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290 Ann Dermatol Venereol 2005;132:290-1 Formation médicale continue Lymphologie Intérêt de la compression élastique dans le traitement des lymphœdèmes S. VIGNES e traitement des lymphœdèmes (LO) repose sur la physiothéra- pie décongestive complète dont la principale composante est le banda- ge peu élastique multicouche [1]. Après avoir obtenu une réduction de volume par ces procédés, il est indispensable de maintenir le résultat par le port d’une compression élastique. Son effi- cacité n’a jamais été rigoureusement confirmée par des essais thérapeuti- ques mais son utilisation est recom- mandée par les conférences de consensus [2]. Il est préférable d’utili- ser le terme de compression élastique et de réserver celui de contention aux bandages peu élastiques. En effet, la compression élastique exerce une pres- sion permanente sur le membre atteint par le LO en raison de la présence des fibres élastiques. Généralités sur les compressions élastiques Les compressions élastiques sont com- posées de fibres élastiques autour des- quelles sont tissés des fils non élastiques (ex : coton). Elles sont caracté- risées par une force de pression qui dé- finit ainsi les classes de compression : classe 1 (10-15 mmHg), 2 (15-20 mmHg), 3 (20-36 mmHg) et 4 (> 36 mmHg) ; à classes identiques, elles sont inférieu- res en France à celles des autres pays européens. Elles doivent être lavées à la main et séchées à l’air libre mais pas en sèche-linge ni sur un radiateur. Leur durée de vie est mal connue mais il est préconisé de les remplacer tous les 3 à 4 mois. La partie supérieure de la com- pression est formée par un autofixant avec des bandes de silicone ou des pi- cots (membres inférieurs). Les com- pressions élastiques seules entraînent une diminution modeste du volume du LO, mais surtout permettent de main- tenir le résultat obtenu après un traite- ment intensif (par bandages peu élastiques) et d’éviter la reprise volumé- trique [3]. Ainsi, Badger et al. avaient comparé, dans une étude randomisée comprenant 83 patients avec un LO du membre supérieur ou inférieur, le trai- tement intensif de physiothérapie dé- congestive pendant 18 jours suivi du port d’une compression élastique, à la compression seule. Les résultats étaient appréciés par volumétrie à la vingt qua- trième semaine. Le pourcentage de di- minution d’excès de volume était de 31 p. 100 dans le groupe physiothérapie Fig. 1a, 1b. Manchon avec mitaine attenante (a), ne prenant pas la main (b). 1b 1a Unité de Lymphologie, Hôpital Cognacq-Jay, site Broussais, 102 rue Didot, 75014 Paris. Tirés à part : S. VIGNES, Unité de Lymphologie, Hôpital Cognacq-Jay, Site Broussais, 102, rue Didot, 75014 Paris. E-mail : [email protected] L

Intérêt de la compression élastique dans le traitement des lymphœdèmes

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Page 1: Intérêt de la compression élastique dans le traitement des lymphœdèmes

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Ann Dermatol Venereol2005;132:290-1Formation médicale continue

LymphologieIntérêt de la compression élastique dans le traitement des lymphœdèmesS. VIGNES

e traitement des lymphœdèmes

(LO) repose sur la physiothéra-

pie décongestive complète dont

la principale composante est le banda-

ge peu élastique multicouche [1]. Après

avoir obtenu une réduction de volume

par ces procédés, il est indispensable

de maintenir le résultat par le port

d’une compression élastique. Son effi-

cacité n’a jamais été rigoureusement

confirmée par des essais thérapeuti-

ques mais son utilisation est recom-

mandée par les conférences de

consensus [2]. Il est préférable d’utili-

ser le terme de compression élastique

et de réserver celui de contention aux

bandages peu élastiques. En effet, la

compression élastique exerce une pres-

sion permanente sur le membre atteint

par le LO en raison de la présence des

fibres élastiques.

Généralités sur les compressions élastiques

Les compressions élastiques sont com-

posées de fibres élastiques autour des-

quelles sont tissés des fils non

élastiques (ex : coton). Elles sont caracté-

risées par une force de pression qui dé-

finit ainsi les classes de compression :

classe 1 (10-15 mmHg), 2 (15-20 mmHg),

3 (20-36 mmHg) et 4 (> 36 mmHg) ;

à classes identiques, elles sont inférieu-

res en France à celles des autres pays

européens. Elles doivent être lavées à la

main et séchées à l’air libre mais pas en

sèche-linge ni sur un radiateur. Leur

durée de vie est mal connue mais il est

préconisé de les remplacer tous les 3 à

4 mois. La partie supérieure de la com-

pression est formée par un autofixant

avec des bandes de silicone ou des pi-

cots (membres inférieurs). Les com-

pressions élastiques seules entraînent

une diminution modeste du volume du

LO, mais surtout permettent de main-

tenir le résultat obtenu après un traite-

ment intensif (par bandages peu

élastiques) et d’éviter la reprise volumé-

trique [3]. Ainsi, Badger et al. avaient

comparé, dans une étude randomisée

comprenant 83 patients avec un LO du

membre supérieur ou inférieur, le trai-

tement intensif de physiothérapie dé-

congestive pendant 18 jours suivi du

port d’une compression élastique, à la

compression seule. Les résultats étaient

appréciés par volumétrie à la vingt qua-

trième semaine. Le pourcentage de di-

minution d’excès de volume était de

31 p. 100 dans le groupe physiothérapie

Fig. 1a, 1b. Manchon avec mitaine attenante (a), ne prenant pas la main (b).

1b1a

Unité de Lymphologie, Hôpital Cognacq-Jay, site Broussais, 102 rue Didot, 75014 Paris.

Tirés à part : S. VIGNES, Unité de Lymphologie,

Hôpital Cognacq-Jay, Site Broussais, 102, rue Didot,

75014 Paris.

E-mail : [email protected]

L

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Ann Dermatol Venereol2005;132:290-1Intérêt de la compression élastique dans le traitement des lymphœdèmes

puis compression et de 15,2 p. 100 dans

le groupe compression seule [4]. Ces ré-

sultats confirmaient ceux d’une précé-

dente étude ouverte, portant sur 120

femmes ayant un LO secondaire du

membre supérieur, dans laquelle la di-

minution de volume obtenu avec la

compression seule était de 14,7 p. 100 à

6 mois [3].

Lymphœdèmes du membre supérieur

II s’agit surtout de LO secondaires aux

traitements du cancer du sein. Il est

souvent difficile de faire accepter les

compressions qui sont pourtant indis-

pensables au maintien de la réduction

du volume du membre atteint. Il faut

insister sur l’intérêt qu’elles soient por-

tées quotidiennement. Il n’est pas né-

cessaire de les garder la nuit. Le type de

compression doit être adapté au LO :

manchon avec (fig. 1a) ou sans mitaine

(couvrant la main) (fig. 1b). Les man-

chons s’arrêtant au poignet sont adap-

tés aux LO du membre supérieur sans

atteinte de la main, mais ils peuvent fa-

voriser le développement de cette der-

nière. Les patientes qui n’ont pas été

prévenues d’une telle possibilité cesse-

ront de porter le manchon. Il est donc

préférable de prescrire d’emblée un

manchon avec mitaine attenante. Ce-

pendant, si le LO touche les doigts, les

compressions habituelles sont peu effi-

caces. L’utilisation de gantelet est alors

possible, chaque doigt (première voire

deuxième phalange) étant comprimé.

Mais les contraintes de ces gantelets

les font réserver aux personnes très

motivées. Les compressions tolérées

au membre supérieur sont de classe 2

ou 3.

Lymphœdèmes des membres inférieurs

II existe différents types de

compression : bas jarret (chaussette),

bas cuisse, collant, hémi-collant ou

panty. Il est préférable d’utiliser des bas

cuisses car les bas jarrets entraînent

fréquemment une striction à la partie

supérieure du mollet et peuvent faire

remonter le LO au niveau du genou. La

partie distale peut être ouverte (pied

ouvert) ou fermée. Dans les LO des

membres inférieurs, les forces de pres-

sion tolérées sont nettement supérieu-

res à celles des membres supérieurs. La

classe 3 est souvent le minimum néces-

saire avec la possibilité de superposi-

tion qui permet d’augmenter la force de

pression et donc l’efficacité du procédé.

Ceci est particulièrement utile dans les

LO proximaux touchant les cuisses car,

les compressions étant dégressives, la

pression de la partie haute du bas cuis-

se est faible même dans les classes 3 et

4. Si le LO touche la fesse, le pubis ou

les organes génitaux, il faut avoir re-

cours à des pantys de compression, aux

pressions de l’ordre de 20 à 25 mmHg,

dont les indications habituelles ne sont

pas les LO mais la prévention des cica-

trices chéloïdiennes chez les brûlés

(fig. 2). Les collants ne sont pas com-

pressifs au niveau des fesses ou du pu-

bis, la partie supérieure ne servant que

de soutien.

Références

1. Harris SR, Hugi MR, Olivotto IA, Levine M,Steering Committee for Clinical Practice Guide-lines for the Care and Treatment of Breast Can-cer. Clinical practice guidelines for the care andtreatment of breast cancer: 11. Lymphedema.CMAJ 2001;164:191-9.

2. The diagnosis and treatment of peripherallymphedema. Consensus document of the In-ternational Society of Lymphology. Lymphology2003;36:84-91.

3. Boris M, Weindorf S, Lasinski B, Boris G.Lymphedema reduction by noninvasive com-plex lymphedema therapy. Oncology (Hunt-ingt) 1994;8:95-106; discussion 109-10.

4. Badger CM, Peacock JL, Mortimer PS. A ran-domized, controlled, parallel-group clinical trialcomparing multilayer bandaging followed byhosiery versus hosiery alone in the treatment ofpatients with lymphedema of the limb. Cancer2000;88:2832-7.

Fig. 2. Panty jambe longue droite associé à un bas cuisse.