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Identification et distribution des grandes masses d'eau dans les mers du Labrador - et d'Irminger Centre de recherche en gkochimie isotopique et en gdochronologie (GEOTOP), Universitk du Qukbec b Montrkal, C.P 8888, succursale A, Montrkal, QC H3C 3P8, Canada Re~u le 23 avril 1993 Revision acceptke le 30 octobre 1993 Des profils de tempkrature (T) et de salinitk (S) ktablis au cours de deux campagnes du CSS Hudson (juin 1990 et octobre-novembre 1991), dans les mers du Labrador et d'Irminger, ont permis d'identifier les grandes masses d'eau prksentes, notamment en profondeur, dans ces bassins. Cette Ctude Ctait destinke i 1'Ctablissement de fonctions de transfert entre les assemblages micropalkontologiques des sCdiments de surface et les caracttristiques thermohalines des masses d'eau. Sur ses 900 premiers mbtres, la masse d'eau de la mer du Labrador (Labrador Sea Water, LSW) est marquCe par de grands mouvements de convection hivernale. Au-deli de cette profondeur, la LSW atteint un double minimum de S (=34,80) et de T (=2,9"C). Seuls les sMiments situCs sur les pentes continentales du Labrador et du Groenland, entre 500 et 1500 m de profondeur, sont baignks par les eaux de la LSW. Sous la LSW, la masse d'eau profonde de 1'Atlantique du Nord-Est (North East Atlantic Deep Water, NEADW) se dkcompose en une partie supkrieure (NEADWl), caracteriske par un maxi- mum de T (= 3,3"C), et une partie infkrieure (NEADW2), prCsentant un maximum de S (= 34,90) comparativement aux autres masses d'eau intermMiaires ou profondes. Contrairement a la NEADWl qui circule librement au-dessus de la dorsale de Reykjanes, la NEADW2 doit emprunter la zone de fracture de Charlie Gibbs pour passer de 1'Atlantique du Nord-Est i la mer d'Irminger. Les NEADW 1 et 2 baignent, respectivement, les reliefs de la dorsale situks 2 moins de 2000 m de profondeur et les bassins abyssaux europCens. Au contraire, les sediments profonds des mers du Labrador et dlIrminger sont majoritairement au contact des eaux froides (T < 2,6"C) et salCes (=34,85) du dkbordement du dCtroit de Danemark (Denmark Strait Overflow Water). Bien que, dans les milieux pClagiques, cette masse d'eau ne soit normalement prksente qu'au-deli de 2700 m de profondeur, elle s'observe jusqu'i moins de 2000 m, aux abords des pentes continentales du Groen- land et du Labrador, oil elle est entrainee par les forts courants c6tiers profonds du Nord et de I'Ouest (Deep Northern Bound- ary Current et Western Boundary Undercurrent). Sur ces pentes continentales, les NEADW 1 et 2 sont confinkes sur d'ktroites bandes entre 1800 et 2200 m de profondeur. The main deep water masses present at the time of the CSS Hudson cruises in Labrador and Irminger seas in June 1990 and October-November 1991 have been identified using characteristic temperatures (T) and salinities (S). The purpose of this study was to establish the transfer functions between ~icropaleontological assemblages of top sediments and thermohaline characteristics of water masses. The water mass at the top of the Labrador Sea (Labrador Sea Water, LSW) is formed after intense movements of winter convection in the first 900-m depth of the water column. Below that depth, the LSW parameters reach a double minimum (S = 34.80 and T = 2.9"C). Only the sediments located on the continental slopes of Greenland and Labrador between depths of 500 and 1500 m are in contact with the LSW. Below the LSW, the superior fraction of the North East Atlantic Deep Water (NEADWl) is characterized by a temperature maximum (= 3.3"C) and, as such, is distin- guishable from the inferior fraction (NEADW2). The latter is characterized by a maximum S ( = 34,90) when compared with other intermediary and deep water masses. In contrast to the NEADWl that freely circulates over the Reykjanes Ridge, the NEADW2 must flow through the Charlie Gibbs Fracture Zone to go from the northeastern Atlantic to the Irminger Sea. The NEADW 1 and 2 respectively bathe the ridge section less than 2000 m deep and the European abyssal basins. On the contrary, the majority of the deep sediments of the Labrador and Irminger seas are in contact with the cold (T < 2.6"C) and salty ( = 34.85) Denmark Strait Overflow Water. Although this water mass is normally found at depths exceeding 2700 m in pelagic environments, it can be found at less than 2000-m depth on the bottom of the continental slopes of Greenland and Labrador, where it is carried by the strong Deep Northern Boundary Current and Western Boundary Undercurrent. The presence of the NEADW 1 and 2 on the sediments is then restricted to narrow bands on the same continental slopes, between depths of 1800 and 2200 m. Can. J. Eanh Sci. 31, 5-13 (1994) Introduction Les bassins subpolaires de 1'Atlantiquejouent un r61e dtter- minant dans les grandes circulations thermohalines des ockans du globe (e.g., Broecker et al. 1990). Par refroidissement de surface, des eaux denses sont gknkrkes, plongent puis s'kva- cuent vers le sud, participant ainsi 2 la ventilation des ockans intermkdiaires et profonds (Aagaard et al. 1985). La descrip- tion de la circulation octanique profonde de 1'Atlantique Nord a tout d'abord paru dans des atlas d'ockanographie (e.g., Grant 1968; Dietrich 1969), puis a t t t rtcemment reprise par McCartney (1992). Toutefois, il n'existe pas, i notre connais- sance, de schkma rkcapitulatif simple de la distribution bathy- mttrique ou gtographique des grandes masses d'eau dans les mers du Labrador et d'Irminger. De f a ~ o n similaire, l'kcoule- ment des grands courants c6tiers du Nord et de l'Ouest (sous- courant c6tier de l'Ouest (Western Boundary Undercurrent, WBUC) ou courant c6tier profond de l'Ouest (Deep Western Boundary Current) et courant c6tier profond du Nord (Deep Northern Boundary Current, DNBC)) est connue, mais avec peu de prtcision en ce qui a trait aux masses d'eau qui sont entraintes en leur coeur (McCartney 1992). Dans les bassins d'Irminger et du Labrador, trois grandes masses d'eau ont t t t courarnment signaltes : la masse d'eau de la mer du Labrador (Labrador Sea Water, LSW), qui se forme essentiellement dans la mer du Labrador, la masse d'eau profonde de 1'Atlantique du Nord-Est (North East Atlantic Printed in Canada 1 Tmpr~rne au Canada Can. J. Earth Sci. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by UNIV WINDSOR on 11/10/14 For personal use only.

Identification et distribution des grandes masses d'eau dans les mers du Labrador et d'Irminger

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Page 1: Identification et distribution des grandes masses d'eau dans les mers du Labrador et d'Irminger

Identification et distribution des grandes masses d'eau dans les mers du Labrador -

et d'Irminger

Centre de recherche en gkochimie isotopique et en gdochronologie (GEOTOP), Universitk du Qukbec b Montrkal, C.P 8888, succursale A, Montrkal, QC H3C 3P8, Canada

R e ~ u le 23 avril 1993 Revision acceptke le 30 octobre 1993

Des profils de tempkrature (T) et de salinitk (S) ktablis au cours de deux campagnes du CSS Hudson (juin 1990 et octobre-novembre 1991), dans les mers du Labrador et d'Irminger, ont permis d'identifier les grandes masses d'eau prksentes, notamment en profondeur, dans ces bassins. Cette Ctude Ctait destinke i 1'Ctablissement de fonctions de transfert entre les assemblages micropalkontologiques des sCdiments de surface et les caracttristiques thermohalines des masses d'eau. Sur ses 900 premiers mbtres, la masse d'eau de la mer du Labrador (Labrador Sea Water, LSW) est marquCe par de grands mouvements de convection hivernale. Au-deli de cette profondeur, la LSW atteint un double minimum de S (=34,80) et de T (=2,9"C). Seuls les sMiments situCs sur les pentes continentales du Labrador et du Groenland, entre 500 et 1500 m de profondeur, sont baignks par les eaux de la LSW. Sous la LSW, la masse d'eau profonde de 1'Atlantique du Nord-Est (North East Atlantic Deep Water, NEADW) se dkcompose en une partie supkrieure (NEADWl), caracteriske par un maxi- mum de T (= 3,3"C), et une partie infkrieure (NEADW2), prCsentant un maximum de S (= 34,90) comparativement aux autres masses d'eau intermMiaires ou profondes. Contrairement a la NEADWl qui circule librement au-dessus de la dorsale de Reykjanes, la NEADW2 doit emprunter la zone de fracture de Charlie Gibbs pour passer de 1'Atlantique du Nord-Est i la mer d'Irminger. Les NEADW 1 et 2 baignent, respectivement, les reliefs de la dorsale situks 2 moins de 2000 m de profondeur et les bassins abyssaux europCens. Au contraire, les sediments profonds des mers du Labrador et dlIrminger sont majoritairement au contact des eaux froides (T < 2,6"C) et salCes (=34,85) du dkbordement du dCtroit de Danemark (Denmark Strait Overflow Water). Bien que, dans les milieux pClagiques, cette masse d'eau ne soit normalement prksente qu'au-deli de 2700 m de profondeur, elle s'observe jusqu'i moins de 2000 m, aux abords des pentes continentales du Groen- land et du Labrador, oil elle est entrainee par les forts courants c6tiers profonds du Nord et de I'Ouest (Deep Northern Bound- ary Current et Western Boundary Undercurrent). Sur ces pentes continentales, les NEADW 1 et 2 sont confinkes sur d'ktroites bandes entre 1800 et 2200 m de profondeur.

The main deep water masses present at the time of the CSS Hudson cruises in Labrador and Irminger seas in June 1990 and October-November 1991 have been identified using characteristic temperatures (T) and salinities (S). The purpose of this study was to establish the transfer functions between ~icropaleontological assemblages of top sediments and thermohaline characteristics of water masses. The water mass at the top of the Labrador Sea (Labrador Sea Water, LSW) is formed after intense movements of winter convection in the first 900-m depth of the water column. Below that depth, the LSW parameters reach a double minimum (S = 34.80 and T = 2.9"C). Only the sediments located on the continental slopes of Greenland and Labrador between depths of 500 and 1500 m are in contact with the LSW. Below the LSW, the superior fraction of the North East Atlantic Deep Water (NEADWl) is characterized by a temperature maximum (= 3.3"C) and, as such, is distin- guishable from the inferior fraction (NEADW2). The latter is characterized by a maximum S ( = 34,90) when compared with other intermediary and deep water masses. In contrast to the NEADWl that freely circulates over the Reykjanes Ridge, the NEADW2 must flow through the Charlie Gibbs Fracture Zone to go from the northeastern Atlantic to the Irminger Sea. The NEADW 1 and 2 respectively bathe the ridge section less than 2000 m deep and the European abyssal basins. On the contrary, the majority of the deep sediments of the Labrador and Irminger seas are in contact with the cold (T < 2.6"C) and salty ( = 34.85) Denmark Strait Overflow Water. Although this water mass is normally found at depths exceeding 2700 m in pelagic environments, it can be found at less than 2000-m depth on the bottom of the continental slopes of Greenland and Labrador, where it is carried by the strong Deep Northern Boundary Current and Western Boundary Undercurrent. The presence of the NEADW 1 and 2 on the sediments is then restricted to narrow bands on the same continental slopes, between depths of 1800 and 2200 m.

Can. J . Eanh Sci. 31, 5-13 (1994)

Introduction

Les bassins subpolaires de 1'Atlantique jouent un r61e dtter- minant dans les grandes circulations thermohalines des ockans du globe (e.g., Broecker et al. 1990). Par refroidissement de surface, des eaux denses sont gknkrkes, plongent puis s'kva- cuent vers le sud, participant ainsi 2 la ventilation des ockans intermkdiaires et profonds (Aagaard et al. 1985). La descrip- tion de la circulation octanique profonde de 1'Atlantique Nord a tout d'abord paru dans des atlas d'ockanographie (e.g., Grant 1968; Dietrich 1969), puis a t t t rtcemment reprise par McCartney (1992). Toutefois, il n'existe pas, i notre connais- sance, de schkma rkcapitulatif simple de la distribution bathy- mttrique ou gtographique des grandes masses d'eau dans les

mers du Labrador et d'Irminger. De f a ~ o n similaire, l'kcoule- ment des grands courants c6tiers du Nord et de l'Ouest (sous- courant c6tier de l'Ouest (Western Boundary Undercurrent, WBUC) ou courant c6tier profond de l'Ouest (Deep Western Boundary Current) et courant c6tier profond du Nord (Deep Northern Boundary Current, DNBC)) est connue, mais avec peu de prtcision en ce qui a trait aux masses d'eau qui sont entraintes en leur coeur (McCartney 1992).

Dans les bassins d'Irminger et du Labrador, trois grandes masses d'eau ont t t t courarnment signaltes : la masse d'eau de la mer du Labrador (Labrador Sea Water, LSW), qui se forme essentiellement dans la mer du Labrador, la masse d'eau profonde de 1'Atlantique du Nord-Est (North East Atlantic

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Deep Water, NEADW), qui provient de la rner de Norvbge, au Nord de la ride reliant 171slande l '~cosse, et la masse d'eau de dCbordement du dCtroit de Danemark (Denmark Strait Overflow Water, DSOW), parfois appelCe North West Atlantic Bottom Water (masse d'eau de fond de 1'Atlantique du Nord-Ouest), qui est issue de la rner du Groenland, au nord du dCtroit de Danemark (Clarke et Gascard 1983; Swift 1984; Lazier 1988). Dans la prCsente Ctude basCe sur des relevCs effectuCs au cours de deux carnpagnes du CSS Hudson, nous avons cherchC a identifier la distribution de ces masses d'eau, en particulier au contact des sCdiments profonds et des marges continentales. L'objectif principal Ctait d'apporter des infor- mations indispensables pour l'ttablissement de fonctions de transfert entre les conditions thermohalines ambiantes et les assemblages micropalContologiques observCs en surface des sCdiments (e.g . , de Vernal et al. 1994). Nous avons aussi prCtC attentiorl B la nature des masseS d'eau entrainees au coeur des courants c6tiers profonds, en particulier par le WBUC, qui influence les processus de skdimentation et de diagenbse (e.g., GariCpy et al. 1994; Lucotte et al. 1994; Wu et Hillaire- Marcel 1994).

Les stations occupCes au cours des campagnes HU-90-013 (juin 1990; Hillaire-Marcel et al. 1990) et HU-91-045 (octobre- novembre 199 1 ; Hillaire-Marcel et al. 199 1) sont prCsentCes B la figure 1. Elles sont principalement rCparties le long de trois traverses. Dans la rner du Labrador, 11 stations d~finis- sent une coupe transversale entre l'embouchure du lac Melville, au Labrador, et le cap Farewell, au Groenland; dans les bas- sins d71rminger et d91slande, une premibre traverse longe le 60e parallble nord et inclut 6 stations choisies de part et d'autre de la dorsale de Reykjanes; une seconde, entre 55 et 53" de latitude nord, comprend 4 stations situtes 1Cgbrement au nord de la zone de fracture de Charlie Gibbs (Charlie Gibbs Fracture Zone, CGFZ). La plupart de ces stations ont fait l'objet d'Cchantillonnages gCologiques dans le cadre d'un pro- jet collaboratif sptcial portant sur la palCocCanographie et la palhproductivit6 de la rner du Labrador (Hillaire-Marcel et al. 1994).

Les mesures de salinitC (S) et de tempCrature (T), en fonc- tion de la profondeur (P), ont kt6 rCalisCes avec une sonde Applied Microsystems STD 12. La comparaison de profils S- T-P Ctablis, en 1990 et 1991, pour des stations proches, nous a permis d'Cvaluer la reproductibilitt des mesures de l'appareil utilist. Les T des masses d'eau profonde sont iden- tiques d'une annCe B l'autre B environ 0,01 "C prbs. Les Ccarts apparents de S relevCs, d'une annCe B l'autre, pour les mCmes masses d'eau sont infkrieurs B 0,02. Bien que des Ccarts inter- annuels de S de 0,025 aient CtC considCrCs comme plausibles, pour des masses d'eau profondes (Lazier 1988), nous prCfC- rons, jusqu'B preuve du contraire, attribuer les Ccarts observts ici B l'imprkcision de la sonde utiliste. Par mesure de prCcau- tion, nous ne considtrerons, dans le texte qui suit, que les diffkrences interannuelles de S r 0,04. Les T rapporttes sont des mesures in situ que nous n'avons pas transcrites en tem- p6ratures potentielles. L'Ccart maximal existant entre la mesure et la tempCrature potentielle de masses d'eau situCes 2 plus de 2000 m de profondeur est de 0,3 B 0,4"C. Une telle correction ne s'imposait pas dans la mesure oh les variations de T de la colonne d'eau, B ces profondeurs, atteignaient plusieurs degrCs Celcius.

Identification des masses d'eau profondes

Sur la base des diagrammes T-S des colonnes d'eau des mers du Labrador, d'Irminger et d'Islande (fig. 3), on a pu repCrer, au cours des carnpagnes, deux masses d'eau pro- fondes rtcurrentes. La masse d'eau profonde la plus dense (a, > 27,84) prtsente les temptratures les plus faibles obser- vCes (1,5"C < T < 2,6"C) et une salinitC ClevCe, de l'ordre de 34,85. Cette masse d'eau est prksente du cad ouest de la dorsale de Reykjanes et occupe, dans la rner du Labrador, la zone la plus profonde du bassin. Par ses caractCristiques T-S et du fait qu'elle soit la plus marqute a la station 91-045-055 (fig. 2G), au nord de la rner d'Irminger, cette masse d'eau parait fortement influencCe par le dkbordement, B travers le dCtroit de Danemark, des eaux trbs froides formCes en hiver dans les mers du Groenland et d'Islande. I1 s'agit donc de la DSOW (Mann 1969; Lazier 1988).

LB oh elle est prCsente, la DSOW est toujours surmontke par une masse d'eau, nettement plus chaude (2,6"C < T < 3,3"C) et de salinitk 1Cgbrement plus ClevCe (34,85 < S < 34,92), traits qui lui conferent un a, variant entre 27,77 et 27,83. A la hauteur de la dorsale de Reykjanes, ainsi qu'B l'est de celle-ci, cette masse d'eau est prtsente jusqu'au fond de la colonne d'eau (fig. 2H). I1 s'agit donc de la NEADW (Swift 1984; Lazier 1988). Deux sous-unit& distinctes de cette masse d'eau profonde de 1'Atlantique du Nord-Est peuvent Ctre dCcelCes sur la base des diagrammes T-S, T- P ou S- P de nos deux campagnes. La sous-unit6 supkrieure (NEADW 1) est marquCe par un maximum de T ( = 3,3"C) trbs reconnais- sable, entre 1700 et 2200 m de profondeur, dans toutes les sta- tions pClagiques (fig. 2A, 2B, 2D -2G et 21). La sous-unit6 infkrieure (NEADW2) contraste avec la prCcCdente par des T moindres (jusqu'i 0,6"C de moins) et par un maximum de S, clairement observable entre 2000 et 3200 m de profondeur dans les mers d'Irminger et du Labrador. Eu Cgard au domaine bathymktrique occupC par cette masse d'eau, on comprend qu'elle soit absente aux stations situCes sur la dorsale de Reyk- janes (fig. 2H).

Les masses d'eau intermidiaire et de surface I L'importante masse d'eau intermediaire des mers d'Irminger

et du Labrador, en Cquilibre au-dessus des composantes pro- fondes dCcrites ci-dessus, est la LSW (Clarke et Gascard 1983; Swift 1984; Harvey et Theodorou 1986; McCartney 1992). Les eaux de surface de la LSW sont influenckes par des apports contrast&, telle une fraction des eaux de la dCrive nord-atlantique (North Atlantic Drift, NAD) issue des lati- tudes tempCrCes, et de grand! courants froids, tels ceux du Groenland et du Labrador. A proximitk de la surface, les

i propriCtCs T-S de la LSW sont trbs variables et rCpondent aux conditions climatiques saisonnibres et au ddbit relatif des cou- ! rants. En profondeur, la LSW prtsente une densit6 relative- 1 ment uniforme d'une annCe B l'autre (a, = 27,75; cf. Clarke I et Gascard 1983). La fraction stabilisCe de la LSW s'identifie par un double minimum de S (34,80 f 0,02) et de T (= 2,9"C)

I

qui apparait entre les eaux de surface et la NEADW (e.g., fig. 2D et 2F).

L'influence d'eaux chaudes (jusqu'i 9°C en novembre 1991) et sal&s (S > 34,98) issues du courant de dCrive nord-atlantique est nettement perceptible dans la premibre centaine de mktres de la colonne d'eau des stations 91-045-059, 91-045-062 et 91-045-070, situCes B la hauteur de la dorsale de Reykjanes,

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LUCOTTE ET HILLAIRE-MARCEL

50- 40"

GC IIIIII~~I~~) NEADW 1

LC -- --) NEADW 2

NAD DSOW

ABR~VIATIONS : DSOW, masse d'eau de dkbordement du dktroit de Danemark; GC, courant du Groenland; LC, courant du Labrador; NAD, dBrive nord-atlantique; NEADW, masse d'eau profonde de I'Atlantique du Nord-Est.

FIG. 1. Position des stations d'kchantillonnage durant les campagnes HU-90-013 et HU-91-045 (g l'kchelle de la carte, les stations 91-045-032 et 91-045-002 se superposent). Le schkma simplifik de circulation ockanique a kt6 dress6 de fa~on h concorder avec la prksence des diffkrentes masses d'eau identifikes h chaque station d'kchantillonnage, tout en respectant le cadre gknkral proposk pour 1'Atlantique Nord par McCartney (1992).

vers 60" de latitude nord. Ces eaux de surface n'ont pas t t t reporttes, pour des raisons d'tchelle, sur le diagrammes T-S de la figure 2H. On les retrouve, mais d t j i significativement refroidies (T = 6,5"C en octobre 1991 et = 4,3"C en juin 1990), de 100 2 300 m au-dessous de la surface, aux stations du plateau continental du sud du Groenland (91-045-036, 91-045-041, 91-045-045, 91-045-047 et 90-013-010; fig. 2F et 2B). On peut encore distinguer, sur la pente continentale du Labrador, un apport dilut des eaux de la NAD dans une tranche d'eau relativement chaude (3,8 "C < T < 4,2"C) et salte, B environ 200 m de profondeur, aux stations 90-013-018,

90-013-022, 90-013-027, 90-013-031, 91-045-015, 91-045-019 et 91-045-022 (fig. 2A et 2D). Le fond des stations du plateau continental du Labrador est baignt par des eaux qui sont nette- ment plus chaudes et saltes que celles du courant du Labrador surnageant; celles-ci reprtsentent encore probablement une composante dilute de la NAD (stations 91-045-001 et 91-045-010; fig. 2C).

Le courant froid et peu salt du Groenland s'observe en sur- face aux stations les plus proches des c6tes (90-013-002 et 91-045-032), bien que son influence se fasse encore sentir dans certaines stations de la pente continentale (90-013-010,

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LUCOTTE ET HILLAIRE-MARCEL 4

FIG. 3. Tranches de profondeur occupCes par les diffkrentes masses d'eau : mer d'Irminger et dorsale de Reykjanes (59-60" de latitude nord) (A); i proximitt5 de la zone de fracture de Charlie Gibbs (53-55" de latitude nord) (B); mer du Labrador, campagnes 91-045 (C) et 90-013 (D). Sur ce dernier graphique, les zones de courant de fond intense de la DSOW (velocity cores) ont kt6 indiqukes trbs approximative- ment d'aprbs les donnCes ~Cdimentologiques (Wu et Hillaire-Marcel 1994). Les trames interrompues indiquent le caractbre flou des limites entrc ir; masses d'eau, soit un certain mClange entre elles.

91-045-045 et 91-045-047; fig. 2F). Le courant du Labrador, qui en constitue le prolongement occidental, occupe princi- palement la surface de toutes les stations situtes B moins de 1000 m de profondeur (91-045-001,91-045-007 et 91-045-010; fig. 2C). Les caracttristiques T - S de ces deux courants sont trbs variables et rtpondent aux rtchauffements ou refroidisse- ments saisonniers ainsi qu'aux apports d'eau de fonte corres- pondants.

Coupes transversales dans les diffkrents bassins

blies B partir des considtrations suivantes. La tranche pro- fonde et stabiliste de la LSW se caracttrise par un a, constant et des T et S pratiquement uniformes; par suite, la limite inftrieure de la LSW est nettement marqute par une brusque augmentation de T et S B l'interface avec la NEADWl. La NEADWl occupe ensuite la tranche d'eau oh s'observent B la fois un maximum de T et une augmentation graduelle et con- tinue de S. La NEADW2 sous-jacente contraste avec la tranche d'eau prtctdente par son plateau de salinitt maximale et sa temptrature dtcroissante. Enfin, la limite suptrieure de la DSOW a t t t fixte B P oh s'observent simultankment une dimi-

Nous avons schtmatist les tranches de profondeur occuptes nution de S , B partir du maximum de la NEADW2, et une par les difftrentes masses pour chacune des traverses (fig. 3). baisse de T marqute par un point d'inflexion net. Lorsque les Les limites de chacune des grandes masses d'eau ont t t t tta- critbres retenus pour reconnaitre les limites des difftrentes

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masses d'eau Ctaient flous sur les graphiques de T et S, selon Ctaient situCes sur les pentes continentales du Labrador et du P, nous avons indiquC par des trames discontinues les mklanges Groenland, entre 500 et 1500 m de profondeur (fig. 3C, 3D des diffkrentes masses d'eau. et 4). Dans 1'Ctroite zone de la pente continentale correspon-

dante, seule la partie la plus profonde est baignCe par la frac- Formation de la masse d'eau intermkdiaire de la rner du tion de la LSW qui prCsente des propriCtCs thermohalines

Labrador (LSW) uniformes. Les sites moins profonds sont donc susceptibles de

Les eaux de surface de la rCgion CtudiCe sont globalement divergentes en raison du mouvement cyclonique gCnCral qui les anime. Sur leur pourtour, elles peuvent &tre localement dominCes par un ou deux des grands courants de surface (i.e., le prolongement de la NAD et les courants du Groenland ou du Labrador; fig. 1).

Les courants de surface conservent en partie leurs carac- tkristiques physico-chimiques au long de leur giration B la ptriphtrie des mers d'Irminger et du Labrador. Par contre, les eaux de surface, au large de la rner du Labrador, plongent en profondeur sous l'effet de leur refroidissement hivernal (Clarke et Gascard 1983). Les eaux intermkdiaires ainsi formCes par B coups, B la suite de grands mouvements de convection, sont entrainCes dans une circulation cyclonique intermkdiaire dans les mers du Labrador et d'Irminger (McCartney 1992). Cette circulation intense est responsable de 1'homogCnCisation des tempkratures et salinitks, dans la LSW profonde; cette homo- gCnCitC de la LSW profonde s'observe B travers l'ensemble des deux bassins, m&me si, en surface, la rner d'Irminger est plus influencCe par la composante NAD que la rner du Labrador (fig. 3). Le temps de sCjour moyen des eaux dans ce tourbillon est suffisamment long pour que les parambtres T et S restent constants pendant plusieurs saisons, voire plusieurs annCes (McCartney 1992). Ainsi, aucune diffkrence statistiquement significative de S ou de T de la LSW profonde n'a pu &tre dtcelee entre les stations proches des campagnes de juin 1990 et d'octobre - novembre 199 1.

Aux stations oil la LSW est prtsente, on note que S et T ne deviennent uniformes qu'au-delB de 900 m de profondeur. On en conclut que les mouvements hivernaux de convection affec- tent au moins les 900 premiers mbtres de la colonne d'eau. Aux stations peu profondes situees prbs des continents, T et S n'atteignent jamais, en profondeur, les valeurs asymptotiques de la LSW profonde; il en rCsulte une plus grande variabilitC saisonnibre des conditions physico-chimiques sur le fond. Dans la rner du Labrador, la profondeur maximale B laquelle s'ob- serve la LSW varie de 1100 m, sur la pente continentale du Groenland, a prbs de 2000 m, au coeur du bassin (fig. 3C et 3D). Ce creusement prononcC de la limite infkrieure de la LSW caractkrise la gtostrophie du yuvement cyclonique qui affecte les masses d'eau du bassin. A 170pposC, B 60" de lati- tude nord dans la rner d'Irminger, les tempkratures ClevCes des eaux de surface restreignent les mouvements de convection hivernale, et la profondeur maximale de la LSW ne dCpasse pas 1600 m de profondeur (fig. 3A). A la m&me latitude, de part et d'autre de la dorsale de Reykjanes, toute formation de LSW parait exclue du fait de la trop faible densitt des eaux de surface, B peine quelques degrCs plus chaudes que celles de la rner d'Irminger. Cette dernibre observation illustre B quel point la formation de la masse d'eau profonde de la rner du Labrador est contr61Ce par un dklicat Cquilibre de densitt; cet Cquilibre peut &re facilement rompu B la suite de changements dans les conditions octaniques (Swift 1984; Aagaard et Carmack 1989; Keigwin et al. 1991).

Les seules stations d'kchantillonnage ou les sCdiments de fond Ctaient au contact de la LSW, lors de nos campagnes,

subir d'importantes fluctuations saisonnibres de T i t de S. Le fort gradient de densit6 entre la LSW et la NEADW sous-

jacente restreint leur mClange. Dans l'ensemble du systbme que constituent les mers du Labrador et d'Irminger, un seul endroit, au large de la c6te est du Groenland (non loin de la station 91 -045-047), constitue apparemment un site de mClange actif des eaux intermkdiaires et profondes (McCartney 1992).

Masses d'eau profonde de 1'Atlantique du Nord-Est (NEADW)

La grande NEADW est composCe d'un mClange complexe d'eau de la LSW avec d'autres eaux plus denses issues des debordements d'eaux arctiques, depuis les hauts-fonds reliant 1'Islande B l '~cosse, et d'apports profonds de 17Atlantique tempCrC ou m&me de 1'Antarctique (Swift 1984; Harvey et Theodorou 1986; McCartney 1992). La NEADW n'en prC- sente pas moins une relative uniformit6 dans le grand tourbil- lon cyclonique qui l'entraine dans 1'Atlantique Nord, au-delh du 50e paralkle. Le melange et 1'homogCnCisation des sources de la NEADW est dfi B la recirculation rCpCtCe, dans le tourbil- lon, de la majeure partie de la masse d'eau qui ne s'Cchappe pas vers le sud avec le WBUC. La prCsence de la dorsale maio-ocCanique paqicipe B la skparation de la NEADW en deux cmposantes. A moins de 2000 m de profondeur, la NEADWl est ornniprksente h toutes les stations pClagiques de nos deux campagnes et prksente des caractkristiques physico- chimiques uniformes (fig. 2). Dans les limites imposCes par la prkcision de notre sonde, nous n'avons observC aucune varia- tion significative de T et de S, dans l'espace et d'une annCe sur 1 l'autre; ceci tCmoigne de 1'homogCnCisation de la NEADWl au cours de son pCriple cyclonique dans 1'Atlantique Nord. Ce mouvement s'opbre librement d'ouest en est au-dessus de la dorsale mCdio-ocbanique, entre 50 et 53" de latitude nord, c'est-a-dire dans la rCgion oil les reliefs de la dorsale se situent 2 des profondeurs suptrieures B - 2000 m (McCartney 1992). Au nord du 53e parallkle, la communication dans l'autre sens, du bassin d'Islande vers la rner d'Irminger, s'effectue en partie librement au-dessus de la dorsale, sinon au long de dCpres- sions d'ordre kilomktrique par rapport aux reliefs de la dorsale au long d'une dizaine de petites failles perpendiculaires B l'axe de celle-ci (Vogt et Johnson 1973). Cette libre circulation B moins de 2200 m de profondeur, entre les bassins est et ouest de 17Atlantique Nord, est dCmontrCe par 1'uniformitC des caractkristiques de la NEADWl dans les profils T-S, de part et d'autre de la dorsale de Reykjanes (station 91-045-055 B 91-045-088; fig.2).

Au contraire, la circulation est-ouest de la NEADW2 plus profonde (> 2200 m) est entravCe par les reliefs de la dorsale de Reykjanes. Les eaux profondes du bassin d'Islande ne peu- vent pCnCtrer dans la rner d71rminger qu'en empruntant la CGFZ, 2 environ 52'45' de latitude nord, dont le seuil bathy- mktrique entre l'est et l'ouest se situe 2 3600 - 3700 m de pro- fondeur (Swift 1984; McCartney 1992). La circulation de la NEADW2 travers cet Ctroit passage de la CGFZ est mise en Cvidence par l'identitt des propriCtCs de la masse d'eau cor- respondante, a plus de 2500 m de profondeur, de part et

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d'autre de la dorsale (stations 91-045-075 et 91-045-077, B l'est, et 91-045-086, B l'ouest; fig. 21). En se basant sur les teneurs en silicates dissous des eaux profondes de la zone de fracture, eaux que nous associons B la NEADW2 (6 < 2,7"C ou T < 3,0°C), McCartney (1992) conclut que celles-ci sont en partie issues d'eaux de 1'Atlantique temptrt, provenant soit de l'est, soit de l'ouest de la dorsale. Les donntes recueillies ici ne permettent pas de corroborer cette interprttation, sinon le fait que les S enregistrtes aux stations 91-045-077 et 91-045-086 pour la NEADW2 constituent un record pour cette masse d'eau (fig. 21).

Dans les zones ptlagiques couvertes par la prtsente ttude, la NEADWl occupe une tranche d'eau de 700 m d'tpaisseur environ, B une profondeur variant entre 1500 et 2500 m (fig. 3). Elle baigne ainsi les fonds de la dorsale de Reykjanes en deqB de 2000 m de profondeur (fig. 3A et 4). Dans les mers d'Inninger et du Labrador, la NEADWl s'tlbve aux abords des marges continentales, sous l'effet gtostrophique du tour- billon dans lequel elle est entrainte. On relbve par exemple la NEADWl B moins de 2000 m de profondeur autour de la ride d'Eirik, au large du cap Farewell (station 90-013-010; fig. 3D), et, sur la pente continentale du Labrador, B environ 1800- 2000 m de profondeur (stations 90-013-031 et 91-045-022; fig. 3C).

La oh elle est prtsente, la NEADW2 occupe une tranche bathymttrique de 700 m d'tpaisseur, comparable donc B celle dtfinie par la NEADWl. Eu tgard B son origine prtsumte, il n'est pas surprenant de retrouver la NEADW2 sur le fond du flanc est de la dorsale, a toutes les stations de plus de 2000 m de profondeur (91-045-070,91-045-075 et 9 1-045-077; fig. 2H, 21 et 4). Aprbs son passage ford vers l'ouest de la dorsale, B travers la CGFZ, la NEADW2 n'est plus en contact avec de grandes surfaces de fonds octaniques; celles-ci sont alors baigntes par la DSOW, plus dense. I1 est probable que la NEADW2 soit prtsente sur d'ttroites bandes de ddiments, ltgbrement plus profondes que celles baignks par la NEADWl, au long des pentes continentales des mers d'Irminger et du Labrador (soit vers 2000-2200 m de prondeur environ); l'ab- sence de stations d'tchantillonnage 2i ces profondeurs prCcises ne nous a pas permis de vtrifier cette hypothbse. I1 est par contre inttressant de relever la prtsence de la NEADW2, au creux de la ride d'Eirik, au large du cap Farewell, B moins de 1600 m de profondeur. I1 semble que les fortes turbulences qui affectent cette rtgion octanique, sinon le fort dtbit de la DSOW sous-jacente, soient responsables de la remontte locale de cette masse d'eau B de si faibles profondeurs.

Masse d'eau du fond des mers du Labrador et d'Irminger (DSOW)

La DSOW a essentiellement une seule origine, soit le dkborde- ment d'eaux provenant des mers de Norvbge et du Groenland, B travers le dttroit de Danemark (Swift 1984; Lazier 1988; McCartney 1992). Un seul autre apport notable d'eau trbs froide existe, au nord de la mer du Labrador; il est lit au dtbordement d'eaux de la baie de Baffin h travers le dttroit de Davis. Toutefois, ces eaux peu salCes sont, selon toutes proba- bilitks, largement incorportes au courant du Labrador et ne plongent pas vers le fond du bassin (McCartney et Talley 1984).

Les caracttristiques de T et S de la DSOW dtpendent ttroite- ment des conditions locales regnant dans les mers d'Islande et du Groenland. Ainsi au cours d'une vingtaine d'anntes, des

fluctuations significatives de S ( f0 , l ) et de T (f 0,15"C) de cette masse d'eau ont-elles Ctt enregistrtes (Dickson et al. 1988; Lazier 1988; Aagaard et al. 1991; Read et al. 1992). Ntanmoins, en tenant compte de la prtcision de la sonde utiliste ici, les Tet S de la DSOW sont resttes constantes entre 1990 et 1991. Aprbs son plongement, au sud du dttroit de Danemark, la DSOW est entrainte dans un tourbillon cyclo- nique B l'tchelle des mers d'Irminger et du Labrador. Comme c'ttait dtjB le cas pour les autres masses d'eau profondes, 1'homogCnCisation de la DSOW est assurte par son recyclage dans les deux bassins : seule une fraction de la masse d'eau s'tchappe en effet avec le WBUC (Lazier 1988; McCartney 1992). En raison de sa densitt tlevte, la DSOW ne se mtlange que trbs peu avec la NEADW surnageante. Les colonnes d'eau prksentent ainsi une structure interne nettement plus stratifite B l'ouest de la dorsale, qu'B l'est.

A la hauteur de la plaine abyssale de la mer d71rminger, on ne retrouve la DSOW qu'8 plus de 2700 m de profondeur (fig. 3A et 3B). Fortement entrainCe dans le DNBC, cette masse d'eau remonte aux abords du Groenland, peut-Ctre jusqu'h moins de 2000 m de profondeur (McCartney 1992). L'absence de donnks entre les stations 91-045-050 et 91-045-047 ne permet pas d'Ctayer ce qui prtcbde. On note cependant une trace de la DSOW B 1900 m de profondeur $ la station 91-045-036, au large du cap Farewell (fig. 2F). La DSOW est prtsente B plus de 3000 m de profondeur au coeur de la mer du Labrador, et B moins de 2600 m sur les marges du bassin, aussi bien groen- landaise que labradorienne (fig. 3C et 3D). La DSOW baigne ainsi la majeure partie des plaines abyssales des mers d'Irminger et du Labrador ainsi que la base des pentes continentales du Groenland et du Labrador, mais ne semble pas toucher le flanc ouest de la dorsale de Reykjanes (fig. 4). Une composante de la DSOW se rend jusqu7B la station 91-045-086 (fig. 3B), soit vers l'extrtmitt occidentale de la CGFZ. Une fraction de la DSOW pourrait ainsi passer occasionnellement B l'est de la dorsale, en empruntant la CGFZ. Schmitz et Hogg (1978) ont en effet Cvoquk l'existence de courants intermittents est- ouest, au fond de la zone de fracture. Cette composante de la DSOW, a l'est de la dorsale (station 91 -045-077), pourrait Ctre indiscernable en raison du degrt intense de mtlange des eaux profondes dans le bassin de 1'Europe de l'Ouest.

Aux trois stations p6lagiques d'Cchantillonnage les plus mtri- dionales de la mer du Labrador (91-045-086, 91-045-088 et 91-045-092), la DSOW est de 0,5 B 1 "C plus chaude qu'aux stations de la mer d'Irminger (soit 8 - 1,9"C ou T - 2,3"C) (fig. 2E et 21). Cette difftrence pourrait Ctre attribuable B son mtlange partiel avec la NEADW2, ou encore refltter la prtsence d'eaux provenant de l'Antarctique, a l'ouest de la dorsale et jusqu'a la latitude de la CGFZ, comme le suggbre McCartney (1992).

Composantes des courants c8tiers profonds du Nord et de I'Ouest (DNBC et WBUC)

Le grand mouvement cyclonique dans lequel sont entraintes les trois grandes masses d'eau prtsentes dans 1'Atlantique Nord, soient la LSW, la NEADW et la DSOW, est caracttrist par un champ de vitesses trbs variable. Les endroits oh l'inten- sit6 de ce tourbillon ockanique atteint un maximum (velocity core) sont bien localists et constituent le coeur des courants c6tiers profonds DNBC et WBUC (McCartney 1992). Sur les profils bathymttriques des diffkrentes masses d'eau, ces cou- rants profonds sont localists 18 oh les pentes gCostrophiques

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FIG. 4. Masses d'eau actuellement en contact avec les skdiments des mers du Labrador, d'Irminger et de la dorsale de Reykjanes.

des lignes d'isodensitk sont les plus fortes. Ainsi, dans la rCgion CtudiCe, le DNBC initialement composC de NEADW2, occupe le fond de la CGFZ. Le coeur de ce courant est ensuite transfCrC B la DSOW au large de la c6te est du Groenland, B environ 2500 m de profondeur. Finalement, on le retrouve B environ 2800 m de profondeur au sud-ouest du Groenland (fig. 3D). Ce dernier endroit a CtC clairement mis en Cvidence par les indices de vannage des sCdiments et les faibles vitesses de skdimentation observCes B la station 90-013-011 (Wu et Hillaire-Marcel 1994). Au large du Labrador, le courant c6tier profond, devenu le WBUC, se concentre toujours dans la DSOW, aux environs de 2900 m de profondeur (fig. 3D). A la station 90-013-027, la trace de son passage est ?I nouveau clairement signalCe par des vitesses de ~Cdimentation anor- malement faibles (Wu et Hillaire-Marcel 1994).

La fraction des eaux profondes qui s'tchappe du mouvement cyclonique des mers d'Irminger et du Labrador s'Ccoule vers

le sud et l'ouest en contournant les Grands Bancs de Terre- Neuve (Lazier 1988; McCartney 1992). Bien que le coeur du WBUC, au nord de Terre-Neuve, semble Ctre constitut majori- tairement de DSOW, Swift (1984) a estimt que les eaux sor- tant du tourbillon subpolaire Ctaient composCes d'un mClange en parties B peu p r b Cgales de chacune des trois grandes masses d'eau identifikes. I1 est clair que dans les mers subarc- tiques, ces trois grandes masses d'eau ne se mClangent que trks peu les unes avec les autres; les processus de formation d'une importante masse d'eau profonde de 1'Atlantique Nord (Nord Atlantic Deep Water), relativement homogkne B la hauteur des Grands Bancs de Terre-Neuve, restent B prCciser.

Remerciements

Cette Ctude a CtC financCe par une subvention du Conseil de recherches en sciences naturelles et en gCnie du Canada (projet

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collaboratif sptcial). Des subventions d'tquipe et de centre d e recherche du Fonds pour la formation d e chercheurs et l'aide ii la recherche du Qutbec ont permis d e dCfrayer les cotits analytiques. Nous remercions les officiers e t l 'tquipage du CSS Hudson pour leur dkvouement au cours des campagnes octanographiques ainsi que A. Clarke (Institut octanographique d e Bedford) pour des commentaires trks constructifs sur cette ttude.

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