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La vision de la SIDI Aujourd’hui, l’évaluation d’impact est au cœur des centres d’intérêt des acteurs de la microfinance. Pour les bailleurs de fonds, il s’agit de démontrer que les actions menées sont efficaces, rentables et conformes aux objectifs de développement recherchés. Pour les Institutions de Microfinance (IMF), l’intérêt est d’en faire un outil d’évaluation de la satisfaction des clients, afin d’adapter les services proposés, et ainsi d’améliorer leur situation. Quant aux épargnants solidaires qui nous soutiennent, ils souhaitent évidemment apprécier la qualité du travail de la SIDI. Mais il est difficile d’isoler et d’évaluer l’impact d’une Structure de Financement de Proximité (SFP) : comment savoir si c’est réellement grâce à elle que des changements économiques et sociaux se sont produits dans sa clientèle ? Comment comparer la situation avant/après d’un client, ou entre clients et non-clients, ou encore celle de différentes régions ? Une réflexion a donc été menée en interne sur la «fécondité» sociale de l’action de la SIDI et de celle de ses partenaires. En effet, si l’objectif de tous les acteurs de la « Chaîne de Solidarité pour le Financement » (CSF) est clair (améliorer la vie des gens grâce à l’accès à des services financiers adaptés à leur situation et à leurs besoins), il faut pouvoir apprécier la qualité comme les effets sociaux de nos actions. C’est pourquoi la SIDI s’intéresse depuis longtemps à la performance sociale des SFP : quels moyens sont affectés à la mission qu’elles se donnent, avec quels résultats et le cas échéant quelles corrections ? Cependant pour la SIDI, une approche basée sur la seule performance sociale de l’institution n’est pas suffisante : il faut aussi prendre en considération les effets durables au niveau des bénéficiaires. C’est ainsi que dès 2002, la SIDI s’est imposé de travailler spécifiquement sur cette question de la viabilité sociale (même si la démarche était déjà établie) avec la dénomination de « Viabilité Sociale et Développement » (VSD). La SIDI n’a pas d’outils techniques uniques dans ce domaine mais elle établit une relation avec ses partenaires et essaie d’établir avec eux une réflexion/action sur ce sujet. A partir de la connaissance de leurs objectifs sociaux, il s’agit alors de mettre en place des outils de suivi et de mesure au niveau de chaque SFP. C’est un travail qui se réalise avec chacune des institutions au cas par cas et qui s’insère dans une dynamique de réseau, tant en Europe que dans les pays et continents d’intervention. La SIDI est donc partie de la situation et de la réalité des bénéficiaires, de leur volonté de changer et de se développer, et non d’objectifs plaqués sur leur situation, pour ensuite en évaluer les changements. Elle veut permettre aux SFP partenaires de se situer dans la dimension sociale de leur activité, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a une approche plus pragmatique que théorique. Le processus d’apprentissage auquel la SIDI participe avec les partenaires sera systématisé et capitalisé en vue d’améliorer la qualité des services financiers et de l’ingénierie financière à travers l’innovation. Il s’agit de « cheminer ensemble ». En résumé, la fonction « Viabilité sociale et Développement » doit permettre d’apprécier la pertinence sociale (effets et changements, processus de transformation sociale, pérennité) de l’activité de la SIDI et des SFP partenaires. Laurent Chéreau - Communication Marc Berger, responsable Viabilité Sociale à la SIDI, avec la CAC la Florida I n f o Sidi Sidi N°16 - Mars 2007 - Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement Le mot du Président Christian Schmitz, président du directoire Chers épargnants et actionnaires solidai- res, chers amis de la SIDI, ce numéro d’INFOSIDI arrive au printemps, mais il n’est pas trop tard pour vous souhaiter à tous une bonne et heureuse année 2007. Après une année 2005 décrétée « année de la micro- finance » par les Nations Unies, l’année 2006 se clôture par un prix Nobel de la Paix décerné au Docteur Muhammad Yunus, fondateur de la Gra- meen Bank au Bangladesh. Ce prix vient récompen- ser une pratique qui a fait ses preuves car près de 100 millions de personnes dans le monde, exclues du secteur bancaire classique, ont aujourd'hui la possi- bilité d'emprunter, pour développer leurs activités, et aussi d'épargner. Antoine de Saint-Exupéry disait : « pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible », et c’est ce que vous faites en parti- cipant de manière durable à la Chaine de Solidarité Financière avec la SIDI. Depuis décembre 2006, la SIDI compte plus de 800 actionnaires institutionnels et privés, qui détiennent un capital de 9 millions d’euros, qui sera entièrement investi fin 2008 dans les pays du Sud. En outre, plus de 6000 souscrip- teurs au Fonds Commun de Placement de partage « Faim et Développement » (dont l’encours s’élève à près de 60 millions d’Euros) acceptent de partager une partie des revenus de leur épargne pour permet- tre la mission d’accompagnement de la SIDI. C’est ainsi que la SIDI soutient financièrement et techni- quement un réseau d’une soixantaine de partenaires engagés dans le développement local et le finance- ment solidaire dans une trentaine de pays du Sud. La SIDI et ses partenaires ont pour objectif de pro- mouvoir des initiatives locales viables économique- ment mais aussi socialement. En effet la recherche de l’autonomie, de l’appropriation et de la pérennité des services financiers et non-financiers sont des préoccupations essentielles pour ces acteurs, qui promeuvent une finance véritablement au service des hommes et des femmes. Pour apprécier les effets des actions mises en œuvre (changements sociaux, durabilité), un important travail de recherche-action autour de la notion de « viabilité sociale », a été mis en œuvre. Il s’agit de promouvoir et de faciliter une réflexion sur les ob- jectifs sociaux des structures de financement de proximité, leur cohérence et leur pilotage. Ceci per- met de rendre compte aux actionnaires de la SIDI de la pertinence de son action et de celle des structures partenaires ainsi que de la viabilité des changements sociaux induits. Elle s’inscrit ainsi dans une perspec- tive de développement socialement durable. Ce sont les fruits de cette analyse que nous vous proposons de découvrir, par des exemples du travail réalisé avec nos partenaires en Amérique Latine, au Mag- hreb et en Afrique. C’est grâce à vous que l’acti- vité de la SIDI et de ses par- tenaires est possible. Soyez- en vivement remerciés. Cet InfoSIDI vous apporte des informations concrètes sur notre volonté commune, SIDI et partenaires, de nous ins- crire dans une Viabilité So- ciale durable. Vous nous avez confié ce mandat, nous conti- nuerons à le remplir avec confiance, ténacité et espé- rance. La Viabilité Sociale : Une démarche à La Viabilité Sociale : Une démarche à La Viabilité Sociale : Une démarche à long terme centrée sur les bénéficiaires long terme centrée sur les bénéficiaires long terme centrée sur les bénéficiaires

Info SIDI n°16 - La Viabilité Sociale

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Page 1: Info SIDI n°16 - La Viabilité Sociale

La vision de la SIDI Aujourd’hui, l’évaluation d’impact est au cœur des centres d’intérêt des acteurs de la microfinance. Pour les bailleurs de fonds, il s’agit de démontrer que les actions menées sont efficaces, rentables et conformes aux objectifs de développement recherchés. Pour les Institutions de Microfinance (IMF), l’intérêt est d’en faire un outil d’évaluation de la satisfaction des clients, afin d’adapter les services proposés, et ainsi d’améliorer leur situation. Quant aux épargnants solidaires qui nous soutiennent, ils souhaitent évidemment apprécier la qualité du travail de la SIDI.

Mais il est difficile d’isoler et d’évaluer l’impact d’une Structure de Financement de Proximité (SFP) : comment savoir si c’est réellement grâce à elle que des changements économiques et sociaux se sont produits dans sa clientèle ? Comment comparer la situation avant/après d’un client, ou entre clients et non-clients, ou encore celle de différentes régions ?

Une réflexion a donc été menée en interne sur la «fécondité» sociale de l’action de la SIDI et de celle de ses partenaires. En effet, si l’objectif de tous les acteurs de la « Chaîne de Solidarité pour le Financement » (CSF) est clair (améliorer la vie des gens grâce à l’accès à des services financiers adaptés à leur situation et à leurs besoins), il faut pouvoir apprécier la qualité comme les effets sociaux de nos actions.

C’est pourquoi la SIDI s’intéresse depuis longtemps à la performance sociale des SFP : quels moyens sont affectés à la mission qu’elles se donnent, avec quels résultats et le cas échéant quelles corrections ? Cependant pour la SIDI, une approche basée sur la seule performance sociale de l’institution n’est pas suffisante : il faut aussi prendre en considération les effets durables au niveau des bénéficiaires.

C’est ainsi que dès 2002, la SIDI s’est imposé de travailler spécifiquement sur cette question de la viabilité sociale (même si la démarche était déjà établie) avec la

dénomination de « Viabilité Sociale et Développement » (VSD).

La SIDI n’a pas d’outils techniques uniques dans ce domaine mais elle établit une relation avec ses partenaires et essaie d’établir avec eux une réflexion/action sur ce sujet. A partir de la connaissance de leurs objectifs sociaux, il s’agit alors de mettre en place des outils de suivi et de mesure au niveau de chaque SFP. C’est un travail qui se réalise avec chacune des institutions au cas par cas et qui s’insère dans une dynamique de réseau, tant en Europe que dans les pays et continents d’intervention. La SIDI est donc partie de la situation et de la réalité des bénéficiaires, de leur volonté de changer et de se développer, et non d’objectifs plaqués sur leur situation, pour ensuite en évaluer les changements. Elle veut permettre aux SFP partenaires de se situer dans la dimension sociale de leur activité, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a une approche plus pragmatique que théorique.

Le processus d’apprentissage auquel la SIDI participe avec les partenaires sera systématisé et capitalisé en vue d’améliorer la qualité des services financiers et de l’ingénierie financière à travers l’innovation. Il s’agit de « cheminer ensemble ».

En résumé, la fonction « Viabilité sociale et Développement » doit permettre d’apprécier la pertinence sociale (effets et changements, processus de transformation sociale, pérennité) de l’activité de la SIDI et des SFP partenaires.

Laurent Chéreau - Communication

Marc Berger, responsable Viabilité Sociale à la SIDI, avec la CAC la Florida

InfoSidiSidi N°16 - Mars 2007 - Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement

Le mot du Président

Christian Schmitz, président du directoire

Chers épargnants et actionnaires solidai-res, chers amis de la SIDI, ce numéro d’INFOSIDI arrive au printemps, mais il n’est pas trop tard pour vous souhaiter à tous une bonne et heureuse année 2007.

Après une année 2005 décrétée « année de la micro-finance » par les Nations Unies, l’année 2006 se clôture par un prix Nobel de la Paix décerné au Docteur Muhammad Yunus, fondateur de la Gra-meen Bank au Bangladesh. Ce prix vient récompen-ser une pratique qui a fait ses preuves car près de 100 millions de personnes dans le monde, exclues du secteur bancaire classique, ont aujourd'hui la possi-bilité d'emprunter, pour développer leurs activités, et aussi d'épargner.

Antoine de Saint-Exupéry disait : « pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible », et c’est ce que vous faites en parti-cipant de manière durable à la Chaine de Solidarité Financière avec la SIDI. Depuis décembre 2006, la SIDI compte plus de 800 actionnaires institutionnels et privés, qui détiennent un capital de 9 millions d’euros, qui sera entièrement investi fin 2008 dans les pays du Sud. En outre, plus de 6000 souscrip-teurs au Fonds Commun de Placement de partage « Faim et Développement » (dont l’encours s’élève à près de 60 millions d’Euros) acceptent de partager une partie des revenus de leur épargne pour permet-tre la mission d’accompagnement de la SIDI. C’est ainsi que la SIDI soutient financièrement et techni-quement un réseau d’une soixantaine de partenaires engagés dans le développement local et le finance-ment solidaire dans une trentaine de pays du Sud.

La SIDI et ses partenaires ont pour objectif de pro-mouvoir des initiatives locales viables économique-ment mais aussi socialement. En effet la recherche de l’autonomie, de l’appropriation et de la pérennité des services financiers et non-financiers sont des préoccupations essentielles pour ces acteurs, qui promeuvent une finance véritablement au service des hommes et des femmes.

Pour apprécier les effets des actions mises en œuvre (changements sociaux, durabilité), un important travail de recherche-action autour de la notion de « viabilité sociale », a été mis en œuvre. Il s’agit de promouvoir et de faciliter une réflexion sur les ob-jectifs sociaux des structures de financement de proximité, leur cohérence et leur pilotage. Ceci per-met de rendre compte aux actionnaires de la SIDI de la pertinence de son action et de celle des structures partenaires ainsi que de la viabilité des changements sociaux induits. Elle s’inscrit ainsi dans une perspec-tive de développement socialement durable. Ce sont les fruits de cette analyse que nous vous proposons de découvrir, par des exemples du travail réalisé avec nos partenaires en Amérique Latine, au Mag-hreb et en Afrique.

C’est grâce à vous que l’acti-vité de la SIDI et de ses par-tenaires est possible. Soyez-en vivement remerciés. Cet InfoSIDI vous apporte des informations concrètes sur notre volonté commune, SIDI et partenaires, de nous ins-crire dans une Viabilité So-ciale durable. Vous nous avez confié ce mandat, nous conti-nuerons à le remplir avec confiance, ténacité et espé-rance.

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Viabilité Sociale et Développement

Infosidi n°16—mars 2007 / Page 2

L’UGPM : « Sortir

durablement du trou »

La viabilité sociale à l’UGPM c’est une histoire qui a déjà 4 ans ! Mais tout comme la prose pour Mr. Jourdain, l’organisation paysanne en a toujours fait mais sans le savoir…

Depuis toujours l’UGPM (Union des Groupements de Paysans de Méckhé, au Sénégal) a misé sur la dimension sociale de son action en mettant en va-leur le facteur humain comme clef du développement : les valeurs, la vision prospective d’un projet de vie familiale, l’appropriation de ce projet par tous les membres de la famille, la structuration des modes d’organisation de l’UGPM pour atteindre les objectifs de la famille et de l’organisation paysanne.

La collaboration de la SIDI dans ce do-maine a surtout servi à faire émerger et rendre explicite ce qui était déjà au cœur de la démarche de l’UGPM. Des expressions comme « Kiirraayu Kër Gi » (KKG) : « tout ce qui concourt à la protection » et « sortir durablement du trou », signifient que le défi principal pour l’UGPM est de sortir les familles paysannes du cercle vicieux de la sou-dure (lorsque l’on a consommé la ré-colte précédente alors que la suivante n’est pas moissonnée). Pour cela elle promeut des formes d’appui et d’accompagne-ment qui réduisent les fac-teurs de vulnérabilité des Exploitations Familiales (EF) et renforcent leurs potentiali-tés pour les rendre viables économiquement et sociale-ment. Les effets durables recherchés par ces actions visent en amont à éviter que les EF « tombent dans le trou » et en aval à les aider à « sortir du trou ».

La démarche du programme KKG est inspirée par cette recherche d’ efficacité économique (activités

« rentables », stratégies productives qui rendent économiquement viables les EF) mais sans oublier que l’assise de la durabilité est fondamentalement le capi-tal humain et social des EF.

S’intéresser à la viabilité sociale des EF c’est partir des fondamentaux : la fa-mille, ses valeurs et ses normes qui sont le ciment de la cohésion sociale de la famille, c’est retrouver la dimension du sens.

Les valeurs sont la base du programme et évitent qu’il soit détourné de sa fina-lité : des valeurs comme « Benno » : « être solidaire », « Dimbelante » : « ça consolide », « lëkkëlo » : « harmonie ».

Chaque EF a reçu un nom en wolof qui donne le sens de la vision prospective de la famille. « Darou Salam Diagne » : la « maison de la paix des Diagne", ou encore « Kër gou mag » : « La grande famille ».

C’est pourquoi, dans cet esprit, le pre-mier atelier réalisé en mars 2003 avait pour appellation « Redonner du Sens aux chiffres » et les 2 suivants ont porté sur les valeurs de l’Islam et de la culture wolof et les critères pour appré-cier si une EF avance dans la voie de la viabilité et de la réduction de sa vulné-rabilité.

C’est ainsi que le développement de stratégies de diversification d’activités productives va de pair avec le renforce-ment des valeurs, de la cohésion fami-liale et de l’harmonie au sein de la fa-mille pour vaincre le cercle vicieux du surendettement et de la soudure.

A travers cette démarche les animateurs(rices) de l’UGPM ont acquis un nou-veau regard sur les EF, celui des signes de l’évolution de la viabilité sociale des EF. Ces signes traduisent concrètement les critères définis par l’UGPM pour apprécier la viabilité sociale : il s’agit de l’appropriation, la structuration, l’ac-cumulation et l’harmonie (cf. InfoSIDI n°14). Ce regard traduit une nouvelle qualité de la relation qui s’établit entre l’animateur(rice) et l’EF. Le conseil prend ainsi une nouvelle dimension qui va au-delà des aspects techniques, éco-nomiques et financiers. Il devient un conseil « familial » qui touche à tous les aspects de la vie de la famille.

En plus de leur rôle, reconnu, d’accom-pagnement dans le domaine économi-que,les animateurs(trices) jouent un véritable rôle de médiateurs(rices) au sein des familles en facilitant la partici-pation, l’échange, la transparence et la construction de relations harmonieuses, basées sur l’équité, en aidant les mem-bres de la famille à résoudre leurs diffi-cultés et conflits internes.

Le marché de Méckhé - Des vendeuses de vannerie

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Viabilité Sociale et Développement

Infosidi n°16—mars 2007 / Page 3

Miser sur la viabilité sociale pour « sortir durablement du trou », c’est faire le pari que la soudure ne pourra être combattue « définitivement » que si les résultats économiques positifs reposent sur des relations harmonieuses au sein de la famille et entre l’EF et l’UGPM . Cette harmonie traduit un lien social fort entre l’UGPM et ses membres et renforce son capital social, socle de sa reconnaissance et sa légiti-mité. Elle traduit l’objectif de KKG « tout ce qui concourt à la protection » réduit la vulnérabilité et construit la viabilité.

Marc Berger - Responsable Viabilité Sociale et Développement

L’exemple de la CAC

La Florida

La Cooperativa Agraria Cafetalera (CAC) La Florida, partenaire péruvien de la SIDI depuis 2003, a appris à maî-triser l’ensemble de la filière (de la pro-duction à la commercialisation) et à répondre aux exigences de la commer-cialisation d’un café solidaire haut de gamme.

Créée en 1966 par des petits produc-teurs de café de la Province de Chan-chamayo en Amazonie Centrale, la coo-pérative répond à la prédation des gros commerçants, selon les orientations et pratiques d’une entreprise communau-taire. Elle réunit aujourd’hui plus de 3.000 petits producteurs.

Les facteurs de ‘succès’ de la CAC sont les suivants : 1.Une organisation tournée d’abord

vers la commercialisation (30 000 sacs en 2001, 65 000 en 2005 et 100 000 cette année), ce qui permet à cette institution populaire de dégager des marges nettes pour financer son renforcement institutionnel.

2.Diversification des productions avec les « créneaux » du café biologique et solidaire qui permettent une meilleure rémunération de la production. Label-lisation Max Havelaar (la première au Pérou).

3.Acquisition d'une unité de transfor-mation du café (afin de permettre des débouchés à l'intérieur du pays vu

l'évolution des goûts du café). 4.Rôle central reconnu de la CAC au

sein de la « Junta Nacional del Ca-fé »qui regroupe les petits produc-teurs. La CAC catalyse un travail en réseau avec 5 autres coopératives de café qui partagent la même vision.

5.Création d'un centre de formation paysan pour les coopérateurs, ap-puyé pour 3 ans par le CCFD.

6.Contribution visible de la CAC à l’a-ménagement de la région : routes, chemins d’accès, ponts, postes de san-té, écoles, accès à l’eau potable dans les villages (ce fut à chaque fois en les cofinançant avec les pouvoirs publics et des ONG).

Dans cette perspective, la SIDI appuie la CAC La Florida sur les points sui-vants : 1.Financement de la campagne de com-

mercialisation : un prêt SIDI de 125’000 Euros sur 3 ans a été accordé, après deux prêts d’une année équiva-lant à une ‘campagne’, intégralement remboursés. Ce prêt permet, avec d’autres, de compléter les ressources de la CAC pour payer les coopéra-teurs dès la livraison du café en atten-dant le règlement des acheteurs. Les coopérateurs touchent une prime en fin de campagne selon les résultats de la commercialisation.

2.Appui à la CREDIFLORIDA : Créée en 2004, elle est la Coopérative d’E-pargne et de Crédit des membres de la

CAC. La SIDI y a investi 100 000 € et est le premier investisseur. Elle ac-compagne aussi la structure dans son projet d’être l’instrument financier efficace des producteurs de café.

3.Appui stratégique et formation. Les convergences d’intérêt entre la CAC et la SIDI font que la CAC expose et partage sa stratégie avec la SIDI. Les avis de la SIDI sur les questions de Gouvernance sont pris en compte. En 2007, la CAC confiera à la SIDI l’ac-compagnement de la définition de sa stratégie pour les 5 années qui sui-vront. Le CCFD soutient le centre de formation paysan de la CAC. La CAC est leader d’un consortium de 6 coo-pératives ‘Café-Peru’ et leur fournit aussi des services techniques et de commercialisation.

4.Viabilité sociale : la CAC est « une entreprise communautaire qui doit avoir la capacité de se gérer éco-nomiquement, financièrement et so-cialement ». La vie dans les ‘chacras’ (parcelles) relève de ‘l’exploitation familiale’ ; il faut donc préserver l’unité familiale dans tous ses aspects (répartition des rôles, res-ponsabilités, dialogue, concertation, harmonie). La CAC veut préparer le terrain pour et avec les nouvelles gé-nérations. C’est avec la SIDI que la CAC a décidé de réfléchir et cheminer sur ce thème exigeant. >>

La famille Inicios, membre de la CAC, entourée de deux responsables de la CAC la Florida: à gauche M. Vargas, administrateur de la CAC, et à droite le 1er président de Crediflorida

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Viabilité Sociale et Développement

Infosidi n°16—mars 2007 / Page 4

L’appui à la démarche de Viabili-té Sociale et Développement

L’appui à la Viabilité Sociale part donc du constat que la CAC possède des atouts dans cette démarche, à la fois internes (la CAC possède les valeurs du coopérativisme, elle a une vision inté-grale du développement, incluant l’édu-cation, la santé, l’environnement, etc., et bénéficie de la qualité de ses ressour-ces humaines) et externes (elle a de bonnes relations avec les autorités loca-les, a développé des infrastructures, intervient sur une zone bien définie et cohérente pour un développement terri-torial, incluant les minorités ethniques).

C’est donc l’étude de sa « vulnérabilité sociale » qui a déterminé les champs d’intervention.

Partant de ce double constat, la CAC et la SIDI ont ciblé deux champs prioritai-res :

• Développer un projet pour l’Unité Familiale, viable économiquement (diversification des activités), sociale-ment juste (équité et cohésion fami-liale), écologique (gestion rationnelle des ressources naturelles) et respec-tueux des valeurs culturelles

• Mieux cibler l’action sociale de la Coopérative

− Problématiques spécifiques: jeunes, vieux, cultures natives, femmes

− Au niveau zonal: « Comité de Déve-loppement Intégral », acteurs de dé-veloppement local

− Au niveau central: créer des syner-gies entre le Centre de Formation la coopérative d’épargne et de crédit (CREDIFLORIDA), le Comité de Développement des Familles, et les différents départements (agriculture, éducation…)

− S’ouvrir aux autres coopératives de café de la zone et faire du lobbying national

Des indicateurs comme ceux cités ci-dessus ont permis de définir une typolo-gie générale des Unités Familiales, et donc de connaître pour chacune les be-soins de renforcement, d’adapter l’ap-pui et la formation, et enfin d’en suivre les effets par la suite (une étude est en cours avec la SIDI).

Quelques réalisations

Élaboration d’un projet familial, ac-tivités réalisées avec les différents départements de la coopérative : le Département « développement agri-cole » a créé un atelier méthodologique de formulation de projet pour les Unités Familiales, et a adapté la formation des animateurs agricoles

Au sujet de la problématique des jeu-nes : • Importance d’avoir des jeunes profes-

sionnels dans l’Unité Familiale et dans la coopérative: conscientiser les parents

• Développer de petites entreprises fa-miliales

• Détecter les jeunes, les inciter, facili-ter leur formation au Centre de For-mation et développer les conventions avec les universités

• Favoriser les échanges entre jeunes, valoriser les initiatives et innovations

• Motiver les parents à éduquer les jeu-nes à la réalité paysanne dans le monde actuel

Au sujet de la problématique des « vieux » : • Il y a eu une prise de consciente ré-

cente de l’existence de nombreux chefs de famille âgés sans enfants in-téressés à revenir vivre dans la « chacra ». Un débat a été initié à la Coopérative sur la constitution d’un fonds de vieillesse.

Le respect des valeurs traditionnelles • Acculturation forte chez les Yaneshas,

risque d’extinction progressive de leur culture

• Perte des pratiques traditionnelles • Jugement négatif induit par les nou-

velles pratiques agricoles, perte de la langue

• Propositions pour la problématique indigène:

• Promotion des valeurs culturelles • Développement d’une nouvelle

culture intégrale

Aujourd’hui, la coopérative travaille à consolider sa Viabilité Sociale Interne. Déjà, les « Unidades Familiares » sont renforcées économiquement mais aussi socialement, la décentralisation est en cours avec les Comités de Développe-

ment Intégraux, et ces questions sont au centre de la préparation du prochain plan stratégique.

Dominique Lesaffre - Responsable Géographique

Le MAIN veut dévelop-

per une culture de la

performance sociale

Une Interview de Fanta Wolde Mi-chael, Directeur du Microfinance Afri-can Institutions Network (MAIN)

Pourriez vous brièvement nous présen-ter le MAIN ?

Le MAIN est un réseau d’institutions de microfinance (IMF) créé en 1995 à Abidjan par 5 institutions (SIPEM Ma-dagascar, CERUDEB Ouganda, FIDI Côte-d’Ivoire, IDM Mauritanie et la SIDI). L’objectif était d’apporter une assistance technique aux institutions émergentes de microfinance. A l’heure actuelle, le réseau MAIN rassemble 85 membres à travers le continent Africain, Madagascar, mais aussi le Proche Orient (Palestine et Liban). Le MAIN vise le renforcement des capacités opé-rationnelles des IMF pour assurer l’effi-cacité et la pérennité de leurs services. A cet effet, il organise plusieurs types de formation : des formations courtes sur un thème donné (exemple : la ges-

Fanta Wolde Michael, Directeur du MAIN

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Viabilité Sociale et Développement

Infosidi n°16—mars 2007 / Page 5

tion du crédit), et des formations uni-versitaires diplômantes plus longues. Il travaille en partenariat avec l’UMU (Uganda Martyrs’ University) en Ou-ganda qui assure des formations pour les anglophones. Pour les francophones, les formations sont dispensées par l’U-CAC (Université Catholique pour l’A-frique Centrale) au Cameroun. Le MAIN organise aussi des programmes d’échanges permettant aux institutions d’un même pays ou de pays différents de partager leur expérience et d’appren-dre les unes des autres. La troisième activité importante du MAIN consiste à susciter la réflexion sur un thème donné à travers l’organisation, tous les deux ans, d’un séminaire thématique regrou-pant non seulement les membres mais aussi d’autres acteurs. Par exemple, en 2002, nous avons organisé un séminaire sur le financement rural. Le développe-ment rural ne bénéficie pas des finance-ments adéquats. Il s’agissait, lors du séminaire, de faire un état des lieux, d’identifier les problèmes et d’examiner comment ils pouvaient être résolus. Le MAIN mène également des actions de communication : il participe, en colla-boration avec 5 réseaux africains, à la publication du « Journal Africain de la Microfinance » (publication bisan-nuelle). Il publie aussi, 3 fois par an, un bulletin d’information traitant de divers sujets. Sont également publiés des do-cuments de recherche, des actes de sé-minaires… Enfin, signalons que le MAIN a un site Internet : www.mfiain.org

Depuis quelques années, le MAIN a intégré dans ses programmes de for-mation un module consacré à la per-formance sociale. Qu’est ce qui vous a amené à faire ce choix ?

En général, les IMF affichent une dou-ble mission, à la fois économique et sociale. Or nous avons constaté que l’aspect économique l’emporte trop souvent. Notre objectif, en introduisant un module de formation sur la perfor-mance sociale, était tout d’abord de rap-peler aux IMF leur mission sociale. Pa-rallèlement, il y a une demande des au-tres parties prenantes (bailleurs, inves-tisseurs etc.) qui veulent savoir quel a été l’impact de leur investissement non seulement d’un point de vue économi-que, mais aussi social. Notre but est

donc aussi d’aider nos membres à me-surer l’impact social de leur travail. Nous avons donc introduit, dès 2004, un module consacré spécifiquement à cette question dans les formations dis-pensées à l’UMU et à l’UCAC .

A ce niveau, quelle forme a pris le par-tenariat avec la SIDI ?

Nous cherchions des compétences pour assurer et animer la formation sur la performance sociale. Ce qui nous a amené à contacter des institutions comme la fondation Argidius, le groupe CERISE, et bien sûr la SIDI. La pre-mière formation sur la performance so-ciale a ainsi été assurée par Marc Ber-ger de la SIDI et par Koenraad Verha-gen de la fondation Argidius. Depuis, la SIDI a toujours été associée à l’anima-tion de ce module au niveau des forma-tions universitaires.

L’idée de ces formations est certes d’a-mener les IMF a prendre connaissance des différentes approches en matière de performance sociale, mais on ne peut pas se contenter de ça. En effet, ces ap-proches sont développées dans les pays du Nord alors que le travail de nos membres se fait au Sud. Nous pensons donc qu’il est important que les acteurs du Sud s’approprient la démarche. C’est à cela que nous travaillons à tra-vers nos actions de formation.

En dehors des formations organisées dans le cadre des formations UMU et UCAC, y a-t-il d’autres actions pré-vues dans le domaine de la perfor-mance sociale ?

Le travail mené par le MAIN depuis 2004 sur la performance sociale a porté ses fruits et certains de nos membres ont poursuivi, de leur côté, leur ré-flexion sur la question. Certains ont même déjà réalisé un travail conséquent en la matière.

Nous avons donc décidé d’organiser avec l’appui de la SIDI un atelier qui nous permettra d’échanger à partir des expériences de chacun. Cet atelier, des-tiné aux francophones, se tiendra à Bu-jumbura au Burundi en juin 2007 et regroupera une vingtaine d’institutions. Un atelier pour les anglophones sera organisé ultérieurement. Mais il y a en-

core beaucoup à faire pour que la mis-sion sociale des IMF ne soit pas relé-guée au second rang et le MAIN conti-nuera à travailler dans ce sens.

la gestion de la

performance sociale

chez Al Amana

Gérer la performance sociale c’est, à partir de la mission que s’assigne l’ins-titution vis-à-vis des différentes parties prenantes : se fixer des objectifs, plani-fier leur atteinte, s’assurer de leur réali-sation et le cas échéant prendre les me-sures correctrices nécessaires.

Al Amana, Institution de Microfinance marocaine, s’est donné pour objectif « l’inclusion par la bancarisation de masse ». C’est le préambule de son plan stratégique 2007-2011. L’accès aux services financiers constitue un moyen privilégié pour améliorer les conditions économiques et sociales des popula-tions ; il s’agit donc de rendre ce ser-vice accessible au plus grand nombre et notamment aux populations les plus déshéritées, celles du milieu rural à fai-ble densité d’habitation.

Les résultats déjà obtenus sont impor-tants : 430 agences et antennes, 1.800 salariés pour servir 385.600 clients. Le plan stratégique prévoit d’atteindre en 2011 un million de clients servis par plus de 500 points de vente, et de gérer un encours de crédits de plus de 10 mil-liards de dirhams (100 millions d’Eu-ros).

Ces indicateurs quantitatifs attestent de la performance globale d’Al Amana dans sa mission sociale, mais trois élé-ments complémentaires sont à prendre en considération :

• La volonté de privilégier l’action contre l’exclusion des femmes qui se traduit par un objectif de population féminine au niveau du portefeuille de chaque point de vente. L’accroissement de la présence dans le secteur rural à faible densité où vi-vent les populations les plus pauvres et les plus vulnérables. >>

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• La diversification de l’offre de pro-duits et services pour accompagner le développement des activités des clients (crédit individuel, logement), et pour contribuer à réduire leur pré-carité (assurance décès invalidité et santé) et les aider à gérer leur épargne.

L’appréciation de l’impact sur les popu-lations servies se fait à tra-vers des outils classiques de mesure d’impact. En 2002 et 2004, Al Amana a entrepris une étude avec l'outil d'évaluation de SEEP/AIMS (Small Enter-prise Education and Pro-motion / Assessing the Im-pact of Micro finance Ser-vices) sur trois aspects :

• Etude quantitative d’im-pact et d’utilisation des prêts et profits générés

• Etude qualitative sur l’au-tonomie des femmes (Women’s Empower-ment)

• Etude quantitative de sa-tisfaction et de sortie des clients.

Il s’agit d’une approche transversale, comparant la situation de deux groupes de clients : un groupe de traitement constitué de clients actifs, et un groupe témoin constitué de clients entrants. Cette approche a des limites : les deux groupes ne sont pas identiques, le fait que les clients entrants adhèrent à un moment différent peut être en rapport avec des caractéristiques propres à ces individus. De plus, l’évaluation se fait pendant ou après le programme, ce qui ne permet pas d’isoler l’impact du prêt lui-même des autres facteurs

Ces études ont démontré la portée du programme d’Al Amana en termes d’incidence sur le revenu, le niveau d’activité, l’amélioration des compéten-ces, la création d’emploi, le statut de la femme, mais également des risques notamment d’impact négatif sur l’envi-ronnement et sur le travail des enfants. La capacité effective du programme à accroître le bien-être des clients n’a pas été mesurée jusque là de façon rigou-reuse.

A la lumière du concept de « viabilité sociale » proposé par la SIDI, Al Ama-na a décidé de réfléchir afin d’éclairer les différentes dimensions de ses per-formances sociales, d’expliciter la logi-que d’intervention de l’institution en matière sociale et d’éclairer sa vision institutionnelle. En 2005, Al Amana a sollicité la SIDI pour l’organisation

d’un atelier sur la viabilité sociale, afin d’initier ses cadres à cette démarche. Elle a aussi testé l’outil proposé par CERISE et ses partenaires. Ces outils, très abordables, permettent une nou-velle sensibilité des IMF à la gestion de leurs performances.

Afin de pallier les inconvénients des méthodes traditionnelles, Al Amana entreprend depuis 2006 une nouvelle étude très novatrice, dont la méthodolo-gie a été développée par une équipe du MIT (Massachusetts Institute of Tech-nology). Il s’agit d’étudier les évolu-tions dans l’activité et la vie des popu-lations d’une paire de villages pour 80 antennes à ouvrir en 2006 et 2007. L’un des deux villages, choisi aléatoirement, est servi de suite par l’antenne, et l’au-tre ne l’est qu’une année plus tard. 25 ménages par village (soit au total 4000 ménages), sélectionnés de manière aléa-toire, font l’objet d’un suivi méticuleux. L’étude, qui s’étalera sur 2 ans, s’ap-

puie sur un questionnaire multicritères: structure socioprofessionnelle des mé-nages, capital humain, état du logement et éléments de confort, agrégats écono-miques (revenus, consommation, dé-penses, accès aux services financiers, gestion des imprévus…).

L’enquête finale, permettra de mesurer à la fois l’impact au regard de la population non servie (revenus, consommation, actifs du ménage et de l’ac-tivité, pauvreté, vulnérabi-lité, scolarité, santé, pou-voir de décision) et les ef-fets de deux ans de micro-crédit sur une population comparés aux effets de un an seulement de ce service.

Pour compléter son appro-che, Al Amana a participé au mois de septembre 2005 à une étude d’impact sur quatre IMF marocaines, conduite avec l’outil SPI (« indicateurs de perfor-mance sociale » en anglais) d’audit des performances sociales des IMF, outil ini-tié par la fondation Argi-dius et mis en en œuvre par CERISE (plate-forme fran-çaise de réflexion, d'études,

d'échange, et de publication sur la mi-crofinance). Le système SPI comporte 4 dimensions, à savoir le ciblage des pau-vres et des exclus, la qualité des servi-ces, le capital social, le capital politique (capacité d’interpellation, de plaidoyer) et la responsabilité sociale.

L’outil SPI de CERISE a, lui aussi, des limites : le ciblage des pauvres n’est pas forcément pertinent pour toutes les IMF. Pauvres ? Exclus du système ban-caire ? Dans sa stratégie, Al Amana opte pour une couverture large, volon-tariste vers les zones les plus défavori-sées, mais aussi une approche d’accom-pagnement de l’inclusion par l’élargis-sement de son offre. En outre, la politi-que volontariste d’Al Amana de réduc-tion de ses conditions (taux et commis-sions), la prise en charge des risques naturels en plus des risques décès et invalidité est peu ou mal valorisée par l’outil.

Azeddine El Bay, client d’Al Amana, a pu développer son activité grâce à son travail mais aussi au microcrédit. Il possède aujourd’hui 3 commerces.

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Viabilité Sociale et Développement

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Les outils de gestion de la performance sociale doivent donc être bien sûr utili-sés comme des instruments d’autodia-gnostic et de progrès, mais certains biais méthodologiques et les valeurs implicites qu’ils véhiculent rendent dé-licate leur utilisation comme instru-ments d’analyse comparative.

Jean-Paul Wacogne, Consultant Bénévole Fouad Abdelmoumni, Directeur de Al Amana

« La vulnérabilité des

clients » : la SIPEM

La SIDI est fortement engagée depuis l’origine auprès de la SIPEM à Mada-gascar, société dont les 2 actionnaires de référence sont l’Association pour la Promotion de l’Entreprise à Madagas-car (APEM) et la SIDI.

La SIPEM cherche, selon sa propre dé-finition, « à soutenir des micro entre-prises à fort potentiel de croissance, donc des entrepreneurs, hommes et femmes, qui ne peuvent pas accéder au crédit bancaire sous la réserve expresse que les projets financés préservent l’en-vironnement et soient rentables». La SIPEM « participe activement à l’émer-gence et au soutien d’un secteur privé dynamique, créateur d’emplois ».

Depuis deux ans, avec un souci de mieux analyser les effets socio-économiques de son action auprès des promoteurs qu’elle soutient et de mieux connaître sa clientèle, la SIPEM a ex-primé l’intérêt auprès de la SIDI et de ses autres actionnaires de répondre à d’autres attentes que celles exclusive-ment financières. SIPEM souhaite avoir une démarche précise et pertinente dans le champ social en complément du champ économique. Ainsi, dans le ca-dre de sa planification stratégique 2004-2007, la SIPEM a étendu sa mission sociale sur deux axes principaux : celui de la performance sociale et celui de l’impact sous l’angle de la réduction de la vulnérabilité des promoteurs.

En effet, la SIPEM considère qu’il est essentiel de disposer d’une caractérisa-tion de la clientèle sous l’angle de la

vulnérabilité et d’une stratégie lui per-mettant d’atteindre ses objectifs sociaux en terme de performance au niveau des clients et surtout en terme de diminu-tion de leur vulnérabilité. Pour atteindre ces objectifs, la SIPEM cherche à se doter d’outils de suivi et de pilotage pour prendre les mesures de corrections nécessaires sur son approche et sur les services qu’elle propose à sa clientèle (outils de suivi/accompagnement/évaluation des avancées, des résultats, des changements dans le champ social au niveau de sa clientèle). Le but est de garantir à ses actionnaires qu’elle at-teint les objectifs sociaux qu’elle s’est fixée dans ce domaine. Elle souhaite également compléter son Système d’In-formation et de Gestion (SIG) par la production et l’intégration d’indicateurs de performance sociale.

Pour développer cette culture de la per-formance sociale (dimension sociale des actions, éléments d’impacts tels que le nombre d’emplois créés, la diminu-tion de la vulnérabilité, l’amélioration du niveau de vie, les conséquences sur le développement local, etc.) la SIPEM utilise l’outil « SPI » (« indicateurs de performance sociale » en anglais) de CERISE (plate-forme de réflexion, d'études, d'échange, et de publication sur la microfinance) avec comme concept clef et prioritaire celui de la vulnérabilité des promoteurs que SI-PEM considère comme mieux adapté à

sa stratégie que celui qui précise plus strictement le niveau de pauvreté. La préoccupation principale exprimée par l’équipe SIPEM, en termes d’impact de son activité sur les promoteurs, est celui de la réduction de leur vulnérabilité et du renforcement de leurs potentialités.

Pour répondre à cette préoccupation, la SIDI a réalisé un séminaire qui a permis d’avancer sur les indicateurs de caracté-risation de la clientèle et a travaillé en-suite sur un outil permettant d’apprécier la vulnérabilité des clients et les com-posantes de cette vulnérabilité. Cet outil doit permettre une caractérisation de la clientèle et une typologie en fonction des formes de vulnérabilité.

Une étude est par ailleurs en cours pour aboutir à cette caractérisation de la clientèle et en permettra une meilleure connaissance, ainsi qu’un suivi de l’é-volution de la situation des promoteurs et des effets des crédits octroyés grâce à l’introduction de nouveaux indica-teurs dans le SIG de la SIPEM.

In fine, il est important d’aboutir à la mise en place d’un outil de pilotage des performances sociales de la SIPEM et à une amélioration de la communication interne et externe sur la mission sociale de la SIPEM et sur sa mise en œuvre.

Christian Schmitz, Président du Directoire

L’équipe de la SIPEM, réunie pour un séminaire sur sa stratégie avec la SIDI. A droite de la directrice générale (au centre), Claude Fauqué, expert bénévole à la SIDI.

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InfoSidi - Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement Directeur de la publication : Christian Schmitz ■ Réalisation : Laurent Chéreau

Photos : SIDI ■ Imprimeur : Impression Directe

SIDI - 12 rue Guy de la Brosse - 75005 Paris - 01 40 46 70 00 - Fax : 01 46 34 81 18 - www.sidi.fr

Le Mot D’ESD…

Une Interview du Président d’ESD, Guy Dequeker

Vous êtes un militant de longue date, vous êtes actionnaire de la SIDI et souscripteur au Fonds Commun « Faim et Développement », vous êtes correspondant SIDI/CCFD. Qu’est ce qui vous a poussé à prendre la responsabilité d’ESD ?

C’est parce que je suis toujours militant que peu à peu j’en suis arrivé à la présidence d’ESD. Je suis en effet convaincu du rôle irremplaçable des militants dans le capital et l’action de la SIDI, et j’aimerais que nous contribuions encore plus à développer cette démarche d’investissement et d’épargne solidaire.

Aujourd’hui vous êtes président d’ESD. Quels sont les défis que vous voulez aborder, avec ESD et la SIDI, pour faire progresser la finance solidaire en France ?

J’espère que le « vous » de la question n’est pas un vous de politesse, mais un « vous » qui s’adresse collectivement au C.A. d’ESD. En effet, nous avons réfléchi ensemble à la vi-sion que nous avons de l’avenir, et comptons la soumettre à l’AG du 1er juin 2007. En résumé, disons que nous imaginons un ESD qui peu à peu deviendrait :

• un lieu d’échange d’informations, dans les 2 sens, entre la SIDI, les actionnaires et épar-gnants du FCP, et éventuellement le grand public ou, au moins, les publics de sympathi-sants potentiels. C’est ainsi que nous avons réussi, à une échelle bien trop limitée, à faire paraître des articles à l’occasion du prix Nobel de la Paix de Muhammad Yunus dans les bulletins des mouvements et services d’Eglise et les bulletins paroissiaux. Dans l’autre sens, avant l’augmentation de capital, nous avons attiré l’attention de la SIDI sur l’impor-tance pour les investisseurs solidaires que la SIDI ait bien le label « Entreprise solidaire » (qui a été obtenu début 2006).

• un outil de coopération entre les actionnaires, les organes de pilotage de la SIDI et les opérationnels de celle-ci, avec une attention particulière pour la dimension de développe-ment et de viabilité sociale. Je rêve que nous soyons nombreux, au moins à l’AG, à analy-ser l’action de la SIDI et à poser des questions. Encore faudra-t-il que nous progressions dans la communication de l’information.

• une possibilité d’engagement pour des investisseurs solidaires souhaitant dépasser le simple placement financier dormant. La SIDI emploie déjà quelques bénévoles hautement qualifiés, mais il y a beaucoup d’actions, par exemple d’information, qui pourraient impli-quer davantage des adhérents d’ESD.

Cela nécessitera, et en même temps cela permettra, une mobilisation accrue des membres d’ESD qui souhaitent que progresse notre concept de chaîne internationale de solidarité pour le financement, dans lequel la SIDI et ESD sont engagés ensemble

Vous connaissez bien, à travers les voyages SIDI au Sénégal, Pérou, Cambodge Viet-nam…, l’activité de la SIDI sur le terrain. Quels signes d’espoir voyez-vous dans ce type d’intervention ?

Les résultats obtenus par les bénéficiaires finaux de prêts sont stupéfiants. Pourtant, le montant de ces prêts nous parait souvent négligeable. Et quand je parle de résultat, ce n’est pas seulement au plan économique : cette Sénégalaise devenue la marchande de tis-sus de son village à partir d’un premier prêt de 15 € ne nous a pas dit qu’elle vivait mieux au plan matériel, elle nous a dit qu’elle ne devait plus mendier auprès de ses frères pour payer la scolarité de ses enfants.

Tout ce que j’ai vu confirme que les plus pauvres, dès qu’ils disposent du capital d’amor-çage d’une activité, savent en tirer parti. Mais ce que j’ai vu montre que le fait de ne pas se retrouver seul avec son emprunt est aussi une grande condition de réussite. Que l’on appelle cela de la solidarité ou de l’accompagnement, c’est fondamental. Or, c’est une des intuitions, et une des particularités, de la SIDI : promouvoir cette démarche d’accompa-gnent à tous les stades : entre SIDI et partenaires, et entre ceux-ci et les bénéficiaires fi-naux. Alors, la micro finance n’est sans doute pas la panacée. Elle ne peut régler en parti-culier les problématiques non marchandes. Mais dès qu’on est dans le domaine économi-que, quel bel outil !

En bref…La vie de la SIDI

La SIDI en 2006 s’est désengagée avec succès de deux anciens partenaires, TISE en Pologne, et Pro-fund en Amérique Latine. Le désengagement avec INDES au Chili se poursuit.

Bolivie : ANED, Association Nationale Œcuméni-que pour le Développement, existe depuis 1978 et s'est spécialisée dans la fourniture de services fi-nanciers aux ruraux. ANED rayonne pratiquement dans tout le pays. En 2006, la SIDI lui a octroyé un prêt de 200 000 dollars, convertible en Capital, en vue de participer activement à son institutionnalisa-tion. En effet, sa transformation en société finan-cière lui permettra de mieux répondre aux contrain-tes de son propre financement. La SIDI a choisi ANED, dans ce pays si bien doté en Institutions de Microfinance, en considération de son ancrage spé-cifiquement rural.

Egypte : AEDG, Association Egyptienne pour le Développement Global, en Egypte, offre des servi-ces financiers à environ 700 personnes, éleveurs, agriculteurs et commerçants. La SIDI lui a apporté un prêt en monnaie locale d’environ 240 000 €, soit environ la moitié des ressources de la structure.

Burkina-Faso : La Coopérative Rizicole et Maraî-chère de Mogtedo, au Burkina-Faso, achète chaque année à ses 370 membres de l’engrais, que ces der-niers remboursent ensuite (en nature ou en argent) après avoir vendu leur récolte. Pour ce faire, la coopérative emprunte à une banque locale, mais ce prêt ne suffit pas à couvrir les besoins. La SIDI a été sollicitée, et rassurée par la gestion de la coopé-rative (notamment du marché local dont elle a la responsabilité), elle a décidé en 2006 de doubler le prêt de la banque (pour 15 000 €).

Palestine : Après une importante mission conjointe SIDI/CCFD en Palestine, la SIDI s’est engagée (pour 200 000 € en tout) auprès de deux institutions pour leur permettre de maintenir une offre de servi-ces financiers auprès des femmes et des agri-culteurs, malgré les problèmes politiques. Elle met aussi en place un « fonds de garantie Palestine » en pertenariat avec Banca Etica (Italie) et Un Sol Mon (Espagne). Enfin, elle appuie pour 100 000 € la création d’un fonds de garantie pour l’amélioration de l’habitat.

Sénégal : La recherche d’innovation avec les paysans a débouché sur le financement à long terme d’installations d’énergie solaire dans les villages de la région de Méckhé.

Voyage au Pérou : Fin 2006, plus de 40 actionnai-res et épargnants solidaires ont rencontré les parte-naires de la SIDI et du CCFD. Le prochain InfoSI-DI apportera leurs témoignages.