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Intervention d’Eric Vève en Conseil municipal de Caen 4 novembre 2013 Au sujet du projet de fermeture du collège Lemière et de nouvelle sectorisation des élèves du périmètre scolaire des écoles primaires Lemière et Jean Guehenno Le Président du Conseil général du Calvados a demandé au Maire de Caen de se prononcer sur la proposition qui sera faite lors du Conseil Départemental de l’Education Nationale (CDEN) du 12 novembre prochain à savoir de fermer le collège Lemière et de sectoriser les élèves des écoles R. Lemière et J. Guéhénno au collège H. Brunet, et de privilégier une sectorisation des élèves de Louvigny sur le collège Marcel Pagnol. Vous avez tous reçu le rapport sur lequel nous devons nous prononcer. Je n’entends pas en lire le contenu, mais plutôt insister sur quelques aspects. 1. Premier point : le Président du Conseil général du Calvados a pris le parti, particulièrement critiquable, de ne s’intéresser aux évolutions de la démographie scolaire et à la sectorisation des collèges que dans une partie très limitée du Calvados. L’étude qu’il a commandée auprès du cabinet Inexia ne porte en effet que sur 13% de la surface départementale et seulement 42% des collégiens du Calvados, ce qui est particulièrement inéquitable. 1

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Intervention d’Eric Vève en Conseil municipal de Caen

4 novembre 2013

Au sujet du projet de fermeture du collège Lemière et de nouvelle sectorisation des élèves du périmètre scolaire des écoles primaires Lemière et

Jean Guehenno

Le Président du Conseil général du Calvados a demandé au Maire de Caen de se prononcer sur la proposition qui sera faite lors du Conseil Départemental de l’Education Nationale (CDEN) du 12 novembre prochain à savoir de fermer le collège Lemière et de sectoriser les élèves des écoles R. Lemière et J. Guéhénno au collège H. Brunet, et de privilégier une sectorisation des élèves de Louvigny sur le collège Marcel Pagnol.

Vous avez tous reçu le rapport sur lequel nous devons nous prononcer. Je n’entends pas en lire le contenu, mais plutôt insister sur quelques aspects.

1. Premier point : le Président du Conseil général du Calvados a pris le parti, particulièrement critiquable, de ne s’intéresser aux évolutions de la démographie scolaire et à la sectorisation des collèges que dans une partie très limitée du Calvados.

L’étude qu’il a commandée auprès du cabinet Inexia ne porte en effet que sur 13% de la surface départementale et seulement 42% des collégiens du Calvados, ce qui est particulièrement inéquitable.

Dans un souci d’égalité de traitement des différentes composantes du département, il eut été nécessaire de faire porter l’étude à l’échelle de tout le Calvados. D’autant que trois collèges extérieurs au périmètre de l’étude INEXIA ont connu une baisse importante de leurs effectifs au cours des dix dernières années (entre -20 à -35%). Ajoutons que trois autres collèges, également extérieurs au périmètre de l’étude INEXIA, comptent aujourd’hui moins de 190 élèves1.

1 Cabourg, Port-en-Bessin et Trévières (188 élèves).

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Mais le Président du Conseil général était certainement d’autant moins enclin à s’intéresser à ces six collèges que leur siège est situé soit dans une ville de Droite, soit dans un canton de Droite, soit les deux à la fois…

2. Deuxième point : l’étude INEXIA relève que la ville de Caen a perdu des habitants et donc des jeunes en raison d’une production insuffisante de logements sous l’ancien mandat. Cela est incontestable, et nous l’avons suffisamment répété depuis 2008. C’est ce qui a justifié notre PLH particulièrement ambitieux, je n’y reviens pas.

Malgré tout, l’étude Inexia est contestable sur au moins deux aspects.

En premier lieu, il y est affirmé que les collèges de Caen ont perdu 1600 élèves dans le public en dix ans, ce que Monsieur Dupont reprend à son compte. Or, quand on observe de près les évolutions sur la période qui court de la rentrée 2003 à la rentrée 2012 -soit dix ans- telles qu’elles sont précisées dans les tableaux du Rectorat, on se rend compte que la baisse n’est pas de 1600 élèves dans les collèges publics de Caen, comme annoncé, mais de… 624 élèves2 en ce compris le collège Jacquard (-214 élèves). On constate par ailleurs une légère tendance à la hausse depuis 2011.

En second lieu, l’étude Inexia, qui a été rendue en 2012, ne prend en compte les évolutions de la politique du logement que jusqu’en 2010. Or, comme chacun le sait, les résultats du PLH depuis trois ans sont à la hauteur de nos ambitions et les dépassent même.

3. Troisième point : en voulant que le collège Lemière ferme coûte que coûte, le président du Conseil général s’enferme tout seul dans une lubie destructrice, un caprice politique, qui l’empêchent d’entendre les arguments qui militent en faveur du maintien de cet établissement.

Le premier d’entre eux est bien évidemment celui de l’intérêt supérieur des élèves, dont le président du Conseil général n’a jamais tenu compte.

Comme l’indique le site Internet de l’académie de Caen, cet établissement offre « d’excellentes conditions de travail ». Lemière est effectivement un collège à

2 On passe ainsi de 5580 élèves à 4956.

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taille humaine où il est agréable d’étudier. C’est ce qui explique ses très bons résultats et la stabilité de ses effectifs, jusqu’à l’annonce de sa fermeture.

En outre, la présence de cinq sections sportives constitue assurément l’un des points forts du collège. La pratique de ces sports est facilitée par la proximité immédiate de grands équipements sportifs- la patinoire, le stade nautique, le stade Hélitas- dans lesquels les élèves peuvent se rendre à pied. Plusieurs grands sportifs Français de haut niveau, dont certains nous représenteront aux prochains JO, sont issus de ce collège3. Eloigner les sections sportives de leur lieu de pratique, comme cela est proposé par le Conseil général, signerait la condamnation de ces classes : le temps de transport hebdomadaire est estimé à 3 heures ! Trois heures à ajouter à un emploi du temps déjà très chargé, qui commence très tôt et se termine tard !...

Ajoutons que le collège Lemière est de loin, de très loin même, le collège du département le mieux desservi en transports en commun : 14 lignes de transports urbains, et plus de 10 lignes de transports inter-urbains !

Deuxièmement, contrairement à ce que l’on entend ici et là, Lemière est un collège dans lequel prévaut une bonne mixité sociale : cela tient, notamment, à la présence de nombreux logements sociaux à Louvigny4, sans compter ceux qui sont ou seront construits à proximité immédiate du collège5. De même, les élèves en section sportive sont le plus souvent issus des classes moyennes.

Troisièmement, Lemière est un collège qui ne peut pas connaître des problèmes d’effectifs.

Comme chacun le sait, il inclut dans son périmètre scolaire le centre-ville de Caen et la commune de Louvigny. Dans le centre-ville de Caen, ce sont plus de 300 logements qui seront livrés à court terme à proximité immédiate du collège Lemière, avec les projets de Gardin et de la caserne Martin, dont une part significative de logements sociaux. Quant à Louvigny, c’est la commune du département du Calvados qui a connu, en pourcentage, la plus forte évolution de sa population entre 1999 et 2006 et la plus forte évolution de l’agglomération caennaise entre 1999 et 2009.

3 Alexis Bruchon, Jérémy Nègre et Lucile Métayer en natation, Pierre Benett en hockey, Bruno Massot en patinage artistique.4 26% alors même que la Commune n’est pas soumise à la loi SRU.5 Gardin et caserne Martin.

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C’est pour toutes ces raisons que Lemière est le seul établissement de Caen, avec deux autres, qui connaîtra, s’il est conservé, un taux d’occupation de 90% dans les dix ans à venir.

Quatrièmement, la fermeture de Lemière serait également un non-sens d’un point de vue financier, et ce pour deux raisons.

D’abord, parce que le Conseil général y a investi près de 1,6 millions d’euros au cours de ces dix dernières années. Fermer le collège Lemière poserait ainsi question au regard du souci de bonne gestion des deniers publics !

Ensuite, parce que le surcoût en frais de fonctionnement pour emmener les élèves des sections sportives de Pagnol et Dunois vers les équipement en centre-ville, comme cela est prévu par Monsieur Dupont, serait de l’ordre de 35 000 euros par an6 ; et il serait nécessaire de faire l’acquisition d’un voire de deux bus, soit un investissement de 220 000 à 440 000 euros !

Cinquièmement, s'il est probable qu'une toute petite partie des effectifs accepterait d'être redirigée vers un nouvel établissement, il est assuré qu’un certain nombre de parents d'élèves feraient le choix du secteur privé en cas de fermeture de Lemière. D’ailleurs, depuis l’annonce du Président du Conseil général, plusieurs collèges privés font de la publicité dans le périmètre scolaire du collège afin d’inciter les habitants à inscrire leurs enfants dans leurs établissements. Pour nous autres élu-e-s républicains très attachés aux principes d’une éducation publique, laïque et gratuite, ceci est on ne peut plus problématique !

Sixièmement, la présence d’un collège comme Lemière contribue aux fonctions métropolitaines d’un centre-ville. Les commerçants du centre-ville y attachent beaucoup d’importance. C’est la raison pour laquelle le Bureau et le Conseil d’administration des Vitrines de Caen ont tenu à apporter leur soutien au maintien de Lemière, eu égard au fait que ce collège est –je cite- « un facteur de trafic des familles et des enseignants qui participent à l’activité du commerce caennais ».

6 Salaires de l’agent de conduite, carburant, entretien des véhicules.

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4. Ce qui est particulièrement choquant - et c’est le quatrième et dernier point de mon intervention- c’est que le Président du Conseil général est prêt à tout pour fermer le collège Lemière, y compris se fourvoyer dans des contre-vérités, voire des mensonges. J’en veux pour preuve trois illustrations.

Le premier mensonge, c’est lorsqu’il a affirmé, le 3 septembre 2012, lors d’une conférence de presse à la veille de la rentrée scolaire, qu’un collège devrait fermer parmi Lemière et Pagnol : ce serait soit l’un soit l’autre. Par la suite, et jusqu’à sa décision de fermer Lemière, Monsieur Dupont n’a cessé d’affirmer que la survie de l’un dépendait de la fermeture de l’autre.

Or, Monsieur Dupont n’a jamais eu l’intention de fermer le collège Pagnol comme cela ressort d’une page de son blog du 31 janvier 2012. Ajoutons que l’étude du cabinet INEXIA n’a jamais lié la survie d’un de ces collèges à la disparition de l’autre.

Cette opposition entre les deux collèges a donc été créée de toutes pièces par Monsieur Dupont, et n’avait donc pour autre but que de susciter une « lever de boucliers » contre la perspective de fermeture de Pagnol, après l’annonce de la fermeture du collège Jacquard, et ce afin de pouvoir fermer Lemière plus facilement.

Contrairement à ce qu’essaie de faire croire Monsieur Dupont, ce n’est pas en fermant Lemière que l’on valorisera et sauvera Pagnol. Le sursaut de ce collège dépend de trois facteurs : des investissements importants après que le Conseil général l’ait abandonné pendant de nombreuses années au point de devoir injecter 6,5 millions d’euros à présent ; un projet pédagogique travaillé de concert avec l’ensemble des acteurs : éducation nationale, département et ville ; et enfin, une nouvelle sectorisation. A cet égard, il est complètement inepte que le Conseil général entende rattacher Louvigny au secteur de Pagnol, alors même que tous les collèges au sud de l’agglomération ont connu une explosion de leurs effectifs au cours de ces dernières années : Verson (+16%)7, Ifs (+18%)8, Saint Martin de Fontenay (+19%)9 et Evrecy (+26%)10. L’idée serait ainsi de redessiner la carte scolaire au sud de l’agglomération et de rattacher une partie des effectifs de l’un de ces collèges à Marcel Pagnol.

7 De 553 à 657 élèves.8 De 498 à 604 élèves.9 De 540 élèves à 662 élèves.10 De 477 à 643 élèves.

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Le deuxième mensonge, c’est quand le président du Conseil général a affirmé que Lemière déroge à la réglementation en matière de sécurité. Or, les deux dernières commissions de sécurité en 2008 et 2011 ont donné un avis favorable à la poursuite de l’exploitation du collège et indiqué qu’il pouvait accueillir, dans sa configuration actuelle, jusqu’à 400 élèves.

Troisième mensonge, c’est lorsque le président du Département a indiqué, s’appuyant sur une étude du cabinet Ecola –des économistes de la construction- qu’il faudrait investir 8,3 M € TTC pour conserver le collège Lemière. Précisons que ce montant avoisine le coût de la construction d’un collège neuf ! Je ne sais pas si c’est le même économiste de la construction qui a conclu à la nécessité d’investir 15 millions d’euros pour rénover l’hôtel du département, dont 2,5 millions pour la seule maison du département (…), ce qui pourrait expliquer une certaine flambée des coûts...

Quoi qu’il en soit, et parce que l’association pour le maintien du collège Lemière est dirigée par des gens sérieux, que nous voulons saluer, il a été demandé à trois architectes différents et à une économiste de la construction de contre-expertiser l’étude d’Ecola. Leur conclusions est tout à fait édifiante : le montant des travaux de la mise aux normes du collège n’est que de 470.000 € TTC, soit 20 fois moins ! Et encore, ne portent-t-ils que sur la mise en accessibilité.

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Monsieur le Maire, mes chers collègues, ce dont il est question ce soir, c’est de l’avenir d’un collège qui a pour nom un résistant que notre mairie a su honorer en son temps. Ce dont il est question, c’est de l’avenir d’un de nos collèges en centre-ville !

A ce jour, le Conseil d'administration de Lemière a émis un avis négatif, à une très large majorité, lors de sa séance du 25 juin 2013.

Le Conseil municipal de Louvigny a voté à l’unanimité contre le projet de fermeture et de nouvelle sectorisation, lors de sa séance du 21 octobre 2013.

Le CDEN se réunira prochainement.

En attendant, nous devons nous prononcer sur ce rapport.

Il est souhaitable que l’unanimité prévale, y compris dans les rangs de ceux –je devrais dire aussi de celle- qui se reconnaissent dans l’action et les idées de Monsieur Dupont. De la même façon, il serait souhaitable que M.M. Bruneau et Lailler, qui sont pour le moins silencieux sur ce sujet, nous rejoignent dans notre volonté de maintien du collège.

Madame d’Ornano n’a jamais évoqué, directement ou indirectement, la perspective d’une fermeture du collège Lemière, pendant toutes les années où elle a présidé le Département du Calvados.

Quelle mouche a donc piqué le nouveau Président du Conseil général ?...

Depuis le début, il n’a jamais organisé la moindre concertation avec les acteurs concernés ; il a imposé ses décisions, sans consulter ni sa commission chargée des collèges, ni a fortiori l’assemblée départementale. Monsieur Dupont, qui avait envoyé son directeur général des services à Jacquart, n’a jamais daigné rencontrer les parents d’élèves et enseignants dans l’enceinte du collège Lemière, comme nous lui avions proposé, alors que celui-ci se trouve à quelques mètres pourtant du Conseil général.

Je forme le vœu que le Président du Conseil général décide enfin d’entendre tous les personnes qui considèrent que la fermeture de Lemière serait une faute politique grave pour toutes les raisons que j’ai énoncées : les jeunes collégiens qui ne comprennent rien à ce qui leur arrive, l’Association pour le maintien du collège Lemière, les parents d’élèves, les enseignants, les comités sportifs, les commerçants, beaucoup de concitoyens qui nous interpellent et qui nous soutiennent, et l’ensemble des élu-es que nous sommes.

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