histoire 45-74 modernisation et ambiguité (très bon cour)

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Histoire Contemporaine S6 La Modernisation et ses ambiguts (1945 1974)Introduction : En 1945 la ncessit de la modernit devient une vidence : on ne le discute pas, tout le monde est unanime. Jusque l cela se discutait, la modernit nest pas une ide nouvelle mais lide traditionaliste a toujours, jusque l, fait contrepoids. partir de 1945, le traditionalisme ne fait donc plus le poids. La modernisation nest plus conteste. On ne date pas la fin de la ncessit de moderniser pour la simple raison quelle nen a pas. Cependant, ds les annes 70, ce nest plus une vidence. Faut-il rellement tout moderniser ? Nous allons donc regarder cette poque o la modernit est vidente et inconteste. L'mergence de l'cologie et le retour de la rflexion sur le temps de travail aprs 68, mettent mal cette logique et cette unanimit. Il est ncessaire de se rinterroger sur les connaissances qu'on a acquises de cette priode, sur la manire de les structurer et les catgories qu'on en fait : histoire conomique, histoire politique des IV et Ve Rpubliques, dcolonisation,...) Pourquoi en arrive-t-on un systme comme la IV Rpublique ? L'assemble constituante a ses raisons que l'on doit identifier. Pour cela il faut prendre du recul sur le jugement aprs coup qui est un peu facile. Il faut se transporter et s'loigner des valeurs de jugement en considrant ces gens comme diffrents mais pas plus idiots Il faut dcloisonner les catgories pour rendre compte de l'poque. Pour cela nous allons suivre plusieurs pistes. I La Question nationale : cl majeure Cest une question trs forte au XIXe et pendant la 1re moiti du XXe sicle. Mais cette question doit aussi tre pose dans la priode dtude pour la comprendre. Cest moins vident La question nationale explose la figure des franais, ils ne l'avaient pas prvue... Les 2 catgories de nationalisme (indpendance, puissance) ne sont distinctes. Le nationalisme en 45 mlange les 2 : c'est une force de pense qui par les vnements. De 1940 1945, l'ide nationale est bouleverse par la guerre, la explication ptainiste : le manque de volont et de force nationale. La force pas strictement est bouleverse dfaite, et son nationale a t 1

corrompue par la mollesse, les trangers, et les juifsCe discours nationaliste se dcompose la libration au profit de celui de la rsistance. Il prend alors plusieurs aspects : - La dfense de la dmocratie - Le patriotisme : il est tel que mme les antidmocrates rejoignent la rsistance et tel que les trangers de la rsistance seront en difficult. Le nationalisme de 45 est donc vif et aigu. De Gaule fait attention ne pas se faire influencer : la question de l'indpendance nationale franaise fait des dbats incessants Largument national est fort dans le dbat politique. Les anti-communistes parlent de sovitique du PCF pour mettre en vidence leur soumission Moscou, on accuse souvent en IVe Rpublique de ne pas suivre lexigence nationale. Les colonies se rapportent la question nationale et patriotique. La France a gagn aussi grce son empire colonial. Cest la France et ses colonies qui ont gagn. On les considre franaises. Il y a une reconnaissance et lide du changement et de la modernit concerne la mtropole mais aussi ses colonies. Cest une ide forte, beaucoup de franais veulent aller dans les colonies pour les moderniser. La vie des franais est touche par la question coloniale Cest un lment majeur et dcloisonn. II La Question de la dmocratie Les franais de 45 rejettent la dictature. Ils lon subit pendant la guerre et n'en veulent pas. Vichy tait autoritaire, antiparlementaire, le pouvoir sest mis trs vite en place en juillet 40 en 3 actes : le 11 juillet, c'est l'abolition de la rpublique, Ptain cumule le rle de chef d'Etat et de chef du gouvernement, il met fin la sparation des 3 pouvoirs. Ceci se fait sans hostilit suffisante en 40 mais le rejet est massif en 44-45. On rejette galement la IIIe Rpublique car tout une srie d'acte de cette priode, notamment dans les annes 30, sont jugs fautifs d'avoir facilit la guerre et l'occupation. En juillet 40 la rpublique sest suicide, les parlementaires ont vot la destruction de la rpublique en accordant massivement les pleins pouvoirs Ptain (570/84). La rpublique nest pas juge la hauteur au moment de l'invasion de la Pologne, de la remilitarisation de la Rhnanie, de Munich. Elle aurait du intervenir : les hommes et le systme sont mis en cause. Il faut donc une rpublique dmocratique mais une rpublique dmocratique moderne. Il faut refonder la rpublique ! Quest ce quune rpublique moderne ? Cest une rpublique efficace, qui prend des dcisions mais se mfie du pouvoir autoritaire. La IIIe Rpublique avait un Snat qui bloquait lefficacit politique. On veut retrouver une efficacit originelle. La force de ce dbat on la retrouve en 58 : des centaines de milliers de gens manifestent alors contre la dictature, pas uniquement des extrmistes. La peur de la dictature est donc une cl de la comprhension de la IV Rpublique.

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III LAvenir, une vidence partage Le prsent des franais de 45 58, et aprs galement, est guid par la certitude dun avenir structur et important devant eux. Cela structure la faon dont ils vivent au jour le jour. Les franais ont une conviction que lavenir est net. Lide de tradition est largement disqualifie car Vichy sest appuye sur des thmes traditionnels : l Etat franais condamne la volont de moderniser des annes 30. Les traditions utilises sont le travail, un type particulier : le travail traditionnel (agriculture, artisanat) mais pas la grosse industrie, le salariat ou le fonctionnariat. La famille est revalorise car cest le berceau de transmission des traditions. Cela se joue notamment par le statut de la femme. Des forces traditionnelles ont soutenu Vichy : lEglise, larme (jusquen 43), les campagnes (paysans) courtises par la propagande mais loin dtre unanime donc pas un soutien rel, la grande bourgeoisie a trs fortement soutenu, la majorit des fonctionnaires (continuit de l'Etat), et les classes moyennes traditionnelles. Il y a, en 45, lide de bousculer tout cela pour moderniser la socit. Il faut pour a ne par avoir peur de vouloir, rfrence la rsistance, une poigne dhomme en 40, qui a gagn par force de volont. Cest une ide dcisive, notamment lors des mouvements des colonisateurs et laveuglement franais. On na jamais raison dtre pragmatique ou raliste. Ce sont les grandes puissances modernes qui gagnent, les franais sont fascins par les grandes puissances : Etats-Unis comme URSS. Il y a plusieurs ides autour : ces pays voient grand donc il faut avoir de lambition (colonisation, plan quinquennaux, projets de transformation de tout sur des plans, importance de la science). La modernit rconcilie tous les franais, elle en exclue seulement une toute petite minorit. Pour la trs grande masse, les franais ont t pour et contre Ptain et pour et contre la rsistance. On dit que la tradition a dirig vers la collaboration donc seule une minorit de franais a rellement collaborer. Il faut maintenant aller de l'avant ensemble. En 45, on ne recasse pas le pass, on commmore mais on ne senlise pas. Cest la gnralisation daprs qui va interroger la guerre et Vichy.

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Chapitre 1 Les franais et Vichy : du dsarroi au rejetIntroduction : Une ide importante a t dveloppe par un historien, Pierre Laborie, du penser double. Cette ide est importante en ce que lon peut penser Vichy, penser la Rsistance ou encore penser les deux comme aucun des deux Il est important, pour comprendre cette poque, que les franais ont t pour Vichy et pour la Rsistance. Cest difficilement concevable en mme temps mais selon le contexte et lenjeu, on peut avoir de la sympathie pour la Resistance ou soutenir Vichy. Il ny a pas de manichisme Pour autant que lon puisse parler dopinion des franais, elle a considrablement chang au court de cette priode I Une Opinion en volution A Le Dsarroi du dbut Ce dsarroi du dbut prend sa source dans loffensive militaire allemande. Cette offensive contourne la Ligne Maginot par le nord. Le 10 mai, cest lattaque contre les PaysBas pour contourner les dfenses franaises, le 4 juin, la prise de Dunkerque et lemprisonnement dune partie de larme. Le 14 juin les allemands marchent sur Paris, le lendemain la plupart des grandes villes sont aux mains des nazis (sauf Marseille). Le 22 juin larmistice est signe. Cette courte priode compte 100 000 victimes. Cest une vraie guerre, les combats sont trs forts et trs intenses. 2 millions de prisonniers de guerre sont transfrs en Allemagne. Cette offensive se fait contre les civils comme contre les militaires. Les nazis ont une stratgie de terreur pour faire fuir massivement la population civile sur les routes du sud afin bloquer larme franaise (cependant comme ils avanceront plus vite que prvu, les civils seront dans leurs pieds). Il y a au moins 6 millions de franais sur les routes. Cet exode massif pose vite des problmes de logement et de nourriture touchant au bas mot de la population. Cette situation va causer un traumatisme dans les consciences. Larmistice sign par Ptain semble tre du bon sens face la droute. Les 1ers discours de Ptain au sujet de la guerre sont perus dans un contexte particulier. Ltat desprit des franais est de retrouver un foyer, voire de rentrer chez eux. La faillite est indiscutable et est impute au gouvernement prcdent. Ptain a donc de lcho dans sa volont de faire arrter la guerre. B Ptain comme figure rassurante Ptain est, pour les franais de 40, un patriote. Il est parmi les hros de la 1re Guerre Mondiale. Cest lun des tats-majors les plus humain et attentif ses troupes et aux soldats de manire gnrale Cette aura est confirme par les journaux comme par les nombreux tmoignages

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Cela ne lempche pas dtre un conservateur radical. Cependant il a toujours fait peu de politique ou est rest discret ce niveau. On voit donc essentiellement sa face patriotique. Il a 84 ans en 1940, il prtend ne plus avoir gagner pour sa carrire et agir dans lintrt des franais. Cest crdible, personne ne pense son anti-rpublicanisme. Il jouit dun crdit de confiance considrable mme sil nest pas suivi dans tout. Les franais, en effet, ont une hostilit envers les allemands. Ils nadhrent pas un idal nazi sauf dans une petite minorit fanatique. Lhostilit saccentue dautant plus avec larmistice. La Rvolution Nationale pour pouser les valeurs du Reich passe mal. Il y a un sentiment de sympathie pour les anglais qui continuent la guerre. Il ny a pas de rejet lide daider les espions anglais. Il ny a aucune animosit mme avec les bombardements et malgr la propagande de Vichy. On est donc bien dans le penser double . Le PCF, qui nest pas encore ce quil sera en 44-45, adopte depuis septembre 39 une ligne politique troublante suite au pacte de non-agression germano-sovitique. Ainsi le parti axe sa campagne contre lennemi nazi. Cest droutant pour lopinion. Cette position favorise lappuie des franais Ptain qui est constant. Le PCF est rprim pour cela ds le dbut de la guerre. C Evolution progressive Il y a une progressive dfection de Vichy. Lt 41 est un moment important, Ptain dit sentir un vent mauvais se lever . quoi cela correspond ? Tout dabord, lAllemagne dclare la guerre lURSS, le PCF rentre ainsi dans le Rsistance. En outre, lexprience d1 an doccupation allemande ne joue pas en faveur de Ptain. Dans lhiver 42, il y a une offensive allie en Afrique du Nord et une prise de contrle des allemands sur la totalit du territoire franaise. Cest aussi le moment de Stalingrad qui marque la fin de lavance nazie lest. Lenvoie en STO de jeunes est aussi important car touche directement et indirectement normment de franais. Des perscutions plus lourdes contre les juifs se dveloppent. Mme si les juifs nattirent pas de sympathie, la vision de la perscution suscite de la rprobation. Il y a donc un vague de pens contre la politique de Ptain et un renforcement de la Rsistance. Lopinion lgard de la Rsistance change galement. Si on parlait jusque l de rveurs, illumins qui ne battent pas de la bonne manire et ne pensent pas aux graves consquences de leurs actes, un sentiment de sympathie sinstalle dsormais. II Le Contrle allemand et la collaboration Les conditions de larmistice sont lourdes : occupation, paiement dun tribut, reprise de territoires, dsarmement de la marine, conservation des prisonniers, livraison des rfugis allemands. Ptain cherche obtenir la libration des militaires rests prisonniers (cest son rle de chef militaire) mais les allemands retardent et donne de plus en plus de conditions, le pige est efficace. A LOccupation

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La France du nord est occupe, lAlsace-Lorraine est nazifie , les populations ayant fuit de ces rgions et se revendiquant franaise ou qui sont juives ne peuvent rentrer chez eux. Le Nord-Pas-de-Calais est annex la Belgique. Vichy a autorit sur la zone libre et sur tous les fonctionnaires (mme dans le nord). La tutelle allemande est cependant bien plus forte dans le nord. B La Collaboration Le principe de la collaboration de Vichy est entrin ds larmistice et mme officialis au bout de quelques mois la suite dune entrevue clair entre Hitler et Ptain. Il y accepte la collaboration. Pour Vichy il sagit de daffirmer le fonctionnement de l Etat Franais , maintenir ses prrogatives dans un cadre gnral de domination de lAllemagne. Ceci ne gne en rien lautorit allemande. Les allemands nont aucune envie dadministrer la France car cela demande de crer des structures administratives. Ils sont bien contents que l Etat Franais sen charge et rassure les franais. Ils ont juste un contrle ncessaire des centres de dcision franais. En matire de police, la collaboration sinscrit en 42 avec un accord pour la rpartition des tches. Les allemands protgent leurs ressortissants (soldats, policiers,) et les franais soccupent du reste. La France a cur montrer quelle peut le faire elle-mme. Les allemands ont besoin de main duvre et font donc travailler les prisonniers de guerre. Il en faut cependant encore, Vichy invente donc la relve qui change 3 ouvriers envoys en Allemagne contre la libration dun prisonnier de guerre, sur la base du volontariat avec incitation financire. Les volontaires manquent donc lAllemagne met en place le STO la place du service militaire. Cette dcision du STO touche plus de 600 000 jeunes grce lefficacit de la gendarmerie. Les jeunes ne voulant pas partir renforcent normment la Rsistance. C Vichy sous pouvoir allemand partir dautomne 42, la ligne de dmarcation sarrte puisque lAllemagne sinstalle sur lensemble du territoire franais. La tutelle allemande devient systmatique. Les frais doccupation augmentent galement, cest un effort de guerre pur et simple qui est demand. Toute lconomie franaise est troitement centre vers cet effort de guerre : agriculture, transport et industrie. La Resistance comme la rpression se durcissent. La main mise allemande sur la police augmente, une Gestapo spcifiquement franaise est cre. III Une Vie quotidienne prouvante A Les Rquisitions Les rquisitions sont trs lourdes. Les allemands prlvent environ la moiti de la production. Ces rquisitions touchent tout le pays et tout type de production. LAllemagne voit dans la France un rservoir de provision permettant la libration de la main duvre allemande pour larme. 6

Aprs le tribut doccupation, lAllemagne cherche simplement prlever le maximum possible. Les dirigeants allemands considrent que les franais ne travaillent pas assez et consomment trop Tous les prlvements sont prioritaires tous les niveaux (transport, stock,) La France marche de ce que la priorit allemande lui laisse. B Le Rationnement Le Rationnement est mis en place trs rapidement, ds septembre 40 avec lactivation de cartes de rationnement. Ces cartes sont distribues aux chefs de famille en fonction du nombre de membre du foyer et leur statut. La possession de ces cartes ne dispense pas de payer le produit concern. Ces cartes donnent droit 1300 calories par jour. Avant la guerre les franais en consommaient environ 3000. Cette ration diminue 1200 en 43. Dans la pratique, les droits ne sont pas satisfaits car les marchands nont pas forcement ce quil faut : il y a des jours avec et des jours sans. Cette situation aggrave les difficults. Les franais ne sont pas surs de trouver ce dont ils ont besoin donc se ruent aux magasins une fois leurs tickets obtenus crant des files dattentes normes Paralllement il y a naturellement un dveloppement brutal du march noir. Les prix sont cependant considrables, de 2 8 fois plus chers que le march officiel. partir de 1942, le march noir est toujours interdit mais ladministration en tient compte dans ses calculs Les consquences sont nombreuses en matire dalimentation et de froid. Il est par exemple interdit de vendre du pain frai car il est consomm trop vite. On va au restaurant avec son pain, les files dattente se commencent ds la nuit, on se relaie en famille. Certains matriaux comme le cuir disparaissent, on crer des sabots en carton ! Toute les sources dnergie et donc de chaleur sont rduites (charbon,..), le chauffage sen ressent donc. Les transports deviennent inaccessibles, la bicyclette se dveloppe. Les villes changent de paysage, on cultive tout ce quon peut (parc, jardins publiques, terrasses,). Les parents de citadins ont le droit denvoyer des colis alimentaires, on a donc un 3e rseau dchange de vivre. Cette pnurie est loin dtre gale, les ruraux sen sortent mieux que les citadins. Certains mtiers sen sortent bien (commerce, agriculture,) et dautres non (salariat,). Certains groupes sociaux citadins sen tirent vraiment trs mal (ouvriers, retraits,), la mortalit augmente de faon trs nette. Les mentalits sont conditionnes par cette survie des franais, laissant peu de place aux ides de collaboration ou de Rsistance. Lexprience de ces 4 ans compte normment dans les mentalits transmises aux gnrations futures.

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Chapitre 2 La Refondation manque de la rpublique (45-46) Ce moment est marqu par une esprance norme lie lide de libration, lide de mettre fin la pnurie et la survie. Lespoir politique est trs important. Le programme du CNR est un consensus de fronts politiques trs larges. Il a des aspects politiques et sociaux autour de la refondation dune dmocratie rpublicaine. Une partie du programme conomique et social est appliqu mais le programme politique est moins vident. I Tourner la page ? On est confront au problme et la ncessit de tourner la page de Vichy. A La Rsistance change de rle La Rsistance passe de la contestation la prise de responsabilit et la position dcisionnelle, du combat contre le pouvoir au pouvoir, face au retrait allemand et leffondrement de Vichy. Ce basculement est brusque dans chaque lieu mais gographiquement progressif (vague de libration). Le vide du pouvoir est vite (voire instantanment) combl par les rsistants, aillant parfois eux-mmes bouter le pouvoir en place. Les Rsistances se sont accordes pour le GPRF cr avant le dbarquement, il est prsid par De Gaulle. Cest un cadrage minimum. Cependant, De Gaulle doit remplacer les administrateurs, il nomme des hauts commissaires de la libration qui contrlent les prfets, mais le gros de machine reste identique. Je vous recommande de parler trs haut et trs fort au non de la Rpublique Franaise. De Gaulle. Le gnral veut ainsi contrer lide des Etats-Unis qui ne pense pas fiable un gouvernement autonome franais et qui veulent mettre un gouvernement sous tutelle. Les Etats-Unis ne donnent pas spontanment crdit au gouvernement. De Gaulle dclare cela galement par rapport la rsistance qui prend le pouvoir localement. Il se passe en effet un certain temps avant larrive du haut commissaire. Un temps pendant lequel la Rsistance a un pouvoir fort, parfois autoritaire. Il veut normaliser et faire entrer ces comits dans le cadre. Ce nest pas toujours vident, ces rsistants ont pris les armes, ils exercent leur autorit grce une lgitimit acquise souvent par elles. Le gouvernement officiel cherche un retour la normal au niveau de larmement. Cest un moment de tension importante, les rsistants sont attachs leurs armes face une police et une gendarmerie qui a collabor. La situation est dautant plus dlicate que le PCF pse trs lourd dans ces organisations. Le GPRF ne prvoit aucune transformation vers le socialisme. Les dirigeants du PCF vont cependant appeler rendre les armes en octobre 44, la guerre nest pas finie. Les Rsistants peuvent ainsi garder les armes et se rendre au front ou rendre les armes et redevenir civils. Les Compagnies Rpublicaines de Scurit (CRS) sont cres pour garantir lordre. 8

B Juger Vichy ? Selon De Gaule, Vichy na jamais eu de lgitimit. De la guerre la fuite de Ptain, le pouvoir est Londres. Que faire des administrateurs. Il y a une collaboration condamnable en justice. Il y a des procs, 2 types pour 2 sortes dpuration : 1 Dans limmdiat (parfois quelques heures aprs), souvent faits linitiative des Rsistants : ils sont sommaires. On y condamne des miliciens, civils, femmes, Cest trs brutal et dmonstratif : 9000 personnes sont ainsi tues. 2 Plus rgulire, quand lEtat reprend en main les choses, arrte, juge et condamne. Il y a 126 000 arrestations, encore plus de dossiers tudis, la moiti de condamns (70 000), environ 40 000 prisonniers, 7 000 condamns mort, 767 excutions. Les collaborateurs visibles sont condamns plus durement que ceux qui sont rests discrets. Les fonctionnaires sen sortent plutt bien. Ils sont jugs par des instances administratives. Largument de lobissance aux directives pse. La justice est rgulire : pouvoir se payer ou non un avocat joue dans le rsultat des procs. Plus le temps passe, plus les verdicts sont clments. Certaines voix slvent pour condamner la souplesse La justice franaise est plus clmente en France quaux Pays-Bas, Belgique dautant plus que les condamnations sont partiellement appliques. 3 ans aprs la Libration, la plupart des condamns sont librs, la totalit aprs 8 ans. Un malaise franais sinstalle entre la version officielle de la minorit collaboratrice et le sentiment dune justice libratrice trop clmence. II Quelle rpublique ? Le retour des dsaccords ? Il sagit de faire une Rpublique moderne et efficace. A Changement dans le monde politique Le suffrage universel slargit enfin aux femmes, la France avait pris un certain retard ce niveau par rapport aux autre pays industrialiss. Cette avance ne va pas radicalement changer lordre politique. Les partis de la droite antrieure sont effacs ou disqualifis pour leur collaboration. Cependant on trouve des collaborateurs dans tous les partis, il y a des renouvellements importants dans chacun dentre eux avec des rsistants. Le MRP est cr, le PCF ressort trs puissant, son implication et son efficacit dans la rsistance, lie son exprience, a t dterminante. Ce Parti des fusills a 400 000 adhrents en 44 et 800 000 en 46. Malgr le consensus de la Rpublique souhaite, les discutions se passent relativement mal : 2 visions dopposent rellement, donnant lieu un dbat politique dun an et demi en France. Il se traduit par des lections successives : - Rfrendum sur le principe - Assemble Constituante - Rfrendum sur le projet

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Le premier projet de lAssemble Constituante est labor doctobre 45 mai 46, il propose une Rpublique Parlementaire mais est rejet. Les dbats ont t trs vifs autour du pouvoir prsidentiel, notamment entre De Gaule et la majorit des dputs socialistes et communistes. Le projet qui aboutit sinspire largement de la Rvolution Franaise Les citoyens le refusent Une 2e constituante lue labore un projet qui fait plus consensus, il donne un quilibre entre une Assemble Nationale prdominante et un gouvernement et un prsident existant mme si secondaires. Il retrouve des principes de la IIIe Rpublique De Gaule a donc perdu le premier dbat lAssemble Constituante et le 20 janvier 1946, il dmissionne. Il donne comme raisons quil a accomplit sa mission de libration et qutant plus en accord avec les dputs, il ne dsire pas faire un coup de force. Cest la premire relle cassure du mouvement de la Rsistance. La vie politique continue cependant sans lui, chose quil navait pas rellement prvu, il devient alors un homme politique dopposition. Fait campagne contre les 2 propositions de constitution et crer le RPF en 47, un parti gaulliste et anti-communiste. Ses succs lectoraux (notamment municipaux) sont importants. Aprs le dpart de De Gaule, le 1er projet de la constituante est donc refus par le peuple. Le 2e projet, ratifi, est plus modr (le PS et le PCF ont mis de leau dans leur vin)

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Chapitre 3 La Reconstruction : une mutation sociale, un moment politique La Reconstruction est la continuation du programme du CNR, qui a tout une srie de volet dont un social et conomique. Une dmocratie moderne doit se construire avec un contenu conomique et social. De quelle faon la mettre en place ? On assiste un contraste, de 45 47, entre un espoir, le soulagement de stre dbarrass de la guerre et des difficults de vie ordinaire norme. Le volet conomique et social dune dmocratie doit tre consistant mais est loin dtre celui prvu. Il y a galement un moment qui illustre ce contraste : cest la bataille du charbon, moment exceptionnel o des ministres communistes soccupent de promouvoir la production et de faire travailler des ouvriers dans des conditions insupportables quils auraient condamns en dautres circonstances. Maurice Thaurez invoque dans ses discours la ncessite de se retrousser les manches par devoir patriotique. Cet effort de reconstruction se voit dans beaucoup de domaines : les mines, le btiment, lacier Cela ne dure quun temps cependant car une lassitude et une exaspration monte peu peu. Elles marqueront la 2e rupture de la Rsistance. I Le fondement dune dmocratie sociale Ce fondement commence par la prise en charge par toutes les forces politiques au pouvoir de problmes jusque l lapanage de la gauche. On trouve cela dans le programme du CNR avec plusieurs blesss : - Llvation du niveau des travailleurs, salaires minimums - Plan complet de scurit sociale - Scurit demploi (embauche, licenciement,) - Retraites A Les Comits dentreprise Dans cette formation de la dmocratie sociale, les comits dentreprise sont dterminants, les salaris ont un fort pouvoir dans ces instances. Dans les entreprises libres, la direction a souvent t renverse sous prtexte de collaboration, et remplace par une gestion collective des salaris. Ce sont, pour une bonne partie, des rsistants. Cela va aboutir ces comits Lordonnance de 1945 dfinit : - Le droit des salaris tre informs de la vie, des perspectives de lentreprise. - Lentreprise doit investir dans des uvres sociales : formation, sant, congs, gres par le comit dentreprise. Cest une rupture avec le paternalisme du patron : cest du ressort des salaris B La Scurit sociale 11

La scurit sociale reprend toute une srie de protection, jusque l limites. Cest la mise en place dautres protections galement. Elle est obligatoire en ce sens quil ny a pas de libert de cotiser ou non. Auparavant, cette non obligation ne permettait quaux ouvriers aiss dtre assurs. La scurit sociale assure le remboursement des dpenses mdicales et pharmaceutiques et assure des compensations de pertes de salaires pour maladies, accidents de travail, invalidits, vieillesses, dcs. Cest un principe volontariste en ce sens quon a la volont de le dvelopper. Cependant, les retraites mises en place lpoque ne reprsentent que 20% du meilleur salaire. On a peu investit et cela va augmenter progressivement. Cette mesure concerne rapidement 9 millions de franais, une grande partie de la France modeste se trouve sous une protection de la prcarit. Le pays rattrape son retard ce niveau sur certains pays europens. On introduit ainsi un principe de scurit qui permet de relativiser langoisse de lavenir. Cest fait sur la base dune redistribution solidaire : actifs pour inactifs, riches pour plus pauvres C La Dmocratie renforce LEtat soutient dornavant les syndicats, cest une rupture avec la tradition de ne pas sen mler, aux relations uniquement conflictuelles. LEtat encourage les syndicats se dvelopper et agir. On aide les syndicats reprsentatifs (pas tous). Ils peuvent reprsenter, tre lus, et sont subventionns. cette poque, le syndicalisme se dveloppe normment : 5 7 millions dadhrents (5 10 fois plus quaujourdhui). Dautres syndicats font leur apparition : la CFTC (chrtiens) avec 700 000 adhrents, CGA, CNPF (patronat). Les forces conomiques et sociales interviennent dans la gestion de lconomie et de la socit : cest un phnomne trs important ! Une partie des revenus des foyers devient trs vite issue des systmes de redistribution. En 49, 12% en moyenne du revenu. II La Bataille de la reconstruction A 1944-45 : Pnurie dramatique La libration est marque par des pnuries et des privations. Les franais daprs la libration ne les comprennent pas, loccupation ne les explique plus. La fin de loccupation ne met pas fin au problme et les explications sont insuffisantes. Le rationnement continue longtemps aprs la chute de Vichy. En mai 45, les cartes sont 1500 calories, le lait est toujours coup leau, le pain est toujours la base alimentaire vitale. Le 1er problme des franais est de se nourrir. En 44-45, lhiver est dur et la rcolte est mauvaise (-10 -30%). Les vendeurs nont pas confiance en le franc donc sont rticents vendre. Les transports sont dsorganiss.

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Le march noir et la spculation sont toujours forts. Une certaine colre se forme chez les citadins envers les ruraux qui sen sortent mieux. Les capacits de production de lindustrie ont perdus 60%. Dans le textile on produit 15% de quon faisait en 39, 5% dans le btiment, 20% pour lAcier. Il y a besoin dune mobilisation exceptionnelle. B LEnjeux de la bataille du charbon Le charbon joue un rle stratgique. Le PC est trs concern, il tient le ministre de la production industrielle et celui du travail. Sont-ils la hauteur du redressement de la France. Les miniers sont trs influencs par la PC, les des dirigeants syndicaux sont communistes. Cette bataille va tre menes jusquen 47. Cest une mobilisation et un effort exceptionnel de ces mineurs pour rattraper le plus vite possible la production davant-guerre. Les allemands ont dtruit (noy) des mines, ont confisqu du matriel pour les mines allemandes ou sabot des infrastructures. Il ne suffit donc pas de travailler comme avant pour retrouver lancienne production. Le PC dcide donc de motiver les mineurs pour cet effort. Il utilise une propagande du mineur/hros dvou, lorganisation dune comptition entre les mines, quipes et personnes suivant le principe du stakhanovisme. Il mne une campagne contre la paresse et les fausses maladies. On passe une semaine de 6 jours mais la rsistance est trop forte pour faire travailler tous les dimanches. Les mineurs sont dconcerts. Ils savent que cest ncessaire mais ont limpression quon exige deux des efforts illimits. Ils font grve et sont dnoncs par le PC : les tensions sont fortes. C Les Rformes Les dirigeants communistes organisent la contrepartie avec des rformes sociales importantes. Le premier thme est la nationalisation des mines. Cette ide date du XIXe sicle pour la scurit et lorganisation du travail. Elle prdomine et commence se raliser en mai 46 o elle est vote avec une gestion paritaire entre Etat, reprsentants des salaris et reprsentants des usagers. Dans la pratique, on met en place des organismes pour veiller la scurit du travail, sur les logements mais le travail marche toujours avec une logique de rendement et les reprsentants sont de plus en plus bureaucrates et cogestionnaires. Le PC annonce quil va mettre en place un statut du mineur : une rglementation de leur condition sociale. Il se met effectivement en place, il rglement la condition afin de protger (embauche, licenciement, formation, promotion, salaires, congs,). Les protections sont relles et considrables. Les statuts sont imits dans dautres entreprises publiques (SNCF, GDF, EDF,) III La Fin de la participation du PCF au gouvernement 13

A PCF en porte faux Le PC ne peut pas continuer dans cette position bancale entre gestionnaire loyal pour le bien du pays et porteur de tensions fortes avec les salaris qui taient avec eux. Il se met en difficult. Laugmentation du travail et de la production ne mettent pas fin rapidement la pnurie. En 46-47, elle continue pourtant. Laccs au pain est moindre en 47 quen 46. Linflation est extrmement rapide et les salaris ont la certitude (fonde) que leur salaire naugmente pas autant que les prix. Le mcontentement est de plus en plus vif contre les gouvernements et la dception des espoirs de la libration augmente. Le PCF est la 1re cible car les ministres communistes sont les principaux demander cet effort. Les gouvernements ne changent pas de cap malgr la rotation. On entend ne pas trop rguler lconomie, le PC est solidaire dune politique en partie librale. B Une rupture en 2 temps Au printemps 1947, une srie de grve intervient. Parmi elle figure la trs importante et la trs symbolique grve de Renault Billancourt sans quaucune organisation ne la gre. La CGT est prise au dpourvu. Renault a le rle dentreprise pilote pour les politiques conomiques et sociale, cest donc un symbole important. La CGT ne va cependant pas dnoncer cette grve longtemps et rejoint les grvistes. Le PCF est somm de prendre position. Il y a des dbats au sein du gouvernement et de lAssemble Nationale sur ce mouvement de Billancourt. Les autres membres du gouvernement accusent le PCF de lorganiser. Ce dernier finit par soutenir les manifestants et Ramadier dcide de rvoquer les communistes du gouvernement. Cest la 2e rupture de la Rsistance mais aussi la fin dune alliance PS/PC qui dure depuis 34. Le contexte y est pour beaucoup avec laugmentation des tensions entre les EtatsUnis et lURSS. Au printemps 47, cest lexaspration de ces tensions avec la politique du plan Marshall et le refus de lURSS en Juillet. En t 47, on a la rupture du rideau de fer. Le PC nest pas sur ce diapason. Le PCF ne trouve pas lexpulsion grave et va jusqu ce porter candidat pour un nouveau gouvernement dunion nationale mme en juin 47. En septembre 47, le PCF se fait sermonner la confrence entre les PC. Les sovitiques font la leon aux franais pour quils comprennent quun page a t tourn. En septembre, le PC fait une campagne dnonant les conditions de travail et linflation. Le PC ne rompt pas avec les salaris et paye le prix de ne pas pouvoir tre au gouvernement. En novembre/dcembre 47, de violentes grves clatent avec des affrontements entre les grvistes, la police et larme : il y a des morts.

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Les grvistes demandent une augmentation de salaire que refuse le gouvernement. lautomne 47, la France est en fin de reconstruction. Sen rsulte une 2e force dopposition la IVe Rpublique en plus des gaullistes : les communistes. Les espoirs de la libration et de la dmocratie sociale ont un bilan mitig. La dmocratie sociale ne se ralise pas sur tous les plans aprs la rupture de 47, lEtat affronte de nouveaux les grvistes. Le PC connait une poque particulire o il est trs puissant (1/4 des franais les soutiennent) mais compltement cliv aux autres forces politiques.

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Chapitre 5 Camps et dportations Nous avons affaire un exemple caractristique de lvolution du rapport entre une socit et son pass. Le thme du devoir de mmoire est particulirement sur ce sujet l. Cependant, on interprte la mmoire comme servant toujours se souvenir du pass. Cest en ralit plus compliqu puisquelle efface, organise et interprte des donnes. Il y a une trs grande volution de la mmoire depuis 1945, notamment de reprsentation de ce pass. Si depuis des annes, le thme des camps est prsent dans la mmoire collective, travers la dportation et le gnocide, ce nest pas le cas depuis 45. En effet, cest le contraire pendant des dizaines dannes puisque le thme est absent. La dportation voque beaucoup de situations mais le gnocide nest pas voqu. Il est occult de la mmoire collective. Ce silence est li aux sources disponibles et la connaissance historique. Mais cette volution est surtout due ce que la socit est prte voir, ce quelle cherche voir et ce quelle accepte de voir et de concevoir. ce niveau, lhistorien a un rle spcifique. Il cherche garder une certaine autonomie vis vis de lvolution de la mmoire en essayant dtablir, toujours au plus prs des sources disponibles, une recomposition des faits I Dport : les volutions dune dfinition Le mot est associ une grande diversit de situation : prisonnier de guerre, travailleur forc au STO, prisonnier de droit commun, prisonnier politique, rsistant, personne rafle , juifs, tsiganes Mais ils ne sont pas toujours vus comme des dports. Actuellement on distingue 2 trajectoires de dportation : les camps de concentration et les lieux ddis lextermination des juifs. Cest une distinction importante car elles fondent deux types dexpriences radicalement diffrentes. Depuis une vingtaine danne, lextermination a pris une place considrable dans la mmoire, mais cela na pas toujours t le cas. Le mot dport a chang de signification depuis la guerre et renvoie des ralits diffrentes selon les poques. A Pendant la guerre : prisonniers de guerre et STO Pendant la guerre il y a un vritable silence sur lextermination massive des juifs. Le 19 juillet 1942, la BBC annonce 700 000 juifs massacrs dans les chambres gaz (appeles chambre de Hitler en Allemagne). Une brochure est publie Londres en Juillet 42 : Lo sterminio degli Ebrei, par le comit interalli (Enzo Traverso). Puis cest le silence Jusquen mai 1944, aucun mdia ou tract ne parle de chambre gaz ou dextermination massive de juifs. Quand certaines nouvelles commencent arriver des camps de concentration, presque rien nest dit sur les juifs qui sont noys parmi les dports politiques.

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Ce nest quen 1943 que le mort de dportation apparat la BBC et au sein de la Rsistance mais dsigne plus particulirement les STO. En Aot 44, on crer le Commissariat aux Prisonniers, Dports et Rfugis, Franois Mitterrand le prside. Il se tourne dabord vers les prisonniers de guerre (environ 1 million) et les dports du travail (730 000) tout en notant lexistence de dports politiques. Cest une catgorie trs floue dont on ne connat pas grand chose et quon ntudie pas. Mitterrand rcupre certains anciens services de Vichy mais aucun concernant la dportation. B partir de 1945 : glissement vers le sens des rsistants On assiste progressivement un changement de sens du mot dport. Ce nest plus celui qui est dplace contre son gr mais le prisonnier des camps de concentration, or les camps nenferment pas que des dports. Les images des camps de concentration choquent. Fin 44 dbut 45 voit larriv des premiers rescaps de Ravensbrck et Buchenwald. Dans un premier temps on censure les rcits pour ne pas faire trop de peine aux proches de personnes encore en camps. Le 3 avril 1945, cest le premier convoi de femmes libres de Ravensbrck. La protestation contre la censure monte Un des premiers chocs survient le 4 avril 1945 lorsque les troupes dEisenhower dcouvrent un sous camp de Buchenwald. On dcide immdiatement de filmer et den faire la publicit : On nous dit que le soldat amricain ne sait pas pourquoi il se bat, maintenant il saura contre qui il se bat. . Lmotion est norme. Un second choc survient larrive des premiers dtenus de camp de concentration Paris. Ils restent cependant noys parmi lensemble des dports politique. La France met essentiellement en avant le dports rsistants, elle va jusqu crer un statut particulier pour eux Il y a une grande rticence distinguer les situations. Une affiche lpoque prsente 3 personnages : un prisonnier de guerre, un dport du travail (STO) et un dtenu ; le titre indique : Ils sont unis, ne les divisez pas . Les dports raciaux ne sont pas reprsents. On nidentifie pas la dportation juive ni lentreprise gnocidaire leur gard C Victimes de lextermination : de linvisibilit la tardive reconnaissance On cre un service central des dports isralites. En Janvier 45, on reconstitue la destination dAuschwitz pour presque tous les juifs partis de France. Mais lopinion ne fait pas la distinction des 2 logiques : concentration et mise mort. Rien nest prvu pour les dports raciaux leur retour. Aucune association dentreaide, de statut. Lindiffrence est parfois trs difficile vivre. Simone Veil se fait, par exemple, refuser les soins en dispensaire son retour Paris parce quelle nest pas rsistante. Il y a une emprise communiste sur des associations. Celles des Anciens dAuschwitz nvoque par le caractre juif des dtenus. Les survivants nosent pas toujours rcuprer leurs biens spolis par peur de susciter de lantismitisme.

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Certains parlent mais sont peu couts, cest le cauchemar de Primo Lvi qui se ralise, dans lequel il imaginait qu son retour personne ne lcouterait. Si cest un homme, publi en 1947, passe inaperu (invendus au pilon). Ce nest qu la publication de son second ouvrage, La Trve (La Tregua), en 1963, que lauteur sort de lanonymat. Lentourage des victimes narrive pas comprendre la gravit exceptionnelle de lexprience vcue. Il y a une volont gnrale de regarder vers lavenir, de reconstruire. Les personnes ayant abrit des juifs ne sont pas considrs rsistants. En 1956, ralisation du film Nuit et brouillard, command par le Comit dHistoire de la Seconde Guerre Mondiale. Il traite cependant de faon mle les camps dinternement et dextermination Il va rencontrer beaucoup de difficults lors de sa sortie. Le Visa dexploitation est accord au prix de la transformation dune photographie de 1941 o lon identifie le kpi dun gendarme franais au camp de rassemblement des futurs dports de Pithiviers. lannonce de sa nomination pour reprsenter la France au festival de Cannes, lambassade de lAllemagne de lOuest intervient auprs du gouvernement du Guy Mollet et fait retirer le film de la slection officielle. La Suisse interdit le film au nom de sa neutralit. En 1961 : cest le procs dEichmann Jrusalem. 1971 : Willy Brandt sagenouille devant un mmorial du ghetto de Varsovie. La moiti des allemands trouvent alors ce geste exagr. Le Film Shoah, commenc en 1973 et fini en 1985 marque lirruption forte du thme du gnocide. 1974 : procs de Touvier, 1998 : procs de Papon. II Prisonniers et exclus A Les Prisonniers de guerre On compte 1,8 million de soldats tombs aux mains de lennemi en 1940 dont 1,6 transfrs dans le Grand Reich . Certains sont rapatris pour maladie, en contrepartie dune collaboration ou se sont vads. Il reste 1 million de prisonniers jusquen 1945. La moyenne dge est de 30 ans, la moiti sont maris, pres de famille. Ils sont disperss dans les camps. Les officiers sont en Olflags (Officierlager) : ils vivent une vie de prisonniers dans le dsoeuvrement et la faim, signe de dgradation. Les soldats et sous-officiers sont en Stalags (Stammlager). Mais ils sont rapidement disperss, pour la majorit, dans des kommandos de travail, surtout dans des fermes, chantiers, ateliers, mines et usines. Ils rentrent le soir dans un hbergement collectif. Leur situation est complexe car ils sont contrls, encadrs et surveills mais vivent au contact des civils, entretiennent des relations personnelles : cest un facteur probable de rapprochement daprsguerre. Lopinion suit relativement celle de lopinion franaise : du ptainisme lesprit de rsistance. B Les Exclusions par Vichy

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Il y a une grande diversit du statut des prisonniers. En France, 63 000 personnes sont dportes pour raison non raciale : 41 000 rsistants, 8000 politiques ( titre prventif), 9000 rafls, 1000 dtenus de droit commun, 5000 indtermins. Vichy dsigne ds son avnement des boucs missaire de la dfaite. Ce sont tout dabord les dirigeants du Front Populaire : Blum, Daladier, en particulier ceux qui ont embarqu sur le Massilia en direction de Tanger : Mandel, Mends-France, Zay. Ils sont arrts, emprisonns et passs en jugement. On crer pour cela un haute cours de justice en Riom en 1942 o ont lieux des procs grand spectacle. la fin de la guerre ils sont dports On dnonce aussi largement les instituteurs lacs et les Francs-Maons. Les trangers sont victimes de la politique xnophobe. La France a une trs forte tradition dimmigration en compensation au dclin dmographique. En 1930, il y a un ralentissement mais la France reste le pays avec le plus fort taux dimmigr aprs les EtatsUnis. Vichy met en place une politique dexclusion contre les trangers. Il y a un vritable afflux de rfugis : 180 000 venus dEurope Centrale, fuyant le nazisme et les dictateurs. Au printemps 1939, 400 000 espagnols traversent les pyrnes. Une partie dentre eux sont enferms dans des camps de concentration (nom officiel) : Gurs, Les Milles, Saint-Cyprien, Argels ou Le Vernet (barbels, militaires franais en garde, tentes, ). Les ressortissants des pays en guerre sont interns en 1940 : 15 000 allemands et autrichiens dont une part danti-fascistes. Certains sont enrls comme travailleurs volontaires au sein de larme. Ils sont faits prisonniers et sont les premiers dports du sol franais. Vichy ne tente pas de les dfendre. Le 21 juillet 1940, on met en place la loi de dnaturalisation qui rvise toutes les naturalisations depuis la loi de 1927. Le 17 juillet 1940, les personnes nes dun pre tranger ne peuvent plus avoir demploi public (cest essentiellement contre les juifs). 15 154 personnes sont dnaturalises. Vichy livre des rfugis allemands anti-nazis. Une des conditions de larmistice est la livraison des ressortissants allemands rclams par le Reich. Les inspecteurs allemands visitent toutes les prisons et les camps (7500 allemands sont interns dont 5000 juifs) et rclament 800 interns qui sont livrs. Des milliers de mineurs polonais sont dports vers les mines allemandes lautomne 1940, Vichy ne ragit pas C Destination principale : camps pour opposants (politique et rsistant) En 1934, le cap de Dachau est cr pour isoler et enfermer les opposants au nazisme. Pendant la guerre, sa fonction est tendue aux nouvelles conqutes. La guerre voit paralllement une multiplication des camps : plus dune vingtaine la fin. Ils sont parfois normes (Buchenwald contient 4000 personnes). Stutthof, Neuengamme, Bergen-Belsen, Ravensbrck, Oranienburg-Sachsenhausen (camp directeur, soldats russes), Osnabrck, Esterwegen, Buchenwald, Gross-Rosen, Auschwitz, Madaneck, Theresienstradt, Flosenburg, Mauthausen, Dachau, Struthof (Alsace, prisonniers politiques et rsistants), Schrimeck (Alsace).

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lt 42, les camps ont une double fonction : - Regrouper et faire mourir les opposants au nazisme. Plus grande varit des dtenus : opposants politiques, condamns de droit commun, rsistants, soldats nonprotgs par les conventions, interns raciaux. - Fournir une main duvre utile aux entreprises, sous forme de kommandos rattachs aux camps. Jusquen 43 cest le primat de llimination puis on accorde plus dimportance au travail forc au profit des grosses industries allemandes : - IG Farben tient lusine Buna Auschwitz (Fvrier 41) - Krupp utilise 1500 pyjamas rays en plus de ses 18 000 prisonniers de guerre Essen. - Siemens et Roechling aussi. La vie dans les camps est terrible : Lev 4 ou 5h, toilette, appel, repas et dpart pour 11 12h de travail, retour, repas et repos. La faim, le froid, la salet et les pidmies (typhus, tuberculose, dysenterie) sont quotidiens. La hirarchie est intraitable : les SS sont au sommet puis cest le monde des soushommes. Les Kapos sont des prisonniers choisis avec soin pour faire fonctionner le systme. Ce sont en gnral des dtenus de droit commun. La hirarchie se structure souvent ainsi : SS, droits communs, politiques, anciens soldats, raciaux. La violence, les horreurs et les pouvantes sont sans limites. Les dtenus dsigns comme Nacht Und Nebel (nuit et brouillard) sont destins disparatre. Les survivants sont des exceptions. Les jeunes ont une chance dtre affects des kommandos particuliers. Sur les 63 000 non raciaux dports, 40% sont morts. Il y a de la rsistance dans certains camps comme Buchenwald. III La politique antismite de Vichy : de lexclusion aux dportations Ds 1940, des mesures sont prises par Vichy et par les allemands. On exclu progressivement des juifs. Ces mesures sont relier la politique antismite des vainqueurs, lantismitisme est larme privilgie des actions politiques nazies. Les logiques se distinguent mais les rsultats convergent A IIIe Reich : de lexpulsion au gnocide On cre de nouveaux ghettos mais il ny a pas de stratgie ferme et unique avant 1941. Dans les premier temps sont marqus par des expulsions : en juillet 40, + de 3000 juifs sont transfrs dAlsace-Loraine vers la zone libre ; en automne 40, les allemands transfrent 6504 juifs dAllemagne (Bade) en zone libre. Vichy proteste car ne veut pas que la zone sud devienne le dpotoir racial de lEurope . Ils sont aussitt enferms dans les camps pour rfugis espagnols qui sont recycls pour les juifs. Certains nazis rflchissent des plans pour dporter les juifs dEurope vers Madagascar.

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En 1941, cest un retournement de tendance : - Juillet 41 : la Gestapo reoit lordre dtudier la solution finale. - Janvier 1942 : adoption dfinitive du principe dextermination la confrence de Wannsee. - Juin 1942 : La Gestapo est charge dorganiser la dportation des juifs en France, Pays-Bas et Belgique. B De la discrimination lexclusion Il y a sans doute un peu plus de 300 000 juifs en France en 1939 (la moiti de nationalit franaise), 500 000 en Allemagne. La politique de Vichy ttonne au dbut puis devient plus systmatique. Il y a une relle volont de les mettre lcart. La tentation des biens juifs est importante comme le montre la Commission sur le Spoliation des Biens Juifs en 1997-2000. Cest un calcul politique, Vichy veut le faire avant que lAllemagne demande pour montrer son indpendance. On donne des gages au vainqueur pour donner du poids politique la collaboration Le 4 octobre 1940, des mesures contre les juifs trangers sont prises, les prfets de la zone occupe peuvent alors les enfermer dans des camps spciaux. On crer donc des camps dans le Loiret, prs dOrlans, gards par la gendarmerie franaise : Beaune la Rolande, Pithiviers, Drancy, Compigne. Au printemps 1941 dj 40 000 rafls sont enferms dans les camps de Gurs, Rivesaltes, No, On enferme les juifs dEurope Centrale rafls en mai 41 : 3700 Beaune la Rolande, 4000 Drancy (rafle du 12 aot 1941 dans le XIe arrondissement de Paris). La discrimination des juifs franais sorganise. Le 27 septembre 1940, en zone nord, les nazis ordonnent le recensement de tous les juifs. Ils doivent se prsenter au commissariat de leur quartier pour tre recens, la grande majorit sy rend, mme ceux qui ne sont plus de religion juive : cest une marque de confiance dans l Etat Franais . Ils considre la France comme fondamentalement rpublicaine. Le 3 octobre, on dfinit le premier statut juif, sous deux angles : - Religieux : ceux qui pratiquent le judasme et dont plus de 2 grands-parents ont t pratiquants. - Racial : personnes issues de 3 grands-parents de race juive ou de 2 grands parents de la mme race, si son conjoint est lui-mme juif. Le 2 juin 1941, on largi le statut a toute personne pratiquant la religion, ce nest pas une demande nazie. Les juifs sont exclus de la vie publique et professionnelle. En 1942, la mention juif est inscrite sur la carte didentit. Ils sont exclus des fonctions lectives et publiques (administration, arme, justice, banque, mtiers de la culture et des mdias.) Un numerus clausus est instaur pour les universits (3%) et les professions librales (2%). Le 29 mars 1941, on crer un Commissariat aux questions juives prside par Xavier Vallat, antismite et encore hostile aux allemands puis par Darquier de Pellepoix en 1942, un fanatique collaborateur. Cest de lantijudasme dEtat selon Xavier Vallat.

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En Novembre 1941, lUGIF (Union Gnrale des Isralites de France) devient la seule interlocutrice du pouvoir (cre par Vichy le 29 avril). Elle doit aider au recensement des juifs et se montre dassez bonne volont. Elle est vivement critique. Les rafles sont ordonnes par les allemands et excutes par la police franaise. Le 12 dcembre 41, les nazis arrtent 743 notables juifs franais Paris. Vichy proteste et fait mme librer quelques personnes. On commence peu aprs multiplier les exclusions de lieux publics : caf, cinmas, thtres, bibliothques, piscines, foires, parcs Ils ne peuvent faire leur achat alimentaire uniquement laprs-midi. En mai 1942, tous les Isralites de plus 6 ans doivent porter ltoile jaune mais Vichy refuse. Les pillages sont frquents : le 2 juillet 1941 est instaure une loi sur laryanisation des biens juifs. On exproprie les entreprises pour supprimer toute influence isralite dans lconomie nationale . Les liquidations sont forces, on nomme des curateurs. Dans les faits, laryanisation des biens juifs commence ds le 18 octobre 1940. Il y a une volont de pillage de la part des allemands. On exproprie par exemple les Galeries Lafayette, on pille aussi des uvres dart. En Dcembre 1941, on taxe la communaut juive. Cest collect par les organisations juives elles-mmes : 1 milliard de francs. Le 7 octobre 1940, les juifs dAlgrie sont privs de citoyennet franaise C La dportation et les camps Il y a plusieurs vocabulaires, chaque terme tmoigne dune analyse diffrente : Holocauste, Shoah, limination des juifs dEurope. Les grandes rafles commencent partir du printemps 42. Les 16 et 17 Juillet cest rafle du Vel dHiv, ralise dans toute la capitale, par la police franaise. Le regroupement est fait au vlodrome dhivers de la rue Nlaton. Des familles entires sont arrtes chez elles : 12 884 hommes, femmes et enfants. Ils sont transfrs dans les camps du Loiret et Drancy (leur dpart est trs rapide). Il y a galement dautres rafles : Vichy rafle des juifs trangers en Aot. Du 26 au 28 Aot, en zone libre, Laval organise une rafle de 7000 juifs livrs aux allemands. Les allemands en organisent Marseille en Janvier 43. Les 76 Convois de dportation vers les liminations partent presque tous de la gare de Drancy et vont presque tous Auschwitz. Le 1er part le 27 mars 1942 et le dernier le 31 janvier 44. On compte un minimum de 75 721 juifs partent de France (les registres allemands sont tudis par Serge Klarsfeld) dont 10 000 mineurs de 18 ans : 47 000 franais et 23 000 trangers. Il faut faire une distinction importante entre les mises mort et les dtentions. leur arrive, 2/3 sont immdiatement mis mort, ils nentrent mme pas dans les camps de concentration : 28 754 sont destins au travail forc, 2190 reviendront en France (3%). Les convois partent par 100 ou 125 par wagons. Le voyage est terrible (2 5 jours), la mortalit est norme. Le 2 juillet 1944, cest le dpart de Compigne se fait 2521 dont 984 meurent en voyage, 121 sont rescaps en 45. 22

Conclusion : Responsabilit de Vichy ? Vichy nest pas linitiative de lextermination, cest une volont de lEtat nazi. La logique est encore discute sur le fond : puissance industrielle, efficacit conomique, rationalit technique. Vichy a cependant la responsabilit de la participation cette entreprise criminelle. Des ordres sont donns la police, la gendarmerie et la SNCF darrestation, de regroupement, de surveillance et de convoyage. Un point particulirement notable est celui des enfants. Ils sont exclus ds les premiers convois par les allemands, au dpart de Beaune la Rolande et de Pithiviers. Les reprsentants de Vichy sont choqus car cela pose des problmes moraux et de garde, il y a galement une raction humanitaire. Laval insiste donc auprs des allemands pour faire emmener les enfants aussi. Les dirigeants de Vichy ont reus des informations ds 1942. Y ont-ils crut ? Cest assez incroyable ! Cest une faute sre, ils nont pas cherch vrifier, ils nont pas hsit et ont facilit lentreprise nazie. Sous leurs ordres, la milice procde parfois des massacres en France. Quelques mesures particulires sont prises, les prisonniers juifs franais sont toujours protgs par la convention de Genve. Les protections sont multiples pour la population. Il y a de trs nombreuses initiatives (policiers,). Des rseaux de mis labri se mettent en place pour protger quelques 30 000 enfants juifs. La Rsistance joue, dans lensemble, un rle protecteur. Les juifs participent activement aux organisations de rsistance. LEglise catholique et silencieuses mais les ractions sont nombreuses de la part des ecclsiastiques. Il y a des condamnations publiques par des vques (Saliges Toulouse ou Thas Montauban). Les Tsiganes : Ils subissent le mme principe dexclusion raciale que les juifs par les nazis, ils sont interns ds 1938. Cela ne faisait pas parti du projet initial. Les allemands exigent leur internement en zone occupe (Jargeau, Loiret). Cela a dj t fait en partie ds la drle de guerre : ils sont dj considrs comme suspects. On interne les ressortissants trangers puis on les dporte. Il ny a cependant pas de dcompte do lintrt moindre des historiens par rapport au cas juif.

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Chapitre 6 La crispation coloniale aprs 1945 La dimension coloniale fait entirement partie de la socit franaise cette poque. Ce nest pas secondaire ou annexe. Le mouvement de fond aprs 45 est une dcolonisation mais ds 43-44 on peroit des signes dune volont indpendante. La crise coloniale est visible au Maghreb, Madagascar, en Indochine ou en Afrique noire. Pourtant elle nest ni accepte ni prvue ! En 44-45, cest lopportunit dun vritable choix. La France fait cependant le mauvais Cest moment dune crise nationale majeure et non matrise, la confirmation coloniale se fait sous la contrainte des mouvements de coloniss, cest un traumatisme durable Cest rvlateur dune grande faiblesse politique ce sujet, cest la dmission du politique devant larme. Sen suivent, 2 guerres coloniales qui dbouchent sur un effondrement. Des centaines de milliers de soldats sont mobiliss : 450 000 au Maghreb, 110 000 en Afrique noire et Madagascar, 60 000 en Indochine. Lattitude des anciens rsistants est paradoxale. Ils ont largement invoqu largument national contre lenvahisseur allemand et refuse de laccorder aux peuples coloniss. Il y a donc un double poids et une double mesure la libert et lindpendance. Pourquoi cette rsistance de la France la dcolonisation ? Cest une myopie devant les tendances gnrales, un retournement des thmes nationalistes qui ont port la Rsistance. Il y a une mauvaise estimation des intrts de la nation et une crispation aprs les humiliations de la dfaite, de loccupation et de la collaboration. Cette attitude radicalise les coloniss. Au Caire, un Comit de Libration de lAfrique du Nord est cr en janvier 1948 par Abd el-Krim, Bourguiba, Allal el-Fassi I La question coloniale transforme par la guerre. A LEvolution de fond dans les colonies La 2e Guerre Mondiale est dterminante en ce sens o elle change ltat desprit chez les peuples coloniss. Elle a montr les faiblesses de la puissance franaise. Leffondrement spectaculaire de 1940 montre bien que la France nest pas invincible. Il y a galement un conflit de souverainet en Afrique et en Indochine entre Vichy et De Gaule. La vie est relativement autonome dans les colonies pendant les priodes de guerre, cela favorise lide quune indpendance est possible. Il y a une norme mobilisation des colonies dans la guerre contre le nazisme, de nombreux combattants. Ils participent la libration de la France mais demande lmancipation en change On assiste un bouleversement des rapports mondiaux. Le colonialisme franais est de plus en plus contest, notamment par les allis. LURSS est toujours anticolonialiste et dnonce limprialisme franais. De mme, les Etats-Unis font signer la Charte de 24

lAtlantique en 1941, rappelant le droit des peuples disposer deux mme. Roosevelt insiste beaucoup pour que la France sengage dans un processus de dcolonisation. Les puissances encouragent au nationalisme, en particulier en Afrique du Nord. La Grande-Bretagne se prpare dcoloniser lInde et la Palestine. Lannonce est faite en 38 pour 48. En 1945, les dlgus au congrs de Manchester rclament un selfgovernment lONU, une tribune dnonce le colonialisme franais B Les Projets de la rsistance : ne choisissez pas entre assimilation et fdration La Rsistance a une vision particulire sur les colonies. De Gaule, plusieurs reprises, confirme le maintient du principe colonial : en juin 42 Albert Hall et Tunis en juin 43. En janvier 44 cest la confrence de Brazzaville qui rassemble des gouverneurs des colonies, administrateurs du Maghreb, reprsentant de lassemble consultative dAlger. Le sujet essentiel abord est la mobilisation coloniale pour la mtropole. Pour les colonies, les hommes des colonies doivent lever peu peu au niveau o ils seront capables de participer chez eux la gestion de leur propres affaires. Il y a tout de mme des rformes qui sont envisages : la suppression du travail forc, au sujet de lindustrialisation, des rglementations douanires diversifie, scolarisation massive et constitution dun corps mdical. On a lide galement dassembles fdrales respectant les particularits de chaque territoire. Le programme du CNR, le 15 mars 1944, en dis trs peu. Il dsire une extension des droits politiques, sociaux et conomiques des populations indignes et coloniales . De Gaule voit lempire comme un recours pour le camp alli. La Rsistance tend plus appliquer lempire ses ides pour le rnover (PCF aussi). On a lapparition du thme dune France de 100 millions dhommes gaux en droits. Au fond, on va vers un mlange des deux projets qui se contredisent : assimilation et fdration. Ds le dbut de la confrence, il nest pas question dautonomie : La fin de luvre civilisatrice accomplie par la France dans les colonies carte toute ide dautonomie, toute possibilit dvolution ventuelle hors du bloc franais de lempire ; la constitution, mme lointaine, de self-government est carter . Cest aux franais, en somme, de dcider dventuelles rformes de lempire. En Octobre 44, cest plus nuanc : mener chacun de ces peuples un dveloppement qui lui permette de sadministrer et, plus tard, de se gouverner lui-mme. Je ne parlerais pas dune fdration, parce quon peut discuter sur le terme, mais dun systme franais om chacun jouera son rle. C 1945 : Cration de lUnion Franaise En Aot 45, la 1re constituante est lue : 63 dputs sur 522 sont doutre-mer. Lassimilation juridique en Ocanie est totale, on dpartementalise la Martinique, la Guadeloupe et la Runion (mars 46).

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La 2e constituante de 1946 cre lUnion Franaise qui rassemble les diffrents statuts des colonies (et des DOM-TOM). Au sujet de la citoyennet franaise, les droits et les liberts sont garanties par le prambule de la constitution. Il abolit galement le travail forc On lit galement des assembles locales avec le principe du double collge tendu toutes les colonies partir du cas algrien. Les assembles regroupent donc une moiti de reprsentants des colonies et une moiti de reprsentants de la France. Elles a toujours un rle consultatif qui ne semble pas avoir pes trs lourd, tout le pouvoir reste lAssemble Nationale. Malgr cette union, on a une dispersion des diffrents statuts. Le ministre de lintrieur gre les DOM (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Runion). LAlgrie est divise en 3 dpartements, selon le statut du 20 septembre 1947. Le ministre des colonies gre les TOM : Sngal, Mauritanie, Guine, Soudan, Niger, Haute-Volta, Cte dIvoire, Dahomey, Moyen-Congo, Gabon, Oubangui-Chari, Tchad, Madagascar, cte franaise des Somalis, Archipel des Comores, Nouvelle Caldonie, Nouvelles Hbrides franaises, tablissements franais de lInde et de lOcanie, St Pierre et Miquelon. Le ministre des tats associs ou le ministre des affaires trangres gre des territoires associs : Togo, Cameroun et des Etats associs : Vietnam, Laos, Cambodge, Tunisie, Maroc. Il y a finalement peu de changement dans le rapport de ces colonies avec la France. La rpublique est indivisible : mtropole, DOM-TOM, et Algrie, il y a en dehors les Etats et territoires associs dont les habitants sont citoyens franais. Donc il y a en gros une intgration des anciennes colonies la France et une association fictive pour les autres. Il y a une persistance du dilemme : assimilation ou autonomie, ni mancipation, ni selfgovernment, ni fdration. La France est en retard dune rforme, elle nest pas prte remettre en cause son principe colonial. Les Etats-gnraux de la colonisation franaise sont runis lt 46. Cest une parade conservatrice et une dfense des intrts doutre-mer. Cest une dception dans les colonies qui auraient bien voulu une sorte de Commonwealth. II La Rpression des pousses indpendantistes A Le Maghreb et la Syrie : 2 protectorat insatisfait En Tunisie : le Bey Moncef affirme sa volont dindpendance. Il y a un renforcement du No-Destour : Bourguiba, emprisonn, sera libr en avril 1943. Depuis dcembre 1942, le Bey a form un gouvernement de nationalistes pacifiques. Le gouvernement est destitu en 1943 par les reprsentants de la France, il est remplac par un gouvernement plus docile la France. Au Maroc : le Sultan Ben Youssouf affirme cette mme volont dindpendance. En Janvier 1944, Istiqlal (rassemblement de tous les partis) intervient auprs des allis et de la France libre, dfendant la fin du protectorat et lindpendance : la France refuse. En Syrie, depuis 1919, le mandat de la SDN est plutt mal accept. En Mai 45, les troupes franaises, maintenues, sont harceles par des nationalistes syriens, larme franaise attaque des btiments publics.

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Les britanniques interviennent et lancent un ultimatum aux troupes franaise de Damas, il y a un dsarmement. B LAlgrie de 1945 Il y a une volution des esprits. Le 7 mars 1944, une ordonnance du CFLN (Comit Franais Libration Nationale) affirme le principe dgalit entre franais et franais musulmans pour tous les emplois publics. On ouvre le premier collge lectoral (franais) 70 000 musulmans. Puis on crer un 2e collge destin aux musulmans : 1,5 millions de personnes lisent des assembles locales (2/5 des places pour les musulmans). Limpact est limit, lide fdraliste perd de linfluence. En mars 1943, les proches de Ferhat Abbas (notables et bourgeois algriens) publient un manifeste qui rclame la reconnaissance de lautonomie de lAlgrie en tant que nation souveraine . Le CFLN ne comprend pas, il subordonne tout la libration de la France. Le Parti du Peuple Algrien de Messali Hadj (ouvriers, citadins), fond en 1937 progresse. Il parle dindpendance ds 1927 (toile nord-africaine) et saffiche de plus en plus clairement nationaliste. Le 25 avril 1945, Messali Hadj est arrt et dport, ainsi que Ferhat Abbas. Le 8 mai 1945, des manifestations de la victoire sorganisent dans plusieurs endroits. Des drapeaux algriens sont dploys ainsi que des banderoles demandant lindpendance. Stif, il y a 10 000 manifestants dans les rues, on rclame la libration de Messali Hadj, nationalistes condamns en 1941 aux travaux forcs. Il y a donc une rpression policire, des morts parmi les musulmans, un massacre de 29 europens, puis un massacre dans les campagnes galement (agriculteurs, fonctionnaires) : il y a une centaine de victimes ! La rpression de larme franaise est terrible, cest la loi martiale. Des lgionnaires, tirailleurs sngalais, milices europennes occupent le pays. Les bombardements de laviation et de la marine ravagent et massacrent : il y a de 6 12 000 morts (la lgende en compterait 45 000). Ce souvenir marque profondment les consciences, cest une sorte de rptition de 1954. C Madagascar 1947-1948 Le nationalisme est en plein renouveau depuis les annes 1920 (dans les colonies de la fin du XIXe sicle). En 1921 : on crer une ligue franaise pour laccession des indignes de Madagascar aux droits des citoyens franais. En 1934, se crer le journal La Patrie Malgache qui devient La Nation Malgache. Il y a des arrestations et des assignations rsidence des journalistes jusquen 1936 o lon procde des librations et on instaure la libert de la presse. En 1938, des facilits sont donnes aux malgaches pour devenir citoyens franais. Du ct des administrateurs, cest une le paisible et heureuse . Les relations coloniales sont classiques : subordination claire des indignes. Ils ne voient pas monter le mcontentement. Les lections de 1945 envoient deux dputs nationalistes lAssemble Constituante. En Fvrier 1946, ils crent le parti nationaliste, le MDRM (Mouvement Dmocratique pour la Rnovation Malgache) avec 300 000 membres environ. Il a une grande influence (syndicats, ).

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Il dpose un projet de loi lAssemble : suppression de la loi dannexion, cration dun Etat indpendant dans lUnion Franaise, ressemblant celui du Vietnam, un projet de rfrendum, laccueil est mitig chez les dputs Cest la stupeur chez les colons et les administrateurs. Cela favorise un parti pro-franais et partage le pays. Les lections sont dfavorables au parti indpendantiste. Le 29 mars 1947 : Des socits secrtes indpendantistes attaquent simultanment une dizaine de points stratgiques du pays (Panama : parti national socialiste malgache, JN : les Jeunesses nationalistes) : dpts darmes, centre de colonisation, Des centaines de franais sont tus (500 contre 2000 malgaches). Cest une tentative dinsurrection qui prend le contrle dune partie de lle. La rpression sanglante dure 1 an et demi : davril 47 novembre 48. Des troupes coloniales sont utilises dans larme (marocaine et algrienne) en plus de la police et des gendarmes. Il y a environ 100 000 morts (89 000 annoncs par lEtat Major), 5 500 procs, quelques dizaines de condamns mort, 16 excuts. Cest une rptition gnrale de la guerre dAlgrie. Il y a des ratissages, des regroupements de population, des tortures et corves de bois. En France, il y a un dbat sur limmunit parlementaire des 2 dputs, qui sont ports responsables de linsurrection. Au dbut on y accorde peut dintrt puis les dputs communistes doutre-mer sy opposent, les socialistes sabstiennent. Ils sont finalement arrts et jugs en Octobre 48. Il en rsulte logiquement une radicalisation nationaliste : le mot nationaliste est grav dans lesprit et le cur de la majorit des malgaches. Les reprsentants de la France reviennent au blocage antrieur. Madagascar fait partie de la Rpublique Franaise ! LEglise soutient discrtement les indpendantistes III LIndochine : une dcolonisation manque A Une dcolonisation amorce Les mouvements nationalistes sont prsents durant lentre-deux-guerres. En 1927, Se crer le Parti National Vietnamien, inspir du KMT (en Chine). Aprs rpression, arrestation, et excutions, il est dtruit. Le souverain Bao Da propose des rformes qui sont refuses par la France. Il reste de PCI : cr par Nguyen ai quoc, futur Ho Chi Minh. Il y a une certaine agitation dans le milieu paysan et ouvrier. Linfluence des nationalistes est forte, en 1941, cest la cration du front de lindpendance (Vit-Minh). Cest une coalition rassemblant des dmocrates, catholiques, bouddhistes et communistes. De fortes actions nationalistes antijaponaises sont organises par les communistes et Ho Chi Minh. Cest une critique des fascismes japonais et vichystes. Une gurilla importante svit au nord. En 1943 : le CFLN envisage daccorder des institutions propres lIndochine. Le 8 dcembre, cest le discours de De Gaule, le gnral promet que la France poursuivra sa mission dans le pacifique, avec les peuples indochinois. Le 9 mars 1945, les japonais font un coup de force et cartent lautorit franaise. Cela suscite une proclamation dindpendance de la part du Vietnam et du Cambodge. Le 24 mars,

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le gouvernement propose des liberts locales dans le cadre de lUnion Franaise, il semble compltement en dehors des ralits. B La crispation coloniale de la France : en 3 temps 1 1er temps En Aot 1945, un insurection Vit-Minh clate contre les japonais. Les ngociations entre Jean Sainteny (franais) et le Vit-Minh sont bloques. Le 2 septembre 1945, cest la proclamation de lindpendance et de la Rpublique dmocratique (Hano). Cette dclaration est court-circuite par une dcision de Postdam (juillet-aot) : lIndochine sera partage en 2. Au nord du 16e parallle, la reddition est reue par la Chine, au sud par les britanniques. En Aot 45, De Gaulle envoie durgence Leclerc et sa division ainsi que lamiral dArgenlieu comme haut commissaire pour lIndochine (sorte de moine soldat). Leur mission est de rtablir lautorit de la France. La reprise du terrain se fait sans problmes, Leclerc veut ngocier avec le Vit-Minh pour rpondre clairement la demande dindpendance et dunit. 2 2e temps Le 8 dcembre 45, Sainteny est nomm commissaire de la Rpublique Tonkin Annam. Le 6 mars 46, il y a accord entre Leclerc, Sainteny et Ho Chi Minh. Larme franaise sengage vacuer le Vietnam sous 5 ans, un rfrendum doit entriner lunit (des 3 ky : Annam, Cochinine, Tonkin), reconnaissance de la Rpublique dmocratique du Vietnam. Il y a une ambigit pour savoir si cest un statut indpendant ou autonome dans une fdration 3 3e temps DArgenlieu nest pas daccord, pour lui, cest une dmission de la France, un nouveau Munich , il remet en cause laction de Leclerc. Le 1er mai 46, il fait proclamer une rpublique autonome de Cochinchine avec un gouvernement dvou la France. Il est alors soutenu par George Bidault (ministre des affaires trangres, puis Prsident du Conseil). La confrence de Fontainebleau marque un chec de lunification (Juillet-Aot 1946). Paris, il y a une campagne de presse contre la politique dabandon qui met en danger toute lUnion Franaise. Au Vietnam, cest la reprise de maquis Vit-Minh : un attentat est organis contre les garnisons franaises causant la mort de plusieurs europens. La rpression franaise commence ds le 23 novembre 46 avec le bombardement et le nettoyage du port de Haiphong : 6000 morts. Le 15 dcembre, un tlgramme de Ho Chi Minh Blum est bloqu par DArgenlieu. Les hostilits reprennent le 19. Ho Chi Minh disait en dcembre : Il faut chasser les franais par tous les moyens . Giap (commandant de larme populaire du Vit Nam) organise un massacre des franais

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La France enchaine les erreurs politiques cause de la sous-information du pouvoir. Les militaires prennent donc des initiatives et laissent le gouvernement sur le fait accompli. Une nouvelle politique coloniale se met donc en place. Un Cessez-le-feu et des ngociations avec des interlocuteurs soigneusement slectionns : acceptant le maintient de lempire colonial. IV Explication du blocage colonial A LAttitude paradoxale des franais Les franais sont fiers du rle qua jou lempire dans la guerre : une terre de prparation de loffensive (500 000 personnes sy engagent). Ils ont conscience de la dette quils ont lgard des colonies. La France est probablement, ce moment l, plus consciente quelle de la jamais t de la valeur de ses colonie. R. Pleven (44). Il ny a donc pas de dsaccord sur le principe de la libert et de lindpendance mais les franais refusent cela aux colonies. Cette attitude est partage par la majorit des forces politiques en 1945. De Gaule dfend lempire franais, le PCF tout et son contraire (40 : pour lindpendance, 44 : contre), les socialistes, au mieux, veulent une mancipation des populations autochtones. B LIndpendance comme catastrophe nationale Jamais lide coloniale na t aussi populaire en France. Lempire a permis la Resistance extrieure, le maintient dune force militaire autonome et une participation militaire la libration. Monnerville (dput), 25 mai 1944 : Sans lempire, la France serait un pays libr ; grce son empire, cest un pays vainqueur . Giacobbi, ministre, met en vidence la survie de la libert dans lempire pendant la guerre. Cest de l que les forces franaises de libration se sont lances. Il est convaincu du lien entre lempire et la puissance franaise. Sans lempire la France ne serait plus rien, une toute petite nation , Une pauvresse condamne la servitude (Etats Gnraux de la colonisation franaise Douala en Septembre 45 et Paris en aot 46). Ramadier (SFIO) : La France sans colonie serait une France esclave, condamne ntre quun satellite. Cest pourquoi le problme de lUnion Franaise, le problme de lEmpire, est devenu le problme de la vie et de lexistence de notre pays. C LInconscience franaise Il y a un engouement gnral pour laction coloniale : lcole coloniale reoit dailleurs 2 fois plus de candidatures en 44 quen 40. Le journal Le Populaire, en Mai 45 prtend que : Le nationalise algrien est encore factice. La cration de quelques volus ne simpose pas lidal des masses misrables et incultes . Les indpendantistes sont perus comme des agents des Etats-Unis. Soustelle (gaulliste) dit : Sans une Union Franaise cohrente, le France ne serait plus grand-chose 30

dans ce monde . Le PCF en 44 dfend que pour la France, tre une grande puissance europenne et mondiale et tout simplement continuer dtre, cest la mme chose . Les franais pensent avoir gagn 20 ou 30 ans en rprimant, le temps de rformer lempire

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Chapitre 7 Le Moment Mendes-FranceIntroduction : Mendes-France mne le gouvernement du 19 juin 1954 au 5 fvrier 1955. Cest une priode particulire. Mendes-France est un dfenseur du systme parlementaire, il dmontre trs bien quon peut gouverner avec, prendre des initiatives et des dcisions. Il respecte les institutions mais pas forcement les traditions parlementaires. En somme il propose de changer les faons de faire sans changer les institutions. Cest une priode exemplaire de modernisation, un vritable exemple pour la gauche jusquen 1981 qui entrainera une gnration de futurs dirigeants. Ce moment sera aussi celui de plusieurs conflits de la modernit. Cest le premier abandon net des colonies, une rupture systmatique avec les logiques colonialistes. Pierre Mendes-France nest pas pour autant anticolonialiste. Concernant lEurope, il met les parlementaires devant leurs responsabilits face au problme de la CED. Cest aussi un moment dcisif dans lvolution de la socit franaise. Il y a une remise en cause de logique de modernit enclenche la Libration. Cest lmergence de forces hostiles cette modernit. Cest un conflit la fois social et politique : mouvement Poujade . Les forces sociales en conflits diffrent. Ce nest pas une cristallisation autour de lopposition Classe ouvrire et Bourgeoisie mais au sein des couches moyennes entre progressistes et anti-progressistes et entre modernistes et antimodernistes. Les autres enjeux de cette priode se jouent autour de laction de lEtat tant au niveau des techniques, de la planification que de la communication I La Guerre dIndochine A La Gestion de la crise Aprs lchec de la politique de ngociation dune indpendance en 1946, le conflit militaire entre indpendantistes et larme franaise repart. partir de ce moment le gouvernement veut mettre en place une nouvelle politique coloniale. Plusieurs objectifs sont fixs, la France veut remporter quelques succs militaires afin dobtenir un cessez-le-feu favorable et ainsi tre dans une bonne position sur la table des ngociations. LEtat veut pouvoir slectionner ses interlocuteurs pour quils soient plus dociles et acceptent un ramnagement de lempire colonial. En 1948, Bao-Da tente de mettre en place un pouvoir vietnamien autonome anticommuniste, avec le soutient des franais. Cependant une rsistance anti-franaise se dveloppe, notamment aprs lchec de la reprise du pouvoir par Bao-Da et partir de la rvolution chinoise de 1949 qui voit Mao Zedong au pouvoir. La Rpublique Populaire de Chine soutient alors militairement le VitMinh au nord. B lImpact sur la France 32

LIndochine est une vritable catastrophe militaire. Ds 1950, les dfaites senchainent, les combats sont de plus en plus durs pour larme au Tonkin (nord). De mars au 7 mai 1954, cest la grande bataille de Dien-Bien-Phu. Elle est voulue et prpare par larme franaise. Elle est pense comme un affrontement de puissance mais finit en vrai dsastre. partir de ce moment, la dfaite militaire est dfinitive, aucune stratgie de secours nest envisageable aprs. Ce conflit rvle bien les divisions des franais. Les courants nationalistes et militaires sont furieux des faiblesses franaises. Un courant de lassitude de rpand trs largement. Le cot de cette guerre est important mme avec laide des Etats-Unis. La lutte est totalement dnue de perspectives. Cest une division dans lopinion mais aussi au sein de la classe politique et du gouvernement. Cest cette division qui conduit donc une certaine autonomie de larme jusque l et donc laffaiblissement des institutions. Vincent Auriol (prsident de la Rpublique depuis 47) dit : je me sens le chef illusoire dun Etat qui fout le camp , Ren Coty, son successeur, montre galement une volont de rformer les institutions II Le Moment Mendes-France Cest un moment de dure restreinte, du 19 juin 1954 au 5 fvrier 1955, mais un moment trs important de la IVe Rpublique. A Une Rupture du style politique Mends-France (1907-1982) est le plus jeune avocat de la France 21 ans, il adhre au parti radical 16 ans, il devient dput en 1932 (25 ans) et maire de Louviers en 1935 (28 ans). Il vote contre la participation franaise au JO de Berlin. Il devient sous secrtaire dEtat au trsor en 1938. Pendant la guerre, il est arrt au Maroc en 1940, condamn par un tribunal de Vichy mais svade en 1941 pour rejoindre Londres. Il est membre du gouvernement provisoire en 1944 et dmissionne en Avril 1945. Le 18 juin 1954 il est investit Prsident du Conseil. Son objectif est de renforcer lexcutif : Gouverner, cest choisir . Il est alarmiste sur la situation : Nous sommes en 1788 . Il prne et applique un changement de pratique ministrielle. Il choisit, tout dabord, ses ministres. La SFIO refuse de participer car ils veulent choisir leurs ministres. Il sattaque la toute puissance des partis mais, la diffrence de De Gaule, sans toucher la constitution. Il met en avant la volont des gouvernants. Il annonce quil ne comptera pas les voix des dputs PCF en sa faveur. Il estime ne pas pouvoir ngocier librement avec le Vit-Minh sous linfluence du PC vietnamien. Le PCF vote pourtant pour lui et sort de son ghetto pour la 1re fois depuis 1948. Mendes-France dfalque en effet leurs voix do une rancune dfinitive. Il met en place un gouvernement de personnes, ou de personnalit.

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Ses discours publics sont directement destins aux citoyens. Il a le soutient direct dun hebdomadaire de type magazine amricaine : lExpress (JJSS (Jean-Jacques ServanSchreiber), Giroud). Cest un style de gouvernement original qui reproduit la mthode des causeries hebdomadaires la radio. Il a une popularit nouvelle qui dpasse largement le monde politique. Ce style Pierre Mendes-France est comparable celui de Roosevelt. B Rtablissement de la politique extrieure 1 LUrgence Indochinoise Cest un gros pari de Pierre Mendez-France qui plaide depuis des annes pour des ngociations de paix (discours en 1950). Il annonce quil se donne 1 mois pour signer une paix en Indochine (lchance tombe le 20 juillet) sinon il dmissionnera. Sa politique extrieure est une double rupture : une rupture de style dabord, avec lengagement fort du gouvernement contre labsence jusque l. Mais cest aussi une rupture de fond depuis avril 1954 et la confrence internationale Genve sur les problmes en Asie (Core et Indochine). Jusque l Bidault bloquait, pour la France, les ngociations. Il y a donc une rupture forte dans la dynamique des ngociations. Des propositions srieuses sont faites que les reprsentants du Vit-Minh considrent. Les accords sont signs dans la nuit du 20 au 21 juillet 1954. Le Vietnam est partag en deux par le 17e parallle : le nord est sous le contrle du Vit-Minh, le sud contrl par des non-communistes avec laval des Etats-Unis Des lections doivent tre organises dans un dlai dun an et une runification. En France la dominante est la satisfaction dans la socit et lopinion. Les premiers sondages sur les hommes politiques donnent Mends-France 60% : autant que De Gaule en 58. Mends-France gagne le respect dans le monde politique malgr une rancur dune partie de lopinion nationaliste qui le critique de brader des colonies. La guerre coloniale a tout de mme un bilan trs ngatif : 92 000 morts du ct de larme franaise : 19 000 franais, 30 000 lgionnaires : africains et nord-africains, 114 000 blesss et 28 0000 prisonniers. Les dpenses ont t normes et vaines : 3000 milliards de francs. In fine, LIndochine est perdue. 2 LEurope : la mise plat de la CED Cest une autre question qui empoisonne la vie politique. La construction Europenne est un axe important dans loptique de la constitution dune 3e puissance, pour supprimer les causes de conflits avec lAllemagne, pour pacifier lEurope de lOuest et construire un ensemble europen bnficiant de laide amricaine. Le 18 avril 1951 est cre la CECA (avec notamment Robert Schuman et Jean Monnet en pionnier) rassemblant la France, lAllemagne, le Benelux, et lItalie. Cest essentiellement une concertation sur les volumes, les prix et les investissements. 34

La question du rarmement de lAllemagne entre dans les dbats europens. Elle est pose par les Etats-Unis pour faire face au bloc de lEst. La solution franaise propose est dencadrer ce rarmement dans une communaut militaire europenne permettant le contrle de lAllemagne et un pas supplmentaire dans la construction europenne. En 1950 cest le plan Pleven, sign par les pays partenaires le 27 mai 1952. Puis survient un problme dans sa ratification, tous les pays le plbiscitent lexception de la France. Les dbats lAssemble Nationale sont houleux. Il y a une opposition farouche des deux bords : le RPF dnonce une dmission de souverainet nationale, le PCF une menace antisovitique. Ils russissent coordonner leur opposition, les autres partis ne sont pas totalement pour et la dcision est sans cesse repousse. Les gouvernements craignent de tomber sils remettent le sujet sur le tapis, les partisans cherchent la bonne occasion pour le faire ratifier Le cas typique est celui de Janvier 1954 lors de llection du nouveau Prsident de la Rpublique. Il y a 11 tours de scrutin ! Les opposants barrent tout partisan de la CED et les partisans ne sont pas assez nombreux. Au 13e tour cest finalement Ren Coty qui est lu. Il ne sest pas exprim sur le sujet et est g de 72 ans. Les pays voisins sont de plus en plus impatients, Pierre Mendes-France met la question en discussion lAssemble Nationale. lt 54, il choue dans la recherche dun compromis, y compris au sein de son gouvernement et laisse donc lAssemble prendre ses responsabilit. Le 30 aot, le projet est rejet une large majorit. Il est enterr ! Sur le plan international ce nest quun simple incident de parcours. Pierre MendesFrance concrtise vite une solution de rechange avec les accords de Londres en Octobre 1954. LAllemagne fdrale est reconnue souveraine et est autorise se rarmer et intgrer lOTAN. Les accords sont ratifis en dcembre. Sur le plan national, cela alimente une rancur vive des dirigeants du MRP qui deviennent des opposants systmatiques Mendes-France. C La Chute de Mends Une conjonction de lopposition se forme : le PCF, certains socialistes, pris dans la concurrence, le MRP toujours dans sa rancune vis--vis de la CED, la droite contre le bradeur de lempire, les ruraux et les hommes contre la rpression de lalcoolisme et enfin les poujadistes III Mendes/Poujade, un conflit de la modernit Le moment Mendes est aussi celui de la modernisation controverse. Il fait ressortir un conflit majeur qui oppose les classes moyennes entre elles, bien plus nettement que ne sopposent la classe ouvrire et les bourgeois. Dans limmdiat, le match est nul, mais terme les mendsistes sont victorieux. A Les Mendsistes 35

Ce courant nest pas associ un parti, il est li la personne de Pierre MendesFrance. Cest un ancien rsistant, un expert en conomie entour de jeunes dynamiques et du journal LExpress oubli par JJSS et Franoise Giroud. Ce courant va marquer une gnration : celle de Brgovoy, Delors, Jobert, Hernu. Le mendsiste est plutt urbain et tertiaire. Cest une vritable rnovation de la Gauche. Le mendsisme veut moderniser la France. Tout dabord dans la politique, il dsapprouve la constitution mais dfend des pouvoirs forts pour le parlement. Cest une aspiration un Etat moderne et juste qui respecte la dmocratie gouvernante, un primat de lopinion sur les partis, un refus du communisme et un soutient une certaine dcolonisation. Dans lconomie et la socit, Mendes-France dfend lutilisation dexperts comptents et de projets dans le cadre dune planification et dune intervention de lEtat. Il y a une volont de reconvertir la France dun empire une puissance industrielle, de permettre aux travailleurs de sadapter rapidement des mtiers nouveaux. Des programmes de logements sociaux, dquipements scolaires sont mis en place. Une nouvelle couche sociale est concerne : les nouveaux salaris, cadres, techniciens Lattrait des intellectuels de gauche fait un contrepoids au prestige du PCF. Les ennemis principaux de Pierre Mendes-France sont les partisans de la France traditionnelle, le PCF, les libraux et les dfenseurs de lEmpire (beaucoup dantismites parmi ceux l). Ses adversaires politiques sont aussi en nombre : SFIO, les radicaux qui perdent une partie de leur base militante et le MRP cause de lchec de la CED. B Les Poujadistes Poujade (1920-2003) est un papetier du sud-ouest (Saint Cr). Il crer en 1953 lUnion de Dfense des Commerants er Artisans qui rencontre trs vite un succs important dans ses meetings, actions coups de poing et manifestations. Il trouve ses partisans essentiellement parmi les 3 millions franais de profession indpendante : commerants, artisans, agriculteurs, intermdiaires, Des actions collectives sont organises : raids contre les perceptions, m