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60 L’Encéphale, 2004 ; XXX : 60-8 PSYCHOPATHOLOGIE Influence de la psychopathologie et des attentes sur la qualité de vie subjective des patients schizophrènes : une étude comparative F. SALOMÉ (1) , F. PETITJEAN (1) , C. GERMAIN (2) , J.-C. DEMANT (1) (1) Service de Psychiatrie Adulte, Secteur 17, Hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14. Email : [email protected]. fr (2) Service de Psychiatrie Adulte, Hôpital Corentin-Celton, 38, rue Ernest Renan, 92133 Issy-les-Moulineaux. Travail reçu le 8 août 2002 et accepté le 24 mars 2003. Tirés à part : F. Salomé (à l’adresse ci-dessus). Résumé. Parmi les études sur la qualité de vie des patients schizophrènes, la plupart ont porté sur les conditions de vie objectives et leur perception subjective chez des patients hospitalisés à temps complet. L’objectif de cette étude est de comparer la qualité de vie, objective et subjective, de patients schizophrènes suivis en Hôpital de jour (HDJ) ou Centre d’activité thérapeutique à temps partiel (CATTP) à celle de patients suivis en Consultation médico-psychologique (CMP), en prenant en compte l’influence de la symptomato- logie et les attentes en termes d’amélioration de qualité de vie. Pour réaliser cet objectif, nous avons évalué la qualité de vie de 2 groupes de 30 patients suivis dans ces centres à l’aide de la LQOLP. Les patients ont été appariés sur l’âge, la durée de la maladie, le nombre d’hospitalisations, et éva- lués cliniquement avec les instruments suivants : CGI, GAF, PANSS, DAI-10. Nos résultats indiquent que les patients sui- vis en CMP sont moins symptomatiques, ont un meilleur fonc- tionnement global et une qualité de vie objective plus favo- rable dans certains domaines (finances, mode de vie, relations familiales, santé). Ils montrent aussi qu’il n’y a pas de différences significatives pour les variables de qualité de vie subjective entre les deux groupes, à l’exception du bien- être général qui tend à être plus élevé chez les patients suivis en CMP. Enfin, ils indiquent que la qualité de vie subjective des patients suivis en CMP est corrélée négativement avec la sévérité de la maladie, le fonctionnement global, les symp- tômes positifs et les attentes sur plusieurs domaines de vie (travail, argent, logement, relations affectives, santé mentale, relations sociales, loisirs, relations familiales, transport per- sonnel). La qualité de vie subjective chez les patients suivis en HDJ ou CATTP n’est pas clairement corrélée avec les variables cliniques ou les attentes des patients. Ces résultats sont discutés au regard des données actuelles sur qualité de vie et schizophrénie pour les patients suivis dans des struc- tures extra-hospitalières. Mots clés : Étude comparative ; Qualité de vie ; Satisfaction ; Schizophrénie ; Symptômes. The subjective quality of life of patients with schizophrenia : influence of psychopathology and patients’ expectations. A comparative study Summary. Most studies on the quality of life (Qol) of patients with schizophrenia deal with objective living conditions and how they are perceived by hospitalized patients. The few studies that compare Qol for patients treated in part time ser- vices with the Qol of ambulatory patients do not show any significative difference in terms of subjective Qol. Some stu- dies evaluate the influence of psychopathology and needs (or expectations) on the subjective Qol in these groups of patients. Available data indicate that the general well-being is influenced by psychopathology (positive, negative or depressive symptoms) and unmet needs in ambulatory patients. They also show that subjective Qol in certain life domains (social relations, family relations, leisure, health, law and security) is influenced by negative symptoms, anxiety and depression in patients treated in part-time services. The aim of this study is to compare the objective and subjective Qol of patients with schizophrenia treated in part time services (day hospital and day care center) to the Qol of out-patients treated on a purely ambulatory basis (out patient clinic). We studied the Qol of 2 groups of 30 patients with schizophrenia (ICD 10 criteria) treated in various centers. The first group was made of ambulatory patients, the second one was cons- tituted of patients treated in a day hospital or a day care cen- ter. Patients were matched for age, duration of illness, num- ber of hospitalizations. The instruments used for rating were the following : Clinical Global Impression (CGI), Global Assessment of Functioning (GAF), Positive And Negative Symptoms Scale (PANSS), Drug Attitude Inventory (DAI-10). The Qol was measured with a french version of the Lancas- hire Quality Of Life Profile (LQOLP) (Salomé, Germain, Petitjean, Demant and Boyer, 2000). This instrument mea- sures the objective Qol as well as the subjective Qol. It does possess satisfying psychometric properties and offers the possibility to establish Qol profiles. All Qol ratings were car-

Influence de la psychopathologie et des attentes sur la qualité de vie subjective des patients schizophrènes : une étude comparative

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60 L’Encéphale, 2004 ; XXX : 60-8

PSYCHOPATHOLOGIE

Influence de la psychopathologie et des attentes sur la qualité de vie subjective des patients schizophrènes : une étude comparative

F. SALOMÉ (1), F. PETITJEAN (1), C. GERMAIN (2), J.-C. DEMANT (1)

(1) Service de Psychiatrie Adulte, Secteur 17, Hôpital Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75674 Paris cedex 14. Email : [email protected]. fr(2) Service de Psychiatrie Adulte, Hôpital Corentin-Celton, 38, rue Ernest Renan, 92133 Issy-les-Moulineaux.

Travail reçu le 8 août 2002 et accepté le 24 mars 2003.Tirés à part : F. Salomé (à l’adresse ci-dessus).

Résumé. Parmi les études sur la qualité de vie des patientsschizophrènes, la plupart ont porté sur les conditions de vieobjectives et leur perception subjective chez des patientshospitalisés à temps complet. L’objectif de cette étude est decomparer la qualité de vie, objective et subjective, de patientsschizophrènes suivis en Hôpital de jour (HDJ) ou Centred’activité thérapeutique à temps partiel (CATTP) à celle depatients suivis en Consultation médico-psychologique(CMP), en prenant en compte l’influence de la symptomato-logie et les attentes en termes d’amélioration de qualité devie. Pour réaliser cet objectif, nous avons évalué la qualitéde vie de 2 groupes de 30 patients suivis dans ces centresà l’aide de la LQOLP. Les patients ont été appariés sur l’âge,la durée de la maladie, le nombre d’hospitalisations, et éva-lués cliniquement avec les instruments suivants : CGI, GAF,PANSS, DAI-10. Nos résultats indiquent que les patients sui-vis en CMP sont moins symptomatiques, ont un meilleur fonc-tionnement global et une qualité de vie objective plus favo-rable dans certains domaines (finances, mode de vie,relations familiales, santé). Ils montrent aussi qu’il n’y a pasde différences significatives pour les variables de qualité devie subjective entre les deux groupes, à l’exception du bien-être général qui tend à être plus élevé chez les patients suivisen CMP. Enfin, ils indiquent que la qualité de vie subjectivedes patients suivis en CMP est corrélée négativement avecla sévérité de la maladie, le fonctionnement global, les symp-tômes positifs et les attentes sur plusieurs domaines de vie(travail, argent, logement, relations affectives, santé mentale,relations sociales, loisirs, relations familiales, transport per-sonnel). La qualité de vie subjective chez les patients suivisen HDJ ou CATTP n’est pas clairement corrélée avec lesvariables cliniques ou les attentes des patients. Ces résultatssont discutés au regard des données actuelles sur qualité devie et schizophrénie pour les patients suivis dans des struc-tures extra-hospitalières.

Mots clés : Étude comparative ; Qualité de vie ; Satisfaction ;Schizophrénie ; Symptômes.

The subjective quality of life of patients with schizophrenia : influence of psychopathology and patients’ expectations. A comparative study

Summary. Most studies on the quality of life (Qol) of patientswith schizophrenia deal with objective living conditions andhow they are perceived by hospitalized patients. The fewstudies that compare Qol for patients treated in part time ser-vices with the Qol of ambulatory patients do not show anysignificative difference in terms of subjective Qol. Some stu-dies evaluate the influence of psychopathology and needs (orexpectations) on the subjective Qol in these groups ofpatients. Available data indicate that the general well-beingis influenced by psychopathology (positive, negative ordepressive symptoms) and unmet needs in ambulatorypatients. They also show that subjective Qol in certain lifedomains (social relations, family relations, leisure, health, lawand security) is influenced by negative symptoms, anxietyand depression in patients treated in part-time services. Theaim of this study is to compare the objective and subjectiveQol of patients with schizophrenia treated in part time services(day hospital and day care center) to the Qol of out-patientstreated on a purely ambulatory basis (out patient clinic). Westudied the Qol of 2 groups of 30 patients with schizophrenia(ICD 10 criteria) treated in various centers. The first groupwas made of ambulatory patients, the second one was cons-tituted of patients treated in a day hospital or a day care cen-ter. Patients were matched for age, duration of illness, num-ber of hospitalizations. The instruments used for rating werethe following : Clinical Global Impression (CGI), GlobalAssessment of Functioning (GAF), Positive And NegativeSymptoms Scale (PANSS), Drug Attitude Inventory (DAI-10).The Qol was measured with a french version of the Lancas-hire Quality Of Life Profile (LQOLP) (Salomé, Germain,Petitjean, Demant and Boyer, 2000). This instrument mea-sures the objective Qol as well as the subjective Qol. It doespossess satisfying psychometric properties and offers thepossibility to establish Qol profiles. All Qol ratings were car-

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ried out by a clinician who was not involved in the treatmentof the patients. When the 2 groups are compared our resultsindicate that ambulatory patients are less symptomatic, havea better level of functionning and a better objective Qol in suchdomains as : finances, living situation, family relations andhealth. There is no significative difference in terms of anxietyand depression as measured by the respective items of thePANSS. Patients treated in part-time services present higherscores of positive symptoms. Our results indicate that thereis no significative difference for subjective Qol variablesbetween the two groups, except for general well-being, thattends to be higher in ambulatory patients. When exploring theinfluence of clinical data on the Qol in each group, we findnegative correlations in ambulatory patients between variousdomains of subjective Qol and illness severity (law and secu-rity, family relations, social relations, general well-being), glo-bal functionning (family relations, social relation, health) andpositive symptoms (living conditions, law and security, familyrelations, social relations, health). In this same group, the sub-jective Qol for family relations is significatively correlated withseveral expectations in terms of Qol improvement (leisure,social relations, family relations, transport, work). In thesepatients, the subjective Qol for social relations is also signif-icatively correlated with their expectations in terms of Qolimprovement (work, money, lodging, affective relations,transport). There is no significative correlation between sub-jective Qol and expectations in patients treated in part-timeservices. Our results indicate that part time services treatschizophrenic patients with a lower level of global function-ning and a higher level of symptom severity compared withambulatory patients. These results confirm other studies thatshow no significative difference between these 2 groups interms of subjective Qol. The subjective Qol in the field of rela-tions (family and social) in ambulatory patients seems partic-ularly sensitive to illness severity, positive symptoms and glo-bal functionning level. This has also been reported by otherstudies. In patients treated in part-time services, the subjec-tive Qol, particularly for living conditions and security, seemssensitive to anxiety and depression. This has also beenshown by other studies. Finally, our results underline theimportance of patients’ expectations in terms of subjectiveQol, particularly in the field of relations (family and social) forambulatory patients.

Key words : Comparative study ; Quality of life ; Satisfaction ;Schizophrenia ; Symptoms.

INTRODUCTION

Concept de qualité de vie en psychiatrie

Le concept de qualité de vie est relativement récent enpsychiatrie où il est apparu au début des années 1980.La qualité de vie peut être définie comme la perceptionqu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le con-texte de la culture et du système de valeurs dans lequelil vit et en relation avec ses objectifs, ses attentes et sesinquiétudes (OMS, 1990). Il est cependant difficile d’iden-tifier à l’heure actuelle un corpus unique de recherche en

référence à la qualité de vie dans la mesure où ce conceptest né de problématiques assez éloignées les unes desautres et sous l’égide de disciplines différentes. Néan-moins, on peut rattacher la notion de qualité de vie à troisgrands types de paramètres :

1) les conditions de vie objectives dans différentsdomaines et la perception subjective de ces conditions ;

2) l’éventail des capacités, des limites fonctionnelles etdes performances réelles de la personne ;

3) le sentiment de bien-être relié à des états de bien-être ou de détresse (affects positifs et négatifs), associéà des caractéristiques psychologiques et aux conditionsqui influencent ces caractéristiques (14).

La qualité de vie pouvant être abordée à partir de dif-férents points de vue, son évaluation par des instrumentsde mesure adéquats dépend des constructions théoriquesauxquelles on se réfère et du type d’information que l’onrecherche (10).

Modèle et instruments d’évaluation

Parmi les modèles de qualité de vie existants, le modèlede satisfaction de Lehman (13) postule que le niveau dequalité de vie perçu par un sujet dépend de la convergencede ses besoins avec ses conditions de vie actuelle. Plu-sieurs échelles ont été développées pour mesurer la qua-lité de vie chez les patients schizophrènes en s’appuyantsur ce modèle. Parmi celles-ci, il existe la Quality of LifeInterview (QOLI), qui permet d’estimer la qualité de vieobjective par hétéro-évaluation et la qualité de vie subjec-tive par auto-évaluation (13). Oliver et al. (16) ont conçuune version courte de celle-ci, la Lancashire Quality of LifeProfile (LQOLP). Cette échelle comporte des mesuresobjectives et subjectives dans 9 domaines de la vie, ainsique des mesures du bien-être global et psychologique.

Qualité de vie des patients schizophrènes

Dans leur revue de la littérature, Bobes et Gonzales (5)rapportent quelques tendances fortes sur qualité de vieet schizophrénie. La qualité de vie subjective des patientsschizophrènes est plus faible dans certains domaines,comme les finances, la santé, le travail et les activités parcomparaison à la population générale ou à d’autrespatients souffrant d’une pathologie chronique. Lespatients schizophrènes jeunes, ceux de sexe féminin, lespatients mariés et ceux avec un faible niveau d’instructionsemblent avoir une meilleure qualité de vie subjective queles autres patients. Sur le plan clinique, la qualité de viesubjective des patients hospitalisés à temps plein estnégativement corrélée avec les symptômes négatifs, etles prises en charge combinées, pharmacologique et psy-chothérapique, semblent l’améliorer.

Récemment, quelques études ont comparé la qualitéde vie subjective des patients schizophrènes suivis enHôpital de jour (HDJ) ou en Centre d’activité thérapeutiqueà temps partiel (CATTP) à celle de patients suivis en Con-

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sultation médico-psychologique (CMP). Dans ce con-texte, il n’a été rapporté aucune différence significativeentre ces 2 groupes pour la qualité de vie subjective, glo-bale et par domaines, évaluée soit avec la LQOLP (9, 23),soit avec une autre échelle de qualité de vie (SF-36) (8).Actuellement, il n’y a pas de travaux qui aient comparé laqualité de vie objective pour ces deux groupes de patients.De même, la question de l’impact de la symptomatologiesur la qualité de vie subjective chez ces patients a faitl’objet de peu d’études. Avec la LQOLP, Kemmler et al.(12) ont montré chez des patients suivis en CMP que lebien-être général était négativement corrélé avec lessymptômes positifs et négatifs à la PANSS. Bengtsson-Tops et Hansson (3) ont mis en évidence chez des patientsau profil similaire que le bien-être général était négative-ment corrélé avec l’anxiété, l’humeur dépressive, la sus-picion, le contenu de pensée inhabituel et les préoccupa-tions somatiques à la BPRS. Ces auteurs (4) ont mis aussien évidence que la qualité de vie subjective globale de cespatients était négativement affectée par des besoins insa-tisfaits dans certains domaines (relations sociales,détresse psychologique, activité journalière, sexualité).Avec la QOLI, Packer et al. (19) ont montré chez despatients suivis en HDJ ou CATTP que la qualité de vie sub-jective pour certains domaines (bien-être général, loisirs,activités sociales, santé, sécurité) était négativement cor-rélée avec les symptômes négatifs, l’humeur dépressiveet l’anxiété à la BPRS. Huppert et al. (7) ont mis aussi enévidence chez des patients au profil similaire une corré-lation négative entre l’anxiété, la dépression et l’apprécia-tion subjective dans certains domaines (bien-être général,activité journalière, relation familiale, relation sociale,santé).

L’objectif de cette étude est de comparer la qualité devie, objective et subjective, de patients schizophrènessuivis en HDJ ou CATTP à celle de patients suivis enCMP, en prenant en compte l’influence de la symptoma-tologie et les attentes en termes d’amélioration de qualitéde vie.

MÉTHODES

Population

Pour réaliser cette étude, 60 patients présentant un dia-gnostic de schizophrénie (CIM-10, 1990) sont recrutés ausein d’un service de psychiatrie adulte (SM 17, HôpitalSainte-Anne, Paris). Les données recueillies sont l’âge,le sexe, la durée de la maladie, le nombre d’hospitalisa-tions et la posologie du traitement neuroleptique en équi-valent chlorpromazine ; 77 patients suivis en CMP,CATTP ou HDJ ont été contactés de manière aléatoirepour participer à cette étude ; 60 d’entre eux ont acceptéle principe de cette étude et 17 autres ont refusé d’y par-ticiper pour raisons personnelles. Les patients ont étérépartis en 2 groupes selon le type de prise en charge dontils bénéficiaient au moment de l’étude (CMP = 30 ; HDJou CATTP = 30).

Instruments d’évaluation

Les instruments utilisés sont l’échelle d’impression clini-que globale (CGI) pour le score à l’item de sévérité globalede la maladie (NIMH, 1970), l’échelle de fonctionnementglobal (GAF) pour le score général du fonctionnement psy-chosocial (APA, 1994), l’échelle des symptômes positifs etnégatifs (PANSS) pour les scores aux sous-échelles posi-tives et négatives des symptômes schizophréniques (1), lequestionnaire d’appréciation du traitement pharmacologi-que (DAI-10) pour le score global de réponse subjective (6),et l’échelle de qualité de vie Lancashire Quality Of Life Pro-file (LQOLP) (16) dans sa version française (20) pour l’éva-luation de la qualité de vie du patient.

La LQOLP contient 94 items et évalue la qualité de vieobjective (hétéro-évaluation) et subjective (auto-évalua-tion) dans 9 domaines de la vie (travail, loisirs, religion,finances, mode de vie, loi et sécurité, relations familiales,relations sociales, santé). Elle inclut aussi 3 mesures dubien-être global (échelle de satisfaction à 7 points, échellevisuelle analogique, échelle de bonheur à 3 points),2 mesures du bien-être psychologique (échelle d’équilibreaffectif, échelle d’estime de soi) et une estimation de la qua-lité de vie globale du patient par le clinicien (échelle visuelleanalogique). Les mesures de qualité de vie objective sontbasées sur des réponses catégorielles (oui, non, ne saitpas) et les mesures de qualité de vie subjective sur uneéchelle de satisfaction à 7 points. La LQOLP permet dedégager des profils de qualité de vie objective et subjective.Plusieurs études montrent qu’elle possède des qualitéspratiques et psychométriques satisfaisantes (9, 17, 20).

Les attentes des patients en termes d’amélioration dequalité de vie sont recueillies à l’aide de l’item 13-4 de laLQOLP : « Pouvez-vous nommer des choses qui pour-raient améliorer la qualité de votre vie ? ». Cet item permetd’estimer les besoins peu ou pas satisfaits dans un ou plu-sieurs domaines de la vie. Il a été validé par Oliver et al.(16) dans le cadre du développement et de la mise au pointde la LQOLP.

Procédure

Tous les patients sont évalués sur le plan clinique (CGI,GAF, PANSS, DAI) et sur le plan de la qualité de vie(LQOLP) durant la même période. Les évaluations clini-ques et de qualité de vie sont réalisées par des praticiensdu service (psychiatres, psychologues) ne suivant paspersonnellement le patient évalué. Pour chaque variablede qualité de vie objective à la LQOLP, il s’agit de cellesfréquemment utilisées dans d’autres études sur des popu-lations similaires (3, 19).

Traitement statistique

La comparaison des données entre les deux groupespour les variables socio-démographiques, cliniques, dequalité de vie et les attentes en termes d’amélioration dequalité de vie est réalisée avec le test de

χ2 (proportions)ou le test t de Student (moyennes). Les corrélations entre

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les différentes variables sont réalisées avec le coefficientde corrélation r de Pearson. Les traitements statistiquessont réalisés avec le logiciel STATISTICA 5.0® pour Win-dows® (Statsoft France, 1996).

RÉSULTATS

Données socio-démographiques et cliniques

Ces données sont présentées dans le tableau I. Legroupe des patients suivis en HDJ ou CATTP est composéde 17 patients suivis en HDJ et 13 en CATTP. La propor-tion de patients présentant une forme de schizophrénieparanoïde est significativement plus importante dans legroupe CMP. Il n’y a pas de différence significative entreles groupes pour le sexe, l’âge, la durée de la maladie, lenombre d’hospitalisations et la posologie du traitementneuroleptique. La plupart des patients sont traités par neu-

roleptiques (57), dont 28 dans le groupe CMP et 29 dansle groupe HDJ ou CATTP. Les patients ne présentent pasde troubles neurologiques graves à l’examen clinique.

Évaluations cliniques

Les évaluations cliniques sont présentées dans letableau II. Comparés aux patients HDJ ou CATTP, lespatients CMP présentent un score significativement plusfaible pour la sévérité globale de la maladie et les symp-tômes positifs. Ces patients ont un score significativementplus élevé que les patients HDJ ou CATTP pour le fonc-tionnement global. Le score à la réponse subjective au trai-tement pharmacologique tend à être plus élevé chez lespatients CMP. Il n’y a pas de différence significative entreles deux groupes pour les scores aux items anxiété etdépression, et à la sous-échelle de symptomatologienégative de la PANSS.

TABLEAU I. — Caractéristiques socio-démographiques et cliniques.

VariablesGroupes

p*Patients CMP Patients HDJ-CATTP

Nombre de patients 30 30 –Répartition des sexes

– Hommes– Femmes

50 %50 %

63,3 %36,6 %

NSNS

Formes cliniques– Paranoïde– Simple– Schizo-affectif– Hébéphrénique– Résiduelle– Schizotypique– Indifférenciée

63,3 %13,3 %10 %6 %3 %3 %0

40 %3 %

20 %3 %3 %0

30 %

0,03NSNSNSNS––

Âge (années) 41,33 (14,18) 37,73 (8,62) NSDurée de la maladie (années) 14,73 (12,21) 10,66 (6,78) NSNombre d’hospitalisations 3,43 (2,75) 3,90 (2,72) NSTraitement neuroleptique en équivalent CPZ (mg/j) 437,32 (340,29) 470,68 (213,71) NS

CMP = Centre médico-psychologique ; HDJ = Hôpital de jour ; CATTP = Centre d’activité thérapeutique à temps partiel ; CPZ = Chlorpromazine ;NS = non significatif.* Tests statistiques utilisés : pourcentage =

χ2, moyenne = t de Student.

TABLEAU II. — Évaluations cliniques.

Groupes

Patients CMP Patients HDJ-CATTP

Variables Moyenne (et) Moyenne (et) t ** p

CGI (sévérité) 4,06 (1,17) 4,90 (0,95) – 3,012 0,004GAF 53,40 (15,23) 42,06 (12,47) 3,140 0,003Item anxiété * 2,96 (1,24) 3,50 (1,25) – 1,653 NSItem dépression * 1,83 (1,11) 2,06 (1,36) – 0,753 NSPANSS + 14,46 (5,17) 17,26 (5,26) – 2,078 0,04PANSS – 19,03 (8,06) 20,70 (6,55) – 0,878 NSDAI-10 16,56 (1,33) 15,80 (1,82) 1,857 0,06

CGI = Clinical Global Impression ; GAF = Global Assessment of Functionning ; PANSS = Positive And Negative Symptoms Scale ; DAI-10 = DrugAttitude Inventory ; NS = non significatif.* Items issus de la sous-échelle psychopathologie générale PANSS.** Test statistique utilisé = t de Student.

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Qualité de vie objective

Les résultats pour les variables de qualité de vie objec-tive sont présentés dans le tableau III. Comparés auxpatients HDJ ou CATTP, les patients CMP sont significa-tivement plus nombreux à posséder un travail, à adhérerà une religion et à vivre dans un logement partagé. Leursrevenus mensuels sont significativement plus élevés queceux des autres patients. Ils sont aussi significativementmoins nombreux à vivre seuls et à avoir été hospitalisésen psychiatrie durant l’année. Pour les aspects relatifs auxloisirs, à la loi et la sécurité, et aux relations sociales, lesdifférences entre les deux groupes ne sont pas significa-tives.

Qualité de vie subjective

Les résultats pour les variables de qualité de vie sub-jective sont présentés sur la figure 1. Dans les deux grou-pes, la plupart des scores d’appréciation subjective sesituent entre 4 (« partagé ») et 5 (« plutôt satisfait »). Lespatients CMP tendent à exprimer un degré de satisfactionplus élevé que celui des patients HDJ ou CATTP dans2 domaines : le travail et le bien-être général. Il n’y a pasde différence significative entre les deux groupes pour lesscores aux autres domaines. Enfin, il n’y a aucune corré-lation significative entre les variables de qualité de vieobjective et les variables de qualité de vie subjective dansles deux groupes.

TABLEAU III. — Variables de qualité de vie objective (LQOLP).

VariablesGroupes

p*Patients CMPEffectif (%)

Patients HDJ-CATTPEffectif (%)

Travail : a un travail ou une formation actuellement 30 % 13,4 % 0,06Loisirs : a utilisé des transports récemment 90 % 93,4 % NSReligion : adhère à une religion actuellement 93,4 % 73,4 % 0,02Finances : revenu mensuel actuel (francs) 5 631,10 4 138,20 0,006Mode de vie : vit dans un logement partagé (actuel) 66,7 % 33,4 % 0,006Loi et sécurité : a été victime de violences (année) 10 % 13,4 % NSRelations familiales : vit seul actuellement 56,7 % 80 % 0,02Relations sociales : peut compter sur un ami (actuel) 53,6 % 50 % NSSanté : a été hospitalisé en psychiatrie (année) 30 % 63,4 % 0,006

NS = non significatif.* Test statistique utilisé =

χ2 ou t de Student.

FIG. 1. — Scores de satisfaction (moyennes et écarts types) aux domaines de qualité de vie subjective (LQOLP).

1

2

3

4

5

6

7

Sco

re d

e sa

tisf

acti

on

Domaines de vie

Trav

ail

Loisi

rs

Religion

Finan

ces

Mode d

e vie

Loi e

t séc

urité

Relatio

ns fa

miliales

Relatio

ns so

ciales

Santé

Bien-ê

tre g

énér

al

* p = 0,06

Patients CMP Patients HDJ-CATTP

*

*

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Attentes en termes d’amélioration de qualité de vie

Les résultats pour les attentes des patients en termesd’amélioration de qualité de vie sont présentés dans letableau IV. Les données recueillies à l’item 13-4 de laLQOLP ont été regroupées en 9 thèmes : travail/forma-tion, argent, logement, relations affectives, santé mentale,relations sociales, loisirs, relations familiales, transportpersonnel. Les patients HDJ ou CATTP ont des attentessignificativement plus importantes pour les relationssociales par comparaison aux patients suivis en ambula-toire. Pour les autres thèmes, il n’y a pas de différencesignificative entre les deux groupes.

Corrélations entre variables cliniques et variables de qualité de vie subjective

Les résultats concernant les patients CMP sont présen-tés dans le tableau V. Globalement, ils indiquent que laqualité de vie subjective dans certains domaines (loi etsécurité, relations familiales, relations sociales, santé,bien-être général) est affectée par quelques variables cli-niques (CGI, GAF, PANSS +). Les scores aux itemsanxiété et dépression à la PANSS ne sont pas corréléssignificativement avec les variables de qualité de vie sub-jective. Les résultats concernant les patients HDJ-CATTP

sont présentés dans le tableau VI. Globalement, ils indi-quent que la qualité de vie subjective est peu liée aux varia-bles cliniques à l’exception de quelques domaines (rela-tions familiales, relations sociales). Le score à l’itemanxiété est significativement corrélé avec le score de qua-lité de vie subjective pour la loi et sécurité (r = – 0,47,p < 0,001). Le score à l’item dépression est significative-ment corrélé avec la satisfaction pour le mode de vie(r = – 0,41, p < 0,05).

Corrélations entre variables de qualité de vie subjective et attentes en termes d’amélioration de qualité de vie

Les résultats concernant les patients CMP sont présen-tés dans le tableau VII. Globalement, ils indiquent que lesattentes en termes d’amélioration de vie affectent surtout2 domaines de satisfaction : les relations familiales et lesrelations sociales. Les résultats concernant les patientsHDJ-CATTP sont présentés dans le tableau VIII. Il n’y aaucune corrélation significative entre les variables de qua-lité de vie subjective et les attentes chez ces patients, àl’exception d’une corrélation positive entre satisfactionpour le mode de vie et attentes en matière de transportpersonnel.

TABLEAU IV. — Attentes des patients en termes d’amélioration de qualité de vie (LQOLP).

GroupesAttentes

Patients CMPEffectif (%)

Patients HDJ-CATTPEffectif (%) p*

Travail 53 % 36 % NSLoisirs 33 % 26 % NSLogement 26 % 23 % NSRelations affectives 26 % 40 % NSSanté mentale 26 % 26 % NSRelations sociales 16 % 43 % 0,01Loisirs 13 % 13 % NSRelations familiales 10 % 10 % NSTransport personnel 10 % 3 % NS

NS = non significatif.* Test statistique utilisé =

χ2.

TABLEAU V. — Corrélations (r Pearson) entre les variables cliniques et les variables de qualité de vie subjective (LQOLP) pour les patients suivis en CMP (n = 30).

Travail Loisirs Religion Finances Modede vie

Loi et sécurité

Relationsfamiliales

Relationssociales Santé Bien-être

CGI – 0,17 – 0,18 – 0,10 0,00 – 0,23 – 0,37* – 0,57*** – 0,46** – 0,33 – 0,42**GAF 0,16 0,15 0,12 0,10 0,30 0,34 0,49*** 0,50*** 0,30 0,45**PANSS + – 0,20 – 0,32 0,03 0,01 – 0,41* – 0,62**** – 0,58**** – 0,42** – 0,46*** – 0,27PANSS – 0,25 0,09 0,07 0,23 0,44** – 0,00 0,12 0,04 – 0,00 – 0,19DAI-10 0,02 – 0,16 – 0,34 0,04 – 0,39* – 0,26 – 0,21 – 0,29 – 0,19 – 0,23

* p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001 ; **** p < 0,0001.

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F. Salomé et al. L’Encéphale, 2004 ; XXX : 60-8

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DISCUSSION

Globalement, cette étude montre que lorsque l’on com-pare la qualité de vie subjective des patients schizophrè-nes suivis en CMP à celle de patients suivis en HDJ ouCATTP, on ne trouve pas de différence. Lorsque l’on exa-mine dans chaque groupe l’influence des variables clini-

ques et des attentes des patients sur la qualité de vie, onmontre que la qualité de vie subjective des patients suivisen CMP est affectée par la sévérité de la maladie, le fonc-tionnement global, les symptômes positifs et les attentessur plusieurs domaines de vie (travail, argent, logement,relations affectives, santé mentale, relations sociales, loi-sirs, relations familiales, transport personnel).

TABLEAU VI. — Corrélations (r Pearson) entre les variables cliniques et les variables de qualité de vie subjective (LQOLP) pour les patients suivis en HDJ ou CATTP (n = 30).

Travail Loisirs Religion Finances Modede vie

Loi et sécurité

Relationsfamiliales

Relationssociales Santé Bien-être

CGI – 0,05 0,11 0,07 0,14 – 0,09 0,03 0,38* 0,43** – 0,03 0,12GAF 0,13 – 0,01 – 0,23 0,19 – 0,12 – 0,19 – 0,32 – 0,13 0,22 – 0,00PANSS + 0,08 – 0,18 0,24 – 0,08 – 0,06 0,03 0,42** 0,12 – 0,07 0,07PANSS – – 0,01 – 0,17 – 0,17 – 0,08 0,03 0,26 0,23 0,22 – 0,11 – 0,04DAI-10 – 0,20 – 0,08 – 0,34 0,05 – 0,03 0,00 0,24 0,22 – 0,06 0,08

* p < 0,05 ; ** p < 0,01.

TABLEAU VII. — Corrélations (r Pearson) entre les variables de qualité de vie subjective (LQOLP) et les attentes en termes d’amélioration de qualité de vie pour les patients suivis en CMP (n = 30).

Attentes Travail Loisirs Religion Finances Modede vie

Loi et sécurité

Relationsfamiliales

Relationssociales Santé Bien-être

Travail – 0,18 – 0,27 – 0,09 – 0,03 – 0,45** – 0,24 – 0,40** – 0,46** – 0,13 – 0,35Argent – 0,03 – 0,30 – 0,19 – 0,02 – 0,19 – 0,31 – 0,30 – 0,61**** – 0,03 – 0,24Logement – 0,03 – 0,23 – 0,21 0,06 – 0,23 – 0,21 – 0,24 – 0,45** – 0,07 – 0,01Relations affectives – 0,03 – 0,23 – 0,21 0,06 – 0,23 – 0,21 – 0,24 – 0,45** – 0,07 – 0,01Santé mentale – 0,03 – 0,23 – 0,21 0,06 – 0,23 – 0,21 – 0,24 – 0,45** – 0,07 – 0,01Relations sociales – 0,11 – 0,24 – 0,08 0,00 – 0,14 – 0,26 – 0,44** – 0,46** – 0,08 0,02Loisirs – 0,19 – 0,24 – 0,15 – 0,12 – 0,27 – 0,27 – 0,52*** – 0,62**** – 0,15 – 0,05Relations familiales – 0,22 – 0,08 – 0,00 0,13 – 0,16 – 0,20 – 0,51*** – 0,50*** – 0,05 0,00Transport personnel – 0,22 – 0,08 – 0,00 0,13 – 0,16 – 0,20 – 0,52*** – 0,50*** – 0,05 0,00

* p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001 ; **** p < 0,0001.

TABLEAU VIII. — Corrélations (r Pearson) entre les variables de qualité de vie subjective (LQOLP) et les attentes en termes d’amélioration de qualité de vie pour les patients suivis en HDJ ou CATTP (n = 30).

Attentes Travail Loisirs Religion Finances Modede vie

Loi et sécurité

Relationsfamiliales

Relationssociales Santé Bien-être

Travail – 0,23 0,12 0,14 0,00 0,02 – 0,10 – 0,16 – 0,13 – 0,18 – 0,08Argent 0,02 0,11 0,02 – 0,00 – 0,08 – 0,03 – 0,29 – 0,07 – 0,07 0,03Logement – 0,02 0,05 0,13 – 0,07 – 0,03 0,03 – 0,15 – 0,16 – 0,10 0,12Relations affectives – 0,09 0,22 0,21 0,00 0,07 – 0,06 – 0,23 – 0,16 – 0,11 0,00Santé mentale 0,02 0,11 0,02 – 0,00 – 0,08 – 0,03 – 0,29 – 0,07 – 0,07 0,03Relations sociales – 0,17 0,17 0,11 0,03 0,07 – 0,08 – 0,22 – 0,14 – 0,09 0,03Loisirs 0,06 – 0,10 0,33 – 0,14 0,05 – 0,04 – 0,20 – 0,23 – 0,28 0,04Relations familiales 0,10 0,12 0,34 0,10 0,10 0,04 – 0,05 – 0,02 – 0,02 0,32Transport personnel 0,11 0,06 0,24 0,24 0,36* 0,30 0,22 – 0,08 – 0,10 0,23

* p < 0,05.

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Prise en charge et qualité de vie

Nos résultats confirment que les structures extra-hos-pitalières de type HDJ ou CATTP prennent en charge despatients schizophrènes chez lesquels les difficultés defonctionnement global et la sévérité des symptômes sontplus importantes que chez les patients suivis en CMP. Parrapport à ce dernier groupe, les patients qui sont suivisen HDJ ou CATTP ont aussi des conditions de vie moinsfavorables pour le travail, l’argent, le logement, la santéet le mode de vie. En revanche, en accord avec Jaremaet al. (1998), même si les patients suivis en CMP bénéfi-cient de conditions plus favorables pour le mode de vie etla santé, ils n’expriment pas pour autant une plus grandesatisfaction dans ces domaines. Ces résultats confirmentplusieurs études qui n’ont mis en évidence aucune diffé-rence pour la qualité de vie subjective, globale et pardomaine, entre patients suivis en CMP et patients suivisen HDJ ou CATTP (8, 9, 23). Ils confirment aussi que lesmesures de qualité de vie objective et les mesures de qua-lité de vie subjective ne sont pas corrélées entre elles (8,17).

Cependant, l’absence de différence entre la qualité devie subjective des patients suivis en CMP et celle despatients suivis en HDJ-CATTP peut-elle être liée a desaspects méthodologiques propres à notre étude ou à l’ins-trument de qualité de vie utilisé ? En effet, la taille limitéede l’effectif, 30 patients dans chaque groupe, peut poten-tiellement expliquer cette absence. Mais une autre étudeavec la LQOLP et des effectifs 2 fois plus importants danschaque groupe de patients ne rapporte aucune différencesignificative sur cette variable (9). Ensuite, il est toujourspossible de postuler que l’échelle de qualité de vie utilisée(LQOLP) manque de validité discriminante. Mais d’autrestravaux montrent que cette échelle permet de discriminerdeux groupes de sujets différents avec des effectifs équi-valents (17). Enfin, on ne peut exclure que les résultatsobtenus pour nos 2 groupes dépendent de l’instrument uti-lisé (LQOLP). Cependant, lorsqu’une autre échelle dequalité de vie est utilisée (SF-36), il n’y a pas plus de dif-férence sur la qualité de vie subjective entre patients suivisen CMP et patients suivis en HDJ-CATTP (8). Par consé-quent, l’absence de différence de qualité de vie subjectiveentre ces 2 groupes de patients est un fait en soi qui nesemble pas être attribuable à la méthodologie de notreétude ou à l’échelle de qualité de vie utilisée.

Symptomatologie et qualité de vie

Chez les patients suivis en CMP, la qualité de vie sub-jective pour la sphère relationnelle (relations sociales,relations familiales) et le bien-être général est affectée parla sévérité de la maladie, les symptômes positifs et le fonc-tionnement global. Ces résultats sont en accord avec ceuxd’autres travaux (3, 12) qui montrent chez des patients auprofil similaire que la symptomatologie positive affecte lebien-être général évalué à l’aide de la LQOLP. Nos résul-tats montrent aussi que la sévérité de la maladie et lessymptômes positifs affectent sélectivement la qualité de

vie subjective des patients suivis en CMP, en touchant enparticulier certains domaines comme la loi et la sécurité,la santé, le mode de vie et la sphère relationnelle. Enrevanche, contrairement à d’autres études (3, 12), lessymptômes négatifs, l’anxiété et l’humeur dépressive nesemblent pas affecter spécialement la qualité de vie sub-jective des patients suivis en CMP dans notre étude.Cependant, il est possible que ce résultat soit lié à desdifférences d’intensité de symptomatologie ou d’échellesd’évaluations utilisées entre ces études et la nôtre.

Chez les patients suivis en HDJ ou CATTP, le nombrelimité de corrélations significatives entre les variables cli-niques et les variables de qualité de vie subjective peutêtre expliqué par l’hétérogénéité du groupe. En revanche,notre résultat qui indique que la qualité de vie subjectivepour certains domaines (loi et sécurité, mode de vie) estaffectée par l’anxiété et la dépression, est confirmé par2 autres études avec des patients similaires et l’usage dela QOLI (7, 19).

Attentes et qualité de vie

Nos résultats montrent que, chez les patients suivis enCMP, de nombreuses attentes en termes d’améliorationde qualité de vie affectent sélectivement la qualité de viesubjective pour la sphère relationnelle. Globalement, cesrésultats sont congruents avec une autre étude qui a misen évidence que la qualité de vie subjective globale de cespatients est affectée par les attentes ou besoins dans lesrelations sociales, la santé mentale et l’activité journalière(4). Cependant, chez nos patients la qualité de vie sub-jective pour la sphère relationnelle semble surtout liée àdes attentes en matière de travail, de loisirs, de transportpersonnel et de relations (sociales, familiales). L’absencede corrélations entre attentes et qualité de vie subjectivechez les patients suivis en HDJ ou CATTP peut être liéeà l’hétérogénéité des patients dans ce groupe.

Si l’on considère que la qualité de vie perçue par unsujet ne dépend pas seulement de la convergence de sesbesoins avec ses conditions de vie actuelles (13), maisaussi de l’importance que le sujet accorde à chaquedomaine de vie (2), on peut alors interpréter les attentesdes patients comme le reflet de l’importance qu’ils accor-dent aux différents domaines de la vie. Dans cette pers-pective, l’importance attribuée aux différents domaines dela vie est globalement la même dans les deux groupes,mais les patients suivis en HDJ ou CATTP sont en réalitéplus insatisfaits pour les relations sociales que les patientssuivis en CMP.

Limites de l’étude

Quelques aspects concernant la méthodologie de cetteétude, comme le choix d’une analyse statistique simpleen raison d’un effectif réduit et l’absence de valeur expli-cative des corrélations rapportées, peuvent limiter la por-tée des résultats obtenus. Cependant, malgré ces limitesnos résultats sont globalement en accord avec les don-

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nées existantes dans la littérature sur la comparaison degroupes de patients extra-hospitaliers.

CONCLUSION

La mise en évidence d’une corrélation négative entreattentes non satisfaites et qualité de vie subjective sug-gère la nécessité d’explorer plus finement la notion desatisfaction en pondérant celle-ci avec l’importance accor-dée par chaque patient aux différents domaines de la vie.Une version modifiée de la LQOLP récemment publiéepeut permettre de réaliser cet objectif (22). Ensuite, lesdonnées concernant l’influence de l’anxiété et de ladépression sur la qualité de vie subjective restent à explo-rer avec des outils plus adaptés et plus détaillés pour lespatients schizophrènes (7).

Remerciements. Les auteurs remercient l’institut Lilly Francepour son soutien financier. Ils ont aussi particulièrement appréciél’implication des équipes (CMP, CATTP, Hôpital de jour) dansla réalisation de cette étude.

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