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Hémorragies digestives aiguës hautes et basses · digestive haute ou du milieu du tube digestif ont typiquement un taux d’urée sanguine plus élevé que les patients souffrant

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Page 1: Hémorragies digestives aiguës hautes et basses · digestive haute ou du milieu du tube digestif ont typiquement un taux d’urée sanguine plus élevé que les patients souffrant

ARTICLE DE REVUE 194

Prise en charge dans le quotidien clinique

Hémorragies digestives aiguës hautes et basses Dorothee Zimmermanna, Michael Christian Sulza, Christoph Knoblauchb

a Klinik für Gastroenterologie und Hepatologie, Kantonsspital St. Gallen; b Gastroenterologie und Innere Medizin, Kantonsspital Nidwalden

Epidémiologie

Les hémorragies digestives aiguës représentent des urgences médicales fréquentes. L’incidence annuelle des hémorragies digestives hautes est d’env. 1/1000 [1], associée à une mortalité d’env. 13% [2]. Le taux an-nuel d’incidence des hémorragies digestives basses est d’env. 1/4000 [3, 4]. Avec 2 à 4%, la mortalité est largement inférieure à celle des hémorragies diges-tives hautes [3].Des résidus de sang frais sur le papier toilette ou une légère évacuation de sang clair par l’anus sont très courants (env. 15% de la population [5]). Il convient de différencier autant que possible cette situation d’une hémorragie digestive basse aiguë. Dans le cadre de cet article, nous n’entrerons pas plus dans les détails de cette problématique difficile à classer.

Causes

Les causes les plus fréquentes d’hémorragies diges-tives hautes sont les ulcères peptiques suivis d’hémor-ragies variqueuses. En ce qui concerne les hémorragies digestives basses, les hémorragies diverticulaires sont

au premier plan. D’autres causes et les répartitions détaillées de fréquence sont mentionnées dans les tableaux 1 et 2.

Présentation clinique

Les patients avec hémorragies digestives hautes aiguës peuvent présenter une hématémèse, un méléna ou une hématochézie. L’hématémèse indique la plupart du temps une source hémorragique située dans le tractus gastro-intestinal supérieur, les vomissements de sang frais étant un signe d’hémorragie de degré modéré à sévère, en particulier s’ils sont associés à un méléna persistant et liquide. Le méléna n’est pas spécifique aux hémorragies digestives hautes, car l’hé-matine ne se forme pas uniquement par le contact du sang avec l’acide gastrique, mais également par la dé-composition bactérienne du sang dans le côlon lorsque le temps de transit est suffisamment long (source de l’hémorragie dans le côlon droit). L’intervalle de temps entre l’hémorragie et l’apparition de méléna est de 4 à 20 heures. Le méléna peut persister jusqu’à 5 jours après l’arrêt de l’hémorragie [6].

Quintessence

• Les hémorragies digestives aiguës hautes et basses représentent des

situations d’urgence fréquentes.

• L’anamnèse révèle souvent la présence ou non d’une hémorragie vari-

queuse et fournit les premières indications sur l’état de la coagulation.

• En première place se trouvent l’évaluation de l’état de la circulation et

sa prise en charge appropriée avec traitement médicamenteux selon

l’étiologie supposée, suivi d’un examen endoscopique. Celui-ci sert à

l’identification des causes, à la localisation du saignement et éventuel-

lement au traitement ou au marquage.

• Le moment idéal pour l’examen endoscopique dépend de l’état clinique

du patient et devrait en règle générale avoir lieu au cours des premières

24 heures.

• Au cas où l’intervention endoscopique ne parviendrait pas à stopper

l’hémorragie digestive, il est possible de recourir à la radiologie inter-

ventionnelle ou des procédés opératoires.

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Les hémorragies digestives basses se manifestent la plupart du temps par une hématochézie, parfois éga-lement par un méléna. Chez 10 à 15% des patients pré-sentant une hématochézie, la source de l’hémorragie se trouve dans le tractus gastro-intestinal supérieur, l’hémorragie ayant souvent un impact sur le statut circulatoire du patient [4]. En fonction de la perte de sang, des symptômes circulatoires tels que l’hypo-tonie, la tachycardie, la pâleur, les vertiges et même le choc hypovolémique peuvent survenir.

AnamnèseL’anamnèse fournit des indications précieuses sur les causes possibles de l’hémorragie et sur son étendue (tab. 3). L’anamnèse médicamenteuse est essentielle et doit déterminer la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et d’anticoagulants.

Examen cliniqueEn première place se trouve ici la mesure des para-mètres vitaux incluant la recherche de modifications orthostatiques. Au toucher rectal, un méléna ou du sang frais peut être mis en évidence, ce qui permet éventuellement de poser le diagnostic (carcinome rec-tal). L’évaluation de la situation circulatoire, la pose dans l’idéal de deux voies d’accès veineuses et la subs-titution volumique doivent avoir lieu dès que pos-sible. Une tachycardie de repos peut révéler une hypo-volémie mais n’est pas un signe obligatoire et est même absente chez les patients sous bêtabloquants. Une hypotonie orthostatique survient dès une perte de sang équivalente à 15% du volume total. Une hypo-tonie en décubitus suggère une perte de sang d’au moins 40% du volume [7].

LaboratoireAu début d’une hémorragie massive, le taux d’hémo-globine (Hb) peut encore se trouver dans la norme. La chute du taux d’hémoglobine ne devient apparente qu’après l’arrivée intravasculaire d’un flux plasma-

Tableau 1A: Causes et fréquences des hémorragies diges-tives hautes aiguës [17].

Cause Fréquence en %

Ulcères gastroduodénaux 38%

Varices œsophagiennes ou gastriques 16%

Œsophagite 13%

Aucune cause trouvée 8%

Tumeur 7%

Angiodysplasie 6%

Lésion de Mallory-Weiss* 4%

Erosions 4%

Lésions de Dieulafoy** 2%

Autres 2%

* Hémorragie d’une déchirure de la muqueuse œsophagienne.** Hémorragie d’une artère dilatée, sous-muqueuse, le plus souvent

localisée dans la partie proximale de l’estomac (anomalie congénitale).

Tableau 2: Causes et fréquences des hémorragies digestives basses aiguës [4].

Cause Fréquence en %

Hémorragie diverticulaire 20–48%

Angiodysplasie 3–40%

Tumeurs/polypes 6–15%

Colite/ulcère (maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, colite infectieuse/ischémique, vasculite et colite radique inclues)

6–21%

Cause anorectale (hémorroïdes, fissure anale, ulcère rectal)

3–14%

Divers (hémorragie postpolypectomie, fistule aorto-colique, hémorragie anastomo-tique, impaction des selles au niveau rectal)

5–28%

Tableau 1B: Causes rares des hémorragies digestives hautes [18].

Hémobilie (hémorragie des voies biliaires)

Hemosuccus pancreaticus (hémorragie du pancréas / canal pancréatique)

Fistule aorto-entérique

Lésion de Cameron (lésion au niveau du resserrement du diaphragme en cas d’hernie hiatale)

Tableau 3: Indications anamnestiques importantes pour de possibles causes hémorragiques.

Anamnèse Causes possibles de l’hémorragie

Cirrhose hépatique ou facteurs de risque de cirrhose hépatique Hémorragie variqueuse

Survenue de l’hémorragie suite à un vomissement Lésion de Mallory-Weiss (déchirure de la muqueuse œsophagienne provoquée par le vomissement)

Douleurs épigastriques ou prise antérieure d’antirhumatismaux non stéroïdiens (ARNS)

Ulcères gastroduodénaux

Diarrhée et douleurs abdominales Colite

Radiothérapie antérieure dans la zone urogénitale Angiectasies rectales postactiniques

Prothèse aortique Fistule aorto-entérique

Diverticulose connue Hémorragie diverticulaire

Antécédent de polypectomie dans le côlon Hémorragie postpolypectomie

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tique compensatoire. A l’inverse, après l’arrêt d’une hémorragie, l’Hb peut chuter sans qu’une hémorragie persistante en soit à l’origine. Il est décisif de détermi-ner très rapidement l’état de la coagulation sanguine du patient. Les patients présentant une hémorragie digestive haute ou du milieu du tube digestif ont typiquement un taux d’urée sanguine plus élevé que les patients souffrant d’hémorragie digestive basse, en raison des composants sanguins résorbés dans l’intestin grêle [8].

Traitement

L’objectif principal est une stabilisation adéquate de la circulation sanguine avec substitution volumique et surveillance étroite, si besoin en service de soins intensifs. Parallèlement, les troubles de la coagulation sanguine doivent être corrigés aussi rapidement que possible.Des concentrés plaquettaires doivent être envisagés chez les patients présentant une hémorragie active à partir d’une valeur de 50 × 109/l (50 G/l) [5]. Un INR (International Normalized Ratio) >1,5 doit, si cela est justifiable, être corrigé en priorité avec des facteurs de coagulation [2, 4]. En fonction du statut volémique du patient, il est également possible de recourir à un plasma frais congelé (PFC) (attention à la charge volu-mique). Au cas où, chez les patients sous Marcoumar® stables sur le plan clinique, l’INR se trouve dans la zone supra-thérapeutique, celui-ci doit être corrigé avant une éventuelle endoscopie. En général, une coagulo-pathie n’est toutefois pas une contre-indication pour une endoscopie d’urgence et ne devrait pas retarder celle-ci [2]. Avec les nouveaux anticoagulants tels que les inhibiteurs directs du facteur Xa (par ex. le riva-roxaban [Xarelto®]), une correction rapide de la coagu-lation n’est pas possible.

Transfusion de concentrés érythrocytaires: à quel moment?La décision d’une transfusion doit être prise indivi-duellement pour chaque patient. Des données relati-vement récentes indiquent qu’une stratégie conser-vatrice améliore le pronostic [9]. Généralement, en l’absence de symptômes, une valeur seuil de trans-fusion avec une Hb à 7 g/l est suffisante pour la plupart des patients, ce qui est associée à une issue plus posi-tive chez les patients sans mauvaise tolérance de l’ané-mie comparativement à une valeur seuil plus élevée [9]. Même en cas de comorbidités associées à une mau-vaise tolérance de l’anémie (par ex. en cas de cardio-pathie coronarienne), la limite transfusionnelle a été abaissée au cours des dernières années. Ainsi, en cas

de cardiopathie coronarienne stable, un taux d’Hb à 8 g/l est considéré comme suffisant chez les patients asymptomatiques [10]. Il n’existe pas de directives internationales ou nationales pour le syndrome coro-narien aigu, mais il convient d’observer les recomman-dations propres à la clinique (exemple de l’Hôpital cantonal de Saint-Gall: valeur cible Hb >9 g/l). Ce qui importe, en cas d’hémorragie aiguë, c’est que l’indica-tion de transfusion soit posée en accord avec les re-commandations de la clinique et non selon la valeur d’Hb. Ainsi, en cas d’hémorragie hyperaiguë associée à une instabilité hémodynamique et à des signes d’hémorragie active, des transfusions peuvent s’avé-rer nécessaires en dépit d’une Hb normale. Une trans-fusion trop agressive doit avant tout être évitée en cas d’hémorragies variqueuses car elle pourrait entraîner une élévation de la pression portale.

Stationnaire ou ambulatoire?En règle générale, les hémorragies digestives hautes sont traitées en stationnaire. Le score de Glasgow Blatch-ford (tab. 4) peut être utilisé pour évaluer le risque d’une intervention et apporter une aide dans la prise de décision, en particulier si aucune endoscopie n’est réalisable dans l’immédiat. Les patients présentant un risque très faible de saignement nécessitant une intervention (correspondant à un score de 0) peuvent être traités en ambulatoire, sans endoscopie d’urgence [11]. Il faut toutefois noter que le résultat endoscopique reste un paramètre capital pour l’évaluation du pro-nostic. Pour les hémorragies digestives basses, une mise au point ambulatoire peut se laisser défendre

Tableau 4: Score de Glasgow Blatchford [12] pour l’évaluation du risque d’hémorragie nécessitant une intervention.

Valeur Points

Urée (mmol/l)

6,5–7,9 2

8–9,9 3

10–25 4

≥25 6

Hémoglobine (g/l)

m: 12–12,9; f: 10–11,9 1

m: 10–11,9 3

m + f: <10 6

Pression systolique

100–109 1

90–99 2

<90 3

Pouls >100 1

Méléna 1

Syncope 2

Maladie hépatique 2

Insuffisance cardiaque 2

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pour les patients <60 ans présentant une légère hé-morragie avec arrêt spontané et sans symptômes circulatoires. En cas de doute, nous recommandons d’effectuer au moins une anorectoscopie.

Traitement médicamenteuxEn cas de suspicion d’hémorragie digestive haute, une administration empirique et à haute dose d’inhibi-teurs de la pompe à protons (IPP) est judicieuse chez tous les patients (par ex. 80 mg d’ésoméprazole par voie intraveineuse suivis de 8 mg/h en perfusion). L’administration des IPP avant l’endoscopie n’a été associée à aucune amélioration de l’issue clinique, mais elle a pu réduire la nécessité d’un traitement endoscopique [11].La suite du traitement par IPP dépend du diagnostic endoscopique de la cause de l’hémorragie.

Traitement en cas d’hémorragie variqueuseEn cas de suspicion d’une hémorragie variqueuse, des médicaments vasoactifs pour faire baisser la pression veineuse portale (terlipressine ou octréotide) doivent être administrés dès que possible, et ceci avant l’endos-copie, et pendant encore env. 5 jours après le traite-ment endoscopique. Il est ensuite possible de passer à des bêtabloquants non sélectifs (carvédilol, propra-nolol). En raison des taux élevés de complications in-fectieuses (par ex. péritonite bactérienne spontanée) chez les patients cirrhotiques, une prophylaxie anti-biotique est toujours indiquée chez ces patients (cipro-floxacine ou ceftriaxone), ce qui s’associe à une mor-talité diminuée [13].

Endoscopie – quand et comment?

Avant l’endoscopie, le patient doit être stabilisé. S’il n’a pas été clairement déterminé si l’hémorragie di-

gestive est haute ou basse, il est recommandé de pro-céder d’abord à une œsophagogastroduodénoscopie (OGD). Comparativement à la coloscopie, cet examen est réa lisé plus rapidement et est moins lourd pour le patient.

ŒsophagogastroduodénoscopieEn cas de suspicion d’une hémorragie variqueuse, l’endoscopie doit être réalisée aussi rapidement que possible [13]. Une OGD en vue du diagnostic et d’un éventuel traitement de l’hémorragie digestive haute est recommandée chez la plupart des patients dans les 24 heures, car une large étude rétrospective a montré que cette stratégie était associée à une mor-talité moindre [11]. Bien que les données sur le sujet soient contradictoires, une endoscopie réalisée dans les 12 heures en cas d’hémorragie digestive haute non variqueuse était associée à une meilleure issue cli-nique chez les patients dont les signes indiquaient une hémorragie massive (par ex. tachycardie, hypotonie, vomissement de sang frais) [11]. Etant donné qu’elle permet d’identifier les patients pouvant quitter rapi-dement l’hôpital, une endoscopie précoce peut réduire la durée d’hospitalisation et entraîner une réduction des coûts [11].A ce propos, il convient de noter qu’environ 80% des hémorragies digestives s’arrêtent spontanément. Il est donc bon, pour les patients âgés et/ou polymorbides qui restent stables sous traitement par IPP, de s’inter-roger sur une mise au point par examen endosco-pique: cet examen a-t-il une quelconque autre consé-quence?Prise 20 à 120 minutes avant l’OGD, l’érythromycine, efficace comme agent prokinétique, peut améliorer la visibilité pendant l’endoscopie au cas où beaucoup de sang est présent dans l’estomac, et ainsi éviter les endoscopies de «second look» [11].

Figure 1:

A Important ulcère duodénal (base au niveau de la flèche) avec hémorragie active abondante du vaisseau (double flèche).

Risque de récidive hémorragique très élevé en l’absence d’intervention.

B Hémostase réussie avec l’Hemospray® après utilisation d’une pince hémostatique (Coagrasper®) et administration

d’adrénaline 1:10 000 sans succès. L’Hemospray® couvre toute la base de l’ulcère.

A B

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Avant l’OGD, une intubation est judicieuse pour pro-téger les voies respiratoires du patient d’une éven-tuelle aspiration en cas d’hématémèse massive, de conscience altérée ou de problèmes pulmonaires. L’in-dication d’une intubation est particulièrement valable en cas de suspicion d’hémorragies variqueuses.

Hémostase endoscopiqueEn cas de mise en évidence d’une hémorragie active, l’indication d’une hémostase endoscopique est bien évidente. Même en cas d’indices suggérant un risque élevé de récidive hémorragique, les méthodes d’hé-mostase endoscopique sont indiquées dans une dé-marche prophylactique. Des exemples d’images endos-copiques avec lésions aux activités hémorragiques différentes sont disponibles dans les figures 1 à 7.Les traitements endoscopiques sont recommandés en cas d’hémorragie active, de moignon vasculaire

visible et éventuellement de coagulum visible [11]. Il existe différentes méthodes thermiques (électrocoa-gulation avec Gold Probe™, Heather Probe ou Coagras-per) ou mécaniques (injection d’adrénaline combinée, pose de clips hémostatiques, injection d’un produit sclérosant). Grâce à l’Hemospray® et à l’OTSC® (Over-The-Scope Clip), deux nouvelles méthodes son dis-ponibles depuis quelque temps pour l’endoscopiste. Hemospray® est une poudre minérale actuellement autorisée dans le traitement des hémorragies diges-tives hautes (non variqueuses) qui peut être pulvéri-sée sur la source hémorragique via un cathéter et qui est associée à un taux élevé de succès (fig. 1A et B) [14]. En cas d’hémorragie digestive basse, il est possible de recourir à l’Hemospray® dans le cadre d’une pres-cription off-label. Cette méthode est avant tout desti-née aux hémorragies qui sont difficilement acces-sibles avec d’autres méthodes ou lorsqu’une surface

Figure 3: Ulcère duodénal avec saignement et vaisseau

couvert de coagulum (flèche), risque élevé de récidive hémor-

ragique.

Figure 4: Lésion de Dieulafoy dans le corps de l’estomac

avec coagulum, associée à un risque de récidive hémorragique

moyen .

Figure 2:

A Hémorragie active abondante d’une lésion de Dieulafoy dans le cardia.

B Recherche de la lésion à l’aide du bouchon (flèche), pour application de l’OTSC.

C Après la pose des clips (double flèche), l’hémorragie s’arrête.

A B C

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plus importante est touchée, comme en cas d’hémor-ragie tumorale, d’ectasie vasculaire antrale gastrique (EVAG), d’angiectasies multiples ou d’ulcères/érosions

multiples minuscules au saignement diffus. L’OTSC® (fig. 2A–C) est un clip nettement plus gros que les clips habituels qui se place également de manière endoscopique (également appelé «berce» en raison de sa forme), et avec lequel un volume tissulaire plus important peut être saisi avec une pression net-tement plus importante qu’avec les clips classiques. Il est possible de recourir à l’OTSC® en cas d’échec des traitements conventionnels et dans des situations particulières telles qu’en présence de lésions de Dieu-lafoy [15, 16]. Après une hémostase endoscopique, les patients sont surveillés en stationnaire pendant 72 heures dans la plupart des cas.En plus des stigmates hémorragiques endoscopiques, l’âge avancé et les comorbidités sont des facteurs clés ayant un impact sur le risque de récidive hé-mor ragique. Le score de Rockall (tab. 5) est utile pour l’évaluation de ce risque ainsi que pour celui de morta lité.Les varices œsophagiennes hémorragiques sont d’abord ligaturées avec des bandes de caoutchouc. Dans de rares cas, l’injection d’un produit sclérosant peut s’avérer nécessaire. En cas de varices gastriques, l’injection d’une colle de fibrine se présente comme le traitement standard. Chez les patients présentant un risque élevé d’échec thérapeutique ou en cas de réci-dive hémorragique, la pose d’un TIPS (Transjugular Intrahepatic Portosystemic Shunt, ou shunt intra- hépatique par voie transjugulaire) doit être envisa-gée. Des ballons tampons ou des stents temporaires peuvent être utilisés comme shunts en cas d’hémor-ragie non maîtrisable par voie endoscopique [13].

ColoscopieEn cas d’hémorragie digestive basse, la source se trouve la plupart du temps dans le côlon. En consé-quence, la réalisation d’une coloscopie après purge préalable est en général la première étape de la mise au point. Le moment optimal pour une coloscopie est sujet à controverse. Selon certaines indications, une coloscopie précoce (dans les 12 heures) pourrait amé-liorer l’issue diagnostique et thérapeutique [4]. Etant donné que la plupart des hémorragies s’arrêtent spontanément, une coloscopie semi-élective (après >24 heures) est suffisante dans la plupart des cas [5]. En cas de suspicion d’hémorragie dans la partie distale du rectum ou au niveau du sigmoïde, une sig-moïdoscopie non préparée peut suffire en phase aiguë. Les méthodes de l’hémostase endoscopique sont semblables à celles utilisées pour les hémor-ragies digestives hautes. En général, il est plus rare de détecter une source hémorragique active en cas d’hémorragies digestives basses.

Figure 5: Ulcère duodénal avec dépôts d’hématine

(faible risque de récidive hémorragique, aucune intervention

nécessaire).

Figure 6: Ulcère duodénal recouvert de fibrine sans stigmates

hémorragiques.

Figure 7: Diverticule du côlon avec vaisseau apparent (flèche).

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Radiologie et chirurgie

Le diagnostic radiologique (en premier lieu l’angiogra-phie par tomodensitométrie) a son importance en cas d’hémorragies digestives actives sévères pour les-quelles la source hémorragique n’a pas pu être détec-tée par voie endoscopique, pour lesquelles l’hémostase endoscopique est restée sans résultat ou pour les-quelles une endoscopie n’est pas réalisable en raison d’instabilité circulatoire [2, 4]. Lors de l’angiographie, il est nécessaire d’avoir un débit hémorragique d’au moins 1 ml/min en vue de sa détection [4]. L’avantage réside dans la possibilité d’une hémostase interven-tionnelle (par ex. à l’aide de spirales métalliques). La scintigraphie est plus sensible mais moins spécifique que l’angiographie, et a l’inconvénient d’être dépour-vue d’options thérapeutiques [5]. Ainsi, la scintigraphie a plutôt un rôle à jouer en cas d’hémorragies légères et intermittentes.Un diverticule de Meckel, rare source hémorragique chez les jeunes patients, peut être diagnostiqué au moyen d’une scintigraphie.Au cas où ni une hémostase endoscopique ni une hémostase radiologique interventionnelle n’aboutit à l’arrêt du saignement, un traitement opératoire s’avère nécessaire dans de rares cas.

RemerciementsNous remercions le Dr Hansjörg Bucher (titre FMH de médecine géné rale, cabinet à Engelberg) pour sa revue critique du manuscrit et ses précieux conseils.

Financement / Conflits d’intérêtsLes auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts financier ou per-sonnel en rapport avec cet article.

Références La liste complète et numérotée des références est disponible sur www.medicalforum.ch.

Tableau 5: Score de Rockall pour l’évaluation du risque de récidive hémorragique et de mortalité [17].

Points 0 1 2 3

Age (années) <60 60–79 >80 –

Pouls <100 >100 – –

Pression systolique Normale >100 <100 –

Comorbidité Aucune – Insuffisance cardiaque, cardiopathie coronarienne, autres

Insuffisance rénale, insuffisance hépatique, tumeur maligne métastatique

Diagnostic Lésion de Mallory-Weiss ou aucune lésion visible

Tous les autres Tumeur maligne du tractus gastrointestinal supérieur

Résultat endoscopique Aucun stigmate hémorragique ou couche d’hématine

Sang visible, coagulum adhérent, vaisseau, hémorragie active

Mortalité: Risque de récidive hémorragique: 0–2 points: 0%; ≥8 points: >40% 0–2 points: <5%; ≥7 points: >40%

DéfinitionsHémorragie digestive haute:Source de l’hémorragie en amont de l’angle de Treitz (œso-phage, estomac ou duodénum);Hémorragie digestive du milieu:Source de l’hémorragie entre la jonction duodéno-jéjunale et la valvule iléo-cæcale;Hémorragie digestive basse:Source de l’hémorragie en aval de l’angle de Treitz (jéjunum, iléon, côlon);Hématémèse: Vomissement de sang (sang frais ou vieux sang couleur café);Melæna:Méléna (selles noircies par l’hématine);Hématochézie: Evacuation, par l’anus, de sang frais (clair);Hémorragie digestive apparente: Hémorragie accompagnée de signes clairs d’hémorragie tels que vomissement de sang ou évacuation de sang par l’anus;Hémorragie digestive occulte: Hémorragie sans signes cliniques d’hémorragie (souvent ac-compagnée d’une anémie);Hémorragie digestive obscure: Hémorragie digestive apparente ou occulte pour laquelle au-cune source de saignement n’est trouvée malgré un examen endoscopique.

Correspondance: Dr Christoph Knoblauch FMH Gastroenterologie und Innere Medizin Kantonsspital Nidwalden Ennetmooserstrasse 19 CH-6370 Stans Christoph.Knoblauch[at]ksnw.ch

Entéroscopie et endoscopie par capsule

Au cas où l’OGD et l’iléocoloscopie ne permettent pas de détecter la source hémorragique, et que plus aucune hémorragie active et hémodynamique perti-nente n’est présente sur le plan clinique, les sources hémorragiques doivent être recherchées dans l’intes-tin grêle au moyen d’une endoscopie vidéo par cap-sule. Si cet examen montre des lésions nécessitant un traitement, l’entéroscopie haute et/ou basse à double ballon (examen réalisé à l’aide d’un long endoscope équipé d’un ou deux ballonnets, qui permet en quelque sorte «d’enfiler» l’intestin) et l’entéroscopie haute partielle (endoscopie haute avec un coloscope pour enfant) peuvent être mises en œuvre de ma-nière ciblée.

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Management im klinischen Alltag

Akute obere und untere gastrointestinale Blutung

Prise en charge dans le quotidien clinique

Hémorragies digestives aiguës hautes et basses

Literatur / Références

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