. Une évaluation radiologiquedevrait être faite aux huit à 12 semaines partomographie axiale, par résonance magnétique ou partomographie par émission de positrons pour mesurer

la réponse tumorale et justifier la poursuite dutraitement. S'il y a évidence de progression de lamaladie, une augmentation de la dose journalière à600 mg pourrait s'avérer bénéfique chez quelquespatients.

L'utilisation de l'imatinib dans un contexte detraitement néo-adjuvant ou adjuvant ne peutactuellement être recommandée.

Le présent document devra être mis à jour lorsquedes données probantes justifiant une modification desrecommandations actuelles seront publiées. Unerévision est prévue pour septembre 2003.

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RÉFÉRENCES

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ANNEXE

Lignes directrices de pratique clinique

Niveaux de données probantes

Niveau Type de preuve

I Preuve obtenue par méta-analyse de multiples essais cliniques, contrôlés et bienconçus. Essais avec répartition aléatoire (randomisés) présentant un faible tauxde résultats faussement positifs et faussement négatifs (puissance élevée).

II Preuve obtenue au moyen d’au moins un essai expérimental bien conçu. Essaiavec répartition aléatoire présentant un taux élevé de résultats faussementpositifs ou négatifs (faible puissance).

III Preuve obtenue au moyen d’essais quasi-expérimentaux bien conçus tels, essaissans répartition aléatoire (non-randomisés), avec simple témoin, avant-après, decohortes, chronologiques, ou encore essais cas-témoins appariés.

IV Preuve obtenue au moyen d’essais observationnels bien conçus tels essaiscomparatifs et descriptifs corrélatifs ainsi qu’études de cas.

V Preuve issue de rapport de cas et d’exemples cliniques

Échelle de recommandations

Grade Recommandation

A Preuve de type I ou observations concordantes provenant de multiples essais detypes II, III ou IV.

B Preuve de types II, III ou IV et observations généralement concordantes.

C Preuve de types II, III ou IV mais observations non concordantes.

D Peu, sinon aucune preuve empirique systématique

Référence : Cook-DJ; Guyatt-GH; Laupacis-A; Sackett-DL. Rules of evidence and clinical recommendationson the use of antithrombotic agents. Chest. 1992 Oct; 102 (4 Suppl): 305S-311S.

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LISTE DES AUTEURS ET DES RÉVISEURS

RédactionAuteur principal

Dr Réal Lapointe, chirurgien

Collaborateurs

Membres du comité des cancers digestifs hauts

Dr David Donath, radio-oncologueDr André Duranceau, chirurgien, coresponsableDr Peter Metrakos, chirurgien, coresponsableDr Marc Trudeau, oncologue médical

Membres du comité des cancers hématologiques

Dr Christian Carrier, hémato-oncologueDr Robert Delage, hématologue, responsableDre Christine Lambert, radio-oncologueDr Denis-Claude Roy, hématologueDr Chaim Shustik, hémato-oncologue

Révision et adoption

Le présent document a été révisé et adopté par leComité de l’évolution de la pratique et le Conseilquébécois de lutte contre le cancer.

Membres du Comité de l’évolution de la pratique

Dr Robert Arcand, pathologisteMme Nicole Beauchesne, infirmièreM. Alain Bureau, pharmacienDre Linda Côté-Brisson, pédiatre et hémato-oncologue – Centre de coordination de la lutte contrele cancer au QuébecM. Martin Coulombe, M.Sc., secrétaireDr Félix Couture, hémato-oncologue, vice-présidentDre Josée Dubuc-Lissoir, gynéco-oncologue,présidenteDr André Jacques, directeur de l’amélioration del’exercice – Collège des médecins du QuébecM. Jean-Marie Lance, conseiller scientifiqueprincipal – Agence d’évaluation des technologies etdes modes d’intervention en santéDr Réal Lapointe, chirurgienDr Jean Latreille, hémato-oncologueDr Bernard Lespérance, hémato-oncologueMme Marie-Paule Martel, représentante de lapopulationM. Stéphane Roux, pharmacien – Conseil consultatifde pharmacologieDr Luis Souhami, radio-oncologue

Membres du Conseil québécoisde lutte contre le cancer

Dr Pierre Audet-Lapointe, gynéco-oncologueMme Nicole Beauchesne, infirmièreDr Mark Bernstein, pédiatre oncologueMme Marie de Serres, infirmièreDre Marie-Josée Drolet, médecin spécialiste en santécommunautaireDre Josée Dubuc-Lissoir, gynéco-oncologueMme Danielle Ferron, pharmacienneDre Carolyn Freeman, radio-oncologueDr Jean Latreille, hémato-oncologue, présidentMme Huguette Lavoie, travailleuse socialeMme Ellen Paré, représentante de la populationDr Arnaud Samson, omnipraticien, vice-présidentDr Daniel Tardif, omnipraticienDre Linda Côté-Brisson, pédiatre et hémato-oncologue, représentante du CCLCQ

Secrétaire du Conseil québécois de lutte contre lecancer

M. Martin Coulombe, M. Sc.

Pour renseignements ou commentaires :

Secrétariat du Conseil québécois de lutte contre lecancer1075, chemin Ste-Foy, 9e étageQuébec (Québec) G1S 2M1Téléphone : (418) 266-6944Télécopieur : (418) 266-8974Courriel : [email protected]

Le genre masculin utilisé dans ce document désigneaussi bien les femmes que les hommes.

Dépôt légalBibliothèque nationale du Québec, 2002Bibliothèque nationale du Canada, 2002ISBN :2-550-40203-0