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Histoire de Carthage Masque carthaginois du VII e -VI e siècle av. J.-C., Musée du Louvre Shekel de 310-290 av. J.-C.

Histoire de Carthage

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Histoire de Carthage

Masque carthaginois du VIIe-VIesicle av. J.-C., Muse du Louvre

Shekel de 310-290 av. J.-C.

Reprsentation dun lphant sur une stle de calcaire du Muse de Carthage (IIIe-IIe sicles av. J.-C.)

Ruines des thermes d'Antonin, vestiges les plus impressionnants de l'urbanisme romain dans la capitale de l'Afrique proconsulaire (IIe sicle)

Mosaque des quatre vanglistes de la maison du vicus castrorum, Muse national de Carthage

Monnaie du roi vandale Gelimer, VIe sicle

L'histoire de Carthage n'est gure facile tudier du moins dans sa composante phnico-punique en raison de son assujettissement par les Romains la fin de la Troisime Guerre punique en 146 av. J.C. Il ne reste en effet que peu de sources primaires carthaginoises et celles disponibles posent

davantage de questions qu'elles n'aident la comprhension de l'histoire de la ville qui se posa en rivale de Rome. Certains textes puniques ont t traduits en grec ou en latin, comme des inscriptions sur des monuments d'Afrique du Nord. Cependant, la majorit des sources reste disponible par le biais d'auteurs grecs et romains : Tite-Live, Polybe, Appien, Cornlius Npos, Silius Italicus, Plutarque, Dion Cassius et Hrodote. Ces auteurs proviennent de cultures souvent en rivalit avec Carthage : les Grecs lui disputrent la suprmatie en Sicile et les Romains entrrent en guerre contre la cit. Ces sources rdiges par des trangers ne sont donc pas toujours dnues de prjugs. Toutefois, des excavations rcentes ont mis au jour des sources primaires plus fiables, mme si elles restent insuffisantes ; le produit de certaines fouilles confirme des aspects de la vie Carthage telle que la dcrivaient les auteurs anciens, mais d'autres non, beaucoup de dcouvertes restant encore peu probantes. Comme tous les comptoirs phniciens, Carthage doit, en signe d'allgeance et de pit, verser un tribut Tyr. Cependant, le dclin de cette dernire face la progression des Grecs aurait incit la cit punique prendre son indpendance au cours de la seconde moiti du VIIe sicle av. J.-C.. Un sicle et demi aprs la fondation de la ville, les Carthaginois se seraient installs aux les Balares, selon une interprtation d'un texte de Diodore de Sicile, puis dominent l'Ouest de la Sicile, le Sud de la Sardaigne et, allis aux trusques, repoussent les Grecs hors de Corse lors de la bataille d'Alalia de 540-535 av. J.-C. Ils contrlent alors la totalit du commerce et de la navigation en Mditerrane occidentale et possdent de nombreux territoires l'intrieur comme l'extrieur de l'Afrique : Maurtanie, Numidie, Ibrie, Ibiza, Sicile, Sardaigne et Corse. Comme dans le cas de Rome, son ennemie mortelle, le nom de la ville englobe tous les territoires soumis sa juridiction. Le terrain sicilien est le lieu d'affrontement des Puniques et des Grecs dans le long cycle des guerres siciliennes aux Ve-IVe sicles av. J.-C. La mme le est l'origine de la premire du cycle des guerres puniques entre la Rpublique romaine et le pouvoir carthaginois et s'achve par la dfaite de ce dernier. La cit parvient se relever, en particulier du fait de conqutes dans la pninsule Ibrique, mais la Deuxime Guerre punique avec l'pope d'Hannibal Barca s'achve aussi par la dfaite et la fin de l'imprialisme carthaginois. Le dernier conflit est ingal, mme si la cit rsiste trois ans avant d'tre anantie. Aprs la destruction de 146 av. J.-C., la cit est reconstruite par les vainqueurs et rebaptise Colonia Iulia Karthago, mme si elle ne regagne jamais l'importance qui fut la sienne : elle retrouve cependant une certaine aura au travers de son rle de capitale proconsulaire puis de son rle important dans la diffusion du christianisme. partir de la conqute vandale, la cit occupe cependant un rle de plus en plus secondaire, le Moyen ge voyant sinon sa dsertion du moins une faible occupation du site.

Colonisation phniciennePhniciens

Les routes commerciales des Phniciens, du Levant au bassin occidental de la Mditerrane

Au Xe sicle av. J.-C., les diverses populations issues de l'aire culturelle syro-palestinienne, qui habitent un territoire correspondant au Liban actuel, connaissent une expansion de leurs cits maritimes en dpit d'une division politique. De profonds changements ont lieu vers 1200 av. J.-C., poque o les cits se dveloppent et apparaissent puissantes. On y parle alors une langue smitique, semblable l'hbreu ancien, qui se nomme le canaanite. Face un arrire-pays limit, le dveloppement ne pouvait venir que de la mer. De ce fait, les Phniciens vivent du commerce et disposent de ports importants, ce dveloppement tant relier des progrs dans la construction navale comme l'usage du bitume. Cet tat de fait constitue l'lment dclencheur du phnomne de colonisation : c'est depuis leur cit principale de Tyr qu'ils fondent des postes commerciaux travers le bassin mditerranen. Les Grecs dsignent ce peuple sous le nom de Phniciens ou , terme provenant du mot grec pourpre ( ou phonix), spcialit rpandue par les commerants phniciens et issue du coquillage dnomm murex. Le terme Puniques qui qualifie les Phniciens d'Occident signifie phnicien en latin.

Extension des comptoirs phniciensL'expansion phnicienne fait encore l'objet de dbats intenses. Pour assurer des escales leur flotte marchande et conserver un monopole sur les ressources naturelles des rgions mditerranennes, les Phniciens tablissent de nombreuses colonies sur le littoral. La recherche de matires premires, en particulier de minerai, est l'une des finalits principales de ce mouvement. Le minerai recherch tait l'argent, l'tain et le cuivre, sans oublier l'or11. Ils fondent donc ces comptoirs des fins commerciales pour payer le tribut exig par Tyr, Sidon et Byblos mais aussi par crainte d'une totale emprise des Grecs sur la Mditerrane qui signifierait la ruine de leur commerce. Ils ne sont cependant pas assez nombreux pour tablir des cits autonomes et beaucoup de leurs comptoirs atteignent peine les 1 000 habitants.

Aprs un certain nombre de crations coloniales en Mditerrane orientale, en particulier Chypre et Rhodes, les fondations les plus anciennes en Mditerrane occidentale sont Lixus, Gads en 1110 av. J.-C. et Utique en 1101 av. J.-C.. La premire phase est considre comme pr-coloniale , la colonisation se situant proprement parler compter du IXe et de faon plus assure au VIIIe sicle av. J.-C. Les implantations phniciennes et carthaginoises ne sont pas aises distinguer. Quelque 300 comptoirs carthaginois auraient t prsents en Afrique du Nord au moment de la Troisime Guerre punique selon Strabon. En outre, Carthage possdait des cits dans la pninsule Ibrique et, dans une moindre mesure, sur les ctes de l'actuelle Libye. Les Phniciens finissent par contrler l'le de Chypre, la Sardaigne, la Corse et les les Balares, ainsi que des possessions mineures en Crte et en Sicile. Ces deux les se trouvent alors en conflit permanent avec les Grecs. Pendant un temps limit, les Phniciens gardent le contrle de la Sicile entire ; l'le passe ensuite sous la domination de Carthage, qui son tour envoie de nouveaux colons fonder d'autres tablissements ou renforcer les comptoirs qui se sont spars de Tyr et Sidon. Quant au positionnement central du site de Carthage, il a t l'une des causes de l'installation des Phniciens sur ce site, afin d'apporter une rponse aux dangers que reprsentaient pour le commerce phnicien la puissance assyrienne et les concurrents hellnes. Les premiers comptoirs se situent sur la double route des minraux ibriques, vers l'espace dnomm Tarsis par les sources bibliques ou Tartessos, mme si ces dnominations restent incertaines : d'une part, le long de la cte africaine, et d'autre part en Sicile, en Sardaigne et aux les Balares. Si Tyr reste le centre conomique et politique du monde phnicien, la cit perd peu peu son pouvoir la suite de nombreux siges, jusqu' sa destruction par Alexandre le Grand. Mme si chaque comptoir paie un tribut Tyr ou Sidon, aucune des deux cits n'exerce un contrle vritable sur eux. Cette politique entrane le ralliement de plusieurs colonies ibriques aux cts des Romains lors des guerres puniques.

Fondation de Carthage : lgende et histoireLgende

Didon construisant Carthage, par Turner (1815)

Didone abbandonata par Andrea Sacchi, 1630-1635, Muse des Beaux-Arts de Caen

Selon la tradition transmise par les sources littraires, la cit de Qart Hadasht qu'il faut traduire par Nouvelle Ville ou Capitale Nouvelle a t fonde par la reine lyssa. Fille du roi de Tyr Muttoial ou Blus II, elle s'enfuit de Phnicie lorsque son frre Pygmalion assassine son mari Syche (aussi appel Acherbas), grand prtre de Melqart, pour accder au pouvoir et surtout lui voler ses

richesses. La princesse soustrait les trsors et s'enfuit avec des serviteurs craignant la rpression du nouveau souverain. lyssa, galement orthographie Alissa, est nomme Didon chez les Romains, encore que ce second nom soit prsent dans les sources grecques sous la forme Deid ; l'hrone aurait t baptise de ce nom par les populations autochtones, le nom signifiant l'Errante Aprs une escale Chypre, lyssa s'installe sur les ctes d'Afrique, dans l'actuelle Tunisie, avec d'autres Tyrens, dont certains sont des notables ayant abandonn la ville, et des vierges de Chypre enleves alors qu'elles devaient s'adonner la prostitution sacre. C'est donc un contingent htroclite qui serait l'origine de l'une des plus grandes cits de l'Antiquit. La tradition la plus couramment admise date la fondation de la ville en 814 av. J.-C. Selon les traditions les plus rpandues, le roi du pays, Hiarbas ou Iarbas, consentit leur offrir un territoire aussi grand que pourrait en recouvrir une peau de buf . lyssa, en ayant recours une ruse punique (punica fides) dcoupa alors la peau en lanires dont elle entoura un territoire suffisant pour y btir une citadelle, les arrivants payant un tribut au roitelet local. Ce territoire, appel Byrsa ( buf ), deviendra le centre historique de la cit punique. Le rcit de la fondation donne une explication pour le nom de la citadelle de Carthage et pose la ruse employe par les Phniciens face aux populations autochtones perues comme naves. S'interpose alors un pisode destin expliquer le destin de la cit : les arrivants dterrent une tte de buf, cet vnement tant considr comme un prsage de dur labeur. Creusant ailleurs, ils trouvent une tte de cheval, animal considr comme plus noble et plus propice la nouvelle cit. La lgende de cette cration finit tristement car lyssa se serait jete dans le feu pour protger sa cit et rester fidle son poux, trois mois aprs que le roi Hiarbas exigea le mariage avec la nouvelle venue. L'amour de cette femme et du prince ne a t chant par Virgile dans L'nide. Au cours de son priple pour fonder une nouvelle Troie, ne atteint le sol d'Afrique et y fait escale aprs une tempte. Il est accueilli par lyssa arrive avec sa sur Anna. Une grande passion nat alors entre eux mais elle est interrompue par les dieux de l'Olympe, qui rappellent au hros troyen qu'il doit reprendre son voyage pour fonder une nouvelle capitale, en l'occurrence Rome. Lorsque ne quitte Carthage, lyssa incapable de supporter cet abandon prfre se donner la mort sur un bcher aprs s'tre transperce avec l'pe qu'il lui avait remise. L'ombre de Didon refuse de pardonner ne qu'elle rencontre aux Enfers, accompagne par la sibylle de Cumes, et refuse de rpondre ses questions. Les Phniciens de Tyr arrivant Carthage donnent la cit sa divinit poliade : Melqart. Carthage envoie donc chaque anne une ambassade pour faire un sacrifice dans sa cit d'origine, mme si le couple divin principal est constitu de Tanit et Ba'al Hammon.

Datation, fondation et histoire intrieure de Carthage

Une partie du mobilier de la Chapelle Cintas du tophet au Muse national de Carthage

Deux traditions placent la fondation de la cit de Carthage du temps de la guerre de Troie, au XIIIe sicle av. J.-C., ou de l'anne 814 av. J.-C.. La tradition basse situant la fondation la fin du IXe sicle av. J.-C. l'emporte par le nombre de mentions. Les dates hautes rvles par les traditions littraires n'tant pas vrifies par les traces matrielles, certains ont plac la fondation des autres cits phniciennes de Lixus et Utique au VIIe sicle av. J.-C., hypothse rejete par Serge Lancel du fait de l'impossibilit pour les cits du Levant de lancer de telles expditions cette poque marque par de grandes difficults lies aux assauts assyriens. Le dpt de cramiques appel Chapelle Cintas au tophet de Carthage a entran un dbat sur les premiers temps de la cit, le dcouvreur renonant toutefois sa propre thse. Les historiens et archologues datent les premiers lments archologiques de Carthage du milieu du VIIIe sicle av. J.-C., aprs qu'une datation la fin du premier tiers du VIIe sicle av. J.-C. a t propose. L'cart entre tradition et trace archologique s'est considrablement rduit, en particulier du fait des avances lies aux rsultats des fouilles effectues durant la campagne de l'Unesco et aussi en Andalousie. L'absence de traces archologiques antrieures peut tre compense par le mode de datation des cramiques proto-corinthiennes, dont les dates ne sont pas d'une absolue prcision en l'tat actuel des connaissances. Cependant, la date du VIIIe sicle av. J.-C. n'est pas carte d'emble, la date traditionnelle de la fin du IXe sicle apparaissant comme de moins en moins improbable quand on relie les dcouvertes archologiques rcentes et les sources littraires. La cit n'est pas qu'un comptoir ds l'origine car il a un destin particulier selon Lancel. L'installation en Afrique se fait avec un contact, sinon une coexistence, avec un pouvoir local dont le nom perdure dans la dnomination d'une circonscription territoriale, le pagus Muxi. La civilisation carthaginoise est donc le produit, la greffe russie 44, d'un mtissage entre les arrivants levantins et des apports palo-berbres. Encore au VIIe et au dbut du VIe sicle av. J.-C., la cit africaine reste tourne vers la mer, surtout vers l'Orient, mais aussi la pninsule Ibrique, la Sicile et le monde trusque.

L'histoire intrieure et l'organisation politique de Carthage ne peuvent tre crits selon Maurice Sznycer et Gilbert Charles-Picard, faute de documents primaires utilisables. Les auteurs grecs et latins en donnent une vision tronque, quoi qu'indispensables au vu de l'tat de la documentation disponible pour les tudier. Aprs la figure de la fondatrice, Justin voque le rle de Malchus, militaire ayant vcu au milieu du VIe sicle. Aprs avoir remport des victoires, une dfaite svre en Sardaigne aboutit une action de force l'issue de laquelle il aurait t excut. Le IVe sicle aurait t une priode de transition politique importante, le peuple prenant davantage de place au travers des sufftes partir du IIIe sicle.

Frres PhilneSalluste et l'auteur du Priple du Pseudo-Scylax racontent la faon dont aurait t fixe la limite territoriale entre Puniques et Grecs en Afrique du Nord. Pour dcider d'une frontire avec la colonie grecque de Cyrne (actuelle Libye), et au lieu de se lancer dans un conflit arm, les deux cits conviennent que chacune devait envoyer le mme jour une expdition qui longerait la cte, la frontire devant se situer au point de rencontre. Les Carthaginois, conduits par les frres Philne, marchent jour et nuit, si bien qu'ils rencontrent les Cyrniens beaucoup plus prs de Cyrne que de Carthage, au fond du golfe de la Grande Syrte, dans l'actuelle Libye. Les Cyrniens les accusent alors d'tre partis avant la date convenue et dclarent qu'ils ne reconnatraient cette frontire que si les frres Philne se font enterrer vivants sur place. Par dvouement envers leur cit, ceux-ci acceptent, acte que Salluste signale par la prsence de l'autel des frres Philne. Cet autel n'a pas laiss de traces et de nombreux dbats ont eu lieu ds l'Antiquit son sujet. Certains auteurs comme Strabon voquant des colonnes, d'autres comme Pline l'Ancien voquant des structures naturelles. La frontire politique et conomique fut durablement tablie cet emplacement, mme si les Ve et IVe sicles ont vu un approfondissement de l'occupation ctire en de de celle-ci.

Expansion

Aires d'influence en Mditerrane occidentale en 509 av. J.-C.

Les archologues et les historiens ont des difficults distinguer ce qui relve des Phniciens de ce qui relve des Puniques dans les fouilles menes sur les sites du domaine phnico-punique les plus anciennement occups, en particulier dans le Nord de l'Afrique ; cette distinction tait galement difficile pour les contemporains du VIIesicle av. J.-C. La spcification de Carthage est surtout le fait des VIe-Ve sicles av. J.-C

Caractres de l'espace phnico-punique de Mditerrane occidentaleL' empire punique qui se constitue est considr comme une confdration des colonies prexistantes derrire la plus puissante d'entre elles, au moment du dclin de la cit mre de Tyr. Carthage aurait t charge d'assurer la scurit collective et la politique extrieure, voire commerciale, de cette communaut. L'absence de source crite entre la fondation de la ville et la seconde moiti du VIe sicle55 entrane une dpendance vis--vis des sources archologiques complexes interprter. La question de l'imprialisme de Carthage a fait l'objet de dbats passionns, certains historiens dont Yann Le Bohec affirmant son existence mme si celui-ci a connu une priode de ralentissement. La mainmise carthaginoise sur les cits phniciennes du bassin occidental de la Mditerrane est date du VIe sicle av. J.-C, mme si les diffrentes composantes de l'espace punique semblent avoir eu une grande autonomie, particulirement en terme de politique commerciale. Les possessions africaines de Carthage auraient alors particulirement mal vcu l'exploitation de la main d'uvre des finalits agricoles, les sources se faisant l'cho de rvoltes brutales.Les pisodes entourant la perte de la Sardaigne voquent galement un rejet du pouvoir punique. En dpit de sa puissance, l'espace punique apparat la veille des guerres puniques comme souffrant d'un dficit de cohrence gographique et d'une certaine faiblesse territoriale, outre le caractre d'une arme de mercenaires la fidlit alatoire.

ColoniesColonisation de la Sardaigne

Carte de la Sardaigne antique avec la localisation de ses divers occupants

Les premires installations phniciennes en Sardaigne sont dates de la fin du IXe sicle av. J.C. comme en tmoigne la stle de Nora. Les relations avec les Sardes de culture nuragique ont parfois t difficiles, en particulier concernant l'intgration des lments culturels exognes. Nanmoins, les choix faits par les arrivants pour les lieux d'installation ont suivi ceux des prcdents matres de l'le. Pour sa part, l'implantation carthaginoise est date de la fin du VIe av. J.-C., avec en particulier la prise de possession du site de Monte Sirai qui tmoigne de l'importation de modles de fortifications orientales. L'le tait un fleuron des Phniciens depuis la fin du IXe sicle. Cependant, le milieu du VIe sicle voit la dfaite de Malchus face aux populations indignes. La victoire d'Alalia confirme l'implantation des Carthaginois sur l'le et leur permet de s'implanter aussi en Corse, l'le bnficiant galement des traits entre Rome et Carthage. L'le est intgre au circuit complexe des changes de Mditerrane centrale, cette circulation ayant pour consquence un repli de la culture originelle. Entre le Ve et le IIIe sicle av. J.-C., les Carthaginois y rigent une srie de fortifications, le IVe sicle voyant la conqute de l'ensemble de l'le. Les dcouvertes archologiques rvlent une homognit culturelle partout sur le territoire sarde, ce qui indique la force de l'implantation punique, sauf sur la partie Nord-Est laisse sans doute volontairement aux populations originelles.

Colonisation de Malte

L'archipel de Malte a connu une civilisation ancienne partir du Chalcolithique. Avec le dclin de la Phnicie sous les coups de boutoir des Assyriens et des Babyloniens, il serait pass sous le contrle de Carthage en 480 av. J.-C. C'est alors une colonie prcieuse dans la lutte que les Carthaginois mnent contre les Grecs puis contre les Romains. Selon Jacques Godechot, il est probable que l'archipel tait un relais important dans le commerce avec les les Britanniques et du Cap-Vert avec des dpts de marchandises et dj des chantiers de rparation navals. Les traces d'une installation phnicienne remontent au VIIIesicle avec la prsence de ncropoles, la cohabitation avec les populations originelles tant galement visible dans les temples comme Tas Silg. Ceux-ci dmontrent pendant cette priode une continuit autour des zones cultuelles prhistoriques, avec galement une ouverture vers des influences grecques et gyptiennes. L'emprise punique ne cesse qu'en 218 av. J.-C.. C'est Malte qu'ont t retrouvs au XVIIe sicle deux cippes dats du IIe sicle av. J.-C. ddis au dieu Melqart, seigneur de Tyr, sur lesquelles une inscription bilingue en phnicien et grec permet en 1758 un archologue franais, l'abb Jean-Jacques Barthlemy, de dchiffrer la langue phnicienne.

Possessions carthaginoises en Sicile

Restitution d'un navire quittant lecothon de Moty

La Sicile est frquente pour sa part par les Phniciens ds les XIIe-XIe sicles av. J.-C. L'installation phnicienne dans des centres urbains, aprs une phase de pr-colonisation, est date de la seconde moiti du VIIIe sicle voire du VIIe sicle av. J.-C., sur le site de Moty tout au moins85. La prsence punique y a une finalit commerciale avant d'tre base sur une ambition territoriale, mme si des indices d'une activit industrielle ont t retrouvs. En outre, les possessions puniques n'y sont pas organises de manire centralise.

La situation de la Sicile est complexe, les Grecs et les Carthaginois se disputant sa possession du Ve au milieu du IIIe sicle av. J.-C87. Cependant, les relations entre eux ont souvent t positives. Thucydide voque un repli des colonies carthaginoises sur quelques points, dont Moty, au moment de l'arrive des Grecs ; cette cit avait t fonde du VIe sicle avant l'emprise carthaginoise sur l'Ouest de l'le. Un coup d'arrt est plac l'expansion carthaginoise suite la dfaite d'Himre en 480 av. J.-C., les guerres siciliennes dmontrant l'enjeu de la possession de l'le. L'implantation punique dans l'le dure avec de nombreux alas lis aux victoires et aux revers de cette trs longue priode, jusqu' ce qu'elle soit supplante par Rome l'issue de la Premire Guerre punique.

Possessions en Espagne continentale

Trsor d'El Carambolo, tmoignage du mouvement orientalisant de la rencontre entre Phniciens et civilisation de Tartessos, VIIe, or, Muse archologique national de Madrid

L'Espagne actuelle est touche par l'expansion phnicienne de manire prcoce, la fondation de Gadir, colonie phnicienne la plus importante d'Occident pour Mara Eugenia Aubet, tant date selon la tradition littraire (Velleius Paterculus notamment) de 1100 av. J.-C.. L'archologie dmontre une prsence orientale importante en Andalousie orientale autour des annes 750-550 av. J.-C., avec un apoge au VIIe sicle. Les populations de l'ancienne civilisation de Tartessos se mlent aux Phniciens aux VIIIe-VIIe sicles, avec un mouvement d'acculturation qualifi d'orientalisant, tant dans la civilisation matrielle que sociale. La colonisation avait comme finalit de se rapprocher des mines de mtaux, dont l'argent, ce commerce concourant la prosprit phnicienne. Le temple principal de Gads consacr Melqart y a jou un rle non seulement religieux mais aussi conomique durant toute l'Antiquit. Les tablissements phniciens d'Espagne connaissent une crise au VIe sicle, suivie par la priode punique (VIe-IIIe sicle) qui se caractrise par des apports culturels de Carthage, religieux mais aussi

urbains. Aprs une intervention au VIe sicle, les Carthaginois auraient pris pied en Espagne, dans le contexte de concurrence avec les Phocens de Massalia. l'poque punique, Gadir conserve des liens avec Tyr98. La prise de possession est systmatise partir du IIIe sicle av. J.-C. du fait de la famille des Barcides dans une province appele Espagne barcide par les historiens.

Colonisation d'Ibiza [modifier]

uf d'autruche peint, lment de la ncropole de Puig des Molins, Muse de Puig des Molins, Ibiza

Ibiza possde quant elle une situation privilgie pour le commerce vers le nord-est de la Mditerrane et pour la qualit portuaire de sa baie. Inhabite au dpart, l'installation de colons provenant de l'ancienne colonie de Gadir a lieu au VIIe sicle av. J.-C101. Selon Diodore de Sicile, elle aurait t prise en 654 av. J.-C.102 par Carthage, ce qui en ferait une colonie proprement parler punique, la question n'tant pas tranche du fait des dcouvertes

archologiques retrouves dans l'importante ncropole de Puig des Molins pouvant appartenir tant au monde phnicien qu'au milieu punique. Mara Eugenia Aubet considre pour sa part que l'le n'intgre l'espace punique que dans la seconde moiti du VIe sicle. L'identification est aussi problmatique du fait de la nature funraire de la documentation archologique, un changement apparaissant dans l'le au dbut du VIe sicle avec un dveloppement de caractres propres Carthage. Les Balares dont Ibiza fournissent une unit d'lite aux armes de Carthage, les frondeurs, ds le IVesicle81. Les Ve-IIe sicles av. J.-C. sont une priode d'apoge pour l'le, une phase de colonisation intense aux Ve-IVe sicles tant suivie par un rayonnement commercial dans une grande partie de la Mditerrane occidentale partir du IIIe sicle av. J.-C. L'occupation romaine ne met pas fin la diffusion de la civilisation punique.

Expansion en AfriqueLa prsence phnicienne en Afrique du Nord est prcoce comme en tmoigne la tradition lie Utique. Mme si, ds la fin du VIe sicle av. J.-C., Carthage prend possession des colonies phniciennes d'Afrique du Nord, l'expansion territoriale de Carthage y est tardive et considre habituellement comme lie la dfaite d'Himre en 480 av. J.-C.. M'hamed Hassine Fantar date cette prminence du VIIe sicle av. J.-C. La mainmise se limite donc longtemps des installations ctires appeles chelles puniques. Ces espaces, qui sont situs tous les trente quarante kilomtres, ont t mis en vidence sur l'actuel territoire algrien par Pierre Cintas, en particulier le site de Tipaza. Certaines installations sont le fait de populations installes en Andalousie, en particulier Rachgoun ds le VIIe sicle. partir de 480 av. J.-C., Carthage se serait lance dans la conqute d'un arrire-pays, les dtails de l'expansion tant mconnus. Le Ve sicle aurait galement vu la fin du tribut vers au pouvoir africain originel. La connaissance du territoire africain de Carthage ne peut se dduire que du fait des allusions des auteurs anciens au moment des empitements successifs de Massinissa la fin de l'histoire de la cit punique. De mme, Serge Lancel a distingu les territoires sous contrle et ceux qui relevaient d'une zone d'influence. Mme si l'espace n'est pas prcisment dlimit, Fantar voque pour l'actuelle Tunisie une irrigation exhaustive de la civilisation punique. Les ctes du Maroc actuel semblent tre passes d'une influence phnicienne une influence punique aux VIe-Ve sicles. Pour sa part, l'Algrie actuelle, aprs une emprise phnicienne prcoce, semble tre passe sous le joug des royaumes numides avant le IIIe sicle, aprs une priode punique indtermine ; le changement n'a pas induit une rupture dans la diffusion de la civilisation punique. Les espaces administrs par Carthage ont fait l'objet d'tudes pour une partie d'entre eux. L'organisation romaine en a conserv certains bien identifis du fait d'une inscription ddie Trajan dcouverte sur le forum de Makthar, qui livre les noms des pagi Thuscae et Gunzuzi. L'espace africain de Carthage tait en partie protg par un systme de fortifications, dont certaines

ont t identifies et explores dans la zone du cap Bon, et une sorte de limes dnomm fosses phniciennes et encore mal identifi. En dpit de mouvements de rvoltes, une population mtisse de populations africaines et d'origine orientale a pu se dvelopper. Dnomme Libyphniciens, elle a fourni des bataillons d'infanterie. Ce mtissage d'lments orientaux et africains a produit la civilisation punique d'Afrique du Nord, dont les caractres ont longtemps perdur.

Premires rivalits et traitsTrait avec la puissance trusque

Une des lamelles de Pyrgi avec une inscription en trusque et en phnicien

La tradition, qui rapporte un trait entre la puissance trusque et la cit punique, est appuye par des indices archologiques : les lamelles de Pyrgi, trouves sur le sol italien avec des textes en phnicien et entrusque, sont une ddicace datant d'environ 500 av. J.-C. d'un temple Astart, desse phnicienne, par Thefarie Velianas, roi de Caer. Les fouilles de Carthage ont galement livr

une inscription en trusque destine prsenter un individu, peut-tre un marchand punique. Cette inscription, trouve sur la colline dite de Sainte Monique, a peut-tre t rdige dans la cit trusque de Vulci. Ces lments s'ajoutent de nombreuses cramiques bucchero qui confirment des liens commerciaux prcoces, ds leVIIe sicle et au moins jusqu'au dbut du Ve sicle.

Rivalits avec les PhocensLes Phocens, ds les dbuts de leur prsence en Mditerrane occidentale, sont des concurrents srieux au dveloppement des intrts phnico-puniques, en raison de leur volont de dvelopper le commerce des mtaux. La colonisation phocenne prend la forme d'une installation Marseille, vers 600 av. J.-C., contre laquelle Carthage semble avoir luttLes Phocens installs Alalia en Corse vers 565 av. J.-C. subsistent par des actes de piraterie et menacent les intrts des allis trusques et puniques, d'autant que la prise de leur mtropole par les Perses entrane une migration. La bataille d'Alalia en 540 av. J.-C. oppose les Phocens de Marseille et d'Alalia aux deux allis et se conclut par une stabilisation des zones d'influence dans cette rgion de la Mditerrane. La bataille navale est connue par le rcit qu'en a fait Hrodote mais l'archologie a dmenti le rcit qui nonait un abandon du site par les Grecs : une population grecque s'est en effet maintenue sur le site, avec une prsence punique la fin du premier tiers du IIIe sicle av. J.-C., peu avant l'occupation romaine l'issue de la Premire Guerre punique.

Traits avec RomeLes relations avec Rome sont tout d'abord cordiales, avec la signature d'un trait ds la fin du VIe sicle av. J.-C. Cependant, au fur et mesure, les relations se tendent et rendent ncessaires la signature de nouveaux traits en 348, 338, 306 puis 279 av. J.-C. En 509 av. J.-C., Carthage et Rome signent un trait qui divise les aires d'influence et de commerce entre les deux cits. Le texte connu par Polybe est la premire source qui indique que Carthage a conquis la Sicile en partie et surtout la Sardaigne o elle semble jouir d'un monopole commercial Les Romains et leurs allis ne devaient aller au-del du Beau Promontoire sauf dans des cas trs limitatifs. Au dbut du Ve sicle av. J.-C., Carthage est devenue le centre commercial de l'Ouest du bassin mditerranen. cette poque, la cit a conquis la plupart des anciennes colonies phniciennes, comme Hadrumte, Utique et Kerkouane, soumis les tribus de la Libye et s'est empare de la cte nord-africaine depuis le Maroc jusqu'aux frontires de l'gypte. Carthage a galement tendu son influence en Mditerrane en prenant la Sardaigne, l'le de Malte, les Balares et la cte occidentale de la Sicile. Des comptoirs importants sont fonds dans la pninsule Ibrique. De nouveaux traits sont donc signs avec Rome : les conditions du prcdent trait sont confirmes voire tendues la pninsule Ibrique en 348 av. J.-C. ; Carthage a de son ct la possibilit d'intervenir au Latium mais sans prise de possession de territoires possible1. Renouvel en 338 av. J.-C., de nouveaux accords sont signs en 306 av. J.-C., voyant Rome exclue de la Sicile et Carthage de l'Italie, puis en 279-278 av. J.-C. lors de l'invasion de Pyrrhus.

Guerres contre les puissances grecques : des guerres siciliennes la guerre de PyrrhusGuerres siciliennesPremire guerre sicilienne

Paysage typique de Sicile

La prosprit conomique de Carthage ainsi que l'importance des voies marines pour son commerce conduisent la cit s'armer d'une flotte puissante, destine dcourager les pirates et les rivaux commerciaux. La flotte de Carthage et son hgmonie croissante ont alors tout pour inquiter les Grecs. La Sicile, aux portes de Carthage, devient la scne des guerres siciliennes. Depuis longtemps, les Grecs et les Phniciens convoitent cette le stratgique et tablissent de nombreuses implantations sur ses ctes. Par consquent, il existe depuis des sicles des conflits locaux entre ces diffrents comptoirs. En480 av. J.-C., Glon, tyran de Syracuse, tente avec le soutien de plusieurs cits grecques d'unifier l'le sous sa domination en attaquant en particulier Trillos, alli de Carthage, install Himre138. Carthage sent la menace et, avec l'alliance de l'Empire perse selon certaines sources antiques139, dclare la guerre la Grce en envoyant ses troupes sous le commandement du gnral Hamilcar de Giscon. Selon les sources traditionnelles, Hamilcar dispose alors de 300 000 hommes ; ce chiffre est srement exagr mme si sa force fut sans doute considrable138. En route pour la Sicile, le gnral subit des pertes en raison du mauvais temps subi lors de la traverse. Aprs son arrive Panormus (actuelle Palerme), il est battu la bataille d'Himre en 480 av. J.-C. ; il serait mort au cours des combats ou se serait suicid de honte en se jetant dans un

bcher140,138. la suite de cette dfaite, Carthage se remet en cause : Gilbert Charles-Picard a considr que l'vnement avait fond le remplacement de l'ancien gouvernement aristocratique par une rpublique. Largement mconnues, ces consquences ont amen le dveloppement de l'intrt de la cit maritime pour son arrire-pays108, pourvoyeur de ressources et d'hommes.

Deuxime guerre sicilienne [modifier]Article dtaill : Deuxime guerre grco-punique.

Vers 410 av. J.-C., Carthage s'est remise de ses revers militaires : elle a conquis une grande partie de la Tunisie actuelle, fortifi et fond de nouvelles colonies en Afrique du Nord ; elle soutient les expditions d'Hannon le long de la cte africaine et d'Himilcon dans l'ocan Atlantique. Durant cette priode, les colonies de la pninsule Ibrique se rebellent contre Carthage coupant son approvisionnement en argent et encuivre mais Hannibal de Giscon, petit-fils d'Hamilcar, commence des prparatifs pour reconqurir la Sicile et lance dans le mme temps des expditions au Maroc, au Sngal et dans l'Atlantique. En 409 av. J.-C., Hannibal de Giscon embarque pour la Sicile avec ses troupes. Il parvient envahir des cits mineures comme Slinonte etHimre141 avant de retourner triomphalement Carthage avec son butin. Mais l'ennemie principale, Syracuse, n'est pas touche et, en 405 av. J.-C., Hannibal mne une seconde expdition avec l'intention de s'emparer de l'le tout entire. Cette fois, il se heurte des rsistances. Ainsi, lors du sige d'Agrigente, les forces carthaginoises sont dcimes par une pidmie de peste dont Hannibal lui-mme est victime. Son successeur Himilcon parvient remporter des succs en brisant le sige, en s'emparant de la cit de Gela et en battant plusieurs reprises l'arme de Denys l'Ancien, tyran de Syracuse142. Ce dernier, lui aussi atteint par l'pidmie de peste, se trouve contraint de ngocier un trait de paix.

Reconstitution de l'le fortifie de Moty avec la chausse de liaison avec la terre ferme, prise par Denys de Syracuse en 398

Aires d'influence dans le bassin occidental de Mditerrane en 348

En 398 av. J.-C., Denys viole le trait en attaquant la forteresse carthaginoise de Moty qui est prise l'anne suivante143, ses dfenseurs tant crucifis144. Himilcon riposte par une reprise de Moty et une conqute deMessine. Finalement, Himilcon assige Syracuse jusqu'en396 av. J.-C., lorsque la peste oblige les forces carthaginoises lever le camp. Les sources antiques attribuent cette pidmie au saccage d'un sanctuaire deDmter et Kor, divinits qui seront transportes et vnres en Afrique du Nord en guise de rparation145. Pendant les soixante annes suivantes, Carthaginois et Grecs s'affronteront dans diverses escarmouches, avec des fortunes diverses. En 340 av. J.-C., l'arme carthaginoise est cantonne dans la partie sud-ouest de l'le et la paix qui rgne en Sicile est loin d'tre dfinitive.

Troisime guerre sicilienne [modifier]Article dtaill : Troisime guerre grco-punique.

Carte de la Tunisie punique au moment de l'expdition d'Agathocle

En 315 av. J.-C., le tyran de Syracuse Agathocle s'empare de Messine et, en 311 av. J.-C., envahit les derniers comptoirs carthaginois de Sicile ; il assige galement Agrigente. Hamilcar dirige la riposte carthaginoise avec succs : il contrle pratiquement la Sicile entire en 310 av. J.-C. et fait le sige de Syracuse. En dsespoir de cause, Agathocle mne en secret une expdition de 14 000 hommes sur le continent africain afin de sauver son rgne par une attaque contre Carthage. Cette expdition est une victoire : Carthage est oblige de rappeler Hamilcar et la majeure partie de son arme pour faire face la nouvelle menace. L'expdition d'Agathocle connat une suite de victoires, mme si elle est nanmoins incapable de prendre la capitale punique. L'arme d'Agathocle est par la suite battue en 307 av. J.-C. suite la dfection de ses allis libyens ; celui-ci russit s'enfuir en Sicile d'o il ngocie une paix qui garde Syracuse son statut de place forte grecque. Il ne s'attaqua plus aux places puniques jusqu' sa mort survenue en 289 av. J.-C..

Guerre de Pyrrhus

Aires d'influence en Mditerrane occidentale en 306

Entre 280 et 275 av. J.-C., Pyrrhus d'pire entreprend deux expditions destines accrotre l'influence des Macdoniens dans l'Ouest de la Mditerrane. La premire vise la Rpublique romaine qui merge au sud de l'Italie tandis que la seconde est dirige contre Carthage enSicile. Pyrrhus envoie une avant-garde forte d'une infanterie de 3 000 hommes sous le commandement de Cinaeus Tarente ; l'arme principale traverse la pninsule grecque avant de s'engager dans des batailles contre les Thessaliens et les Athniens. Aprs ses succs initiaux, Pyrrhus rejoint son avantgarde Tarente.

Guerre de Pyrrhus en Italie

Au cours de ses campagnes d'Italie, Pyrrhus reoit des envoys des cits siciliennes d'Agrigente, Syracuse etLeontini qui demandent de l'aide pour vincer la puissance carthaginoise devenant prpondrante sur l'le. Pyrrhus accepte et fait renforcer les cits siciliennes d'une infanterie de 20 000 hommes, d'une cavalerie de 3 000 hommes, de vingt lphants de guerre ainsi que de 200 navires. Au dbut, la guerre de Pyrrhus en Sicile contre Carthage est un succs : il parvient faire reculer les forces carthaginoises et s'empare de la cit-forteresse d'ryx, mme s'il doit renoncer Lilybe. Aprs ces pertes, Carthage essaie d'entamer des ngociations de paix, proposant de conserver seulement Lilybe. Pyrrhus n'accepte ces tractations qu' condition que Carthage renonce la Sicile tout entire alors que son sige de Lilybe se solde par un chec. Selon Plutarque, Pyrrhus projette alors d'attaquer Carthage elle-mme et commence mettre sur pied une expdition cette fin. Cependant, son traitement impitoyable des villes siciliennes ainsi que l'excution de deux gouverneurs siciliens souponns de trahison accroissent l'hostilit des Grecs. Pyrrhus se voit contraint de quitter la Sicile pour l'Italie mridionale151 en 276 av. J.-C.. Ses expditions en Italie ne s'tant pas soldes par des victoires dcisives, Pyrrhus se retire en pire. Pour Carthage, cela ramne la situation au statu quo. Pour Rome, le fait que Pyrrhus n'ait pas su dfendre les colonies de la Grande-Grce signifie qu'elle va les faire entrer dans sa sphre d'influence, qui s'tendra jusqu' la domination totale de la pninsule italienne.

Guerres puniques : fin de l'imprialisme et de la cit punique

Un conflit de plus d'un sicle

La lutte entre Rome et Carthage prend de l'ampleur avec l'essor des deux cits : ce sont les trois guerres puniques, qui faillirent voir la prise de Rome mais se conclurent par la destruction de Carthage, en 146 av. J.-C., aprs un sige de trois ans.

Premire Guerre punique : choc frontal avec Rome (264-241)

Extension du territoire carthaginois avant la Premire Guerre punique, priode de son extension territoriale maximale

Le conflit entre Carthage et Rome succde de longues annes de traits, mais l'loignement de la menace grecque laisse les deux puissances montantes de Mditerrane face face. La puissance de Carthage en Mditerrane est alors prpondrante, avec la possession des principales les. La vellit punique de prendre Messine entrane le conflit car Rome se trouve dsormais directement menace aprs avoir pris pied dans le sud de la pninsule italienne la suite de l'aventure d'Agathocle et surtout du fait de la fin de la guerre de Pyrrhus. La Premire Guerre punique couvre les annes 264 241 av. J.-C. Il s'agit d'un conflit essentiellement naval et de luttes d'influence en Sicile. L'enjeu principal en est la possession du dtroit de Messine. Les Carthaginois prennent d'abord la ville deMessine, qui avait t enleve par des mercenaires mamertins en 288 av. J.-C.. En lutte contre Hiron, les Mamertins demandent l'aide des Carthaginois puis se tournent vers Rome. Cette dernire considre cette demande d'aide comme une soumission et ne peut se dsintresser de Messine, proximit des villes grecques d'Italie, qui viennent de passer sous leur protection. Appius Claudius Caudex traverse donc le dtroit et prend par surprise la garnison punique de Messine, ce qui dclenche le dbut de la guerre. Suite ce revers, le gouvernement de Carthage rassemble ses troupes Agrigente mais les Romains, mens par Claudius et Manius Valerius Maximus Messalla, s'emparent des villes de Sgeste et d'Agrigente aprs un sige de sept mois.

Agrigente, les Carthaginois parviennent cependant fuir. De nombreuses villes siciliennes ayant opt pour une alliance avec Rome, Carthage dcide de concentrer ses forces sur certains points et tient en chec les forces romaines. Les batailles navales longtemps l'avantage de Carthage se rquilibrent du fait de l'invention du corbeau par les Romains, technique applique la premire fois en 260 av. J.C. la bataille de Mylaegagne par le consul Caius Duilius. En outre, les Romains dirigs par Regulus mnent une expdition en Afrique, dans la rgion du cap Bon, en 256 av. J.-C. La zone est ravage avec la destruction de la cit de Kerkouane date de cette poque selon les archologuesRegulus mne son arme sous les murs d'Oudna et monte son camp devant Tunis, dsireux d'imposer des conditions trs dures aux Puniques. Les Carthaginois recrutent alors des mercenaires Sparte, dont XanthippeAprs un engagement, Regulus est fait prisonnier, des crivains tardifs allguant qu'il serait retourn Rome pour voquer des conditions de paix inacceptables et serait rentr Carthage y subir le martyre. Cette lgende est cependant fausse selon Serge Lancel. Rome tente en vain de prendre l'avantage sur mer, alors que la guerre terrestre se poursuit en Sicile. Le sige de Lilybe se solde par un chec cuisant pour les RomainsLa guerre dure encore vingt ans sans qu'aucun affrontement ne soit dcisif. La bataille finale a finalement lieu auxles gates en 241 av. J.-C. Les conditions de paix ngocies par Hamilcar Barca sont alourdies dans un second temps : la Sicile, dj largement romaine, est perdue et Carthage doit en outre payer une indemnit de guerre de 3 200 talents dont 1 000 sur-le-champ

Premier entre-deux-guerres (241-218 av. J.-C.) (Yann Le Bohec)La guerre inexpiable des mercenaires

tapes de la guerre des Mercenaires, 241-238

Aprs avoir conclu la paix et abandonn la Sicile aux Romains, Carthage doit rprimer une rvolte de sesmercenaires (241-238 av. J.-C.) mens par Spendios, mercenaire campanien et Math, chef des Libyens. Giscon rapatrie par groupes successifs les armes puniques, composes de mercenaires et de Libyens, de la Sicile vers l'Afrique. Le Snat de Carthage avait essay par l'intermdiaire de Hannon de discuter le montant de la solde due et rassembl les mercenaires Carthage puis Sicca. Les rvolts, des Africains mais aussi desCampaniens selon Polybe, menacent l'actuelle Tunis et obtiennent le paiement de leur solde. Toutefois, leurs demandes supplmentaire bloquent la situation.

La guerre est dure et apparat comme une guerre civile cause de son caractre africain marqu. Les cits africaines donnent trs majoritairement une aide aux rvolts, leurs fournissant galement des troupes. Un groupe part assiger les cits d'Utique et Hippo Diarrhytus, fidles la capitale punique, alors qu'un autre organise une sorte de blocus de l'isthme de Carthage. Hamilcar Barca parvient lever le sige d'Utique et s'allier Naravas et aux Numides, usant de diplomatie afin de susciter des dfections dans le camp adverse. En guise de rponse, les rvolts torturent et tuent Giscon et plusieurs centaines de Carthaginois Ils sont finalement crass par Hamilcar Barca dans le dfil dit de la Scie , en particulier du fait de la faim rgnant dans leurs rangs et de l'usage des lphants de guerre. Spendios et d'autres rvolts sont crucifis par les Carthaginois alors que les rvolts crucifient un otage appel Hannibal. Les allis libyens des rvolts sont battus pour leur part prs de Leptis Minus. Math est pour sa part crucifi aprs un long martyre Carthage Aprs un appel Rome, l'occasion d'une rvolte indigne, la Sardaigne est perdueDurant la guerre, Rome avait refus de rpondre une invitation de mercenaires locaux mais change d'avis en 238-237 av. J.-C., en violation flagrante du trait de paix ayant mis fin la Premire Guerre punique. Carthage souhaite ragir mais, face la volont romaine de reprendre la guerre, doit se rsoudre accepter le fait accompli et payer une indemnit de guerre complmentaire. Les Romains prennent possession de la Corse au mme moment. En 218 av. J.-C., la cit punique perd aussi Malte. L'vnement a connu une postrit en raison de la place qu'il occupe dans le roman de Gustave Flaubert, Salammb, qui est fidle au rcit de l'historien Polybe.

Espagne barcideLa famille des Barcides conquiert une principaut dans le sud de l'actuelle Espagne partir des possessions anciennes des Phniciens. Ce dploiement punique en pninsule Ibrique avait pour but de compenser les pertes de la Sicile et de la Sardaigne en prenant possession de zones minires. En effet, la fin de la Premire Guerre punique s'achevant par la perte de la Sicile et de la Sardaigne, Hamilcar Barca dcide de prendre non seulement possession des mines ibriques mais aussi d'obtenir une base territoriale en Ibrie afin de rsister aux RomainsIl dsire selon Hdi Slim y jeter les bases d'un pouvoir monarchique et militaire fort, tout en trouvant les ressources conomiques et humaines dont il avait besoin Les mines permettent d'aider au paiement de l'indemnit de guerre due Rome. En 226 av. J.-C., le trait de l'bre sign entre Hasdrubal le Beau et Rome interdit aux Puniques de franchir en armes le fleuve. En 219, le sige de Sagonte, allie de Rome, entrane la Deuxime Guerre punique.

Deuxime Guerre punique (218-201 av. J.-C.)

Double shekel d'argent reprsentant Hannibal Barca

Route d'Hannibal de Carthagne Zama

La Deuxime Guerre punique, dans les annes 218-202 av. J.-C., a pour point culminant la campagne d'Italie : le gnral Hannibal Barca, issu de la famille des Barcides, parvient traverser les Pyrnes et lesAlpes avec ses lphants. Pourtant, il renonce tenter d'entrer dans Rome. Le prtexte de la guerre avait t le sige de Sagonte par les Carthaginois ; ils auraient d se trouver audel de l'bre selon le trait de241 av. J.-C. qui dlimitait les zones d'influence respectives des deux puissances. Une ambassade romaine envoye Carthage ne peut que constater l'approbation de la cit envers les actes du Barcide en Ibrie, et donc l'acceptation du nouveau conflit entre les deux puissances L'expdition d'Hannibal commence en 218 ; l'arme composite de 90 000 fantassins et 12 000 cavaliers, dont des lments de la clbre cavalerie numide, se trouve rduite 50 000 fantassins, 9 000 cavaliers et 37 lphants la veille du passage en Italie. Elle traverse le sud de la Gaule mais vite les allis de Rome dans la rgion ; Hannibal parvient mme se faire des allis parmi certaines populations gauloises. Il fait franchir les Alpes son arme au cours d'un priple prouvant et loign de la mer afin d'viter les lgions romaines. Cependant, l'arme y perd la majeure partie de ses lphants de guerre et de nombreux soldats et n'arrive en Italie qu'avec 20 000 soldats d'infanterie et 6 000 cavaliers. La descente en Italie est d'abord une succession de victoires fulgurantes pour le fils d'Hasdrubal. Aprs labataille du Tessin, les victoires de Trbie et du lac Trasimne sont terribles pour Rome qui perd ses chefs sur le champ de bataille. Aprs Trasimne, Hannibal laisse partir les allis italiens de Rome pour diviser le camp adverse et ne cherche pas prendre la cit. Celle-ci nomme alors Quintus Fabius Maximus comme dictateur afin qu'il tente de harceler les positions puniques. La bataille de Cannes porte toutefois un coup terrible Rome en raison de la supriorit tactique du Carthaginois. La dfaite, le 2 aot 216, voit un effondrement des Romains alors que la supriorit numrique est de leur ct. 70 000 d'entre eux restent sur le terrain, dont le consul Paul mile et les deux consuls de 217 av. J.-C. ; Carthage perd 4 000 Gaulois, 1 500 Ibres et Africains, et 200 cavaliers.

Hannibal regardant la tte de Hasdrubal de Giovanni Battista Tiepolo, 1725, Kunsthistorisches Museum de Vienne

L'attentisme d'Hannibal est nanmoins marqu lors du fameux pisode des dlices de Capoue ; son hsitation permet aux Romains d'organiser la dfense de leur ville mme si Hannibal use de ce temps pour tisser des alliances avec des cits italiennes et leur garantir l'autonomie. Les tentatives d'apports de renforts pour l'arme d'Hannibal se soldent par un semi-chec en 215 av. J.-C. Le gnral se tourne donc vers la diplomatie pour faire basculer la guerre en sa faveur : c'est d'abord l'alliance avec Philippe V de Macdoine, tentant d'ouvrir un nouveau front lors de la Premire guerre macdonienne, puis la prise de contrle de Syracuse en 214, qui est perdue deux ans aprs. Les Romains s'assurent lors de la campagne sicilienne de la fidlit des cits, y compris par des massacres prventifs comme Enna. En211 av. J.-C., Capoue est perdue par Hannibal alors que Rome reprend peu peu les positions du Barcide en Italie centrale et du Sud, l'acculant rester en Calabre. Le front avait t ouvert en Espagne en 218, avec une succession de victoires et de revers pour Rome, puis l'intervention du futur Scipion l'Africain qui prend Carthagne en 209 av. J.-C. Hasdrubal Barca, aprs s'tre illustr sur ce terrain, part la rencontre de son frre mais meurt lors de la bataille du Mtaure de 207 av. J.-C., coupant tout espoir de renforts Hannibal qui en reoit la tte dans son camp. Scipion l'Africain opre aussi le revirement diplomatique de Syphax puis de Massinissa afin que Carthage soit prise revers, aprs avoir sign la paix avec Philippe V de Macdoine en 206 av. J.C. La tentative de la part de Magon Barca d'oprer un soulvement ligure et celte dans le Nord de l'Italie s'avre un chec en 203 av. J.-C.

Scipion porte alors la guerre en Afrique, en 204 av. J.-C., face Syphax qui a renou avec l'alliance punique mais choue devant Utique. En 203 av. J.-C., il bat Hasdrubal Gisco et Syphax la bataille des Grandes Plaines, avec sa suite l'pisode tragique de la mort de Sophonisbe. Des pourparlers de paix ont lieu en 203 mais les termes ne sont pas accepts par Rome. Un vnement mineur fait reprendre la guerre, la bataille de Zama scellant le sort de Carthage en 202 av. J.-C. : Massinissa et 10 000 cavaliers numides font la diffrence en dpit de l'engagement de 80 lphants de guerre qui n'occasionnent que des dgts mineurs grce une manuvre habile de Scipion. Carthage perd la totalit de ses possessions hispaniques, sa flotte et se voit interdire toute remilitarisation ; Hannibal fuit quant lui et se rfugie Hadrumte. Elle perd aussi l'essentiel de conqutes rcentes sur les marches de Numidie. Ne pouvant faire la guerre sans en rfrer Rome, elle ne garde plus que dix navires de guerre. En outre, elle doit payer une lourde indemnit de 10 000 talents. Au final, Carthage perd son statut de puissance mditerranenne. Malgr la victoire finale, cette guerre ne satisfait pas tous les Romains. Le relvement conomique rapide de leur rivale, qui demande en vain payer aprs dix ans seulement des indemnits de guerre prvues sur cinquante annes, confirme aux Romains la menace potentielle des Puniques. Enrichie par une activit oriente vers le seul commerce, Carthage se voit dote dans ces annes d'un nouveau programme urbanistique sur le flanc sud de Byrsa et d'un vaste amnagement de ses ports. Pousss par la crainte d'avoir encore affronter Carthage, les Romains en viennent dcider, selon le fameux mot de Caton l'Ancien (Delenda Carthago est), que la destruction totale de la cit ennemie est le seul moyen d'assurer la scurit de la Rpublique.

Deuxime entre-deux-guerres (201-149 av. J.-C.) (Yann Le Bohec)La Deuxime Guerre Punique a eu logiquement des consquences importantes sur la socit carthaginoise et sur son conomie mais, aprs201 av. J.-C., le redressement conomique de Carthage est soutenu par une thse de Gilbert-Charles Picard202. La principale raison de cette renaissance conomique est due un dynamisme important des commerants carthaginois durant cette priode. Dans diffrentes rgions du bassin mditerranen (Sicile, pninsule Ibrique, sud de l'Italie, Sardaigne, Balares, Gaule mridionale, littoral du Maghreb), les archologues ont retrouv une clbre cramique vernis noir que les spcialistes ont baptis cramique punique tardive ; celle-ci tait fabrique seulement Carthage. De plus, la cit importe alors beaucoup de cramiques dites campanienne A , ce qui montre que la cit en avait les moyens. Nanmoins, la cit exporte aussi des tissus, des mtaux (notamment de l'tain et de l'argent), des salaisons et des produits agricoles divers203. Cette reprise conomique n'a pourtant pas permis Carthage de retrouver la puissance qui tait la sienne avant la Deuxime Guerre punique. Beaucoup de domaines conomiques sont en recul, consquence d'un conflit important ayant eu lieu peu de temps auparavant, comme par exemple la faiblesse des titres des monnaies, la rutilisation des tombes ou le faible de nombre de bijoux en or. De plus, le domaine de Carthage s'est rduit la chra (territoire qui correspond au Nord de

l'actuelle Tunisie) et le roi numide Massinissa n'attend que de pouvoir s'accaparer une partie de ce territoire. Le roi numide avait dj ouvert son royaume sur la mer par la conqute des chelles puniques204 et d'autres cits proches de la Petite Syrte partir de 193 av. J.-C.205. Pour Carthage, une diminution de son territoire signifie donc moins d'hommes et moins d'argent, mais galement moins de mercenaires206.

Troisime Guerre punique : destruction de CarthageLa Troisime Guerre punique (149-146 av. J.-C.) est dclenche par une offensive romaine en Afrique qui aboutit la dfaite et la destruction de Carthage aprs un sige de trois ans.

Vitrine avec des lments du sige au Muse national de Carthage

Carthage, qui avait retrouv une certaine prosprit conomique entre 200 et 149 av. J.-C., se trouve contrainte de violer le trait de 201 avec Rome en se laissant entraner dans une guerre avec les Numides de Massinissa, lancs dans des campagnes successives destines empiter sur le territoire africain, zone d'influence de la cit punique aux abois, en 193 av. J.-C., 182 et enfin 172. En 165-162, le roi numide s'empare des comptoirs appels emporia sur la Petite Syrte. En 151, la dernire annuit due Rome est finalement rgle mais Carthage souffre des intrusions de Massinissa dans la rgion des Grandes Plaines en 153-152, la suite des lesquelles une requte de mdiation Rome n'avait rien donn. En 150, Carthage dcide de contre-attaquer, peut-tre pour freiner l'expansion numide sous la houlette de son roi charismatique Ds lors, une fois casus belli obtenu, le Snat romain dcide d'une campagne destine amener les troupes romaines pied d'uvre : le sige de Carthage va durer trois ans, de 149 146 av. J.-C. Aprs avoir demand 300 otages, les Romains exposent enfin leur volont une dlgation punique Utique au printemps 149 av. J.-C. : Carthage doit livrer ses armes et ses machines de guerre. Par la suite, les Romains exigent des Puniques d'abandonner leur ville et de s'installer loin de la me. Les Carthaginois s'engagent dans la bataille et toute la population contribue prparer la dfense de la ville, en fournissant or et mme cheveux. D'abord men par les consuls Manilius et Censorinus, qui chouent face au systme dfensif de la capitale punique, le sige est conduit finalement par Scipion milien, surnomm ds lors Scipion le second Africain . Scipion, consul en 147 av. J.-C., qui avait t dsign comme excuteur testamentaire par Massinissa, parvient dtourner une partie des dfenseurs de la ville et viter la droute lors de plusieurs offensives.

L'offensive finale partit de la zone des ports puniques

Il met en place un blocus de la cit en installant son camp face aux fortifications et en faisant construire une digue. Les Carthaginois parviennent raliser une sortie de navires. Nanmoins, la position romaine dans la zone portuaire, qui permet d'approcher des machines de sige, est renforce par 4 000 hommes supplmentaires dans l'hiver 147-146. Le sige s'achve par l'assaut final en mars ou avril 146, suivi de la destruction totale de la ville. Les soldats romains vont de maison en maison en excutant ou en asservissant la population ; les tmoignages sur la guerre de rue tmoignent notamment d'une frocit particulire et 50 000 personnes sont rduites en esclavage ce stadeLe point final de la cit punique est le sige de la citadelle, situe sur la colline deByrsa, abritant 1 000 irrductibles. Il se serait achev par le suicide de l'pouse d'Hasdrubal le Botarquereproduisant le geste d'lyssa aux origines de la ville. La chute et l'incendie de la cit dure pendant dix-sept jours. Raye de la carte, elle ne laisse que des ruines. Au XXe sicle, une thorie a indiqu que les Romains ont rpandu du sel sur les terres agricoles de Carthage pour empcher de cultiver la terre, thorie dsormais totalement dmentie, l'Afrique devenant par la suite le grenier bl de RomeLe territoire de l'ancienne cit est nanmoins dclarsacer, c'est--dire maudit.

Carthage aprs Qart Hadasht : de la domination romaine la cit byzantineCarthage romaine

Localisation de la province romaine d'Afrique

La fin de la Troisime Guerre punique marque l'tablissement de la province romaine d'Afrique d'une superficie de 25 000 km2 et protge des vellits numides par la fossa regia. Aprs la chute de Carthage, sa rivale Utique, allie des Romains, devient la capitale de la province et remplace la premire en tant que centre conomique et politique rgional. Utique se trouve au bord du bassin de

la Medjerda, seule rivire de l'actuelle Tunisie qui possde un dbit constant durant toute l'anne, ce qui constitue une position avantageuse pour elle. Cependant, la culture du bl en amont accrot le niveau de limon qui finit par se dposer dans le port, contraignant Rome reconstruire Carthage.

Ruines des thermes d'Antonin Carthage

Alors que les Gracques, en particulier Caius Sempronius Gracchus, tentent en 122 av. J.-C. dtablir une coloniedanciens vtrans sous le nom de Colonia Junonia Carthago Junon est la correspondance romaine de la desse Tanit , cette tentative choue. Cependant, l'installation laisse des traces dans la campagne carthaginoise qui est occupe ; les centuriations de la pninsule de Carthage ont ainsi t mises en vidence par Charles Saumagne. Jules Csar dclare que Carthage devrait tre reconstruite mais cette intention reste lettre morte du fait de son assassinat aux Ides de Mars en 44 av. J.-C.. La reconstruction est donc l'uvre d'Auguste en 29 av. J.-C. La nouvelle cit prend le nom de Colonia Julia Carthago : au nom ancien sont apposes le nom de la famille impriale les Julii et la personnification de la Concorde tant dsire aprs les guerres civiles. La nouvelle Carthage a un but politique clairement affirm : promouvoir la romanit et lancer laromanisation en Afrique du Nord, rgion la fois libyco-numide et punique, comme l'illustrent les premiers btiments publics. Le centre monumental recouvre les vestiges de la capitale punique, en particulier le forum install aprs un amnagement considrable de la colline de Byrsa. Cette colonie est aussi dote d'un trs vaste et trs riche territoire, sa pertica, qui intgre d'anciennes cits africaines, commeDougga, o des vtrans romains peuvent tre installs. La ville redevient la capitale administrative de la province d'Afrique proconsulaire, sige du proconsul, alors que celle-ci est confie au Snat car, de conqute ancienne, elle est considre comme calme. Toutefois, une cohorte stationne en ville pour assurer le maintien de l'ordre et excuter les ordres du proconsul. Ce calme dure en continu de la fin du Ier sicle ap. J.-C. au milieu du IIIe sicle ap. J.-C. Sous Septime Svre, Carthage voit sa pertica diminue, les cits qui la composaient accdant en effet lautonomie municipale. On estime souvent que cest en contrepartie de cette perte quelle obtient le ius italicum, privilge fiscal rare dont bnficie aussi entre autres cits africaines Utique etLeptis Magna. Toutefois, il semble plutt ncessaire de sparer les deux mesures et dattribuer la concession du droit italique Caracallaseul, donc entre 211 et 217.

Ruines de villas dans le parc des villas romaines Carthage

Basilique de Damous El Karita, un difice cultuel chrtien parmi d'autres tmoignant de la diffusion du christianisme Carthage

Rapidement aprs la fondation de la colonie, la ville avait retrouv son rang et sa prosprit d'autrefois. Elle devient l'une des cits les plus importantes de l'Empire romain d'Occident du fait de l'enrichissement de la province li aux exportations vers Rome ; le bl mais aussi l'huile d'olive y ont pour objet d'alimenter le systme de lannone. La plus grande prosprit semble correspondre l'accession au pouvoir des Svres la fin du IIe sicle et au dbut du IIIe sicle. La population est estime entre 100 000 et 200 000 habitants aux Ier et IIe sicles, et 300 000 habitants lors de la conqute vandale, pour une ville de 321 hectares de superficie La prosprit ne semble pas se dmentir, alors que des catastrophes urbaines la frappent : tremblements de terre, incendie sous Antonin le Pieux, conflits politiques et religieux. Les crises qui branlent lEmpire romain au IIIe sicle engendrent de graves consquences pour la capitale proconsulaire, notamment lusurpation de Gordien Ier et la rpression qui suit sa chute en 238 : la ville est pille, y compris ses temples. De mme, de 308 311, la cit devient la capitale de lusurpateur Domitius Alexander mais est pille lors de sa chute. Carthage subit en outre un tremblement de terre en 306 qui touche essentiellement la zone littorale et la suite duquel la ville a sans doute du mal se relever. Lactivit portuaire reprend dans la zone de lancien port militaire et des restaurations ont lieu dans les thermes d'Antonin l'extrme fin du sicle, entre 388 et 392. Carthage bnficie des rformes administratives et financires de la fin du IIIe et du dbut du IVe sicle, en particulier celles de Diocltien, l'Afrique proconsulaire tant divise entre Zeugitane, Byzacne etTripolitaine. Le IVe sicle est en outre une priode de prosprit conomique qui sexprime autant par la vitalit des constructions prives, avec de riches villas, que publiques ; les btiments religieux, avec les installations destines au christianisme dominant, en particulier les trs riches basiliques, en sont un exemple. Les reconstructions sont galement des tmoignages pour les

destructions du sicle prcdent. Le christianisme y est fortement implant, y compris avant Constantin, du fait du rle commercial majeu et du lien avec une importante communaut juive Les perscutions impriales s'y exercent toutefois avec des martyrs ds la fin du IIe sicle ; saint Cyprien, son premier vque, y subit le martyre en 258Les perscutions de Diocltien s'y exercent avec une duret particulire. Ce caractre fait qu'elle devient un centre spirituel majeur de l'Occiden. Patrie de Tertullien, saint Cyprien ou saint Aurle en sont originaires. Tertullien a pu crire au gouverneur romain : L'tat, s'crie-t-on, est assig jusque dans les campagnes, dans les bourgs fortifis, dans les les, il n'y a que des chrtiens ; des personnes de tout sexe, de tout ge, de toute condition, de tout rang mme passent au nom chrtien et l'on s'en afflige comme d'un dommage Il signifie ainsi que la nouvelle religion est trs rpandue.

Statuette de Ganymde, Vesicle ap. J.-C., Muse palo-chrtien de Carthage

Une srie de conciles commence quelques annes plus tard avec la participation de 70 vques. Tertullien se spare ensuite du courant principalement reprsent par l'vque de Rome, un schisme plus grave tant constitu par la controverse entre catholiques et donatistes. Elle nat des perscutions et de l'apostasie de certains membres de l'glise, dont l'vque de Carthage, contre lesquels Augustin d'Hippone lutte maintes reprises. En 397, le canon biblique de l'glise d'Occident est confirm au concile de Carthage. Auconcile du 1er juin 411, Augustin d'Hippone fait condamner l'hrsie qui se maintient cependant pendant un temps. L'vque d'Hippone fait condamner aussi le plagisme. La priode est cependant prospre.

Sicle vandale

Monnaie d'argent du roi vandaleHildric

Carthage et les autres centres de la province sont finalement conquis en439 par les troupes vandales du roi Gensric, qui bat le gnral byzantin Boniface et fait de Carthage la capitale de son royaume : Gensric est un arien, c'est--dire un hrtique par rapport au catholicisme institu. La priode vandale concide avec une reprise des perscutions mme si la prudence doit tre de mise sur l'ampleur de celles-ci ; les sources tant essentiellement catholiques, elles sont donc sujettes des accusations de partialit. Cependant, certaines sources tmoignant de travaux urbains peuvent difficilement tre crues du fait de l'tat actuel des vestiges. Aprs un essai vain de reconqute au Ve sicle, les Byzantins de Justinien battent les Vandales au VIe sicle. Le 15 octobre 533, le gnral byzantin Blisaire entre Carthage et vite un sac de la ville.

Carthage byzantine.

La Dame de Carthage, mosaque du VIe sicle, Muse national de Carthage

Justinien installe Carthage le sige de son diocse d'Afrique et tente de restaurer la cit et la province251. la suite de la crise monothliste, les empereurs byzantins, opposs l'glise d'Afrique, se dtournent de Carthage. Sous le rgne de l'empereur Maurice, Carthage devient un exarchat l'image de Ravenne en Italie. Les deux exarchats constituent les remparts de Byzance car ils reprsentent les derniers territoires qu'elle possde encore en Occident. Au dbut du VIIe sicle, l'exarque de Carthage d'origine armnienne,Hraclius, parvient renverser l'empereur Phocas. L'exarchat byzantin ne peut cependant pas rsister aux conqutes arabes du VIIe sicle. La premire attaque est lance depuis l'gypte, sans grand succs, en 647. Une campagne plus efficace est entreprise entre 670 et 683. En 698, l'exarchat de Carthage est finalement mis bas par Hassan Ibn Numan la tte d'une arme de 140 000 hommes ; il finit par dtruire Carthage tout comme les Romains en 146 av. J.-C.Tunis et surtout Kairouan fonde cette occasion prennent ds lors la place de Carthage en tant que centres rgionaux. La destruction de l'exarchat de Carthage marque la fin de l'influence romaine et byzantine en Afrique du Nord, et la monte de l'islam au Maghreb.

Hannon (navigateur)Hannon est un navigateur et explorateur carthaginois qui a explor une partie des ctes africaines une date incertaine, entre -630 et -530, voire -425.

Histoire de l'exploration [

Priple de Hannon

Vers 500 av. J.-C., le suffte (archonte) Hannon est charg par Carthage de franchir les Colonnes d'Hercule avec une flotte de soixante navires de cinquante rameurs chacun et 30 000 personnes bord dbarquer chaque tape pour y fonder des colonies (ou peupler des comptoirs dj existants) et, une fois atteint le dernier comptoir, de poursuivre sa route pour une expdition d'exploration. Son priple a t transcrit sur une stle dpose dans le temple de Ba'al-Hammon Carthage. L'original punique ne nous est pas parvenu, mais nous en possdons une version grecque intitule Rcit du voyage du roi des Carthaginois Hannon autour des contres qui sont au-del des Colonnes d'Hercule, grav sur des plaques suspendues dans le temple de Kronos. Selon le rcit qui nous est parvenu, il se dcompose comme suit en cinq tapes tudies par Jrme Carcopino :

1. 2.

De Gads (Cadix) Thymatrion (embouchure de loued Sebou, prs de l'actuelle Knitra) De Thymatrion au Soloeis (cap Cantin, le cap Beddouza actuel, proche deSafi) et au Mur

Carrien (Safi), puis retour par tapes vers Gytt et Melitta (anciennes colonies de Cott et Melissa, vers Tanger) et enfin un long arrt Lixus (Larache, sur lactuel oued Loukkos)

3.

De Lixus lle de Cern (baie de Rio de Oro)

4. 5.

Expdition de reconnaissance de Cern jusqu' lintrieur du delta du fleuve Sngal et

retour Cern. De Cern au fond du golfe de Guine, sur les rivages du Cameroun.

Il y avait donc dj sept colonies fondes sur le littoral de l'actuel Maroc, immdiatement aprs Tanger, correspondant aux actuelles :Larache, El-Jadida (ancienne Mazagan), Safi et Cern prs de Villa Cisneros (Dakhla) dsign sous le nom d' le d'Hern sur les anciennes cartes marines, 1800 km au sud de Gads (Cadix). Jusqu' Cern, l'amiral carthaginois n'a pas voyag au hasard ; l'vidence il connaissait la route et Cern devait tre un avant-poste qui avait dj t fond, et o il laisse les derniers colons dont il avait la charge. De cette base extrme du monde punique part l'expdition. Le but de cette exploration tait vraisemblablement de reprer les ctes plus au sud pour y fonder ultrieurement de nouveaux comptoirs. De ce point de vue, le priple illustre bien la faon de procder des Carthaginois et des Phniciens avant eux. Le fleuve Chrts correspond sans doute au fleuve Sngal, et Hannon qui tait revenu Cern sans avoir rien trouv de concluant ravitaille son navire et dcide de continuer plus avant. Il double un contrefort bois qui est sans doute le cap Vert puis longe le littoral domin par le volcan Kakoulima avant d'arriver la Corne d'Occident qu'est la baie du Bnin. Il aperoit au loin le Char des Dieux , le mont Cameroun, pour arriver la Corne du sud , la baie de Biafra sans doute. Pour avoir pu prendre des interprtes parmi les nomades Lixus, ce comptoir devait exister depuis dj un certain temps pour que certains soient devenus bilingues. Ctaient en outre autant de guides connaissant les contres que les Phniciens embarquaient avec eux, capables de les renseigner sur les populations quils auraient rencontr. Enfin, il parat impossible qu'avec des comptoirs situs pratiquement en face des les Canaries - qu'on peut parfois voir lil nu depuis la cte -, Phniciens ou Carthaginois ne s'y soient jamais rendus, mme si nous ne possdons aucune trace directe de leur ventuel passage. Des pices de monnaie puniques datant du IIIe sicle av. J.-C. ont par contre t retrouves dans l'le de Corvo aux Aores, plus distantes, qui, si elles y ont t apportes l'poque, montreraient qu'existait un trafic entre cet archipel et la population des comptoirs les plus proches de la cte africaine.

Le priple d'HimilconLa plus ancienne rfrence du voyage d'Himilcon est une brve mention dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien. Himilcon est cit trois fois par Rufus Festus Avienus, qui crivit un rcit potique sur la gographie au IVe sicle av. J.-C.. Ce priple dut avoir lieu vers 450 av. J.-C. environ. Festus Avienus cite comme sources Himilcon lui-mme et des annales puniques. Il mentionne une "le sacre", la "nation des Hibernes, l'"le des Albions. Le capitaine carthaginois et son quipage, partis de Gads (Cadix), seraient parvenus au pays des strymnides, dont les les sont riches entain et en plomb , aprs un voyage sem dembches : bancs dalgues, brouillards pais, hauts et bas-fonds, et autant de monstres marins personnifiant ses difficults de navigation.

Ce priple reprit sans doute un itinraire utilis auparavant par les marins de Tartessos, remontant les ctes de la pninsule Ibrique vers le nord pour faire route vers les les Cassitrides, les les de ltain (Kassiteros signifiant tain en grec). Diverses hypothses ont t envisages pour localiser ces les : dissmines au nord-ouest de lEspagne actuelle entre Vigo et le cap Finisterre, ou plus au nord vers les ctes britanniques (ce seraient alors les les Scilly ou archipel des Sorlingues), ou encore en Armoriquedans un golfe aujourdhui ensabl de lestuaire de la Loire. Sans vouloir localiser cette le avec prcision, il est sans doute plus juste de voir dans le Priple dHimilcon la Route de ltain , minerai quon trouvait en plusieurs lieux, route qui menait trs certainement jusquen Cornouailles, aux fins d'attirer vers Gads le commerce du plomb et de l'tain.