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Cession de droits sociaux - Impacts de la réforme du droit des contrats sur lescessions de droits sociaux - Commentaire par Renaud MORTIER

Droit des sociétés n° 4, Avril 2016, comm. 52

Impacts de la réforme du droit des contrats sur les cessions de droitssociaux

Commentaire par Renaud MORTIER

CESSION DE DROITS SOCIAUX

Accès au sommaire

L'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve desobligations, modifie en profondeur les dispositions du Code civil afférentes au droit des contrats. Le présent article passeen revue les principales incidences de la réforme sur le régime de la cession d'actions et de parts sociales.

Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve desobligations : JO 11 févr. 2016

« Art. 1112. L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ilsdoivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

« En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoirpour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu.

« Art. 1112-1. Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour leconsentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette informationou fait confiance à son cocontractant.

« Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

« Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu ducontrat ou la qualité des parties.

« Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, àcharge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

« Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

« Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraînerl'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

« Art. 1112-2. Celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue àl'occasion des négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun.

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« Art. 1113. Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les partiesmanifestent leur volonté de s'engager.

« Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

« Art. 1114. L'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels ducontrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. À défaut, il y aseulement invitation à entrer en négociation.

« Art. 1115. Elle peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire.

« Art. 1121. Le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant. Il est réputé l'être au lieu oùl'acceptation est parvenue.

« Art. 1128. Sont nécessaires à la validité d'un contrat :

« 1° Le consentement des parties ;

« 2° Leur capacité de contracter ;

« 3° Un contenu licite et certain.

« Art. 1130. L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sanseux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellementdifférentes.

« Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles leconsentement a été donné.

« Art. 1131. Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

« Art. 1132. L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité ducontrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

« Art. 1133. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitementconvenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

« L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

« L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.

« Art. 1142. La violence est une cause de nullité qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers.

« Art. 1143. Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel setrouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une tellecontrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

« Art. 1195. Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendl'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-cipeut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligationsdurant la renégociation.

« En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, àla date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à sonadaptation. À défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser lecontrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe.

« Art. 1203. On ne peut s'engager en son propre nom que pour soi-même.

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« Art. 1204. On peut se porter fort en promettant le fait d'un tiers.

« Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans le cas contraire, il peutêtre condamné à des dommages et intérêts.

« Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d'un engagement, celui-ci est rétroactivement validé à ladate à laquelle le porte-fort a été souscrit.

« Art. 1221. Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution ennature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour ledébiteur et son intérêt pour le créancier.

« Art. 1222. Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faireexécuter lui-même l'obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation decelle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

« Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou àcette destruction.

« Art. 1223. Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat etsolliciter une réduction proportionnelle du prix.

S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais.

« Art. 1224. La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécutionsuffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

« Art. 1225. La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution ducontrat.

« La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-cirésulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionneexpressément la clause résolutoire.

« Art. 1226. Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Saufurgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dansun délai raisonnable.

« La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, lecréancier sera en droit de résoudre le contrat.

« Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui lamotivent.

« Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver lagravité de l'inexécution.

« Art. 1352. La restitution d'une chose autre que d'une somme d'argent a lieu en nature ou, lorsque celaest impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

« Art. 1352-1.-Celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué lavaleur, à moins qu'il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.

« Art. 1352-2. Celui qui l'ayant reçue de bonne foi a vendu la chose ne doit restituer que le prix de la vente.

« S'il l'a reçue de mauvaise foi, il en doit la valeur au jour de la restitution lorsqu'elle est supérieure au prix.

« Art. 1352-3. La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.

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« La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.

« Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s'ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon unevaleur estimée à la date du remboursement, suivant l'état de la chose au jour du paiement de l'obligation.

« Art. 1352-4.-Les restitutions dues à un mineur non émancipé ou à un majeur protégé sont réduites àproportion du profit qu'il a retiré de l'acte annulé.

« Art. 1352-5. Pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer desdépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans lalimite de la plus-value estimée au jour de la restitution.

« Art. 1352-6. La restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittéesentre les mains de celui qui l'a reçue.

« Art. 1352-7. Celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu'il a perçus ou la valeur de lajouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu'à compter du jour de lademande.

« Art. 1352-8. La restitution d'une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date àlaquelle elle a été fournie.

« Art. 1352-9. Les sûretés constituées pour le paiement de l'obligation sont reportées de plein droit surl'obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme. »

Note :

Accessibilité, prévisibilité et attractivité de notre Droit sont les trois mamelles du nouveau droit français descontrats blotti par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, durégime général et de la preuve des obligations. Prise en application de l'article 8 de la loi n° 2015-177 du16 février 2016 relative à la modernisation du droit et des procédures dans les domaines de la justice et desaffaires intérieures, l'ordonnance en question modifie en profondeur le titre III du Livre III du Code civil, etavec elles les dispositions du Code civil afférentes au droit des contrats (N. Molfessis, Droit des contrats :Que vive la réforme : JCP G 2016, 180). Beaucoup a été écrit sur le sujet. On a discuté de l'opportunité demodifier l'un des derniers sanctuaires de la « Constitution civile de la France », pour reprendre les mots duDoyen Carbonnier. Au pays des codes, le constat selon lequel notre droit des contrats était devenu, au fildes décennies, largement jurisprudentiel et ainsi extérieur au Code civil, aura eu raison de cette réticence.Deux réformes en plus de deux cent dix ans (sanction des clauses pénales manifestement excessives oudérisoires en 1975 ; reconnaissance des contrats électroniques, en 2004) n'étaient cependant pas assezpour préserver notre Code des ravages du temps. Était notamment passée sous silence la périodepré-contractuelle, pourtant de plus en plus souvent fondamentale, tout spécialement en droit des affaires.Quant à la méthode, on a également beaucoup décrié le recours à l'article 38 de notre Constitution pourmodifier notre droit des contrats. Paradoxalement, l'élaboration par voie d'ordonnance, à l'abri d'une enceinteparlementaire où règnent culture du compromis et amour de l'amendement, aura sur ce point démontré uneforme de supériorité : les fruits d'une pensée juridique foisonnante, largement guidée par Pierre Catala etFrançois Terré, ont été recueillis sous forme de projets, mais également d'une consultation publique mise enplace et coordonnée par la Direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice. Plus de 300consultations ont été dépouillées, analysées, permettant à l'ensemble de la communauté des juristes des'approprier ce qui restera en définitive une uvre collective. Le nouveau droit des contrats a beaucoupprofité du travail de réflexion ainsi mené en amont : phrases courtes, définitions nombreuses, intégration dela plupart des apports jurisprudentiels, et parfois réelles nouveautés, voire bris de jurisprudence. Trois quartsde consolidations pour un quart d'innovations, tel est l'équilibre final, celui qui permettra à notre droitd'évoluer sans (trop ?) déranger. Dans l'ensemble, on retiendra de la réforme : une nouvelle définition ducontrat évacuant la distinction entre contrat et convention (C. civ., art. 1101) ; l'abandon de la distinctionconsidérée généralement comme obsolète voire iconoclaste, entre obligations de donner, faire ou ne pas

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faire ; l'abandon de la distinction entre obligations de moyen et obligations de résultat ; la mise en exerguede principes directeurs déjà classiques cependant (liberté contractuelle : C. civ., art. 1102 ; force obligatoire :C. civ., art. 1103 ; bonne foi : C. civ., art. 1104) ; l'insertion dans le code de catégories de contrats jusqu'iciabsentes (contrats consensuel, solennel et réel, contrat de gré à gré et contrat d'adhésion, contrat cadre,contrat à exécution instantané et contrat à exécution successive) ; l'insertion donc de règles concernant lanégociation (limitation de la réparation en cas de rupture fautive des pourparlers, consécration d'uneobligation d'information) ; l'introduction et la sécurisation du pacte de préférence et de la promesseunilatérale de contrat ; l'indication du moment de la formation du contrat (« dès que l'acceptation estparvenue à l'offrant ») et de son lieu (celui de l'acceptation) ; le nouveau régime de validité du contrat (donton retiendra notamment le nouveau vice de violence sanctionnant l'abus de faiblesse, lequel requiertdésormais le constat d'un « avantage manifestement excessif ») ; des règles inédites concernant lareprésentation ; une consécration de la distinction des nullités absolue et relative ; la consécration de lacaducité du contrat, désormais définie, et tout spécialement la consécration de la caducité dans lesensembles indivisibles (conditionnée à la condition que le contractant contre lequel elle est invoquée« connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement »), la consécrationtrès contestée de l'imprévision... Nous nous contenterons présentement d'étudier les impacts de la réformesur la cession de droits sociaux : au stade de sa conclusion, puis à celui de son exécution.

1. La conclusion du contrat de cession de droits sociaux

Formation du contrat (avant-contrats). À l'origine du contrat est le consentement. En matière decession-acquisition de droits sociaux, ce consentement est rarement instantané. C'est pourquoi il ne faut pass'étonner du succès, en matière de M&A, des avant-contrats (sur l'ensemble de la question, V. E.Schlumberger, Les contrats préparatoires à l'acquisition de droits sociaux, thèse Paris 1, 2011). La réformedonne à ces avant-contrats l'assise légale qui leur manquait, et tente, avec un bonheur inégal, de conforterleur efficacité : si la promesse unilatérale de contrat y gagne (R. Mortier :Dr. sociétés 2016, comm. 54), telne semble pas être le cas du pacte de préférence (R. Mortier :Dr. sociétés 2016, comm. 53). Ces pointsétant développés par ailleurs dans la présente chronique, nous n'y reviendrons pas. En revanche, nous nousappesantirons un instant sur le plus discret « porte-fort ». Le recours au porte-fort (on parle souvent de« promesse de porte-fort ») est assez fréquent en matière de cessions de droits sociaux. Il est le moyen derassurer le cocontractant pour permettre aux négociations d'avancer puis d'aboutir. On a ainsi pu donner lesexemples suivants : « le cédant de la majorité des titres se porte fort de la volonté des minoritaires de céderégalement ; dans le cadre d'une clause de tag along, les débiteurs de l'obligation s'engagent à faire en sorteque le cessionnaire de leurs propres titres acquiert ceux des bénéficiaires ; le cédant se porte fort de ce quele cessionnaire des droits sociaux adhérera au pacte extrastatutaire dans le cas où il est signataire d'unpacte ; le porte-fort peut servir de cadre à une convention accessoire à la cession telle une garantie depassif ; il peut également être utilisé par le cessionnaire pour consentir un contrat de travail au cédant » (A.Couret et A. Reygrobellet, Le projet de réforme du droit des obligations : incidences sur le régime descessions de droits sociaux : Bull. Joly Sociétés 2015, 113m8, n° 17). Après que l'article 1203 nouveau aitrappelé le principe (qui figurait déjà à l'article 1119 du Code civil) selon lequel « On ne peut s'engager en sonpropre nom que pour soi-même », l'article 1204 nouveau dispose : « On peut se porter fort en promettant lefait d'un tiers (al. 1er). Le promettant est libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis. Dans lecas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts (al. 2). Lorsque le porte-fort a pour objet laratification d'un engagement, celui-ci est rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit(al. 3) ». Le texte autorise la distinction, faite traditionnellement, entre le porte-fort de ratification d'une part,par lequel le promettant s'engage à ce qu'un tiers ratifie un contrat déjà conclu, par lui-même et donc sanspouvoir de représentation, avec le bénéficiaire de la promesse, et le porte-fort d'exécution d'autre part, parlequel le promettant s'engage à ce qu'un tiers exécute un contrat d'ores et déjà valablement conclu par luiavec le bénéficiaire. Pour autant, ces deux catégories ne sont pas reprises expressément par la loi. Ladistinction ne semble pas nécessairement devoir être posée, dans la mesure où désormais dans tous lescas la jurisprudence considère la promesse de porte-fort comme un engagement personnel autonome, ou àtout le moins non accessoire. On se souviendra que si la solution n'a pas posé de difficulté concernant leporte-fort de ratification (Cass. com., 13 déc. 2005, n° 03-19.217, FP+B+R Boissy c/ SA NV Sanac Belgium :JurisData n° 2005-031318 ; Bull. civ. 2005, IV, n° 256 ; D. 2006, p. 298, obs. Delpech ; ibid. pan. 2856, obs.Crocq ; JCP G 2006, II, 10021, note Simler ; JCP E 2006, 1342, note P. Grosser ; Defrénois 2006,art. 38345, p. 414, note Savaux ; Rev. Lamy dr. civ. avr. 2006, 26 ; Contrats, conc. consom. 2006,

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comm. 63, note L. Leveneur ; LPA 24 avr. 2006, note Prigent ; Rev. Lamy dr. civ. 2006, n° 1096, noteI. Riassetto ; Banque et droit, 2006, p. 60, obs. N. Rontchevsky ; RTD civ. 2006, p. 305, obs. Mestre etFages ; D. 2006, chron. p. 2244, note Arlie. V. aussi, Cass. 1re civ., 25 janv. 2005, n° 01-15.926, F-P+B :JurisData n° 2005-026634 ; Bull. civ. 2005, I, n° 43 ; Rev. Lamy dr. civ. 2005, n° 584, obs. M. Séjean ;Banque et droit 2005, n° 100, p. 41, note N. Rontchevsky ; D. 2005, p. 387, JCP G 2005, IV, n° 1451 ; RTDciv. 2005, p. 391, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP G 2005, I, n° 185, n° 12 ; Defrénois 2005, art. 38166,p. 908, note J. Honorat ; Dr. et patrimoine 2005, p. 104, note Ph. Stoffel-Munck ; JCP G 2006, II, 10021, notePh. Simler. Cass. 1re civ., 16 avr. 2015, n° 14-13.694, F-P+B : JurisData n° 2015-008107), la solution avaitété écartée un temps par la Chambre commerciale de la Cour de cassation concernant le porte-fortd'exécution (Cass. com., 13 déc. 2005, n° 03-19.217, Boissy c/ SA NV Sanac Belgium, préc. Cass. com.,18 déc. 2007, n° 05-14.328 : JurisData n° 2007-042117 ; JCP G 2008, I, 152, 13, obs. Ph. Simler ; Banqueet droit 2008, p. 43, obs. N. Rontchevsky : « celui qui se porte fort de l'exécution d'un engagement par untiers s'engage accessoirement à l'engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers nel'exécute pas lui-même ; qu'ayant constaté que M. X... s'était porté fort du paiement à la société EFI deshonoraires dus par la société Addressing Technology, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il avait ainsicontracté l'engagement de se substituer à cette dernière en cas de défaillance de sa part »), avant que cettedernière n'abandonne cette analyse (Cass. com., 1er avr. 2014, n° 13-10.629, F-P+B, Sté Schmeltz etassociés c/ Sté Audit international associés : JurisData n° 2014-006497 ; Contrats, conc. consom. 2014,comm. 150, L. Leveneur ; JCP G 2014, 752, Y. Dagorne-Labbe ; D. 2014, p. 1185 ; Rev. sociétés 2014,n° 10, note Th. Massart ; D. 2014, p. 1185, note B. Dondero ; RTD com. 2014, p. 309, obs. B. Saintourens ;RDC 2014, p. 347, obs. Th. Génicon ; JCP N 2014, 1339, Ph. Simler. V. déjà, Cass. com., 18 juin 2013,n° 12-18.890, P : JurisData n° 2013-012446 ; JCP G 2013, 1256, doctr. Ph. Simler ; JCP E 2013, 1585,L. Leveneur ; Contrats, conc. consom. 2013, comm. 203, L. Leveneur ; Bull. civ. 2013, IV, n° 105 ; D. 2013,p. 1621, obs. X. Delpech, et p. 2561, note Pellier ; Banque et droit 2013, n° 150, p. 40, obs. N. Rontchevsky ;RDC 2014, p. 66, obs. Barthez). Le nouvel article 1204 conforte la jurisprudence selon laquelle le promettantest libéré de toute obligation si le tiers accomplit le fait promis (al. 1er), tandis que « dans le cas contraire, ilpeut être condamné à des dommages et intérêts » (al. 2). Surtout, le texte apporte une évolutionintéressante concernant la rétroactivité de la ratification. Alors que le projet initial ne rendait la ratificationrétroactive qu'au profit du tiers (version initiale : le tiers ayant ratifié la promesse « peut se prévaloir del'engagement depuis la date à laquelle il a été souscrit par le promettant » ; la mise à l'écart de larétroactivité évite, en cas de vente par le porte-fort, l'application de l'article 1599 du Code civil, selon lequel lavente de la chose d'autrui est nulle), et non semble-t-il à sa charge (« Si le tiers ratifie la promesse faite pourlui, il est engagé à compter de sa ratification »), la rétroactivité consacrée par le dernier alinéa du textedéfinitif paraît pleinement réciproque (« Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d'un engagement,celui-ci est rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit »), ce qui rejoint l'analyse dela jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 8 juill. 1964 : Bull. civ. 1964, I, n° 382, opposant àl'acheteur la prescription de son action en rescision du fait de la datation de la vente au jour de la promessede porte-fort. Cass. 3e civ., 20 déc. 1971, n° 70-11.185, Riol c/ Mouillebet : JurisData n° 1971-000653 ;Bull. civ. 1971, III, n° 653).

Formation du contrat (processus). Concernant le processus de formation du contrat stricto sensu, il y atant à dire qu'on devra nécessairement faire uvre subjective dans le choix des commentaires. On relèveraainsi notamment la faculté de rétracter l'offre tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire (C. civ.,art. 1115 nouveau : « Elle [l'offre] peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à sondestinataire »), et le fait que « le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant [et] est réputél'être au lieu où l'acceptation est parvenue » (C. civ., art. 1121 nouveau). La solution clôt une vieille querellesur le moment et le lieu de conclusion d'un contrat dit « entre absents ». Certains arrêts avaient opté pour lathéorie de l'émission, selon laquelle le contrat est « destiné à devenir parfait, non pas par la réception [del'acceptation] mais par l'émission de cette acceptation » (Cass. com., 7 janv. 1981, n° 79-13.499, P, SAL'Aigle distribution c/ SA Cie Mazout Service Comase : JurisData n° 1981-700112 ; Bull. civ. 1981, IV, n° 14.

Cass. 3e civ., 17 sept. 2014, n° 13-21.824). La cour d'appel de Paris s'est elle-même récemmentprononcée en ce sens à propos de la levée d'option d'une promesse de cession d'actions à duréedéterminée (CA Paris, ch. 5-8, 27 oct. 2015, n° 14/14101, Sté Financière LOV c/ Saxe : JurisDatan° 2015-024706). C'est au contraire la thèse de la réception que consacre l'article 1121 nouveau du Codecivil, dans le sillage de l'avant-projet Catala, de l'article 21 du projet Terré, et d'un courant jurisprudentiel(Cass. 3e civ., 16 juin 2011, n° 09-72.679, FS-P+B, SAFER d'Auvergne c/ DEBEDDE : JurisData

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n° 2011-011783 ; JCP N 2011, 1273, note J.-J. Barbièri ; D. 2011, p. 2260, obs. N. Dissaux ; D. 2012,p. 459, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; JCP G 2011, 1016, obs. Y.-M. Serinet). Autre apport important dela réforme, les négociations font leur entrée dans le code. Le nouvel article 1112 dispose ainsi que« l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres [et] doiventimpérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi », ajoutant qu'« en cas de faute commise dans lesnégociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte desavantages attendus du contrat non conclu ». La référence à la notion de bonne foi n'est pas en soi nouvelle,mais la mention de cette seule exigence pourrait ce que la jurisprudence devra confirmer ou espérons-le,infirmer marquer une restriction du domaine de la faute. Traditionnellement en effet, la jurisprudenceconsidérait que la faute dans les négociations résultait d'un abus du droit de les rompre, lequel n'impliquaitpas nécessairement la mauvaise foi ni même une intention de nuire, une légèreté blâmable étant suffisante(Cass. com., 12 oct. 1993, n° 91-19.456, F-D, SARL Hubo c/ Petit : « la cour d'appel a « pu déduire, sansavoir à caractériser l'existence de la mauvaise foi ou d'une intention de nuire, que la société Hubo avait agiavec une légèreté constitutive d'une faute dont elle devait réparer les conséquences »). L'article 1112-2nouveau, consolidant une jurisprudence fermement établie, pose par ailleurs désormais que « celui quiutilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l'occasion des négociationsengage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ». Le mieux reste cependant de continuer destipuler dans la lettre d'intention une clause de confidentialité permettant d'arrêter sans ambiguïté le domainematériel et temporel de la confidentialité, le cercle des personnes tenues par la confidentialité, les sanctionsspécifiques, les évènements susceptibles de délier les parties de leur devoir de confidentialité... Quant àl'article 1112-1 nouveau, il crée une véritable obligation d'information à la charge des parties : « Celle desparties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doitl'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à soncocontractant ». Le texte précise qu'« ont une importance déterminante les informations qui ont un lien directet nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Il incombe à celui qui prétend qu'uneinformation lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouverqu'elle l'a fournie. Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir ». L'article 1112-1 se conclut surl'affirmation selon laquelle « outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoird'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 etsuivants ». Le devoir ainsi créé est fondé sur une asymétrie d'information et rappelle fortement les termesutilisés par le Professeur Ghestin, dans ses travaux pionniers (J. Ghestin, Traité de droit civil, La formationdu contrat : LGDJ 1993, coll. Traités, 3e éd., n° 665). Le nouveau texte renforcera l'obligation d'informationdu cédant, mais aussi celle de l'acquéreur. Dans le domaine de la cession des droits sociaux, on constateraqu'est en somme confortée la jurisprudence rendue depuis 1996, obligeant le dirigeant de société, en vertude son « devoir de loyauté », à communiquer certaines informations sensibles aux associés sous peine dese rendre coupable de réticence dolosive (Cass. com., 12 mars 2013, n° 12-11.970, F-D, Jay c/ Baudet :JurisData n° 2013-004378 ; Dr. sociétés 2013, comm. 78, note R. Mortier : « Attendu qu'en statuant ainsi,alors que manque à son devoir de loyauté le dirigeant social qui s'abstient d'informer l'associé cédant decirconstances de nature à influer sur son consentement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ».

Cass. 1re civ., 25 mars 2010, n° 08-13.060, F-D, Tarrene c/ Montaner : JurisData n° 2010-002590 ; RTDciv. 2010, p. 320, obs. B. Fages ; Bull. Joly Sociétés 2010, p. 707, § 147, note J.-J. Daigre : « Si aucuneobligation n'est faite au cessionnaire de parts sociales d'informer son cédant de propositions de rachat à unprix supérieur qu'il aurait lui-même déjà reçues, ou même de transactions en cours en vue d'une revente àmeilleur prix, telle n'est cependant pas la situation du dirigeant qui, cachant à un associé l'existence denégociations conduites avec un tiers en vue du rachat ou de l'apport de ces parts, manque ainsi à l'obligationde loyauté qui s'impose à lui, en sa qualité de dirigeant de société et à l'égard de tout associé, en dissimulantau cédant une information de nature à influer sur son consentement ». Cass. com., 11 juill. 2006,n° 05-12.024, F-D, Nugier c/ Faye : JurisData n° 2006-034811 ; Dr. sociétés 2007, comm. 1, noteH. Lécuyer : cet arrêt ne mentionne pas expressément le devoir de loyauté mais justifie sa cassation par lefait que le dirigeant avait « manqué à l'obligation d'information qui s'impose au dirigeant de société, à l'égardde tout associé, en dissimulant aux cédants une information de nature à influer sur leur consentement ».Cass. com., 22 févr. 2005, n° 01-13.642, F-D, Grandvincent c/ Grandvincent : JurisData n° 2005-027205 ;RTD civ. 2005, p. 773, obs. J. Mestre et B. Fages ; Bull. Joly Sociétés 2005, p. 1105, § 244, note Th.Massart : cassation également pour manque de base légale pour n'avoir pas recherché si le dirigeant« n'avait pas caché aux cédants l'existence ou les conditions des négociations et ainsi manqué au devoir de

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loyauté qui s'impose au dirigeant de société à l'égard de tout associé en leur dissimulant une information denature à influer sur leur consentement ». Cass. com., 12 mai 2004, n° 00-15.618, FS-P, Beley c/ SAFormer :JurisData n° 2004-023739 ; Dr. sociétés 2004, comm. 139, note F.-G. Trébulle ; D. 2004, jurispr.1599, obs. A. Lienhard ; RDC 2004/4, p. 923, obs. D. Mazeaud : « Attendu qu'en se déterminant ainsi, alorsqu'elle constatait que M. Samuel Beley, dirigeant et actionnaire des sociétés Beley et Financière Beley, avaitété à l'initiative de la cession des actions de la première au bénéfice de la seconde et sans rechercher ainsiqu'il lui était demandé, s'il n'avait pas caché l'existence des négociations conduites avec un tiers en vue durachat ou de l'apport de ces mêmes actions, et ainsi manqué à l'obligation de loyauté qui s'impose audirigeant de société à l'égard de tout associé en dissimulant aux cédants une information de nature à influersur leur consentement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Cass. com., 27 févr.1996, n° 94-11.241, P+B, Vilgrain c/ Alary : JurisData n° 1996-003972 ; JCP G 1996, II, 22665, noteJ. Ghestin ; JCP E 1996, 838, note D. Schmidt et N. Dion ; Bull. Joly Sociétés 1996, p. 485, note A. Couret ;D. 1996, p. 518, note Ph. Malaurie ; RTD civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre). On voit que de l'obligationd'information à la validité du contrat, il n'y a qu'un pas.

Validité du contrat. Concernant les conditions de validité du contrat, le plus frappant est évidemment ladisparition de la cause. Il reste que la cause continuera de projeter son ombre sur le droit des contrats, àtravers les concepts de motifs ou de but du contrat. C'est ainsi, notamment, que, tandis que l'article 1128nouveau du Code civil dispose que « sont nécessaires à la validité d'un contrat : 1° Le consentement desparties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Uncontenu liciteet certain » (souligné par nous), l'article 1162nouveau prévoit expressément que « le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni parson but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties ». Les stipulations sont l'objet qui ne ditplus son nom, et le but rappelle furieusement la cause. Tout change, pour que rien ne change. Pareillenullité permettra demain, comme aujourd'hui (pour une récente illustration, particulièrement intéressante ence que la cause illicite, permettant d'annuler une souscription de titres, était fiscale, V. CA Paris, ch. 5-8,12 janv. 2016, n° 14/23846), de paralyser par voie d'exception perpétuelle la demande judiciaire d'exécutionforcée, ou de demander par voie d'action la nullité (absolue, puisqu'il s'agira, demain comme aujourd'hui,« de défendre la société contre les initiatives individuelles qui, laissées libres, porteraient atteinte à l'intérêtgénéral » (Fr. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations : Précis Dalloz 2013, 11e éd., n° 369) ducontrat dans le délai de cinq ans de l'article 2224 du Code civil (« cinq ans à compter du jour où le titulaired'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer »). Du côté des vices duconsentement, il faut en premier lieu s'intéresser au dol, vice le plus fréquemment invoqué pour annuler lescessions de droits sociaux. Passons sur la consécration, dans la loi, de la réticence dolosive. De longue datela jurisprudence l'admettait, faisant pont entre une obligation d'information sans cesse accrue et sa sanctionpar l'annulation du contrat (C. civ., art. 1137, al. 2 nouveau : « Constitue également un dol la dissimulationintentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autrepartie »). La grande nouveauté nous semblait provenir de la consécration de la prise en compte du dol dutiers au contrat (Projet, art. 1137 du Code civil), jusqu'alors inapte à entraîner la nullité du contrat, saufcomplicité (Cass. 1re civ., 3 juill. 1996, n° 94-15.729, P, Cne de Venthon c/ Sté Franfinance : JurisDatan° 1996-002903 ; Bull. civ. 1996, I, n° 288. Cass. com., 16 déc. 2008, n° 08-12.946, F-D, Crédit Suisse c/Proc. près la CA Versailles : JCP G 2009, obs. Y.-M. Serinet). Les perspectives en droit des sociétés étaientréelles, si l'on songe notamment au rôle joué par certains organes sociaux dans les informations donnéesconcernant des cessions auxquelles ils ne sont pas parties. Cependant, sur ce point, le projet a été amendépour conduire au statu quo ante, l'article 1138 ne faisant du dol une cause de nullité que « lorsqu'il émaned'un tiers de connivence ». Le régime du dol n'est donc pas ici aligné sur celui de la violence, laquelle reste« une cause de nullité qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers » (C. civ., art. 1142 nouveau).Précisément, concernant la violence, on peut se demander si l'article 1143 nouveau (« Il y a égalementviolence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtientde lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantagemanifestement excessif »), texte consacrant, dans le sillage de la jurisprudence, la violence économique, n'apas, en matière de cession de droits sociaux, un potentiel de développement. Nous songeons à l'associémajoritaire qui, votant systématiquement la mise en réserve des bénéfices, contraindrait un associéminoritaire à lui revendre ses titres pour faire notamment face à sa charge d'ISF. Sans doute y aurait-il abusde majorité, mais précisément, l'abus de majorité permettrait-il d'annuler pour violence économique le contratconclu entre associés majoritaire et minoritaire ? C'est en définitive en matière d'erreur que la réforme desvices du consentement devrait emporter le plus de changements en matière de cessions de droits sociaux.

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On sait en effet que, traditionnellement, annuler une cession de droits sociaux pour erreur est chose difficilevoire impossible, dans la mesure où l'erreur n'était une cause de nullité que lorsqu'elle tombait « sur lasubstance même de la chose » qui en était l'objet (C. civ., art. 1110). En vertu de ce texte, combiné à lapersonnalité morale de la société, la jurisprudence refusait d'annuler toute cession de droits sociaux en casd'erreur sur le patrimoine sous-jacent, et tout spécialement en cas d'erreur affectant un immeuble ou unfonds de commerce sous-jacent. La nouvelle définition de l'erreur cause de nullité ouvre la voie à uneinfirmation de cette interprétation jurisprudentielle. L'erreur est désormais une cause de nullité du contrat« lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant » (C. civ.,art. 1132 nouveau), les qualités essentielles de la prestation étant définies comme « celles qui ont étéexpressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté » (C. civ.,art. 1133 nouveau).

2. L'exécution du contrat de cession de droits sociaux

Mise en demeure. La réforme bilatéralise la mise en demeure : elle continue à pouvoir être le fait ducréancier (C. civ., art. 1344 à 1344-2) mais peut désormais également émaner du débiteur (C. civ., art. 1345à 1345-3). Pour le créancier, la mise en demeure conditionne l'exécution forcée (C. civ., art. 1221 et 1222),l'exécution imparfaite du contrat moyennant réduction du prix (C. civ., art. 1223), la mise en uvre d'uneclause résolutoire sauf dispense contractuelle (C. civ., art. 1223), la résolution du contrat (C. civ., art. 1226),les intérêts de retard au taux légal pour retard dans l'exécution (C. civ., art. 1231-6 et 1344-1). Il reste qu'enmatière de cession de droits sociaux, devrait continuer de s'appliquer la règle jurisprudentielle selon laquelle,en cas de retard du cessionnaire dans le paiement de tout ou partie du prix convenu, le cédant a droit auxintérêts légaux sur la somme due même en l'absence de toute mise en demeure (Cass. com., 5 oct. 1999,n° 97-17.377, P, Benoist c/ Privatel : JurisData n° 1999-003368 ; Dr. sociétés 2000, chron. 1 par Th.Bonneau ; Bull. civ. 1999, IV, n° 163. Cass. com., 5 déc. 2000, n° 98-12.913, F-D, rattachant la solution aucaractère frugifère des parts sociales). Devrait également perdurer la solution selon laquelle si l'inexécutionpréjudiciable est définitivement acquise, la mise en demeure n'est pas nécessaire pour obtenir desdommages et intérêts compensatoires (Cass. ch. mixte, 6 juill. 2007, n° 06-13823, P, Château du moulin deSoubeyran c/ Sté Deli K star : JurisData n° 2007-040089 ; Bull. civ. 2007, ch. mixte, n° 9). La véritablenouveauté réside cependant dans la faculté, pour le débiteur, de mettre en demeure son créancier :« Lorsque le créancier, à l'échéance et sans motif légitime, refuse de recevoir le paiement qui lui est dû oul'empêche par son fait, le débiteur peut le mettre en demeure d'en accepter ou d'en permettre l'exécution »(C. civ., art. 1345, al. 1er). « La mise en demeure du créancier arrête le cours des intérêts dus par ledébiteur et met les risques de la chose à la charge du créancier, s'ils n'y sont déjà, sauf faute lourde oudolosive du débiteur » (C. civ., art. 1345, al. 2).

Remèdes à l'inexécution. La réforme consacre par ailleurs l'existence d'un droit à l'exécution forcée ennature (C. civ., art. 1221 et 1222). Cependant, cette affirmation expresse ne devrait pas changergrand-chose en matière de cession de parts sociales ou actions : en ce domaine, la jurisprudence fait déjàjouer l'exécution forcée en nature, en prononçant une décision valant titre (V. not., Cass. com., 10 juin 1976,n° 74-14.595, P : JurisData n° 1976-097190 ; Bull. civ. 1976, IV, n° 190. CA Paris, 3e ch., sect. A., 1er déc.1992, n° 91-00.9033, Kalensky c/ Touboul : JurisData n° 1992-600087 ; Bull. Joly Sociétés mars 1993,p. 358, note A. Couret), ou en enjoignant, y compris en référé, d'offrir de céder les titres conformément auxdispositions d'un pacte d'actionnaires (CA Paris, pôle 1, ch. 3, 14 févr. 2012, n° 11/14683 : Bull. JolySociétés 2012, p. 553, § 312, note G. Kessler et M. Tazi). On observera d'ailleurs que le principe légalnouveau comporte une exception, puisque l'exécution en nature est écartée si elle est impossible ou « s'ilexiste une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier » (C. civ.,art. 1221). Voici qui réalise un recul du droit à l'exécution forcée, d'autant plus manifeste que jusqu'alorscelui qui était en droit d'obtenir l'exécution forcée en nature l'obtenait quoi qu'il en coûtât au débiteur (Cass.3e civ., 11 mai 2005, n° 03-21.136, P, Épx Belhadj c/ Sté Les Bâtisseurs du Grand Delta :JurisDatan° 2005-028336 ; Bull. civ. 2005, III, n° 103). Il reste que, ainsi qu'ont pu l'observer les Professeurs Couret etReygrobellet, il est peu vraisemblable que cette restriction puisse en pratique s'appliquer à l'hypothèse de lacession de droits sociaux (A. Couret et A. Reygrobellet, Le projet de réforme du droit des obligations :incidences sur le régime des cessions de droits sociaux : Bull. Joly Sociétés 2015, 113m8, n° 44). De même,l'institution d'un mécanisme de réduction de prix (C. civ., art. 1223), ainsi que la légalisation du mécanismejurisprudentiel de la résolution unilatérale (C. civ., art. 1226 ; déjà, le droit spécial de la vente autorise une

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telle résolution : C. civ., art. 1610, 1654 et 1657) ne devraient pas bouleverser le droit positif des cessions dedroits sociaux.

Consécration de l'imprévision. Reste la consécration très controversée de la prise en compte par le jugede l'imprévision d'un contractant pour fonder son intervention. Le dispositif figure dans le nouvel article 1195du Code civil, texte qui prévoit : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion ducontrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer lerisque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuterses obligations durant la renégociation [al. 1]. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les partiespeuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demanderd'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d'accord dans un délai raisonnable, lejuge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe »(C. civ., art. 1195, al. 2). Il reste que le dispositif semble difficilement applicable aux cessions de droitssociaux. Par précaution, il vaudra mieux cependant conseiller aux parties qui voudraient y être soustraites,de le prévoir expressément dans une clause, puisque le dispositif n'est pas d'ordre public, les partiespouvant accepter d' « assumer le risque » de leur imprévision (clause dite de « non MAC », pour nonmaterial adverse change).

Les restitutions. Enfin, dans l'hypothèse de l'annulation d'une cession de droits sociaux, l'ordonnance du10 février réglemente dans les détails la restitution consécutive du prix et des parts ou actions (C. civ.,art. 1352 à 1352-9). On retiendra ainsi notamment que désormais, la restitution d'une chose autre qu'unesomme d'argent « inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée » (C. civ., art. 1352-3,al. 1er). Jusqu'ici, la Cour de cassation considérait que le vendeur, du fait de l'effet rétroactif de l'annulation,ne pouvait par principe être indemnisé du profit que l'acquéreur avait retiré du bien (Cass. com., 14 juin2005, n° 03-12.339, P, SA Thésée c/ Pirotte : JurisData n° 2005-028950 ; Bull. civ. 2005, IV, n° 130). Lenouveau texte devrait obliger le cessionnaire de droits sociaux à restituer les dividendes perçus par lui.

Mots clés : Réforme législative. - Ord. n° 2016-131, 10 févr. 2016. - Cession de droits sociaux. -Formation et exécution du contrat

Textes : C. civ., art. 1112, 1112-1 à 1115, 1121, 1128, 1130 à 1133, 1142 et 1143, 1195, 1203 et 1204,1221 à 1226, 1352 à 1352-9

Encyclopédies : Sociétés Traité, Fasc. 7-20, 73-20 et 165-35

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