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HUSSERL ET LA REPRISE GÉNÉTIQUE DE LA MÉRÉOLOGIE

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Katholieke Universiteit-LeuvenHoger Instituut voor Wijsbegeerte

HUSSERL ET LA REPRISE GÉNÉTIQUE DE LA MÉRÉOLOGIEAuthor(s): L. Van EyndeSource: Tijdschrift voor Filosofie, 61ste Jaarg., Nr. 4 (VIERDE KWARTAAL 1999), pp. 697-727Published by: Peeters Publishers/Tijdschrift voor FilosofieStable URL: http://www.jstor.org/stable/40888802 .

Accessed: 24/06/2014 22:01

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Tijdschrifivoor Filosofie, 61/1999, p. 697-727

HUSSERL ET LA REPRISE GÉNÉTIQUE DE LA MÉRÉOLOGIE

par L. VAN Eynde (Bruxelles)

Dans une étude relativement récente, Jocelyn Benoist introduisait son propos par ces lignes audacieuses : «Rendre leur couleur aux objets : tel

pourrait être, schématiquement résumé, le projet de toute phénoméno- logie, transcendantale ou autre, avec plus ou moins de succès du reste»1. Cette affirmation se fonde, bien sûr, sur l'analyse de la théorie du tout et des parties telle que Husserl Ta développée dans la troisième de ses Re- cherches logiques. Cette méréologie, donc, dégage en effet une légalité in- hérente à la matérialité même du contenu visé dans l'acte intentionnel, et ce quelle que soit la modalité de l'intentionnalité. Husserl révèle ainsi un a priori objectif matériel qui s'impose à la représentation et force à prendre en considération la matière de l'objet dans sa constitution comme condition même de son objectivité. Les relations de dépendance et d'indépendance structurent l'objectivité dans sa concrétude - et

Laurent VÀN EYNDE (1967), docteur en philosophie et lettres des Facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles), est chargé de recherches au F.N.R.S. et enseigne la métaphysique et la philosophie de la littéra- ture aux FUSL II est l'auteur de livres et articles consacrés à la phénoménologie et à l'histoire de la philoso- phie allemande (idéalisme, romantisme, classicisme). Derniers livres parus : La libre raison du phénomène. Essai sur la «Naturphilosophie» de Goethe, Paris, Vrin, 1998, et Goethe lecteur de Kant, Paris, P.U.F., 1999.

1 J. BENOIST, La découverte de l'a priori synthétique matériel : au-delà du «quelque chose», le tout et les

parties (RL III), in Recherches husserliennes, vol. 3, 1995, p. 3. Cet article a été réédité récemment, avec quel- ques modifications, sous le titre «La logique de l'expérience : le tout et les parties», dans J. BENOIST, Phénoménologie, sémantique, ontologie. Husserl et la tradition logique autrichienne, Paris, P.U.F., 1997, p. 148- 167. Dans ce cas, la phrase que nous citons se trouve à la p. 149.

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parmi les relations de dépendance a prioriques, Husserl se plaît à retenir plus particulièrement l'exemple de la couleur et de la surface, ce qui ex- plique immédiatement la formule de Jocelyn Benoist. Mais «rendre leur couleur aux objets» doit bien sûr s'entendre au sens beaucoup plus général de la réhabilitation de l'a priori synthétique matériel qui s'impose à l'empirie elle-même tout comme au jugement - thèse qui est alors dirigée aussi bien contre l'empirisme le plus strict que contre le kantisme. Or, qu'il y ait là un enjeu profondément phénoménologique, c'est ce qu'atteste l'ancienneté du traitement de cette thématique par Husserl. Si la question méréologique n'est encore qu'entrevue dans la Philosophie de l'arithmétique, avec l'évocation des «moments figuraux», s'y annonce pourtant l'exigence d'une analyse approfondie que confir- meront ensuite les travaux de 1894, que ce soit dans les Études psycholo- giques pour la logique élémentaire ou à l'occasion de la polémique avec Kasimir Twardowski autour du statut à accorder aux fameux Objets in- tentionnels. En manière telle que la troisième Recherche logique apparaît plutôt comme le terme d'une série déjà longue de réflexions.

A dire vrai, les Recherches fogiques, en développant ce chapitre méréo- logique, font droit à la question qui taraude l'esprit de Husserl depuis qu'il en est arrivé à distinguer les concreta et les abstracta et en fin de compte les abstracta matériels et les abstracta formels. Toute la réflexion de Husserl s'articule depuis lors autour de la distinction des deux a prio- ns, matériel et formel, qui légalisent le milieu objectif de l'intentionnalité. Si donc la description psychologique reste le maître- mot méthodologique du jeune Husserl, elle aboutit surtout à le confronter à cette tension dans laquelle est prise l'objectivité elle-même. Mais alors que la prise en compte des deux a prioris objectifs se produit d'abord sur le fond du souci constant de leur articulation, les Prolégomè- nes de 1900, dans leur effort de fondation de la logique comme science théorique à part entière, poseront une très nette distinction verticale entre l'a priori synthétique matériel et l'a priori analytique formel que la distinction transversale entre l'a priori du milieu subjectif et l'a priori objectif formel paraît ne devoir que creuser encore un peu plus, tant il est vrai qu'elle semble aller de pair avec un désintéressement à l'égard de

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l'autre a priori objectif. C'est donc non sans étonnement que l'on découvre cette étude de l'a priori synthétique matériel que constitue la troisième Recherche logique - comme si ce qui était ici en jeu, c'était bien une simple «contrepartie ontologique» au traitement beaucoup plus am-

ple et systématique de l'a priori formel dans son rapport à la significa- tion.

Or, si le traitement du milieu objectif de l'intentionnalité doit se comprendre selon la problématisation de la distinction verticale des deux a prioris, on ne peut qu'être intrigué par la résurgence de la question méréologique bien plus tard dans l'itinéraire de Husserl, après que les

zigzags de sa pensée l'aient conduit à mettre l'accent, désormais, sur l'a

priori subjectif au prix de cet idéalisme transcendantal qui lui a été, et lui est parfois encore, reproché. Au surplus, la reprise de la théorie du tout et des parties paraît bien acquérir encore un peu plus de poids du fait de son inscription dans la perspective génétique, si importante, à partir de

Logique formelle et logique transcendantale et des Méditations cartésiennes,

pour la nouvelle fondation de la logique du point de vue de sa généalo- gie. Ainsi, la méréologie réapparaît dans une perspective génétique dans le texte établi par Ludwig Landgrebe, et connu sous le titre $ Erfahrung und Urteil, et cela à la faveur de questions semblables à celles qui furent traitées dans les Leçons sur la synthèse passive. Quelle est dès lors la portée et le sens de cette reprise, alors même que la question de la distinction verticale des deux a prioris objectifs ne peut plus être étudiée sans autre sur le modèle des Recherches logiques, mais bien seulement dans la per- spective de cette nouvelle tension qui domine le traitement du milieu subjectif de l'intentionnalité depuis les Ideen II, à savoir la tension

généalogique et téléologique entre la nature et l'histoire ?

I

La troisième Recherche logique a pour vocation d'accuser la distinction entre ce qu'elle approche, à la suite de la seconde Recherche, comme deux types d'à priori, cette double a priorité qui structure, selon des mo- dalités d'appréhension différentes, l'empirie du concretum visé dans l'acte

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intentionnel. Or, cette entreprise est pour l'essentiel menée à bien par le premier chapitre de la troisième Recherche. Le traitement que Husserl réserve alors à la différence entre contenus indépendants et dépendants permet d'apporter un certain nombre de précisions essentielles sur ce que sont les moments abstraits et les fragments concrets de l'objet indivi- duel. Cette différence dans le rapport des parties au tout implique la prise en considération d'une légalité inhérente à la matérialité même de l'objet tel qu'il se donne. Les rapports de dépendance s'imposent à la conscience qui n'a d'autre choix que de s'y accorder, incapable qu'elle serait même de penser un autre ordre des choses matérielles. «Ce sont des distinctions objectives [sachliche], fondées dans l'essence pure des choses, mais qui, parce qu'elles existent et que nous les connaissons, nous obligent à énoncer qu'une pensée qui s'en écarterait serait impossi- ble, c'est-à-dire qu'un jugement qui s'en écarterait serait erroné. Ce que nous ne pouvons penser ne peut pas exister, et ce qui ne peut pas exister, nous ne pouvons pas le penser [. . .]»2.

Pourtant, il faut bien reconnaître que, hormis l'acquis d'une plus grande précision conceptuelle, on n'en apprend guère plus sur les conte- nus concrets indépendants et les contenus abstraits non-autonomes que ce que l'on savait déjà depuis les textes de 1894 ou même par rapport à la fin de la seconde Recherche. La méréologie de la troisième Recherche importe sans doute moins par l'effort qu'elle consacre à l'analyse de détail des contenus concrets et abstraits que par sa tentative de spécifier le statut précis de cette légalité synthétique, à distinguer alors de la nécessité analytique dont l'établissement est en fait le but même de l'ensemble de l'ouvrage de 1901. Ainsi Husserl insiste- t-il d'emblée sur le statut idéal de la légalité matérielle. Il ne s'agit bien évidemment pas d'une «incapacité subjective de ne-pas-pouvoir-se-r^r^/z/?r-autrement, mais une nécessité idéale objective de ne pas-pouvoir-<?#?-autrement»3. Il y a là une nécessité d'essence qui atteste de l'emprise d'une loi sur les

2 E. HUSSERL, Recherches logiques III, t. 2, deuxième partie. Trad. fr. de H. EUE e.a., Paris, P.U.F., 1972, p. 21 3 Ibid., p. 21-22.

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moments dépendants chaque fois individuels et, dans leur existence in- dividuelle de fait, par ailleurs contingents. Husserl insiste ainsi sur Ta

priorité de la loi méréologique matérielle qu'il oppose, bien sûr, à la

contingence, mais aussi aux lois et règles empiriques des sciences de la nature. Dans le cas de la loi pure d'essence de l'a priorité matérielle, «au- cune position d'existence empirique ne doit être impliquée dans la cons- cience générale de la loi, comme c'est le cas pour les règles et les lois em-

piriques générales»4. La légalité méréologique présente bien un a priori matériel - essence pure dans la matérialité de l'objet. La définition de la

partie dépendante comme «ne-pas-pouvoir-exister-pour-soi» coule alors de source : «il y a une loi d'essence d'après laquelle l'existence d'un contenu de l'espèce pure de cette partie [...] présuppose absolument l'existence de contenus de certaines espèces correspondantes»5.

Mais Husserl ne peut en rester là. Jusqu'à présent, il a établi un a prio- ri par rapport à la contingence de l'objectivité concrète individuelle et, accessoirement, par rapport à la légalité empirique des lois de la nature. Il a ainsi ménagé l'accès à une structure ontologique déterminante pour l'activité même de la conscience dans sa relation transversale à l'objet visé intentionnellement. Le paragraphe 11 de la troisième Recherche va

poser une distinction peut-être encore plus importante en dégageant «la différence entre ces lois "matérielles" et les lois "formelles" ou "analyti- ques"»6. Husserl s'appuie d'abord sur la différence immédiate des

concepts matériels et formels qui présentent «un caractère fondamenta- lement différent»7. En effet, les concepts du quelque chose, d'objet, de

qualité, de relation, de connexion, de pluralité etc. «se groupent autour de l'idée vide du quelque chose ou de l'objet en général»8 et sont en rap- port à l'objet en général selon des axiomes ontologiques formels. Par contre, les concepts tels que maison, arbre, couleur, impliquent une di- mension concrète d'après laquelle ils s'ordonnent autour de grandes

"Idem. 5 Ibid., p. 23. 6 Ibid., p. 35. 7 Ibid., p. 36. 8 Idem.

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catégories matérielles - catégories matérielles dans lesquelles «s'enracinent» les ontologies matérielles. Il y a bien là, souligne Husserl, une «division cardinale» entre le formel et le matériel qui force à tenir compte de cette ambivalence ontologique de la généralité entre Ta priori analytique formel et l'a priori synthétique matériel.

Husserl propose une définition en deux temps de cette ambivalence ontologique qui ne vise encore une fois qu'à séparer les deux a prioris de manière principielle. Dans le paragraphe 11, une forme de priorité paraît être concédée à l'a priori synthétique matériel dans la mesure où sa défi- nition reçoit la forme la plus positive. Les lois de l'a priori matériel, en effet, incluent, à l'inverse de la nécessité formelle, un contenu concret. La méréologie en tant que légalité matérielle, en tant qu'organisation de dépendance, apparaît en somme plus riche que les «simples» lois for- melles. Le contenu concret matériel fait la richesse de la loi.

Pourtant, il ne peut être question de se désintéresser de l'a priori for- mel - ne fut-ce que par ce que la méréologie elle-même peut prendre un visage formel. En effet, si la dépendance matérielle peut s'exprimer avec l'exemple d'un contenu concret tel que «une couleur ne peut exister sans une étendue qui soit recouverte par elle»9, le même rapport méréo- logique peut s'exprimer, cette fois sans contenu concret matériel, avec la proposition formelle : «un tout ne peut exister sans parties»10. L'a priori formel reçoit alors une première tentative de définition positive, selon l'un des schémas classiques de définition de l'analytique, celui du truisme : «des termes corrélatifs se postulent l'un l'autre réciproquement, ils ne peuvent être pensés ni exister l'un sans l'autre»11. Pourtant, l'invocation de ce type de définition n'a qu'une fonction pour ainsi dire didactique ou propédeutique, en ceci qu'elle rend plus sensible la diffé- rence entre la valeur analytique de la proposition «un tout ne peut exis- ter sans parties» et la proposition de dépendance «pas de couleur sans étendue», tant il est vrai que le concept de couleur n'inclut pas analyti-

9 Idem. "Idem. nIdem.

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quement l'étendue, alors même que, matériellement - c'est-à-dire du point de vue du contenu concret - , la couleur ne peut jamais être pensée sans l'étendue.

On le voit bien, néanmoins, cette apparence de définition positive de l'analytique formel ne peut encore faire le poids face à la richesse du contenu concret matériel dans la définition du synthétique qui, elle, fait voir un réel rapport de dépendance. Cette première définition, par le truisme donc, de l'analytique formel introduit à une seconde définition qui, quant à elle, semble bien chercher à renverser le rapport des deux a prioris, comme pour mieux l'égaliser, en donnant cette fois une forme positive à l'analytique formel et une forme négative au synthétique matériel. Dans le paragraphe 12, en effet, si Husserl rappelle d'abord l'absence de contenu concret matériel dans la formation de la légalité formelle, c'est d'emblée pour y constater aussi une «indépendance» à l'égard aussi bien de la légalité du concret matériel que de la facticité individuelle. La sphère de l'analytique apparaît donc non pas comme lieu d'indigence, mais d'indépendance - par rapport à l'enracinement et à la dépendance qui caractérisent le synthétique matériel. Mais la définition principale ne vient qu'à la suite : les propositions analytique- ment nécessaires sont définies «comme étant des propositions qui peu- vent se formaliser' complètement et se concevoir comme des cas particu- liers ou des applications empiriques des lois formelles ou analytiques résultant légitimement de cette formalisation»12. Ce qui définit donc une loi formelle, c'est la variabilité des matières concrètes - là où la légalité matérielle est réduite à la fixité. Et Husserl d'expliciter ainsi cette nou- velle approche contrastée : «Dans une proposition analytique, il doit être possible de remplacer chaque matière concrète, en maintenant intégra- lement la forme logique de la proposition, par la forme vide du quelque chose, et d'éliminer toute position d'existence en passant à la forme de jugement correspondante ayant "une généralité inconditionnée" ou le caractère d'une loi»13. Cette libre variation, ce déracinement en quelque

12 Ibid., p. 39. 13 Idem.

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sorte, de la loi formelle analytique, telle que, par exemple, «un tout ne peut exister sans parties», s'oppose à la nécessité matérielle des dépen- dances méréologiques, qui ne peut supporter, elle, une telle formalisa- tion. D'où, alors, la nouvelle définition, cette fois par la négative, de la nécessité synthétique : «Toute loi pure qui inclut des concepts concrets d'une manière qui ne souffre pas salva ventate une formalisation de ces concepts (en d'autres termes, toute loi de ce genre qui n'est pas une nécessité analytique) est une loi synthétique a priori»14.

Le renversement du rapport de définition entre les deux a prioris génère un équilibre entre eux. Il n'y a pas à proprement parler de progrès de l'approche systématique dans la transition des paragraphes 11 à 12. Les définitions par le contenu concret matériel puis par la variabilité se répondent étroitement - c'est précisément le contenu matériel qui peut ou ne peut pas varier et la variation qui peut ou ne peut pas porter sur le contenu matériel. Les deux paragraphes œuvrent en fait à l'équilibre de la distinction - ce qui n'est évidemment que le moyen le plus sûr de poser une distinction stricte, «cardinale»15, et que ne vient menacer au- cune esquisse de rapport hiérarchique. Dans l'une des remarques conclu- sives du paragraphe 12, Husserl insiste d'ailleurs sur le but recher- ché lorsqu'il revendique que «un premier pas décisif a été effectué vers une différenciation systématique entre les ontologies a priori»16. On ne peut qu'être enclin à penser que ce premier chapitre de la troisième Re- cherche atteint par-là son but profond. En termes de lois ontologiques, on est bien forcé de reconnaître que l'objectivité se divise pour ainsi dire en deux mondes - celui du contenu matériel et celui de la liberté for- melle (liberté par rapport aux contenus, s'entend). Husserl surenchérit : «Ce que nous venons d'exposer devrait suffire pour montrer clairement la différence essentielle entre les lois qui se fondent sur la nature spécifi- que des contenus, lois auxquelles se rattachent les dépendances, et les lois analytiques et formelles qui se fondent en tant que lois pures sur les

14 Ibid., p. 40. 15 76^,0.36. 16 Idem.

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"catégories" formelles, sont indifférentes à toute "matière de la connais- sance"»17. Deux mondes ontologiques se font face au cœur même du milieu objectif de l'intentionnalité. L'un est défini comme sphère des fusionnements, des dépendances, l'autre comme sphère de la libre asso- ciation qui n'est soumise qu'à la loi de la variabilité ou de la formalisa- tion. La différence «cardinale» se situe donc entre une a priorité qui est celle de l'entre-appartenance et une a priorité qui est celle du libre for- malisme. Qu'il y ait bien, en définitive, la possibilité de développer toute une théorie analytique pure au lieu même de renonciation d'une légalité matérielle, en l'occurrence méréologique, c'est ce que montre, dans le second chapitre, l'ample étude (à laquelle ce chapitre est entièrement consacré) de la «théorie des formes pures des touts et des parties»18. Ce second chapitre confirme d'abord que la troisième Recherche n'avait pas pour seul but de développer une méréologie matérielle pour elle-même, mais bien d'organiser la confrontation des deux types d'à prioris objec- tifs, et laisse penser, ensuite, que s'il ne peut être question d'établir une hiérarchie entre ces deux a prioris, il est sans doute nécessaire d'envisager la valeur téléologique du rôle joué par le second a priori dans la consti- tution de l'objectivité. Nous reviendrons sur ce rôle téléologique à la fin de notre analyse des passages méréologiques $ Erfahrung und Urteil, mais d'ores et déjà, nous pouvons noter que la teleologie de la cons- cience, par laquelle celle-ci tend et s'achemine vers la formation de libres

catégories, concepts et lois, ne pourrait signifier un effacement de l'a

priori matériel, mais tout au plus éclairer l'intentionnalité sur le sens

profond de son rapport, à même l'expérience concrète, avec cette légalité matérielle. Quoi qu'il en soit, on voit bien que la distinction des deux a

prioris constitue le legs indéclinable de la troisième Recherche pour tout l'itinéraire phénoménologique ultérieur. Pour autant, on est aussi en droit de penser que le souci d'articulation qui animait les textes

précédents ne s'est pas éteint, mais que, tout au contraire, la rigidité de cette distinction dans l'étude descriptive du milieu objectif de

17 Idem. 18 Ibid., p. 45 et suivantes.

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l'intentionnalité est la condition de possibilité d'une certaine réarticula- tion proprement phénoménologique. Dès lors, la tâche menée à bien d'une division du champ des généralités objectives porte aussi la pro- messe d'un travail approfondi sur la possibilité de leur articulation rai- sonnée, et non pas objectivement hiérarchisée.

II

A l'autre extrémité de l'itinéraire phénoménologique husserlien, on trouve donc un retour très explicite à la méréologie. Si explicite, d'ailleurs, qu'au terme de cette nouvelle analyse des fragments et mo- ments dépendants qui constituent les parties du tout, Husserl compare directement les lignes qui précèdent à la troisième Recherche, comme pour mieux mettre en exergue le rôle de complément que joue ce para- graphe 31 $ Erfahrung und Urteil par rapport au texte de 1901, mais aussi, par là même, l'apport original de la phénoménologie génétique et, parallèlement, l'insuffisance relative de l'analyse de la troisième Recher- che. Husserl écrit ceci : «À travers cette description faite du côté subjec- tif, on comprend ce qui avait été établi dans la troisième Recherche logi- que sur le plan purement noématique, à savoir que les parties dépendantes 'se compénètrent', au contraire des indépendantes qui sont 'extérieures les unes aux autres'»19. En plus du fait, non négligeable, mais sur lequel nous ne nous attarderons pas, que la troisième Recherche logi- que est évoquée ici en des termes (la corrélation noético-noématique) qui sont bien ceux d'une relecture, on peut souligner que l'analyse génétique est d'emblée située sur le milieu subjectif, mais aussi que, pour autant, ce recentrement ne doit entraîner aucune disqualification des enseigne- ments préalables. Bien plutôt, l'analyse «subjective» doit affiner la com- préhension de la méréologie - et même, faut-il sans doute penser, en livrer la vérité profonde. Comment donc cette nouvelle méréologie peut-

19 E. HUSSERL, Expérience et jugement, § 31, trad, franc, de D. SOUCHE-DAGUES, Paris, P.U.F., 1970, p. 170.

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elle prétendre à plus qu'une répétition d'un enseignement qui paraissait pourtant achevé au terme de la troisième Recherche - et même au terme du premier chapitre de celle-ci ? Ou, pour poser la question en d'autres termes, en quoi la phénoménologie génétique peut-elle accomplir la des- cription de la méréologie ?

On sait que les années qui séparent la publication des Recherches logi- ques de celle des Ideen I furent dominées par la recherche des meilleures conditions dans lesquelles pourrait s'opérer le déplacement de l'investigation phénoménologique du milieu objectif de l'intentionnalité vers son milieu subjectif. Dans l'effort pour une compréhension plus précise et plus systématique du développement transversal de l'intentionnalité depuis le moment initial de la visée jusqu'au terme du remplissement, en direction, donc, de cette objectivité qui s'avère régie par une double légalité, formelle et matérielle, Husserl va mettre en place la structure noético-noématique qui, se révélant au regard prati- quant la réduction phénoménologique, permettra, en retour, de décrire les lois de constitution subjective de l'objectivité.

Cette prise de recul par rapport aux a prioris de l'objectivité ne peut faire l'impasse, contrairement à ce qu'ont sans doute cru les Ideen I, sur la question de la genèse de ce rapport constituant de la conscience à l'objectivité. Si la description de l'a priori subjectif était d'abord tout entière dirigée vers l'élucidation du rapport à l'objet intentionné, comme si tout deux, fut-ce même sous le visage de la corrélation noético- noématique, s'étaient toujours fait face, l'analyse génétique, elle, remet en situation la conscience dans son développement transversal lui-même. Il faut relire à ce propos le second appendice à Logique formelle et logique transcendantale : «Tandis que l'analyse 'statique' est conduite par l'unité de l'objet intentionné [...], l'analyse intentionnelle génétique est dirigée vers l'ensemble concret tout entier dans lequel se situent toute cons- cience et son objet intentionnel en tant que tel»20. La phénoménologie transcendantale, dont la revendication se fait explicite en même temps

20 E. HUSSERL, Logique formelle et logque transcendantale, Appendice II, trad, franc, de S. BACHELARD, Pa- ris, P.U.F., 1965, p. 410.

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que la distinction des analyses statique et génétique, ne peut rejoindre son essence que dans cette quête de la genèse de l'objectivation. C'est très précisément ce qu'explique Husserl dans ce manuscrit de 1921 in- titulé Méthode phénoménologique statique et génétique^ et désormais bien connu : «Une autre phénoménologie Constitutive', celle de la genèse, poursuit l'histoire, l'histoire nécessaire de cette objectivation et, par là, l'histoire de l'objet lui-même comme objet d'une connaissance possi- ble»21. Bien entendu, il ne s'agit pas ici d'une histoire empirique, mais des présupposés transcendantaux et donc constitutifs de l'objectivation. L'a priori subjectif étant resitué dans un ensemble concret, lui-même temporel, il prendra le visage génétique d'un enchaînement de motiva- tions selon une légalité transcendantale. Cet enchaînement se fonde dans le caractère aperceptif à& la conscience. En 1921, Husserl définit ainsi l'aperception : «Une conscience qui n'a pas seulement en général elle- même la conscience de quelque chose, mais qui en a conscience en même temps comme de quelque chose de motivant pour quelque chose d'autre, qui donc n'a pas simplement quelque chose de conscient et en sus encore quelque chose d'autre qui ne serait pas inclus en elle, mais qui renvoie à cet autre en tant que quelque chose qui fait partie d'elle, qui est motivé par elle»22. Le mouvement aperceptif anime toute la vie in- tentionnelle, depuis ses couches les plus originairement matérielles jus- qu'à la constitution achevée des objectivités les plus générales. Ce mou- vement de la conscience est le lieu même de la formation de l'a priori subjectif, car loin d'être anarchique ou aveugle, il est le lieu d'une émer- gence des aperceptions «à chaque moment du flux selon des légalités universelles»23. La légalité du mouvement aperceptif correspond à l'a priori subjectif dont la saisie permettra seule d'appréhender les modes complexes de rapports intentionnels aux objectivités données. D'où, alors, la justification ultime de l'entreprise génétique : «C'est donc une

21 E. HUSSERL, Méthode phénoménologique statique et génétique, trad, franc, de N. DEPRAZ, in De la synthèse passive. Logique transcendantale et constitutions originaires, trad, franc, de B. BÉGOUT et J. KESSLER, avec la collaboration de N. DEPRAZ et M. RlCHIR, Grenoble, Jérôme Million, 1998, p. 330. 22 Ibid., p. 325 (nous soulignons). 23

/¿/¿„p. 324.

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tâche nécessaire que d'établir les lois générales et primitives sous lesquel- les se tient la formation de l'aperception à partir d'aperceptions originai- res, et de dériver de façon systématique les formations possibles, d'élucider par conséquent chaque configuration donnée d'après son ori-

gine»24. L'analyse génétique entreprend donc l'enquête sur les origines a prio-

riques de la formation des objectivités en scrutant les lois d'enchaîne- ments des aperceptions - et par là, elle est amenée à faire enfin pleine- ment droit à la signification phénoménologique de l'hylétique, de la matérialité et de l'affectivité. En effet, si des enchaînements de motiva- tions jouent un rôle génétique dans le registre de l'activité, il en va de même dans celui de la réceptivité et de la passivité. Dans Expérience et

jugement, cette tripartition est elle-même dirigée par la perspective d'une

généalogie de la logique qui interroge la théorie du jugement prédicatif. Or, le logicien ne travaille pas sur de simples formes predicatives, mais bien sur des formations qui sont affectées d'une prétention à la connais- sance. Dès lors, une authentique fondation de la logique doit prendre en considération une double problématique : celle, d'une part, des formes elles-mêmes ainsi que de leurs lois, et celle, d'autre part, des conditions

subjectives de l'accès à l'évidence qu'implique la prétention à la connais- sance. Or, si le jugement prétend à la connaissance, et donc se dirige forcément sur ce qui est, sur ce que l'on peut bien nommer très généra- lement l'étant, il doit jouir d'un donné préalable. Le jugement de connaissance abouti - le jugement évident - se rapporte alors à un

prédonné dont le mode de prédonation lui-même est évident. Il ne peut s'agir que de «la donnée des objets dans leur ipséité, la donnée et la

présence à la conscience d'un objet en tant qu'il est 'ici en lui-même', 'effectivement présent en chair et en os'»25. D'où le privilège accordé à

l'objet de perception externe, et qui se confirmera tout au long de l'enquête. La véritable question de la généalogie de la logique est donc celle de «la fondation de l'évidence judicative dans l'évidence objec-

24 Ibid., p. 325. 25 /¿/¿,§ 4, p. 21.

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tive»26. A cet effet, il faut d'abord rechercher les jugements les plus im- médiats portant sur des substrats originaires, ces substrats qui précisé- ment ne sont pas suspects d'être déjà le résultat d'un jugement antérieur déposé dans ses formes catégoriales. La donnée évidente d'un substrat ultime ou originel doit être une donnée première dans l'évidence de son ipséité. Or, «cela implique du même coup qu'un tel substrat ne peut qu'être un objet individuel. Car toute généralité et pluralité, même la plus primitive, renvoie déjà à l'acte de prendre ensemble plusieurs indi- vidus, et par là à une activité logique plus ou moins primitive dans la- quelle les objets pris ensemble reçoivent déjà une formation categoriale, qui leur confère le statut d'une généralité»27. La généalogie de la logique va donc ultimement se reporter à l'expérience de l'objet individuel : «Les substrats originaires sont donc des individus, des objets individuels ; et tout jugement pensable se réfère finalement à des objets individuels, encore que la médiation qu'il institue puisse être très diverse»28.

Cependant, cet objet individuel ne doit pas être seulement pris comme donnée certaine de son ipséité, mais aussi comme certitude qui peut être modalisée. C'est précisément cette certitude de l'objet indivi- duel ainsi que sa modalisation qui sont au centre de ces moments ini- tiaux de l'analyse génétique où va surgir la reprise de la méréologie. Le troisième élément déterminant le début de l'analyse génétique est la nécessaire co-donation de l'horizon à l'objet individuel. En effet, l'objet individuel est là préalablement au mouvement de connaissance et cette présence préalable affecte la conscience. L'affection précède la saisie. Or, observe Husserl, l'affection «n'est pas l'affecter d'un objet isolé singulier. Affecter veut dire : se détacher d'un entour qui est toujours co-présent, attirer à soi l'intérêt, éventuellement l'intérêt de connaissance»29. Le «décor» de l'étude génétique est désormais planté avec ses trois aspects fondamentaux de l'expérience anté-prédicative que sont la certitude de

26 /¿à/., §5, p. 28. 27 Ibid., p. 30. 28 Idem. 29 Idem.

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la donation de l'objet individuel, la modalisation de cette certitude et enfin l'inhérence de l'horizon à la structure de l'expérience. L'expérience anté-prédicative, étudiée sous sa forme strictement passive (très briève- ment) et sous sa forme réceptive (plus longuement), révèlent un certain nombre de structures générales qui mettent en scène la tendance du Je. On découvre, dès le niveau de la réceptivité, l'être-dirigé du sujet sur

l'objet. Le rapport à l'objet est régi par la tendance, la force tendancielle de la conscience qui s'éveille : «l'instauration de l'orientation-vers, du faire-attention à l'étant, met en jeu une conduite tendancielle, une visée»30. Et c'est précisément dans cette conduite tendancielle que naît la

propension à la connaissance et, par là même, à l'objectivation. Or, si la genèse de l'objectivation décrit l'émergence de l'objet, elle

doit aussi décrire l'émergence du rapport de l'objet à ses qualités - pour le dire plus directement : les conditions génétiques de la fragmentation comme celles de l'enracinement des moments dans le tout. Il ne pourra plus être question de tenir pour acquis face à la conscience (même avec la présupposition de la continuité du mouvement intentionnel) des contenus dépendants et des contenus indépendants, mais il faudra bel et bien décrire les conditions du processus légal d'autonomisation ainsi que les conditions légales de l'apparition du fusionnement entre les moments et le tout de l'objet individuel. Il est ainsi pour le moins frappant que la réintroduction du lexique que nous connaissons bien, au moins depuis 1894, de la Selbständigkeit et de la Unselbständigkeit, est précédé par une variation verbale. Dans le paragraphe 28, c'est le verbe verselbständigen, et son participe verselbständigt, qui annoncent le nouveau traitement de la question méréologique. Au surplus, le choix de cette forme verbale, dans des expressions telle que «es wird verselbständigt» recherche très clai- rement l'insistance sur le dynamisme - la tendance à X autonomisation - par l'emploi du pré-fixe «ver-»> alors qu'il eut été tout aussi possible d'associer le verbe werden avec l'adjectif classique «selbständig?». Ce n'est

que dans les paragraphes ultérieurs que Husserl reviendra aux formes

30 /¿¿¿,§ 19, p. 96.

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adjectivales et substantives classiques. Nous pouvons donc anticipative- ment prendre acte de l'inscription fondamentale, et non pas contin- gente, de la méréologie dans le projet de la phénoménologie génétique. Dans les Méditations cartésiennes, Husserl soulignait très sévèrement l'un des risques courus par une phénoménologie qui resterait simplement statique : «La phénoménologie élaborée en premier lieu est simplement statique, ses descriptions sont analogues à celles de l'histoire naturelle qui examine les types singuliers et, tout au plus, les distribue selon un certain ordre systématique. On est encore loin des questions de la genèse universelle et de celles de la structure génétique de l'ego dans son univer- salité, qui va au-delà de la formation du temps ; ce sont là, en effet, des questions d'un ordre supérieur»31. La phénoménologie matérielle est sans nul doute le lieu où la tentation de l'histoire naturelle est la plus forte, jusqu'à risquer de succomber à la tentation d'une taxonomie infi- nie. Que l'on ne puisse faire un tel grief à l'ontologie matérielle de la troisième Recherche nous paraît être une évidence, mais il n'en reste pas moins que la phénoménologie transcendantale ne pouvait mieux se gar- der à son tour de ce péril qu'en suivant la genèse légale des objectivités. L'histoire génétique de l'objectivation libère l'accès à l'ultime fondement transcendantal de l'apparaître légal de l'objet en sa matérialité même, ce fondement qu'ignore toujours l'histoire naturelle.

Mais comment donc s'opère alors la transition de l'objet individuel - du substrat du jugement dans la sphère predicative - aux fragments et moments? Souvenons-nous que Husserl, lorsqu'il posait l'objet indivi- duel au centre de l'enquête génétique entendait faire droit aussi bien à la certitude de la donation de l'individu qu'à la modalisation de cette cer- titude. Ainsi, dans les dernières pages consacrées aux «structures généra- les de la réceptivité», le paragraphe 21 $ Expérience et jugement?2 analyse l'apparition de ces modalisations comme provenant généalogiquement de l'empêchement des tendances, c'est-à-dire du cours naturel de la conscience aperceptive dans la contemplation perceptive. Cette simple

31 E. HUSSERL, Méditations cartésiennes, § 37, op. cit., p. 124-125. 32 Cf. E. HUSSERL, Expérience et jugement, § 21, op. cit., p. 102-119.

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modalisation de la visée dans l'expérience anté-prédicative où la cons- cience aperceptive est tout entière vouée au mouvement de sa tendance constitue déjà, montre Husserl, l'origine dans la réceptivité de concepts logiques aussi fondamentaux que la négation ou la possibilité. Mais ce qui importe surtout ici du point de vue de la méréologie, c'est que la modalisation se produit «comme devenir-incertain de l'objet dans son être-tel ou tel»33. Tout le cours tendanciel de la contemplation n'est pas déçu et, d'ordinaire, seuls certains des moments (que nous prenons ici au sens le plus large) de la contemplation sont empêchés. «En un mot, ces avatars de la modalisation présupposent un élément (Sex-plication [Explikation] de l'objet qui est perçu»34. L'intérêt de contemplation, et ultimement de connaissance, est donc un mouvement de conscience qui passe sans cesse d'une saisie simple du donné individuel à son ex- plication, c'est-à-dire une saisie (saisie ex-plicative, cette fois) des parties et des moments de l'objet. Aussi faut-il distinguer trois moments dans la perception contemplative du Je dirigée sur l'objet individuel :

1. la saisie simple, qui précède toute ex-plication, et dans laquelle l'objet est pris comme un tout - il s'agit du premier degré de l'intérêt non-empêché ;

2. la contemplation ex-plicatrice de l'objet : tout objet individuel perçu est toujours déjà pris dans un horizon de familiarité qui dirige les attentes de la conscience aperceptive quant à l'être-tel de l'objet, quant à ses qualités, prises ici en un sens très général - il s'agit alors d'un par- cours orienté de l'horizon interne de l'objet, du substrat ;

3. enfin, l'intérêt perceptif peut aussi prendre en compte thématique- ment les autres objets co-donnés avec l'individu affectivement originaire - il s'agit dans ce cas de scruter l'horizon externe de l'objet.

Le degré du parcours perceptif qui doit ici retenir notre attention est celui de l'ex-plication de l'horizon interne, celui où «F ex-plication est une orientation de l'intérêt perceptif dans le sens de la pénétration dans

33 IbuLy% 22, p. 120. »Idem.

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l'horizon interne de l'objet»35, car c'est là que se joue l'émergence anté- prédicative des parties du tout. Or, c'est toujours l'aperception de la conscience qui est ici requise par l'apparition, puisque l'horizon interne «est aussitôt co-éveillé par la donnée de l'objet»36. L'objet se donne d'emblée avec un caractère de familiarité qui crée les attentes aussi bien qu'il les guide. Ainsi, «en admettant le cas d'un exercice non empêché de l'intérêt perceptif, le Je ne peut se maintenir longtemps dans une contemplation et une saisie simples ; en fait, la tendance inhérente à la contemplation de l'objet le pousse aussitôt au-delà»37. On en vient natu- rellement à distinguer alors le substrat et les déterminations : le substrat est ex-pliqué dans la mesure où le regard va au-delà de la saisie simple du tout pour prendre en vue des déterminations internes de l'objet, mais en manière telle que le substrat demeure toujours en prise. C'est seulement à cette condition que la saisie de la détermination n'est pas une nouvelle saisie simple, mais bien une saisie de la détermination qui enrichit la connaissance du substrat. La saisie ex-plicative est une saisie double où entre en jeu une synthèse de recouvrement tout à fait spécifique : «Le processus d'ex-plication est originairement celui dans lequel un objet donné en original est amené à une intuition explicite. L'analyse de sa structure doit mettre à jour comment en lui se réalise la constitution d'un sens double : 'objet en tant que substrat', et 'détermination a. . .' ; elle doit montrer comment cette constitution de sens s'accomplit sous la forme d'un processus qui se poursuit en étapes séparées, à travers lequel pour- tant se déploie de façon continue une unité de recouvrement - unité de recouvrement d'une sorte particulière appartenant exclusivement à ces formes de sens»38. Le glissement de la saisie du substrat à la saisie de la détermination se fait de telle manière que la saisie de la détermination n'est pas identique à celle du substrat, mais sans en être non plus tout à fait différente. La synthèse de recouvrement ex-plicative tient sa spécifi-

35 Ibid., p. 122. * Ibid., §24, p. 131. 57 Ibid., p. 131. 38 Ibid., p. 134.

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cité de ceci qu'elle lie intimement «le continu et le discret»39. Cette spécificité-là définit très précisément les conditions génétiques de l'émergence d'une conscience du tout et des parties.

Le cours de la perception est donc un cours d'ex-plication glissant sans cesse du tout aux parties, selon le mouvement aperceptif de la cons- cience qui s'inscrit dans l'horizon de la donation. Mais la relance de l'ex- plication à l'horizon entraîne nécessairement une ramification de l'ex- plication : plutôt que de dégager continûment les différentes détermina- tions d'un même substrat, la pénétration dans l'horizon interne de l'objet en vient à prendre en vue les déterminations d'une détermina- tion, c'est-à-dire que la première détermination 'a' du substrat S, devient un nouveau substrat pour une ex-plication qui dégagera la détermina- tion y de 'a' substratifié. Cette acquisition d'indépendance, cette Ver- selbständigung, menace alors de relativisation la distinction entre le subs- trat et la détermination. Une détermination peut devenir substrat (par ramification de l'ex-plication) et un substrat peut devenir détermination (si l'objet est colligé avec d'autres objets et si la collection devient un tout susceptible à son tour d'ex-plication). Il va de soi, également, qu'une collection peut nous affecter d'emblée comme un tout alors même qu'elle est composée d'objets individuels. Si donc le rapport substrat-détermination est inhérent au cours de l'expérience que la réceptivité même requiert comme ex-pliquante, il n'en reste pas moins que le rapport des touts et des parties, qui, dans les Recherches bgiques, était d'emblée étudiée comme formation de légalité, par le biais d'une opposition cardinale entre la dépendance et l'indépendance des conte- nus, se révèle ici être le lieu de l'arbitraire d'un parcours semble-t-il aléa- toire de la conscience. Or, l'apport essentiel de la phénoménologie génétique sur cette question réside en ceci qu'elle va dégager la légalité au lieu même du mouvement, semble-t-il arbitraire, des substratifica- tions et des déterminations : «dès que nous nous interrogeons du point de vue génétique sur les opérations desquelles provient dans l'expérience

39 Ibid., p. 136.

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cette distinction [entre substrat et détermination] dans une évidence originaire, cet arbitraire n'a plus cours. Le processus, inhérent au cours de l'expérience, de relativisation à l'infini de la différence entre substrat et détermination, a ses limites propres, et on devra aboutir à distinguer entre substrats et déterminations au sens absolu et au sens relatif^. Dans la genèse même va se former la légalité méréologique, non plus comme un a priori objectif compris dans son statut simplement noématique, mais bien dans l'a priori subjectif, comme l'annonçait le passage de référence $ Erfahrung und Urteil à la troisième Recherche.

Si un substrat peut naître d'une substratification, voilà qui n'est pas vrai de tous les substrats. La substratification d'une détermination sup- pose précisément qu'elle a d'abord été la détermination d'un substrat - d'un substrat qu'elle suppose donc. Et ainsi, «nous en venons finalement et nécessairement à des substrats qui ne sont pas issus d'une substratifi- cation. Il leur revient dans ce contexte le nom de substrats absolus»41. Il n'y a pas de partition à l'infini de l'expérience. Le substrat absolu est celui qui est donné directement et immédiatement ex-plicable, sans donc qu'il y ait fallu une ex-plication et une substratification préalable. On se trouve là à l'origine du processus d' ex-plication et donc du rap- port entre touts et parties, cette origine où régnent de manière privilé- giée, encore une fois, les objets individuels de la perception externe : «Ce sont avant tout les objets individuels de la perception sensible externe, les corps, qui sont susceptibles d'être saisis simplement, et par là ce sont des substrats en un sens privilégié. Là réside l'un des privilèges décisifs de la perception externe, en ce qu'elle donne les substrats les plus originai- res des. activités d'expérience et ensuite des activités predicatives d'ex- plication»42. La genèse du tout et des parties s'initie bien depuis la réceptivité de la conscience dans une forme de synthèse passive à même la donation sensible.

40 Ibid.S 29, p. 157. 41 Ibid., p. 158. 42 Idem.

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Pour autant le substrat absolu peut devenir lui-même une détermina- tion, lorsque l'objet individuel est colligé dans un tout plural qui est immédiatement éprouvé en unité et vaut donc lui aussi comme un substrat absolu. Mais le substrat absolu individuel qui vaut ici comme détermination n'en reste pas moins un substrat absolu, puisqu'il est

toujours saisissable immédiatement et sans ex-plication préalable s'il re-

quiert affectivement le regard du Je. La conclusion est alors double : premièrement, les déterminations d'un substrat absolu ne sont pas nécessairement des déterminations absolues ; deuxièmement, «les subs- trats absolus se divisent [...] en : substrats qui sont des 'unités constitutives de pluralités, situées dans des pluralités ; et en substrats qui sont eux-mêmes des pluralités»*0.

Le premier point implique plus particulièrement une différenciation non pas formelle mais bien matérielle entre les déterminations absolues et les déterminations relatives, puisqu'il ne suffit pas d'être la détermi- nation d'un substrat absolu pour être une détermination absolue. Toute détermination n'est pas non plus pour autant, bien sûr, une détermina- tion relative. Un substrat absolu, et c'est tout à fait évident pour les substrats absolus individuels, a bien des déterminations absolues, les-

quelles ne se définissent pas alors par leur appartenance sous forme ex-

plicatrice au substrat absolu, mais par un statut matériel précis. Husserl écrit : «il est clair également que tout substrat absolu a des détermina- tions qui ne sont pas substrats absolus. Les unités ultimes, dans le monde corporel des unités ultimes, ont des déterminations qui ne sont

susceptibles d'être éprouvées originairement que comme déterminations, qui ne peuvent donc être que des substrats relatifs. Il en est ainsi par exemple d'une figure, d'une couleur [l'exemple a évidemment son im- portance ici]. Elles ne peuvent intervenir originairement que comme déterminations du corps en tant qu'objet figuré, coloré, en tant que chose spatiale, qui est leur substrat. D'abord c'est lui qui doit se détâcher, au moins en arrière-plan, et nous affecter [. ..J»44. Les détermi-

43 Ibid., p. 159. 44 Ibid., p. 160.

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nations absolues sont celles qui ne peuvent être saisies comme étant qu'au prix d'une substratification préalable. Par ailleurs, il faut noter que les substrats absolus pluriels ont eux aussi, outre les déterminations rela- tives que sont les substrats absolus individuels colligés et les détermina- tions propres de ceux-ci, des déterminations qui n'interviennent que comme telles : «Ce sont manifestement ces déterminations qui donnent une unité à la pluralité en tant que pluralité ; ce sont les déterminations configuratives ou : de complexion, au sens le plus large [. . .]»45.

L'important étant ici bien entendu que, de manière très générale, Husserl parvient génétiquement à retrouver les catégories de dépendance et d'indépendance : «En ce sens, dit-il, les substrats absolus sont indé- pendants, les déterminations absolues dépendantes»46. Les paragraphes 30 à 32 $ Expérience et jugement vont ensuite affiner l'analyse. Le concept de tout est défini très exactement, dans une compréhension étroite, comme substrat originaire qui «a [...] des déterminations (ce que nous appelons 'des parties' au sens large) qui sont soit indépendantes, soit dépendantes»47, même si un concept encore plus précis de tout comprendra uniquement les substrats absolus morcelables en parties indépendantes. La compréhension du rapport du tout à ses parties im- plique alors la distinction explicite des fragments et des moments : «La forme 'détermination' est inessentielle aux fragments et aux membres des ensembles, la forme 'substrat' aux moments. Ces derniers ne reçoi- vent la forme substrat que par l'activité particulière qui les rend indé- pendants»48. Il y a bien là une loi matérielle qui s'impose dans la genèse de l'objectivation aux «aventures» aperceptives de la conscience. En effet, l'indépendance du fragment et la dépendance du moment dépendent d'origines constitutives contrastées dans le cours de l'ex-plication du substrat-tout. La conscience ne choisit pas arbitrairement ni ne s'abandonne à un cours anarchique pour se trouver confrontée respecti-

45 Ibid., p. 160-161. 46 /¿¿¿, p. 161. 47/¿¿¿,§30,p. 168. 48 Idem.

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vement à des fragments et à des moments. Les parties au sens général (fragments et moments) sont saisis dans le cours de l'ex-plication, mais celle-ci, avec son dynamisme et ses attentes, ne peut rien contre une évi- dence réceptive. En effet, alors que «dans les deux cas, donc dans tout recouvrement ex-plicatif, partout où il y a dissociation d'une partie d'un tout [...] il y a quelque chose qui est dissocié, et quelque chose qui est laissé en plus, non dissocié du tout»49, la différenciation des modes de donation de l'ex-plicat s'impose pourtant à la conscience ex-plicitante, puisque «le mode selon lequel le 'résidu' non-expliqué est présent à la conscience est tout autre dans l'ex-plication en fragments que dans l'ex- plication en moments dépendants. Une fois, c'est une couleur qui est saisie sur l'objet, par exemple le rouge du cendrier de cuivre ; l'autre fois, un fragment de ce cendrier, par exemple son pied. Si un fragment s'est détaché, le 'résidu' non-expliqué lui est 'extérieur, et s'enlève par rapport à lui, encore qu'il soit en connexion avec lui ; quant au moment dépen- dant, dans notre exemple : la couleur rouge qui recouvre pour ainsi dire la coupe tout entière, il n'y a rien qui s'enlève par rapport à lui 'en exté- riorité'»50.

C'est à la suite de ces lignes que Husserl évoque la troisième Recherche, et à bon droit puisque nous retrouvons la même thématique du fusion- nement des contenus matériels qui définissent la dépendance des ex- plicats à laquelle s'accorde ici la conscience comme à la loi de son propre parcours aperceptif. Il s'agit bien cette fois d'un a priori subjectif, puis- que c'est la constitution de la couche hylétique de l'expérience de la conscience, dans le registre de la passivité et de la réceptivité, qui se révèle intimement ordonnée dans l'a priorité de la donation. Si l'enseignement est au fond le même que dans la troisième Recherche et même, quant à son contenu, que dans les textes de 1894, on peut sans doute dire que la phénoménologie génétique en rend raison depuis la description des lois implacables, mais aussi génératrices, du milieu sub- jectif de l'intentionnalité - la genèse de l'objectivation, depuis les cou-

49 Ibid., p. 169-170. 50 Ibid., p. 170.

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ches passives de l'expérience, s'accorde à une légalité matérielle qui régit le rapport ex-plicatif du tout aux parties.

III

Reste alors maintenant à poser la question du statut exact de cette légalité hylétique du milieu subjectif par rapport à la légalité formelle dont, il ne faudrait pas l'oublier, la généalogie demeure le motif central de l'enquête $ Expérience et jugement. Toute la genèse passive et récep- tive exposée dans la première section d 'Expérience et jugement tend à montrer l'origine dans la sphère anté-prédicative de l'expérience des catégo- ries et concepts logiques, ceux-là mêmes qu'utilisera ultimement la logi- que formelle dans la constitution des objectivités générales et l'établissement des formes valides du juger. Or, cette naissance du logi- que survient au lieu même de la formation d'une légalité strictement matérielle telle que celle de la méréologie en sa fondation a priorique subjective. Ainsi, nous avons déjà rappelé que les concepts de négation et de possibilité trouvent leur origine, selon Husserl, dans l'anté-prédicatif, plus précisément dans la modalisation des attentes aperceptives de l'intérêt de connaissance naissant - donc dans la modalisation au cours de la tendance à l'objectivation. Nous avons aussi rappelé que cette mo- dalisation implique le passage de la saisie simple à la saisie ex-plicitante, c'est-à-dire le dégagement des déterminations qui participent de la force affective de l'objet individuel en question et qui en enrichissent la connaissance en tant que substrat. Mais ce n'est pas que dans le mode empêché de l'ex-plication, ce n'est pas que dans la déception des atten- tes que des concepts fondamentaux de la logique et des lois formelles prennent source. L'ex-plication elle-même, dans cette synthèse de recou- vrement de la détermination et du substrat, dans le glissement d'une saisie à l'autre, offre, pour ainsi dire, leur sol aux catégories logiques. A propos de l'unité de recouvrement particulière de la saisie ex-plicitante, Husserl dit ceci - et il s'agit bien sûr de lignes célèbres : «[...] il faut montrer que ce processus est celui d'une 'évidence', car en lui quelque

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chose est originairement intuitionné comme 'objet-substrat' comme tel, et comme ayant, en tant que tel, quelque chose comme des 'détermina- tions'. Nous sommes là à l'origine des premières catégories dites 'catégo- ries logiques'. Au sens propre, on ne peut assurément commencer à par- ler de catégories logiques que dans la sphère du jugement prédicatif comme d'éléments de détermination qui appartiennent nécessairement à la forme des jugements prédicatifs possibles. Mais toutes les catégories et les formes catégoriales qui interviennent là s'édifient sur les synthèses anté-prédicatives et ont en elles leur origine»51.

Que la généalogie de la logique conduise à découvrir sa fondation jus- que dans les synthèses passives constitue donc un acquis propre à la phénoménologie génétique. Mais pour autant, la généalogie ne conduit pas à une articulation de la logique sur la méréologie - pour le dire dans les termes de la troisième Recherche, cette généalogie qui remonte jusqu'à la couche hylétique de l'expérience ne découvre pas l'origine de l'a priori objectif formel dans l'a priori objectif matériel, et cela même après le recentrement de l'enquête sur le milieu subjectif de l'intentionnalité. On

pourrait dire que la méréologie, avec ce qu'elle implique de légalité de la donation elle-même, côtoie l'émergence des catégories logiques dans l'expérience anté-prédicative de l'objet individuel, mais on chercherait en vain ici un indice de hiérarchisation entre ces deux types de généra- lité. Tous deux paraissent bien naître immédiatement des synthèses de la passivité dans l'orientation-vers l'objet individuel. Sans nul doute ont-ils une racine commune, mais manifestement sans jamais risquer de se confondre ni de se résorber l'un dans l'autre. La distinction très ferme entre les généralités matérielles et les généralités formelles sera d'ailleurs répétée dans l'étude, dans la genèse active cette fois, de la constitution predicative des généralités. Le paragraphe 85 vise en effet à rappeler la «différence importante [...] entre généralités matérielles et généralités for- melles»^1. Lorsque Husserl choisit l'exemple «rouge est différent de bleu», c'est pour laisser voir une juxtaposition des deux généralités dans la

51 Ibid., § 24, p. 134. 52 /¿/¿,§ 85, p. 410.

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prédication elle-même, plutôt que d'y surprendre un étagement qui se- rait la conséquence génétique d'une hiérarchisation dans la genèse pas- sive : «dans cet énoncé, à côté [neben] des concepts matériels : rouge et bleu, s'expriment aussi des formes pures : d'abord du fait qu'on parle de différence, et ensuite dans la forme totale de la proposition, où l'on trouve la forme-sujet, la forme-prédicat, la forme objet-relatif»53. On a alors affaire à des concepts formels purs «si dans les propositions nous ne laissons dans l'indétermination que l'élément matériel»54.

Mais est-ce à dire alors simplement que la phénoménologie génétique, si elle parvient à une fondation subjective des lois méréologiques, débouche cependant sur une même distinction cardinale des deux a prioris objectifs, synthétique matériel et analytique formel, sans aucune articulation autre que la reconnaissance d'une origine commune dans l'expérience anté-prédicative? Encore une fois, il nous semble que la séparation stricte des deux a prioris dans les Recherches logiques n'était pas dépourvue d'une promesse de réarticulation, mais une promesse que l'œuvre de 1901 n'était pas à même (et telle n'était pas sa tâche, de tou- tes façons) d'assumer pleinement. Qu'il n'y ait donc pas d'articulation dans le milieu objectif de l'intentionnalité nous paraît devoir être conservé ; mais pour autant, la spécificité génétique de l'analyse subjec- tive propose, quant à elle, une esquisse de solution, confirmant par là que la phénoménologie génétique a surtout pour but de compléter et d'achever depuis la compréhension de l'a priori subjectif l'entreprise phénoménologique dans son ensemble telle qu'elle avait été justement initiée par les Recherches.

En effet, la généalogie de la logique se trouve prise dans le mouvement défini par son envers : la teleologie qui dirige l'a priori subjectif. Le développement du processus intentionnel vers une objectivation qui ménagerait l'accès à une compréhension reflexive toujours plus aiguë du sol et de l'horizon de la conscience, de sa nécessité et de sa liberté, en développant un monde de la culture inséparable d'une universalisation

53 Ibid., p. 41 1 (traduction modifiée). 54 Idem.

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et d'une formalisation de la vie de la conscience et de ses prestations sig- nitives, en visant donc la constitution des objectivités les plus hautes, les plus générales, construit une histoire en articulant ses motivations. Dès lors la genèse est genèse de ce telos, et non quête d'une origine aussi abstraite que peut l'être une nature déshumanisée, «déconscientisée». Tout dans Expérience et jugement marque la prégnance de cette perspec- tive téléologique sur la généalogie elle-même, sur la Rückfrage. Para- doxalement, l'archéologie est recherche du telos. Ainsi, l'étagement des différents niveaux de la genèse passive témoigne de ce mouvement as- censionnel qui dirige en définitive l'analyse génétique elle-même. Hus- serl insiste à plusieurs reprises sur le mélange, la «Verflechtung» des diffé- rents niveaux, des différentes couches ou étapes de la genèse dans l'anté-prédicatif. Il est en effet impossible de tracer une frontière précise entre la passivité et la réceptivité, à tel point que Husserl souligne le ca- ractère fondamentalement abstrait de cette distinction, qui ne se justifie que par des exigences purement méthodologiques. Ainsi, le traitement des structures de la passivité pure, extrêmement bref, laisse voir qu'alors même que ses structures représentent le niveau de l'origine et du fonde- ment premier des actes d'objectivation «à venir», elles sont pourtant «avalées» par le niveau ultérieur, celui de la réceptivité. Mais surtout, la réceptivité est elle-même prise dans un entre-deux de la passivité et de l'activité. La réceptivité, suggère Husserl à plusieurs reprises, est l'instance de la passivité dans l'activité. Si ces distinctions sont nécessaires au détail de l'analyse génétique, leur articulation ultime avère surtout qu'elles sont entraînées vers le haut ou, pour le dire autrement, qu'elles ne prennent sens que par la spontanéité qu'elles annoncent. Tel était d'ailleurs l'une des thèses défendues par Denise Souche-Dagues dans son étude sur Le développement de Vintenüonnalité dans la phénoménologie husserlienne. Ainsi écrivait-elle : «Le tiraillement de la réceptivité, dont la description est coincée pour ainsi dire entre celle de la passivité pure et celle de la spontanéité exprime le caractère téléologique de la genèse qui est pratiquée»55. Il n'y a de généalogie et d'archéologie que pour une

55 D. SOUCHE-DAGUES, Le développement de Vintentionnalité dans la phénoménologie husserlienne, 2*"* édition, Paris, Vrin, 1993, p. 149.

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teleologie. Découvrir des structures préalables à la production spontanée n'a de sens que si ces structures annoncent déjà - et se confondant avec ce but - l'avènement de l'esprit et de ses productions de sens, et donc si sont décrits, dans cette perspective, les niveaux antérieurs. C'est à cette seule condition que ces derniers sont susceptibles de révéler quelque chose de la motivation profonde de la conscience jusque dans la consti- tution des objectivités supérieures, et c'est d'ailleurs à cette seule condi- tion que passivité et activité peuvent réellement s'articuler. Ainsi l'analyse génétique peut déboucher sur autre chose que la mise en exer- gue de substructures en somme étrangères à cela qu'elles portent.

La genèse s'écrit toujours depuis le 'telos' dont on s'approche. L'équilibre entre généalogie et teleologie est un équilibre dynamique qui structure le mouvement d'objectivation comme une histoire qui justifie en elle- même de se retourner vers la nature. La tension qui domine donc la phénoménologie génétique n'est plus celle des deux a prioris objectifs, mais bien celle qui met en rapport nature et histoire. Or, cette tension marque, à dire vrai, la description de la saisie ex-plicitante elle-même, c'est-à-dire la compréhension de la relation entre touts et parties. Voilà qui apparaît clairement lorsque Husserl tente de définir le substrat ab- solu. Celui-ci, en tant qu'objet individuel, est compris selon la possibilité de le saisir immédiatement, sans ex-plication préalable. Mais le paragra- phe 29 ¿¿Erfahrung und Urteil souligne «une nouvelle appréhension du concept de substrat absolu^. En effet, le monde lui-même apparaît comme un substrat absolu : «Mais le monde est dans cette perspective un substrat absolu en ce sens qu'en lui il y a tout, et que lui-même n'est pas un 'dans quelque chose', il n'est plus une unité relative au sein d'une pluralité enveloppante»57. Ainsi l'absoluité du substrat comme objet in- dividuel fini, inscrit dans le monde, se retrouve «relativisée» et ce pre- mier substrat «absolu» perd, de ce point de vue, son caractère d'indépendance : «Cela implique que tout ce qui est mondain, que ce soit une unité ou une pluralité réelles [real', est finalement dépendant ;

56 E. HUSSERL, Expérience et jugement, § 29, op. cit., p. 162-163. 57 IbûL,p. 163.

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seul le monde est indépendant, seul il est substrat absolu au sens strict de l'indépendance absolue ; sa subsistance n'est pas du même ordre que celle d'un substrat fini qui subsiste en relation à des circonstances qui lui sont extérieures»58. Le substrat absolu au premier sens devient donc dépendant par son inscription dans l'horizon du monde dont il se détâche pour venir éveiller affectivement l'intérêt de la conscience réceptive. Le tout fini se voit ainsi lui-même réenraciné dans une généa- logie plus profonde. Or, dans ce même paragraphe, Husserl annonce aussi un concept plus large de substrat absolu, en évoquant, comme ce qui apparaît alors à l'autre extrémité du développement de l'aperception intentionnelle, le substrat absolu qui «serait celui du quelque chose complètement indéterminé du point de vue logique, du cceci là' indivi- duel, de l'ultime substrat réique de toute activité logique»59 - alors que pourtant l'analyse de ce substrat logiquement ultime, et donc dépourvu de contenu matériel, revient à la section consacrée à la pensée predica- tive. Le substrat absolu individuel classique, dans ce rôle de tout qu'il joue à l'égard des parties que sont les déterminations indépendantes et dépendantes, est pris dans une tension généalogique-téléologique qui le

dépasse et qui mène du monde apparaissant à sa formalisation. La troi- sième Recherche logique, d'ailleurs, évoquait déjà cette tension entre, dans son premier chapitre, le tout du phénomène (mais qui n'est pas encore appelé monde ou horizon) et la perspective de la théorie strictement formelle du tout et des parties (comme en témoigne alors l'importance accordée au second chapitre). Mais les Recherches ne pouvaient ni ne devaient aller plus loin dans cette direction, puisqu'elles ne poursui- vaient pas une analyse génétique et ne disposaient pas de toute façon à cet effet d'une étude suffisamment approfondie de l'a priori subjectif.

Mais cette tension dans laquelle s'inscrit alors le rapport matériel entre touts et parties doit porter la marque de cette écriture de la genèse de- puis le telos. Ainsi faut-il penser, pour reprendre les termes de Souche- Dagues, que «les structures de l'ex-plication ne peuvent fonder la possi-

58 Idem. "Ibid.,p.'65-166.

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bilité de la prédication que parce qu'elles les préfigurent»60, c'est-à-dire, pour compléter l'observation de Denise Souche-Dagues, parce qu'elles se révèlent à une conscience phénoménologique qui se retourne, qui re- vient, depuis la prédication et les formes qui l'animent, vers cette ex- périence anté-prédicative qu'elle pourra enfin comprendre. Ainsi faut-il penser que la légalité matérielle du rapport méréologique ne peut être dégagée et reconnue que par une conscience qui est toujours au-delà, c'est-à-dire qui possède toujours déjà une compréhension des légalités formelles les plus universelles. Sans nul doute faut-il posséder les formes pures qui relient les parties au tout, telles qu'elles régissent la prédica- tion, pour pouvoir comprendre une légalité matérielle. C'est parce que la conscience et sa tendance à l'objectivation vise téléologiquement le monde des formes qu'il peut y avoir, pour cette même conscience, la reconnaissance d'un a priori matériel. La teleologie revenant réflexive- ment sur ses pas rabat en quelque sorte le formel sur le matériel et, faut- il dire, l'accomplit par là même.

La distinction des deux a prioris objectifs devait rester une distinction cardinale de la phénoménologie naissante, scrutant l'intentionnalité à même son milieu objectif. Tel est l'acquis nécessaire et indépassable de la troisième Recherche bgique. Mais celle-ci laissait ouverte la perspective d'une réarticulation, qui cependant ne pouvait se réaliser directement dans le milieu objectif de l'intentionnalité, sous peine sans doute d'en revenir à une confusion des deux a prioris. Si articulation il y a, elle est dès lors indirecte du point de vue de l'objectivité elle-même, car se réali- sant dans l'émergence d'une autre tension, celle qui relie la généalogie et la teleologie, et ultimement la nature et l'histoire, dans la légalité de l'a priori subjectif. C'est en somme la genèse de la conscience toujours déjà en avant d'elle-même sur le chemin d'une objectivation supérieure qui réintègre dans son organisation subjective continue les deux mondes légaux de l'objectivité.

60 D. Souche-Dagues, op. «>., p. 152.

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SUMMARY: Husserl and the Genetic Reformulation ofMereology

Husserl has dealt with the material relation of wholes to parts (mereology) at the be-

ginning of his philosophical career, namely in his third Logical Investigation, as well as, much later, in the texts edited by Landgrebe in Erfahrung und Urteil {Experience and

Judgment). The topic of mereology compels one to consider the relation between the formal analytic a priori and the material synthetic a priori within the objective realm of intentionality. Initially Husserl tried to find an articulation between the two a priori's in the realm of objectivity. Subsequently Husserl insisted on the irreducible differences between the laws governing these two forms of the a priori. But eventually Husserl reformulated the problem in the framework of the subjective a priori regu- lating the functioning of intentionality. Only the teleological horizon of conscious- ness, by its indebtedness to genealogy, can outline a possible connection of the two a

priori's; and do this, inastar as for a consciousness that is always already ahead of itself, the cognition of the world of pure forms also allows for the recognition of material a

priori's.

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