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- 1 - UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS Année universitaire 2016 - 2017 G. DANJAUME Séminaires INTRODUCTION À L’ÉTUDE DU DROIT

INTRODUCTION À L’ÉTUDE DU DROIT - UFR droit - … · 2016-10-05 · - 1 - UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS Année universitaire 2016 - 2017 G. DANJAUME Séminaires

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

G. DANJAUME

Séminaires

INTRODUCTION À L’ÉTUDE DU DROIT

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Cours d’introduction à l’étude du droit

INTRODUCTION

Titre I : Les éléments du droit

Sous -titre I : Le droit objectif

Chapitre I : Les sources du droit Section I : Les sources historiques § I : L’ancien droit § II : Le droit intermédiaire § III : Le code civil Section II : Les sources actuelles

§ I : Les sources supra-législatives § II : La loi § III : Les règlements administratifs § IV : La coutume § V : La jurisprudence

§ VI : Les principes généraux du droit Chapitre II : Les autorités du droit Section I : Les autorités fondamentales § I : La doctrine § II : Les autorités administratives Section II : Les autorités accessoires Chapitre III : Les ordres de juridictions Sous-Chapitre I : Les juridictions nationales ratta chées à aucun ordre Section I : Le Conseil constitutionnel § I : L’organisation du Conseil Constitutionnel § II : La compétence du Conseil Constitutionnel Section II : Le tribunal des conflits § I : L’organisation du Tribunal des conflits § II : Les attributions du Tribunal des conflits

Section III : La Haute Cour

Sous-Chapitre II : Les juridictions civiles de l’or dre judiciaire Section I : Les juridictions de droit commun § I : Le tribunal de grande instance § II : La Cour d’appel Section II : Les juridictions d’exception § I : Le tribunal d’instance § II : Le tribunal de commerce § III : Le conseil de prud’hommes

Section III : Les juridictions de proximité Section IV : La Cour de cassation § I : La composition de la Cour de cassation § II : Les attributions de la Cour de cassation § III : Le mécanisme du pourvoi en cassation

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Sous-Chapitre III : Les juridictions de l’ordre adm inistratif Section I : Le Conseil d’État § I : L’organisation du Conseil d’État § II : La compétence du Conseil d’État Section II : Les juridictions subordonnées au Conse il d’État § I : Les tribunaux administratifs § II : Les Cours administratives d’appel

Sous -titre II : Les droits subjectifs

Chapitre I : Les sources des droits subjectifs Section I : Les faits juridiques § I : Les faits involontaires § II : Les faits volontaires Section II : Les actes juridiques § I : Les classifications des actes juridiques § II : Les conditions de validité des actes juridiques Chapitre II : Les titulaires des droits subjectifs Section I : Les personnes physiques § I : L’existence des personnes physiques § II : L’identification des personnes physiques § III : Les droits des personnes physiques Section II : Les personnes morales § I : L’histoire des personnes morales § II : Les classifications des personnes morales § III : Le régime juridique des personnes morales

Titre II : L’application du droit

Chapitre I : L’application du droit dans le temps Section I : Les changements résultant du droit § I : Les conflits de lois dans le temps § II : Les revirements de jurisprudence Section II : Les changements résultant des sujets d e droit § I : Les changements de situation juridique § II : Les changements affectant les droits subjectifs Chapitre II : L’application du droit dans l’espace Section I : La frontière avec le droit étranger Section II : La frontière avec les droits internes spécifiques

§ I : La législation applicable en Alsace et en Moselle § II : La législation applicable outre-mer

Chapitre III : L’interprétation du droit Section I : Le domaine de l’interprétation Section II : Les auteurs de l’interprétation § I : L’interprétation administrative § II : L’interprétation judiciaire § III : L’interprétation des autres praticiens du droit Section III : Les méthodes d’interprétation § I : Les principes d’interprétation § II : Les méthodes générales de l’interprétation § III : Les procédés spécifiques d’interprétation

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Licence 1 Thèmes 1 à 10

G. DANJAUME

- Eléments de Méthodologie - Thème n°1 - Prise de contact - : Le droit dans la vie quotidienne, le droit et les autres règles de conduite, quelques grands principes du droit - Thème n° 2 : La codification - Thème n° 3 : Les sources du droit - Thème n° 4 : La hiérarchie des normes - Thème n° 5 : Le nom et le prénom - Thème n° 6 : La vie – le corps humain - Thème n° 7 : Personnes physiques – personnes morales - Thème n° 8 : L’application de la loi dans le temps - Thème n° 9 : L’application de la loi dans l’espace

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Eléments de Méthodologie

G. DANJAUME - Le cas pratique - La dissertation - Le commentaire d’arrêt Voir aussi : - J. BONNARD, Méthodes de travail de l’étudiant en droit, Hachette Supérieur. - Christian ATIAS, enseigner le droit civil, RTDC 1998, p. 286.

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Trois exercices seront abordés : le cas pratique, la dissertation et le commentaire d’arrêt. Le cas pratique L’exercice consiste à résoudre une situation concrète posant des problèmes juridiques. Trois étapes sont nécessaires à la résolution du cas pratique.

- la qualification juridique des faits : il s’agit de réécrire les faits dans un langage juridique. Ainsi, il faut préciser à quel domaine juridique le cas d’espèce se rapporte : application de la loi pénale dans le temps, tentative…

- l’énoncé de la règle de droit : à partir de la qualification juridique des faits, il convient de préciser les règles de droit applicables. Ainsi, l’article 311-1 du Code pénal précise que le vol est défini comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui.

- la solution juridique : il s’agit de préciser, à partir de l’article 311-1 du Code pénal si le vol, c’est-à-dire la soustraction est caractérisé. La solution juridique permet de répondre à la question posée en fin de cas pratique.

La question se pose de savoir si le cas pratique doit être résolu à l’aide d’un plan. Si plusieurs questions sont posées en fin de cas pratique, la solution la plus simple consiste à répondre successivement à chacune des questions. Si la question posée est plus générale, il est alors nécessaire d’élaborer un plan, lequel comprend des parties et des sous parties. Le plan peut reprendre les trois étapes énoncées ci-dessus. Mais, il peut également être plus élaboré et comporter deux parties et deux sous parties. Chaque partie correspond alors à un problème juridique à traiter.

Plus précisément, le plan doit comporter une introduction avec une présentation des idées, une délimitation du sujet et une justification du plan adopté par rapport à la question de droit soulevée. Suit alors le plan qui doit obéir à une idée directrice. Si vous deviez assister à des T.D. vous devriez procéder sous forme de plan comme pour un commentaire d’arrêt ou un dissertation, c’est-à-dire qu’il est nécessaire de rechercher et de travailler les intitulés (cf. infra). Il n’est pas obligatoire de distinguer deux parties et deux sous-parties à l’intérieur de chacune des parties.. Il est, notamment, possible de disséquer votre raisonnement en trois parties. Une fois ce plan élaboré, vous devez procéder à la rédaction de chapeaux introductifs ainsi que de transitions entre chacune des sous-parties et entre les sous-parties et les parties. Cette rédaction ne constitue pas un simple exercice de style. Elle vous permet d’apprécier la cohérence interne de votre raisonnement. Du strict point de vue de la gestion du temps, cette étape de réflexion aboutissant à un plan doit environ durer 1 heure si l’on se place dans la perspective d’un examen de 3 heures. Ceci constitue l’essentiel de votre travail. dans le reste du temps qui vous est imparti, il ne vous reste donc plus qu’à rédiger ce que vous avez préalablement ébauché.

La dissertation La dissertation se présente sous la forme d’une introduction, suivie d’un plan, qui comporte généralement, deux parties et deux sous parties (I, A, B, II, A’ B’). Il n’est, néanmoins pas exclu que le plan puisse comprendre trois sous parties (A, B, C) ou trois parties (I, II, III). Introduction : l’introduction débute par une idée générale qui permet d’amener au sujet posé. Puis, on pose le sujet et on en précise l’intérêt. L’introduction se termine par l’annonce du plan, c’est-à-dire des deux parties, voire des trois. En revanche, on n’annonce pas les sous parties. Plan : le plan le plus académique comprend deux parties, avec chacune deux sous-parties. Ces deux parties correspondent aux deux éléments qui permettent de scinder le sujet. Ainsi, si le sujet de dissertation était « les troubles mentaux », les deux parties à opposer pourraient être les suivantes :

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- I : L’abolition du discernement ; - II : L’altération du discernement. Mais, pour un sujet donné, il n’existe pas un seul plan possible. Ainsi, on pourrait

proposer un plan différent : - I : La nature des troubles mentaux - II : Les effets des troubles mentaux

Le commentaire d’arrêt C'est l'exercice qui reflète le plus parfaitement l'esprit juridique. Pour mieux en comprendre l'importance, il est d'abord nécessaire d'envisager les principes directeurs du commentaire d'arrêt (I), et ensuite de préciser les techniques qui caractérisent une telle méthode de raisonnement (II). I - Les principes directeurs L'expression "commentaire d'arrêt" signifie toute décision de justice quelle qu'elle soit : un jugement émanant d'un tribunal, un arrêt d'une Cour d'appel ou de la Cour de cassation. L'intérêt d'un tel exercice est de faire le point sur une question de droit déterminée et que les juges ont eu à examiner. Il est primordial pour de ne pas négliger trois points essentiels qui vont sans cesse motiver sa démarche : le plan, les intitulés et le fond . Vous devez apprendre à vous familiariser avec la technique du plan juridique, ceci dans le cadre d'un cursus qui l'obligera à en user de manière permanente. La structure du plan est essentiellement binaire, c'est-à-dire divisée en deux parties relativement équilibrées. Il faut signaler que cette technique entend distinguer l'ensemble des points à traiter en deux thèmes distincts, eux-mêmes divisés en deux sous-parties et ainsi de suite. Cette approche rationnelle doit favoriser un raisonnement rigoureux et donc très clair de la question juridique. Le choix des intitulés est essentiel, car il révèle la maîtrise du sujet à développer et surtout, la nécessaire hauteur que l'on doit prendre pour favoriser une approche synthétique du problème. C'est pourquoi les intitulés doivent remplir plusieurs conditions : - D’abord la concision et la clarté. Il convient ainsi de trouver un titre le plus court possible, mais aussi le plus parlant. Le correcteur doit comprendre tout de suite quelle est la démarche suivie et quelles sont les options retenues. - Ensuite l'intitulé doit se présenter sous une forme nominative , c'est-à-dire qu'il ne doit pas contenir de verbe, toujours dans le but de ne pas alourdir la présentation. Le fond est évidemment le plus important, la "substantifique moelle" car le degré de connaissance sur tel ou tel point conditionne la réussite ou l'échec à l'examen. Rappelons que le support premier des connaissances est le cours magistral, ensuite les travaux dirigés qui ont pour objet d'approfondir les connaissances, et accessoirement un manuel de droit pénal général, car il est toujours bénéfique de voir comment un autre auteur a pu traiter la question. II - Les applications techniques La structure d'un commentaire implique quelques règles techniques qui vont servir de fil conducteur pour le développement. En premier lieu, il convient préalablement de rédiger la fiche d'arrêt en guise d'introduction. Toute fiche d'arrêt se décompose de la manière suivante :

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1) Les faits de l'espèce : il s'agit de présenter l'exposé des faits tels qu'ils sont rapportés dans l'arrêt (une voire deux phrases au plus). 2) La procédure : elle permet de suivre le cheminement jurisprudentiel d'une affaire, dès le début et jusqu'à la décision de la juridiction qui nous retient. Les prétentions des parties peuvent être développées à cette occasion ou faire l'objet d'une subdivision en plus. 3) Le problème de droit : trouver le problème de droit est souvent pour vous source de difficultés, mais une fois posé et bien posé, il permet de circonscrire le terrain de l'analyse et par là même, d'éviter le hors sujet et les digressions. Il va de cette sorte vous guider à vous intéresser uniquement à la question qu'on lui demande de résoudre. La manière de poser le problème de droit est un indicateur essentiel pour le correcteur qui voit d'emblée si l'étudiant a bien compris la problématique de l'arrêt. Il est donc primordial d'y apporter un soin particulier. 4) La solution : est la position juridique retenue par les juges dans un sens ou dans un autre. 5) Les motifs : c'est la motivation, l'argumentation qui sous-tend la solution retenue, c'est-à-dire les éléments juridiques qui sont contenus dans certains attendus de la décision et qu'il va falloir exploiter dans le commentaire proprement dit. La fiche d'arrêt terminée, il est alors possible d'entamer le développement en observant les points suivants : - la présentation de chaque partie et sous-partie est obligatoire, en utilisant des mots qui expriment le balancement des idées : d'une part... d'autre part, d'un côté... de l'autre, dans un premier temps... dans un second temps, etc. - Toute analyse doit impérieusement se référer à l'arrêt en reprenant certaines expressions, en illustrant par des exemples jurisprudentiels connus et dûment référencés. - Il est naturellement inopportun de donner son avis personnel, quand bien même cet avis serait le plus judicieux soit-il, car il n'est d'aucune utilité pour l'analyse juridique d'un arrêt. - Enfin, une conclusion ne s'impose pas dans un tel exercice.

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 1 - Prise de contact - : Le droit dans la vie quotidienne, le droit et les autres règles de conduite, quelques principes fonda mentaux du droit

G. DANJAUME

Exercice n°1 Dans le document suivant, - identifiez les situations juridiques. - lesquelles sont des contrats ? - relevez les règles de morale et les règles de bienséance ; celles-ci ont-t-elles donné lieu à la création de règles juridiques ? A la rentrée de septembre 2016, Donald, 17 ans, vient d’être reçu au baccalauréat. Pour

s’inscrire à l’Université Paris 8, il emprunte le métro. Malheureusement, ce jour-là, il y a un

mouvement de grève des transports en commun. Pour trouver un « job » à faire

parallèlement à ses études et pour patienter, il achète un journal qu’il lit tout en fumant sur le

quai. Deux usagers lui demandent alors d’éteindre sa cigarette. Malgré la cohue, Donald

s’assied dans le RER lorsqu’un vieux monsieur, arguant de sa qualité d’ancien combattant,

lui demande de céder sa place. Donald accepte et fait le reste du trajet debout. Du fait d’une

tentative de suicide d’un usager du métro, Donald arrive en retard à l’Université Paris 8. Il

s’inscrit au bureau des inscriptions en Licence L1 de Droit et choisit ensuite ses matières de

TD et en profite pour s’informer au secrétariat de droit sur les MOOC et demande si un autre

étudiant peut lui enregistrer les cours où il sera absent. Il note quelques éléments sur la loi

ESR et les implications qu’elle a sur son cas particulier et prend ensuite quelques instants de

son temps pour visiter la bibliothèque de l’université et s’y installe pour consulter quelques

ouvrages, faire quelques photocopies et en profite aussi pour appeler un ami depuis son

téléphone portable.

Pour rentrer à Paris, il prend un taxi. Trouvant le prix de la course élevé, il refuse de donner

au chauffeur le pourboire que celui-ci réclame, puis fait le reste du trajet à pied afin de

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chasser quelques Pokémon© avant d’aller retrouver son amie Hillary dans l’appartement

qu’ils viennent de louer ensemble. Hillary est excédée, car depuis deux heures, elle tente de

faire fonctionner l’aspirateur mais ne comprend rien au mode d’emploi rédigé en anglais.

Donald lui fait comprendre avec humour qu’en plus de faire très mal la cuisine elle n’est pas

très douée non plus pour les tâches ménagères. Donald, préfère, pour sa part, se connecter

sur Internet et se consacrer au téléchargement de divers morceaux musicaux au format

MP3.

Un peu plus tard, il rentre chez ses parents et leur annonce que Hillary est enceinte et les

informe de sa décision d’emménager avec elle, ce qui provoque une dispute familiale. Emu

par tant de mésaventures, Donald oublie de se rendre avec Hillary au dîner auquel ils

avaient pourtant promis de participer.

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Exercice n°2 Lisez l’article de presse ci-dessous et remémorez-vous votre cours !...

- Qu’apprend-t-on sur les rapports entre le droit et la morale, entre le droit et la religion ?

- Quelle juridiction a rendu la décision ? - Sur quelle branche du droit s’est placée la partie demanderesse ? - Pourquoi, dans cette affaire, la qualification des faits était difficile ? - Quel principe achoppait pour qu’une condamnation au niveau

pénal soit prononcée ? - La partie demanderesse aurait-elle pu se placer sur le terrain du droit

civil ? Aurait-elle alors eu plus de chance d’avoir gain de cause ? Sur quel(s) fondement(s) par exemple ?

- Le fait de publier des photos sur les réseaux sociaux peut-il être une faute ? Peut-il être un élément aggravant ? … Dans ce cas précis ? Et en général ?

- Travail de recherche : qu’avait-il été décidé dans le cadre de cette affaire en première instance ?

Les lanceurs de tête de cochon relaxés

Le Parisien, 11 juillet 2015 - La Réunion - de notre correspondant Une tête de cochon jetée à l'entrée d'une mosquée au moment de la prière du matin n'est pas une infraction pénale. Voilà ce que vient de décider la chambre des appels correctionnels de Mayotte dans un arrêt rendu jeudi. Les magistrats ont estimé que les faits reprochés à un militaire de la gendarmerie maritime, à son épouse et à la femme d'un légionnaire tombaient sous le coup de la morale, pas du droit. « En l'état du droit, selon la cour, ce n'est pas une infraction pénale », a précisé le président de la juridiction, rappelant que les magistrats réprouvent « sans ambiguïté » les faits. Ceux-ci étaient survenus à la suite d'un pari stupide au matin du 1er janvier 2014. Les trois prévenus avaient jeté la tête du cochon de lait servie pour le dîner de la Saint-Sylvestre à l'entrée de la mosquée de Labattoir. Ils avaient ensuite posté une photo sur les réseaux sociaux. Depuis, le gendarme a été éloigné de Mayotte et est en poste à Toulon (Var). En première instance, l'incitation à la haine raciale avec un emblème avait été requalifiée en violences volontaires sans incapacité en raison de l'appartenance à une communauté religieuse. Les femmes avaient été condamnées à neuf mois de prison dont six avec sursis. Le gendarme, qui conduisait au moment des faits, avait écopé de six mois avec sursis. « Pour qu'il y ait des violences, il faut qu'il y ait une victime. Ce n'était pas le cas », remarque l'avocat de la défense, Me Julien Chauvin. C'est aussi ce qu'ont constaté les juges en appel qui ont aussi considéré que la tête de cochon n'était pas un emblème. Me Nadjim Ahamada, partie civile pour l'association qui gère la mosquée, s'est dit scandalisé : « On attendait un signe de la part de la justice à l'endroit de certaines personnes qui viennent à Mayotte et qui se croient tout permis. » Me Chauvin rétorque : « Mes clients ont fait une bêtise, ils l'ont reconnue et ont écrit une lettre d'excuses. Le tribunal a fait du droit. » Au parquet général de la Réunion, on note : « Ce sont des faits difficiles à qualifier (…). »

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 2 : La codification

G. DANJAUME

- Portalis, Discours préliminaire du premier projet de Code civil (1801) http://classiques.uqac.ca/collection_documents/portalis/discours_1er_code_civil/discours_1er_code_civil.pdf ►lire attentivement les pages 10 à 24 incluses

- Christian ATIAS, Le code civil nouveau, D. 1999, 1, 200. - Rémy CABRILLAC, Recodifier, R.T.D.C. 2001, 833. - Voir aussi : Xavier MARTIN, Fondements politiques du code Napoléon,

R.T.D.C. 2003, 247. Exercice n°1 : A la lecture de l’extrait du Discours préliminaire du premier projet de Code civil de Portalis, vous répondrez aux questions posées par votre enseignant chargé de travaux dirigés. Exercice n°2 : Dissertation : Le code civil de 1804 est-il encore efficace ?

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Recueil Dalloz 1999 p. 200 Le code civil nouveau Christian Atias 1 - S'il advenait que la France fût quelque jour dotée d'un législateur soucieux de droit, un nouveau code civil pourrait et devrait être préparé. La conviction de cette urgente nécessité s'appuie sur le constat d'une crise profonde et grave ; elle appelle des remèdes qui sèmeraient le trouble pour récolter un peu de droit. 2 - L'enlisement doctrinal et professionnel actuel est un fait. L'extrême dispersion des informations, des données et des sources ne serait porteuse de richesse que si elle ne faisait le lit de l'incertitude et de l'arbitraire(1). Les spécialisations professionnelles et les découpages intellectuels actuels sont très probablement inappropriés. Est-il sans inconvénient de concevoir le citoyen, à la fois, comme titulaire d'un droit de vote qui l'associe aux pouvoirs constituants et législatifs, comme incapable(2) et comme maître du lien conjugal et, par conséquent, du sort de sa famille ? Ces incohérences ne devraient pas être supportables ; elles ne le sont pas. Qu'un ouvrage récent de droit de la famille fasse une large place à la fiscalité(3) est un signe à ne pas négliger. Le droit n'est plus ici seulement civil ; des choix sont gouvernés par l'Etat dans les rapports conjugaux et parentaux. Que les éditions actuelles du code civil se composent d'un « texte complété » de dispositions « autonomes » et d'extraits d'autres codes « pour couvrir l'ensemble de la législation civile »(4) est un autre signe. 3 - La codification nécessaire ne saurait être réalisée « à droit constant ». Ce n'est ni d'une pérennisation, ni d'une restauration dont la société civile a besoin ; c'est de l'épuration et du rajeunissement d'un savoir que la quantité étouffe. L'heure n'est même plus au respect du plan et de la numérotation du code de 1804 ; la remise en chantier des notions, des classifications et des principes s'impose. Si le droit peut être l'un des facteurs de la cohésion et de l'harmonie sociales, il lui faut aujourd'hui créer les conditions d'une véritable renaissance, d'un recommencement vers une nouvelle alliance de la société, de la loi, de la jurisprudence, de la pratique et de la doctrine. Inconsciemment, la France aspire à une constitution civile qui ne sera pas nouvelle par système, mais qu'elle sentira sienne. 4 - Le nouveau code devra être inspiré. Par là, il provoquera, dans le monde juridique notamment, un choc intellectuel salutaire par nature. Mettre les esprits en état de prendre conscience de l'indispensable reconstruction comporte un risque ; il n'est pas plus à craindre que les conséquences de l'actuel immobilisme de façade. Les travaux préparatoires du code seront longs et difficiles. Ils éviteront que les choix fondamentaux ne soient frileusement dissimulés dans des débats étriqués. La modernité aura à dire si elle veut guérir « de l'appel à la nature »(5) et pratiquer, dans le vocabulaire et dans la pensée, l'éradication des termes de normalité et d'anormalité, d'anomalies, de déviations, de perversions. Les Français ne sont peut-être pas prêts à admettre que toute réalité doit avoir son statut légal et que le progrès de la civilisation passe nécessairement par la prééminence accordée aux penchants, aux goûts et aux envies, sur les besoins communs et sur les intérêts légitimes ; force sera de leur expliquer qu'à récuser le critère de la nature, la société se prive du moyen de justifier d'autres choix. 5 - Le code civil devra sans doute s'alléger des proclamations solennelles, emblématiques, par lesquelles le législateur se caparaçonnait de bonne conscience en se donnant, à lui-même, des ordres qu'il méconnaissait aussitôt. Le respect de la personne(6), de la propriété(7), du contrat(8) attendent des actes, et non de pauvres mots vite oubliés. Le code civil d'aujourd'hui pourrait faire l'économie de ces annonces et de ces programmes menteurs, s'il s'attachait à les mettre en oeuvre. 6 - Le code nouveau ne sombrera pas dans les détails techniques de ce que nos maîtres savaient encore appeler la réglementation. Il trouvera - tels seront son mérite et sa voie imposée ! - le degré de généralité convenable qui permet de conduire sans contraindre. Il se donnera pour tâche d'aider le juge à résister à la tentation du préjugé, à maintenir sa décision en

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suspens dans le doute tant que les éléments susceptibles de la déterminer font défaut. Le style de la loi est pour beaucoup dans l'aptitude des magistrats à écouter, à entendre les points de vue divers et apparemment opposés qui ont toujours quelque chose à leur apprendre. 7 - Le code civil de la France du XXIe siècle sera la source vive d'une recomposition des grands ensembles et des catégories juridiques fondamentales. Loin de la schizophrénie du jour, il reviendra à l'unité perdue du citoyen, enfant avant que d'être père ou mère, contractant, propriétaire, consommateur, professionnel, contribuable, démuni... Le rétablissement des cohérences perdues est une nécessité. Ranimée par la codification, la doctrine repartira à l'assaut des synthèses éculées. Le mouvement relancé rendra, aux mots « civilisation » et « tradition », le sens dynamique qui doit demeurer le leur. Espérons que, par une chance providentielle, la plume sera à nouveau confiée à un grand-père très sage et très modeste qui n'oubliera jamais qu'il écrit pour ses petits-enfants(9). RTD Civ. 2001 p. 833 Recodifier Rémy Cabrillac, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier Tout code serait habité d'un « voeu de perpétuité », selon le mot du chancelier d'Aguesseau (1). La durée de vie, ou au moins l'espérance de vie d'un code, diraient les démographes, est ainsi érigée en qualité essentielle, presque comme si, inversant les causalités, son efficience dépendait de sa pérennité (2). Les codes ayant survécu aux tourments de l'Histoire suscitent une admiration respectueuse. Le code d'Hammourabi, recopié pendant plusieurs siècles en dehors même des zones d'influence de l'empire babylonien (3), la Loi des XII Tables, qui fera l'objet d'une vénération constante jusqu'à la fin de l'Empire romain (4) et même au-delà, les codifications justiniennes, dont l'influence est encore manifeste aujourd'hui, le code Ming, qui, rédigé au XIVe siècle, vécut jusqu'à la Révolution républicaine chinoise (5), voire le code civil français de 1804, en constituent autant d'exemples. Ce mythe du Code éternel, qui semble consubstantiel à l'histoire des codes, s'explique aisément : conçu comme remède à une crise des sources du droit, à une accélération de la production des règles qui en se multipliant s'enchevêtrent, le code se doit par contraste d'apparaître stable, d'une rassurante stabilité. Le codificateur travaille pour l'éternité, profitant de ce mythe pour associer à la pérennité du code l'édification de sa gloire pour les siècles à venir, comme en témoigne une iconographie souvent hagiographique : Jean-Baptiste Mauzaisse par exemple met en scène Napoléon juché sur un nuage, gravant solennellement sur la pierre un code civil qui semble défier le Temps (6), et treize siècles après l'adoption du Corpus juris civilis, Delacroix montre encore Justinien la main tendue, écrivant, guidé par des anges, le texte des Institutes pour les générations à venir (7). Ce mythe qui a sans doute connu son apogée sous l'influence de la philosophie des Lumières, le code instrument de la raison naturelle ne pouvant être qu'immortel, n'est pas l'apanage du passé : en considérant qu'il est « indispensable que des textes portant sur une matière déjà codifiée soient rédigés en modifiant ou complétant immédiatement le code et non en dehors de celui-ci » (8), les codificateurs français contemporains n'espèrent-ils pas, à leur tour, élaborer des codes susceptibles de défier l'éternité ? Pourtant, comme l'a joliment écrit le doyen Cornu, « Qui croit écrire sur la pierre n'aura jamais écrit que sur du sable, réveil désenchanté de rêves lapidaires. La naïveté de croire un peu à la législation sur le roc que pourrait être la codification ne masque pas à qui s'y est adonné (et qui en parle trop) le risque, comme Baudelaire le dit du poète, d'avoir creusé le ciel ou - ce fut le cri de Bolivar désabusé - de n'avoir fait que labourer la mer » (9). Les codes ne vivent pleinement qu'un temps. Bref, pourrait-on dire avec un brin de pessimisme. En rupture avec l'ancien droit, les codes commencent à vieillir dès leur adoption. Ce constat, qui a pu être dressé d'une manière générale (10), se vérifie pour toute codification particulière : un auteur a ainsi pu suggérer par exemple, à propos du nouveau code de procédure civile français que « la codification la plus réussie ne constitue dans la vie du droit qu'un moment d'équilibre, unique et merveilleux sans doute, mais instable » (11). Certes le vieillissement n'est pas en soi un mal, ne serait-ce que parce qu'il permet au code de s'affranchir des phénomènes

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conjoncturels qui ont pu l'imprégner à sa naissance : à l'instar du bon vin, la lente maturation des codes est un gage de qualité. Mais le vieillissement des codes entraîne souvent leur étiolement, pouvant précipiter leur inadaptation à la société pour laquelle ils ont été élaborés : pas un code n'échappe au constat des rides qui s'accumulent. Le phénomène est encore plus vrai aujourd'hui si l'on admet l'hypothèse d'une accélération de l'Histoire, d'une accélération des évolutions sociales et techniques que le droit tenterait de suivre (12). La décodification, dont il ne nous appartient pas ici de relever les symptômes ou d'analyser les causes, est un phénomène majeur dans les pays de tradition romano-germanique depuis le milieu du XXe siècle (13), à tel point qu'elle inquiète les codificateurs contemporains : une codification est-elle encore possible et souhaitable si elle risque de se trouver si vite périmée (14) ? Le doute a ainsi pu également gagner certains auteurs : la codification ne serait-elle pas une forme dépassée de législation (15) ? Ce pessimisme est pourtant loin d'être dominant aujourd'hui : la recodification présente encore une force de séduction non négligeable sur la doctrine (16), et les recodifications constituent incontestablement un des phénomènes législatifs les plus marquants de ces dernières décennies. L'exemple français en témoigne, comme il illustre la variété des formes empruntées par les recodifications, justifiant le pluriel employé. La révision du code civil de 1804, déjà évoquée lors de son centenaire, à nouveau à l'ordre du jour à la Libération, est intervenue progressivement par les réformes successives de pans entiers du droit des personnes et de la famille, inspirées par le doyen Carbonnier à partir des années soixante. D'autres codes napoléoniens, le code de procédure civile de 1806 ou le code pénal de 1810 ont fait l'objet de recodifications d'ensemble aboutissant au nouveau code de procédure civile de 1975 ou au code pénal de 1994. Enfin, le code de commerce de 1807, dont les défauts originaires comme les fluctuations de la matière avaient contribué à en faire la victime la plus flagrante du processus de décodification (17), a cédé la place au code de commerce adopté par ordonnance le 18 septembre 2000, qui s'inscrit dans le vaste processus de codification à droit constant initié par les pouvoirs publics depuis la Libération et périodiquement relancé depuis. Il serait bien sûr réducteur de ne voir dans les recodifications qu'un phénomène simplement hexagonal, même si, de par le monde, les tentatives esquissées arrivant à leur terme sont relativement rares en comparaison de toutes celles n'ayant pas abouti. Certains pans du droit particulièrement sensibles aux évolutions sociales, comme le droit des personnes et de la famille, ont fait l'objet de recodifications partielles dans plusieurs pays : Suisse (18), Japon (19), Colombie (20), Allemagne (21)... Après une longue gestation, les Pays-Bas ont remplacé leur code civil de 1838, qui avait bien vieilli (22), par un nouveau code civil, le NBW, entré en vigueur pour l'essentiel le 1er janvier 1992 (23). De même, le Québec a remplacé le code civil du Bas-Canada de 1866, qui, dominé par l'individualisme libéral et la religion catholique, ne correspondait plus à la nouvelle société québécoise, par le nouveau code civil du Québec, entré en vigueur le 1er janvier 1994 après de multiples péripéties (24). Mais recodifier est un art difficile, pourrait-on dire pour parodier le titre d'un article bien connu (25), d'ailleurs consacré non à une codification originaire mais à une tentative de recodification. « Recodifier est nécessairement autre chose que codifier » (26) : toute recodification ne pouvant s'opérer que par rapport au code existant, elle se heurte ainsi à des freins psychologiques (I) ou des difficultés techniques (II) qui lui sont spécifiques. I. - LES FREINS PSYCHOLOGIQUES Comme le constate le professeur Philippe Malaurie, « Un des freins les plus redoutables à la pleine réussite de la codification, c'est précisément le poids respectable de nos habitudes mentales » (27). A cette force des habitudes (A), il faut ajouter la force d'inertie d'un ancien code devenu un symbole intouchable (B). A. - La force des habitudes Toute recodification se heurte à la force des habitudes des juristes, d'autant plus dangereuse qu'ils jouent un rôle essentiel dans l'application du code, dont ils contribuent au succès ou à l'ineffectivité. Tocqueville évoquait ainsi malicieusement le débat sur la codification aux Etats-Unis au XIXe siècle : « Les légistes américains font en général des éloges emphatiques du droit coutumier. Ils s'opposent de toutes leurs forces à la codification, ce qui s'explique de cette manière : 1. si la codification avait lieu, il leur faudrait recommencer leurs études ;

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2. la loi devenant accessible au vulgaire, ils perdraient une partie de leur importance. Ils ne seraient plus comme les prêtres de l'Egypte, les seuls interprètes d'une science occulte » (28). Les juristes, ce sont d'abord les praticiens, qui opposent aux réformes la douce quiétude des gestes éternellement répétés : « Toute réforme, en effet, fait d'abord peur au praticien (et non sans raison) parce qu'elle change ses habitudes, introduit de l'insécurité et élimine des acquis et donc de l'expérience obtenue par lui au fil des ans » (29). Très concrètement, la récente recodification du droit civil québécois s'est heurté à une réticence inquiète des avocats, des magistrats ou des notaires (30). Il en a été de même pour l'adoption du nouveau code de procédure civile, comme l'a constaté M. Jean Foyer : « Les textes nouveaux acquièrent en quelque sorte leur légitimité en vieillissant, une fois que la pratique y est habituée. A ce moment, la pratique devient réticente au changement des textes nouveaux. C'est ce qui est arrivé au nouveau code de procédure civile » (31). La recodification du code de commerce français, pourtant voulue à droit constant, a également suscité une hostilité des praticiens (32). Il serait toutefois injuste de présenter uniquement les praticiens comme un frein à la recodification, tant il est vrai qu'ils collaborent parfois activement à l'acclimatation psychologique du code nouveau. Ainsi, par exemple, la Cour suprême des Pays-Bas a développé, avant même l'entrée en vigueur du nouveau code civil, une « interprétation anticipée », interprétant les textes anciens en fonction de ceux qui étaient appelés à devenir droit positif (33). Les juristes se sont aussi les universitaires et Planiol note malicieusement leur paresseuse inquiétude d'avoir à refondre leurs cours en cas de recodification (34). Ne caricature-t-on pas, depuis la nuit des temps, le juriste en pédant et paresseux, engoncé dans le jargon obscur de textes auxquels il ne veut renoncer pour rien au monde ? Comment résister au plaisir d'évoquer, entre mille autres exemples, Rabelais, qui n'épargne guère les glossateurs, en particulier Accurse, une de ses cibles favorites : des « vieux mâtins, qui jamais n'entendirent la moindre loi des Pandectes, et n'étaient que gros veaux de dîme, ignorants de tout ce qui est nécessaire à l'intelligence des loix », évoquant leur « style de ramoneur de cheminée, ou de cuisinier et marmiteux, non de jurisconsulte », ajoutant « qu'ils ont par dieu moins étudié en philosophie que ma mule » (35). Et si les codifications justiniennes ont un peu vieilli, la faute en incombe à ceux qui les ont transformées en une « belle robe d'or triomphante et précieuse à merveilles, qui fut brodée de merde » (36)... L'ironie est facile mais elle pourrait se retourner contre ceux qui la manieraient un peu hâtivement : qui d'entre nous pourrait affirmer qu'il n'a, par exemple, jamais plus cité un article de la loi Scrivener du 10 janvier 1978 sur la protection du crédit mobilier depuis l'entrée en vigueur du code de la consommation ou de la loi du 13 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique depuis l'avènement du code de la propriété intellectuelle ? (37). Comme on l'a justement observé, « les très grand numéros sont nos repères » (38), et ces rassurantes balises ne sont pas forcément inutiles dans un monde juridique en pleine turbulence. L'ironie est facile mais excessive : la résistance des juristes à la recodification n'est pas le seul fruit d'une paresse injustifiée. « Un code tout neuf est un outil incommode » (39), qui dans les premiers temps fait davantage surgir les difficultés qu'il ne les résout. Le constat n'est pas nouveau et fait écho aux propos d'Aristote pour qui, la loi n'ayant « pour se faire obéir d'autre force que l'habitude, laquelle ne se manifeste qu'après beaucoup de temps ... passer facilement des lois existantes à d'autres lois nouvelles, c'est affaiblir la puissance de la loi » (40). Comme l'observe encore le professeur Philippe Malaurie, « L'habitude, dit la sagesse populaire, est une seconde nature et il faut de graves raisons pour la bouleverser » (41). Aussi les codificateurs contemporains ne négligent pas ces résistances psychologiques et tentent fort justement d'y remédier. Très chichement, les codificateurs français contemporains à droit constant font observer que les changements apportés sont de pure forme et qu'une survie temporaire des références anciennes ne serait pas dirimante (42), conseillant par ailleurs, si possible, de maintenir « l'unité des grandes lois fondatrices d'un domaine du droit que les lecteurs utilisent de longue date sous cette forme » (43). Différer l'entrée en vigueur d'un code promulgué, comme ce fut par exemple le cas pour le nouveau code pénal français, promulgué le 22 juillet 1992 et entré en vigueur le 1er mars 1994, et comme cela est recommandé par la Commission supérieure de codification elle-même (44), peut également faciliter l'acclimatation aux règles nouvelles, mais ne constitue guère qu'un pis-aller. D'une manière plus fondamentale, les codificateurs québécois ont par exemple instauré un programme de formation professionnelle de tous les praticiens du droit pendant l'année précédant l'entrée en vigueur du code de 1994, afin de les familiariser avec les nouveaux textes. B. - La force des symboles La recodification peut également se heurter à la dimension symbolique acquise par un code (45) : on

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ne touche pas aux symboles ! Le phénomène concerne le plus souvent les codes réussis (46) : leur succès les voue à une adulation excessive qui tend à leur conférer une dimension symbolique pouvant contribuer à paralyser toute recodification. Comme le conseille le doyen Carbonnier lui-même, « Ne laissons pas s'éteindre les symboles : ils nous éclaireront, sur nos routes de juristes, longtemps après que le flash des dispositions instrumentales se sera évanoui » (47). La valeur éminemment symbolique du code civil français a contribué à la stagnation du droit dans les années qui ont suivi son adoption. Oeuvre de compromis aussi bien politique que technique, le code civil acquiert au cours du XIXe siècle une aura qui le consacre comme symbole consensuel d'unité nationale, « lieu de mémoire » de la Nation (48). Ainsi s'explique sans doute qu'il ait subi si peu de modifications pendant cette période, et qu'une éventuelle révision ait été majoritairement écartée par les auteurs l'ayant évoquée lors de son centenaire (49). Cette force paralysante du symbole est encore vivace aujourd'hui. Elle justifie par exemple le refus d'intégrer au code les législations contemporaines de protection du prétendu faible contre le prétendu fort qui l'auraient dénaturé, droit de la consommation ou droit du bail, au risque de le fossiliser (50). Elle explique également que le code civil ait été - heureusement - exclu du vaste mouvement contemporain de codification à droit constant, pourtant habité d'une vocation exhaustive. On a enfin pu observer qu'une recodification complète du droit civil créerait incontestablement une difficulté « psychologique » (51) : la dimension symbolique acquise par le code civil n'est sans doute pas étrangère à l'échec des révisions générales initiées au cours du XXe siècle, ne permettant qu'une révision discrète et pointilliste. Si l'exemple du code civil est particulièrement topique, d'autres peuvent illustrer cette force paralysante du symbole. Ainsi, l'aura du code de droit canonique de 1917 a également freiné les tentatives de recodification esquissées tout au long du XXe siècle, rendues pourtant indispensables par la prolifération désordonnée des textes et l'évolution du monde dans lequel s'inscrit le droit de l'Eglise catholique (52), avant que ne s'impose enfin le code de 1983. Le même phénomène a longtemps pesé sur la réforme du code civil du Bas-Canada de 1866 (53) : devenu un symbole de l'identité et de la spécificité québécoise, il est intouchable au cours de la première moitié du XXe siècle, jusqu'à ce que sa modernisation apparaisse comme le meilleur moyen de le conserver, ouvrant la voie à la recodification. Enfin, pour donner un dernier exemple, on a pu relever un « processus d'idéalisation doctrinale » du nouveau code de procédure civile, expliquant l'hostilité de la doctrine aux modifications qui lui ont été apportées ultérieurement à son adoption (54). Cette force paralysante du symbole peut également trouver des illustrations a contrario. Ainsi, la médiocrité du code de commerce de 1807 ne lui a pas permis d'acquérir une aura comparable à celle du code civil, qui aurait pu enrayer la multiplication des réformes du droit commercial en dehors de sa structure, entraînant la décodification de la matière déjà évoquée... même si quelques miettes du prestige napoléonien ont hérissé la doctrine en sa faveur (55), manquant de peu d'éviter et au moins retardant son remplacement, alors que les nouveaux codes, code de la consommation ou code de la propriété intellectuelle par exemple, ont rencontré une opposition moins farouche. Autre illustration, le faible attachement sentimental des Néerlandais pour leur code civil de 1838, plus ou moins imposé dans un contexte politique troublé, a permis une recodification sans état d'âme ayant abouti à l'adoption du NBW de 1992 (56). II. - LES DIFFICULTES TECHNIQUES Tout code se veut rupture avec le droit antérieur. Dès son entrée en vigueur, le code efface délibérément d'un trait de plume le monde juridique qui le précède, « opérant, en quelque sorte, novation du droit antérieur », selon la formule de Gény (57). L'énumération de l'article 7 de la loi du 30 ventôse an XII qui promulgue le code civil français est trop incantatoire pour ne pas avoir une simple fonction technique (58), les codificateurs marquant ainsi leur volonté de faire table rase du passé (59). Pour autant, cette rupture n'exclut pas une certaine continuité : pour reprendre l'exemple du code civil français, Adhémar Esmein a démontré dans le Livre du centenaire son caractère peu novateur, malgré l'importance la fracture politique et sociale à la suite de laquelle il s'inscrit : « Presque tout ce qu'il contient a été fourni par le droit du passé - l'Ancien droit français- ou par le droit de la veille - celui de la Révolution ; les éléments neufs se réduisent à peu de choses » (60). Ce double mouvement, contradictoire en apparence seulement (61), de rupture et de continuité qui marque l'adoption de tout code, est déformé par le prisme de la recodification, celle-ci s'accompagnant sans doute d'un effet de continuité plus marqué que pour une codification originelle.

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Comme on l'a crûment remarqué outre-Atlantique, « Un code n'est pas un filtre à huile : on ne jette pas l'ancien pour mettre le nouveau à la place » (62). Une recodification suppose en premier lieu de prévoir une panoplie complète et précise de dispositions transitoires pour faciliter le passage de l'ancien code au nouveau. Au-delà, d'une manière plus générale, se pose une question de méthode : comment recodifier ? Le choix entre une recodification-compilation, une recodification-modification, globale ou progressive, dépend de contraintes extrinsèques (A) mais également intrinsèques (B). A. - Les contraintes extrinsèques La codification exige une volonté politique forte : l'Histoire est riche de projets abandonnés par faiblesse ou indifférence, comme de codes imposés à l'arraché par un pouvoir déterminé et sûr de lui. Pour ne donner qu'un seul exemple, la comparaison entre l'échec des projets de code civil proposés par Cambacerès durant la Révolution, en partie imputable à son indécision (63), et l'adoption du code civil de 1804, obtenue grâce à l'insistance, et c'est un euphémisme, de Napoléon Bonaparte, est révélatrice de l'importance de ce facteur politique dans l'éclosion d'un code. Une recodification globale nécessitera incontestablement une impulsion politique plus forte que des modifications progressives pouvant intervenir au gré des majorités parlementaires, ou qu'une compilation qui se dispense de tout nouveau débat sur le fond. Ainsi, par exemple, l'échec de la révision générale du code civil français au lendemain de la Seconde guerre mondiale est en grande partie lié au manque d'audace des pouvoirs publics, englués dans des querelles politiciennes, même s'il peut également être attribué à une excessive ambition, qui l'a voué à l'enlisement. Le temps constitue en effet une autre contrainte extrinsèque déterminante dans une entreprise de recodification. Une recodification-modification globale, par son ampleur, ne peut que s'inscrire dans la durée, avec le risque inhérent qu'elle n'aboutisse jamais, comme l'illustre l'échec de la révision globale du code civil à la Libération précédemment évoqué. L'argument a été invoqué par les codificateurs français contemporains pour justifier une recodification-compilation à droit constant qui permettrait « d'élaborer des codes sans les ralentir ou les perdre dans l'examen et les débats de toute réforme de fond » (64). Un autre risque lié au facteur temps semble également jouer contre la recodification-modification globale. Une réforme progressive, qui peut être réalisée plus rapidement qu'une réforme d'ensemble, favorise une actualisation permanente et continue, donc instantanée, du droit, lui permettant de suivre l'évolution du progrès technique ou des moeurs : le droit pourrait ainsi se former par couches successives, par ajouts progressifs, au gré des besoins et des nécessités. Une recodification globale qui s'inscrit dans la durée ne peut éviter l'adoption de réformes spécifiques temporaires, dans l'attente de l'entrée en vigueur du nouveau code, indéniable facteur d'insécurité juridique. Les récentes recodifications d'ensemble témoignent de ces difficultés : pendant les nombreuses années que dura la recodification, les Québécois se trouvèrent régis par deux codes, le code civil du Bas-Canada et le nouveau code civil du Québec (65), et des difficultés équivalentes ont été rencontrées par les codificateurs néerlandais contraints à une substitution progressive, livre par livre, de l'ancien code civil au nouveau, dont le processus n'est pas définitivement terminé (66). Si l'on prend l'exemple du nouveau code pénal français, adopté simplement une quinzaine d'années après sa mise en chantier, la relative brièveté de ce délai de gestation n'a pu empêcher que des modifications ponctuelles perturbent l'élaboration de l'ensemble. Dernier exemple, le plus éloquent sans doute, tant il est parlant de lui-même : notre code de procédure civile, qui est « nouveau » depuis plus de vingt cinq ans, coexistant, sans problème majeur il est vrai, avec l'ancien dans l'attente de l'adoption d'un code de l'exécution. Conclure que la contrainte de temps joue contre une recodification-modification globale serait toutefois un peu hâtif. Une lente maturation est souvent gage de qualité : comme l'observe le doyen Cornu à propos du nouveau code de procédure civile, « La lenteur fut le prix de la décantation » (67). Elle favorise également une élaboration plus démocratique, permettant à chaque acteur de la vie politique de pouvoir s'y associer pleinement : comment ne pas déplorer a contrario, par exemple, le « déficit démocratique » de la recodification du code de commerce adoptée par ordonnance sous un fallacieux prétexte de rapidité ? L'étude des contraintes intrinsèques qui s'imposent aux codificateurs milite également en faveur d'une recodification-modification d'ensemble. B. - Les contraintes intrinsèques « Il existe un art de légiférer et une esthétique des lois » selon le doyen Ripert (68). Ce souci d'esthétique législative culmine incontestablement dans les codes qui portent à leur paroxysme le

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goût du « beau droit ». Ainsi, une recodification globale se voudra souvent plus soignée que ne le seraient de simples retouches apportées à la va-vite par un législateur peu soucieux de sa plume, ou qu'une compilation ne se permettant que de ponctuelles modifications de forme. Comme on l'a déjà observé lors du centenaire du code civil français, « Concevrait-on qu'on confiât une réparation d'automobile Mors ou Mercédès à un forgeron de village ? Voilà cependant ce que demandent les jurisconsultes qui veulent qu'on révise le code civil à coup de lois spéciales » (69). Au-delà de ces considérations de forme, toute recodification se doit d'être habitée par un souci de cohérence et de pertinence. La cohérence semble inhérente au concept même de code : « Corps cohérent de textes... » nous dit du code un Vocabulaire juridique faisant autorité (70), le doyen Cornu observant également en ce sens que la cohérence est la marque d'une véritable recodification (71). Une recodification-modification globale présente l'indéniable avantage de maintenir l'unité logique de l'ensemble des dispositions du code. Comme le note le doyen Cornu, « la codification surclasse de loin la législation ponctuelle qui procède par interventions non nécessairement accordées, non seulement lorsque celles-ci sont imputables à des impulsions successives et changeantes, mais même lorsque, étant concomitantes, elles viennent d'initiatives diversement inspirées », ajoutant, « Codifier, c'est légiférer dans un esprit d'ensemble, sous la préoccupation instante d'un ensemble » (72). Ce souci de cohérence constitue sans doute l'argument déterminant qui a justifié les recodifications globales contemporaines et explique leur succès. Ainsi, comme l'a observé M. Jean-Louis Baudouin à propos du nouveau code civil du Québec, « La difficulté d'adopter un nouveau code civil par tranches apparut cependant vite aux responsables. Un code, en effet, est un tout, un ensemble, une structure organisée, logique dont tous les éléments sont interdépendants les uns des autres... un morcellement risque donc de provoquer des contradictions ou du moins de nuire à l'unité de pensée et de philosophie désirable » (73). De même, le nouveau code de procédure civile français de 1975 a été unanimement salué par la doctrine et par les praticiens parce qu'il conserve une certaine unité d'inspiration aux règles de la procédure civile ainsi réformées dans leur ensemble (74). A l'inverse, une recodification progressive menace incontestablement la cohérence d'ensemble d'un code. Tout d'abord parce que l'ordre des modifications n'est pas toujours imposé par la logique, l'urgence ou l'importance respective des matières mais par des considérations politiques : les matières les premières réformées seront celles les plus électoralement profitables à la majorité parlementaire, ou au moins celles faisant l'objet d'un plus large consensus. Argument plus grave encore, une réforme par petites touches risque de faire perdre son unité au code, de le transformer en une simple juxtaposition d'articles hétérogènes. L'exemple de la recodification civile entreprise en France à partir des années soixante pourrait à première vue démentir ce propos, constituant l'illustration d'une réforme parcellaire particulièrement réussie (75). Le succès de ces réformes tient pourtant à ce qu'elles ont su éviter les inconvénients inhérents aux recodifications ponctuelles en ménageant l'unité du code civil : fruits d'une inspiration commune, celle du doyen Carbonnier, marquées par des traits communs désormais bien connus qui consacrent un nouveau style législatif, leur succès tient également dans leur incorporation au sein de la structure originaire du code civil, en dépit des difficultés formelles que cela pouvait susciter (76). Malgré ce, ces réformes ponctuelles n'ont pourtant pas pu éviter un certain décalage entre les différentes parties du code, n'enrayant que partiellement le développement de textes en dehors de son cadre formel : loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation... Comme on l'a joliment observé, le code civil est ainsi devenu « aussi tarabiscoté que le Louvre d'avant Napoléon III. Il y a la Cour carrée des quatre rédacteurs de 1804, les ailes et la colonnade du « cinquième rédacteur », le doyen Carbonnier, puis, ça et là, au gré des guichets et des ruelles obscures du Carrousel, des maisonnettes et des guinguette, des boutiques et des appentis » (77). Si la transposition du modèle législatif adopté pour le droit des personnes et de la famille dans le reste du code serait envisageable pour tenter de gommer ces excroissances baroques (78), elle interviendrait trop tard, déjà dissociée des réformes antérieures, ne pouvant ainsi que nuire encore à la cohérence d'ensemble. Comme l'observe le doyen Carbonnier lui-même : « si les réformes devaient ainsi sur des nouvelles décennies, elles courraient le risque de se diluer en une espèce de banalité législative : ce ne serait plus que des numéros dispersés dans des bilans de sessions parlementaires » (79). Une recodification-compilation, malgré les impératifs de rationalité mis en avant pour la justifier, aboutit à un fourre-tout dépourvu de toute cohérence qui supprime l'origine historique, politique, et

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factuelle de la norme codifiée (80). Le code efface la marque du temps : les textes codifiés perdent leur millésime pour se couler dans des articles sans date, voisinant sans repères avec des dispositions plus vieilles ou plus jeunes de nombreuses décennies. De même, le code efface l'empreinte des hommes : des textes connus par le nom de leur instigateur qui les avait inévitablement influencés se fondent désormais dans une numérotation anonyme. Enfin, le code efface le souvenir des circonstances : l'origine d'un texte, les événements qui ont pu présider à son adoption, disparaissent dans un moule uniforme. Face à un code ainsi aseptisé, l'interprète risque de se trouver fort démuni lorsque viendra le temps des doutes... La recodification se doit également d'être pertinente, de remplir l'objectif qui l'avait suscitée en assurant l'adaptation d'un code vieillissant à un monde nouveau. Force est de constater qu'une recodification-compilation escamote par définition même toute véritable réforme, l'argument parfois avancé par les codificateurs français contemporains qu'en rationalisant formellement le droit existant elle accélérerait sa modification (81) n'étant qu'un leurre, sans doute destiné à leur donner bonne conscience. L'expérience montre sans ambiguïté qu'un code terminé, les codificateurs s'attellent au suivant plutôt que de le modifier, pressés par l'ampleur démesurée du programme bureaucratique de codification établi par la Commission. Une recodification-modification d'ensemble, en prenant un certain recul par rapport aux évolutions à court terme, permet, davantage que des révisions successives, de faire évoluer le code tout en le plaçant au dessus des phénomènes de mode, si tant est qu'une révision générale puisse toujours éviter cet écueil (82), comme certains exemples récents ont malheureusement pu l'illustrer (83). Un auteur a ainsi remarqué en ce sens que « le législateur à vues générales, c'est surtout le législateur codifiant... Lui seul peut prévoir les répercussions ou conséquences lointaines de la disposition nouvelle, ou tout au moins, s'il ne les a pas prévues, les rencontrera-t-il nécessairement sur sa route, qui est longue... » (84). Qualité d'une recodification d'ensemble modifiant en profondeur le droit existant, mais qui a son revers. Les codificateurs peuvent parfois avoir du mal à faire le tri entre évolutions profondes et durables et agitations éphémères et superficielles. Ainsi, par exemple, les membres de la Commission de révision du code civil nommée à la Libération ont eu des difficultés à apprécier l'ampleur du mouvement de socialisation du droit qui se développait dans les années d'après-guerre pour déterminer l'influence qu'ils devaient lui reconnaître. Embarrassés, ils décidèrent de renvoyer l'examen de la question à plus tard, privilégiant le règlement de problèmes techniques, solution guère satisfaisante tant les questions techniques dépendent souvent de choix plus fondamentaux, et qui a, aux dires même du président de la commission, perturbé l'élaboration de ce projet de code civil (85). Recodifier... L'actualité a le tort de focaliser le débat, en France au moins, sur certains produits du vaste mouvement de codification à droit constant initié il y a quelques décennies, en particulier sur le code de commerce adopté par l'ordonnance du 18 septembre 2000. Histoire et droit comparé se conjuguent pour bousculer cette vision sans doute trop réductrice : d'autres formes de recodifications sont possibles, ont été tentées et menées à bien avec succès. Que ces codifications aient été réalisées et réussies dans des pays dans lesquels la légistique, voire la « codistique » est particulièrement riche, comme les Pays-Bas ou le Québec, n'est pas le fruit du hasard. Toute modification d'un code existant, toute recodification, ne peut, par respect pour le texte ancien et par ambition corrélative pour le texte nouveau, faire l'économie d'un vaste débat préalable de méthode et d'objectifs, non une planification tatillonne de sous-officier comme la conduit le codificateur français contemporain (86), mais une véritable réflexion de stratégie législative, sous peine de galvauder cette « façon si sublime de cultiver la législation », selon le mot du doyen Cornu (87), que serait la codification elle-même.

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 3 : Les sources du droit

G. DANJAUME

- C Constit., 16 janv. 1982, D. 1983, 169. - Ch mixte, 24 mai 1975, D. 1975, 2, 497. - Civ. 1ère, 21 mars 2000, D. 2000, 593. - C. Constit., 20 nov. 2003, D. 2004, 1405, note L. Lecocq. - Civ. 1ère, 12 mai 2004, Bull. civ. I, n° 136.

- Voir aussi, Pierre-Yves GAUTIER, L’influence de la doctrine sur la

jurisprudence, D. 2003, 2839.

- F. ZENATI, L’évolution des sources du droit dans les pays de droit civil, D. 2002, Chron., p. 15.

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Questions de réflexion a/- Qu’est-ce qu’une source au sens de l’expression : « source du droit » ? b/- Quelle est la différence entre la loi et le règlement ? Expliquez. c/- Quelle est la différence entre la loi au sens large et la loi au sens strict ? Illustrez. d/- La loi, la coutume, la jurisprudence et la doctrine sont des sources juridiques du droit. En existe-t-il d’autres qui ne sont pas juridiques ? Lesquelles ? e/- Lorsqu’on énumère les sources juridiques du droit dans l’ordre précité, on respecte un certain ordonnancement justement. Quelle est la logique de cet ordre tel qu’énoncé ? f/- Parmi ces 4 sources juridiques certaines sont dites « officielles » d’autres pas. Lesquelles ? Pourquoi ? Certaines sont dites directes d’autres indirectes, lesquelles, pourquoi ? g/- Les caractères fondamentaux de la loi sont, entre autres, qu’elle est : générale, obligatoire, abstraite et impersonnelle.

• Mais il existe pourtant des lois dites impératives et des lois dites supplétives. Qu’est-ce que cela veut dire ? Lorsqu’une loi est dite supplétive, de quoi est-elle supplétive ?

• La loi est donc toujours obligatoire mais seulement parfois impérative !.... Quelle nuance faites-vous entre ces deux adjectifs ?

• Est-ce la loi au sens large ou au sens strict qui est obligatoire ? • Est-ce la loi au sens large ou la loi au sens strict ou seulement certaines lois qui sont

impératives ? h/- Peut-on parler d’ « abrogation de la loi par désuétude » ? i/ - Dans quel sens et dans quelle mesure peut-on dire que l’article 4 du Code civil contribue à créer de la jurisprudence ?

Conseil constitutionnel samedi 16 janvier 1982 - Décision N° 81-132 DC Loi déclarée partiellement contraire à la Constitut ion (non promulgation, cf loi n° 82-155, 11 février 1982, Loi de nationalisation) Journal officiel du 17 janvier 1982, p. 299 Voir la décision n° 81-132 DC sur le site du Conseil Constitutionnel Le Conseil constitutionnel, Saisi le 18 décembre 1981, d'une part, par MM Charles Pasqua, Jean Chérioux, François Collet, Paul Malassagne, Christian de La Malène, Marc Jacquet, Michel Giraud, Raymond Brun, Maurice Schumann, Geoffroy de Montalembert, Edmond Valcin, Michel Alloncle, Sosefo Makapé Papilio, Roger Romani, Michel Maurice-Bokanowski, Henri Collette, Jacques Delong, Maurice Lombard, Michel Chauty, Georges Repiquet, Michel Caldaguès, Lucien Gautier, Adrien Gouteyron, René Tomasini, Jean Amelin, Paul Kauss, Bernard Hugo, Hubert d'Andigné, Yvon Bourges, Jean Natali, Amédée Bouquerel, Marcel Fortier, Marc Bécam, Henri Belcour, Jacques Braconnier, Louis Souvet, Henri Portier, Pierre Carous, Roger Moreau, Jacques Valade, René Touzet, Etienne Dailly, Paul Girod, Raymond Soucaret, Jacques Moutet, Jean-Pierre Cantegrit, Jacques Pelletier, Henri Collard, Charles-Edmond Lenglet, Charles Beaupetit, Charles de Cuttoli, Mme Brigitte Gros, MM Paul Robert, Adolphe Chauvin, Daniel Hoeffel, Alphonse Arzel, Octave Bajeux, René Ballayer, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Charles Bosson, Jean-Marie Bouloux, Raymond Bouvier, Louis Caiveau, Jean Cauchon, Pierre Ceccaldi-Pavard, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Jean Colin, Marcel Daunay, François Dubanchet, Charles Durand, Charles Ferrant, André Fosset, Jean Francou, Jacques Genton, Alfred Gérin. Henri Goetschy, Marcel Henry, Jean Gravier, Rémi Herment, René Jager, Louis Jung, Pierre Lacour, Henri Le Breton, Jean Lecanuet, Yves Le Cozannet, André Lejeune, Marcel Lemaire, Bernard Lemarié, Louis Le Montagner, Roger Lise, Georges Lombard, Jean Madelain, Kléber Malécot, Daniel Millaud, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Dominique

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Pado, Francis Palmero, Paul Pillet, Raymond Poirier, Roger Poudonson, Maurice Prévoteau, André Rabineau, Jean-Marie Rausch, Marcel Rudloff, Pierre Salvi, Jean Sauvage, Pierre Schiélé, Paul Séramy, René Tinant, Georges Treille, Raoul Vadepied, Pierre Vallon, Louis Virapoullé, Joseph Yvon, Charles Zwickert, Bernard Laurent, Philippe de Bourgoing, Lionel Cherrier, Richard Pouille, Michel Miroudot, Pierre-Christian Taittinger, Pierre Sallenave, Jean Bénard Mousseaux, Jean-Pierre Fourcade, Modeste Legouez, Jean-Marie Girault, Guy Petit, Albert Voilquin, Serge Mathieu, Louis Lazuech, Michel d'Aillières. Pierre Louvot, Michel Crucis, Bernard Barbier, Pierre Croze, Paul d'Ornano, Jean Chamant, André Bettencourt, Guy de La Verpillière, Roland Ruet, Marcel Lucotte, Michel Sordel, Jean Puech, Paul Guillard, René Travert, Robert Schmitt, Jacques Ménard, Jules Roujon, Jean-François Pintat, Hubert Martin, Louis Martin, Léon Jozeau-Marigné, Louis de la Forest, Henri Olivier, Jacques Larché, Paul Guillaumot, Frédéric Wirth, Marc Castex, Louis Boyer, Jacques Descours Desacres, Henri Torre, Hector Dubois, Jacques Habert, Jean Desmarets, Yves Durand, Roland du Luart, Raymond Bourgine, Charles Ornano, sénateurs, et, d'autre part, le 19 décembre 1981, par MM Claude Labbé, Marc Lauriol, Roger Corrèze, Pierre Bas, Michel Barnier, Daniel Goulet, Michel Cointat, Michel Debré, François Fillon, Jean Narquin, Edouard Frédéric-Dupont, Charles Miossec, Pierre Weisenhorn, Pierre Raynal, Jean Tiberi, Jean de Préaumont, Lucien Richard, Jean-Paul de Rocca Serra, Jean-Louis Goasduff, Bernard Pons, Yves Lancien, Pierre Sauvaigo, Jacques Marette, Philippe Séguin, Jacques Chirac, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Jacques Godfrain, Maurice Couve de Murville, Emmanuel Aubert, Pierre Mauger, Jacques Toubon, Jacques Chaban-Delmas, Robert Wagner, Michel Péricard, Pierre-Bernard Cousté, Olivier Guichard, Claude-Gérard Marcus, Régis Perbet, Jean-Louis Masson, René La Combe, Georges Tranchant, Georges Gorse, Roland Nungesser, Mme Florence d'Harcourt, MM François Grussenmeyer, Michel Noir, Germain Sprauer, Jean Valleix. Etienne Pinte, Jean Foyer, Pierre-Charles Krieg, Pierre Messmer, Pierre Gascher, Gabriel Kaspereit, Robert-André Vivien, Antoine Gissinger, Jean Falala, Didier Julia, Christian Bergelin, Robert Galley, Camille Petit, Charles Millon, Raymond Marcellin, Raymond Barre, Edmond Alphandery, Jean-Claude Gaudin, Roger Lestas, Claude Birraux, Emile Koehl, Pascal Clément, François d'Aubert, Victor Sablé, François d'Harcourt, Henri Baudouin, Jean Desanlis, Emmanuel Hamel, Jean Rigaud, Marcel Esdras, Maurice Ligot, Alain Madelin, Paul Pernin, Jean Bégault, Marcel Bigeard, Olivier Stirn, Michel d'Ornano, Philippe Mestre, Claude Wolff, Francisque Perrut, Charles Fèvre, Jean-Pierre Soisson, Jean-Paul Fuchs, Henri Bayard, Germain Gengenwin, Jacques Fouchier, Albert Brochard, Jean Proriol, Jean Brocard, Jean Briane, Maurice Dousset, Christian Bonnet, Charles Deprez, Francis Geng, Jacques Barrot, Jean-Marie Daillet, Pierre Micaux, Jacques Blanc, Adrien Durand, Pierre Méhaignerie, Joseph-Henri Maujoüan du Gasset, André Rossinot, Jean Seitlinger, Mme Louise Moreau, MM Bernard Stasi, Gilbert Gantier, Georges Delfosse, René Haby, Alain Mayoud, Georges Mesmin, Gilbert Mathieu, Loïc Bouvard, Yves Sautier, François Léotard, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de nationalisation, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement le 18 décembre 1981 ; Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ; Ouï le rapporteur en son rapport ; I - Sur la procédure législative : En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 40 de la Constitution :

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1. Considérant qu'il est soutenu que la loi de nationalisation soumise à l'examen du Conseil constitutionnel aurait été adoptée en méconnaissance de l'article 40 de la Constitution du fait que les dispositions de cet article auraient été opposées à tort à plusieurs amendements et du fait que des amendements auraient été rejetés sans discussion. 2. Considérant, d'une part, que les amendements dont il s'agit tendaient soit à garantir un taux minimum de 11 p. 100 par an pour les intérêts attachés aux obligations données en échange des actions des sociétés nationalisées, soit à prévoir pour l'amortissement de ces obligations une durée inférieure à celle prévue au projet de loi, soit à instituer au profit de certains actionnaires des sociétés nationalisées une indemnité en espèces, soit à aménager les règles sur l'imposition des plus-values d'une façon dérogatoire au droit commun en ce qui concerne celles réalisées lors de la cession d'obligations émises pour l'indemnisation des anciens actionnaires, soit, enfin, à mettre à la seule charge de l'État les ressources de la caisse nationale des banques nécessaires à l'indemnisation des anciens actionnaires ; que chacun de ces amendements aurait eu pour effet d'aggraver une charge publique et que c'est donc par une exacte application de l'article 40 de la Constitution qu'ils ont été déclarés irrecevables. 3. Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition de la Constitution n'a été méconnue en l'espèce dès lors que les amendements dont il s'agit n'ont pas été indûment déclarés irrecevables, qu'ils ont pu être soutenus et que leur rejet a résulté de votes de l'assemblée devant laquelle ils ont été déposés ; En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 1er, alinéa 4, et de l'article 2, alinéa 5, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances : 4. Considérant qu'il est soutenu que les dispositions de la loi de nationalisation génératrices de dépenses qui affecteront l'équilibre financier de plusieurs années ont été votées en méconnaissance des règles posées par l'article 1er, alinéa 4, et par l'article 2, alinéa 5, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 du fait qu'une loi de finances n'a ni prévu ni évalué ni autorisé ces charges nouvelles ; 5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959, rapprochées des dispositions du titre V de la Constitution, que les règles posées par son article 1er, alinéa 4, et par son article 2, alinéa 5, ont pour objet de faire obstacle à ce qu'une loi permette des dépenses nouvelles alors que ses incidences sur l'équilibre financier de l'année, ou sur celui d'exercices ultérieurs, n'auraient pas été appréciées et prises en compte, au préalable, par des lois de finances ; 6. Considérant que la loi de nationalisation ne méconnaît pas ces règles dès lors qu'elle ne permet pas qu'il soit fait face aux charges qu'elle implique sans qu'au préalable les crédits nécessaires pour chacun des exercices en cause aient été prévus, évalués et autorisés par une ou plusieurs lois de finances ; En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 : 7. Considérant qu'il est soutenu qu'en prévoyant que la caisse nationale de l'industrie et la caisse nationale des banques émettront des obligations destinées à être remises aux anciens actionnaires à titre d'indemnisation et que ces obligations pourront être utilisées comme moyen de paiement d'une dépense publique, les dispositions de la loi de nationalisation seraient contraires à l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui exige que les émissions d'emprunt fassent l'objet d'une autorisation donnée par une loi de finances et qui interdit, sauf disposition expresse d'une loi de finances, l'utilisation de titres d'emprunt d'État comme moyen de paiement d'une dépense publique ; 8. Considérant que la remise, à titre de paiement, d'obligations aux anciens actionnaires des sociétés

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nationalisées ne constitue pas une opération d'emprunt au sens de l'article 15 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; qu'ainsi, les dispositions critiquées, n'entrant pas dans le champ d'application de cet article 15, ne sauraient l'avoir méconnu. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 18 de la même ordonnance : 9. Considérant que, contrairement à ce qui est allégué, les ressources de la caisse nationale de l'industrie et de la caisse nationale des banques provenant de la redevance versée par les sociétés nationalisées et dont le montant sera fixé chaque année par la loi de finances n'ont pas à figurer au budget de l'État ; qu'en effet elles constituent des ressources d'établissements publics et non des ressources de l'État ; qu'ainsi les articles 12 et 24 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 74 de la Constitution : 10. Considérant que, selon les sénateurs auteurs de la saisine, la loi de nationalisation, en raison des conséquences qu'elle aura sur la vie économique et sociale des territoires d'outre-mer, doit être regardée comme relative à l'organisation particulière de ces territoires et, comme telle, aurait dû, avant son adoption, être soumise à la consultation des assemblées territoriales intéressées ; 11. Considérant que la loi qui nationalise des sociétés dont le siège social est situé en France métropolitaine ne touche pas à l'organisation particulière des territoires d'outre-mer et, par suite, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 74 de la Constitution ; En ce qui concerne l'ensemble des moyens relatifs à la procédure législative : 12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la loi de nationalisation a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution ; II - AU FOND : Sur le principe des nationalisations : 13. Considérant que l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ; que l'article 17 de la même Déclaration proclame également : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ; 14. Considérant que le peuple francais, par le référendum du 5 mai 1946, a rejeté un projet de Constitution qui faisait précéder les dispositions relatives aux institutions de la République d'une nouvelle Déclaration des droits de l'homme comportant notamment l'énoncé de principes différant de ceux proclamés en 1789 par les articles 2 et 17 précités. 15. Considérant qu'au contraire, par les référendums du 13 octobre 1946 et du 28 septembre 1958, le peuple français a approuvé des textes conférant valeur constitutionnelle aux principes et aux droits proclamés en 1789 ; qu'en effet, le préambule de la Constitution de 1946 réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et tend seulement à compléter ceux-ci par la formulation des principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps ; que, aux termes du préambule de la Constitution de 1958, le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmée

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et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 . 16. Considérant que, si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique ; que la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ; 17. Considérant que l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946 dispose : Tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ; que cette disposition n'a ni pour objet ni pour effet de rendre inapplicables aux opérations de nationalisation les principes susrappelés de la Déclaration de 1789 ; 18. Considérant que, si l'article 34 de la Constitution place dans le domaine de la loi les nationalisations d'entreprises et les transferts d'entreprises du secteur public au secteur privé , cette disposition, tout comme celle qui confie à la loi la détermination des principes fondamentaux du régime de la propriété, ne saurait dispenser le législateur, dans l'exercice de sa compétence, du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle qui s'imposent à tous les organes de l'État. 19. Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel que le législateur a entendu fonder les nationalisations opérées par ladite loi sur le fait que ces nationalisations seraient nécessaires pour donner aux pouvoirs publics les moyens de faire face à la crise économique, de promouvoir la croissance et de combattre le chômage et procéderaient donc de la nécessité publique au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ; 20. Considérant que l'appréciation portée par le législateur sur la nécessité des nationalisations décidées par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne saurait, en l'absence d'erreur manifeste, être récusée par celui-ci dès lors qu'il n'est pas établi que les transferts de biens et d'entreprises présentement opérés restreindraient le champ de la propriété privée et de la liberté d'entreprendre au point de méconnaître les dispositions précitées de la Déclaration de 1789 ; Sur la désignation des sociétés faisant l'objet des nationalisations et sur le respect du principe d'égalité : 21. Considérant que les dispositions des articles 1er et 27 de la loi qui désignent respectivement les cinq sociétés industrielles et les deux compagnies financières faisant l'objet de mesures de nationalisation ont été prises sur le fondement et dans la limite des pouvoirs qui, comme il vient d'être dit, appartiennent au législateur ; que les caractères spécifiques attachés à chacune de ces sociétés font obstacle à ce que le principe d'égalité puisse être utilement invoqué par comparaison avec la situation d'autres sociétés non visées par la loi de nationalisation ; qu'ainsi les articles 1er et 27 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ; 22. Considérant que, s'agissant de la nationalisation de banques, l'article 13 de la loi énonce en premier lieu dans son paragraphe I la règle générale selon laquelle sont désignées les sociétés tombant sous le coup de la nationalisation ainsi que les dérogations apportées à cette règle générale, puis, dans son paragraphe II, établit la liste des sociétés nationalisées.

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23. Considérant qu'il est fait tout d'abord grief au législateur d'avoir, dans le paragraphe I de l'article 13, retenu comme critère général des nationalisations de banques la détention à la date du 2 janvier 1981 par les banques inscrites sur la liste du Conseil national du crédit d'un milliard de francs ou plus sous forme de dépôts à vue ou de placements liquides ou à court terme en francs ou devises au nom de résidents selon les définitions adoptées par le Conseil national du crédit ; qu'il est reproché à cette disposition de recourir à un critère non significatif et arbitraire ; 24. Considérant qu'il appartenait au législateur, en fonction de la nécessité publique constatée par lui, d'exclure de la nationalisation les banques les moins importantes ; que le critère retenu pour déterminer le seuil au-dessous duquel les banques échappent à la nationalisation n'est pas sans rapport avec son objet ; 25. Considérant que, d'autre part, l'article 13-I de la loi exclut de la nationalisation les banques ayant le statut de sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie fixé par l'ordonnance n° 67-837 du 28 septembre 1967 ou le statut de maison de réescompte fixé par le décret n° 60-439 du 12 février 1960 ; les banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des sociétés de caractère mutualiste ou coopératif ; les banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des personnes physiques ne résidant pas en France ou à des personnes morales n'ayant pas leur siège social en France ; 26. Considérant que, sur le principe même des dérogations ainsi apportées au critère général de la détermination des banques nationalisables, il est allégué que de telles dérogations, qui laissent hors du champ d'application de la loi des sociétés de banque non moins importantes que celles qu'il inclut, seraient la preuve que les nationalisations de banques n'étaient pas nécessaires à la réalisation des buts que le législateur a entendu poursuivre ; 27. Considérant que cette allégation ne saurait être retenue ; qu'en effet, le législateur avait le pouvoir d'apprécier quelle devait être l'étendue des nationalisations de banques pour la réalisation des objectifs qu'il assignait à ces nationalisations; 28. Considérant qu'il est, également, fait grief aux dérogations faisant l'objet des dispositions précitées de méconnaître le principe d'égalité ; 29. Considérant que le principe d'égalité n'est pas moins applicable entre les personnes morales qu'entre les personnes physiques, car, les personnes morales étant des groupements de personnes physiques, la méconnaissance du principe d'égalité entre celles-là équivaudrait nécessairement à une méconnaissance de l'égalité entre celles-ci ; 30. Considérant que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard de catégories de personnes se trouvant dans des situations différentes, mais qu'il ne peut en être ainsi que lorsque cette non-identité est justifiée par la différence de situation et n'est pas incompatible avec la finalité de la loi ; 31. Considérant que la dérogation visant les banques ayant le statut de sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie ou le statut de maison de réescompte n'est pas contraire au principe d'égalité, certains des éléments des statuts de ces établissements leur étant spécifiques. 32. Considérant que, si les banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des personnes physiques ne résidant pas en France ou à des personnes morales n'ayant pas leur siège social en France ont le même statut juridique que les autres banques, le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, les exclure de la nationalisation en prenant motif des risques de difficultés que la nationalisation de ces banques aurait pu entraîner sur le plan

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international et dont la réalisation aurait, à ses yeux, compromis l'intérêt général qui s'attache aux objectifs poursuivis par la loi de nationalisation ; 33. Considérant au contraire que la dérogation portée au profit des banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des sociétés de caractère mutualiste ou coopératif méconnaît le principe d'égalité ; qu'en effet, elle ne se justifie ni par des caractères spécifiques de leur statut ni par la nature de leur activité ni par des difficultés éventuelles dans l'application de la loi propres à contrarier les buts d'intérêt général que le législateur a entendu poursuivre ; 34. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 13-1 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ainsi conçues : Les banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des sociétés de caractère mutualiste ou coopératif. Sur les transferts éventuels du secteur public au secteur privé : En ce qui concerne les articles 4, 16 et 30 de la loi : 35. Considérant que les articles 4, 16 et 30 de la loi sont conçus en termes identiques ; que leurs dispositions tendent, en ce qui concerne chacune des catégories de sociétés nationalisées, à permettre aux administrateurs généraux ou aux conseils d'administration, de décider, lorsque les législations ou les pratiques propres à certains pays le rendront nécessaire, l'aliénation partielle ou totale des participations, majoritaires ou minoritaires, détenues directement ou indirectement par ces sociétés dans des filiales ou de certaines de leurs succursales exerçant leurs activités en dehors du territoire national ; 36. Considérant que les auteurs des saisines font valoir, en premier lieu, à l'encontre de ces dispositions qu'en donnant compétence en territoire étranger aux nouveaux organes des sociétés institués et désignés en vertu de la loi de nationalisation, elles méconnaîtraient un principe de droit international qui, selon eux, interdirait d'attacher aux nationalisations un effet extra-territorial ; 37. Considérant que les dispositions des articles 4, 16 et 30 ont pour objet de définir certains des pouvoirs des organes d'administration de sociétés ayant leur siège social en France ; que ces pouvoirs s'étendent nécessairement à l'ensemble des biens et des droits composant le patrimoine des sociétés ; que les limites éventuellement rencontrées dans l'exercice de ces pouvoirs hors du territoire national constitueraient un fait qui ne saurait restreindre en quoi que ce soit le droit du législateur de régler les conditions dans lesquelles sont administrées les sociétés nationalisées ; 38. Considérant qu'il est également fait grief aux articles 4, 16 et 30 de méconnaître les dispositions de l'article 34 de la Constitution en ce qu'ils autoriseraient les administrateurs généraux ou les conseils d'administration des sociétés nationalisées à procéder à des aliénations pouvant constituer des transferts du secteur public au secteur privé, alors qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution de tels transferts relèvent du domaine de la loi ; 39. Considérant que si, aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé , ces dispositions n'imposent pas que toute opération impliquant un transfert du secteur public au secteur privé soit directement décidée par le législateur ; qu'il appartient à celui-ci de poser pour de telles opérations des règles dont l'application incombera aux autorités ou organes désignés par lui. 40. Considérant que, si les articles 4, 16 et 30 de la loi ont pour objet de fixer, dans le cas particulier

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qu'ils visent, les règles selon lesquelles peuvent intervenir certains transferts, leurs dispositions attribuent aux seuls organes des sociétés nationales un pouvoir discrétionnaire d'appréciation et de décision soustrait à tout contrôle et d'une telle étendue que les dispositions critiquées ne sauraient être regardées comme satisfaisant aux exigences de l'article 34 de la Constitution ; 41. Considérant, dès lors, que les articles 4, 16 et 30 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas conformes à la Constitution ; En ce qui concerne les règles relatives à la cession éventuelle d'éléments d'actif des entreprises nationalisées au secteur privé : 42. Considérant qu'il est fait grief à la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel de ne pas comporter de disposition réglant les conditions de la cession au secteur privé de certains éléments d'actif, notamment de filiales, qui, ne correspondant pas aux objectifs des nationalisations, devraient être rendus par les sociétés nationalisées au secteur privé ; 43. Considérant que, s'il résulte des travaux préparatoires que le législateur a envisagé que les sociétés nationalisées puissent ne pas conserver certains actifs, notamment dans des filiales, ne correspondant pas aux objectifs des nationalisations et puissent les céder au secteur privé, ces aliénations, à l'inverse de celles mentionnées aux articles 4, 16 et 30, ne sont pas prévues par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ; que, dès lors, le législateur a pu, sans méconnaître l'article 34 de la Constitution, ne pas édicter dans la présente loi les règles applicables à ces éventuelles cessions et qui pourront faire l'objet, en tant que de besoin, de dispositions législatives ultérieures ; qu'ainsi le grief susénoncé n'est pas fondé ; Sur l'indemnisation : 44. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la privation du droit de propriété pour cause de nécessité publique requiert une juste et préalable indemnité ; 45. Considérant que, par l'effet des articles 2, 14 et 28 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, la nationalisation des diverses sociétés visées par ladite loi s'opère par le transfert à l'État en toute propriété des actions représentant leur capital à la date de jouissance des obligations remises en échange ; que les articles 5, 17 et 31 de la loi déterminent la nature et le régime des obligations qui doivent être remises aux anciens actionnaires en vue d'assurer leur indemnisation ; que les articles 6, 18 et 32 de la loi fixent les règles selon lesquelles est déterminée la valeur d'échange des actions des diverses sociétés ; 46. Considérant qu'il convient d'examiner si ces dispositions répondent à la double exigence du caractère juste et du caractère préalable de l'indemnisation ; En ce qui concerne le caractère juste de l'indemnisation : 47. Considérant que les actionnaires des sociétés visées par la loi de nationalisation ont droit à la compensation du préjudice subi par eux, évalué au jour du transfert de propriété, abstraction faite de l'influence que la perspective de la nationalisation a pu exercer sur la valeur de leurs titres ; 48. Considérant que les dispositions relatives à la valeur d'échange des actions inscrites à la cote officielle des agents de change, telles qu'elles résultent des article 6, 18-1 et 32 de la loi sont différentes de celles relatives à la valeur d'échange des actions des sociétés de banque non inscrites à la même cote à la date du 1er janvier 1978, qui résultent de l'article 18-2 de la loi ; qu'il convient donc d'examiner distinctement chacune de ces deux séries de dispositions ;

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Quant à la valeur d'échange des actions inscrites à la cote officielle des agents de change ; 49. Considérant que la détermination de la valeur des actions inscrites à la cote officielle des agents de change au jour de la dépossession ne pouvait se faire de façon directe, notamment du fait que leur cotation en bourse avait été nécessairement affectée et ceci depuis un temps assez long par la perspective même des nationalisations ; qu'il appartenait donc au législateur de déterminer des règles de calcul de la valeur d'échange propres à conduire, avec une approximation inévitable mais limitée, à des résultats comparables ; qu'il pouvait légitimement tenir compte des nécessités de simplicité et de rapidité du jeu des règles d'indemnisation, notamment en ce qui regarde le caractère préalable de l'indemnisation qui aurait été compromis si, pour l'essentiel de la valeur d'échange, la remise des obligations n'avait pu s'opérer au jour envisagé pour le transfert de propriété. 50. Considérant cependant que, quelle que fût leur force, ces nécessités pratiques ne pouvaient prévaloir sur l'exigence de la juste indemnité due à chacun des anciens propriétaires d'actions ; 51. Considérant que, sans doute, il était loisible au législateur de se référer, pour l'évaluation des actions, à une moyenne des cours de bourse pendant une certaine période, mais en assortissant cette méthode forfaitaire des aménagements propres à redresser les inégalités et les insuffisances substantielles qui pouvaient en découler ; 52. Considérant que la moyenne des cours de bourse entre le 1er janvier 1978 et le 31 décembre 1980 est composée de cotations exprimées en francs courants ; que si la dépréciation monétaire est vraisemblablement entrée en compte à la date où a eu lieu chaque cotation, il n'eût pas moins été nécessaire pour une application correcte de ce système que l'utilisation de cotations remontant loin dans le passé en vue d'exprimer la valeur des actions au 1er janvier 1982 fût affectée d'une correction adéquate, qui n'est pas prévue par la loi dans les dispositions présentement examinées ; 53. Considérant, d'autre part, que l'utilisation uniforme d'une moyenne des cours de bourse sur une période aussi longue sans tenir compte de ce que le sens de l'évolution des cours a été différent et, en certains cas, opposé pour les diverses sociétés nationalisées, aboutit à des distorsions considérables en ce qui regarde ce qu'aurait pu être la valeur réelle des actions au moment de la dépossession ; 54. Considérant, il est vrai, que, selon les dispositions susvisées, la référence à la moyenne des cours de bourse des années 1978, 1979 et 1980 n'entre que pour 50 p. 100 dans le calcul de la valeur d'échange des actions et se trouve complétée pour 25 p. 100 par la référence à la situation comptable nette et pour 25 p. 100 par la référence au produit par 10 du bénéfice net moyen. 55. Considérant que l'appel à d'autres critères que celui de la moyenne des cours de bourse aurait dû précisément, selon l'intention du législateur, corriger les imperfections de la référence à la moyenne des cours de bourse, affectée des modalités ci-dessus relevées qui en altéraient la pertinence ; Mais considérant que cette fin est inégalement atteinte par les dispositions présentement examinées ; qu'en particulier, la référence à la situation nette comptable sans prise en compte des actifs des filiales ainsi que la référence au bénéfice net moyen sans prise en compte des bénéfices des filiales conduisent pour les sociétés en cause à des résultats très différents déterminés non par la différence de données économiques et financières objectives mais par la diversité des techniques de gestion et des méthodes de présentation comptable suivies par les sociétés qui, en elle-même, ne devrait pas avoir d'influence sur l'évaluation des indemnités ; 56. Considérant, en outre, que les dispositions des articles présentement examinés ont pour effet nécessaire de priver les anciens actionnaires des dividendes qu'ils auraient perçus au titre de

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l'exercice 1981 et avec lesquels les intérêts que les obligations remises en échange produiront en 1982 ne font nullement double emploi ; 57. Considérant au total qu'en ce qui concerne les actions des sociétés cotées en bourse, la méthode de calcul de leur valeur d'échange conduit à des inégalités de traitement dont l'ampleur ne saurait être justifiée par les seules considérations pratiques de rapidité et de simplicité ; que ces inégalités de traitement se doublent, dans nombre de cas, d'une sous-estimation substantielle de ladite valeur d'échange ; qu'enfin, le refus de reconnaître aux anciens actionnaires le bénéfice des dividendes attachés à l'exercice 1981 ou de leur accorder, sous une forme appropriée, un avantage équivalent, ampute sans justification les indemnités auxquelles ont droit les anciens actionnaires ; Quant à la valeur d'échange des actions des sociétés de banque non cotées en bourse : 58. Considérant que l'article 18-2 de la loi détermine la valeur d'échange des actions des sociétés de banque autres que celles dont les actions étaient inscrites le 1er janvier 1978 à la cote officielle des agents de change ; que cette valeur d'échange est déterminée par référence, pour parts égales, à la situation nette comptable au 31 décembre 1980 et au produit par 10 du bénéfice net moyen des exercices 1978, 1979, 1980, définis l'une et l'autre dans des termes identiques à ceux retenus par l'article 18-1 pour la détermination de la valeur d'échange des actions cotées en bourse ; 59. Considérant que ces dispositions appellent une appréciation analogue à celle formulée plus haut concernant le recours, pour apprécier la valeur d'échange des actions cotées en bourse, à la situation nette comptable et au produit par 10 du bénéfice net moyen ; que cette appréciation est aggravée par le fait que le cours en bourse ne pouvant être pris en compte, les inégalités de traitement et les insuffisances d'évaluation pouvant résulter de ce mode de calcul produisent un plein effet ; qu'en outre, les observations relatives aux dividendes attachés à l'exercice 1981 s'appliquent également au cas présentement examiné ; Quant à l'ensemble des dispositions relatives à la valeur d'échange des actions : 60. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les articles 6, 18 et 32 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas, en ce qui concerne le caractère juste de l'indemnité, conformes aux exigences de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; En ce qui concerne le caractère préalable de l'indemnisation : 61. Considérant au contraire que, sous réserve de ce qui vient d'être dit concernant l'exigence, à laquelle il n'est pas satisfait, du caractère juste de l'indemnisation, les modalités de règlement prévues pour celle-ci doivent être regardées comme en assurant suffisamment le caractère préalable ; 62. Considérant, en effet, que, si le règlement de l'indemnisation ne s'opère pas par la remise de numéraire, les actionnaires dépossédés doivent, selon les dispositions des articles 5, 17 et 31 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, recevoir, à la date de dépossession, en échange de leurs actions, des obligations portant jouissance à cette date et produisant un intérêt semestriel payable à terme échu ; que ces obligations sont inscrites à la cote officielle et donc immédiatement négociables. 63. Considérant que l'intérêt attaché à ces obligations est égal au taux de rendement des emprunts d'État dont le capital ou les intérêts ne sont pas indexés, émis à taux fixe et d'échéance finale supérieure à sept ans, constaté sur le marché secondaire de Paris par la caisse des dépôts et consignations durant les vingt-cinq premières semaines du semestre précédant sa fixation ; que ces dispositions tendent, d'une part, à permettre une négociation normale de ces titres sur le marché des obligations, d'autre part, à pallier les risques de dépréciation monétaire ;

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64. Considérant, enfin, que le remboursement de ces obligations au pair se fera par voie de tirage au sort en quinze tranches annuelles sensiblement égales, ce qui fait apparaître une échéance moyenne de remboursement à sept ans et demi, durée qui n'est ni anormale ni excessive ; 65. Considérant ainsi qu'en eux-mêmes, les articles 5, 17 et 31 de la loi qui prévoient un mode d'indemnisation suffisamment équivalent à un paiement en numéraire, ne sont pas contraires à la Constitution ; Sur divers moyens soulevés par la saisine des sénateurs : En ce qui concerne les articles 2, 14 et 28 de la loi : 66. Considérant qu'il est fait grief aux dispositions des articles 2, 14 et 28 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel d'autoriser les personnes morales appartenant déjà au secteur public ou qui sont destinées à y entrer par l'effet de la présente loi à conserver les actions qu'elles détiennent dans les sociétés visées par cette loi, à céder leurs actions exclusivement à d'autres personnes morales appartenant au secteur public ou à échanger ces actions contre les obligations créées par la même loi ; qu'il y aurait là une méconnaissance de l'article 34 de la Constitution en ce que, au sens de ce texte, la nationalisation impliquerait une propriété exclusive de l'État sur les biens ou les entreprises qu'elle concerne ; 67. Considérant que ni l'article 34 ni aucune autre disposition ou principe de valeur constitutionnelle ne s'oppose à ce que, aux côtés de l'État, d'autres personnes morales de droit public soient actionnaires des sociétés nationalisées ; qu'ainsi les articles 2, 14 et 28 de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ; En ce qui concerne les articles 3, 15 et 29 de la loi : 68. Considérant que les articles 3, 15 et 29 ont pour objet de rendre applicable aux sociétés visées par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel la législation commerciale, notamment les dispositions de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée, pour autant qu'elle est compatible avec les dispositions de la présente loi ; qu'il est reproché à ces dispositions de méconnaître l'article 34 de la Constitution en ce que le législateur, qui avait aux termes de celui-ci la mission de fixer les règles relatives aux nationalisations, a recouru, pour définir le champ d'application de la législation commerciale, à des termes d'une telle imprécision qu'il n'a pas rempli cette mission ; 69. Considérant que, même si, dans certains cas, l'application des articles 3, 15 et 29 de la loi peut donner lieu comme celle de toute loi, à des difficultés dont le règlement reviendrait, le cas échéant, aux juridictions compétentes, les dispositions critiquées sont suffisamment claires et précises et ne contreviennent en rien aux prescriptions de l'article 34 de la Constitution ; qu'elles doivent donc être regardées comme non contraires à la Constitution ; En ce qui concerne la situation des actionnaires minoritaires des filiales des sociétés nationalisées : 70. Considérant que, par l'effet de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, certaines sociétés non directement visées par cette loi, dans lesquelles l'une des sociétés nationalisées était majoritaire, passent sous le contrôle majoritaire de l'État qui devient seul actionnaire de la société mère ; qu'il est allégué par les sénateurs auteurs de la saisine que, de ce fait, les actionnaires minoritaires au sein des filiales considérées subiront un important préjudice en raison de la baisse de valeur de leurs actions et de la probabilité d'une restriction ou d'une suppression dans l'avenir de la distribution de dividendes ; qu'ainsi l'absence de dispositions prévoyant l'indemnisation de ces actionnaires minoritaires serait contraire au principe d'égalité ;

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71. Considérant que, dans le cas visé par les auteurs de la saisine, la situation juridique des actionnaires ne se trouverait pas modifiée en ce qui concerne leurs droits au regard du ou des actionnaires majoritaires ; que, d'ailleurs, le préjudice allégué est purement éventuel ; qu'ainsi le fait que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne prévoit aucune indemnisation au profit desdits actionnaires n'est en rien contraire au principe d'égalité ; Sur l'ensemble de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel : 72. Considérant que, pour les motifs ci-dessus énoncés, ne sont pas conformes à la Constitution : - Les articles 4, 16 et 30 relatifs à certains pouvoirs des administrateurs généraux et des conseils d'administration ; - Le membre de phrase de l'article 13-I ainsi conçu : Les banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des sociétés de caractère mutualiste ou coopératif ; - Les articles 6, 18 et 32 relatifs à la détermination de la valeur d'échange des actions ; 73. Considérant que les autres articles de la loi ne sont pas contraires à la Constitution ; 74. Considérant, toutefois, que les dispositions des articles 6, 18 et 32 sont inséparables de l'ensemble de la loi, Décide : Article premier : Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions des articles 4, 6, 16, 18, 30 et 32 de la loi de nationalisation, ainsi que celles énoncées, à l'article 13-I, par les mots : "Les banques dont la majorité du capital social appartient directement ou indirectement à des sociétés de caractère mutualiste ou coopératif". Article 2 : Les dispositions des articles 6, 18 et 32 de la loi de nationalisation ne sont pas séparables de l'ensemble de cette loi. Article 3 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

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Cour de cassation chambre mixte Audience publique du samedi 24 mai 1975 N° de pourvoi: 73-13556 Publié au bulletin REJET P.PDT M. AYDALOT, président RPR M. VIENNE, conseiller rapporteur PROC.GEN. M. TOUFFAIT, AV.GEN. M. GRANJON, avocat général Demandeur AV. MM. BORE, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET DEFERE (PARIS, 7 JUILLET 1973) QUE, DU 5 JANVIER 1967 AU 5 JUILLET 1971, LA SOCIETE CAFES JACQUES VABRE (SOCIETE VABRE) A IMPORTE DES PAYS-BAS, ETAT MEMBRE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE, CERTAINES QUANTITES DE CAFE SOLUBLE EN VUE DE LEUR MISE A LA CONSOMMATION EN FRANCE; QUE LE DEDOUANEMENT DE CES MARCHANDISES A ETE OPERE PAR LA SOCIETE J. WIEGEL ET C. (SOCIETE WEIGEL), COMMISSIONNAIRE EN DOUANE; QU'A L'OCCASION DE CHACUNE DE CES IMPORTATIONS, LA SOCIETE WEIGEL A PAYE A L'ADMINISTRATION DES DOUANES LA TAXE INTERIEURE DE CONSOMMATION PREVUE, POUR CES MARCHANDISES, PAR LA POSITION EX 21-02 DU TABLEAU A DE L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES; QUE, PRETENDANT QU'EN VIOLATION DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 25 MARS 1957 INSTITUANT LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE, LESDITES MARCHANDISES AVAIENT AINSI SUBI UNE IMPOSITION SUPERIEURE A CELLE QUI ETAIT APPLIQUEE AUX CAFES SOLUBLES FABRIQUES EN FRANCE A PARTIR DU CAFE VERT EN VUE DE LEUR CONSOMMATION DANS CE PAYS, LES DEUX SOCIETES ONT ASSIGNE L'ADMINISTRATION EN VUE D'OBTENIR, POUR LA SOCIETE WIEGEL, LA RESTITUTION DU MONTANT DES TAXES PERCUES ET, POUR LA SOCIETE VABRE, L'INDEMNISATION DU PREJUDICE QU'ELLE PRETENDAIT AVOIR SUBI DU FAIT DE LA PRIVATION DES FONDS VERSES AU TITRE DE LADITE TAXE; ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR ACCUEILLI CES DEMANDES EN LEUR PRINCIPE ALORS, SELON LE POURVOI, D'UNE PART, QUE LA COMPETENCE JUDICIAIRE EN MATIERE DE DROITS DE DOUANES EST LIMITEE AUX LITIGES CONCERNANT L'EXISTENCE LEGALE, LA DETERMINATION DE L'ASSIETTE ET LE RECOUVREMENT DE L'IMPOT; QU'ELLE NE PEUT ETRE ETENDUE AUX CONTESTATIONS CONCERNANT LE PRETENDU CARACTERE PROTECTIONNISTE DE L'IMPOT QUI SUPPOSENT UNE APPRECIATION DE L'IMPOSITION DU POINT DE VUE DE LA REGLEMENTATION DU COMMERCE EXTERIEUR, QUI RESSORTIT A LA COMPETENCE EXCLUSIVE DU JUGE ADMINISTRATIF; ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 25 MARS 1957, INVOQUE PAR LES DEMANDEURS A L'ACTION, NE VISE PAS UNE IMPOSITION DETERMINEE, MAIS CARACTERISE LE REGIME DISCRIMINATOIRE EN FONCTION DE L'ENSEMBLE DES "IMPOSITIONS INTERIEURES DE QUELQUE NATURE QU'ELLES SOIENT ", EN POSTULANT, PAR LA MEME, UNE APPRECIATION DE L'INCIDENCE ECONOMIQUE DE LA TOTALITE DES CHARGES FISCALES ET PARAFISCALES SUSCEPTIBLES DE GREVER LE PRODUIT LITIGIEUX, QUI EXCEDE MANIFESTEMENT LES LIMITES DU CONTENTIEUX DOUANIER ET DONC LA COMPETENCE DU JUGE CIVIL; MAIS ATTENDU QUE L'INCOMPETENCE DES TRIBUNAUX JUDICIAIRES, AU PROFIT DU JUGE ADMINISTRATIF, N'A PAS ETE INVOQUEE DEVANT LES JUGES DU FOND; QU'AUX TERMES DE

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L'ARTICLE 14 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972, LES PARTIES NE PEUVENT SOULEVER LES EXCEPTIONS D'INCOMPETENCE QU'AVANT TOUTES AUTRES EXCEPTIONS ET DEFENSES; QU'IL EN EST AINSI ALORS MEME QUE LES REGLES DE COMPETENCE SERAIENT D'ORDRE PUBLIC; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN EST IRRECEVABLE EN L'UNE ET L'AUTRE DE SES BRANCHES; SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST DE PLUS FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR DECLARE ILLEGALE LA TAXE INTERIEURE DE CONSOMMATION PREVUE PAR L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES PAR SUITE DE SON INCOMPATIBILITE AVEC LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 24 MARS 1957, AU MOTIF QUE CELUI-CI, EN VERTU DE L'ARTICLE 55 DE LA CONSTITUTION, A UNE AUTORITE SUPERIEURE A CELLE DE LA LOI INTERNE, MEME POSTERIEURE, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE S'IL APPARTIENT AU JUGE FISCAL.D'APPRECIER LA LEGALITE DES TEXTES REGLEMENTAIRES INSTITUANT UN IMPOT LITIGIEUX, IL NE SAURAIT CEPENDANT, SANS EXCEDER SES POUVOIRS, ECARTER L'APPLICATION D'UNE LOI INTERNE SOUS PRETEXTE QU'ELLE REVETIRAIT UN CARACTERE INCONSTITUTIONNEL; QUE L'ENSEMBLE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES A ETE EDICTE PAR LA LOI DU 14 DECEMBRE 1966 QUI LEUR A CONFERE L'AUTORITE ABSOLUE QUI S'ATTACHE AUX DISPOSITIONS LEGISLATIVES ET QUI S'IMPOSE A TOUTE JURIDICTION FRANCAISE; MAIS ATTENDU QUE LE TRAITE DU 25 MARS 1957, QUI, EN VERTU DE L'ARTICLE SUSVISE DE LA CONSTITUTION, A UNE AUTORITE SUPERIEURE A CELLE DES LOIS, INSTITUE UN ORDRE JURIDIQUE PROPRE INTEGRE A CELUI DES ETATS MEMBRES; QU'EN RAISON DE CETTE SPECIFICITE, L'ORDRE JURIDIQUE QU'IL A CREE EST DIRECTEMENT APPLICABLE AUX RESSORTISSANTS DE CES ETATS ET S'IMPOSE A LEURS JURIDICTIONS; QUE, DES LORS, C'EST A BON DROIT, ET SANS EXCEDER SES POUVOIRS, QUE LA COUR D'APPEL A DECIDE QUE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DEVAIT ETRE APPLIQUE EN L'ESPECE, A L'EXCLUSION DE L'ARTICLE 265 DU CODE DES DOUANES, BIEN QUE CE DERNIER TEXTE FUT POSTERIEUR; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN EST MAL.FONDE; SUR LE TROISIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST AU SURPLUS REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR FAIT APPLICATION DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 25 MARS 1957, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE L'ARTICLE 55 DE LA CONSTITUTION SUBORDONNE EXPRESSEMENT L'AUTORITE QU'IL CONFERE AUX TRAITES RATIFIES PAR LA FRANCE A LA CONDITION EXIGEANT LEUR APPLICATION PAR L'AUTRE PARTIE; QUE LE JUGE DU FOND N'A PU, DES LORS, VALABLEMENT APPLIQUER CE TEXTE CONSTITUTIONNEL SANS RECHERCHER SI L'ETAT (PAYS-BAS) D'OU A ETE IMPORTE LE PRODUIT LITIGIEUX A SATISFAIT A LA CONDITION DE RECIPROCITE; MAIS ATTENDU QUE, DANS L'ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE, LES MANQUEMENTS D'UN ETAT MEMBRE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT EN VERTU DU TRAITE DU 25 MARS 1957 ETANT SOUMIS AU RECOURS PREVU PAR L'ARTICLE 170 DUDIT TRAITE, L'EXCEPTION TIREE DU DEFAUT DE RECIPROCITE NE PEUT ETRE INVOQUEE DEVANT LES JURIDICTIONS NATIONALES; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI; SUR LE QUATRIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR DECLARE LA TAXE LITIGIEUSE ENTACHEE D'UN CARACTERE DISCRIMINATOIRE AU REGARD DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 25 MARS 1957, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE D'APRES LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, LE RAPPORT DE SIMILITUDE EXIGE PAR L'ARTICLE 95 DUDIT TRAITE N'EXISTE QU'AUTANT QUE LES PRODUITS EN QUESTION RELEVENT DE LA "MEME CLASSIFICATION FISCALE, DOUANIERE OU STATISTIQUE" (ARRET DU 4 AVRIL 1968); QUE LE PRODUIT FINI IMPORTE (EXTRAITS SOLUBLES DE CAFE) ET LA MATIERE PREMIERE,

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RETENUE PAR L'ARRET A TITRE DE REFERENCE (CAFE VERT), RELEVENT DE DEUX POSITIONS TARIFAIRES DISTINCTES; QUE LA PROPORTION SELON LAQUELLE CES DEUX MARCHANDISES ETAIENT RESPECTIVEMENT TAXEES - QUI A D'AILLEURS ETE SUPPRIMEE A UNE DATE (1964) ANTERIEURE A LA PERIODE NON COUVERTE PAR LA PRESCRIPTION (CF JUGEMENT CONFIRME) - N'IMPLIQUE NULLEMENT QUE LES FABRICANTS FRANCAIS D'EXTRAITS SOLUBLES EMPLOIERAIENT REELLEMENT 3,600 KILOS DE CAFE VERT POUR PREPARER UN KILO DE CAFE SOLUBLE, LA TENEUR EN CAFE DE CETTE PREPARATION ETANT EXTREMEMENT VARIABLE, NON SEULEMENT A L'INTERIEUR DU MARCHE COMMUN, MAIS, EN OUTRE, A L'INTERIEUR DU TERRITOIRE FRANCAIS; QU'EN OUTRE, LA REGLEMENTATION NATIONALE, ISSUE DU DECRET DU 3 SEPTEMBRE 1965, IMPOSE AUX FABRICANTS FRANCAIS DE NOMBREUSES SUJETIONS, CONCERNANT NOTAMMENT LA QUALITE DU CAFE VERT, QUI EN DIMINUENT SENSIBLEMENT LE RENDEMENT ET, PAR CONSEQUENT, MODIFIENT LA TENEUR DES COMPOSANTES DU PRODUIT FINI; D'OU IL SUIT QUE L'ARRET ATTAQUE NE JUSTIFIE PAS VALABLEMENT DE LA SIMILITUDE ENTRE LES PRODUITS EN QUESTION, DONT LA PREUVE INCOMBAIT AUX SOCIETES WEIGEL ET VABRE; MAIS ATTENDU QUE SI L'ARRET INVOQUE DE LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, RENDU A TITRE PREJUDICIEL PAR APPLICATION DE L'ARTICLE 177 DU TRAITE, DISPOSE QUE "LE RAPPORT DE SIMILITUDE VISE A L'ARTICLE 94, ALINEA 1., EXISTE LORSQUE LES PRODUITS EN QUESTION SONT NORMALEMENT A CONSIDERER COMME TOMBANT SOUS LA MEME CLASSIFICATION, FISCALE, DOUANIERE OU STATISTIQUE SUIVANT LE CAS", IL AJOUTE QUE "L'ALINEA 2 DE L'ARTICLE 95 PROHIBE LA PERCEPTION DE TOUTE IMPOSITION INTERIEURE QUI... FRAPPE UN PRODUIT IMPORTE PLUS LOURDEMENT QU'UN PRODUIT NATIONAL.QUI, SANS ETRE SIMILAIRE AU SENS DE L'ARTICLE 95, ALINEA 1., SE TROUVE CEPENDANT EN CONCURRENCE AVEC LUI..."; QUE C'EST DONC A JUSTE TITRE QU'AYANT CONSTATE QUE, BIEN QUE L'EXTRAIT DE CAFE IMPORTE DES PAYS-BAS ET LE CAFE VERT SERVANT EN FRANCE A LA FABRICATION D'UNE TELLE MARCHANDISE NE FIGURENT PAS A LA MEME CLASSIFICATION DOUANIERE, CES PRODUITS SE TROUVENT NEANMOINS EN CONCURRENCE ET QU'AYANT, EN RETENANT LES ELEMENTS DE FAIT PAR ELLE ESTIMES PERTINENTS, APPRECIE SOUVERAINEMENT LA PROPORTION DE CAFE VERT NECESSAIRE A LA PRODUCTION D'UNE QUANTITE DONNEE D'EXTRAIT SOLUBLE DE CAFE, LA COUR D'APPEL A FAIT APPLICATION EN LA CAUSE DE L'ARTICLE SUSVISE DU TRAITE; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN EST MAL.FONDE; SUR LE CINQUIEME MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST DE PLUS REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR RETENU LE CARACTERE DISCRIMINATOIRE SUSVISE DE LA TAXE EN CAUSE, ALORS, SELON LE POURVOI, QU'EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 25 MARS 1957, LE CARACTERE DISCRIMINATOIRE D'UN REGIME FISCAL.DOIT ETRE APPRECIE EN FONCTION DE L'ENSEMBLE DES IMPOSITIONS, DE QUELQUE NATURE QU'ELLES SOIENT, SUSCEPTIBLES DE GREVER DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT LE PRODUIT EN QUESTION; QU'AINSI QUE L'ADMINISTRATION L'A RAPPELE DANS SES CONCLUSIONS LAISSEES SANS REPONSE, LE PRODUIT FRANCAIS SUPPORTAIT, OUTRE LA TAXE A L'IMPORTATION SUR LE CAFE VERT, LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE GREVANT LE PRODUIT A TOUS LES STADES DE SA FABRICATION ET COMMERCIALISATION; QU'EN OUTRE, LES CHARGES RESULTANT DE CETTE TAXE INTERNE SONT D'AUTANT PLUS LOURDES QUE LE COUT DE REVIENT DU PRODUIT EST PLUS ELEVE, QUE LE PRODUIT FRANCAIS EST SOUMIS A UNE REGLEMENTATION PARTICULIEREMENT RIGOUREUSE EDICTEE PAR LE DECRET DU 3 SEPTEMBRE 1965, QUI INTERDIT NOTAMMENT L'EMPLOI, DANS LA FABRICATION DU CAFE SOLUBLE, DE GRAINS BRISES OU PRESENTANT UNE DEFECTUOSITE QUELCONQUE; QU'EN OMETTANT D'EXAMINER L'ENSEMBLE DES IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE AINSI QUE LA REGLEMENTATION INTERNE AYANT POUR EFFET D'AUGMENTER LE MONTANT DES CHARGES FISCALES QUI GREVAIENT LE PRODUIT NATIONAL, ET DONT LE PRODUIT IMPORTE ETAIT EXEMPTE, LE JUGE DU FOND A MANQUE DE DONNER A SA DECISION UNE

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BASE LEGALE; MAIS ATTENDU QU'AUX CALCULS EFFECTUES PAR LE PREMIER JUGE DES CHARGES FISCALES AUXQUELLES ETAIENT SOUMIS, D'UN COTE LES EXTRAITS DE CAFE FABRIQUES EN FRANCE ET D'UN AUTRE COTE LES EXTRAITS IMPORTES, L'ADMINISTRATION DES DOUANES S'EST BORNEE, DEVANT LA COUR D'APPEL, A OPPOSER, DE FACON IMPRECISE, QUE LES COMPOSANTS DES PRODUITS NATIONAUX, "AUX DIVERS STADES DES OPERATIONS DONT ILS FONT L'OBJET SONT SOUMIS A LA FISCALITE INTERNE, ESSENTIELLEMENT REPRESENTEE PAR LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE", SANS FAIRE VALOIR EN QUOI L'INCIDENCE DE CETTE TAXE PESAIT D'AUTANT PLUS LOURDEMENT SUR LE PRIX DE REVIENT DU PRODUIT FRANCAIS QUE LA MATIERE PREMIERE D'OU IL ETAIT ISSU, ETAIT SOUMISE A DE STRICTES REGLES DE QUALITE ET SANS EXPLICITER EN QUOI CETTE INCIDENCE POUVAIT AMENER UNE EGALITE FISCALE ENTRE LES DEUX CATEGORIES DE PRODUITS; QU'EN S'APPROPRIANT, EN CET ETAT, LES ELEMENTS DE CALCUL DU TRIBUNAL, LA COUR D'APPEL A REPONDU AUX CONCLUSIONS INVOQUEES ET DONNE AINSI UNE BASE LEGALE A SA DECISION; D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS MIEUX FONDE QUE LES PRECEDENTS; SUR LE SIXIEME MOYEN : ATTENDU QUE L'ARRET EST ENFIN ATTAQUE EN CE QU'IL A DECIDE QUE LES SOMMES PERCUES PAR L'ADMINISTRATION DES DOUANES DEVAIENT ETRE RESTITUEES DANS LEUR INTEGRALITE, AU MOTIF QUE L'ARTICLE 369 DU CODE DES DOUANES INTERDIT AU JUGE DE MODERER LES DROITS, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE LA REPETITION DU MONTANT DE L'IMPOT NE PEUT ETRE ORDONNEE QUE DANS LA MESURE OU CELUI-CI REVETIRAIT UN CARACTERE DISCRIMINATOIRE ET NON PAS POUR SA TOTALITE, QU'EN OUTRE, L'ARTICLE 369 DU CODE DES DOUANES DEFEND AU JUGE DU FOND DE MODERER LES DROITS, LES CONFISCATIONS ET AMENDES, AINSI QUE D'EN ORDONNER L'EMPLOI AU PREJUDICE DE L'ADMINISTRATION DES DOUANES; QUE L'ARRET MECONNAIT CES DISPOSITIONS EN ACCORDANT AU CONTRIBUABLE LA RESTITUTION DU MONTANT DE L'IMPOT QUI ETAIT DU DES LORS QU'IL N'EST PAS ETABLI PAR L'ARRET QUE LA TAXE LITIGIEUSE SERAIT, POUR LA TOTALITE DE SON MONTANT, DISCRIMINATOIRE AU REGARD DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 95 DU TRAITE DU 25 MARS 1957; MAIS ATTENDU QUE, NOUVEAU ET MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, LE MOYEN EST IRRECEVABLE; PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 7 JUILLET 1973 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS (1. CHAMBRE).

Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre MIXTE N° 4 P. 6 Décision attaquée : Cour d'appel Paris (Chambre 1 ) du 7 juillet 1973

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 21 mars 2000 N° de pourvoi: 98-11982 Publié au bulletin Rejet. Président : M. Lemontey ., président Rapporteur : M. Ancel., conseiller rapporteur Avocat général : M. Sainte-Rose., avocat général Avocats : la SCP Boré, Xavier et Boré, M. Choucroy, la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Delaporte et Briard, M. Vuitton., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 28 novembre 1997) de l'avoir déclaré forclos pour agir en garantie des vices cachés en raison de l'expiration du bref délai prescrit par l'article 1648 du Code civil, alors que, d'une part, l'imprécision de cette notion avait eu pour effet de le priver d'un accès effectif à la justice, au sens de l'article 6.1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à défaut d'une détermination claire et précise des conditions d'exercice de l'action, alors que, d'autre part, le principe de sécurité juridique aurait été méconnu, la cour d'appel ayant opposé à l'action, pour la déclarer irrecevable, une jurisprudence nouvelle ne permettant plus d'invoquer le défaut de conformité de la chose vendue, afin d'échapper à l'exigence du bref délai , qu'ainsi aurait été méconnue, sur ces deux points, l'exigence d'un procès équitable consacrée par la convention précitée ; qu'enfin, en toute hypothèse, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale dans l'application qu'elle a faite de la condition de bref délai ; Mais attendu que le droit à un tribunal consacré par l'article 6.1, de la Convention européenne des droits de l'homme peut connaître des restrictions dans la mesure où il n'est pas atteint dans sa substance même, par des dispositions, notamment de délai , dont la clarté et la cohérence seraient insuffisantes ; que la notion de bref délai énoncée à l'article 1648 du Code civil, si elle n'indique pas une durée précise, n'en est pas moins claire dans son objectif et d'application simple selon une jurisprudence constante ; que cette disposition ne saurait donc constituer une restriction inadmissible au droit d'agir ; Et attendu que la sécurité juridique invoquée ne saurait consacrer un droit acquis à une jurisprudence figée, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit ; Attendu que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses deux premières branches, et qu'il se heurte, quant à la troisième, au pouvoir souverain reconnu aux juges du fond quant au point de départ et à l'appréciation du bref délai ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. Publication : Bulletin 2000 I N° 97 p. 65 Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 28 novembre 1997

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Conseil constitutionnel jeudi 20 novembre 2003 - Décision N° 2003-484 DC Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séj our des étrangers en France et à la nationalité Journal officiel du 27 novembre 2003, p. 20154 Voir la décision n° 2003-484 DC sur le site du Conseil Constitutionnel NOR : CSCL0306969S Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le 4 novembre 2003, par M. Claude ESTIER, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, Bertrand AUBAN, Robert BADINTER, Jean-Pierre BEL, Jacques BELLANGER, Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, M. Jean BESSON, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Yolande BOYER, Claire-Lise CAMPION, MM. Bernard CAZEAU, Gilbert CHABROUX, Gérard COLLOMB, Raymond COURRIÈRE, Roland COURTEAU, Yves DAUGE, Marcel DEBARGE, Jean-Pierre DEMERLIAT, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Mme Josette DURRIEU, MM. Bernard DUSSAUT, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Jean-Noël GUÉRINI, Claude HAUT, Mme Odette HERVIAUX, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Louis LE PENSEC, André LEJEUNE, Claude LISE, Philippe MADRELLE, Jacques MAHÉAS, Jean-Yves MANO, François MARC, Jean-Pierre MASSERET, Marc MASSION, Pierre MAUROY, Louis MERMAZ, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Jean-Marc PASTOR, Guy PENNE, Daniel PERCHERON, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-François PICHERAL, Bernard PIRAS, Mmes Danièle POURTAUD, Gisèle PRINTZ, MM. Daniel RAOUL, Paul RAOULT, Daniel REINER, Gérard ROUJAS, André ROUVIÈRE, Mme Michèle SAN VICENTE, MM. Claude SAUNIER, Michel SERGENT, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, Pierre-Yvon TRÉMEL, André VANTOMME, André VÉZINHET, Marcel VIDAL, Henri WEBER, Mme Nicole BORVO, M. Robert BRET, Mmes Hélène LUC, Josiane MATHON, M. Jack RALITE et Mme Odette TERRADE, sénateurs, et le même jour, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Michel DELEBARRE, Jean DELOBEL, Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude EVIN, Laurent FABIUS, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Armand JUNG, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Patrick LEMASLE, Mme Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-

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GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Simon RENUCCI, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mmes Ségolène ROYAL, Odile SAUGUES, MM. Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Jean-Pierre DEFONTAINE, Paul GIACOBBI, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO et M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, députés ; LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, Vu la Constitution ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le code pénal ; Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ; Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 modifiée réglementant les activités privées de sécurité ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 10 novembre 2003 ; Vu les observations en réplique présentées par les sénateurs auteurs de la première saisine, enregistrées le 18 novembre 2003 ; Vu les observations en réplique présentées par les députés auteurs de la seconde saisine, enregistrées le 18 novembre 2003 ; Vu les nouvelles observations du Gouvernement, enregistrées le 18 novembre 2003 ; Le rapporteur ayant été entendu, 1. Considérant que les auteurs des deux saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 5, 7, 8, 19, 21, 22, 23, 24, 28, 31, 42, 49, 50, 53 et 76 ; - SUR L'ARTICLE 5 : 2. Considérant que l'article 5 de la loi déférée modifie les dispositions des quatre derniers alinéas de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ; qu'il prévoit, notamment, que la décision de refus d'entrée d'un étranger sur le territoire français « est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit... de refuser d'être rapatrié avant l'expiration du délai d'un jour franc » ; qu'il précise que « la décision et la notification des droits qui l'accompagne doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend » ; qu'il ajoute que « l'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il souhaite bénéficier du jour franc » ; 3. Considérant que les députés et sénateurs requérants soutiennent qu'en prévoyant que l'étranger peut renoncer au bénéfice du jour franc avant qu'il soit procédé à son rapatriement, le législateur a méconnu le principe d'égalité devant la loi ; qu'il est resté en deçà de sa propre compétence « en se bornant à retenir une rédaction aussi peu précise quant à l'accès à une garantie procédurale fondamentale » ; 4. Considérant, en premier lieu, que les étrangers qui font l'objet d'une décision de refus d'entrée sont

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dûment informés, dans une langue qu'ils comprennent, de la possibilité qu'ils ont de demander à bénéficier d'un jour franc avant d'être rapatriés ; que, par suite, en plaçant chaque étranger devant le même choix, la disposition critiquée ne méconnaît pas le principe d'égalité ; 5. Considérant, en second lieu, qu'en précisant que « l'étranger est invité à indiquer sur la notification s'il souhaite bénéficier du jour franc », le législateur n'a pas méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 7 : 6. Considérant que l'article 7 de la loi déférée, qui rétablit l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, institue un contrôle administratif des attestations d'accueil établies par les personnes qui se proposent d'assurer le logement d'un étranger déclarant vouloir séjourner en France dans le cadre d'une visite familiale et privée ; que cet article définit l'engagement souscrit par les hébergeants, fixe les modalités de validation par l'administration des attestations d'accueil, prévoit la possibilité d'un traitement automatisé des demandes de validation ainsi que les délais et voies de recours contre les refus de validation ; . En ce qui concerne l'engagement de prendre en charge les frais de séjour de l'étranger hébergé ainsi que ceux de son rapatriement éventuel : 7. Considérant qu'en vertu de l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tel qu'il résulte du quatrième alinéa de l'article 7 de la loi déférée, l'attestation d'accueil « est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant à prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa ou pendant une durée de trois mois à compter de l'entrée de l'étranger sur le territoire des Etats parties à la convention susmentionnée, et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil, et les frais de son rapatriement si l'étranger ne dispose pas, à l'issue de cette période, des moyens lui permettant de quitter le territoire français » ; 8. Considérant qu'il est fait grief à cette disposition d'être entachée d'incompétence négative et de porter atteinte au respect de la vie privée, au droit de mener une vie familiale normale et au principe d'égalité ; 9. Considérant que l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; 10. Considérant que, si cette disposition n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; 11. Considérant que la prise en charge éventuelle par l'hébergeant des frais de séjour de la personne qu'il reçoit dans le cadre d'une visite familiale et privée, dans la limite du montant des ressources exigées d'un étranger pour une entrée sur le territoire en l'absence d'attestation d'accueil, ne méconnaît pas l'article 13 de la Déclaration de 1789 ; qu'elle ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés ; qu'en retenant la formulation critiquée, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de ses compétences ; 12. Considérant, en revanche, qu'en mettant à la charge de l'hébergeant les frais de rapatriement éventuel de l'étranger accueilli, sans prévoir un plafonnement de ces frais, sans tenir compte ni de la

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bonne foi de l'hébergeant ni du comportement de l'hébergé et sans fixer un délai de prescription adapté, le législateur a rompu de façon caractérisée l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; 13. Considérant qu'il s'ensuit que doivent être regardés comme contraires à la Constitution, à la fin du quatrième alinéa de l'article 7 de la loi déférée, les mots : « , et les frais de son rapatriement si l'étranger ne dispose pas, à l'issue de cette période, des moyens lui permettant de quitter le territoire français » ; . En ce qui concerne les modalités de validation des attestations d'accueil : 14. Considérant que les dispositions du nouvel article 5-3 de l'ordonnance, telles qu'elles résultent des alinéas cinq à dix de l'article 7 de la loi déférée, disposent que le maire ne peut refuser de valider l'attestation d'accueil que lorsque l'hébergeant ne présente pas les pièces justificatives nécessaires, ou que les conditions normales de logement ne sont pas respectées, ou que les mentions portées sur l'attestation sont inexactes, ou encore que les attestations antérieurement signées par l'hébergeant révèlent un détournement de la procédure ; qu'elles fixent les modalités selon lesquelles les conditions normales de logement pourront être vérifiées par des agents de la commune ou l'Office des migrations internationales ; qu'elles précisent que les agents habilités à cet effet ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assurés du consentement de celui-ci, donné par écrit ; 15. Considérant que les deux saisines reprochent au législateur d'avoir confié un pouvoir discrétionnaire au maire, qui agirait comme élu local, sans suffisamment encadrer l'exercice de ce pouvoir ; 16. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques... » ; 17. Considérant que la loi déférée dispose expressément qu'en l'espèce le maire agit en qualité d'autorité de l'Etat ; qu'elle soumet ses décisions au recours hiérarchique du préfet ; qu'elle définit de façon limitative et précise les motifs de refus de validation des attestations d'accueil ; qu'elle fixe à un mois le délai dans lequel le maire, comme le cas échéant le préfet, doivent se prononcer de façon explicite ou implicite ; que, si elle prévoit qu'en cas de refus de l'hébergeant de faire visiter son logement, les conditions normales de logement sont réputées ne pas être remplies, elle précise que le refus doit résulter d'une manifestation non équivoque de volonté ; que, dans ces conditions, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ; . En ce qui concerne les délais et voies de recours : 18. Considérant que le onzième alinéa de l'article 7 de la loi déférée énonce que : « Tout recours contentieux dirigé contre un refus de validation d'une attestation d'accueil doit être précédé, à peine d'irrecevabilité, d'un recours administratif auprès du préfet territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter du refus » ; que l'alinéa suivant dispose que le silence gardé pendant plus d'un mois par le maire ou par le préfet vaut décision de rejet ; 19. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'exigence d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, ne méconnaît pas le droit à un recours effectif tel qu'il résulte de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que cette exigence n'a d'ailleurs pas pour effet d'interdire à l'intéressé de saisir le juge administratif des référés sans attendre que le préfet ait statué sur son recours hiérarchique ; . En ce qui concerne le traitement automatisé des demandes de validation des attestations d'accueil :

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20. Considérant qu'en vertu du quatorzième alinéa de l'article 7 de la loi déférée : « Les demandes de validation des attestations d'accueil peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé afin de lutter contre les détournements de procédure. Les fichiers correspondants sont mis en place par les maires, selon des dispositions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce décret précise la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes qui seront amenées à consulter ces fichiers ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès » ; 21. Considérant que les députés et sénateurs requérants soutiennent qu'une conciliation satisfaisante n'a pas été opérée par ces dispositions entre la sauvegarde de l'ordre public et le respect dû à la vie privée ; 22. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ; 23. Considérant que la finalité des traitements automatisés de données nominatives que les maires peuvent instituer en leur qualité d'agents de l'Etat, en vertu de la disposition critiquée, est la lutte contre l'immigration irrégulière ; que cette finalité participe de la sauvegarde de l'ordre public qui est une exigence de valeur constitutionnelle ; que la loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le soin de fixer les garanties des personnes qui pourront faire l'objet du traitement automatisé, dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ; qu'eu égard aux motifs qu'elle fixe pour la consultation des données nominatives, comme aux restrictions et précautions dont elle assortit leur traitement, notamment en prévoyant la limitation de la durée de leur conservation, la loi déférée opère, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée ; 24. Considérant qu'il s'ensuit qu'à l'exception des mots déclarés contraires à la Constitution pour les motifs indiqués au considérant 13, l'article 7 est conforme à la Constitution ; - SUR LES ARTICLES 8 et 21 : 25. Considérant que l'article 8 de la loi déférée modifie l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'en dehors des cas où la carte de résident est délivrée de plein droit en vertu de l'article 15 de l'ordonnance, le nouvel article 6 subordonne la délivrance d'une première carte de résident « à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française » ; qu'il prévoit que, pour l'appréciation de cette condition d'intégration, le préfet « peut saisir pour avis le maire de la commune de résidence de l'étranger » ; 26. Considérant que l'article 21 de la loi déférée modifie l'article 14 de l'ordonnance ; qu'il fixe à deux ou cinq ans la condition de résidence ininterrompue en France requise pour la délivrance, autre que de plein droit, de la carte de résident, et la subordonne à l'intégration républicaine de l'étranger ; 27. Considérant que, selon les requérants, « en liant la délivrance de la carte de résident à des conditions qui jusqu'alors étaient davantage exigées pour l'obtention de la nationalité, le législateur a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la liberté individuelle et du principe d'égalité » ; qu'ils invoquent en outre le droit de mener une vie privée et familiale normale et critiquent tant l'allongement de la durée de résidence exigée pour la première délivrance de la carte de résident que l'intervention du maire de la commune de résidence de l'étranger en ce qui concerne l'appréciation de la condition d'intégration ;

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28. Considérant, d'une part, qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; qu'eu égard à l'objectif d'intérêt général qu'il s'est assigné, tendant à instituer un statut de résident de longue durée, le législateur a pu exiger que l'obtention de la carte de résident délivrée en vertu de l'article 14 de l'ordonnance soit soumise à la double condition d'une durée de résidence ininterrompue de deux ou cinq ans sur le territoire français et d'une intégration dans la société française ; 29. Considérant, d'autre part, que, aux termes du 1° de l'article 12 bis de l'ordonnance, dans sa rédaction résultant de la loi déférée, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, « à l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, ainsi qu'à l'étranger entré régulièrement sur le territoire français dont le conjoint est titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial » ; que, de même, aux termes du 6° de l'article 12 bis, cette carte est délivrée « à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an » ; que la loi déférée ne porte donc pas atteinte au droit de mener une vie familiale normale qui trouve son fondement dans le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; 30. Considérant que la saisine facultative du maire par le préfet, pour l'appréciation de la condition d'intégration, revêt un caractère consultatif ; que, dès lors, manque en fait le grief tiré de ce que le législateur aurait délégué à un élu local une prérogative incombant par nature à l'Etat ; 31. Considérant que, dans ces conditions, les griefs invoqués à l'encontre des articles 8 et 21 doivent être écartés ; - SUR L'ARTICLE 19 : 32. Considérant que le I de l'article 19 de la loi déférée a pour objet de modifier la composition de la commission du titre de séjour fixée par l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; 33. Considérant que, selon les auteurs des saisines, la commission du titre de séjour, qui comprendra une personnalité désignée par le préfet pour sa compétence en matière de sécurité publique et un représentant des maires du département, verra les magistrats qui y siègent placés en minorité et perdra son indépendance ; que, selon eux, le caractère contradictoire de la procédure ainsi que le respect des droits de la défense ne seront pas assurés ; qu'enfin, les conditions d'intervention du rapporteur de la commission, qui est un représentant du préfet, ne sont pas précisées ; 34. Considérant que la disposition critiquée, qui se borne à modifier la composition d'une commission administrative de l'Etat à caractère consultatif, n'est contraire à aucun principe constitutionnel ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'incompétence négative dès lors que ni l'article 34 de la Constitution ni aucune autre des dispositions de celle-ci ne range dans le domaine de la loi la définition du rôle du rapporteur d'une telle commission ; - SUR LES ARTICLES 22, 23 et 24 : 35. Considérant que l'article 22 de la loi déférée porte d'un à deux ans la durée de mariage exigée pour la délivrance de plein droit de la carte de résident accordée, en vertu du 1° de l'article 15 de l'ordonnance, à tout étranger séjournant régulièrement en France et marié à un ressortissant français,

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à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; 36. Considérant que les articles 23 et 24 abrogent respectivement le 3° et le 5° de l'article 15 de l'ordonnance qui prévoyaient, sous certaines conditions, la délivrance de plein droit de la carte de résident à ceux qui, séjournant régulièrement sur le sol français, sont soit père ou mère d'un enfant français résidant en France, soit conjoint ou enfant mineur d'un étranger titulaire d'une carte de résident ; 37. Considérant que le dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; qu'il résulte de cette disposition que les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale ; 38. Considérant, toutefois, qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public qui est un objectif de valeur constitutionnelle et les exigences du droit de mener une vie familiale normale ; 39. Considérant que, sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, les étrangers perdant le bénéfice de la carte de résident en application des dispositions critiquées conservent celui de la carte de séjour temporaire, qui leur sera délivrée de plein droit en vertu des 1°, 4° et 6° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifié par l'article 17 de la loi déférée ; que, dès lors, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions critiquées ne méconnaissent ni la liberté du mariage ni le droit de mener une vie familiale normale ; - SUR L'ARTICLE 28 : 40. Considérant que l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 définit et réprime les infractions d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire français et sur celui d'un autre Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; que l'article 28 de la loi déférée modifie cet article 21, notamment en vue d'étendre la répression à l'aide à « l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger sur le territoire d'un Etat partie au protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signée à Palerme le 12 décembre 2000 » ; 41. Considérant que les auteurs des deux saisines mettent en cause la conformité à la Constitution du 6° de l'article 28, qui ajoute au I de l'article 21 un alinéa selon lequel « ... la situation irrégulière de l'étranger est appréciée au regard de la législation de l'Etat membre ou de l'Etat partie intéressé... » ; que, selon eux, en faisant ainsi dépendre l'infraction d'une législation étrangère, alors que son élément intentionnel ne pourrait être apprécié qu'au regard du droit français, cette disposition violerait le principe de la légalité des délits et des peines tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; 42. Considérant que la disposition critiquée se borne à définir un élément constitutif inhérent à toute infraction transnationale d'aide au séjour irrégulier d'un étranger ; que de telles incriminations, établies par la loi pénale française en application des conventions internationales à laquelle la France est partie, ne se heurtent à aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ; que leur est de plein droit applicable le principe énoncé à l'article 121-3 du code pénal selon lequel il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que, dans ces conditions, la disposition contestée ne méconnaît pas l'article 8 de la Déclaration de 1789 ;

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- SUR L'ARTICLE 31 : 43. Considérant que l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, créé par l'article 31 de la loi déférée, prohibe et réprime, d'une part, le fait de contracter un mariage « aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française » et, d'autre part, l'organisation d'un mariage aux mêmes fins ; que ces dispositions ne méconnaissent aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, elles définissent les faits incriminés de manière suffisamment claire et précise, sans porter atteinte au principe de la légalité des délits et des peines ; que les sanctions qu'elles édictent ne présentent pas de caractère manifestement disproportionné ; - SUR L'ARTICLE 42 : 44. Considérant que cet article modifie les conditions du regroupement familial telles qu'elles figurent à l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'en particulier, il donne au IV de l'article 29 la rédaction suivante : « En cas de rupture de la vie commune, la carte de séjour temporaire qui a été remise au conjoint d'un étranger peut, pendant les deux années suivant sa délivrance, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la délivrance du titre, le préfet ou, à Paris, le préfet de police, refuse de délivrer la carte de séjour temporaire. - Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger à raison des violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, le préfet peut accorder le renouvellement du titre » ; 45. Considérant que les requérants font grief à ces dispositions de porter une atteinte disproportionnée au « droit à mener une vie privée » aux motifs que la période pendant laquelle le droit au séjour peut être remis en question passe d'un à deux ans et que « le titulaire du titre de séjour a pu subir la rupture de la vie commune hors de sa volonté » ; 46. Considérant qu'aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle ne garantit le maintien ou le renouvellement d'un titre particulier de séjour lorsque les conditions mises à la délivrance de ce titre ne sont plus satisfaites ; que, dès lors, le grief invoqué doit être écarté ; - SUR L'ARTICLE 49 : 47. Considérant que l'article 49 de la loi déférée, qui modifie l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, réforme les conditions dans lesquelles un étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français peut être placé et retenu dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; 48. Considérant que les requérants critiquent ces nouvelles dispositions en tant qu'elles sont relatives à la notification des droits des étrangers faisant l'objet d'une rétention, à leur accès aux avocats, au droit d'asile, à la prolongation de la rétention et à la procédure juridictionnelle ; . En ce qui concerne la notification des droits et l'accès à l'avocat : 49. Considérant que le huitième alinéa du I du nouvel article 35 bis de l'ordonnance prévoit que, lors de leur placement en rétention, les étrangers sont informés de leurs droits « dans les meilleurs délais » ; que ce même alinéa indique que, dans les lieux de rétention, les étrangers ont accès en toutes circonstances, « sauf en cas de force majeure », à un espace pour s'entretenir confidentiellement avec leur avocat ; 50. Considérant que, selon les requérants, le fait qu'un étranger placé en rétention soit informé de ses

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droits « dans les meilleurs délais » et non plus « immédiatement » porterait atteinte aux droits de la défense ; qu'il en irait de même de la limitation de « l'accès de l'étranger à l'avocat en cas de force majeure » ; 51. Considérant, en premier lieu, que le placement en rétention d'un étranger mettant en cause sa liberté individuelle, il importe de l'informer aussi rapidement que possible des droits qu'il peut exercer ; que les dispositions prévoyant que cette notification est effectuée « dans les meilleurs délais » prescrivent une information qui, si elle ne peut être immédiate pour des raisons objectives, doit s'effectuer dans le plus bref délai possible ; 52. Considérant, en second lieu, que l'exception prévue par le législateur « en cas de force majeure » ne vise pas la possibilité pour un étranger d'être assisté par un avocat dans le cadre d'une rétention, mais seulement celle d'accéder à un espace lui permettant de s'entretenir avec lui de façon confidentielle ; qu'au demeurant, la survenance d'un événement de force majeure serait, même dans le silence de la loi, de nature à exonérer l'administration de son obligation de donner accès à un tel espace ; 53. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions critiquées ne portent pas atteinte aux droits de la défense ; . En ce qui concerne le droit d'asile : 54. Considérant que le V du nouvel article 35 bis de l'ordonnance dispose : « A son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Il lui est notamment indiqué que sa demande d'asile ne sera plus recevable pendant la période de rétention si elle est formulée plus de cinq jours après cette notification » ; 55. Considérant que, selon les requérants, la « forclusion de délai » qui encadre le dépôt des demandes d'asile en rétention « ne se justifie ni par l'ordre public ni par aucune autre circonstance » et « viole le droit d'asile » ; 56. Considérant que le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le Préambule de la Constitution de 1958, dispose en son quatrième alinéa : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République » ; qu'il incombe au législateur d'assurer en toutes circonstances l'ensemble des garanties légales que comporte cette exigence constitutionnelle ; 57. Considérant qu'en prévoyant qu'une demande d'asile sera irrecevable si elle est formulée plus de cinq jours après le placement de l'étranger dans un centre de rétention, le législateur a voulu concilier le respect du droit d'asile et, en évitant des demandes de caractère dilatoire, la nécessité de garantir l'exécution des mesures d'éloignement, qui participe de la sauvegarde de l'ordre public ; qu'il a prévu, à cet effet, que l'étranger sera pleinement informé du délai durant lequel une demande d'asile peut être formulée ; que ce délai ne saurait courir à défaut d'une telle information ; 58. Considérant qu'il résulte de la référence spécialement faite par le législateur à la catégorie particulière des « centres » de rétention au V de l'article 35 bis que le délai de cinq jours mentionné par cette disposition ne couvre pas la période éventuellement passée en rétention par un étranger dans un local d'une autre nature ; 59. Considérant, en outre, que, comme le rappelle, dans sa rédaction actuelle, l'article 27 bis de l'ordonnance : « Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4

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novembre 1950 » ; 60. Considérant que, dans ces conditions, la disposition contestée n'est pas contraire à la Constitution ; . En ce qui concerne la durée et les motifs de la rétention : 61. Considérant que l'article 49 de la loi déférée étend la durée pendant laquelle les étrangers placés en rétention peuvent être maintenus dans les locaux prévus à cet effet ; que le paragraphe I du nouvel article 35 bis de l'ordonnance donne à l'autorité judiciaire, lorsqu'un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de placement, la possibilité de prolonger ce maintien pour une durée de quinze jours ; qu'à l'issue de cette période, les paragraphes II et III du même article prévoient que le juge peut de nouveau proroger la rétention, dans des circonstances limitativement énumérées, respectivement de quinze ou cinq jours supplémentaires ; - Quant à la durée de la rétention et au rôle de l'autorité judiciaire : 62. Considérant que, selon les requérants, l'allongement de la durée de la rétention reviendrait à « priver le juge judiciaire de la possibilité de jouer pleinement son rôle de gardien des libertés individuelles tel que défini par l'article 66 de la Constitution » ; que « la circonstance que la décision de maintien en rétention soit prise par le juge des libertés et de la détention ne purge pas ce vice » ; qu'en effet, une fois le maintien en rétention décidé, le juge serait « privé de la possibilité d'adapter la durée de rétention en fonction des circonstances de fait susceptibles d'intervenir » ; 63. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; 64. Considérant, en premier lieu, que la disposition contestée ne remet pas en cause le contrôle de l'autorité judiciaire sur le maintien en rétention, au delà de quarante-huit heures, d'un étranger qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français ; que le législateur a prévu qu'à cette occasion, le juge, après s'être assuré que l'étranger a été placé en situation de faire valoir ses droits, l'informe des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; 65. Considérant, en deuxième lieu, que l'allongement de la durée de la rétention est sans incidence sur le droit reconnu à l'étranger de contester la décision administrative qui le contraint à quitter le territoire français ; que ce droit est mis en oeuvre par l'article 22 bis de l'ordonnance ; qu'en cas d'annulation de la mesure d'éloignement par le juge administratif, il est mis fin immédiatement au maintien en rétention de l'étranger, qui est alors muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ; 66. Considérant, en troisième lieu, que l'étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet ; que l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ; 67. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les griefs invoqués doivent être écartés ; - Quant aux motifs pouvant justifier une prolongation de la rétention : 68. Considérant que, selon les requérants, les dispositions du III de l'article 35 bis prévoyant la

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possibilité d'une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de cinq jours portent atteinte à la liberté individuelle et au principe de proportionnalité des peines consacré par l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que, selon eux, les circonstances pouvant fonder cette prolongation sont « totalement extérieures » à l'intéressé et donc de nature à « conduire à la privation de liberté d'une personne pour des faits auxquels elle est étrangère » ; 69. Considérant, en premier lieu, que le maintien d'un étranger en rétention au titre de cette disposition n'est possible que si la mesure d'éloignement prise à son encontre n'a pu être exécutée, « malgré les diligences de l'administration », en raison du défaut de délivrance ou d'une délivrance trop tardive des documents de voyage par le consulat dont il relève ou de l'absence de moyens de transport ; que la durée de la prolongation en cause est justifiée par les motifs susceptibles de la fonder, qui ne sont imputables ni à la volonté, ni à un manque de diligence de l'administration ; 70. Considérant, en second lieu, que le législateur a prévu que cette prolongation de la rétention ne peut être ordonnée que lorsqu'il est établi que la délivrance des documents de voyage ou la présence d'un moyen de transport doit intervenir « à bref délai », de telle sorte que les conditions nécessaires à l'exécution de la mesure d'éloignement puissent être réunies dans le délai de prolongation de cinq jours ; 71. Considérant que, dans ces conditions, le législateur n'a méconnu aucune des exigences constitutionnelles invoquées par les requérants ; . En ce qui concerne le maintien d'un étranger à la disposition de la justice pendant un délai de quatre heures lorsqu'une ordonnance met fin à sa rétention : 72. Considérant que les derniers alinéas des paragraphes I, II et III et le paragraphe IV de l'article 35 bis de l'ordonnance, issus de l'article 49 de la loi déférée, prévoient que le ministère public peut faire appel des ordonnances de libération ou d'assignation à résidence rendues par le juge des libertés et de la détention en ce qui concerne des étrangers maintenus en rétention ; qu'il peut également, dans un délai de quatre heures, assortir son recours d'une demande d'effet suspensif ; que l'étranger est maintenu à la disposition de la justice pendant ce même délai de quatre heures et, si le procureur de la République forme un appel assorti d'une demande d'effet suspensif, jusqu'à ce qu'il soit statué sur cette demande ; 73. Considérant que, selon les requérants, le maintien à la disposition de la justice d'une personne dont un juge a ordonné la libération méconnaîtrait le rôle de gardien de la liberté individuelle que la Constitution reconnaît au juge judiciaire ; 74. Considérant qu'en principe, il résulte de l'article 66 de la Constitution que, lorsqu'un magistrat du siège a, dans la plénitude des pouvoirs que lui confère son rôle de gardien de la liberté individuelle, décidé par une décision juridictionnelle qu'une personne doit être mise en liberté, il ne peut être fait obstacle à cette décision, fût-ce dans l'attente, le cas échéant, de celle du juge d'appel ; 75. Considérant, toutefois, que l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et ceux du parquet ; que le ministère public a reçu de la loi déférée compétence pour agir dans des conditions spécifiques, qui le distinguent des parties à l'instance que sont l'étranger et le représentant de l'Etat dans le département ; 76. Considérant que le législateur a prévu que le procureur de la République ne peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif que lorsque l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou en cas de menace grave pour l'ordre public ; que le but visé par la loi est d'assurer le maintien de la personne concernée à la disposition de la justice ; que la demande du procureur de la République, qui doit accompagner

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l'appel, est formée dans un délai de quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance et transmise au premier président de la cour d'appel ou à son délégué ; que seul ce magistrat du siège décide s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif ; qu'à ce stade de la procédure, il ne lui incombe que de déterminer si l'étranger dispose de garanties effectives de représentation ou constitue une menace grave pour l'ordre public, alors qu'il lui appartiendra d'apprécier les conditions d'application de l'article 35 bis quand il statuera sur l'appel interjeté dans les quarante-huit heures à compter de sa saisine ; 77. Considérant que le législateur a prévu que le premier président de la cour d'appel ou son délégué doit se prononcer « sans délai » sur la demande d'effet suspensif de l'appel émanant du procureur de la République ; que l'expression « sans délai » implique une décision qui, si elle ne peut être immédiate pour des raisons tenant à l'exercice des droits de la défense, doit être rendue dans le plus bref délai ; 78. Considérant que, dans ces conditions, la disposition contestée n'est pas contraire à la Constitution ; . En ce qui concerne la tenue des audiences dans des salles spécialement aménagées ou au moyen de techniques de télécommunication audiovisuelle : 79. Considérant que le neuvième alinéa du I de l'article 35 bis de l'ordonnance, dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi déférée, prévoit que le juge des libertés et de la détention, saisi aux fins d'une prolongation de rétention, statue au siège du tribunal de grande instance ; que, toutefois, si une salle d'audience a été aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle ; que, par ailleurs, le second alinéa du VII de l'article 35 bis prévoit que le juge peut décider, sur proposition du préfet et avec le consentement de l'étranger, que les audiences organisées pour statuer sur une demande de prolongation de la rétention, sur un appel formé par le ministère public et, le cas échéant, sur une demande d'effet suspensif, peuvent se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ; 80. Considérant que, selon les requérants, la possibilité d'organiser des audiences dans des salles spéciales ou par des moyens de télécommunication audiovisuelle fait échec au caractère public des débats, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable ; 81. Considérant qu'il résulte des travaux parlementaires qu'en autorisant le recours à des salles d'audience spécialement aménagées à proximité immédiate des lieux de rétention ou à des moyens de télécommunication audiovisuelle, le législateur a entendu limiter des transferts contraires à la dignité des étrangers concernés, comme à une bonne administration de la justice ; que, par elle-même, la tenue d'une audience dans une salle à proximité immédiate d'un lieu de rétention n'est contraire à aucun principe constitutionnel ; qu'en l'espèce, le législateur a expressément prévu que ladite salle devra être « spécialement aménagée » pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats et permettre au juge de « statuer publiquement » ; 82. Considérant que le déroulement des audiences au moyen de techniques de télécommunication audiovisuelle est subordonné au consentement de l'étranger, à la confidentialité de la transmission et au déroulement de la procédure dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public ; 83. Considérant que, dans ces conditions, les dispositions précitées garantissent de façon suffisante la tenue d'un procès juste et équitable ; - SUR L'ARTICLE 50 : 84. Considérant que l'article 50 de la loi déférée, qui modifie l'article 35 quater de l'ordonnance du 2

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novembre 1945, réforme les conditions dans lesquelles un étranger faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français ou demandant son admission au titre de l'asile peut être placé et maintenu dans une zone d'attente ; 85. Considérant que les requérants reprochent à ces dispositions de limiter « l'accès à l'avocat », de permettre le maintien d'un étranger à la disposition de la justice pendant un délai de quatre heures lorsqu'une ordonnance met fin à son maintien en zone d'attente, et d'organiser des audiences dans des salles spécialement aménagées ou au moyen de techniques de télécommunication audiovisuelle ; 86. Considérant que ces griefs sont identiques à ceux visant les dispositions analogues figurant à l'article 49 de la loi déférée ; qu'ils doivent être rejetés pour les mêmes motifs ; - SUR L'ARTICLE 53 : 87. Considérant que l'article 53 insère dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 un article 35 octies qui, à titre expérimental et dans les conditions qu'il définit, autorise l'Etat à passer avec des personnes de droit public ou privé, agréées en application de la loi du 12 juillet 1983 susvisée, « des marchés relatifs aux transports de personnes retenues en centres de rétention ou maintenues en zones d'attente » ; qu'en vertu du septième alinéa de l'article 35 octies, « un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ainsi que les conditions dans lesquelles les agents de sécurité privée investis des missions prévues par le présent article peuvent, le cas échéant, être armés » ; 88. Considérant que, selon la saisine, ces dispositions conduisent à déléguer à une personne privée une mission de souveraineté incombant par nature à l'Etat ; que, de surcroît, en permettant aux personnels des sociétés attributaires des marchés de transports d'être armés, le législateur aurait adopté une mesure inutile et susceptible de porter atteinte à la liberté individuelle des personnes transportées comme à l'ordre public ; 89. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes mêmes du deuxième alinéa de l'article 35 octies, les marchés en cause « ne peuvent porter que sur la conduite et les mesures de sécurité inhérentes à cette dernière, à l'exclusion de ce qui concerne la surveillance des personnes retenues ou maintenues au cours du transport qui demeure assurée par l'Etat » ; qu'une telle habilitation limite strictement l'objet des marchés à la mise à disposition de personnels compétents, à la fourniture de matériels adaptés ainsi qu'aux prestations de conduite des véhicules ; que, par l'exclusion de toute forme de surveillance des personnes transportées, elle réserve l'ensemble des tâches indissociables des missions de souveraineté dont l'exercice n'appartient qu'à l'Etat ; qu'il s'ensuit que le grief est infondé ; 90. Considérant, en second lieu, que la possibilité d'être armés donnée aux agents privés chargés des transferts, dans le but d'assurer, en cas de besoin, leur protection personnelle, n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de permettre à ces agents d'exercer des missions de surveillance des personnes transportées ; qu'il reviendra, d'une part, au décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 35 octies et, d'autre part, aux autorités publiques, lors de l'application des dispositions légales et réglementaires en cause, de faire respecter strictement cette limitation ; que, sous cette réserve, l'article 53 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 76 : 91. Considérant que l'article 76 modifie l'article 175-2 du code civil relatif aux oppositions à mariage formées par le procureur de la République saisi par l'officier de l'état civil ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de cet article dans leur nouvelle rédaction : « Lorsqu'il existe des indices sérieux

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laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition prévue par l'article 63, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146, l'officier de l'état civil peut saisir le procureur de la République. Il en informe les intéressés. Constitue un indice sérieux le fait, pour un ressortissant étranger, de ne pas justifier de la régularité de son séjour, lorsqu'il y a été invité par l'officier de l'état civil qui doit procéder au mariage. Ce dernier informe immédiatement le préfet ou, à Paris, le préfet de police, de cette situation. - Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil, aux intéressés et, le cas échéant, au préfet ou, à Paris, au préfet de police » ; 92. Considérant que les requérants font valoir que de telles dispositions porteraient atteinte à la liberté du mariage, à la liberté individuelle et au droit à la vie privée et familiale ; 93. Considérant que l'article 175-2 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'article 76 de la loi déférée, offre la faculté à l'officier de l'état civil, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage n'est envisagé que dans un but autre que l'union matrimoniale, de saisir le procureur de la République ; que le procureur de la République dispose d'un délai de 15 jours durant lequel il peut, par décision motivée, autoriser le mariage, s'opposer à sa célébration ou décider qu'il y sera sursis pour une durée qui ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée ; que cette décision peut être contestée devant le président du tribunal de grande instance qui statue dans les dix jours ; que, compte tenu des garanties ainsi instituées, la procédure prévue par l'article 175-2 du code civil ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive au principe constitutionnel de la liberté du mariage ; 94. Considérant, toutefois, que le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé ; 95. Considérant, en premier lieu, que, si le caractère irrégulier du séjour d'un étranger peut constituer dans certaines circonstances, rapproché d'autres éléments, un indice sérieux laissant présumer que le mariage est envisagé dans un autre but que l'union matrimoniale, le législateur, en estimant que le fait pour un étranger de ne pouvoir justifier de la régularité de son séjour constituerait dans tous les cas un indice sérieux de l'absence de consentement, a porté atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage ; 96. Considérant, en second lieu, qu'en prévoyant, d'une part, le signalement à l'autorité préfectorale de la situation d'un étranger accomplissant les formalités de mariage sans justifier de la régularité de son séjour et, d'autre part, la transmission au préfet de la décision du procureur de la République de s'opposer à la célébration du mariage, d'ordonner qu'il y soit sursis ou de l'autoriser, les dispositions de l'article 76 sont de nature à dissuader les intéressés de se marier ; qu'ainsi, elles portent également atteinte au principe constitutionnel de la liberté du mariage ; 97. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les deux dernières phrases du premier alinéa du nouvel article 175-2 du code civil, et, à la dernière phrase du deuxième alinéa du même article, les mots « et, le cas échéant, au préfet ou, à Paris, au préfet de police » doivent être déclarés contraires à la Constitution ; - SUR L'ARTICLE 1er : 98. Considérant que l'article 1er de la loi déférée prévoit que, chaque année, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration ; que son dernier alinéa précise que : « Le dépôt du rapport est suivi d'un débat » ;

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99. Considérant qu'aux termes de l'article 48 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des trois derniers alinéas de l'article 28, l'ordre du jour des assemblées comporte, par priorité et dans l'ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des projets de loi déposés par le Gouvernement et des propositions de loi acceptées par lui. - Une séance par semaine au moins est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement et aux réponses du Gouvernement. - Une séance par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée » ; 100. Considérant qu'en l'absence de dispositions constitutionnelles l'y autorisant, il n'appartient pas au législateur d'imposer l'organisation d'un débat en séance publique ; qu'une telle obligation pourrait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement ou chacune des assemblées, selon les cas, tiennent de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour ; 101. Considérant, par voie de conséquence, que le dernier alinéa de l'article 1er doit être déclaré contraire à la Constitution ; 102. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution, Décide: Article premier.- Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité : - le dernier alinéa de l'article 1er ; - au quatrième alinéa de l'article 7, les mots : « , et les frais de son rapatriement si l'étranger ne dispose pas, à l'issue de cette période, des moyens lui permettant de quitter le territoire français » ; - les deux dernières phrases du deuxième alinéa de l'article 76 ; - au troisième alinéa du même article, les mots : « et, le cas échéant, au préfet ou, à Paris, au préfet de police ». Article 2.- Le surplus des articles 1er, 7 et 76 de la même loi ainsi que les autres articles contestés sont déclarés conformes à la Constitution sous les réserves énoncées dans les considérants 66 et 90. Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 novembre 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mercredi 12 mai 2004 N° de pourvoi: 01-14259 01-14931 Publié au bulletin Cassation partielle. M. Lemontey, président M. Renard-Payen., conseiller rapporteur Mme Petit., avocat général la SCP Boutet, la SCP Nicolay et de Lanouvelle, la SCP Baraduc et Duhamel, Me Delvolvé, Me Haas., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, d'une part, et l'Assurance invalidité fédérale, d'autre part, ont déclaré s'associer par la voie d'un pourvoi incident au moyen de cassation invoqué par la Caisse d'assurance maladie de Haute-Savoie ; M. Chappaz, demandeur au pourvoi principal n° V 01-14.259, invoque à l'appui de son pourvoi deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; L'Assurance invalidité fédérale, demanderesse au pourvoi incident n° V 01-14.259, invoque à l'appui de son recours deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, demanderesse au pourvoi incident n° V 01-14.259, invoque à l'appui de son recours trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; La Caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Savoie, demanderesse au pourvoi principal n° A 01-14.931, invoque à l'appui de son recours un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; L'Assurance invalidité fédérale, demanderesse au pourvoi incident n° A 01-14.931, invoque à l'appui de son recours un moyen de cassation annexé au présent arrêt ; La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, demanderesse au pourvoi incident n° A 01-14.931, invoque à l'appui de son recours un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au Procureur général ; LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 mars 2004, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Renard-Payen, conseiller rapporteur, MM. Pluyette, Gridel, Gueudet, Mmes Marais, Pascal, MM. Tay, Rivière, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, M. Chauvin, Mmes Chardonnet, Trapero, Ingall-Montagnier, conseillers référendaires, Mme Aydalot, greffier de chambre ; Vu leur connexité, joint les pourvois n° V 01-14.259 et n° A 01-14.931 ;

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Attendu, que M. X..., passager d'un avion appartenant à l'Aéroclub d'Annecy et piloté par M. Y..., s'est écrasé au sol ; que grièvement blessé, il a saisi, le 14 mars 1991, le président du tribunal de grande instance d'Annecy, lequel a ordonné en référé une expertise médicale ainsi qu'une provision ; que les 21, 22 et 28 juillet 1992, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie et la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNSA) ont fait assigner M. Y..., son assureur la compagnie AGF, l'Aéroclub d'Annecy et son assureur la compagnie AGF MAT devant le tribunal de grande instance d'Annecy pour faire juger que l'Aéroclub était responsable de l'accident en tant que propriétaire de l'avion et civilement responsable de M. Y... et que leurs assureurs respectifs devaient les garantir ; que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... entièrement responsable du préjudice subi par M. X..., confirmé la mise hors de cause de l'Aéroclub et de la société AGF/MAT, et dit que M. Y... et les AGF étaient en droit d'opposer à M. X... la limitation de garantie de 750 000 francs prévue par l'article L. 322-2 du Code de l'Aviation Civile, et fixé le préjudice global de la victime à 864 611,38 francs au titre du préjudice soumis au recours des organismes de sécurité sociale et son préjudice personnel à 130 000 francs ; Sur le pourvoi principal n° V 01-14.259 de M. X..., le pourvoi incident de l'Assurance invalidité fédérale (AIF), pris chacun en leurs deux moyens et leurs diverses branches et le pourvoi incident de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, pris en ses deux premiers moyens en leurs diverses branches, tels qu'ils sont énoncés aux mémoires en demande et annexés au présent arrêt : Attendu que les demandeurs à ces pourvois font grief à l'arrêt d'avoir dit que le responsable de l'accident et son assureur pouvaient opposer à la victime la limite de responsabilité prévue par la convention de Varsovie et fixée par la loi à 750 000 francs ; Attendu, d'abord, que les juridictions n'ont pas le pouvoir d'écarter l'application d'un texte législatif pour non-conformité à la Constitution ; que, contrairement à ce qu'énonce le deuxième grief, le principe de réparation intégrale est étranger au respect de l'intégrité de la personne humaine garanti par les articles 2 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, étant observé, de surcroît, que le régime juridique applicable aux victimes est légitimement différent selon le mode de transport en cause ; Et attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que M. X... avait pris place à bord de l'avion pour une simple promenade et retenu que la qualification de transport aérien ne pouvait être écartée que dans l'hypothèse où le passager participait de façon active au pilotage, ou aux vols techniques d'essais ; qu'elle a ainsi répondu aux conclusions prétendument délaissées ; qu'elle a, encore, répondu au moyen pris de ce que M. Y... n'avait pas la qualité de transporteur en relevant que celle-ci n'impliquait pas nécessairement un trajet d'un point d'origine à un point de destination et englobait les déplacements circulaires ; de même, qu'en jugeant que la limitation de garantie découlant de la convention de Varsovie devait s'appliquer au litige, elle a nécessairement exclu que la garantie invoquée par la victime put jouer en l'espèce ; D'où il suit que les griefs sont dépourvus de fondement ; Sur le moyen unique du pourvoi principal n° A 01-14.931 de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie, le moyen unique du pourvoi incident de l'Assurance invalidité fédérale (AIF) et le moyen unique du pourvoi incident de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents : Attendu que les demanderesses au pourvoi principal et au pourvoi incident font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs actions contre l'Aéroclub d'Annecy en qualité de civilement responsable, et son assureur, la compagnie AGF, qu'il a mis hors de cause, alors, selon le moyen, que selon l'article 141-4 du Code de l'aviation civile, au cas de location ou de prêt d'un aéronef, le propriétaire et l'utilisateur exploitant sont solidairement responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés ; que pour déclarer hors de cause l'Aéroclub d'Annecy et son assureur, la compagnie AGF, et les dégager

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de toute responsabilité et obligation à garantie à l'occasion de l'accident de l'avion prêté par l'Aéroclub à un adhérent membre, la cour d'appel a énoncé que le passager transporté dans un aéronef n'était pas un tiers au sens de ce texte ; qu'en adoptant ainsi une conception limitative et restrictive de la notion de tiers, excluant les passagers transportés, ce qu'aucun élément ne justifiait, la cour d'appel a violé l'article 141-4 du Code de l'aviation civile par fausse interprétation ; Mais attendu que la cour d'appel a jugé à bon droit que le passager transporté n'était pas un tiers au sens de l'article L. 141-4 du Code de l'aviation civile ; que les moyens ne sont pas fondés ; Mais sur le troisième moyen, pris en ses deux branches du pourvoi incident n° V 01-14.259 de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident : Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que la cour d'appel a fixé la créance de la CNA à 255 644 francs suisses dont 28 500 francs suisses représentant l'indemnité pour atteinte à l'intégrité ; Attendu qu'en limitant ainsi cette créance au montant des indemnités journalières réclamées par la CNA, tout en précisant que la créance des organismes sociaux était fixée conformément à leur demande, alors, d'une part, que la Caisse précitée réclamait à divers titres, une somme globale de 536 817,30 francs suisses, et alors, d'autre part, que, selon la législation suisse, applicable par l'effet de la convention franco-suisse de sécurité sociale du 3 juillet 1975, l'assureur est subrogé dans les droits de l'assuré contre le tiers responsable de l'accident jusqu'à concurrence de toutes les prestations légales servies à la victime, la cour d'appel n'a pas donné de motif à sa décision ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité le recours de la Caisse nationale suisse d'assurance aux indemnités journalières versées pour un montant de 255 644 francs suisses, l'arrêt rendu le 6 février 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quatre. Publication : Bulletin 2004 I N° 136 p. 111 Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 6 février 2001

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 4 : La hiérarchie des normes

G. DANJAUME

- C constit. 16 janv. 1982 (cf. thème 4) - Ch mixte, 24 mai 1975 (cf. thème 4) - Civ. 1ère , 12 mai 2004, Bull. civ. I, n° 136. - Ass. Plén., 2 juin 2000, D. 2000, 865. - Civ. 2ème , 8 septembre 2016, inédit Voir aussi : - R. LIBCHABER, Le contrôle d’une éventuelle hiérarchie des normes

constitutionnelles, note sous C. constit., 26 mars 2003, R.T.D.C. 2003, 563. - Marcel MONIN, 1989 : réflexions à l’occasion d’un anniversaire : 30 ans de

hiérarchie des normes, D. 1990, 1, 27.

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Cour de cassation Assemblée plénière Audience publique du vendredi 2 juin 2000 N° de pourvoi: 99-60274 Publié au bulletin Rejet. Premier président :M. Canivet., président Rapporteur : M. Chagny, assisté de Mme Curiel-Malville, auditeur., conseiller rapporteur Premier avocat général :M. Joinet., avocat général REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur les deuxième et troisième moyens réunis : Attendu que Mlle X... fait grief au jugement attaqué (tribunal de première instance de Nouméa, 3 mai 1999) d'avoir rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de la commission administrative de Nouméa ayant refusé son inscription sur la liste prévue à l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie des électeurs admis à participer à l'élection du congrès et des assemblées de province et d'avoir refusé son inscription sur ladite liste, alors, selon le moyen : 1° que le jugement refuse d'exercer un contrôle de conventionnalité de l'article 188 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie au regard des articles 2 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 3 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et F (devenu 6) du traité de l'Union européenne du 7 février 1992, l'article 188 étant contraire à ces normes internationales en tant qu'il exige d'un citoyen de la République française un domicile de dix ans pour participer à l'élection des membres d'une assemblée d'une collectivité de la République française ; 2° qu'il appartenait subsidiairement au tribunal de demander à la Cour de justice des Communautés européennes de se prononcer à titre préjudiciel sur la compatibilité de l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 avec l'article 6 du traité de l'Union européenne ; Mais attendu, d'abord, que le droit de Mlle X... à être inscrite sur les listes électorales pour les élections en cause n'entre pas dans le champ d'application du droit communautaire ; Attendu, ensuite, que l'article 188 de la loi organique du 19 mars 1999 a valeur constitutionnelle en ce que, déterminant les conditions de participation à l'élection du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie et prévoyant la nécessité de justifier d'un domicile dans ce territoire depuis dix ans à la date du scrutin, il reprend les termes du paragraphe 2.2.1 des orientations de l'accord de Nouméa, qui a lui-même valeur constitutionnelle en vertu de l'article 77 de la Constitution ; que la suprématie conférée aux engagements internationaux ne s'appliquant pas dans l'ordre interne aux dispositions de valeur constitutionnelle, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 188 de la loi organique seraient contraires au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen auquel Mlle X... a déclaré renoncer : REJETTE le pourvoi. Publication : Bulletin 2000 A. P. N° 4 p. 7 Décision attaquée : Tribunal de première instance de Nouméa, du 3 mai 1999

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Marcel Monin En dehors du bicentenaire de la Révolution française, 1989 a marqué le trentième anniversaire de la théorie selon laquelle la Constitution de 1958 a engendré une hiérarchie des normes. Voici trente ans, en effet, que la doctrine, peut-être en raison de la manière dont les hommes et les institutions de la Ve République se sont installés, et de la volonté affichée par les nouveaux gouvernants de libérer les mains de l'exécutif et de limiter les prérogatives du législatif, a posé que(1) la Constitution de 1958 a engendré une hiérarchie des règles, que cette hiérarchie est nouvelle, et a assigné à chaque règle un niveau dans la hiérarchie(2). Depuis trente ans(3), quelles que soient leurs différences d'appréciation, les auteurs se sont accordés généralement sur quelques propositions complémentaires : 1° la Constitution de 1958 a donné au législateur une compétence d'attribution et conféré au pouvoir réglementaire une compétence de droit commun ; 2° le pouvoir réglementaire autonome qui a été ainsi créé est l'égal ou le concurrent du pouvoir législatif ; 3° le contrôle des décisions prises par le pouvoir exécutif dans le cadre de ce pouvoir réglementaire autonome exige notamment que les principes généraux du droit passent du niveau législatif au niveau constitutionnel, ce qui s'inscrit dans le cadre d'une hiérarchie des normes spécifique. Cette théorie, basée sur des propositions simples, reliées les unes aux autres par un système d'explication présentant toutes les apparences de la logique, a connu un grand succès : l'étude de la hiérarchie des normes a été mise au programme des travaux dans les facultés de droit ; les commissaires du Gouvernement y ont fait allusion dans certaines de leurs conclusions ; la doctrine en a même tiré des applications raffinées, en assignant à des « normes jurisprudentielles » une valeur « infra-législative et supra-décrétale »(4). On ne saurait ici ajouter une quelconque contribution à cette théorie. L'entreprise serait d'ailleurs bien tardive. Simplement, l'anniversaire de cette théorie, qui intervient en même temps que celui de la Révolution, a donné l'idée d'une réflexion quelque peu provocatrice (est-ce la célébration des idées révolutionnaires qui invite de la sorte aux idées ... irrévérencieuses ?) sur la hiérarchie des textes de la Constitution de 1958, en transformant, pour les besoins de la (mauvaise) cause, les affirmations et les certitudes, en sujets d'interrogation. C'est ainsi que trois questions seront posées ... dont les mobiles iconoclastes dictent le contenu : peut-on dire que la Constitution de 1958 a conféré une compétence d'attribution au pouvoir législatif ? Peut-on affirmer que l'art. 37 de la Constitution a créé un pouvoir réglementaire spécifique ? La notion de hiérarchie des normes a-t-elle un contenu certain ? I. - Peut-on dire avec certitude que la Constitutio n de 1958 a conféré une compétence d'attribution au pouvoir législatif ? Depuis 1791, les Constitutions qui ont régi le fonctionnement des institutions ont attribué au pouvoir législatif la compétence de voter l'impôt et de faire les réformes, et au pouvoir exécutif, le soin de les faire appliquer avec ses fonctionnaires. La lourdeur des procédures législatives, et les nécessités de la conjoncture ont conduit depuis longtemps à imaginer des techniques permettant à l'exécutif de faire des réformes au lieu et place du législatif, sans que celui-ci soit irrémédiablement privé de sa compétence traditionnelle. Avant 1958, les textes constitutionnels étant peu précis, c'est le législateur qui, en fonction des besoins du moment, délimitait la frontière entre les compétences des deux autorités, à l'occasion du vote de lois portant des noms différents, mais ayant toutes pour objet de donner au pouvoir réglementaire une compétence suffisante, pour qu'il puisse accomplir des réformes sans encourir le reproche d'avoir empiété sur la compétence du pouvoir législatif.

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Sous la Ve République, c'est le texte constitutionnel qui a opéré la délimitation. Cette délimitation est générale et - sous certaines réserves - (V. le dernier alin. de l'art. 34), permanente. En outre, est organisé le respect, par le législateur, de cette ligne frontière, avec la création d'un Conseil constitutionnel, dont la compétence à l'égard de la norme législative complète celle du Conseil d'Etat, qui ne peut traditionnellement veiller qu'à ce que, de l'autre côté, le pouvoir réglementaire n'excède pas sa compétence. L'innovation existe et est importante, puisqu'à côté (et en plus) des procédures traditionnelles de modification ponctuelle des compétences (ordonnances de l'art. 38), le pouvoir réglementaire peut, dans les domaines dans lesquels la compétence du législateur s'arrête à la détermination des « principes fondamentaux », édicter des normes largement au-delà de ses compétences du passé. Dire que le législateur n'a plus qu'un pouvoir d'attribution nous paraît cependant hardi(5). C'est un argument formel, tiré de la technique de rédaction de l'art. 34, qui permet de soutenir la thèse du pouvoir législatif d'attribution : les dispositions de l'art. 34 sont constituées d'une énumération de matières, tandis que l'art. 37 attribue ce qui ne figure pas dans la liste au pouvoir réglementaire. En réalité, l'argument tiré de la rédaction ne trouve pas de confirmation dans la jurisprudence. Des formules comme : « Considérant que de telles mesures relèvent, en vertu de l'art. 34 de la Constitution, du domaine de la loi et excèdent, par suite, les limites de la compétence assignée par l'art. 37, al. 1er, au pouvoir réglementaire »(6) ne sauraient à l'évidence être invoquées pour attribuer au pouvoir réglementaire une quelconque compétence de principe. En outre, l'analyse du contenu de l'art. 34 nous enseigne que tout ce qui entre dans la compétence traditionnelle du législateur figure dans les dispositions consacrées à la compétence de ce dernier, au moins sous la forme de principes fondamentaux, essentiellement là, d'ailleurs, où l'intervention du pouvoir réglementaire n'a rien de très choquant ni de très nouveau. Certes, la compétence législative du Parlement a subi, outre les cas dans lesquels le pouvoir exécutif s'est vu attribuer l'exercice du pouvoir législatif lui-même (art. 16 et 92) et en dehors de l'hypothèse où l'inaction législative peut avoir des effets législatifs (art. 47 - peut-être -, 49, al. 3), des amputations(7). Aussi faudrait-il, dans une sorte de contre-examen du contenu, ou plutôt des omissions, de l'art. 34, se demander si la nature des amputations édictées par le Constituant n'a pas remis d'aventure en question l'ordre naturel des compétences, ce qui justifierait, le cas échéant, que l'on parlât de pouvoir législatif d'exception ou d'attribution. L'amputation la plus symbolique et la plus significative, parce qu'elle méconnaît la norme formulée dans l'art. 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (principe de la légalité des délits et des peines), concerne la définition et la punition des contraventions. Or on ne peut, nous semble-t-il, soutenir que l'existence de cette amputation est déterminante, alors qu'elle est plus le fait des juges que du Constituant, et que sa portée est en réalité très limitée(8). En résumé, il paraît difficile, dès lors qu'il ne résulte pas de la combinaison des art. 34 et 37 que le Constituant ait opéré une redistribution fondamentale des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire, d'utiliser l'expression « compétence d'attribution » (certes moins choquante que l'expression « compétence d'exception » qui en est pourtant habituellement synonyme) - qui suggère que ce bouleversement s'est produit - pour qualifier la compétence du législateur. II. - Peut-on dire que l'art. 37 de la Constitution a créé un pouvoir réglementaire autonome, distinct du pouvoir réglementaire traditionnel ? Une partie de la doctrine a vu apparaître, avec la Constitution de 1958, un pouvoir réglementaire autonome, distinct, - s'il n'avait pas été distinct, on n'en aurait pas parlé - du pouvoir réglementaire traditionnel d'application des lois. On l'a conçu comme un corollaire du pouvoir législatif d'attribution, et rattaché à l'art. 37 de la Constitution. Le pouvoir exécutif n'est certes pas lié par le contenu de dispositions législatives lorsqu'il est lui-même législateur. Comme on l'a vu ci-dessus, c'est ce qui se passe dans le cadre de l'utilisation des

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art. 16, 92, et, sous un certain rapport, 49, al. 3, et peut-être 47 de la Constitution. Mais, dans toutes ces hypothèses, ce n'est pas le pouvoir réglementaire de l'exécutif qui est en cause. Ce n'est d'ailleurs pas là que l'on situe le pouvoir réglementaire autonome. On le localise dans l'art. 37. Si décrets autonomes de l'art. 37 il y a, comme on a coutume de le dire, il s'agit d'espèces bien ternes : la première est constituée de décrets « pris après avis du Conseil d'Etat » pour modifier les textes de forme législative intervenus avant 1958 dans les matières entrant depuis cette date dans la liste de l'art. 34. La deuxième est constituée de décrets qui ont pour objet de modifier des lois intervenues depuis l'entrée en vigueur de la Constitution, et qui doivent être pris après que le Conseil constitutionnel ait statué sur la nature des dispositions en cause. Autrement dit, les dispositions de l'art. 37 de la Constitution sont des dispositions de procédure, dans la logique d'autres dispositions, comme celles de l'art. 41, qui ont pour unique objet d'organiser le respect des compétences respectives du législateur et du pouvoir réglementaire. Les dispositions de l'art. 37 ne subordonnent pas la modification de lois à l'autorisation préalable du législateur, comme c'était le cas des décrets lois ou comme c'est encore le cas des ordonnances de l'art. 38. C'est en cela que l'on peut dire que le pouvoir réglementaire de l'art. 37 est original. Mais ce ne sont pas ces décrets auxquels on pense quand on parle du pouvoir réglementaire autonome de l'art. 37. Ce que l'on nomme « pouvoir réglementaire autonome » est bien sûr celui qui s'exerce dans les domaines dans lesquels, le législateur ne doit pas intervenir ou, après que ce dernier ait, en quelque sorte, épuisé sa compétence telle qu'elle est définie par les dispositions de l'art. 34. Il n'est pas contestable que des décrets interviennent dans des domaines dans lesquels aucune disposition législative n'impose de contrainte au pouvoir réglementaire. Mais on ne saurait tirer de cette constatation que, lorsque le pouvoir exécutif réglemente, sans dispositions législatives préexistantes contraignantes (absence ou énoncé de principes), il exerce une compétence réglementaire spécifique, de nature distincte de son pouvoir réglementaire de droit commun et qui serait une nouveauté de la Constitution de 1958. Premièrement, la jurisprudence reconnaît depuis longtemps que la compétence du pouvoir réglementaire s'étend au-delà de ce que la formulation dans les textes constitutionnels (« N. assure l'exécution des lois ») peut suggérer : les autorités investies par la Constitution du pouvoir réglementaire, selon cette formule, peuvent intervenir sans autorisation préalable (contrairement justement aux autres autorités administratives, comme les ministres, qui ont besoin de se faire attribuer la compétence d'édicter des dispositions réglementaires)(9). Ainsi, il n'est pas nouveau, il n'est pas propre aux institutions de 1958 que le pouvoir réglementaire intervienne sur des terres « vierges ». Limitons-nous à deux exemples parmi les plus connus. Sous la IIIe République, l'arrêt Labonne(10) fait apparaître l'existence, au profit du Président de la République, d'un pouvoir normatif, lui permettant de suppléer l'absence de loi, ce qui, à certains égards, allait presque au-delà de l'« autonomie » résultant de la limitation de la compétence du législateur de la Ve République à la formulation de principes fondamentaux. Ce pouvoir réglementaire, véritablement autonome du président de la IIIe République, a été identifié par le Conseil d'Etat comme étant une modalité d'exercice du pouvoir réglementaire (ordinaire), c'est-à-dire « d'application des lois ». Sous la IVe République, la même jurisprudence a permis, cette fois-ci au Gouvernement, de réglementer l'exercice du droit de grève, en l'absence des dispositions législatives annoncées par la Constitution de 1946(11), qui devaient procéder à cette réglementation. Le texte de 1958 a donné une consécration constitutionnelle à ce pouvoir réglementaire « propre ». Depuis 1958, cette notion de pouvoir réglementaire propre ou autonome étant bien connue (la jurisprudence Labonne a quarante ans en 1958), le Conseil d'Etat a rarement été amené à statuer sur

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un moyen tiré du caractère limité à l'application des lois du pouvoir réglementaire. On trouve néanmoins quelques espèces(12) dans lesquelles le Conseil d'Etat, comme en 1918, a rejeté ce moyen. Ainsi rien n'a fondamentalement changé, sinon que la doctrine a préféré appeler « autonome » le pouvoir réglementaire que la jurisprudence appelait jadis pouvoir « propre ». Deuxièmement, lorsque le pouvoir exécutif prend un décret dans une matière non régie par la loi, on ne peut certes pas dire que le décret en question a procédé à ... l'application d'une loi ! Mais l'absence de « disposition » législative (loi absente ou loi non contraignante) dans le domaine considéré n'implique pas ou ne signifie pas que la compétence alors mise en oeuvre par le pouvoir exécutif soit d'une nature différente de celle dont il dispose traditionnellement. Si l'on peut risquer en la matière une comparaison, on dira que le pouvoir réglementaire autonome ressemble à s'y méprendre au pouvoir discrétionnaire et que le pouvoir réglementaire d'application des lois peut être rapproché du pouvoir lié. Dans un cas comme dans l'autre, c'est le même pouvoir qui s'exerce. Seules sont différentes les modalités de son exercice, la technique et l'étendue de son contrôle. La jurisprudence Syndicat général des ingénieurs conseils(13) ne saurait, nous semble-t-il, être invoquée à l'appui de la thèse de l'existence d'un pouvoir réglementaire « autonome » spécifique, se trouvant sur le même plan que la loi. Cet arrêt rattache certes les principes généraux du droit à la Constitution, alors que, auparavant, le Conseil d'Etat se contentait souvent d'en affirmer l'existence - sans référence formelle - ou les rattachait, plus ou moins explicitement, à la loi. Mais, sous la IVe République, et bien avant qu'il ait eu connaissance des innovations constitutionnelles de la ... République suivante, le Conseil d'Etat avait déjà rattaché des principes généraux du droit à la Constitution(14) sans qu'on ait vu, à l'époque, dans cette jurisprudence, l'annonce ou la démonstration d'un bouleversement dans les rapports de la loi et du règlement(15). En outre, les règlements « autonomes » du législateur colonial ont subi, à bien des égards, le régime des règlements traditionnels : ils ont été soumis au respect des dispositions législatives applicables dans ces territoires et aux principes généraux du droit(16). Sous ce rapport également, la jurisprudence Syndicat général des ingénieurs conseils, parfaitement identique à celle de la IIIe République, n'annonce ni ne justifie la création de règlements d'une nature nouvelle : « Le président du Conseil des ministres ... dans l'exercice de ces attributions, ... était cependant tenu de respecter, d'une part, les dispositions des lois applicables dans les territoires d'outre-mer ... ». On ne s'étonnera pas, dans ces conditions, que la doctrine qui s'attache à défendre l'existence d'un pouvoir réglementaire autonome dont la nature particulière le ferait échapper par principe au respect de la loi - et qui serait en quelque sorte « au-dessus » du pouvoir réglementaire « d'application des lois », éprouve des difficultés à trouver une confirmation de la théorie dans la jurisprudence(17). En vérité, rien n'est très surprenant si l'on songe que l'art. 21 de la Constitution de 1958 a repris la formulation traditionnelle de la définition du pouvoir réglementaire et en désigne le titulaire (le Premier ministre assure l'exécution des lois ») et que l'art. 37 a organisé, en consacrant leur existence, l'exercice de pouvoirs propres de l'autorité investie du pouvoir réglementaire. Si d'autres dispositions de la Constitution conduisent, s'agissant de la compétence du Premier ministre, à son partage - par le jeu des dispositions de l'art. 13 -, voire, à certains égards à son amputation - par l'effet des dispositions de l'art. 19 -, au profit du Président de la République, aucune d'entre elles ne crée de compétence, dont la formulation ou le régime juridique la rendrait originale : le pouvoir réglementaire « autonome » n'est en vérité rien d'autre qu'une modalité traditionnelle d'exercice du pouvoir réglementaire. III. - La notion de hiérarchie a-t-elle un contenu certain ? La théorie du pouvoir réglementaire autonome - « supérieur » au pouvoir réglementaire d'application des lois, ou « égal » ou « concurrent » du pouvoir législatif - a engendré, avec son corollaire (la nécessaire valeur constitutionnelle des principes généraux du droit), le besoin de définir une hiérarchie des normes propre à la Ve République (V. G. Morange, chron. précitée).

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Cette théorie vise à situer les différentes normes provenant d'autorités diverses (législatives et administratives) les unes par rapport aux autres, à partir d'une conception « verticale ». Le choix de cette optique particulière(18) conduit naturellement à dire que si la norme du dessous doit obéir au contenu de celle du dessus, c'est précisément en raison de leurs rapports de subordination. Les auteurs donnent en général à ce caractère hiérarchique des rapports entre les différentes normes, des fondements ou des applications (il n'est pas toujours aisé de distinguer entre les deux). Le premier, c'est le pouvoir hiérarchique qui préside au fonctionnement de l'Administration, d'où l'on tire, par analogie, un classement par ordre « décroissant » des règles émises à chaque niveau de la hiérarchie : les actes du Président de la République, du Premier ministre, puis des ministres, plus bas ceux des préfets, et au bout de la chaîne, les décisions municipales. Le second, repose sur la constatation que la jurisprudence censure des actes qui sont contraires aux actes ainsi classés : si telle décision du maire est annulée parce qu'elle méconnaît le contenu d'un arrêté préfectoral, c'est qu'elle lui est inférieure ... Chaque annulation témoigne, en quelque sorte, de l'infériorité de la norme censurée et la supériorité de la norme de référence. On ne saurait nier que le principe hiérarchique soit présent dans le droit positif. La jurisprudence en fait d'ailleurs application quand elle estime par exemple que les décisions prises dans l'exercice du pouvoir hiérarchique ne peuvent être attaquées par les autorités subordonnées(19) ; le supérieur hiérarchique peut organiser son service(20), annuler ou modifier les décisions prises par les subordonnés(21), peut exercer un pouvoir disciplinaire, même sans texte(22), même lorsqu'une autorité subordonnée a infligé une sanction(23). On doit évidemment rappeler que la Constitution elle-même traite, dans son art. 55, des traités qui peuvent avoir ... « une autorité supérieure » à celle des lois. Mais, en réalité, le lien de subordination existant entre certaines autorités entre elles, sous un rapport particulier, a-t-il pour corollaire que les normes qu'ils émettent se trouvent dans le même rapport hiérarchique ? La jurisprudence offre de nombreux exemples de décisions qui s'imposent à l'autorité « supérieure », de la décision d'un doyen de faculté qu'un ministre n'a pu réformer(24) à celle d'un ministre que le Président du Conseil lui-même n'a pu retirer(25). On connaît d'ailleurs la célèbre affaire du maire de Néris-les-Bains(26), dont l'arrêté réglementant les jeux d'argent dans sa commune n'avait pas pu être annulé par l'« autorité supérieure ». Ajoutons qu'il existe des règles édictées par des organismes divers que l'on ne saurait à l'évidence pas faire entrer dans une hiérarchie calquée sur celle des autorités administratives : règlements d'organismes à vocation économique(27) ; règlements pris par Air-France, société anonyme(28). Autrement dit, et sans qu'il soit besoin de multiplier les exemples, il n'y a pas de rapport obligé entre la hiérarchie pouvant exister dans les rapports de certaines autorités et la nature des rapports existant entre les normes émises par ces mêmes autorités. Par ailleurs, on doit observer que cette hiérarchie des normes, que l'on fait découler de la jurisprudence, se trouve dépendre des aléas de la compétence du juge. Prenons quelques exemples. Pendant les événements d'Algérie, diverses juridictions répressives d'exception ont été créées par le Président de la République, notamment un Haut tribunal militaire, un tribunal militaire à compétence spéciale, une Cour militaire de justice. Les règles d'organisation et de fonctionnement de ces juridictions (dont certains redoutaient qu'elles n'aient pour objet de permettre de condamner plus vite et plus fort, voire d'acheminer plus sûrement des accusés vers un peloton d'exécution) couraient le risque d'avoir été rédigées sans considération suffisante pour les normes constitutionnelles régissant le fonctionnement de la justice. Ces règles ont pu être annulées après que le Conseil d'Etat se soit reconnu compétent pour en apprécier la légalité(29), ou au contraire ne l'ont pas été lorsque le Conseil d'Etat a refusé d'en connaître(30). Dans ce contexte, la théorie de la hiérarchie des normes n'a guère de sens ou en a plusieurs : annulée ou survivant après son passage devant le juge, la même règle, violant le cas échéant des principes généraux du droit pénal, pourrait être située à différents niveaux de la hiérarchie : niveau décrétal dans l'affaire Canal, niveau législatif dans l'affaire

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Rubin de Servens(31). Les « actes de Gouvernement » nous fournissent un autre exemple significatif de normes, qui, parce qu'elles ne sont pas contrôlées par le juge, peuvent être placées à n'importe quel degré de la hiérarchie, et ce, sans aucun égard non plus pour la hiérarchie des autorités, puisqu'un acte de gouvernement peut émaner de nombreuses autorités administratives en dehors des autorités gouvernementales(32). Par contre, à l'occasion d'un revirement de jurisprudence, telle décision se trouve rétrogradée au moins d'une « place » dès lors que le juge décide d'en apprécier la régularité. La difficulté qui s'attache à l'attribution à une règle d'une place certaine dans une hiérarchie incontestable, s'accroît encore lorsque plusieurs juridictions ne s'accordent pas sur l'étendue des compétences du législateur et du pouvoir réglementaire, ce qui peut conduire à donner à la même norme deux places distinctes dans la même hiérarchie (ou à occulter la question pour conserver à la hiérarchie, telle qu'elle a été préalablement établie, sa cohérence ou sa vraisemblance). Les contraventions assorties de peines privatives de liberté doivent être situées au niveau législatif si l'on s'appuie sur l'avis du Conseil constitutionnel du 28 nov. 1973(33), mais doivent demeurer au niveau réglementaire inférieur - inférieur à la loi - si l'on se réfère à la position du Conseil d'Etat(34) ou à la jurisprudence de la Cour de cassation(35). On ne s'étonnera pas non plus que la règle du silence incite à la méditation ... Ainsi, on déduit généralement de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 1959 (Rec., p. 27) que la dérogation à la règle selon laquelle le silence de l'administration vaut refus, est de niveau législatif, tandis que l'interprétation de l'arrêt Commune de Bozas du Conseil d'Etat(36) conduit à ne donner à cette règle qu'une valeur réglementaire. Il en va de même avec les traités, dont la Constitution proclame explicitement la supériorité de leur valeur. Le Conseil constitutionnel, qui s'est refusé à « examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international »(37), semble vouloir désormais, par voie d'exception, procéder à un contrôle de ce type(38). Le juge administratif, qui faisait prévaloir la norme conventionnelle postérieure sur la norme législative antérieure, en vertu du principe lex posterior derogat priori, refusait par contre au traité qu'il puisse l'emporter sur la loi lorsque cette dernière lui était postérieure, et ce en vertu de la « théorie de l'écran législatif »(39). Puis, la Haute assemblée a accepté de constater, comme le Commissaire du Gouvernement l'y invitait, la compatibilité d'une loi de 1977 avec le Traité de Rome(40). Le juge judiciaire, quant à lui, fait prévaloir le traité sur la loi, même postérieure(41). En bref, s'il fallait assigner une place dans une hiérarchie à des règles, en fonction de l'attitude du juge à leur égard, on pourrait, en s'appuyant sur les évolutions de la jurisprudence, sur l'étendue de la compétence du juge ou sur celle de la technique de contrôle, faire subir à de fort nombreuses règles des mutations hiérarchiques. Conclusion : la théorie de la hiérachie des normes est-elle indispensable ? Peut-on alors avancer que, pour expliquer qu'une règle de droit doive en respecter une autre, il y a moins besoin de faire appel au principe de hiérarchie des normes qu'à celui du respect des compétences ? Nous le pensons. Nous savons que la hiérarchie pouvant être découverte entre des normes avant une opération de décentralisation, n'a pas grand-chose à voir avec les relations qu'elles sont appelées à entretenir après coup. De même ériger telle norme en principe général de « valeur » constitutionnelle ne sert à rien, lorsque d'aventure le Conseil d'Etat se refuse à contrôler un acte qui la méconnaît. En outre, le principe de la hiérarchie des normes n'est guère utilisé que dans les explications développées dans le cadre du contrôle de la légalité interne des décisions. Or, il se trouve que la «

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violation de la loi », n'est rien d'autre qu'une forme, devenue certes complexe et raffinée avec le temps, d'incompétence matérielle. C'est d'ailleurs dans cette optique que le Conseil d'Etat accueillit, dans les années 1865, les recours en annulation fondés sur la « violation de la loi », qu'il assimila au recours pour excès de pouvoir. Enfin, le respect de règles ou principes dépend moins de la place qu'on décide de leur assigner dans une hiérarchie des normes que de l'existence et de l'audace de juges qui feront entrer dans leur propre compétence la possibilité de censurer l'acte qui les méconnaît. Doit-on aller jusqu'à dire par exemple qu'une règle de droit étant une règle de droit, la prohibition de donner aux dispositions pénales un caractère rétroactif (émanant du Constituant) et celle de ... rouler à plus de quarante kilomètres à l'heure dans les rues de tel hameau (édictée par le maire) doivent être mises sur le même plan, et que dans le monde des normes, la terre est plate ? Sûrement pas : s'il est vrai que dans un Etat de droit, pratiquant la séparation des pouvoirs - qui implique, ce que l'on sait en matière de création, application, contrôle des normes - le citoyen n'est exclu ni de l'élaboration de la norme (soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants), ni de sa critique lorsqu'elle est irrégulière (existence de recours contentieux), on pourrait se demander si les normes ne mériteraient pas d'être plutôt classées en fonction de l'éloignement plus ou moins grand, dans lequel elles placeraient le citoyen par rapport aux fondements de l'Etat de droit (c'est là un autre débat). Mais il semble que les rapports que les règles entretiennent entre elles découlent moins d'un système de type hiérarchique(42) que de la rencontre, à un moment donné, de compétences : compétence des autorités qui édictent les normes, compétence de celles qui les contrôlent. Ce qu'a fait la Constitution de 1958, c'est remodeler les compétences respectives du législateur et du pouvoir exécutif, et créer un nouveau contrôle (celui du Conseil constitutionnel). Ce faisant, le Constituant a déplacé des frontières, mais n'a pas touché au ... relief.

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Cour de cassation - chambre civile 2 ème Audience publique du jeudi 8 septembre 2016 N° de pourvoi: 15-22415 - Non publié au bulletin - Rejet AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Donne acte au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société La Renardière et la société Filia MAIF ; Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2015), que M. X... a été victime en 2002 d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. Y..., non assuré ; qu'il a assigné M. Y..., le RSI Ile-de-France et la caisse régionale des artisans d'Ile-de-France en indemnisation ; que le FGAO et la société Filia MAIF sont intervenus volontairement ; Attendu que le FGAO fait grief à l'arrêt d'allouer à M. X... l'indemnité complémentaire de 73 411,19 euros en réparation du poste de préjudice lié à l'incidence professionnelle, et de limiter à la somme de 86 361,39 euros la condamnation à remboursement prononcée contre M. X... à l'égard du FGAO, alors, selon le moyen : 1°/ que le principe de la hiérarchie des normes s'oppose à ce que les dispositions d'un arrêté ministériel ou interministériel puissent prévaloir sur celles d'un texte à valeur législative ; qu'en donnant la primauté aux dispositions de l'article 20 du règlement approuvé par l'arrêté interministériel du 30 juillet 1987, par rapport aux dispositions de l'article L. 421-1 du code des assurances conférant un caractère subsidiaire à l'intervention du FGAO, la cour d'appel a violé ledit article L. 421-1 ; 2°/ que l'intervention du FGAO présente un caractère subsidiaire ; que cette subsidiarité, qui est générale, joue notamment à l'égard des tiers payeurs tels que le RSI ; qu'à l'inverse, le régime d'assurance invalidité des travailleurs non salariés des professions artisanales ne prévoit pas de subsidiarité de l'intervention du RSI par rapport à celle du FGAO ; qu'il s'ensuit que le FGAO ne saurait devoir supporter, en lieu et place du RSI, le montant correspondant aux arrérages à échoir de la pension d'incapacité au métier servie à la victime, quand bien même l'indemnité mise à la charge du responsable de l'accident aurait vocation à se substituer à cette pension ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 421-1 et R. 421-13 du code des assurances ; Mais attendu que l'arrêt retient que, selon l'article 20 de l'arrêté du 30 juillet 1987 modifié portant approbation du règlement du régime d'assurance invalidité-décès des travailleurs non salariés des professions artisanales, en cas d'invalidité ou d'incapacité au métier consécutive à un accident dont un tiers a été déclaré responsable, le régime d'assurance invalidité des professions artisanales ne garantit une pension que dans la mesure où la rente mise à la charge du tiers et dont bénéficierait l'assuré, est inférieure au montant de ladite pension ; que le RSI a fait savoir qu'en application de cette disposition, il supprimerait le service de la pension d'incapacité au métier à compter de l'indemnisation effective de M. X... compte tenu de l'évaluation du poste de préjudice incidence professionnelle faite par la cour d'appel et du montant de la rente en découlant ; que, si en application de l'article L. 421-1 du code des assurances, le FGAO ne paie les indemnités allouées aux victimes que lorsqu'elles ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation, tel est précisément le cas en l'espèce compte tenu des règles s'imposant au RSI en présence d'un tiers tenu à réparation ; Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans méconnaître le principe de la hiérarchie des normes ni le caractère subsidiaire de l'obligation du FGAO ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 5 : Le nom et le prénom

G. DANJAUME

- Civ. 1ère, 15 mars 1988, D. 1988, 549. - Com., 12 mars 1985, D. 1985, 471. - J. HAUSER, Le nom de l’adopté : conflits de tous côtés, note sous Paris, 5

juill. 2001, R.T.D.C. 2001, 847. - J. HAUSER, Divorce et usage du nom du mari, note sous Paris, 22 sept.

1993, R.T.D.C. 1994, 73. - J. HAUSER, Du délai raisonnable pour changer de nom, note sous CEDH, 17

juin 2003, R.T.D.C. 2004, 61. - Civ. 1ère, 17 juill. 1984, D. 1984, p. 609, note J. Massip. - Civ. 1ère, 1er oct. 1986, J.C.P. 1987, II, 20894, note E. Agostini. - Com., 12 juin 2007, Bull. civ. IV, n° 161. - Civ. 3ème, 25 nov. 2009, Bull. civ. III, n° 262 - Civ. 1ère, 7 mai 2010, Bull. civ. I. - C.E. 4 déc. 2009, Recueil Lebon.

Voir aussi : - Th. GARE, La loi relative à la dévolution du nom de famille, J.C.P. 2003,

Actualité, p. 1393.

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 15 mars 1988 N° de pourvoi: 85-17162 Publié au bulletin Cassation . Président :M. Ponsard, président Rapporteur :M. Massip, conseiller rapporteur Avocat général :M. Dontenwille, avocat général Avocat :M. Foussard ., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu la loi du 6 fructidor an II, ensemble les principes qui régissent le droit au nom ;

Attendu que le nom ne se perd pas par le non-usage ;

Attendu que M. Yves X... a présenté au président du tribunal de grande instance une requête tendant à la rectification de son acte de naissance et des actes de naissance de son père, de son grand-père et de son arrière-grand-père ; qu'il exposait que le nom porté par ses ancêtres s'était toujours écrit " De Sainte-Catherine " et que c'est à la suite d'une erreur des services de l'état civil commise lors de l'établissement de l'acte de naissance de son arrière grand-père, en 1860, que le nom avait été écrit sans particule ;

Attendu que l'arrêt attaqué a débouté M. X... de son action aux motifs, tant propres qu'adoptés, que l'erreur manifeste du rédacteur de 1860, qui s'est constamment renouvelée à chaque acte postérieur a été acceptée par toute la famille ; qu'à partir de 1860 il ne s'est plus trouvé de membre de la famille à porter le nom avec la particule ; que devant cette carence totale force est de reconnaître que la famille de l'intéressé avait purement et simplement renoncé au port de la particule et que cette renonciation s'est perpétuée pendant plus de 100 ans ; que l'arrêt énonce encore que la longue possession par la famille de l'intéressé d'un nom dépourvu de particule, possession constante uniformément prolongée pendant plus d'un siècle, fait obstacle aujourd'hui à ce que M. X... puisse en relever l'usage ;

Attendu cependant que, si la possession loyale et prolongée d'un nom est propre à conférer à l'individu qui le porte le droit à ce nom, elle ne fait pas obstacle à ce que celui-ci, renonçant à s'en prévaloir, revendique le nom de ses ancêtres, qu'il n'a pas perdu en raison de l'usage d'un autre nom par ses ascendants les plus proches ; que dès lors en se déterminant comme elle a fait la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges

Publication : Bulletin 1988 I N° 78 p. 51 Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, du 6 juin 1985

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Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du mardi 12 mars 1985 (arrêt Bord as) N° de pourvoi: 84-17163 Publié au bulletin Cassation Pdt. M. Baudoin, président Rapp. M. Le Tallec, conseiller rapporteur Av.Gén. M. Montanier, avocat général Av. demandeur : SCP Boré et Xavier, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES TROIS PREMIERES BRANCHES : VU L'ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL, ENSEMBLE L'ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 28 JUILLET 1824 ; ATTENDU QUE LE PRINCIPE DE L'INALIENABILITE ET DE L'IMPRESCRIPTIBILITE DU NOM PATRONYMIQUE, QUI EMPECHE SON TITULAIRE D'EN DISPOSER LIBREMENT POUR IDENTIFIER AU MEME TITRE UNE AUTRE PERSONNE PHYSIQUE, NE S'OPPOSE PAS A LA CONCLUSION D'UN ACCORD PORTANT SUR L'UTILISATION DE CE NOM COMME DENOMINATION SOCIALE OU NOM COMMERCIAL ; ATTENDU QUE M. PIERRE X... A DEMANDE QU'IL SOIT ORDONNE SOUS ASTREINTE A LA SOCIETE ANONYME "EDITIONS X..." DE CESSER TOUTE UTILISATION DU NOM X... DANS SA DENOMINATION SOCIALE ET A CETTE SOCIETE ET A LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE SOCIETE GENERALE DE DIFFUSION DE CESSER TOUTE UTILISATION DE CE NOM DANS LEURS "DENOMINATIONS COMMERCIALES" ; ATTENDU QU'APRES AVOIR CONSTATE QUE M. PIERRE X... ET SON Y... HENRI AVAIENT LICITEMENT CHOISI LA DENOMINATION "EDITIONS X..." PAR ACTE SOUS SEING PRIVE DU 23 JANVIER 1946 POUR UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DONT ILS ETAIENT LES FONDATEURS, ULTERIEUREMENT TRANSFORMEE EN SOCIETE ANONYME, LA COUR D'APPEL, POUR ACCUEILLIR LA DEMANDE DE M. PIERRE X..., ENONCE QU'IL N'Y A EU AUCUNE CONVENTION SUR L'USAGE DU NOM X... PAR LA SOCIETE OU SUR L'INCLUSION DE CE NOM DANS LA DENOMINATION SOCIALE ET QUE LE PATRONYME ETANT INALIENABLE ET IMPRESCRIPTIBLE, L'INCORPORATION DU NOM X... DANS LA DENOMINATION SOCIALE NE PEUT S'ANALYSER QUE COMME UNE SIMPLE TOLERANCE A LAQUELLE M. PIERRE X... POUVAIT METTRE FIN SANS POUR AUTANT COMMETTRE UN ABUS DES LORS QU'IL JUSTIFIAIT DE JUSTES MOTIFS ; ATTENDU QU'EN SE DETERMINANT PAR CES MOTIFS, ALORS QUE CE PATRONYME EST DEVENU, EN RAISON DE SON INSERTION LE 23 JANVIER 1946 DANS LES STATUTS DE LA SOCIETE SIGNES DE M. PIERRE X..., UN SIGNE DISTINCTIF QUI S'EST DETACHE DE LA PERSONNE PHYSIQUE QUI LE PORTE, POUR S'APPLIQUER A LA PERSONNE MORALE QU'IL DISTINGUE, ET DEVENIR AINSI OBJET DE PROPRIETE INCORPORELLE, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES TEXTES SUSVISES ; PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LA QUATRIEME BRANCHE DU PREMIER MOYEN NI SUR LE SECOND MOYEN ;

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CASSE ET ANNULE L'ARRET RENDU LE 8 NOVEMBRE 1984, ENTRE LES PARTIES, PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS ; REMET, EN CONSEQUENCE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'ORLEANS, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN LA CHAMBRE DU CONSEIL ; Publication : Bulletin 1985 IV N. 95 p. 84 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, chambre 1, du 8 novembre 1984 RTD Civ. 2001 p. 847 Nom de l'adopté : conflits de tous côtés (Paris, 5 juill. 2001, D. 2001.2456) Jean Hauser, Professeur à l'Université Montesquieu- Bordeaux IV ; Directeur du CERFAP Le père biologique de l'enfant née le 2 février 1988 s'opposait à l'adoption de son enfant par le second mari de son épouse, sans qu'on sache d'ailleurs (ah ! ce laxisme illégal de la motivation dans le cadre d'une justice tayloriste ou stakhanoviste...) comment on en était arrivé là. Il s'opposait aussi (et peut-être surtout) à la substitution pure et simple de nom qu'avait obtenue l'adoptant au lieu du compromis des deux noms. Pour faire bon poids, l'adoptant était de nationalité portugaise mais en instance de naturalisation avec francisation du nom. L'article 370-3 nouveau du code civil (L. du 6 févr. 2001, sur laquelle notamment, F. Boulanger, D. 2001.act.9, E. Poisson-Drocourt, D. 2001.1404 ; M. Revillard, Defrénois, 2001.333 ; M.-C. Le Boursicot, RJPF 2001-3.11 ; F. Monéger, Dr. fam. 2001, n° 7-8) prévoit que les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant et l'article 370-4 que les effets de l'adoption prononcée en France sont ceux de la loi française. Mais, poison délicieux des internationalistes, la question de l'application de la loi nouvelle se doublait d'un conflit mobile alors que le jugement d'adoption avait été rendu avant le 6 février 2001 (le 28 mai 1999) et que l'adoptant prétendait avoir obtenu, depuis cette date, sa naturalisation par déclaration souscrite le 20 juillet 2000 conformément à l'article 21-2 du code civil (acquisition par mariage) (sur l'adoption en droit comparé et international, le précieux ouvrage de F. Boulanger, Enjeux et défis de l'adoption, Economica, 2001). Pour autant qu'on puisse s'aventurer sur ce terrain il s'agissait donc bien d'un conflit mobile (par exemple lorsque l'intéressé change de nationalité, B. Audit, Droit international privé, n° 226) doublé d'un conflit de loi dans le temps au cours d'une procédure puisque la loi nouvelle était intervenue entre la première instance et l'appel. On pouvait déjà régler la dernière question puisque l'application immédiate de la loi nouvelle n'était pas douteuse dans une situation d'origine légale en cours de constitution. En appel donc la loi nouvelle de février 2001 était applicable immédiatement. Restait donc le conflit mobile dont la cour estime qu'il était « un conflit de droit dans l'espace et non un problème de droit transitoire, dont la solution relève des règles du droit international privé » (comp. B. Audit préc. n° 229 : « le conflit mobile ne se confondant pas entièrement avec un conflit transitoire interne... »). La cour, dans un problème où les solutions sont souvent incertaines, s'en tient à l'affirmation selon laquelle « le droit qui s'applique est, parmi ceux qui entrent en considération, celui dont l'application correspond le plus étroitement aux objectifs du système de conflits de lois du for » (comp. B. Audit, préc. « le principe d'application de la loi avec laquelle la situation présente les liens plus étroits implique au contraire que les conséquences soient tirées d'un changement effectif de situation »). La cour ajoute d'ailleurs un argument utilitaire puisque l'application d'une loi unique évite de distinguer entre les conditions de l'adoption et les effets, ce à quoi conduit la loi de 2001, et favorise « l'homogénéité du milieu juridique de la famille au sein de laquelle l'enfant est appelé à vivre ».

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Il restait à tirer, de l'application de la loi française, les conséquences attendues au plan du patronyme de l'enfant. Le texte de l'article 363 du code civil (art. 1175 NCPC) prévoit la possibilité, sur décision du tribunal, d'attribuer le seul nom de l'adoptant, à sa demande, mais n'en précise point les raisons. En l'espèce curieusement la cour estime « qu'il convient d'inviter M. José Fontoura Aires Da Silva à communiquer la décision de francisation de son nom ». L'exigence peut avoir deux sens. Ou bien la cour estimerait que l'intérêt de l'enfant, qui paraît bien être le critère de base, ne serait pas d'acquérir un nom à consonance étrangère, ce qui ne serait pas acceptable, ou bien, plus sûrement, la cour préfère attendre d'être certaine du nom de l'adoptant avant d'en prononcer l'acquisition. Dans tous les cas le même texte exigeant le consentement de l'adopté de plus de treize ans pour ce qui est de la substitution de nom, l'enfant née le 2 février 1988 devait être consultée. Le nom c'est beaucoup de nous-mêmes et très peu de droit, n'est-ce finalement pas la meilleure solution que de donner la parole aux enfants, dès que possible, en la matière ? RTD Civ. 1994 p. 73 Divorce et usage du nom du mari Jean Hauser, Professeur à la faculté de droit de Bo rdeaux La nature juridique exacte du droit de la femme divorcée à continuer à porter le nom de son mari après divorce reste mystérieuse à bien des égards. L'article 264 alinéa 2 et 3 du code civil qui fait mention de « l'usage du nom du mari » ne clarifie guère les choses. Si l'on se tourne vers le droit d'usage, prérogative connue en droit des biens, on encourt le reproche évident de vouloir appliquer à un droit de la personnalité le régime d'un droit réel dont l'objet ne peut être normalement qu'une chose. Tout en mesurant l'obstacle, le rapprochement n'est pas sans intérêt. Les droits d'usage (V. par ex. F. Terré et Ph. Simler, Droit civil, Les biens, 4e éd. n° 791) ne peuvent être cédés ni loués car « ces droits, rigoureusement mesurés aux besoins de leur titulaire, représentent par là un caractère personnel très accentué... » Mutatis, mutandis, l'affirmation est utilisable dans notre propos. La cour de Paris le 22 septembre 1993 (D.1993.IR. 227) a rencontré la difficulté dans le cas d'une femme qui avait exploité un commerce sous le nom de son mari, avait conservé l'usage de ce nom après divorce et avait finalement cédé son fonds à un tiers lequel prétendait utiliser le nom du mari en tant que nom commercial. Très justement la cour relève que la femme mariée ou veuve ne pouvait transmettre aucun droit sur ce nom qui était le nom du mari. C'était prendre position sur la nature même de ce droit d'user du nom du mari. Elle ajoute, sans doute parce que la question lui paraissait mériter quelques motifs de renfort, une justification de type contractuel puisque l'accord de cession limitait le droit d'usage du patronyme marital aux droits de la cédante elle-même (nemo plus juris...) et une justification de type commercial sur l'absence d'inscription par la femme du nom du mari comme nom commercial au registre de commerce. Si ce dernier motif peut venir en renfort de fait il est sans doute sans portée juridique. L'eût-elle inscrit au registre de commerce que l'inscription eût été sans effet sur le problème de la transmissibilité si l'on admettait qu'elle n'était pas titulaire de ce nom mais seulement « usagère ». On ne voit guère en quoi l'inscription par la femme du patronyme de son ex-mari sur lequel elle n'a qu'un droit d'usage conduirait à nover ce droit en un droit de propriété incorporelle et cessible. Cette transformation (sur laquelle, Ripert et Roblot, Traité de droit commercial, n° 263) ne peut à l'évidence se produire que sur le propre nom patronymique de celui qui l'opère. Que cette situation présente d'importants inconvénients, on en sera convaincu (V. sur d'autres inconvénients, nos obs. cette Revue 1991.717 ; Hauser et Huet-Weiller, vol. 2 n° 416 et s.). Il n'y a qu'une réponse de lege ferenda : chaque époux garde l'usage de son nom par le mariage et s'il utilise celui de l'autre c'est à ses risques et périls. Le droit français n'est sur ce point, pas plus que sur le nom de l'enfant, ni clair, ni conforme à l'égalité des sexes (V. dans ce domaine du nom des époux l'argument retenu par la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe, 5 mars 1991, RID comp. 1991.680) et ce ne sont pas les ravaudages de la loi de 1985, les reprises de sa fâcheuse circulaire prétendue d'application et les raccommodages de la loi du 8 janvier 1993 qui y changeront quelque chose. Il est vrai que, prise d'ensemble, la question n'est pas simple (V. par ex. les tribulations de la législation allemande, F. Furkel, RID comp. 1985.353).

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 17 juillet 1984 N° de pourvoi: 83-13673 Publié au bulletin Rejet Pdt. M. Joubrel, président Rapp. M. Massip, conseiller rapporteur Av. Gén. M. Sadon, avocat général Av. Demandeur : SCP Lemanissier et Roger, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le moyen unique

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir refusé l'attribution à leur fille du prénom "Manhattan" alors que, selon le moyen, le prénom est librement choisi par les parents sous la réserve générale que, dans l'intérêt de l'enfant, il ne soit pas jugé ridicule ; que, par suite, en s'abstenant d'énoncer en quoi l'emploi comme prénom du vocable "Manhattan" devait être regardé comme ridicule et de nature à nuire aux intérêts de l'enfant, la Cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi du 11 Germinal an XI ;

Mais attendu qu'il résulte du texte précité que, sous réserve des usages et du respect des traditions familiales dont il est justifié, peuvent seuls être reçus comme prénoms "les noms en usage dans les différents calendriers et ceux des personnages connus de l'histoire ancienne" ; que la Cour d'appel relève que le vocable "Manhattan" est un nom de lieu dont il n'est pas établi qu'il se rattache à un calendrier quelconque ni prétendu que son emploi pour désigner une personne soit emprunté à une tradition étrangère ou française, nationale ou locale ; que, dès lors, la décision se trouve légalement justifiée et que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 19 avril 1983 par la Cour d'appel de Poitiers.

Publication : Bulletin 1984 I N° 234 Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, chambre civile, du 19 avril 1983

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mercredi 1 octobre 1986 N° de pourvoi: 84-17090 Publié au bulletin Rejet Président : M. Fabre, président Rapporteur :M. Massip, conseiller rapporteur Avocat général :M. Rocca, avocat général Avocat :la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu que Mme Marie-Patrice Y..., épouse de M. Gérard X..., a mis au monde le 7 avril 1983 un enfant de sexe féminin ; que les époux avaient choisi de prénom mer leur fille Fleur de Marie, Armine, Angèle mais que l'officier de l'état civil, après en avoir référé au procureur de la République, a refusé de recevoir le premier de ces trois prénom s ; que les époux X... ont présenté requête au tribunal de grande instance afin de faire admettre comme prénom le vocable qu'avait refusé l'officier de l'état civil ; que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté cette requête ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... reprochent à la cour d'appel d'avoir statué sans que les conclusions du ministère public leur aient été signifiées et d'avoir ainsi violé le principe de la contradiction ;

Mais attendu que l'action par laquelle les père et mère demandent au tribunal de grande instance d'ordonner l'inscription d'un prénom sur les registres de l'état civil relève de la matière gracieuse ; que les conclusions du ministère public, qui ont d'ailleurs été développées à l'audience des débats, n'avaient pas à être signifiées aux époux X... ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir violé les articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, les articles 8, 9 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 en restreignant, soit sur le fondement de la loi du 11 germinal an XI, soit de son propre chef, le principe supérieur du libre choix par les parents du prénom de leurs enfants ;

Mais attendu, d'abord, que les tribunaux doivent appliquer la loi sans pouvoir en écarter certaines dispositions en raison de leur prétendue contrariété à des principes de caractère constitutionnel et en particulier aux dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 auxquelles le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 s'est borné à renvoyer ;

Et attendu, ensuite, que les dispositions de l'article 1er de la loi du 11 germinal an XI ne sont pas contraires aux articles précités de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui se bornent à poser des principes généraux relatifs au respect de la vie privée et familiale, à la liberté de conscience et à l'interdiction des discriminations entre les individus ;

Que la critique énoncée par la première branche du second moyen ne peut donc être accueillie ;

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Et sur le second moyen pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué, d'une part, d'avoir violé les dispositions de la loi du 11 germinal an XI en se refusant à admettre comme prénom celui d'une héroïne célèbre de la littérature française composé de deux prénom s en usage dans les calendriers séparés par la préposition " de " ; d'autre part, d'avoir laissé sans réponse les conclusions de M. et Mme X... qui faisaient valoir que les prénom s articulés autour de cette préposition sont fréquents ; enfin de n'avoir pas donné de base légale à sa décision en écartant le prénom " Fleur de Marie " sans dire en quoi il était ridicule ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, énonce, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'en raison de sa trop grande fantaisie et de son originalité, le prénom choisi, serait-il celui porté par l'héroïne d'une oeuvre littéraire célèbre, risque de nuire à l'intérêt de l'enfant ; qu'elle a, ce faisant, légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Publication : Bulletin 1986 I N° 232 p. 222 Décision attaquée : cour d'appel de Versailles, du 18 septembre 1984 Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du mardi 12 juin 2007 N° de pourvoi: 06-12244 Publié au bulletin Cassation sans renvoi M. Tricot, président Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur Mme Bonhomme, avocat général SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Vuitton, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le moyen unique : Vu l'article 1134 du code civil ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a cédé l'ensemble des parts sociales de l'Eurl X... à la société Etablissements Joseph Laveix ; que la société cédée a alors pris le nom d'Eurl Laveix X... ; que Mme X... embauchée comme salariée, puis licenciée, a soutenu qu'elle n'avait pas cédé son nom patronymique et poursuivi la société Etablissements Joseph Laveix pour qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser le nom patronymique X... ;

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Attendu que pour interdire à la société Etablissements Joseph Laveix d'utiliser le nom de famille X..., la cour d'appel relève qu'il résulte des pièces du dossier que les parties avaient envisagé que le nom X... serait conservé et précisé qu'il en serait fait mention dans l'acte de cession, ce qui n'a pas été fait ; qu'elle en déduit que compte tenu du comportement des parties lors de la signature de l'acte définitif, il ne peut être retenu une volonté même implicite de céder l'usage du nom mais au contraire la volonté de l'exclure du champ de la cession ; Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que le nom de famille constituait le signe distinctif de l'Eurl cédée et que Mme X... n'avait pas interdit son utilisation lors de la cession de l'ensemble des parts sociales, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; Et vu l'article 627 du nouveau code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 novembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Infirmant le jugement du 12 octobre 2004, rejette toutes les demandes de Mme X... ; Condamne Mme X... aux dépens de cassation et à ceux afférents aux juridictions de fond ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer à la société Etablissements Joseph Laveix la somme de 2 000 euros et rejette sa demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille sept. Publication : Bulletin 2007, IV, N° 161 Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux du 28 novembre 2005 Cour de cassation chambre civile 3 Audience publique du mercredi 25 novembre 2009 N° de pourvoi: 08-21384 Publié au bulletin Rejet M. Lacabarats , président M. Terrier, conseiller rapporteur M. Petit, avocat général SCP Defrenois et Levis, SCP Richard, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2008), que la société Berthollet JLTS, locataire de locaux à usage commercial appartenant aux consorts X..., a cédé son fonds de commerce à la société Amm industrie qui a pris le nom de X... Amm industrie ; que les consorts X..., contestant la validité de cette cession, ont sommé la société Berthollet JLTS, par actes notifiés le 14 mai 2004 au visa de la clause résolutoire du bail, et dénoncé le 7 juin 2004 à la société Berthollet Amm industrie, d'occuper les locaux loués et de payer une somme au titre du remboursement des taxes foncières échues de 1996 au 31 décembre 2006 ; que les sociétés X... JLTS et X... Amm industrie ont assigné les bailleurs aux fins de voir dire valide la cession du fonds de commerce et nul le commandement de payer ; Sur le premier moyen : Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail en suite des commandements délivrés, alors, selon le moyen : 1°/ que le commandement signifié pour une somme supérieure à celle effectivement due demeure valable à hauteur de cette dernière ; qu'en refusant de constater l'acquisition de la clause résolutoire au regard du commandement des 14 mai et 7 juin 2006 visant les taxes foncières, impayées depuis 1996, après avoir constaté que l'expert avait conclu à une imposition foncière récupérable de 33 562,45 euros pour la période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006, ce dont il résultait que les consorts X... étaient titulaires d'une créance certaine au titre de l'article 4.3° du bail, dont ils justifiaient le principe devant la cour d'appel et dont le non paiement dans le mois du commandement avait entraîné l'acquisition de la clause résolutoire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du code civil, L. 145 41 du code de commerce, ensemble l'article 561 du code de commerce ; 2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir expressément relevé que l'expert avait conclu, d'une part à une imposition foncière récupérable de 33 562,45 euros pour la période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006, d'autre part au caractère erroné de la répartition des impositions effectuées par l'indivision X... en raison d'une "confusion entre l'assiette du bail (à l'origine des parcelles de terrain) et l'assiette des impositions (bâtiments construits)", de sorte que les consorts X... avaient, de bonne foi, délivré à leur locataire un commandement de payer les taxes foncières dues depuis 1996, en application de l'article 4 3° du bail sans avoir connaissance de l'erreur affectant le montant demandé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du code civil et L. 145 41 du code de commerce ; 3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, bien que l'arrêt du 25 avril 2003 avait statué dans une instance tendant à la fixation de loyer du bail renouvelé et non en acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des taxes foncières, de sorte que les consorts X... avaient, de bonne foi, délivré à leur locataire un commandement de payer les taxes foncières dues depuis 1996, en application de l'article 4 3° du bail sans avoir connaissance de l'erreur affectant le montant demandé, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 145 41 du code de commerce ; Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que le commandement de payer avait été délivré de mauvaise foi, la cour d'appel, qui ne s'est ni fondée sur une erreur affectant les sommes réclamées par ce commandement, ni référée à l'objet du litige tranché par l'arrêt de la cour d'appel du 25 avril 2003, a légalement justifié sa décision ; Sur le deuxième moyen : Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de condamner la société Berthollet Amm industrie à payer une somme au titre des taxes foncières récupérables sur la seule période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006, alors, selon le moyen : 1°/ qu'un commandement de payer signifié à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ; qu'en déclarant prescrites les sommes réclamées au titre des taxes foncières antérieures au 4 août 1999, après avoir expressément relevé que les consorts X... aient fait délivrer à

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leur locataire un commandement de payer le 17 avril 2001 pour la période de 1996 à avril 2001, ce dont il résultait nécessairement que la prescription quinquennale avait été interrompue, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2244 du code civil ; 2°/ que la prescription quinquennale ne s'applique aux créances à terme périodique que si elles sont déterminées ; que tel n'est pas le cas lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier ; qu'en l'espèce, le montant de la taxe foncière dépendait chaque année d'éléments extérieurs aux consorts X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 2277 du code civil ; 3°/ que la prescription quinquennale ne s'applique aux créances à terme périodique que si elles sont déterminées ; que tel n'est pas le cas lorsque la créance fait l'objet d'un litige ; qu'en l'espèce, le montant des taxes foncières depuis 1996 faisait l'objet d'un litige entre les consorts X... et leur locataire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef viole l'article 2277 du code civil ; Mais attendu, d'une part, que les consorts X... n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que le commandement de payer délivré le 17 avril 2001 avait interrompu la prescription, ni que la créance de taxe foncière échappait à la prescription quinquennale comme faisant l'objet d'un litige, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ; Attendu, d'autre part, que la créance litigieuse, née de l'obligation contractuelle du preneur de rembourser aux bailleurs le montant de la taxe foncière afférente aux locaux loués, étant déterminée annuellement et constituant un accessoire du loyer, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle se trouvait soumise à la prescription quinquennale ; D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ; Sur le troisième moyen : Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de dire valide la cession, avec le nom patronymique, de la société Berthollet JLTS à la société Berthollet Amm industrie, alors, selon le moyen : 1°/ que le nom patronymique d'une famille donne à ses membres le droit de s'opposer à toute appropriation indue ; qu'en statuant comme elle l'a fait, bien que la société Berthollet JLTS ait cédé, sans l'accord des consorts X..., non pas sa dénomination sociale, mais le seul nom patronymique de ces derniers, lequel a été accolé à la dénomination Amm industrie, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ; 2°/ que le titulaire d'un nom patronymique peut en interdire l'usage par un tiers s'il justifie d'un préjudice ; qu'en l'espèce, les consorts X... faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que l'utilisation par la société Amm industrie de leur nom patronymique leur portait préjudice, en ce que la famille X..., qui vivait à Montreuil depuis plusieurs générations et avait exploité les lieux jusqu'en 1995 en respectant la réglementation liée à la santé et à la sécurité, subissait un préjudice du fait du non respect flagrant de cette réglementation par la société Berthollet Amm industrie ; qu'en omettant de rechercher si les consorts X... ne subissaient pas un préjudice du fait de l'utilisation, par la société Amm industrie, de leur nom patronymique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; Mais attendu qu'ayant constaté que la société Berthollet JLTS avait été autorisée, par un acte de M. Charles X..., à utiliser le nom patronymique X..., et qu'en conséquence ce nom était devenu un élément du fonds de commerce, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que la société Berthollet JLTS l'avait valablement cédé à la société à la société Amm industrie et n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

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Condamne les consorts X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les consorts X... à payer à la société Berthollet Amm industrie la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des consorts X... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt. Moyens produits par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils, pour les consorts X.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les consorts X... de leur demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail commercial, en suite des sommations et commandements signifiés et dénoncés en mai et juin 2004 ; AUX MOTIFS QU'en concluant son rapport sur une imposition foncière récupérable de 33.562,45 pour la période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006, l'expert précise : « la répartition des impositions effectuées par l'indivision X... entre les biens dont elle s'est réservée la jouissance et les biens donnés à bail était erronée au motif que les bailleurs ont opéré une confusion entre l'assiette du bail (à l'origine des parcelles de terrain) et l'assiette des impositions (bâtiments construits). Les impositions étant établies en fonction de la nature et de l'affectation des locaux, la ventilation des impositions foncières ne peut être réalisée qu'au regard de cette affectation retenue par l'administration fiscale, indépendamment de l'emprise au sol des constructions, emprise ne donnant lieu à aucune imposition » ; que les consorts X..., qui avaient plusieurs fois modifié les surfaces et les locaux loués, ainsi que le révèlent les différents avenants au bail d'origine, ont délivré des commandements de payer sur des créances éventuelles et dont ils n'ont pu justifier ne serait ce que du principe devant le tribunal ; que les consorts X... avaient déjà, le 17 avril 2001, délivré commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer les mêmes taxes foncières concernant les années 1996 jusqu'au 17 avril 2001 ; qu'ils ont été déboutés de leur demande par un précédent arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 avril 2003 ; que pour ces motifs les commandements de payer précités seront déclarés nuls comme ayant été délivrés de mauvaise foi ; 1/ ALORS QUE le commandement signifié pour une somme supérieure à celle effectivement due demeure valable à hauteur de cette dernière ; qu'en refusant de constater l'acquisition de la clause résolutoire au regard du commandement des 14 mai et 7 juin 2006 visant les taxes foncières, impayées depuis 1996, après avoir constaté que l'expert avait conclu à une imposition foncière récupérable de 33.562,45 pour la période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006, ce dont il résultait que les consorts X... étaient titulaires d'une créance certaine au titre de l'article 4.3° du bail, dont ils justifiaient le principe devant la cour d'appel et dont le non-paiement dans le mois du commandement avait entraîné l'acquisition de la clause résolutoire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du code civil, L. 145-41 du code de commerce, ensemble l'article 561 du code de commerce ; 2/ ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, après avoir expressément relevé que l'expert avait conclu, d'une part à une imposition foncière récupérable de 33.562,45 pour la période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006, d'autre part au caractère erroné de la répartition des impositions effectuées par l'indivision X... en raison d'une « confusion entre l'assiette du bail (à l'origine des parcelles de terrain) et l'assiette des impositions (bâtiments construits) », de sorte que les consorts X... avaient, de bonne foi, délivré à leur locataire un commandement de payer les taxes foncières dues depuis 1996, en application de l'article 4-3° du bail sans avoir connaissance de l'erreur affectant le montant demandé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 du code civil et L. 145-41 du code de commerce ; 3/ ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, bien que l'arrêt du 25 avril 2003 avait statué dans une instance tendant à la fixation de loyer du bail renouvelé et non en acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des taxes foncières, de sorte que les consorts X... avaient, de bonne foi, délivré à leur locataire un commandement de payer les taxes foncières dues depuis 1996, en

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application de l'article 4-3° du bail sans avoir connaissance de l'erreur affectant le montant demandé, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 145-41 du code de commerce. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la société Berthollet AMM Industrie et de M. Y..., ès qualités, à payer aux consorts X... la somme de 33.562,45 correspondant au montant des impositions et fonciers récupérables dus sur la période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006 ; AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE les sommes réclamées au titre de l'indivision X... au titre des loyers et accessoires concernent en réalité uniquement le remboursement des impôts fonciers prévu au bail ; qu'il convient d'observer que l'assignation datant du 4 août 2004, toutes les sommes réclamées pour la période antérieure au 4 août 1999 sont prescrites ; ET AUX MOTIFS PROPRES QUE l'expert conclut son rapport sur une imposition foncière récupérable de 33.562,45 pour la période du 4 août 1999 au 31 décembre 2006 (…) ; que les consorts X... avaient déjà, le 17 avril 2001, délivré commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer les mêmes taxes foncières concernant les années 1996 jusqu'au 17 avril 2001 (…) ; que la condamnation qui sera prononcée sur la somme retenue par expert sera donc exécutée en deniers ou en quittances valables, étant observé que doit être confirmée la prescription retenue par les premiers juges ; 1/ ALORS QU' un commandement de payer signifié à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ; qu'en déclarant prescrites les sommes réclamées au titre des taxes foncières antérieures au 4 août 1999, après avoir expressément relevé que les consorts X... avaient fait délivrer à leur locataire un commandement de payer le 17 avril 2001 pour la période de 1996 à avril 2001, ce dont il résultait nécessairement que la prescription quinquennale avait été interrompu, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2244 du code civil ; 2/ ALORS QUE la prescription quinquennale ne s'applique aux créances à terme périodique que si elles sont déterminées ; que tel n'est pas le cas lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier ; qu'en l'espèce, le montant de la taxe foncière dépendait chaque année d'éléments extérieurs aux consorts X... ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 2277 du code civil ; 3/ ALORS QUE la prescription quinquennale ne s'applique aux créances à terme périodique que si elles sont déterminées ; que tel n'est pas le cas lorsque la créance fait l'objet d'un litige ; qu'en l'espèce, le montant des taxes foncières depuis 1996 faisait l'objet d'un litige entre les consorts X... et leur locataire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef viole l'article 2277 du code civil. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit valide et opposable aux consorts X... la cession de la société Berthollet JLTS à la société Berthollet AMM Industrie, et d'avoir en conséquence débouté les consorts X... de leur demande tendant à voir dire nulle et de nul effet, et subsidiairement inopposable à leur égard, la cession de leur nom patronymique intervenue par acte du 1er octobre 2003 sans leur accord ni information préalable ; AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE parmi les éléments incorporels achetés dans le cadre du plan de cession figure le nom commercial et l'indivision n'est pas fondée à venir faire grief au nouvel acquéreur du fonds d'avoir conservé l'usage de ce nom commercial ; ET AUX MOTIFS PROPRES QUE le nom X... faisait partie des éléments incorporels de la société X... lorsque celle-ci a été cédée après autorisation du tribunal de commerce et en vertu d'un acte signé par M. Charles X... lui-même à la société Berthollet JLTS ; que ce nom n'est pas utilisé isolément mais associé à des initiales ;

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1/ ALORS QUE le nom patronymique d'une famille donne à ses membres le droit de s'opposer à toute appropriation indue ; qu'en statuant comme elle l'a fait, bien que la société Berthollet JLTS ait cédé, sans l'accord des consorts X..., non pas sa dénom ination sociale, mais le seul nom patronymique de ces derniers, lequel a été accolé à la dénom ination AMM Industrie, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ; 2/ ALORS QUE le titulaire d'un nom patronymique peut en interdire l'usage par un tiers s'il justifie d'un préjudice ; qu'en l'espèce, les consorts X... faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, que l'utilisation par la société AMM Industrie de leur nom patronymique leur portait préjudice, en ce que la famille X..., qui vivait à Montreuil depuis plusieurs générations et avait exploité les lieux jusqu'en 1995 en respectant la réglementation liée à la santé et à la sécurité, subissait un préjudice du fait du non-respect flagrant de cette réglementation par la société Berthollet AMM Industrie ; qu'en omettant de rechercher si les consorts X... ne subissaient pas un préjudice du fait de l'utilisation, par la société AMM Industrie, de leur nom patronymique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil. Publication : Bulletin 2009, III, n° 262 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 11 septembre 2008 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du vendredi 7 mai 2010 N° de pourvoi: 09-10997 Publié au bulletin Rejet M. Charruault, président Mme Trapero, conseiller rapporteur Me Luc-Thaler, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Victor X..., né le 15 mai 1992 à Paris 13e, a été reconnu en mairie par sa mère, Mme Giovanna X... le 16 mai 1992 et le 24 juin 1992, devant notaire, par Jean Y... qui est décédé le 28 mai 2001 ; que par requête du 28 juin 2006, Mme X... a, au nom de son fils mineur, sollicité du juge aux affaires familiales, en application de l'article 334-3 du code civil, l'adjonction du nom du père de sorte que l'enfant se nomme à l'avenir X...-Y... ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 2008) de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon le moyen :

1° / que, dans ses écritures, Mme X... se prévalait expressément de l'article 334-3 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005 ainsi que de la loi 2002-304 du 4 mars 2002 modifiée par la loi 2003-516 du 18 juin 2003 ; que l'argumentation développée montrait qu'elle se fondait sur les dispositions transitoires de la loi du 4 mars 2002 modifiées par la loi du 18 juin 2003 permettant l'accolement des deux noms des parents sur déclaration conjointe de ceux-ci et qu'elle sollicitait seulement l'autorisation du juge en raison du décès prématuré du père de

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l'enfant ; qu'en retenant que Mme X... ne contestait pas l'application des dispositions antérieures issues de la loi du 3 janvier 1972, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2° / que les dispositions transitoires issues des articles 23 de la loi du 4 mars 2002 modifiées par l'article 11 de la loi du 18 juin 2003 permettaient jusqu'au 30 juin 2006 aux parents exerçant l'autorité parentale de demander par déclaration conjointe à l'officier d'état civil l'adjonction en deuxième position du nom du parent n'ayant pas transmis le sien, l'enfant âgé de plus de 13 ans exprimant son consentement ; que la demande de Mme X... ne visait donc qu'à pallier, grâce à l'autorisation du juge, le décès prématuré du père de l'enfant ; qu'en considérant que les textes applicables ne permettaient pas ladite adjonction, la cour d'appel a violé par refus d'application les textes précités et par, fausse application, la loi du 3 janvier 1972 ;

Mais attendu, d'abord, qu'examinant la demande de changement de nom dont elle était saisie, sans dénaturer l'argumentation développée par l'appelante, la cour d'appel a exactement retenu qu'aux termes des articles 11 et 13 de la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003, relative au nom de famille, les dispositions de fond de ce texte ainsi que celles de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002, n'étaient pas applicables aux enfants qui, comme Victor, étaient nés avant le 1er janvier 2005 et que la situation de ces derniers était donc régie par le droit antérieur et plus particulièrement par les articles 334-2 et 334-3 anciens du code civil, dans leur rédaction de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 qui, s'ils permettaient de substituer le nom d'un parent à celui de l'autre, n'autorisaient pas l'adjonction de ces deux noms ;

Et attendu, ensuite, que Mme X... n'a jamais soutenu devant les juges du fond que sa demande ne tendait qu'à pallier le décès du père grâce à une autorisation du juge pour pouvoir souscrire la déclaration prévue à titre transitoire par l'article 23 de la loi du 4 mars 2002, tel que modifié par l'article 11 de la loi du 18 juin 2003 ; qu'au demeurant ces dispositions ne permettaient l'adjonction en deuxième position du nom du parent qui n'avait pas transmis le sien que par une déclaration conjointe des deux parents à l'officier d'état civil ;

D'où il suit qu'irrecevable comme nouveau en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé en sa première ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X..., ès qualités, aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Giovanna X... de sa demande de changement de nom patronymique concernant son fils mineur Victor Francesco Ottavio X...,

AUX MOTIFS QUE : " l'appelante, sans contester l'application à la présente espèce des dispositions des articles 334-1, 334-2 et 334-3 du Code civil, issus de la loi du 3 janvier 1972, les dispositions des lois des 4 mars 2002 et 18 juin 2003 relatives au nom de famille n'étant pas applicables aux enfants nés avant leur entrée en vigueur, soutient que l'interprétation restrictive donnée à ces articles par la Cour de cassation est désormais obsolète, le législateur ayant depuis lors permis tant aux enfants légitimes qu'à ceux nés hors mariage de bénficier de l'adjonction du nom de l'un et de l'autre de leurs

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parents, dans l'ordre choisi par ces derniers ; qu'elle ajoute que Victor ayant, depuis sa naissance, fait usage du double nom, ainsi qu'en font foi son bracelet de naissance, sa carte nationale d'identité ainsi que diverses attestations, des motifs d'opportunité justifient amplement sa demande, conforme à son intérêt et à laquelle il a expressément consenti ; qu'aux termes des articles 11 et 13 de la loi 2003-516 du 18 juin 2003, relative au nom de famille, les dispositions de fond de ce texte ainsi que celles de la loi 2002-304 du 4 mars 2002, ne sont pas applicables aux enfants qui, comme Victor, sont nés avant le 1er janvier 2005 ; que la situation de ces derniers est donc régie par le droit antérieur, issu de la loi 72-3 du 3 janvier 1972 modifiée et plus particulièrement, par les articles 334-1, 334-2 et 334-3 anciens du Code civil, qui prévoient que l'enfant naturel acquiert le nom de celui de ses deux parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si la filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et l'autre parent, les père et mère pouvant, pendant la minorité, souscrire devant le greffier en chef du tribunal de grande instance une déclaration conjointe aux fins de substitution du nom du père au nom de la mère, une requête aux fins de changement de nom pouvant être présentée au juge aux affaires familiales dans les autres cas ou au tribunal de grande instance, si une action relative à la filiation avait été préalablement engagée ; que les dispositions de ces textes, si elles permettent de substituer le nom d'un parent à celui de l'autre, n'autorisent nullement l'adjonction de ces deux noms " ;

ALORS QUE : dans ses écritures, Madame X... se prévalait expressément de l'article 334-3 du Code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 4 juillet 2005 ainsi que de la loi 2002-304 du 4 mars 2002 modifiée par la loi 2003-516 du 18 juin 2003 ; que l'argumentation développée montrait qu'elle se fondait sur les dispositions transitoires de la loi du 4 mars 2002 modifiées par la loi du 18 juin 2003 permettant l'accolement des deux noms des parents sur déclaration conjointe de ceux-ci et qu'elle sollicitait seulement l'autorisation du juge en raison du décès prématuré du père de l'enfant ; qu'en retenant que Madame X... ne contestait pas l'application des dispositions antérieures issues de la loi du 3 janvier 1972, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE : les dispositions transitoires issues des articles 23 de la loi du 4 mars 2002 modifiées par l'article 11 de la loi du 18 juin 2003 permettaient jusqu'au 30 juin 2006 aux parents exerçant l'autorité parentale de demander par déclaration conjointe à l'officier d'état civil l'adjonction en deuxième position du nom du parent n'ayant pas transmis le sien, l'enfant âgé de plus de 13 ans exprimant son consentement ; que la demande de Madame X... ne visait donc qu'à pallier, grâce à l'autorisation du juge, le décès prématuré du père de l'enfant ; qu'en considérant que les textes applicables ne permettaient pas ladite adjonction, la Cour a violé par refus d'application les textes précités et par fausse application la loi du 3 janvier 1972.

Publication : Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du 23 octobre 2008

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Conseil d'État N° 315818 ECLI:FR:CESSR:2009:315818.20091204 Publié au recueil Lebon 2ème et 7ème sous-sections réunies M. Vigouroux, président Mme Constance Rivière, rapporteur Mme Bourgeois-Machureau Béatrice, rapporteur public lecture du vendredi 4 décembre 2009 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la requête et les mémoires, enregistrés le 30 avril, le 26 mai et le 19 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Diane A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler la décision implicite du 4 mars 2008 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant au retrait, ou à défaut, à l'abrogation de la circulaire interministérielle du 6 décembre 2004 de présentation de la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 en tant qu'elle impose qu'un double tiret sépare les deux noms des parents qui souhaitent procéder à l'adjonction de nom pour leurs enfants en application de l'article 23 de cette loi ; 2°) d'enjoindre au Premier ministre de retirer ou, à défaut, d'abroger cette circulaire ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code civil ; Vu la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 ; Vu la loi n° 2002-304 du 4 mars 2002, Vu la loi n° 2003-516 du 18 juin 2003 ; Vu le décret n° 2004-1159 du 29 octobre 2004 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mlle Constance Rivière, Auditeur, - les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ; Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution " La loi fixe les règles concernant : (...) la nationalité, l'état et la capacité des personnes " ; qu'aux termes de l'article 311-21 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 4 mars 2002 modifiée : " Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation

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est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre./ En cas de naissance à l'étranger d'un enfant dont l'un au moins des parents est français, les parents qui n'ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du précédent alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l'acte, au plus tard dans les trois ans de la naissance de l'enfant./ Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article ou du deuxième alinéa de l'article 311-23 à l'égard d'un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs./ Lorsque les parents ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants. " ; qu'aux termes de l'article 57 du même code : " L'acte de naissance énoncera le jour, l'heure et le lieu de la naissance, le sexe de l'enfant, les prénoms qui lui seront donnés, le nom de famille, suivi le cas échéant de la mention de la déclaration conjointe de ses parents quant au choix effectué (...) " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 3 du décret du 29 octobre 2004 : " Mention de la déclaration conjointe de choix de nom est portée en marge des actes de l'état civil de l'enfant. " ; Considérant que la circulaire litigieuse prévoit la séparation obligatoire, sur les actes de l'état-civil, des noms composant un double nom de famille, lorsque ce nom est issu du choix exercé par les parents en application de l'article 311-21 du code civil précité, par un double tiret ; qu'elle prévoit également que dans l'hypothèse où ce double tiret est omis par l'officier d'état civil alors que les parents déclarent choisir un double nom, il appartient au procureur de la République de faire procéder à la rectification de l'acte de naissance en application de l'article 99 du même code ; qu'elle impose enfin à l'officier d'état civil, si les parents s'opposent à l'adjonction de ce signe au nom qu'ils ont choisi, de leur refuser la possibilité d'exercer le choix prévu par l'article 311-21, et d'inscrire leur enfant sous un nom résultant de l'application des règles supplétives prévues par la loi dans l'hypothèse où cette possibilité n'est pas utilisée ; que l'adjonction obligatoire de ce signe particulier aux noms doubles choisi en application de l'article 311-21 précité est destinée à les distinguer, lors de leur transmission, des noms composés, qui doivent être transmis dans leur intégralité ; que, toutefois, l'administration ne pouvait, par circulaire , soumettre l'exercice d'un droit prévu et organisé par la loi et par le décret en Conseil d'Etat auquel elle renvoie pour son application, à l'acceptation par les parents de cette adjonction au nom de leur enfant d'un signe distinctif, alors que la loi prévoyait uniquement d'accoler les deux noms sans mentionner la possibilité d'introduire entre les deux des signes particuliers ; que par suite, la circulaire attaquée est entachée d'incompétence en tant qu'elle impose le double tiret aux porteurs d'un nom double choisi en application des dispositions législatives précitées ; que si le garde des sceaux, ministre de la justice ne pouvait faire droit à une demande de retrait de cette disposition, qui avait reçu application, dès lors que cette demande était postérieure à l'expiration du délai de recours contentieux contre la circulaire dans laquelle elle figure, il avait en revanche l'obligation de faire droit à cette demande en tant qu'elle tendait à son abrogation ; Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ces conclusions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A d'une somme de 2 500 euros en application de ces dispositions ; D E C I D E : -------------- Article 1er : La décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice sur la demande de Mme A est annulée en tant que cette décision refuse l'abrogation de la circulaire interministérielle du 6 décembre 2004, en ce qu'elle prévoit la séparation obligatoire, sur les actes de l'état-civil, des noms composant un double nom de famille, lorsque ce nom est issu du choix exercé par les parents en application de l'article 311-21 du code civil précité, par un double tiret. Article 2 : L'Etat versera à Mme A une somme de 2 500 euros à Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Diane A, au Premier ministre et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 6 : La vie – le corps humain

G. DANJAUME

- C.E., 16 août 2002, D. 2004, somm. Comm., 602. - T.G.I. Lille, 16 janv. 2001, D. 2001, 1913. - T.A. Amiens, 9 mars 2004, D. 2004, 1051. - C.Constit., 27 juill. 1994, D. 1995, p. 237. - C.E., 26 nov. 2001, Recueil Lebon. - Voir aussi : Aline CHEYNET de BEAUPRE, Vivre et laisser mourir, D. 2003, 1,

2980. - Ass. Plén. 31mai 1991, Bulletin 1991 A.P. N° 4 p. 5 - Crim. 27 mars 1996, Bull. criminel 1996 N° 138 p. 396

Crim. 24 février 2009, Bull. criminel 2009, N° 45 - Civ. 1ère, 16 sept 2010, Bulletin 2010, I, n° 174 - Conseil d’État, mardi 24 juin 2014

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Recueil Dalloz 2004 p. 602 Imposer des soins à un malade est une atteinte à un e liberté fondamentale, sauf si sa vie est en danger Arrêt rendu par Conseil d'Etat ord. réf. 16 août 2002 n° 249552 Sommaire : Le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu'i l se trouve en état de l'exprimer, son consentement à un traitement médical revêt le carac tère d'une liberté fondamentale ; Toutefois, les médecins ne portent pas à cette libe rté fondamentale, telle qu'elle est protégée par les dispositions de l'art. 16-3 c. civ. et par celles de l'art. L. 1111-4 c. santé publ., une atteinte grave et manifestement illégale lorsque, a près avoir tout mis en oeuvre pour convaincre un patient d'accepter les soins indispen sables, ils accomplissent, dans le but de le sauver, un acte indispensable à sa survie et propor tionné à son état ; Le recours, dans de telles conditions, à un acte de cette nature n'est pas non plus manifestement incompatible avec les exigences qui d écoulent de la Convention européenne des droits de l'homme, et notamment de son art. 9 ; Il résulte de ce qui précède que la patiente (témoi n de Jéhovah) n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif, à qui il appartenait de déterminer les limites de l'i njonction qu'il formulait, a décidé que l'injonction qu'il adressait au centre hospitalier de s'abstenir de procéder à des transfusions sur la patiente cesserait de s'appliquer si l'intér essée venait à se trouver dans une situation extrême mettant en jeu un pronostic vital ; Il y a lieu toutefois d'ajouter à la réserve mentio nnée par le juge des référés qu'il incombe au préalable aux médecins du centre hospitalier, d'une part, de tout mettre en oeuvre pour convaincre la patiente d'accepter les soins indispe nsables, d'autre part, de s'assurer que le recours à une transfusion soit un acte indispensabl e à la survie de l'intéressée et proportionné à son état(1). Décision attaquée : Tribunal administratif de Lyon ord. réf. 9 août 2002 (Réformation partielle) Recueil Dalloz 2001 p. 1913 Préjudice subi par un transsexuel à la suite d'une castration dans un hôpital public : voie de fait pour atteinte illicite au corps humain Ordonnance rendue par Tribunal de grande instance d e Lille 16 janvier 2001 Sommaire : Le juge des référés est compétent pour ordonner ava nt tout procès la mesure d'instruction demandée par un transsexuel qui a subi une castrati on bilatérale dans un hôpital public, dès lors que, victime d'une voie de fait résultant d'un e atteinte illicite au corps humain, il dispose d'une action devant la juridiction de l'ordre judic iaire. Texte intégral : LE TRIBUNAL - Suivant actes d'huissiers en date des 3 et 13 novembre 2000, S... a assigné le docteur A..., son assureur, et l'Hôpital X... pour obtenir la désignation d'un expert médical avec mission de l'examiner et de décrire le préjudice corporel, matériel et médical subi par lui à la suite de

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l'intervention chirurgicale (amputation de la verge avec castration bilatérale) pratiquée sur lui en octobre 1998 ; l'allocation d'une somme 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est aussi sollicitée. L'Assistance publique des Hôpitaux de [...] soulève l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit du tribunal administratif de [...] puisque les soins mis en cause ont été pratiqués à l'Hôpital X... situé à [...] et que l'Assistance publique des Hôpitaux de [...] se trouve à [...] et demande de condamner S... au paiement d'une somme de 5 000 F. Le Sou médical demande de déclarer nulle l'assignation au motif qu'elle n'est nullement fondée en droit et soulève l'incompétence non seulement matérielle de la juridiction des référés (S... a été soigné en secteur public hospitalier), mais territoriale (les défendeurs sont domiciliés à [...]) ; une somme de 3 000 F est enfin réclamée en application de l'article 700. Sur la nullité de l'assignation : - L'exception de nullité sera rejetée dans la mesure où l'objet de la demande est clair - une mesure d'instruction avant un procès au fond sur le fondement de la voie de fait -, son fondement juridique évident (article 145 du nouveau code de procédure civile) et où Le Sou médical ne justifie pas du grief que lui aurait causé l'irrégularité alléguée. Sur l'exception d'incompétence d'attribution : - La procédure de l'article 145 du nouveau code de procédure civile est restreinte aux litiges dont la connaissance appartient aux juridictions du même ordre. Dès lors, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Lille est compétent pour ordonner avant tout procès la mesure d'instruction demandée par S..., atteint d'un syndrome transsexuel, dans le cadre de l'indemnisation de son préjudice consécutif à l'intervention chirurgicale (amputation de la verge avec castration bilatérale) qu'il a subie à l'Hôpital X..., établissement public contre lequel la victime d'une voie de fait résultant d'une atteinte illicite au corps humain dispose d'une action devant la juridiction de l'ordre judiciaire. Sur l'exception d'incompétence territoriale : - Si, en principe, le juge des référés doit appartenir territorialement à la juridiction appelée à statuer sur le fond, cette compétence n'exclut pas, pour l'application de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, celle du juge dans le ressort duquel se trouve la personne ou l'objet à examiner. Comme le demandeur, S..., réside à ... dans le ressort du tribunal de grande instance de Lille,. il n'y a pas lieu à décliner notre compétence. Sur la demande d'expertise : - Aux termes de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, une mesure d'instruction peut être ordonnée en référé. Le juge des référés saisi sur le fondement de ce texte n'a pas à rechercher s'il y a urgence et peut statuer même en présence d'une contestation sérieuse sur le fond. II existe un motif légitime dès lors que la prétention n'est pas manifestement vouée à l'échec, que les allégations ne sont pas imaginaires et qu'elles présentent un certain intérêt. Compte tenu des pièces médicales versées aux débats - notamment la lettre du professeur A... lui-même en date du 20 mars 2000 reconnaissant que S... était « une des victimes » de l'administration hospitalière -, il existe un motif légitime d'établir les éléments de preuve d'une éventuelle responsabilité voie de fait imputable aux défendeurs et d'un préjudice corporel subi par le demandeur. L'établissement de cette preuve ne peut être réalisé que par un technicien ; une consultation ou une constatation étant insuffisante, il convient dans ces conditions d'ordonner, aux frais avancés par le demandeur, l'expertise sollicitée qui comprendra toutefois une mission plus complète [...]. Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort, rejette les exceptions de nullité et d'incompétence, Vu l'article 145 du nouveau code de procédure civile, désigne, en qualité d'expert, le Professeur M..., avec mission [...].

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Recueil Dalloz 2004 p. 1051 Les ovocytes surnuméraires ne sont pas des personne s Décision rendue par Tribunal administratif d'Amiens 9 mars 2004 n° 021451 Sommaire : En vertu de l'art. 16-1 c. civ., « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial » ; si les requérant s peuvent se prévaloir de l'existence d'un préjudice matériel résultant de la perte d'ovocytes (fécondés et cryoconservés dans le cadre d'une procréation médicale assistée), ces dispositi ons s'opposent à ce qu'ils puissent en demander la réparation en argent ; Les ovocytes surnuméraires ne sont pas des personne s ; par suite, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de l'existence d'un préjudice moral résultant selon eux de la perte d'êtres chers ; cependant, ils ont droit d'obtenir réparati on des troubles divers dans les conditions d'existence qu'ils ont subis à l'occasion de cet in cident (allocation d'une somme de 10 000 €) ; Dès lors que l'époux et l'épouse sont âgés respecti vement de 44 et 32 ans et donc à même de réaliser une nouvelle procréation médicale assistée , ils ne peuvent se prévaloir d'aucune perte de chance d'être parent résultant de cet incident ; ainsi, ils ne sont pas fondés à demander à être indemnisés de ce chef. Texte intégral : LE TRIBUNAL : - Considérant que, par la présente requête, les époux T..., demandent la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Amiens à les indemniser du préjudice matériel et moral qu'ils ont subi à la suite du réchauffement accidentel, le 15 août 2000, de la bonbonne d'azote contenant neuf ovocytes humains fécondés cryoconservés et du préjudice résultant de la perte de chance d'être parents; qu'ils demandent, en outre la condamnation du centre hospitalier universitaire d'Amiens à rembourser, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Somme, le coût de la confection des ovocytes ; Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés par la CPAM de la Somme : Considérant que les époux T... ne justifient d'aucun intérêt pour demander, au profit de la CPAM de la Somme, le remboursement des frais exposés par elle pour la confection des ovocytes humains et leur conservation ; que, par suite, les conclusions qu'ils présentent à ce titre sont irrecevables ; Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens : Considérant que, sans préjudice d'éventuels recours en garantie, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 16 août 2000, le technicien de garde du centre de procréation médicale assistée du centre hospitalier universitaire d'Amiens a constaté l'existence d'un niveau anormalement bas d'azote liquide dans le récipient où étaient conservés les ovocytes fécondés surnuméraires issus du processus de procréation médicale assistée qu'avait suivi Mme T... en 1998 ; que l'évaporation de l'azote avait pour origine une fissure dans l'enveloppe interne du récipient ; que la défaillance de ce matériel de conservation engage la responsabilité du centre hospitalier universitaire d'Amiens même en l'absence de faute de la part du service hospitalier; qu'ainsi, le centre hospitalier doit être déclaré responsable des conséquences dommageables de cet incident sans que celui-ci puisse invoquer un cas de force majeur pour s'en exonérer dès lors que la défaillance ne peut être regardée comme lui étant extérieure ; Sur le préjudice :

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Considérant qu'il est constant que cet incident de conservation a entraîné une élévation temporaire de la température des ovocytes fécondés ; que, dès lors, qu'en l'état des connaissances actuelles de la science, les conséquences de cet incident sur la possibilité d'utiliser des ovocytes à bonne fin dans un processus de procréation médicale assistée demeurent inconnues et, bien qu'il ne soit par suite pas médicalement certain qu'ils soient endommagés, le préjudice résultant de cette défaillance doit être tenu pour certain eu égard aux risques que comporte leur implantation dans le but de procréation médicale assistée en vue duquel ils ont été réalisés ; Sur la réparation : Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 16-1 du code civil : « ... le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. » ; que, si les époux T... peuvent se prévaloir de l'existence d'un préjudice matériel résultant de la perte d'ovocytes, les dispositions précitées du code civil s'opposent à ce qu'ils puissent en demander la réparation en argent ; Considérant, en deuxième lieu, que les ovocytes surnuméraires ne sont pas des personnes ; que, par suite, les époux T... ne sont pas fondés à se prévaloir de l'existence d'un préjudice moral résultant selon eux de la perte d'êtres chers ; Considérant, cependant, que les requérants ont droit d'obtenir réparation des troubles divers dans les conditions d'existence qu'ils ont subis à l'occasion de cet incident, dont il sera fait une juste appréciation en leur allouant à ce titre une somme de 10.000 € ; Considérant, en troisième lieu, que, dès lors que M. et Mme T... sont âgés respectivement de 44 et 32 ans et donc à même de réaliser une nouvelle procréation médicale assistée, ils ne peuvent se prévaloir d'aucune perte de chance d'être parent résultant de cet incident ; qu'ainsi, ils ne sont pas fondés à demander à être indemnisés de ce chef ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; que; dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire d'Amiens à payer à Monsieur et Madame T... la somme de 750 € au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ; Article 1er : Le centre hospitalier universitaire d'Amiens versera à Monsieur et Madame T... la somme de l0.000 €. Article 2 : Le centre hospitalier universitaire d'Amiens versera à Monsieur et Madame T... la somme de 750 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Monsieur et Madame T... est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Monsieur et Madame T..., au centre hospitalier universitaire d'Amiens et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Somme.

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Conseil constitutionnel mercredi 27 juillet 1994 - Décision N° 94-343/344 D C Loi relative au respect du corps humain et Loi rela tive au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal Journal officiel du 29 juillet 1994, p. 11024 Voir la décision n° 94-343/344 DC sur le site du Conseil Constitutionnel : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/1994/94-343/344-dc/decision-n-94-343-344-dc-du-27-juillet-1994.10566.html Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 29 juin 1994, par M Philippe Seguin, Président de l'Assemblée nationale, et le même jour, puis, par une saisine rectificative du 11 juillet 1994, par MM Jean-Louis Beaumont, Léon Aimé, Jean-Paul Anciaux, François d'Aubert, Hubert Bassot, Yves Bonnet, Franck Borotra, Alphonse Bourgasser, Mme Christine Boutin, MM Lucien Brenot, Jean Briane, Louis de Broissia, Bernard Carayon, Pierre Cardo, Michel Cartaud, René Chabot, Serge Charles, Jean-Marc Chartoire, Ernest Chenière, Charles de Courson, Marc-Philippe Daubresse, Jean-Claude Decagny, Francis Delattre, Jean-Jacques Delvaux, Xavier Deniau, Jean-Paul Fuchs, Hervé Gaymard, Germain Gengenwin, Michel Ghysel, Mme Marie-Fanny Gournay, MM Alain Griotteray, Pierre Heriaud, Pierre Hérisson, Michel Inchauspé, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM Yvon Jacob, Marc Laffineur, Thierry Lazaro, Marc Le Fur, Bernard Leroy, Alain Levoyer, Jean de Lipkowski, Arsène Lux, Thierry Mariani, Jacques Masdeu-Arus, Georges Mesmin, Pierre Micaux, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Henri Novelli, Francisque Perrut, Etienne Pinte, Marc Reymann, Georges Richard, Yves Rispat, Jean Royer, Frédéric de Saint-Sernin, Paul-Louis Tenaillon, Jean Ueberschlag, Christian Vanneste, Jacques Vernier, Philippe de Villiers, Jean-Paul Virapoullé, Jean-Jacques Weber, et le 22 juillet 1994 par MM Bernard de Froment, Robert Galley, Philippe Langenieux-Villard et Daniel Pennec, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative au respect du corps humain et de la loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal ; Le Conseil constitutionnel, Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code civil ; Vu le code de la santé publique ; Vu la loi du 16 novembre 1912 ; 1. Considérant que les saisines adressées au Conseil constitutionnel par le Président de l'Assemblée nationale en premier lieu, par 68 députés en second lieu concernent les mêmes lois ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

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- SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITE APPLICABLES AU CONTROLE DES LOIS DEFEREES : 2. Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels en soulignant d'emblée que : "Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés" ; qu'il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ; 3. Considérant que la liberté individuelle est proclamée par les articles 1, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'elle doit toutefois être conciliée avec les autres principes de valeur constitutionnelle ; 4. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : "La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" et qu'aux termes de son onzième alinéa : "Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère..., la protection de la santé" ; - SUR LES DISPOSITIONS CONTESTEES PAR LES DEPUTES AUTEURS DE LA SECONDE SAISINE : . En ce qui concerne les articles 8 et 9 de la loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal : 5. Considérant que l'article 8 insère, après le chapitre II du titre premier du livre II du code de la santé publique, un chapitre II bis nouveau intitulé "assistance médicale à la procréation" et comprenant dix articles L. 152-1 à L. 152-10 ; 6. Considérant que l'article L. 152-1 définit l'assistance médicale à la procréation en faisant référence aux pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle, ainsi qu'à toute technique d'effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel ; que l'article L. 152-2 dispose que cette assistance médicale, destinée à répondre à la demande parentale d'un couple, a pour objet soit de remédier à une infertilité dont le caractère pathologique a été médicalement diagnostiqué, soit d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie d'une particulière gravité ; que le même article impose que l'homme et la femme formant le couple soient vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans, et consentant préalablement au transfert des embryons ou à l'insémination ; que l'article L. 152-3 prévoit que compte tenu de l'état des techniques médicales, les deux membres du couple peuvent décider par écrit que sera tentée la fécondation d'un nombre d'ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d'embryons dans l'intention de réaliser leur demande parentale dans un délai de cinq ans et qu'ils sont alors consultés chaque année pendant cinq ans sur le point de savoir s'ils maintiennent leur demande parentale ; qu'il pose la règle générale selon laquelle un embryon ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d'un au moins des deux membres du couple ; que toutefois l'article L. 152-4 dispose qu'à titre exceptionnel les deux membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ; que l'article L. 152-5 en fixe les conditions à savoir que ce dernier couple réponde aux exigences formulées par l'article L. 152-2 et qu'il ne puisse bénéficier d'une assistance médicale à la procréation sans recours à un "tiers donneur" ; qu'il organise une procédure soumettant l'accueil de l'embryon à une décision de l'autorité judiciaire ; qu'il pose le principe selon lequel le couple accueillant l'embryon et celui y ayant renoncé ne peuvent connaître leurs identités respectives ; que

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l'article L. 152-6 souligne que l'assistance médicale à la procréation avec "tiers donneur" ne peut être pratiquée que comme ultime indication lorsque la procréation médicalement assistée à l'intérieur du couple ne peut aboutir ; qu'aux termes de l'article L. 152-7 : "Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles" ; que l'article L. 152-8 dispose que la conception in vitro d'embryons humains à des fins d'étude, de recherche ou d'expérimentation est interdite de même que toute expérimentation sur l'embryon ; qu'il prévoit toutefois qu'à titre exceptionnel l'homme et la femme formant le couple peuvent accepter par écrit que soient menées des études sur leurs embryons ; que ces études doivent alors avoir une finalité médicale et ne peuvent porter atteinte à l'embryon ; qu'elles ne peuvent être entreprises qu'après avis conforme d'une commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal instituée par l'article 11 de la loi insérant dans le code de la santé publique un nouvel article L. 184-3 ; que l'article L. 152-9 a trait à l'agrément des praticiens habilités à pratiquer ces actes biologiques et cliniques et que l'article L. 152-10 organise une procédure imposée préalablement aux demandeurs ; 7. Considérant que l'article 9 de la loi dispose que les embryons existant à la date de sa promulgation et dont il a été vérifié qu'ils ne font l'objet ni d'une demande parentale ni d'une opposition à un accueil par un couple tiers et qu'ils satisfont aux règles de sécurité sanitaire en vigueur au jour de leur transfert pourront être confiés à un couple remplissant les conditions prévues à l'article L. 152-5 et qu'il ajoute que "si leur accueil est impossible et si la durée de leur conservation est au moins égale à cinq ans, il est mis fin à cette conservation" ; 8. Considérant que les députés auteurs de la seconde saisine soutiennent que cette dernière disposition porte atteinte au droit à la vie des embryons qui selon eux possèdent dès la conception tous les attributs de la personne humaine ; qu'elle établit une discrimination rompant le principe d'égalité entre les embryons selon qu'ils auront été conçus avant ou après la date de la promulgation de la loi ; que de même la loi ne pouvait sans méconnaître le principe d'égalité entre embryons humains d'un couple autoriser les parents et le corps médical à "sélectionner ceux des embryons qui seront réimplantés de ceux qui ne le seront pas" et "à sélectionner ceux des embryons qui seront donnés à des couples tiers de ceux qui ne le seront pas" ; que la possibilité ménagée par la loi de mener des études sur les embryons porte atteinte au respect de l'intégrité de la personne et du corps humain ; que la sélection des embryons méconnaît le principe à valeur constitutionnelle de la protection du patrimoine génétique de l'humanité ; que la possibilité d'avoir des enfants dont le parent naturel est un "tiers donneur" met en cause les droits de la famille tels qu'ils ont été conçus et garantis par le Préambule de la Constitution de 1946 ; que l'interdiction faite aux enfants qui seront nés d'une fécondation in vitro faisant intervenir un "tiers donneur" de connaître leur identité génétique et leurs parents naturels porte atteinte au droit à la santé de l'enfant et au libre épanouissement de sa personnalité ; que le législateur ne pouvait reconnaître à la commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal un pouvoir d'avis conforme sans violer le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs d'autant plus qu'il a renvoyé au pouvoir réglementaire la détermination de la composition de cette commission ; 9. Considérant que le législateur a assorti la conception, l'implantation et la conservation des embryons fécondés in vitro de nombreuses garanties ; que cependant, il n'a pas considéré que devait être assurée la conservation, en toutes circonstances, et pour une durée indéterminée, de tous les embryons déjà formés ; qu'il a estimé que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie ne leur était pas applicable ; qu'il a par suite nécessairement considéré que le principe d'égalité n'était pas non plus applicable à ces embryons ; 10. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne détient pas un pouvoir d'appréciation et de décision identique à celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances et des techniques, les dispositions ainsi prises par le législateur ; 11. Considérant que, s'agissant de la sélection des embryons, il n'existe, contrairement à ce que

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soutiennent les saisissants, aucune disposition ni aucun principe à valeur constitutionnelle consacrant la protection du patrimoine génétique de l'humanité ; qu'aucune disposition du Préambule de la Constitution de 1946 ne fait obstacle à ce que les conditions du développement de la famille soient assurées par des dons de gamètes ou d'embryons dans les conditions prévues par la loi ; que l'interdiction de donner les moyens aux enfants ainsi conçus de connaître l'identité des donneurs ne saurait être regardée comme portant atteinte à la protection de la santé telle qu'elle est garantie par ce Préambule ; qu'enfin, s'agissant des décisions individuelles relatives à des études à finalité médicale, l'exigence de l'avis conforme d'une commission administrative, dont les règles générales de composition sont définies par l'article L. 184-3 nouveau du code de la santé publique et qui doit notamment s'assurer qu'il n'est pas porté atteinte à l'embryon, pouvait être prévue par le législateur sans qu'il méconnaisse par là sa propre compétence ; . En ce qui concerne les articles 12 et 14 de la même loi : 12. Considérant que l'article 12 de la loi insère au début du chapitre IV du titre premier du livre II du code de la santé publique un article L. 162-16 ; que celui-ci organise un diagnostic prénatal ayant pour but de détecter in utero chez l'embryon ou le foetus une affection d'une particulière gravité ; que l'article 14 de la loi insère un article L. 162-17 qui pose les conditions auxquelles peut être effectué un diagnostic biologique à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro ; 13. Considérant que les députés, auteurs de la seconde saisine, prétendent que ces dispositions qui faciliteraient le recours à l'interruption volontaire de grossesse, portent atteinte au droit à la vie ; 14. Considérant que l'article L. 162-16 qui concerne le diagnostic prénatal in utero n'autorise aucun cas nouveau d'interruption de grossesse ; que l'article L. 162-17 ne concerne que les diagnostics effectués à partir de cellules prélevées sur l'embryon in vitro ; que dès lors le grief invoqué manque en fait ; . En ce qui concerne l'article 10 de la loi relative au respect du corps humain : 15. Considérant que l'article 10 de la loi insère au chapitre premier du titre VII du livre premier du code civil une section 4 intitulée "De la procréation médicalement assistée" comprenant deux articles nouveaux 311-19 et 311-20 ; que l'article 311-19 dispose qu'en cas de procréation médicalement assistée avec "tiers donneur", aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation et qu'aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur ; que l'article 311-20 régit les conditions dans lesquelles les époux et concubins demandeurs doivent préalablement donner leur consentement à un juge ou un notaire qui les informe des engagements qu'ils prennent de ce fait au regard de la filiation ; 16. Considérant que les députés auteurs de la saisine mettent en cause l'anonymat des donneurs de gamètes vis à vis de l'enfant à naître au regard du principe de responsabilité personnelle posé par l'article 1382 du code civil ; qu'ils font valoir en outre l'existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui procèderait des dispositions de la loi du 16 novembre 1912 permettant à l'enfant de rechercher la paternité hors mariage à certaines conditions ; 17. Considérant que les dispositions de cette loi n'ont eu ni pour objet ni pour effet de régir les conditions d'attribution de paternité en cas d'assistance médicale à la procréation ; qu'aucune disposition ni aucun principe à valeur constitutionnelle ne prohibe les interdictions prescrites par le législateur d'établir un lien de filiation entre l'enfant issu de la procréation et l'auteur du don et d'exercer une action en responsabilité à l'encontre de celui-ci ; que par suite les griefs des requérants ne sauraient qu'être écartés ; - SUR L'ENSEMBLE DES DISPOSITIONS DES LOIS SOUMISES A L'EXAMEN DU CONSEIL

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CONSTITUTIONNEL : 18. Considérant que lesdites lois énoncent un ensemble de principes au nombre desquels figurent la primauté de la personne humaine, le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, l'inviolabilité, l'intégrité et l'absence de caractère patrimonial du corps humain ainsi que l'intégrité de l'espèce humaine ; que les principes ainsi affirmés tendent à assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ; 19. Considérant que l'ensemble des dispositions de ces lois mettent en oeuvre, en les conciliant et sans en méconnaître la portée, les normes à valeur constitutionnelle applicables ; Décide : Article premier : La loi relative au respect du corps humain et la loi relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, sont déclarées conformes à la Constitution. Article 2 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 26 et 27 juillet 1994. Le président, Robert BADINTER Conseil d'Etat statuant au contentieux N° 222741 Publié au recueil Lebon 1 / 2 SSR M. Genevois, président M. Boulouis, rapporteur Mme Boissard, commissaire du gouvernement lecture du lundi 26 novembre 2001 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu 1°), sous le n° 222741, la requête sommaire et le mémoire complémentaires, enregistrés les 4 et 13 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE, dont le siège est 19, rue de l'Argentière à Riom (63200),

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représentée par sa présidente en exercice ; l'ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-4, L. 3111-6 à L. 3111-8, L. 3112-1 L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu 2°) sous le n° 223639, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 juillet et 20 octobre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS, dont le siège est 4, rue Saulnier, BP 190 à Paris cedex 09 (75422), représentée par son président en exercice ; la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les dispositions de l'article L. 3116-1 du code de la santé publique résultant de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique en tant qu'il renvoie aux articles L. 1312-1 et L. 1312-2 du même code ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 25 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu 3°), sous le n° 224342, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août 2000 et 17 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Roland X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-4, L.3111-6 à L. 3111-8, L. 3112-1 L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

2°) de prononcer le sursis à l'exécution de l'article L. 3111-4 ;

Vu 4°) sous le n° 224358, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 août et 12 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE, dont le siège est 20, rue Henri Martin à Boulogne-Billancourt (92100), représenté par son président et son administratrice en exercice ; le RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE demande au Conseil d'Etat d'annuler les dispositions des articles L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

Vu 5°), sous le n° 224384, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 22 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. et Mme Gauthier Y..., ; M. et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les dispositions des articles L. 1131-1, troisième alinéa, L. 1131-6-1°, L. 3111-1 à L .3111-11, L. 3112-1 à L. 3112-5, L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique résultant de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

2) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 3 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu 6°) sous le n° 224428, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 7 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION SANTE LIBERTE TOURAINE, dont le siège 20, rue des Chaussumiers à Fondettes (37230),

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représentée par sa présidente en exercice ; l'ASSOCIATION SANTE LIBERTE TOURAINE demande au Conseil d'Etat d'annuler les dispositions des articles L. 3116-1 et L. 3116-4 du code de la santé publique résultant de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de la santé publique ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et les articles 34 et 38 ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 ;

Vu la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 ;

Vu la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999, ensemble la décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Boulouis, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS,

- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la loi n° 99-1071 du 16 décembre 1999 a, en application de l'article 38 de la Constitution, autorisé le gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de plusieurs codes, au nombre desquels figure le code de la santé publique ;

Considérant que les requêtes de l'ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE, de la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS, de M. X..., du RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE, de M. et Mme Y... et de l'ASSOCIATION SANTE LIBERTE TOURAINE sont dirigées contre les articles L. 1131-1, troisième alinéa, L. 1131-6-1°, L. 3111-1 à L. 3111-11, L. 3112-1 à L. 3112-5, L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique issus de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie législative de ce code ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la recevabilité de la requête n° 224358 du RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE :

Considérant que pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour former un recours pour excès de pouvoir, une personne physique ou morale doit établir que l'acte attaqué l'affecte de façon suffisamment caractérisée ;

Considérant qu'eu égard à l'objet très étendu et indifférencié qu'elle s'est assigné et qui lui donne pour vocation, selon l'article 2 de ses statuts, de " soutenir et promouvoir toute action visant à proposer une

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politique de vie au sein de l'Union européenne ", l'association du RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE ne peut se réclamer d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation des dispositions des articles L. 3116-1 et L. 3116-4 figurant dans la partie législative du code de la santé publique annexée à l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 et qui sont relatives aux sanctions pénales applicables en matière de vaccinations obligatoires ;

Considérant que selon le dernier alinéa de l'article 1er de la loi d'habilitation du 16 décembre 1999 : " Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication des ordonnances, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes à et harmoniser l'état du droit " ; qu'appelé à se prononcer sur la conformité de ce texte à l'exigence qui découle de l'article 38 de la Constitution suivant laquelle une habilitation conférée sur le fondement de cet article doit déterminer avec précision son domaine d'intervention, le Conseil constitutionnel a, par sa décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, estimé, que le gouvernement ne saurait, à l'occasion de la codification autorisée par la loi, apporter des modifications de fond aux dispositions législatives existantes et qu'il n'est fait exception à ce principe que s'il s'agit d'assurer le respect de la hiérarchie des normes ou de procéder à l'harmonisation de l'état du droit, cette dernière devant " se borner à remédier aux incompatibilités pouvant apparaître entre des dispositions soumises à codification " ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles L. 1131-1 et L. 1131-6 du code de la santé publique relatifs aux empreintes génétiques :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 38 de la Constitution que les ordonnances prises sur son fondement ont le caractère d'actes administratifs réglementaires aussi longtemps que le législateur n'en a pas opéré la ratification ; que cependant, par son contenu, une ordonnance a vocation à intervenir dans une matière ressortissant en vertu de l'article 34 de la Constitution ou d'autres dispositions constitutionnelles au domaine de la loi ; qu'en conséquence et dans la mesure où elle se borne, conformément aux prévisions de la loi du 16 décembre 1999 à codifier les dispositions législatives en vigueur, il ne saurait être utilement inféré du fait qu'une ordonnance est soumise temporairement au régime contentieux des actes administratifs, qu'elle ne pourrait comporter de dispositions législatives qui dérogent à d'autres dispositions de même valeur juridique, que ces dernières soient ou non comprises dans la codification ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 1131-1 et du 1° de l'article L. 1131-6 sont la reprise pure et simple du texte des articles L. 145-15 et L. 145-15-1 introduits dans le précédent code de la santé publique par la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 ; qu'elles ont pour objet de permettre, à titre exceptionnel, de procéder à des fins médicales à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou à son identification par ses empreintes génétiques sans son consentement, dans son intérêt et dans le respect de sa confiance ; que postérieurement à leur insertion dans l'ancien code de la santé publique, ces dispositions législatives spéciales n'ont été abrogées ni explicitement ni même implicitement du fait de la promulgation, le même jour que la loi n° 94-654, de la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 insérant les dispositions de portée générale des articles 16, 16-10 et 16-11 du code civil aux termes desquelles l'étude génétique des caractéristiques génétiques d'une personne ou son identification à des fins médicales ne peuvent être effectuées sans le consentement de la personne ; que, dans ces conditions, la reprise dans le code annexé à l'ordonnance attaquée des articles L. 145-15 et L. 145-15-1 de l'ancien code de la santé publique ne méconnaît pas l'étendue de l'habilitation conférée par la loi du 16 décembre 1999 ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles L. 3111-1 à L. 3111-11 et L. 3112-1 à L. 3112-5 du code de la santé publique relatifs aux obligations vaccinales :

Considérant que les dispositions des articles L. 3111-1 à L. 3111-11 et des articles L. 3112-1 à L. 3112-5 rendent obligatoires un certain nombre de vaccinations ou donnent la possibilité à l'autorité administrative d'instituer par voie réglementaire de telles obligations ; que si ces dispositions ont pour

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effet de porter une atteinte limitée aux principes d'inviolabilité et d'intégrité du corps humain invoqués par les requérants, elles sont mises en oeuvre dans le but d'assurer la protection de la santé, qui est un principe garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958, et sont proportionnées à cet objectif ; que, dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ; que, pour les mêmes raisons, elles ne portent pas une atteinte illégale au principe constitutionnel de la liberté de conscience ;

Considérant qu'à la supposer établie, la circonstance qu'une circulaire autoriserait les personnes effectuant leur service national à ne pas se soumettre à une vaccination obligatoire est sans incidence sur la légalité des dispositions contestées ;

Considérant que les lois de police sanitaire s'appliquent impérativement aux situations qu'elles visent sans qu'une personne puisse s'y soustraire au motif qu'elle n'aurait pas la nationalité française ou serait un double national ; qu'ainsi, la circonstance qu'une personne qui est regardée par la France comme par la Suisse comme étant un de ses nationaux, se trouve soumise à l'obligation vaccinale en France alors qu'elle ne le serait pas en Suisse est sans incidence aucune sur la légalité des dispositions contestées ;

Considérant qu'en raison de leur application abstraction même de la nationalité de la personne concernée, les dispositions critiquées ne sont incompatibles ni avec les stipulations de l'article 12 du traité instituant la Communauté européenne qui, pour l'application dudit traité et sous les réserves qu'il prévoit, prohibent les discriminations en fonction de la nationalité des ressortissants des Etats membres de la Communauté, ni avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles au demeurant ne régissent que les discriminations dans la mise en oeuvre des droits garantis par la convention ou ses protocoles additionnels ;

Sur les conclusions dirigées contre les articles L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique relatifs aux dispositions pénales en matière de vaccination :

Considérant que les articles L. 3116-1 à L. 3116-5 du code de la santé publique, qui se sont substitués notamment aux dispositions des articles L. 48, L. 48-3 et L. 217 de l'ancien code de la santé publique, prévoient les sanctions applicables en cas de manquement au respect des obligations vaccinales ainsi que les modalités de constatation des infractions ;

En ce qui concerne l'article L. 3116-1 :

Considérant, en premier lieu, que l'article L. 3116-1, par le renvoi qu'il opère aux articles L. 1312-1 et L. 1312-2, substitue les fonctionnaires et agents du ministère de la santé ou des collectivités territoriales aux inspecteurs de salubrité pour la constatation des infractions aux obligations de vaccination et inclut dans la compétence de ces fonctionnaires ou agents la constatation des infractions aux obligations de vaccination auxquelles sont astreints certains professionnels de santé en application de l'article L. 3111-4 ou qui peuvent être institués par voie réglementaire en application des articles L. 3111-6 à L. 3111-8 ; qu'en deuxième lieu, le même article, par le même renvoi, réprime de trois mois d'emprisonnement et de 25 000 F d'amende le fait de faire obstacle à l'action de ces fonctionnaires ou agents ;

Quant à la définition des fonctionnaires ou agents habilités à constater les infractions :

Considérant que les dispositions de l'article L. 3116-1, qui se bornent à tirer les conséquences de la suppression du corps des inspecteurs de salubrité et de l'intégration de ces derniers dans de nouveaux corps du ministère de la santé ou cadres territoriaux d'emploi, sont justifiées par la nécessité d'harmoniser l'état du droit ; qu'elles ne méconnaissent pas, dès lors, l'article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ; qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer par décret les

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conditions dans lesquelles les fonctionnaires ou agents concernés seraient habilités et assermentés, alors que le fait de faire obstacle à l'accomplissement des missions de ces fonctionnaires ou agents constitue un délit, les auteurs de l'ordonnance attaquée n'ont pas méconnu le principe de légalité des peines posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution de 1958 ; qu'il ne saurait davantage être soutenu que les dispositions figurant dans la partie législative n'épuiseraient pas la compétence appartenant en la matière à la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution ;

Quant à la nature des sanctions encourues en cas d'obstacle à l'action des fonctionnaires ou agents habilités :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 48 et L. 48-3 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 1970, que le fait de faire obstacle à l'action des inspecteurs de salubrité était passible, dans tous les cas, des peines correctionnelles prévues par cet article ; que, dès lors, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 3116-1 du code de la santé publique issues de l'ordonnance attaquée auraient, à la faveur de la codification, érigé une contravention en délit et par là même méconnu l'habilitation conférée par l'article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de nécessité des peines n'est pas davantage fondé ;

Quant à l'extension des missions des fonctionnaires ou agents habilités :

Considérant qu'avant l'intervention de l'ordonnance attaquée, la compétence des inspecteurs de salubrité dont les membres ont été ainsi qu'il a été dit ci-dessus intégrés dans de nouveaux corps était strictement définie ; qu'elle ne s'étendait pas à la constatation des infractions aux obligations vaccinales prévues par l'article L. 5 ainsi que par les articles L. 8 à L. 10 du code de la santé publique ; que bien que la méconnaissance des obligations vaccinales visées de ce chef constitue une infraction pénale réprimée dans les conditions prévues par le décret n° 73-502 du 21 mai 1973, le fait d'étendre le domaine d'intervention des agents compétents à l'ensemble des manquements aux obligations vaccinales ne saurait être regardé comme une harmonisation de l'état du droit au sens où l'a entendu la loi du 16 décembre 1999 dans l'interprétation qui lui a été donnée par le Conseil constitutionnel avant d'en reconnaître la conformité à la Constitution ; qu'ainsi, le fait d'avoir procédé à une extension du champ d'application de règles de procédure pénale par rapport à l'état antérieur du droit excède les limites de l'habilitation résultant de l'article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ; que l'article L. 3116-1 du code de la santé publique doit, dans cette mesure, être annulé ;

En ce qui concerne l'article L. 3116-4 :

Considérant que les dispositions de l'article L. 3116-4 du code de la santé publique issues de l'ordonnance attaquée prévoient, pour les infractions à l'obligation de vaccination contre la tuberculose, une peine de 6 mois d'emprisonnement et de 25 000 F d'amende ; que les requérants contestent qu'une telle incrimination résulte de l'état antérieur du droit ;

Considérant sans doute que l'article 5 de la loi n° 50-7 du 5 janvier 1950 rendant obligatoire pour certaines catégories de la population la vaccination par le vaccin antituberculeux BCG a prévu que la méconnaissance de cette obligation serait passible des peines fixées par l'article 471 du code pénal et, en cas de récidive, de celles édictées par l'article 475 de ce code ; qu'à l'origine, ces dispositions se référaient à des peines contraventionnelles ; que ce dispositif a été codifié sous l'article 218, devenu l'article L. 218 du code de la santé publique et a reçu force de loi en vertu de la loi du 3 avril 1958 ;

Mais considérant que par son article 8, l'ordonnance n° 58-1297 du 23 décembre 1958 prise sur le fondement de l'article 92 de la Constitution a fait figurer dans le texte des articles 471 et 475 du code pénal des sanctions à caractère délictuel ; que ce changement ne saurait être regardé comme ayant

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été sans incidence sur le renvoi opéré à ces articles par l'article L. 218 du code de la santé publique alors surtout que d'autres dispositions de l'ordonnance précitée du 23 décembre 1958 ainsi que le chapitre IV du décret n° 58-1303 du 23 décembre 1958 ont procédé à un réaménagement de plusieurs dispositions d'ordre pénal du code de la santé publique ; qu'en outre, lors de l'adoption des dispositions relatives à la lutte contre la tuberculose incluses dans la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994, l'article L. 218 du code la santé publique, devenu l'article L. 217 de ce code, a vu ses termes précisés et, au cours des débats ayant précédé son adoption, le législateur a entendu maintenir des sanctions pénales en cas de manquement à l'obligation vaccinale ;

Considérant, en définitive, que les dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 3116-4 du code de la santé publique se bornent à reprendre les dispositions de l'article L. 217 de l'ancien code, en tenant compte simplement des modifications apportées avec effet au 1er mars 1994, par les articles 322 et 329 de la loi du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal en ce qui concerne l'échelle des peines ; qu'elles n'ont donc pas excédé l'habilitation consentie par l'article 1er de la loi du 16 décembre 1999 ;

Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 reprises à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser à l'ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE la somme de 3 000 F et à la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS une somme de 15 000 F au titre des frais qu'elles ont engagés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; Article 1er : L'article L. 3116-1 du code de la santé publique est annulé dans la mesure où il étend les dispositions des articles L. 1312-1 et L. 1312-2 de ce code à la méconnaissance des obligations vaccinales prévues aux articles L. 3111-6 et L. 3111-7. Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 F à l'ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE et la somme de 15 000 F à la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION LIBERTE INFORMATION SANTE, à la LIGUE NATIONALE POUR LA LIBERTE DES VACCINATIONS, à M. Roland X..., au RESEAU EUROPEEN POUR UNE POLITIQUE DE VIE, à M. et Mme Gauthier Y..., à l'ASSOCIATION SANTE LIBERTE TOURAINE, au Premier ministre et au ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cour de cassation Assemblée plénière Audience publique du 31 mai 1991 N° de pourvoi: 90-20105 Publié au bulletin REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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Sur le pourvoi dans l’intérêt de la loi formé par M. le Procureur général près la Cour de Cassation : Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l’article 353 du même Code ; Attendu que, la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ; Attendu selon l’arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse de M. Y..., étant atteinte d’une stérilité irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée artificiellement, a porté et mis au monde l’enfant ainsi conçu ; qu’à sa naissance, cet enfant a été déclaré comme étant né de Y..., sans indication de filiation maternelle ; Attendu que, pour prononcer l’adoption plénière de l’enfant par Mme Y..., l’arrêt retient qu’en l’état actuel des pratiques scientifiques et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit être considérée comme licite et non contraire à l’ordre public, et que cette adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer de M. et Mme Y... pratiquement depuis sa naissance ; Qu’en statuant ainsi, alors que cette adoption n’était que l’ultime phase d’un processus d’ensemble destiné à permettre à un couple l’accueil à son foyer d’un enfant, conçu en exécution d’un contrat tendant à l’abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes, ce processus constituait un détournement de l’institution de l’adoption, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l’intérêt de la loi et sans renvoi, l’arrêt rendu le 15 juin 1990 par la cour d’appel de Paris. Décision attaquée : Cour d'appel de Paris , du 15 juin 1990 Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du 27 mars 1996 N° de pourvoi: 95-82016 Publié au bulletin REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR, Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 334, 334-1, 335 et 335-1 quater abrogés du Code pénal, 225-5, 225-6, 225-7, 225-20 et 225-24 du nouveau Code pénal, des articles 427 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale : ” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré des prévenus (les demandeurs) coupables des délits de proxénétisme aggravés et de direction et gestion d’établissements de prostitution et, en répression,

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les a condamnés chacun à une peine d’emprisonnement, outre l’interdiction de tous les droits civiques, civils et de famille pendant 5 ans ; ” aux motifs que caractérisait la prostitution le fait d’employer moyennant une rémunération son corps à la satisfaction des plaisirs du public, quelle que fût la nature des actes de lubricité accomplis ; qu’en l’espèce, il était constant que, dans les 3 salons de relaxation, de prétendues masseuses, plus ou moins déshabillées, se livraient à des attouchements, des caresses ou des “effleurements” sur des hommes, allant jusqu’à provoquer l’éjaculation, moyennant le versement de sommes tarifées selon la nature et le degré de la prestation ; que ces salons constituaient des établissements de prostitution ; qu’il était prouvé que les époux X... les dirigeaient, recrutant les hôtesses, veillant au chiffre d’affaires, tenant la comptabilité, prélevant régulièrement la recette et bénéficiant largement de l’activité des prostituées employées dans les instituts ; que vainement les prévenus se prévalaient des recommandations écrites notifiées aux salariées, prohibant toute activité sexuelle à l’intérieur des salons de massage ; que ces instructions, loin d’établir leur bonne foi, démontraient qu’en réalité les prévenus, parfaitement informés de la nature exacte de ces massages dit californiens, avaient tenté maladroitement d’éluder leur responsabilité ; ” alors que, d’une part, la prostitution est l’acte par lequel un individu consent habituellement à des rapports sexuels avec un nombre indéterminé d’autres personnes moyennant rémunération ; qu’il en résulte que n’importe quel acte de lubricité ne peut être retenu comme élément constitutif de prostitution ; que, dès lors, la cour d’appel, ne pouvait, sans donner de la loi pénale une interprétation extensive, décider que la prostitution était caractérisée, quelle que fût la nature des actes de lubricité accomplis ; ” alors que, d’autre part, tenus de motiver leur décision, les juges doivent préciser les éléments de preuve versés au débat contradictoire et par eux analysés qui leur ont servi à former leur conviction ; que la cour d’appel ne pouvait retenir qu’il était constant que, dans les trois salons de relaxation, de prétendues masseuses se livraient à des attouchements, des caresses ou des effleurements sur des hommes allant jusqu’à provoquer l’éjaculation, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se serait fondée pour affirmer l’existence de ce dernier fait, lequel ne résultait ni des écoutes téléphoniques ni des investigations policières ni des auditions des prétendues prostituées et de leurs clients “ ; Attendu que, par les motifs exactement reproduits au moyen, l’arrêt attaqué qui a caractérisé l’activité de prostitution qui s’exerçait dans l’établissement géré par les prévenus déclarés coupables de proxénétisme n’encourt pas le grief allégué à la première branche ; Qu’en effet, la prostitution consiste à se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui ; Attendu que, pour le surplus, le moyen tend à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus ; Qu’ainsi le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi. Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon , du 28 février 1995

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Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du 24 février 2009 N° de pourvoi: 08-84436 Publié au bulletin

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Sekene, contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 19 mai 2008, qui, pour recherche biomédicale non consentie, l’a condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 223-8 du code pénal, des articles préliminaire, III, et 593 du code de procédure pénale, de l’article 6, 2°, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale ; ” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le docteur X... coupable d’avoir fait pratiquer une recherche biomédicale sur Jonas Y... sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de celui-ci et l’a condamné à une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis ; ” aux motifs que Jonas Y..., pensionnaire du foyer Sonacotra de la rue Pierre Leca à Marseille, âgé de 41 ans, souffrant d’un syndrome respiratoire aigu, était admis le 19 novembre 1998 à 23 heures 23 aux urgences de l’hôpital Nord de Marseille ; que, faute de lit disponible, il était transféré le 20 novembre dans le service des maladies tropicales infectieuses du centre hospitalier Houphouët-Boigny ; que le 25 novembre 1998, le patient quittait l’hôpital de son propre chef, contre avis médical, après cinq jours d’antibiothérapie administrée par voie intraveineuse ; que, par courrier en date du 6 mars 2000, il déposait plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d’instruction de Marseille du chef d’expérimentation sur une personne humaine sans son consentement ; qu’il exposait qu’à l’occasion de son hospitalisation dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital Houphouët-Boigny, il avait été l’objet de la part du docteur Sekene X... d’une expérimentation sur une personne humaine sans son consentement ; qu’il produisait à l’appui de sa plainte une notice d’information du patient relative à « une étude comparative de Ziracin versus Ceftriaxone dans le traitement de la pneumonie aiguë à pneumocoques d’intensité modérée à sévère “, étude réalisée en double aveugle ayant pour objectif d’apprécier l’efficacité du Ziracin et d’analyser sa sécurité et sa tolérance lorsqu’il est administré quotidiennement par voie intraveineuse pendant cinq jours minimum et dix jours maximum ; que les dernières pages de ce document contenaient un formulaire de consentement du patient ou d’un membre de sa famille laissé vierge de signature ; que, par réquisitoire introductif du 16 mars 2000, une information était ouverte du chef d’expérimentation sur la personne humaine sans le consentement de l’intéressé ; que, devant le magistrat instructeur, Jonas Y... rappelait que le 21 novembre 1998, alors même que l’antibiothérapie lui avait été administrée le 20 novembre, jour de son admission dans le service, le docteur X... lui avait remis un document à lire et à signer sans aucune explication, tant sur le traitement que sur ses éventuelles conséquences ou effets secondaires ; que n’ayant pas obtenu de réponse à ses questions, ni d’assurance de confidentialité, il avait refusé de signer le protocole proposé et ce, malgré de nombreuses demandes du docteur X... ; que le 25 novembre, il quittait l’établissement après avoir appris qu’il avait fait, en outre, l’objet d’un test de dépistage du SIDA, sans avoir été au préalable informé ; qu’entre le 10 et le 17 décembre 1998, il était pris en charge par les services de l’hôpital

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Saint-Joseph où était diagnostiquée une pneumonie pour laquelle il était soigné définitivement ; que le 17 décembre 1998, il adressait un courrier au docteur X... dans lequel il demandait des explications précises sur sa participation forcée au protocole sans son consentement et dans lequel il faisait part des troubles physiques qu’il ressentait depuis l’expérimentation ; qu’il précisait que ce courrier était resté sans réponse ; que le docteur X..., médecin infectiologue, entendu dans un premier temps par les services de police, déclarait que la partie civile avait été admise dans son service au moment où avait été mis en place un protocole de traitement visant à comparer un nouveau médicament par rapport à un médicament de référence ; que le patient présentait selon lui tous les critères pour pouvoir bénéficier de ce traitement utilisé dans d’autres pays et administré à plusieurs patients de l’hôpital Houphouët-Boigny ; qu’il assurait qu’il avait complètement informé le patient dès son arrivée en lui donnant des explications orales et que ce dernier lui avait donné son assentiment verbal pour participer à la recherche ; que, dès le lendemain, à la suite de la prise du traitement, son état de santé s’était amélioré et il lui avait alors présenté la notice d’information, dont il avait pu prendre connaissance ; que le patient lui avait dit qu’il devait en informer son médecin traitant mais il n’avait pas formulé d’opposition sur le protocole présenté ; que trois jours après, il attendait toujours sa signature ; qu’il précisait, cependant, que si le patient n’avait pas pu signer le protocole à son arrivée, c’était en raison de son état de santé qui ne le lui permettait pas ; qu’entendu à nouveau par le juge d’instruction, le prévenu affirmait qu’il avait reçu le consentement libre et éclairé de son patient dès son arrivée dans le service, en début d’après-midi le 20 novembre 1998 et avant de lui administrer le protocole, précisant que le malade avait été perfusé une heure à une heure trente après son arrivée ; qu’il considérait que le consentement verbal suffisait dans la mesure où il avait été reçu devant témoin ce qui était le cas puisque Bernard Z..., étudiant en médecine et externe, était présent ; qu’il expliquait encore que le patient était dans un état grave, qu’il parlait faiblement mais qu’il était en état de comprendre les explications sur le protocole proposé ; que le prévenu précisait « ne pas avoir reçu son consentement écrit mais qu’aucun refus ne lui avait été opposé et qu’il considérait que le patient était consentant à ce traitement qui était le mieux adapté à son état » ; que Bernard Z..., externe à l’hôpital Houphouët-Boigny, était entendu comme témoin et reconnaissait avoir été présent lors de l’entretien du 20 novembre au cours duquel le prévenu avait informé le patient ; que dans un premier temps, il ne se souvenait plus quelle avait été la réponse du malade, puis se rappelait qu’il avait répondu « oui » au protocole ; que le magistrat instructeur diligentait une expertise afin de décrire la situation médicale du plaignant au regard des traitements administrés, de rechercher si le consentement exprès et préalable à la prescription du traitement Ziracin versus Ceftriaxone avait été recueilli auprès de l’intéressé par le médecin prescripteur et de rechercher si les soins avaient été appropriés et quelles étaient les conséquences éventuelles du traitement sur son état de santé ; que le professeur A..., expert, indiquait que Jonas Y... avait été admis à l’hôpital Houphouët-Boigny le 20 novembre 1998 dans l’après-midi et que le protocole avait été mis en place à 16 heures ; que le malade présentait une dyspnée brutale avec douleurs thoraciques droites, température de 40° C, tension artérielle de 11 / 6, asthénie, anorexie, myalgies diffuses et diarrhées ; que l’expert concluait que rien ne permettait de dire qu’il avait donné son consentement exprès et préalable à la prescription du traitement et qu’on avait la certitude, a contrario, qu’il avait refusé à plusieurs reprises de signer la notice destinée à recueillir par écrit son consentement, que d’autres traitements pouvaient être prescrits, classiques et bien codifiés, dont l’Amoxcilline, qui avait été utilisée lors de la deuxième hospitalisation et par laquelle la pneumonie avait guéri, que le traitement par Ziracin avait seulement retardé la guérison de la maladie du patient qui avait guéri sans séquelles, que la décision du patient de mettre fin prématurément au traitement avait par ailleurs retardé sa guérison et que les troubles présentés au moment de l’expertise par le patient, à savoir une faiblesse alléguée des membres inférieurs, une amputation de ses capacités ventilatoires et une éosinophilie sanguine, n’avaient pas d’explication évidente ; que l’expert rappelait que la société Schering-Plough avait pris, dès le 7 juin 2000, la décision d’arrêter le développement du Ziracin en raison des événements indésirables sérieux constatés chez les patients, notamment une augmentation des taux de créatinine sérique et des phlébites ; qu’à l’audience de la cour, le prévenu confirmait avoir établi une relation de confiance avec le patient et qu’il était persuadé de l’accord de ce dernier pour le traitement proposé ; qu’il précisait ne pas avoir eu de contact avec la famille du patient ; que le conseil de la société Schering-Plough soulignait devant la cour qu’elle avait respecté ses propres obligations et rappelait que le suivi d’une procédure stricte était imposé aux médecins qui devaient recueillir le consentement des patients par écrit ; que l’article 223-8 du code pénal punit le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche biomédicale sans avoir recueilli le consentement préalable, libre, éclairé et exprès de l’intéressé ; que ces exigences sont cumulatives ; que le législateur a voulu protéger l’intégrité physique et la dignité des personnes sur qui des recherches médicales sont pratiquées, en faisant du consentement une décision unilatérale de l’individu libre et éclairée ; que les conditions

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dans lesquelles le consentement doit être recueilli sont définies par l’article L. 209-9 applicable au moment des faits devenu l’article L. 1122-1-1 du code de la santé publique ; qu’aux termes dudit article « le consentement est donné par écrit ou, en cas d’impossibilité, attesté par un tiers ; ce dernier doit être totalement indépendant de l’investigateur et du promoteur “ ; qu’il résulte des déclarations mêmes du prévenu que ce dernier a commencé l’application du protocole une heure environ après l’arrivée du patient dans son service, alors même que ce dernier, très affaibli, était manifestement dans l’impossibilité de donner un consentement libre éclairé et exprès ; que Jonas Y... n’a jamais donné son consentement par écrit ; qu’aucun élément du dossier ne permet de démontrer qu’il ait exprimé d’une autre façon son consentement ; qu’en effet, les déclarations, d’ailleurs confuses, de l’externe Bernard Z..., ne peuvent être considérées comme étant celles d’un témoin indépendant ; que le prévenu a pris le risque de ne pas respecter les modalités de recueil du consentement de son patient, en toute connaissance de cause, puisqu’il a tenté en vain les jours suivants d’obtenir un écrit de ce dernier ; ” 1°) alors que n’est pas pénalement sanctionné, le fait de recueillir oralement, et non par écrit, le consentement libre, éclairé et exprès de la personne sur laquelle une recherche biomédicale est pratiquée ; qu’en décidant néanmoins que le fait, pour le docteur X..., de n’avoir pas recueilli le “ consentement par écrit “ de Jonas Y..., avant de pratiquer sur celui-ci une recherche biomédicale, l’exposait à une sanction pénale, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ; ” 2°) alors que, tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu’en décidant néanmoins qu’aucun élément du dossier ne permettant de démontrer que Jonas Y... avait exprimé son consentement d’une autre façon que par écrit, l’infraction était constituée, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve » ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jonas Y... a été transféré, le 20 novembre 1998, dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital de Marseille alors qu’il souffrait d’un syndrome respiratoire aigu ; qu’un médecin de ce service, Sekene X..., lui a administré, pendant cinq jours, un nouveau produit, dénommé Ziracin, qui faisait l’objet d’une étude destinée à en comparer les effets avec un médicament de référence dans le traitement de la pneumonie aiguë ; que, le 6 mars 2000, il a porté plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction, en exposant avoir fait l’objet d’une recherche biomédicale sans son consentement ; qu’à l’issue de l’information, Sekene X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour recherche biomédicale non consentie ; Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable, l’arrêt retient qu’il a entrepris la recherche biomédicale sur Jonas Y... alors que celui-ci, arrivé dans le service depuis une heure environ, était très affaibli et manifestement dans l’impossibilité de donner un consentement libre, éclairé et exprès, lequel n’a été recueilli ni par écrit ni d’une autre façon ; Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l’article 223-8 du code pénal ; D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence , du 19 mai 2008 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du 16 septembre 2010 N° de pourvoi: 09-67456 Publié au bulletin REPUBLIQUE FRANCAISE

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu que la société Encore Events (la société) avait organisé, dans un local parisien et à partir du 12 février 2009, une exposition de cadavres humains “ plastinés “, ouverts ou disséqués, installés, pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles selon l’effort physique fourni ; que les associations “ Ensemble contre la peine de mort “ et “ Solidarité Chine “, alléguant un trouble manifestement illicite au regard des articles 16 et suivants du code civil, L. 1232-1 du code de la santé publique et 225-17 du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de cadavres de ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de l’exposition, ainsi que la constitution de la société en séquestre des corps et pièces anatomiques présentés, et la production par elle de divers documents lui permettant de justifier tant leur introduction sur le territoire français que leur cession par la fondation ou la société commerciale dont elle prétendait les tenir ; Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société, tel qu’exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe : Attendu qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; Et sur le second moyen du même pourvoi : Attendu que la société fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 30 avril 2009) d’avoir dit y avoir lieu à référé et de lui avoir fait interdiction de poursuivre l’exposition des corps et pièces anatomiques litigieuse, alors, selon le moyen : 1° / que la formation des référés n’est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble que si celui-ci est manifestement illicite, c’est-à-dire d’une totale évidence, consistant en un non-respect caractérisé de la règle de droit ; que sa compétence doit, dès lors, être exclue en cas de doute sérieux sur le caractère illicite du trouble invoqué ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui, d’une part, a procédé à un véritable débat de fond sur le sens qu’il convenait de donner à l’article 16-1-1 du code civil et sur son éventuelle applicabilité au cas d’espèce et qui, d’autre part, a rappelé les termes des fortes divergences qui opposaient les parties sur l’origine licite ou non des corps litigieux, n’a pas tiré les conclusions qui s’évinçaient de ses propres constations en estimant qu’elle était en présence, non d’un doute sérieux sur le caractère illicite du prétendu trouble invoqué, mais d’une violation manifeste de ce même article 16-1-1, justifiant qu’il y ait lieu à référé, et a violé, de ce fait, l’article 809 du code de procédure civile ; 2° / que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ; qu’en l’espèce, pour déterminer si les corps exposés avaient été traités avec respect, dignité et décence, la cour d’appel a recherché s’ils avaient une origine licite et, plus particulièrement, si les personnes intéressées avaient donné leur consentement de leur vivant à l’utilisation de leurs cadavres ; qu’en se fondant sur ces motifs inopérants, tout en refusant, comme il lui était demandé, d’examiner les conditions dans lesquelles les corps étaient présentés au public, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du code civil ; 3° / que, par ailleurs, la cour d’appel, a expressément relevé que « le respect du corps n’interdisait pas le regard de la société sur la mort et sur les rites religieux ou non qui l’entourent dans les différentes cultures, ce qui permettait de donner à voir aux visiteurs d’un musée des momies extraites de leur sépulture, voire d’exposer des reliques, sans entraîner d’indignation ni de trouble à l’ordre public » ; que la juridiction d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du code civil en ne recherchant pas, comme sa propre motivation aurait dû l’y conduire, si, précisément, l’exposition litigieuse n’avait pas pour objet d’élargir le champ de la connaissance, notamment grâce aux techniques modernes, en la rendant accessible au grand public de plus en plus curieux et soucieux d’accroître son niveau de connaissances, aucune différence objective ne pouvant être faite entre l’exposition de la momie d’un homme qui, en considération de l’essence même du rite de la momification, n’a jamais donné son consentement à l’utilisation de son cadavre et celle, comme en l’espèce, d’un corps donné à voir au public a des fins artistiques, scientifiques et éducatives ; 4° / qu’enfin celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; qu’en l’espèce, en ayant

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affirmé qu’il appartenait à la société Encore Events, défenderesse à l’instance en référé, de rapporter la preuve de l’origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l’existence de consentements autorisés, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé, de ce fait, l’article 1315 du code civil ; Mais attendu qu’aux termes de l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence ; que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaît cette exigence ; Qu’ayant constaté, par motifs adoptés non critiqués, que l’exposition litigieuse poursuivait de telles fins, les juges du second degré n’ont fait qu’user des pouvoirs qu’ils tiennent de l’article 16-2 du code civil en interdisant la poursuite de celle-ci ; que le moyen n’est pas fondé ; Et sur le moyen unique du pourvoi incident, tel qu’il figure au mémoire en défense et est reproduit en annexe : Attendu qu’en ses trois branches le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine portée par la cour d’appel sur l’opportunité d’ordonner les mesures sollicitées ; qu’il ne peut donc être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois principal et incident ; Laisse à la société Encore Events, d’une part, et aux associations Ensemble contre la peine de mort et Solidarité Chine, d’autre part, la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille dix. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Encore Events, demanderesse au pourvoi principal PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable l’action des associations ENSEMBLE CONTRE LA PEINE DE MORT et ASSOCIATION SOLIDARITE CHINE et d’avoir condamné la société ENCORE EVENTS aux dépens ainsi qu’au paiement de 3. 000, 00 € au titre des frais irrépétibles ; Aux motifs que « la société Encore Events soulève l’irrecevabilité des associations en cause pour défaut de qualité d’intérêt à agir ; … qu’une association peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; Que l’association « Solidarité Chine » a notamment pour objet « le soutien moral, matériel et financier aux défenseurs des droits de l’Homme en République Populaire de Chine » et l’association « Ensemble contre la peine de mort » a notamment pour objet « d’organiser, de financer et de soutenir toutes actions, initiatives, démarches, idées, discours qui promeuvent la citoyenneté et les progrès de la démocratie, des libertés et de la justice dans le monde » ; Qu’il est constant que le litige porte sur l’exposition de cadavres, tous d’origine chinoise ; que cette exposition met en cause un intérêt collectif, celui afférent à sa licéité, qui relève des champs de la citoyenneté et de la défense des droits de l’Homme, notamment en Chine, tous deux compris dans les objets sociaux des associations en cause ;

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Qu’en conséquence, les associations « Ensemble contre la peine de mort » et « Solidarité Chine », ont qualité et intérêt à agir et sont donc recevables ; Alors que s’il résulte de l’article 31 du Code de Procédure civile et de l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 que, hors habilitation législative, une association ne peut agir en justice au nom d’intérêts collectifs qu’autant que ceux-ci entrent dans son objet social, encore faut-il, pour que son action soit recevable, que l’exercice des actions en justice ait été prévu aux statuts ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de ces deux textes en se bornant, pour juger recevable l’action des associations ENSEMBLE CONTRE LA PEINE DE MORT et ASSOCIATION SOLIDARITE CHINE, à relever que le litige mettait en cause un intérêt collectif, à savoir celui afférent à la licéité de l’exposition, lequel relevait des champs de la citoyenneté et de la défense des Droits de l’Homme, notamment en Chine, tous deux compris dans les objets sociaux de ces deux associations, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’exercice des actions en justice était prévu aux statuts de ces mêmes associations. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir dit qu’il y avait lieu à référé, d’avoir fait interdiction à la société ENCORE EVENTS, sous astreinte de 20. 000, 00 € par infraction constatée, de poursuivre l’exposition de corps et de pièces anatomiques qu’elle présentait au 12, place de la Madeleine à Paris et de l’avoir condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement de 3. 000, 00 € au titre des frais irrépétibles ; Aux motifs que « l’article 16-1-1 du code dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ; que les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence » ; Qu’il ressort de ces dispositions d’ordre public, que le législateur, qui prescrit la même protection aux corps humains vivants et aux dépouilles mortelles, a ainsi entendu réserver à celles-ci un caractère inviolable et digne d’un respect absolu, conformément à un principe fondamental de toute société humaine ; que cette protection et ce caractère n’excluent cependant pas l’utilisation des cadavres à des fins scientifiques ou pédagogiques ; … que le respect n’interdit pas le regard de la société sur la mort, et sur les rites religieux ou non qui l’entourent dans les différents cultures, ce qui permet de donner à voir aux visiteurs d’un musée des momies extraites de leur sépulture, voire d’exposer des reliques, sans entraîner d’indignation ni de trouble à l’ordre public ; qu’en outre le champ de la connaissance, notamment grâce aux techniques modernes, s’est également élargi ; qu’il n’est plus seulement réservé aux seuls spécialistes et savants et devient désormais accessible au grand public de plus en plus curieux et soucieux d’accroître son niveau de connaissances ; … que l’exposition litigieuse met en scène des cadavres d’êtres humains pratiquant différents sports de manière à montrer le fonctionnement interne du corps selon l’effort physique exercé ; qu’à cette fin, ces corps sont partiellement ouverts et disséqués ; Qu’il est constant que les restes humains exposés proviennent de la Chine, la SARL Encore Events indiquant en outre qu’ils ont été mis à sa disposition par la « ANATOMICAL SCIENCES & TECHNOLOGIES FONDATION », fondation de Hong Kong (ciaprès la Fondation) ; … que, la protection du cadavre et le respect dû à celui-ci commandent tout d’abord de rechercher si les corps ainsi exposés ont une origine licite et s’il existe un consentement donné par les personnes de leur vivant sur l’utilisation de leur cadavre ; … que la société Encore Events affirme que les corps et organes proviennent de dons bénévoles et anonymes aux écoles de médecine affiliées à la fondation qui indique elle-même dans une attestation que « tous les donateurs (ou leur famille ou leur tuteur) sont clairement renseignés sur le fait que les corps cédés seront utilisés pour des travaux anatomiques et des recherches médicales (ils sont informés quant à la méthode de conservation du corps et savent qu’il pourra servir pour éduquer le grand public) » ; qu’elle indique en outre « on leur garantit également que les informations personnelles les conservant (sic) resteront confidentielles et ne seront jamais divulguées

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publiquement » et précise qu’elle ne peut en conséquence dévoiler l’identité des donateurs ; Que l’assurance de l’origine des corps et des consentements ne repose donc que sur les affirmations de la fondation dont il convient de rechercher dès lors le sérieux et la crédibilité ; Que la société Encore Events produit aux débats : - la déclaration précitée de la fondation en cause, qui ne comporte pas l’identité de son auteur et dont la signature est illisible, - un curriculum vitæ sommaire et non signé du Professeur X... Y... M. D président du comité scientifique de la fondation en cause, - un extrait d’une déclaration, faite devant un notaire américain, du docteur Walter Z..., consultant scientifique et médical américain de l’exposition attestant que, selon lui, les spécimens de l’exposition litigieuse ont été obtenus légalement au regard des législations chinoises et américaines ; … que de leur côté les associations intimées produisent une attestation, deux lettres et un courriel des professeurs de médecine Claude A..., Jean B..., André C... et Jacques D... qui indiquent n’avoir jamais entendu parler de ladite fondation et de ses travaux ; Que la preuve de la crédibilité de la fondation et de son sérieux n’est dès lors pas rapportée, étant encore rappelé que l’auteur de l’attestation qu’elle a établie n’est pas identifiée ; Qu’il s’en suit que la société Encore Events ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l’existence de consentements autorisés alors même que les intimées mettent en cause, pièces à l’appui, la crédibilité de cette fondation et cette origine ; Que l’exposition en cause, organisée dans ces conditions, caractérise donc une violation manifeste de l’article 16-1-1 précité ; … que c’est donc à juste titre que le premier juge en a ordonné l’interdiction selon les modalités qu’il a définies, et ce, sans qu’il soit besoin d’examiner les conditions dans lesquelles les corps sont présentées au public » ; 1. Alors que, d’une part, la formation des référés n’est compétente pour prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble que si celui-ci est manifestement illicite, c’est-à-dire d’une totale évidence, consistant en un non-respect caractérisé de la règle de droit ; que sa compétence doit, dès lors, être exclue en cas de doute sérieux sur le caractère illicite du trouble invoqué ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel, qui, d’une part, a procédé à un véritable débat de fond sur le sens qu’il convenait de donner à l’article 16-1-1 du Code civil et sur son éventuelle applicabilité au cas d’espèce et qui, d’autre part, a rappelé les termes des fortes divergences qui opposaient les parties sur l’origine licite ou non des corps litigieux, n’a pas tiré les conclusions qui s’évinçaient de ses propres constations en estimant qu’elle était en présence, non d’un doute sérieux sur le caractère illicite du prétendu trouble invoqué, mais d’une violation manifeste de ce même article 16-1-1, justifiant qu’il y ait lieu à référé, et a violé, de ce fait, l’article 809 du Code de Procédure civile ; 2. Alors que, d’autre part, le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort et les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ; qu’en l’espèce, pour déterminer si les corps exposés avaient été traités avec respect, dignité et décence, la Cour d’appel a recherché s’ils avaient une origine licite et, plus particulièrement, si les personnes intéressées avaient donné leur consentement de leur vivant à l’utilisation de leurs cadavres ; qu’en se fondant sur ces motifs inopérants, tout en refusant, comme il lui était demandé, d’examiner les conditions dans lesquelles les corps étaient présentés au public, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du Code civil ; 3. Alors que, par ailleurs, la Cour d’appel, a expressément relevé que « le respect du corps n’interdisait pas le regard de la société sur la mort et sur les rites religieux ou non qui l’entourent dans

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les différents cultures, ce qui permettait de donner à voir aux visiteurs d’un musée des momies extraites de leur sépulture, voire d’exposer des reliques, sans entraîner d’indignation ni de trouble à l’ordre public » ; que la juridiction d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 16-1-1 du Code civil en ne recherchant pas, comme sa propre motivation aurait dû l’y conduire, si, précisément, l’exposition litigieuse n’avait pas pour objet d’élargir le champ de la connaissance, notamment grâce aux techniques modernes, en la rendant accessible au grand public de plus en plus curieux et soucieux d’accroître son niveau de connaissances, aucune différence objective ne pouvant être faite entre l’exposition de la momie d’un homme qui, en considération de l’essence même du rite de la momification, n’a jamais donné son consentement à l’utilisation de son cadavre et celle, comme en l’espèce, d’un corps donné à voir au public a des fins artistiques, scientifiques et éducatives ; 4. Alors qu’enfin celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ; qu’en l’espèce, en ayant affirmé qu’il appartenait à la société ENCORE EVENTS, défenderesse à l’instance en référé, de rapporter la preuve de l’origine licite et non frauduleuse des corps litigieux et de l’existence de consentements autorisés, la Cour d’appel a inversé la charge de la preuve et a violé, de ce fait, l’article 1315 du Code civil. Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les associations Ensemble contre la peine de mort et Solidarité Chine, demanderesse au pourvoi incident Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les exposantes de leurs demandes relatives à la constitution de séquestre, à l’inventaire et à la représentation des corps et pièces anatomiques aux autorités publiques, et d’avoir dit n’y avoir lieu à d’autres mesures conservatoires ; AUX MOTIFS QUE « l’exposition en cause organisée dans ces conditions, caractérise une violation manifeste de l’article 16-1-1 du code civil ; que c’est donc à juste titre que le premier juge en a ordonné l’interdiction … ; qu’en revanche la demande tendant … à la constitution de séquestre, l’inventaire et la représentation des corps aux autorités françaises, que le premier juge a ordonnés ne s’impose pas ; qu’il convient d’infirmer l’ordonnance de ces chefs » (arrêt du 30 avril 2009, p. 5, al. 8, 9 et 10) ; 1°) ALORS QU’en se bornant à affirmer que les mesures de séquestre d’inventaire et de représentation des corps et éléments litigieux ne s’imposaient pas, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation de l’article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, subsidiairement, QU’en se bornant à l’affirmation que les mesures ordonnées par le premier juge ne s’imposaient pas sans exposer en quoi ces mesures n’étaient pas propres à faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la détention par la société Encore Events de dépouilles mortelles à l’intégrité desquelles il avait été porté atteinte sans que les allégations dépourvues de crédibilité de ladite société ne permettent de tenir pour licite leur origine, et pour avéré le consentement des personnes décédées, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile, ensemble l’article 16-2 du code civil ; ET AUX MOTIFS QU’« en considération de l’extrême gravité des atteintes portées aux dispositions légales invoquées et aux droits fondamentaux » « les intimées sollicitent la production de diverses pièces et une mesure d’expertise » ; que « cependant, la gravité des faits invoqués ne constitue pas à elle seule le motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile ; que la demande de production de pièces et la mesure d’expertise qui est sollicitée en cause d’appel seront rejetées » (arrêt du 30 avril 2009, p. 5, al. 11 et 12) ; 3°) ALORS QU’en relevant seulement que la gravité des faits invoqués ne justifiait pas les mesures complémentaires demandées en cause d’appel sans examiner si les intimées n’avaient pas d’intérêt légitime à les solliciter afin d’obtenir la preuve du trafic de cadavres de condamnés à mort chinois imputé à la société Encore Events, dont l’exploitation a été déclarée contraire à l’article 16-1-1 du code civil pour être organisée sans que soient établie la preuve de l’origine licite des corps et du consentement des personnes décédées, que le respect dû au corps humain lui imposait de rapporter, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile. Publication : Bulletin 2010, I, n° 174 Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 30 avril 2009

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Conseil d’État N° 375081 ECLI:FR:CEASS:2014:375081.20140624 Publié au recueil Lebon Assemblée Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LE BRET-DESACHE ; FOUSSARD ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP ODENT, POULET, avocat(s) lecture du mardi 24 juin 2014 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu 1°, sous le n° 375081, la requête, enregistrée le 31 janvier 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour Mme E... G..., demeurant... ; Mme G... demande au juge des référés du Conseil d’Etat : 1°) d’annuler le jugement n° 1400029 du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 par laquelle il a été mis fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de M. H... G... ; 2°) de rejeter la demande présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par M. D... G..., Mme I... G..., M. C... L... et Mme A... F... ; Vu 2°, sous le n° 375090, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 3 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. J... G..., demeurant... ; M. G... demande au juge des référés du Conseil d’Etat : 1°) d’annuler le jugement n° 1400029 du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 par laquelle il a été mis fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de M. H... G... ; 2°) de rejeter la demande présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par M. D... G..., Mme I... G..., M. C... L... et Mme A... F... ; .................................................................................... Vu 3°, sous le n° 375091, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 4 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le centre hospitalier universitaire de Reims, dont le siège est 45, rue Cognacq-Jay à Reims Cedex (51092), représenté par

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son directeur général en exercice ; le centre hospitalier universitaire de Reims demande au juge des référés du Conseil d’Etat : 1°) d’annuler le jugement n° 1400029 du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 par laquelle il a été mis fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de M. H... G... ; 2°) de rejeter la demande présentée, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne par M. D... G..., Mme I... G..., M. C... L... et Mme A... F... ; .................................................................................... Vu les autres pièces des dossiers ; Vu le code de la santé publique, modifié notamment par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d’Etat, - les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme E...G..., à Me Foussard, avocat du centre hospitalier universitaire de Reims, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de M. J... G..., à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme I...G..., de M. D... G..., de Mme A... F...et de M. C... L...et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l’Union nationale des associations de famille de traumatisés craniens ; 1. Considérant que Mme E...G..., M. J... G...et le centre hospitalier universitaire de Reims relèvent appel du jugement du 16 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant en référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 du médecin, chef du pôle Autonomie et santé du centre hospitalier universitaire de Reims, de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de M. H... G..., hospitalisé dans ce service ; qu’il y a lieu de joindre les trois requêtes pour statuer par une seule décision ; Sur l’intervention : 2. Considérant que l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) justifie, eu égard à son objet statutaire et aux questions soulevées par le litige, d’un intérêt de nature à la rendre recevable à intervenir dans la présente instance devant le Conseil d’Etat ; que son intervention doit, par suite, être admise ; Sur l’office du juge des référés statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : “ Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) “ ; 4. Considérant qu’en vertu de cet article, le juge administratif des référés, saisi d’une demande en ce sens justifiée par une urgence particulière, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte

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grave et manifestement illégale ; que ces dispositions législatives confèrent au juge des référés, qui se prononce en principe seul et qui statue, en vertu de l’article L. 511-1 du code de justice administrative, par des mesures qui présentent un caractère provisoire, le pouvoir de prendre, dans les délais les plus brefs et au regard de critères d’évidence, les mesures de sauvegarde nécessaires à la protection des libertés fondamentales ; 5. Considérant toutefois qu’il appartient au juge des référés d’exercer ses pouvoirs de manière particulière, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative d’une décision, prise par un médecin sur le fondement du code de la santé publique et conduisant à interrompre ou à ne pas entreprendre un traitement au motif que ce dernier traduirait une obstination déraisonnable et que l’exécution de cette décision porterait de manière irréversible une atteinte à la vie ; qu’il doit alors, le cas échéant en formation collégiale, prendre les mesures de sauvegarde nécessaires pour faire obstacle à son exécution lorsque cette décision pourrait ne pas relever des hypothèses prévues par la loi, en procédant à la conciliation des libertés fondamentales en cause, que sont le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable ; que, dans cette hypothèse, le juge des référés ou la formation collégiale à laquelle il a renvoyé l’affaire peut, le cas échéant, après avoir suspendu à titre conservatoire l’exécution de la mesure et avant de statuer sur la requête dont il est saisi, prescrire une expertise médicale et solliciter, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, l’avis de toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à éclairer utilement la juridiction ; Sur les dispositions applicables au litige : 6. Considérant qu’en vertu de l’article L. 1110-1 du code de la santé publique, le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ; que l’article L. 1110-2 énonce que la personne malade a droit au respect de sa dignité ; que l’article L. 1110-9 garantit à toute personne dont l’état le requiert le droit d’accéder à des soins palliatifs qui sont, selon l’article L. 1110-10, des soins actifs et continus visant à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ; 7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1110-5 du même code, tel que modifié par la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de la vie : “ Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. / Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. / (...) Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. / Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort (...) “ ; 8. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 avril 2005 : “ Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. / Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. (...) / Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. / Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. / Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, la limitation ou l’arrêt de traitement susceptible de mettre sa vie en danger ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 ou la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne, aient été consultés. La décision

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motivée de limitation ou d’arrêt de traitement est inscrite dans le dossier médical. (...) “ ; 9. Considérant que l’article R. 4127-37 du code de la santé publique énonce, au titre des devoirs envers les patients, qui incombent aux médecins en vertu du code de déontologie médicale : “ I.- En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement. Il doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n’ont d’autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie. / II.- Dans les cas prévus au cinquième alinéa de l’article L. 1111-4 et au premier alinéa de l’article L. 1111-13, la décision de limiter ou d’arrêter les traitements dispensés ne peut être prise sans qu’ait été préalablement mise en oeuvre une procédure collégiale. Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire au vu des directives anticipées du patient présentées par l’un des détenteurs de celles-ci mentionnés à l’article R. 1111-19 ou à la demande de la personne de confiance, de la famille ou, à défaut, de l’un des proches. Les détenteurs des directives anticipées du patient, la personne de confiance, la famille ou, le cas échéant, l’un des proches sont informés, dès qu’elle a été prise, de la décision de mettre en oeuvre la procédure collégiale. / La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L’avis motivé d’un deuxième consultant est demandé par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile. / La décision de limitation ou d’arrêt de traitement prend en compte les souhaits que le patient aurait antérieurement exprimés, en particulier dans des directives anticipées, s’il en a rédigé, l’avis de la personne de confiance qu’il aurait désignée ainsi que celui de la famille ou, à défaut, celui d’un de ses proches. (...) / La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu au sein de l’équipe de soins ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient. La personne de confiance, si elle a été désignée, la famille ou, à défaut, l’un des proches du patient sont informés de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement. / III.-Lorsqu’une limitation ou un arrêt de traitement a été décidé en application de l’article L. 1110-5 et des articles L. 1111-4 ou L. 1111-13, dans les conditions prévues aux I et II du présent article, le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en oeuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d’accompagner la personne selon les principes et dans les conditions énoncés à l’article R. 4127-38. Il veille également à ce que l’entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire “ ; 10. Considérant, d’une part, que les dispositions de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique sont énoncées dans ce code au titre des droits garantis par le législateur à toutes les personnes malades ; que celles de l’article L. 1111-4 sont au nombre des principes généraux, affirmés par le code de la santé publique, qui sont relatifs à la prise en considération de l’expression de la volonté de tous les usagers du système de santé ; que l’article R. 4127-37 détermine des règles de déontologie médicale qui imposent des devoirs à tous les médecins envers l’ensemble de leurs patients ; qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions et des travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 22 avril 2005 qu’elles sont de portée générale et sont applicables à l’égard de M. G... comme à l’égard de tous les usagers du système de santé ; 11. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que toute personne doit recevoir les soins les plus appropriés à son état de santé, sans que les actes de prévention, d’investigation et de soins qui sont pratiqués lui fassent courir des risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ; que ces actes ne doivent toutefois pas être poursuivis par une obstination déraisonnable et qu’ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris lorsqu’ils apparaissent inutiles ou disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, que la personne malade soit ou non en fin de vie ; que, lorsque celle-ci est hors d’état d’exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d’arrêter un traitement au motif que sa poursuite traduirait une obstination déraisonnable ne peut, s’agissant d’une mesure susceptible de mettre en danger la vie du patient, être prise par le médecin que dans le respect de la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et des règles de consultation fixées par le code de la santé publique ; qu’il appartient au médecin, s’il prend une telle décision, de sauvegarder en tout état de cause la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs ;

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12. Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions des articles L. 1110-5 et L. 1111-4 du code de la santé publique, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 22 avril 2005, que le législateur a entendu inclure au nombre des traitements susceptibles d’être limités ou arrêtés, au motif d’une obstination déraisonnable, l’ensemble des actes qui tendent à assurer de façon artificielle le maintien des fonctions vitales du patient ; que l’alimentation et l’hydratation artificielles relèvent de ces actes et sont, par suite, susceptibles d’être arrêtées lorsque leur poursuite traduirait une obstination déraisonnable ; Sur les appels : 13. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. H... G..., né en 1976, infirmier en psychiatrie, a été victime, le 29 septembre 2008, d’un accident de la circulation qui lui a causé un grave traumatisme crânien ; qu’après cet accident, il a été hospitalisé pendant trois mois dans le service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Reims ; qu’il a été ensuite transféré dans l’unité spécialisée pour patients en état pauci-relationnel de ce centre hospitalier, avant d’être accueilli pendant trois mois, du 17 mars au 23 juin 2009, au centre de rééducation de Berck-sur-Mer dans le département des blessés crâniens ; qu’après ce séjour, il a été à nouveau hospitalisé à Reims, où, en raison de son état de tétraplégie et de complète dépendance, il est pris en charge pour tous les actes de la vie quotidienne et est alimenté et hydraté de façon artificielle par voie entérale ; 14. Considérant que M. G... a été admis en juillet 2011 au Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège pour un bilan diagnostique et thérapeutique ; qu’après avoir pratiqué des examens approfondis, ce centre a conclu que M. G... était dans un “ état de conscience minimale plus “, avec une perception de la douleur et des émotions préservées, notant que l’essai de contrôle volontaire de la respiration mettait en évidence une réponse à la commande et recommandant d’envisager la mise en place d’un code de communication avec le patient ; qu’après le retour de M. G... au centre hospitalier universitaire de Reims, quatre-vingt-sept séances d’orthophonie ont été pratiquées pendant cinq mois, du 6 avril 2012 au 3 septembre 2012 pour tenter d’établir un code de communication ; que ces séances ne sont pas parvenues à mettre en place un code de communication du fait de la non-reproductibilité des réponses ; 15. Considérant que, au cours de l’année 2012, des membres du personnel soignant ont constaté des manifestations comportementales chez M. G... dont ils ont pensé qu’elles pouvaient être interprétées comme traduisant une opposition aux soins de toilette pratiqués ; qu’à la suite de ces constats et se fondant sur l’analyse qu’il faisait de l’absence d’évolution neurologique favorable du patient, le Dr Kariger, chef du pôle Autonomie et santé du centre hospitalier universitaire et, à ce titre, responsable du service prenant en charge le patient, a engagé la procédure collégiale prévue par l’article R. 4127-37 du code de la santé publique afin d’apprécier si la poursuite de l’alimentation et de l’hydratation artificielles de M. G... était le résultat d’une obstination déraisonnable au sens de l’article L. 1110-5 du même code ; que, le 10 avril 2013, ce médecin a décidé d’arrêter l’alimentation artificielle et de diminuer l’hydratation de M. G... ; que, saisi par les parents de M. G..., l’un de ses demi-frères et l’une de ses soeurs, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par une ordonnance du 11 mai 2013, a enjoint de rétablir l’alimentation et l’hydratation artificielles au motif que la procédure prévue par l’article R. 4127-37 du code de la santé publique avait été méconnue, dès lors que seule l’épouse de M. G..., lequel n’avait pas rédigé de directives anticipées ni désigné de personne de confiance, avait été informée de la mise en oeuvre de la procédure, associée à son déroulement et informée de la décision d’arrêt de traitement prise par le médecin ; 16. Considérant qu’après avoir engagé, en septembre 2013, une nouvelle procédure collégiale en y associant, outre l’épouse de M. G..., ses parents et ses frères et soeurs, le Dr Kariger a, au terme de cette procédure collégiale, décidé, le 11 janvier 2014, de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielles du patient à compter du lundi 13 janvier 2014 à 19 heures, l’exécution de cette décision devant toutefois être différée en cas de saisine du tribunal administratif ; que, saisi à nouveau, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, statuant en référé en formation collégiale par jugement du 16 janvier 2014, a suspendu l’exécution de la décision du 11 janvier 2014 ; que l’épouse de M. G..., un de ses neveux et le centre hospitalier universitaire de Reims relèvent appel de ce jugement ; 17. Considérant qu’à l’appui de ces appels, il est, en particulier, soutenu que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, la poursuite de l’alimentation et de

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l’hydratation artificiellement administrées à M. G..., n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie du patient, traduit une obstination déraisonnable au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, ce qui est contesté en défense ; 18. Considérant qu’il revient au Conseil d’Etat, saisi de cette contestation, de s’assurer, au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, qu’ont été respectées les conditions mises par la loi pour que puisse être prise une décision mettant fin à un traitement dont la poursuite traduirait une obstination déraisonnable ; 19. Considérant qu’il est nécessaire, pour que le Conseil d’Etat puisse procéder à cette appréciation, qu’il dispose des informations les plus complètes, notamment sur l’état de la personne concernée ; qu’en l’état des éléments versés dans le cadre de l’instruction, le bilan qui a été effectué par le Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège et qui a conclu, ainsi qu’il a été dit, à un “ état de conscience minimale plus “, remonte à juillet 2011, soit à plus de deux ans et demi ; que les trois médecins dont l’avis, au titre de consultants extérieurs au centre hospitalier universitaire de Reims, a été sollicité dans le cadre de la procédure collégiale engagée, se sont principalement prononcés sur les aspects éthiques et déontologiques d’un arrêt de traitement et non sur l’état médical du patient qu’ils n’ont pas examiné ; qu’ainsi que cela a été indiqué lors de l’audience de référé, le dossier médical de M. G... n’a pas été versé dans son intégralité au cours de l’instruction de la demande de référé ; que des indications divergentes ont été données dans le cadre de l’instruction et au cours de l’audience de référé quant à l’état clinique de M. G... ; 20. Considérant, dans ces conditions, qu’il est, en l’état de l’instruction, nécessaire, avant que le Conseil d’Etat ne statue sur les appels dont il est saisi, que soit ordonnée une expertise médicale, confiée à des praticiens disposant de compétences reconnues en neurosciences, aux fins de se prononcer, de façon indépendante et collégiale, après avoir examiné le patient, rencontré l’équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier et pris connaissance de l’ensemble de son dossier médical, sur l’état actuel de M. G... et de donner au Conseil d’Etat toutes indications utiles, en l’état de la science, sur les perspectives d’évolution qu’il pourrait connaître ; 21. Considérant qu’il y a lieu, en conséquence, de prescrire une expertise confiée à un collège de trois médecins qui seront désignés par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat sur la proposition, respectivement, du président de l’Académie nationale de médecine, du président du Comité consultatif national d’éthique et du président du Conseil national de l’Ordre des médecins, avec pour mission, dans un délai de deux mois à compter de la constitution du collège : - de décrire l’état clinique actuel de M. G... et son évolution depuis le bilan effectué en juillet 2011 par le Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège ; - de se prononcer sur le caractère irréversible des lésions cérébrales de M. G... et sur le pronostic clinique ; - de déterminer si ce patient est en mesure de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son entourage ; - d’apprécier s’il existe des signes permettant de penser aujourd’hui que M. G... réagit aux soins qui lui sont prodigués et, dans l’affirmative, si ces réactions peuvent être interprétées comme un rejet de ces soins, une souffrance, le souhait que soit mis fin au traitement qui le maintient en vie ou comme témoignant, au contraire, du souhait que ce traitement soit prolongé ; 22. Considérant, en outre, qu’en raison de l’ampleur et de la difficulté des questions d’ordre scientifique, éthique et déontologique qui se posent à l’occasion de l’examen du présent litige, il y a lieu, pour les besoins de l’instruction des requêtes, d’inviter, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique et le Conseil national de l’Ordre des médecins ainsi que M. B... K...à présenter au Conseil d’Etat, avant la fin du mois d’avril 2014, des observations écrites d’ordre général de nature à l’éclairer utilement sur l’application des notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, en particulier à l’égard des personnes qui sont, comme M. G..., dans un état pauci-relationnel ;

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Sur les conclusions d’appel incident : 23. Considérant qu’il ne résulte d’aucun élément versé dans le cadre de l’instruction que les soins qui doivent être dispensés à M. G... ne seraient pas accomplis conformément aux exigences requises au sein du service où il est hospitalisé depuis plusieurs années ou que son maintien dans ce service mettrait désormais en cause sa sécurité ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu, en l’état de l’instruction, d’ordonner à titre de mesure de sauvegarde le transfert de M. G... dans un autre établissement ; D E C I D E : -------------- Article 1er : L’intervention de l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) est admise. Article 2 : Avant de statuer sur les requêtes, il sera procédé à une expertise confiée à un collège de trois médecins, disposant de compétences reconnues en neurosciences, désignés par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat sur la proposition, respectivement, du président de l’Académie nationale de médecine, du président du Comité consultatif national d’éthique et du président du Conseil national de l’Ordre des médecins, aux fins : - de décrire l’état clinique actuel de M. G... et son évolution depuis le bilan effectué en juillet 2011 par le Coma Science Group du centre hospitalier universitaire de Liège ; - de se prononcer sur le caractère irréversible des lésions cérébrales de M. G... et sur le pronostic clinique ; - de déterminer si ce patient est en mesure de communiquer, de quelque manière que ce soit, avec son entourage ; - d’apprécier s’il existe des signes permettant de penser aujourd’hui que M. G... réagit aux soins qui lui sont prodigués et, dans l’affirmative, si ces réactions peuvent être interprétées comme un rejet de ces soins, une souffrance, le souhait que soit mis fin au traitement qui le maintient en vie ou comme témoignant, au contraire, du souhait que ce traitement soit prolongé. Article 3 : Les experts devront procéder à l’examen de M. H... G..., rencontrer l’équipe médicale et le personnel soignant en charge de ce dernier et prendre connaissance de l’ensemble de son dossier médical. Ils pourront consulter tous documents, procéder à tous examens ou vérifications utiles et entendre toute personne compétente. Ils accompliront leur mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative et rendront leur rapport dans un délai de deux mois à compter de leur désignation. Article 4 : L’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique et le Conseil national de l’Ordre des médecins ainsi que M. B... K...sont invités, en application de l’article R. 625-3 du code de justice administrative, à présenter au Conseil d’Etat, conformément aux motifs de la présente décision et avant la fin du mois d’avril 2014, des observations écrites de caractère général de nature à l’éclairer utilement sur l’application des notions d’obstination déraisonnable et de maintien artificiel de la vie au sens de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, en particulier à l’égard des personnes qui sont, comme M. G..., dans un état pauci-relationnel. Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme E...G..., à M. J... G..., au centre hospitalier universitaire de Reims, à M. D... et à Mme I...G..., à M. C... L..., à Mme A... G...épouseF..., à l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, au président de l’Académie nationale de médecine, au président du Comité consultatif national d’éthique, au président du Conseil national de l’Ordre des médecins, à M. B... K...et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 7 : Personnes physiques – personnes morales

G. DANJAUME

- Civ. 2ème, 28 janvier 1954, D. 1954, 217. - Crim., 16 nov. 1999, D. 2001, 665. - Com., 30 nov. 1999, D. 2000, 627. - Com., 26 oct. 1993, D. 1994, 237. - Plén., 29 juin 2001, D. 2001, p. 2917, note Y. Mayaud. - Crim., 2 déc. 2003, D. 2003, 449, note J. Pradel. - Civ., 3ème, 12 juin 2003, J.C.P. 2003, II, 10190, note F. Auque. - Voir aussi : Req., 23 févr. 1891, D.P. 1891, 1, 337.

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28 janvier 1954 n° 54-07.081 Publication :Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 2 N. 32 P. 20 Sommaire : Les comités d'établissement, comme les comités d'en treprise, ont la personnalité civile. Ils peuvent donc ester en justice pour l'exercice des a ttributions qui leur sont dévolues par l'ordonnance du 22 février 1945.

Cassation

28 janvier 1954

N° 54-07.081

Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 2 N. 32 P. 20

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Sur le moyen unique pris en sa seconde branche : Vu les articles 1er paragraphe 2 et 21 de l'ordonnance législative du 22 février 1945, 1er du décret du 2 novembre 1945 ; Attendu que la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; qu'elle appartient, en principe, à tout groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par suite, d'être juridiquement reconnus et protégés ; Que, si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au contraire, implicitement mais nécessairement, l'existence en faveur d'organismes créés par la loi elle-même avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d'être déduits en justice ; Attendu qu'après avoir, en son article 1er, institué des comités d'entreprises dans toutes les entreprises qu'elle énonce, l'ordonnance susvisée dispose : "le comité d'entreprise coopère avec la direction à l'amélioration des conditions collectives du travail et de vie du personnel, ainsi que des règlements qui s'y rapportent" ; "Le comité d'entreprise assure ou contrôle la gestion de toutes les oeuvres sociales établies dans l'entreprise au bénéfice des salariés ou de leurs familles ou participe à cette gestion ... dans les conditions qui seront fixées par un décret pris en Conseil d'Etat" ; "Le décret déterminera notamment les règles d'octroi et l'étendue de la personnalité civile des comités d'entreprises" ; Attendu que l'article 21 de la même ordonnance est ainsi conçu : "Dans les entreprises comportant des établissements distincts, il sera créé des comités d'établissements dont la composition et le fonctionnement seront identiques à ceux des comités d'entreprises définis aux articles ci-dessus, qui auront les mêmes attributions que les comités d'entreprises dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; "Le comité central d'entreprise sera composé de délégués élus des comités d'établissements" ; Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action intentée contre le sieur X..., en remboursement du prix d'un marché de vêtements prétendu non exécuté par le Comité d'établissement de Saint-Chamond de la Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homécourt, représenté par son Président, le sieur Y..., l'arrêt attaqué énonce qu'un groupement n'a la personnalité civile que si celle-ci lui a été expressément attribuée ; que le silence de la loi relativement aux comités d'établissements dans une matière ou une disposition expresse est indispensable ne peut s'interpréter que comme étant l'expression de la volonté de n'attribuer la personnalité civile qu'aux seuls comités d'entreprises, l'existence et le fonctionnement des comités d'établissements devant se confondre avec la personnalité des comités centraux d'entreprises et les comités d'établissements ne pouvant contracter ou agir en justice que par l'intermédiaire de ces derniers ; Mais, attendu que, d'après l'article 21 précité, la composition et le fonctionnement des comités d'établissements sont identiques à ceux des comités d'entreprises et ont les mêmes attributions que

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ces derniers dans les limites des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements ; Et attendu que si les dispositions de l'article 1er du décret du 2 novembre 1945, prises en application de l'article 2, alinéa 2 de l'ordonnance législative, ne visent expressément que les comités d'entreprises, elles impliquent nécessairement reconnaissance de la personnalité civile des comités d'établissements, celle-ci n'étant pas moins indispensable à l'exercice d'attributions et à la réalisation de buts identiques, dans le champ d'action qui leur est dévolu par ladite ordonnance elle-même ; D'où il suit qu'en déclarant, pour les motifs qu'elle a admis, l'action dudit comité d'établissement irrecevable, la Cour d'appel a faussement appliqué, et par suite, violé les articles invoqués au moyen ; PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Lyon, le 30 octobre 1950, et les renvoie devant la Cour d'Appel de Riom. Crim., 16 nov. 1999 Sommaire : Si toute personne morale qui se prétend victime d'u ne infraction est habilitée à se constituer partie civile devant la juridiction pénale, ce droi t qui s'exerce dans les conditions prévues par l'article 2 du Code de procédure pénale requiert, s 'agissant d'une association, qu'elle remplisse les formalités exigées par l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 auxquelles toute association, française ou étrangère doit se soumett re pour obtenir la qualité d'ester en justice. L'exigence d'une telle formalité ne constitue donc aucune discrimination au sens des articles 6 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. (1).

16 novembre 1999

N° 96-85.723

Bulletin criminel 1999 N° 260 p. 813

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS REJET du pourvoi formé par l'association X..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Chambéry, en date du 26 juin 1996, qui a déclaré irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation. LA COUR, Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 5 de la loi du 1er juillet 1901, 6.1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1 et 5 de son premier protocole additionnel, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 2, 87, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale : " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de la X... en date du 2 février 1996 ; " aux motifs que M. Mollin, juge d'instruction désigné par le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Annecy, a écrit au conseil de l'association X..., le 20 mars 1996, pour qu'il lui soit indiqué si cette association a fait en préfecture ou sous-préfecture la déclaration préalable prévue à l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 lui permettant d'avoir la capacité juridique ; qu'en présence d'une réponse négative M. le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Annecy a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de l'association X... ; que la Cour constate que l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 est une règle de procédure qui ne fait nullement obstacle au droit d'ester en justice reconnu, tant par la loi française que par la Convention européenne des droits de l'homme, aux associations de droit étranger ; que l'article 5 qui ne fait que réglementer l'exercice d'un

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droit, doit, en l'espèce, recevoir application ; qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, par adoption de motifs, sur ce premier moyen (arrêt, page 3) ; " alors que, selon les dispositions combinées des articles 6.1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1 et 5 de son premier protocole additionnel, qui, en vertu de l'article 55 de la Constitution, ont une valeur supérieure à la loi interne du 1er juillet 1901, toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; " qu'ainsi, en estimant au contraire que faute d'avoir accompli la déclaration préalable prévue à l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 lui permettant d'avoir la capacité juridique, l'association demanderesse, de droit suisse, ne pouvait agir en justice ni, par conséquent, se constituer partie civile dans le cadre de poursuites pénales des chefs de diffamation et injures, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que s'estimant diffamée par des propos tenus par Y... au cours d'une émission de télévision diffusée en France, l'association de droit suisse X... ayant son siège à Genève a porté plainte avec constitution de partie civile de ce chef devant le juge d'instruction d'Annecy ; Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable l'action en diffamation de l'association X..., l'arrêt attaqué se prononce par les motifs reproduits au moyen ; Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont à bon droit énoncé qu'en l'espèce aucune discrimination, au sens des textes conventionnels visés au moyen, ne pouvait être relevée ; Qu'en effet, si toute personne morale qui se prétend victime d'une infraction est habilitée à se constituer partie civile devant la juridiction pénale, ce droit qui s'exerce dans les conditions prévues par l'article 2 du Code de procédure pénale requiert, s'agissant d'une association, qu'elle remplisse les formalités exigées par l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901, auxquelles toute association, française ou étrangère, doit se soumettre pour obtenir la capacité d'ester en justice ; D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi. Com., 30 nov. 1999 Sommaire : L'irrégularité d'une procédure tenant à l'inexisten ce de la personne morale qui agit en justice ne peut être couverte. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel annule l'assignation délivrée par une société en formation qui n'a été i mmatriculée au registre du commerce et des sociétés que postérieurement à l'acte introductif d 'instance. Ne méconnaît pas les pouvoirs qui lui sont dévolus par l'article 562, alinéa 2, d u nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui ne statue pas sur le fond après avoir a nnulé l'acte introductif d'instance à raison d'un vice qui ne peut être couvert. Texte intégral :

Rejet.

30 novembre 1999

N° 97-14.595

Bulletin 1999 IV N° 218 p. 183

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 janvier 1997), que des pourparlers ayant eu lieu entre, d'une part, Mmes Z... et X... et M. Y... et, d'autre part, les sociétés Ugo et Soprec, concernant un local commercial que les premiers projetaient de prendre à bail dans le cadre d'une société Progressif, en formation, celle-ci, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 23 mars 1993 a, le 2 mars 1993, assigné les sociétés Ugo et Soprec en exécution du bail qu'elle soutenait avoir été conclu le 16 février 1993 ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu que la société Progressif reproche à l'arrêt d'avoir annulé cette assignation, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le défaut de capacité à agir d'une société en formation est régularisé lorsqu'elle reprend, après son immatriculation, l'action intentée en son nom ; qu'en énonçant que son immatriculation ne permettait pas de couvrir rétroactivement le défaut de personnalité morale de cette société qui n'était pas encore constituée au jour de l'assignation, sans nier le fait qu'elle ait repris l'action intentée en son nom, la cour d'appel a violé l'article 121 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 5, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, d'autre part, que le jugement avait constaté que " à défaut d'existence juridique de la société, il ressort des dispositions de l'article 5, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 et de l'article 1843 du Code civil que les actes passés pour le compte de la société en formation, peuvent être repris, ce qui a été fait par l'assemblée générale ordinaire du 10 mars 1993 des actionnaires " ; qu'en ne s'expliquant pas sur les motifs du jugement entrepris qu'elle s'est expressément appropriée dans ses conclusions signifiées le 8 mars 1995, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit, répondant par là même, en les écartant aux conclusions invoquées, que l'irrégularité d'une procédure tenant à l'inexistence de la personne morale qui agit en justice ne peut être couverte ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le second moyen : Attendu que la société Progressif reproche à l'arrêt d'avoir annulé le jugement entrepris et l'assignation délivrée en son nom, sans avoir statué sur le fond alors, selon le pourvoi, que dans le cas où il a été conclu au fond, fût-ce à titre subsidiaire, devant la cour d'appel, la dévolution s'opère pour le tout, même si l'appel tend à l'annulation du jugement ; que la société Soprec et la société Ugo avaient conclu sur le fond avant que la juridiction du second degré ne les invite à s'expliquer sur l'irrégularité de l'assignation délivrée ; qu'en se bornant à annuler le jugement entrepris sans statuer sur le fond, la cour d'appel qui se trouvait saisie de l'entier litige, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en violation de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que si la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, tel n'est pas le cas lorsque la cour d'appel prononce l'annulation de l'acte introductif d'instance à raison d'un vice qui ne peut être couvert ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Com., 26 octobre 1993

N° 91-16.575

Bulletin 1993 IV N° 352 p. 254

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Sur la validité du pourvoi n° 91-17.570 formé par la Commission des opérations de Bourse, et sur le pourvoi incident formé par M. A... sur ce pourvoi principal, après l'avertissement prévu par l'article

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1015 du nouveau Code de procédure civile : Vu l'article 117 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que le défaut de capacité d'ester en justice constitue une irrégularité de fond affectant la validité d'un acte ; Attendu que M. C..., ès qualités, conteste la qualité de la Commission des opérations de Bourse à se pourvoir en cassation ; Attendu que la Commission des opérations de Bourse n'a pas de personnalité juridique ; que, par ailleurs, aucun texte particulier ne l'autorise à se pourvoir en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Paris, statuant en application de l'article 12 de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 ; qu'elle-même étant ainsi dépourvue de capacité, le pourvoi qu'elle a formé est nul ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a lieu ni de lui donner acte de son désistement au profit de Mme D..., de M. D..., de Mme Z..., de Mme X..., de M. Y... et de Mlle B... ni de statuer sur le pourvoi incident formé par M. A... sur le pourvoi n° 91-17.570 ; Sur la connexité du pourvoi n° 91-16.575 formé par M. Gérard D... et par Mme Josiane D... et du pourvoi n°s 91-17.572 formé par l'agent judiciaire du Trésor : Attendu que ces deux pourvois attaquent le même arrêt ; qu'il y a donc lieu de les joindre ; Sur les désistements intervenus dans les pourvois n°s 91-16.575 et 91-17.572 : (sans intérêt) ; Sur le premier moyen du pourvoi n° 91-16.575 : Attendu que les consorts D... reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable leur recours en intervention, tendant à l'annulation de la décision de la COB et à l'indemnisation de leur préjudice, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'article 12 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, issu de la rédaction de la loi du 2 août 1989, la cour d'appel est compétente pour statuer sur certains recours contre les décisions de la COB ; qu'en ce cas, l'article 6 du décret du 23 mars 1990 écarte expressément l'application à ces recours du titre VI du livre II du nouveau Code de procédure civile ; que les textes sur l'intervention, notamment les articles 66, 329 et 554 du nouveau Code de procédure civile n'ayant pas été expressément écartés, la cour d'appel ne pouvait pas, sans violer ces textes et faire une fausse application des articles 6 et suivants du décret du 23 mars 1990, déclarer irrecevable leur intervention ; Mais attendu que l'article 6 du décret n° 90-263 du 23 mars 1990 dispose que les formes des recours contre les décisions de la COB sont régies par ce texte ; que son article 7 prévoit que, pour les personnes intéressées, autres que celles faisant l'objet de la décision, le délai de 10 jours court à compter de la publication de la décision ; qu'il résulte enfin de son article 8, que le recours est formé par une déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris, contre récépissé ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'arrêt décide que les consorts D..., qui n'ont respecté ni les formalités ni les délais prescrits par les articles 7 et 8 du décret du 23 mars 1990, doivent être déclarés irrecevables en leurs interventions ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi n° 91-16.575 : Attendu que les consorts D... reprochent encore à l'arrêt d'avoir décidé que la cour d'appel était incompétente pour statuer sur le contentieux de l'indemnisation, alors, selon le pourvoi, que le Conseil d'Etat s'étant déclaré incompétent en raison du transfert de compétence opéré par la loi du 2 août 1989 aux juridictions judiciaires, la cour d'appel ne pouvait pas, sans violer l'article 12 de l'ordonnance du 28 septembre 1967, qui concerne de façon générale les recours, se déclarer incompétente pour statuer sur le contentieux de l'indemnisation ; Mais attendu que la cour d'appel ayant à juste titre déclaré irrecevables les interventions des consorts D..., ceux-ci sont sans qualité pour critiquer la décision par laquelle la cour d'appel a sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation introduites par la CDA et par M. A... ; que le moyen ne peut être accueilli ;

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Sur le premier moyen du pourvoi n° 91-17.572 formé par l'agent judiciaire du Trésor et sur le pourvoi incident formé par M. A..., après l'avertissement prévu à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile : Attendu que l'agent judiciaire du Trésor reproche à l'arrêt d'avoir déclaré recevable le recours indemnitaire de M. A..., et que celui-ci fait grief à ce même arrêt d'avoir sursis à statuer sur les demandes d'indemnisation, jusqu'à la décision du Tribunal des Conflits ; Mais attendu que, par décision du 22 juin 1992, le Tribunal des Conflits a déclaré nul et non avenu l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 29 mai 1991, en tant qu'il concerne les demandes en indemnisation présentées par la CDA et par M. A... ; que les pourvois contre les dispositions de l'arrêt désormais dénuées d'effet sont, de ce fait, devenus sans objet ; Et sur le second moyen du pourvoi n° 91-17.572 : Attendu que l'agent judiciaire du Trésor fait enfin grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision prise par la COB, le 20 juillet 1984, à l'encontre de la CDA, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article 37 de la loi du 3 janvier 1983, le projet de document d'information et le projet de contrat sont déposés auprès de la COB qui exerce sa mission de contrôle dans les conditions fixées par l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 ; que cette ordonnance précise, dans son article 6, que toute société qui fait publiquement appel à l'épargne pour émettre des valeurs mobilières doit au préalable publier un document destiné à l'information du public, et, dans son article 7, que le projet de document mentionné à l'article précédent est soumis au visa préalable de la COB, qui indique les énonciations à modifier ou les informations complémentaires à insérer et peut également demander toutes explications ou justifications ; que ce même article 7 ajoute que si la société ne satisfait pas aux demandes de la Commission, celle-ci peut refuser son visa ; d'où il résulte qu'en décidant que la COB n'avait pas le pouvoir de subordonner la diffusion des documents destinés à l'information du public à l'octroi d'un visa, puis de retirer ce visa, faute pour la CDA de s'être conformée aux termes de l'avertissement en trouvant le moyen juridique adéquat de protection des souscripteurs souhaité par la Commission, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Mais attendu qu'en application de l'article 37, alinéa 3, de la loi du 3 janvier 1983, la COB disposait d'un délai pour formuler des observations sur les documents destinés à l'information du public, lesquels pouvaient être diffusés lorsqu'ils avaient été mis en conformité avec ces observations ou, à défaut de celles-ci, à l'expiration du délai ; que, si ce texte se réfère à la mission de contrôle exercée par la COB dans les conditions fixées par l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967, les articles 6 et 7 de celle-ci concernent les émissions de valeurs mobilières et non les propositions d'acquisition de droits sur des biens mobiliers ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'arrêt décide que les prérogatives limitées, ainsi dévolues à la COB par la loi du 3 janvier 1983, avant les modifications introduites par l'article 27 de la loi du 14 décembre 1985, ne lui donnaient pas le pouvoir de subordonner la diffusion des documents d'information à l'octroi de son visa, ni de mettre fin au démarchage concernant l'opération à laquelle ils se rapportaient et qu'en conséquence, la COB a excédé ses pouvoirs en interdisant à la CDA, par sa lettre du 20 juillet 1984, de conclure de nouveaux contrats avec les épargnants, en invoquant une " fin de validité du numéro d'enregistrement " abusivement assimilée à un retrait de visa ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : DECLARE NUL le pourvoi n° 91-17.570 formé par la Commission des opérations de Bourse ; REJETTE le pourvoi n° 91-16.575 ; REJETTE le pourvoi n° 91-17.572 en ce qu'il reproche à l'arrêt d'avoir annulé la décision prise par la Commission des opérations de Bourse, le 20 juillet 1984, à l'encontre de la société Compagnie diamantaire d'Anvers ; DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi n° 91-17.572 en ce qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable le recours en indemnisation de M. A... et sur le pourvoi incident formé par celui-ci.

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Ass. Plén. 29 juin 2001 Sommaire : Le principe de la légalité des délits et des peines , qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue pa r l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au c as de l'enfant à naître, dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embry on ou le foetus. (1).

Rejet

29 juin 2001

N° 99-85.973

Bulletin criminel 2001 N° 165 p. 546

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ASSEMBLEE PLENIERE. LA COUR, Sur les deux moyens réunis du procureur général près la cour d'appel de Metz et de Mme X... : Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui conduit par Mme X..., enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des suites du choc le foetus qu'elle portait ; que l'arrêt attaqué (Metz, 3 septembre 1998) a notamment condamné M. Z... du chef de blessures involontaires sur la personne de Mme X..., avec circonstance aggravante de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, mais l'a relaxé du chef d'atteinte involontaire à la vie de l'enfant à naître ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, l'article 221-6 du Code pénal réprimant le fait de causer la mort d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable, qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et alors que, d'autre part, le fait de provoquer involontairement la mort d'un enfant à naître constitue le délit d'homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n'aurait pas respiré lorsqu'il a été séparé de la mère, de sorte qu'auraient été violés les articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ; Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le foetus ; D'où il suit que l'arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le moyen ; Par ces motifs : REJETTE le pourvoi. MOYENS ANNEXES Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Metz. MOYEN DE CASSATION : Pris en violation de l'article 221-6 du code pénal, en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement déféré et renvoyé le prévenu des fins de la poursuite du chef d'homicide volontaire au motif " qu'il ne peut y avoir d'homicide qu'à l'égard d'un enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré ", alors

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que l'article 221-6 du code pénal réprimant le fait de causer la mort d'autrui, n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable, qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré, la Cour d'appel a ajouté une condition non prévue par la loi. Moyen produit par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils, pour Mme X... MOYEN UNIQUE DE CASSATION : Violation des articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; EN CE QUE l'arrêt attaqué a renvoyé M. Z... des fins de la poursuite du chef d'homicide involontaire ; AUX MOTIFS que suivant le rapport du docteur Hennequin, l'enfant a subi d'importantes lésions cérébrales incompatibles avec la vie chez un enfant prématuré ; qu'il y a une relation causale entre l'accident dont a été victime la mère et la mort de l'enfant dans les jours suivants ; que l'enfant est né prématurément viable mais n'a pas respiré du fait de l'absence d'air dans les poumons et l'estomac ; qu'il n'a pas vécu du fait des lésions cérébrales ; que sa mort est la conséquence de l'accident ; que cependant l'enfant mort-né n'est pas protégé pénalement au titre des infractions concernant les personnes ; qu'en effet pour qu'il y ait " personne ", il faut qu'il y ait un être vivant, c'est-à-dire venu au monde et non encore décédé ; qu'il ne peut y avoir homicide qu'à l'égard d'un enfant dont le coeur battait à la naissance et qui a respiré ; que la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le fait poursuivi du chef d'homicide involontaire ne constitue en fait aucune infraction à la loi pénale ; ALORS QUE le fait de provoquer involontairement la mort d'un enfant à naître constitue le délit d'homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n'aurait pas respiré lorsqu'il a été séparé de sa mère ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés. Crim. 2 déc. 2003 Sommaire : L'incrimination d'homicide involontaire s'applique au cas de l'enfant né vivant et décédé des suites de la maladresse, imprudence, inattention, n égligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement commis avant sa naissance. Justifie en conséquence sa décision la cour d'appel qui déclare coupable de ce délit le conducteur d'un véhicule automobile dont le défaut de maîtrise a causé les lésions vitales irréversibles subies in utero par le foetus au mome nt du choc et des suites desquelles l'enfant est décédé après sa naissance (1).

Rejet

2 décembre 2003

N° 03-82.344

Bulletin criminel 2003 N° 230 p. 931

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le deux décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

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Statuant sur le pourvoi formé par : - LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 8ème chambre, en date du 30 janvier 2003, qui, pour homicide involontaire, a confirmé le jugement condamnant Noëlle X... à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 5 000 francs d'amende, 18 mois de suspension du permis de conduire et qui a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ; Sur le moyen unique de cassation du procureur général pris de la violation de l'article 221-6 du Code pénal, violation de la loi ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 5 octobre 1998, Pascale Y..., enceinte de huit mois, a été grièvement blessée dans un accident de la circulation impliquant Noëlle X... ; qu'après une césarienne, elle a, le même jour à 16 heures 39, donné naissance à un garçon prénommé Yoan, qui est décédé à 17 heures 39 ; Attendu que, pour déclarer Noëlle X... coupable d'homicide involontaire sur la personne de Yoan Y..., l'arrêt attaqué retient qu'elle a, par un défaut de maîtrise de son véhicule, causé la mort de l'enfant qui a vécu une heure après sa naissance et qui est décédé des suites des lésions vitales irréversibles subies au moment du choc ; Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Farge conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Agostini conseiller rapporteur, MM. Blondet, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mmes Beaudonnet, Gailly conseillers référendaires ; Avocat général : Mme Commaret ; Greffier de chambre : Mme Daudé ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ; Civ. 3 ème, 12 juin 2003 Sommaire : La clause d'un bail commercial faisant obligation a u preneur d'adhérer à une association de commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d'une nullité absolue.

Cassation.

12 juin 2003

N° 02-10.778

Bulletin 2003 III N° 125 p. 112

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le premier moyen : Vu l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, et l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901 ; Attendu que toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ; que l'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui, et que le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat ; Attendu que tout membre d'une association qui n'est pas formée pour un temps déterminé peut s'en retirer en tout temps, après payement des cotisations échues et de l'année courante, nonobstant toute clause contraire ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 octobre 2001), que la société Arlatex, preneuse à bail d'un local situé dans un centre commercial, a assigné son bailleur, la société Les Marguerites, en restitution des cotisations qu'elle avait versées au titre de son adhésion à l'association des commerçants du centre en arguant de la nullité de l'article 16 du bail qui oblige le preneur à adhérer à cette association et à maintenir son adhésion pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements successifs ; Attendu que pour débouter la société Arlatex de sa demande, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que le locataire ne peut se soustraire à une obligation conventionnellement acceptée par la signature du bail, cet engagement libre rendant inopérant le moyen tiré de nullité de la clause litigieuse et qu'il n'apparaît pas que le preneur ait de quelque façon été contraint d'adhérer à l'association des commerçants et qu'il n'a depuis cette adhésion jamais sollicité de s'en retirer ; Qu'en statuant ainsi, alors que la clause d'un bail commercial faisant obligation au preneur d'adhérer à une association des commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d'une nullité absolue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ; Condamne la société Les Marguerites aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Les Marguerites à payer à l'EURL Arlatex la somme de 1 900 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille trois.

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 8 : L’application de la loi dans le temps

G. DANJAUME

- Civ. 20 févr. 1917, D.P. 1917, 1, 81. - Ass. Plén., 23 janv. 2004, D. 2004, 1, 1108. - Ass. Plén., 24 janvier 2003, D. 2003, 1648. - Civ., 2ème, 6 avril 2004, Bull. civ. II, n° 152. - Civ. 1ère, 21 févr. 2006, Bull. civ. I, n° 94. - Civ. 1ère, 12 déc. 2006, Bull. civ. I, n° 548. - Civ. 1ère, 20 oct 2010, Bull. civ. I, n°205. - Com., 3 mai 2012, Bull. civ. IV, n° 88. - Civ. 1ère, 29 oct. 2014 Bull. 2014, I, n° 178

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Exercices

1/ Question de cours

Jean se présente au partiel d’introduction au droit et se résigne à traiter le sujet de dissertation suivant : « Les règles de résolution d’un conflit de loi dans le temps ». A l’issue de l’examen, catastrophé par son travail, il vous demande de lui présenter le sujet par une introduction entièrement rédigée et de lui dire ensuite pour quel plan judicieux vous auriez opté (vous lui répondez selon le plan classique : I / A/ B/ - II/ A/ B/ ).

2 / Question de réflexion

Pourquoi dans le cadre des conventions, fait-on exception à l’application immédiate de la loi nouvelle ?

3 / Cas pratique Nous sommes fin juin 1974, Sylvain a 19 ans et vient d’obtenir le Baccalauréat à l’Académie de Poitiers. Une loi va être publiée au Journal officiel le 5 juillet 1974 qui abaissera l’âge de la majorité de 21 ans à 18 ans. Sylvain apprend cette bonne nouvelle et veut fêter à la fois sa majorité imminente et son obtention du bac. A cet effet, il décide de s’acheter une voiture à crédit. En l’occurrence, il s’agit selon lui d’une superbe occasion qui ne se représentera pas. Il signe donc un contrat de vente à crédit le 1er juillet 1974. Cependant, il sait que les mineurs n’ont pas la capacité juridique de signer un contrat, et il est un peu inquiet de son empressement. Sylvain vient donc vous consulter en tant qu’ami étudiant en 1ère année en Droit. - Sylvain sera-t-il effectivement concerné par cette loi abaissant l’âge de la majorité ? - A quelle date précise sera-t-il majeur selon vous ? - Son contrat d’achat à crédit est-il juridiquement validé grâce à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi abaissant l’âge de la majorité ? Fournissez-lui des réponses motivées.

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Cour de cassation 20 février 1917 Publication :Bulletin ARRETS Cour de Cassation Chambre civile N. 11 p. 21 Sommaire : L'article 340 du Code civil, en conférant éventuell ement au père naturel la faculté d'opposer une fin de non-recevoir à l'action en déclaration d e paternité qui serait intentée contre lui, ne lui avait pas fait acquérir, pour toujours, le droi t de se soustraire à la constatation du lien l'unissant à son enfant et à l'exécution des obliga tions naturelles en dérivant. En conséquence, la loi du 16 novembre 1912, modificati ve de l'article 340, en privant le père de la faculté dont il s'agit, lui a enlevé une simple exp ectative. Elle s'applique donc même aux enfants nés avant sa promulgation. Cette applicatio n n'est contraire ni aux règles de la preuve, ni aux droits des héritiers légitimes du père natur el sur la succession de ce dernier.

CASSATION

20 février 1917

Bulletin ARRETS Cour de CassationChambre civile N. 11 p. 21 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS CASSATION, sur le pourvoi de la dame veuve A..., d'un arrêt rendu, le 31 mai 1915, par la Cour d'appel de Montpellier, au profit du sieur Y.... ARRET. Du 20 Février 1917. LA COUR, Ouï, en l'audience publique du 19 février 1917 et en celle de ce jour, M. le conseiller Rau, en son rapport, Maître Z..., substituant Maître X... et Maître Le Marois, avocats des parties, en leurs observations respectives, ainsi que Maître Sarrut procureur général en ses conclusions, et après en avoir délibéré en la chambre du Conseil, Sur le moyen unique de cassation : Vu l'article 2 du Code civil ; Attendu que toute loi nouvelle régit, en principe, même les situations établies ou les rapports juridiques formés dès avant sa promulgation ; Qu'il n'est fait échec à ce principe par la règle de la non-rétroactivité des lois formulée dans l'article 2 du Code civil qu'autant que l'application de la loi nouvelle porterait atteinte à des droits acquis sous l'empire de la législation antérieure ; Attendu que l'article 340 du Code civil prohibant, sauf dans un cas particulier, la recherche de la paternité conférait éventuellement au père naturel la faculté d'opposer une fin de non-recevoir à l'action en déclaration de paternité qui serait intentée contre lui ; Mais que ce texte ne lui faisait pas acquérir, pour toujours, le droit de se soustraire à la constatation du lien l'unissant à son enfant, et à l'exécution des obligations naturelles en dérivant ; Attendu, dès lors, que la loi du 16 novembre 1912 n'ayant, par la suppression de la faculté résultant de l'ancien article 340, enlevé au père naturel qu'une simple expectative, doit conformément au principe susénoncé, être appliquée même aux enfants nés avant sa promulgation ; Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la dame A..., se fondant sur les dispositions du nouvel article 340 du Code civil, a, dans le délai prévu par ce texte, formé au nom de son fils mineur contre le sieur Y... une action en déclaration de paternité ; Attendu que, sans examiner au fond cette demande, la Cour de Montpellier l'a déclarée irrecevable par le motif que l'enfant qui en faisait l'objet était né antérieurement à la promulgation de la loi de 1912 ; Mais attendu que cette circonstance, ainsi qu'il vient d'être établi, était inopérante pour faire écarter l'application à la cause de la loi actuellement en vigueur ; Attendu que l'arrêt attaqué objecte, en outre, que la possibilité pour les enfants dont il s'agit d'invoquer les dispositions de la loi nouvelle serait contraire à la règle de la non-rétroactivité des lois à un double

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point de vue : 1° En ce qu'elle permettrait à ces enfants d'établir leur filiation par des actes de preuve irrecevables sous l'ancienne législation ; 2° En ce qu'elle aurait pour conséquence, en dehors de l'hypothèse prévue par l'article 337 du Code civil, de léser les droits acquis des héritiers légitimes du père naturel, dans le cas où l'action en déclaration de paternité serait introduite après le décès de ce dernier ; Mais attendu, sur le premier point, que si pour établir l'existence ou l'extinction d'un droit né sous l'empire d'une ancienne législation il n'est permis, en général, de recourir qu'aux modes de preuve admis par celle-ci, une semblable règle est étrangère à l'espèce, dans laquelle le père naturel ne pouvait pas se prévaloir d'un droit à l'encontre de l'enfant ; Attendu, sur le second point, que le fait par certains héritiers d'avoir appréhendé une succession ne suffit pas pour leur conférer un droit acquis vis-à-vis d'autres héritiers, dont l'existence serait ultérieurement établie ; Que, dès lors, l'enfant naturel qui, après le décès du père, invoquerait contre les héritiers de ce dernier le nouvel article 340, pour obtenir sa part dans l'hérédité, ne saurait être considéré comme lésant un droit acquis, Et qu'il importe peu que le décès du père ait eu lieu avant la promulgation de la loi de 1912, celle-ci n'ayant apporté aucune modification au régime successoral antérieur ; D'où il suit, qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt attaqué a faussement appliqué l'article 2 du Code civil, et violé l'article 340 nouveau du même Code ; Par ces motifs, CASSE, Recueil Dalloz 2004 p. 1108 Révision des loyers commerciaux : la loi MURCEF ne s'applique pas aux instances en cours ! Arrêt rendu par Cour de cassation, ass. plén. 23 janvier 2004 n° 03-13.617 (n° 507 P) Sommaire : Si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'art. 6 Conv. EDH, s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; cette règle générale s'applique quelle que soit la qualification formelle donnée à la loi et même lorsque l'Etat n'est pas partie au procès ; Il ne résulte ni des termes de la loi [art. 26 de la loi MURCEF n° 2001-1168 du 11 déc. 2001] ni des travaux parlementaires que le législateur ait entendu répondre à un impérieux motif d'intérêt général pour corriger l'interprétation juridictionnelle de l'art. L. 145-38 c. com. et donner à cette loi nouvelle une portée rétroactive dans le but d'influer sur le dénouement des litiges en cours ; dès lors, une cour d'appel, peu important qu'elle ait qualifié la loi nouvelle d'interprétative, décide à bon droit d'en écarter l'application(1). Texte intégral : LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 février 2003), que par acte du 11 janvier 1991, la SCI Le Bas Noyer a donné à bail à la société Castorama des locaux à usage commercial, pour une durée de douze années moyennant un loyer annuel de 6 424 663 francs, porté par le jeu des indexations, à 7 255 613 francs au ler juillet 2000 ; que la société Castorama, lors d'une révision triennale, a saisi le juge des loyers afin de voir fixer le loyer à la valeur locative, qu'en cours d'instance, est intervenue la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 qui a modifié les articles L. 145-33 et L. 145-38, alinéa 3, du code de commerce ; que la société Castorama a soutenu que, conformément à l'interprétation jurisprudentielle antérieure à cette loi, sa demande de révision était recevable, même en l'absence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, dès lors que le loyer était supérieur à cette valeur ; Attendu que la SCI Le Bas Noyer fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la loi du 11 décembre 2001

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n'était pas applicable par le motif que, bien que la loi soit interprétative, son application immédiate heurterait le principe d'équité sans que des motifs impérieux d'intérêt général le justifient, d'avoir fait application des articles L. 145-33 et L. 145-38, alinéa 3, du code de commerce dans leur rédaction antérieure à cette loi, et jugé que le loyer révisé ne pouvait excéder la valeur locative, alors, selon le moyen : 1°/ que l'édiction d'une loi interprétative, qui se borne à reconnaître, sans rien innover, un droit préexistant qu'une définition a rendu susceptible de controverses, ne saurait constituer une ingérence du législateur dans l'administration de la justice contraire au principe de prééminence du droit et à la notion de procès équitable ; que la sécurité juridique ne peut en effet fonder un droit acquis à une jurisprudence figée ni à l'interprétation figée d'une loi ; que la cour d'appel a pourtant écarté l'application de la disposition interprétative issue de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 en date du 11 décembre 2001, qui, selon elle, heurterait le principe d'équité indispensable au bon déroulement des procès, créerait une discrimination entre les plaideurs, priverait, en dehors de tout revirement, un des plaideurs d'une victoire qui ne faisait aucun doute, et mettrait à mal le principe de sécurité juridique ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 2 du code civil, par fausse application, et l'article L. 145-38, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, texte interprétatif, par refus d'application ; 2°/ que, si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable, consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges, dans lequel l'Etat est partie ; qu'en décidant, pour statuer sur l'application des dispositions interprétatives issues de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, que la restriction apportée par la Cour européenne à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice n'est pas limitée aux cas où l'Etat ou toute autre personne de droit public serait partie au litige, mais a vocation à s'appliquer à l'ensemble des procédures, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 2 du code civil, par fausse application, et l'article L. 145-38, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, texte interprétatif, par refus d'application ; 3°/ qu'obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée, par l'adoption de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 en date du 11 décembre 2001, à mettre fin à une controverse juridique de nature à nuire à la sécurité juridique des baux commerciaux et à perturber gravement le marché immobilier ; que, pour refuser d'appliquer les dispositions interprétatives issues de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 en date du 11 décembre 2001, la cour d'appel a pourtant considéré que l'atteinte portée par la loi au principe d'équité indispensable au bon déroulement des procès n'était pas justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général, la loi du 11 décembre 2001, votée à l'instigation des bailleurs et n'ayant d'autre objet que de mettre fin à une jurisprudence qui leur déplaisait, ne répondant à aucun motif d'intérêt général ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 2 du code civil, par fausse application, et l'article L. 145-38, alinéa 3, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 du, 11 décembre 2001, texte interprétatif, par refus d'application ; 4°/ que, si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable, consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; que, pour refuser d'appliquer des dispositions interprétatives issues de l'article 26 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, la cour d'appel a considéré que l'atteinte portée par la loi au principe d'équité indispensable au bon déroulement des procès n'était pas justifiée par des motifs impérieux d'intérêt général, la loi du 11 décembre 2001, votée à l'instigation des bailleurs et n'ayant d'autre objet que de mettre fin à une jurisprudence qui leur déplaisait, ne répondant à aucun motif d'intérêt général ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence d'impérieux motifs d'intérêt général, la cour d'appel a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 2 du code civil ; Mais attendu que si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans

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l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; que cette règle générale s'applique quelle que soit la qualification formelle donnée à la loi et même lorsque l'Etat n'est pas partie au procès ; Attendu qu'il ne résulte ni des termes de la loi ni des travaux parlementaires que le législateur ait entendu répondre à un impérieux motif d'intérêt général pour corriger l'interprétation juridictionnelle de l'article L. 145-38 du code de commerce et donner à cette loi nouvelle une portée rétroactive dans le but d'influer sur le dénouement des litiges en cours ; que dès lors, la cour d'appel, peu important qu'elle ait qualifié la loi nouvelle d'interprétative, a décidé à bon droit d'en écarter l'application ; que par ces motifs substitués à ceux de la décision attaquée, l'arrêt se trouve justifié ; Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne la SCI Le Bas Noyer aux dépens ; vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette sa demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siégeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille quatre. Recueil Dalloz 2003 p. 1648 La pérennité du service public justifie la validati on législative Arrêt rendu par Cour de cassation, ass. plén. 24 janvier 2003 n° 01-41.757 (n° 497 P) Sommaire : Si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'art. 6 Conv. EDH s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; Obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées(1). Texte intégral : LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 1er février 2001), que l'association Promotion des handicapés dans le Loiret (APHL), au sein de laquelle s'applique la Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, gère deux foyers qui accueillent des adultes handicapés ; que Mme Anger et quatre autres salariées de cette association, employées en qualité d'éducatrices, assurent une permanence de nuit dans une chambre dite de "veille" mise à leur disposition dans chaque établissement pour leur permettre de répondre aux sollicitations des pensionnaires et à tout incident ; que ces heures de surveillance nocturne leur sont payées conformément à l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective prévoyant que les neuf premières heures sont assimilées à trois heures de travail éducatif et qu'entre neuf heures et douze heures, chaque heure est assimilée à une demi-heure de travail éducatif ; que les salariées, après avoir saisi, le 3 août 1998, la juridiction prud'homale en réclamant des rappels de salaire, les indemnités de congés payés afférentes et des dommages-intérêts, se sont prévalues, en cause d'appel, d'une jurisprudence nouvelle de la Cour de Cassation qui a décidé que les heures de surveillance nocturne constituaient un temps de travail effectif et ne pouvaient être rémunérées selon le régime d'équivalence institué par la convention collective applicable ; Attendu que les salariées font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :

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1°/ que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable, résultant de l'article 6, paragr. 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'oppose, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige ; qu'il était acquis aux débats que l'association était chargée d'une mission de service public et placée sous le contrôle d'une autorité publique qui en assure le financement par le paiement d'un prix de journée, que le procès l'opposant au salarié était en cours lors de l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et que ce texte, dont il n'est pas établi qu'un impérieux motif d'intérêt général le justifiait, remettait en cause, au profit de l'association, une jurisprudence favorable au salarié en matière d'heures d'équivalence ; qu'au vu de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser, ainsi qu'il lui était demandé, d'écarter l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 pour juger le litige dont elle était saisie ; 2°/ qu'il résulte des articles L. 212-2 et L. 212-4 du code du travail, dans leur rédaction alors en vigueur, qu'un horaire d'équivalence peut être institué soit par un décret, soit par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel étendu, soit par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement soumis aux dispositions de l'article L. 132-26 du Code du travail ; qu'une convention collective agréée ne remplit pas ces conditions ; qu'en se fondant, par suite, sur l'institution d'un temps d'équivalence par la seule Convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ; 3°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les salariées intéressées effectuaient des heures de présence de nuit dans une chambre spécialement mise à leur disposition dans l'enceinte du foyer afin d'être en mesure de répondre à tout moment, en cas de besoin, aux sollicitations des personnes handicapées, et que, s'il y avait des temps d'inaction entre les interventions, ils devaient être considérés par ailleurs comme des temps de travail effectif ; qu'il s'en déduisait nécessairement qu'il s'agissait d'un temps pendant lequel les salariées étaient tenues de rester en permanence à la disposition de l'employeur pour les besoins de l'entreprise, de sorte que ces heures de garde de nuit constituaient un temps de travail effectif qui devait être rémunéré comme tel ; que de ce chef, la cour d'appel a encore violé l'article L. 212-4 du code du travail ; Mais attendu que si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; Et attendu qu'obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées ; que dès lors, la cour d'appel, en faisant application de l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 au présent litige, a légalement justifié sa décision ; Par ces motifs, rejette le pourvoi ; condamne Mmes Anger, Arnolin, Devin-Couthier et Paquin aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mmes Anger, Arnolin, Devin-Couthier et Paquin ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille trois. Demandeur : Anger (Mme) Défendeur : Promotion des handicapés dans le Loiret (Assoc.) Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans ch. soc. 1 février 2001 (Rejet)

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Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du mardi 6 avril 2004 N° de pourvoi: 02-30698 Publié au bulletin Rejet Président : M. Ancel., président Rapporteur : Mme Guihal-Fossier., conseiller rapporteur Avocat général : M. Volff., avocat général Avocats : la SCP Bachellier et Potier de la Varde, la SCP Vincent et Ohl., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu que l'arrêté ministériel du 16 mars 1978, qui fixait à Z 90 la cotation provisoire des actes de scanographie, a été abrogé par un arrêté du 11 juillet 1991 et qu'une circulaire ministérielle du même jour a fixé à Z 19 la nouvelle cotation provisoire ; que les deux actes administratifs du 11 juillet 1991 ont été annulés par deux arrêts rendus par le Conseil d'Etat le 4 mars 1996, le premier, en raison de l'incompétence de son auteur et le second, au motif que la banalisation des actes de scanographie n'autorisait plus à leur égard le recours à la cotation provisoire ; que l'article 27 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 a validé les actes pris sur le fondement de l'arrêté et de la circulaire du 11 juillet 1991, ainsi que sur le fondement des arrêtés des 1er février 1993, 14 février 1994, 22 février 1995 et 9 avril 1996 qui avaient renouvelé, chaque année, la cotation provisoire à Z 19, en tant que la légalité de ces règlements serait contestée pour un motif tiré de l'incompétence de leur auteur ; Attendu que la société civile de moyens Scanner de l'ouest lyonnais (la SCM) a demandé, pour des actes de scanographie pratiqués entre le 23 septembre 1991 et le 28 février 1997, l'application de la cotation Z 90 et le paiement de la différence avec les sommes qui lui avaient été réglées par la Caisse de mutualité sociale agricole de l'Isère sur le fondement de la cotation Z 19 ; que la décision de rejet de la commission de recours amiable a été déférée au tribunal des affaires de sécurité sociale par lettre recommandée du 2 mars 1998 ; que par un jugement du 27 avril 1999, le tribunal a dit que la question préjudicielle de la légalité des arrêtés ministériels fixant la cotation provisoire des actes de scanographie postérieurement à 1991 devait être soumise au Conseil d'Etat ; que ces arrêtés ont été déclarés illégaux par un arrêt du 20 novembre 2000 ; que par un jugement du 18 décembre 2001, le tribunal des affaires de sécurité sociale a décidé que l'abrogation de la cotation Z 90 ayant été validée par l'article 27 de la loi du 19 décembre 1997, les demandes de la SCM étaient mal fondées ; Sur le premier moyen : Attendu qu'il est fait grief au jugement du 18 décembre 2001 d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, qu'il ressortait des motifs du jugement du 27 avril 1999, qui a déclaré écarter l'application de l'article 27 de la loi de validation du 19 décembre 1997 comme contraire aux exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et retenu que la cotation Z 90 devait s'appliquer aux actes effectués jusqu'au 1er février 1993, date d'entrée en vigueur du premier arrêté ministériel non annulé qui ait fixé une cotation inférieure, qu'en renvoyant au Conseil d'Etat, dans son dispositif, l'appréciation de la légalité des arrêtés ministériels dont la loi du 19 décembre 1997 avait pourtant eu pour objet de valider les effets, le tribunal avait implicitement mais nécessairement jugé que ce texte législatif devait rester sans application en l'espèce ; qu'en décidant

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que la chose jugée par ce jugement portait seulement sur le renvoi d'une question préjudicielle au Conseil d'Etat, le tribunal a violé l'article 480 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et a été tranché dans son dispositif ; que le jugement du 27 avril 1999 ayant seulement, dans son dispositif, posé une question préjudicielle et réservé les demandes des parties, ses motifs relatifs à la non-conformité de la loi de validation à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme étaient dépourvus de l'autorité de la chose jugée ; D'où il suit que le moyen est mal fondé ; Sur le second moyen : Attendu que la SCM fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré que les vices affectant les actes pris sur le fondement de l'arrêté annulé du 11 juillet 1991 avaient été purgés par l'intervention de la loi du 19 décembre 1997, alors, selon le moyen, que le tribunal avait antérieurement constaté que le pouvoir législatif s'était ingéré dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement du litige, ce dont il ressortait que les actions en remboursement avaient été engagées à la date de la loi, de sorte que le tribunal, en s'abstenant de préciser à quelle date la SCM avait saisi de son recours en remboursement la commission de recours amiable dont l'intervention constitue, suivant l'article R.142-1 du Code de la sécurité sociale, le préalable à toute action portée devant les juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, n'avait pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; Mais attendu que si l'exigence de prééminence du droit ainsi que la notion de procès équitable s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire des litiges, ces principes ne s'appliquent qu'aux instances judiciaires pendantes et non aux recours gracieux introduits devant une commission dépourvue de tout caractère juridictionnel, de sorte que le tribunal, qui n'était pas tenu de se livrer à une recherche inopérante, a légalement justifié sa décision en faisant ressortir que sa saisine était postérieure à l'adoption de la loi de validation ; Que le moyen ne peut être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la SCM Scanner de l'ouest lyonnais aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer à la Caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) de l'Isère la somme de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille quatre. Publication : Bulletin 2004 II N° 152 p. 127 Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, du 18 décembre 2001

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 21 février 2006 N° de pourvoi: 03-11917 Publié au bulletin Cassation partielle. M. Ancel., président Mme Duval-Arnould., conseiller rapporteur M. Cavarroc., avocat général SCP Bachellier et Potier de la Varde, Me Le Prado, SCP Richard., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu que Mme X... est accouchée le 1er juin 1997 d'un enfant atteint d'un syndrome polymalformatif ; que les époux X... ont recherché la responsabilité de Mme Y..., médecin gynécologue ayant suivi la grossesse jusqu'au mois de mars 1997 et de M. Z..., médecin, ayant à sa demande réalisé, le 25 février 1997, une échographie foetale ; que l'arrêt attaqué a retenu la responsabilité de Mme Y..., débouté les époux X... de leurs demandes dirigées contre M. Z... et de leurs demandes relatives à l'indemnisation de leurs préjudices professionnels et condamné Mme Y... à réparer leurs préjudices moraux ; Sur le premier moyen, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe : Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé, d'une part, que le compte-rendu de l'échographie pratiquée par M. Z... indiquait très explicitement que l'examen avait été difficile, que des structures foetales n'avaient pu être observées : face, artère pulmonaire, extrémités et que ces structures étaient "à revoir" et que les raisons de ces difficultés tenaient à la surcharge pondérale de Mme X... et à une mauvaise position du foetus et, d'autre part, qu'il était établi par un courrier émanant de Mme Y... qu'elle avait parfaitement conscience des insuffisances de cet examen et de la nécessité de revoir les zones non visualisées ; qu'elle a pu en déduire que M. Z... n'avait pas commis de faute ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le second moyen, pris en ses deux branches, après l'avertissement prévu à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile : Vu l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 1er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, devenu l'article L. 114-5 du Code de l'action sociale et des familles, ensemble les articles 1165 et 1382 du Code civil ; Attendu que pour débouter les époux X... de leurs demandes au titre de leurs préjudices professionnels, la cour d'appel a relevé qu'ils réclamaient à titre personnel l'indemnisation de leurs préjudices matériels résultant de la dégradation de leurs vies professionnelles du fait du lourd handicap de l'enfant, qu'ils avaient relié ces préjudices non à des conséquences personnelles psychiques dues au handicap de ce dernier mais aux conséquences des sujétions spéciales imposées par son état et qu'ainsi formulés ces préjudices étaient directement liés aux charges

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particulières découlant du handicap et ainsi exclus par la loi du 4 mars 2002 du champ de l'indemnisation, seuls les préjudices moraux des parents, privés du choix de poursuivre ou d'interrompre cette grossesse en raison de la déficience du suivi de la grossesse et du défaut d'information, pouvant être indemnisés ; Attendu, cependant, que dès lors que la faute commise par Mme Y... dans l'exécution du contrat formé avec Mme X... avait empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse pour motif thérapeutique afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap et qu'il n'était pas contesté que les conditions médicales d'une telle interruption étaient réunies, les parents pouvaient, avant l'entrée en vigueur de la loi susvisée, demander la réparation des charges particulières découlant du handicap de l'enfant tout au long de la vie, causées par la faute retenue ; Attendu que l'article 1er-I de ladite loi, déclaré applicable aux instances en cours, énonce que "nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance, que lorsque la responsabilité d'un professionnel de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice, que ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap et que la compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale" ; Attendu, toutefois, que si une personne peut être privée d'un droit de créance en réparation d'une action en responsabilité, c'est à la condition, selon l'article 1er du protocole n° 1, à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que l'article 1er I, en prohibant l'action de l'enfant et en excluant du préjudice des parents les charges particulières découlant du handicap tout au long de la vie, a institué un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale quand les époux X... pouvaient, en l'état de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur préjudice inclurait les charges particulières découlant tout au long de la vie de l'enfant, du handicap ; d'où il suit, ladite loi n'étant pas applicable au présent litige, que la cassation est encourue ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux X... de leurs demandes relatives à l'indemnisation de leurs préjudices professionnels, l'arrêt rendu le 19 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ; Condamne Mme A... B... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille six.

Publication : Bulletin 2006 I N° 94 p. 88

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Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 19 septembre 2002 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 12 décembre 2006 N° de pourvoi: 05-20782 Publié au bulletin Cassation. Président : M. Ancel., président Rapporteur : M. Falcone., conseiller rapporteur Avocat : SCP Monod et Colin., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le moyen unique : Vu le principe d'entrée en vigueur immédiate des décisions administratives ; Attendu que la commune de Limousis a demandé que la SCI Soneddy soit condamnée à réaliser des travaux de mise en conformité de son réseau d'eaux pluviales par application de l'article 11 de l'arrêté du 21 juin 1996 qui interdit le raccordement des réseaux d'eaux pluviales au réseau des eaux usées ; Attendu que, pour débouter la commune de Limousis de sa demande, l'arrêt énonce que l'article 28 de l'arrêté énumère de manière limitative les articles applicables aux installations existantes et en exclut nécessairement a contrario les autres et notamment l'article 11 ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 28 ne contient que des dispositions transitoires et n'a pas pour objet de définir les installations concernées par l'arrêté, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le principe susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ; Condamne la société Soneddy aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Soneddy à payer à la commune de Limousis la somme de 2000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille six. Publication : Bulletin 2006 I N° 548 p. 488 Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, du 13 septembre 2005

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mercredi 20 octobre 2010 N° de pourvoi: 09-66133 Publié au bulletin Cassation M. Charruault, président Mme Chardonnet, conseiller rapporteur Mme Falletti, avocat général SCP Piwnica et Molinié, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué, statuant en matière d'assistance éducative, d'avoir, à la requête de la caisse d'allocations familiales de Béarn et Soule, ordonné une mesure d'aide à la gestion du budget familial et désigné en qualité de délégué aux prestations familiales versées pour leurs deux enfants, l'UDAF de Pau jusqu'au 5 mai 2008 puis à compter de cette date l'Association départementale de gestion des services d'intérêts familiaux, alors, selon le moyen, que l'entrée en vigueur de la loi dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; qu'en désignant, le 30 avril 2008, un délégué aux prestations familiales versées aux époux X... sur le fondement des dispositions de l'article 375-9 -1 du code civil tandis que ces dispositions ne pouvaient pas recevoir application avant le 1er janvier 2009, date à laquelle est entré en vigueur le décret d'application auquel elles renvoient, la cour d'appel a violé l'article 1er du code civil ; Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 20 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, 31-III et 45-1 de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 que la nouvelle mesure d'aide à la gestion du budget familial instituée par l'article 375-9-1 du code civil est immédiatement applicable mais demeure régie, jusqu'au 1er janvier 2009, par les règles fixées par les articles L. 167-4 , L. 167.5 et R. 167-1 à R. 167-31 du code de la sécurité sociale ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur la troisième branche du moyen : Vu l'article 375-9-1 du code civil ; Attendu que la mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial ne peut être ordonnée qu'à la double condition que les prestations familiales ne soient pas employées pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et que l'accompagnement en économie sociale et familiale prévu à l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles n'apparaisse pas suffisant ; Attendu que pour désigner un délégué aux prestations familiales, l'arrêt retient que les conditions dans lesquelles sont élevés les enfants, qui vivent au sein d'une communauté, ne leur permettent pas de s'épanouir, qu'ils ne reçoivent pas une nourriture variée nécessaire à leur bon développement et que ces manquements démontrent que les prestations familiales perçues par les époux X... ne sont pas utilisées pour la santé et l'éducation de leurs enfants ; Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale prévue à l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles n'apparaissait pas suffisante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé;

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PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la caisse d'allocations familiales de Béarn et Soule aux dépens ; Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour les époux X... Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait droit à la demande de la Caisse d'allocations familiales de Béarn et Soule tendant à la désignation d'un délégué aux prestations familiales versées aux époux X... pour leurs enfants ; AUX MOTIFS QU' aux termes des dispositions de l'article 375-9-1 du code civil, lorsque les prestations familiales ne sont pas employées pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et que l'accompagnement en économie sociale et familiale prévu à l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles n'apparaît pas suffisant, le juge des enfants peut ordonner qu'elles soient en tout ou en partie versées à une personne physique ou morale qualifiée dite délégué aux prestations familiales ; qu'il convient donc de rechercher si les sommes versées aux époux X... sont employées aux besoins essentiels des enfants ; que les témoignages produits au dossier établissent que les conditions dans lesquelles sont élevés les enfants, au sein de la communauté à laquelle appartiennent les époux X..., ne permettent pas à leur personnalité de se développer et de s'épanouir ; qu'il ressort également de ces attestations que les enfants ne reçoivent pas une nourriture variée nécessaire à leur bon développement ; qu'en conséquence il y a lieu de considérer que les prestations familiales perçues par les époux X... ne sont pas utilisées pour les besoins liés à la santé et à l'éducation de Kâmara et Talitha ; que dès lors, réformant la décision entreprise, il y a lieu de désigner un délégué aux prestations familiales en la personne des services de l'UDAF de Pau ; 1°) ALORS QUE l'entrée en vigueur de la loi dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; qu'en désignant, le 30 avril 2008, un délégué aux prestations familiales versées aux époux X... sur le fondement des dispositions de l'article 375-9-1 du code civil, tandis que ces dispositions ne pouvaient pas recevoir application avant le 1er janvier 2009, date à laquelle est entré en vigueur le décret d'application auquel elles renvoient, la cour d'appel a violé l'article 1er du code civil ; 2°) ALORS QUE, subsidiairement , en vertu de l'article 375-9-1 du code civil, un délégué aux prestations familiales ne peut être désigné qu'à la double condition que les prestations ne soient pas employées pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et que l'accompagnement en économie sociale et familiale prévu à l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles n'apparaisse pas suffisant ; qu'en retenant, pour considérer que les prestations familiales versées aux époux X... n'étaient pas utilisées pour les besoins liés à la santé et à l'éducation de leurs enfants, que les conditions dans lesquelles sont élevés les enfants de la communauté à laquelle appartiennent les époux X... ne permettaient pas à leur personnalité de se développer et de s'épanouir et que les enfants ne recevaient pas une nourriture variée nécessaire à leur bon développement, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'utilisation des prestations familiales à des fins étrangères au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 375-9-1 du code civil ;

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3°) ALORS QUE, subsidiairement , en vertu de l'article 375-9-1 du code civil, un délégué aux prestations familiales ne peut être désigné qu'à la double condition que les prestations ne soient pas employées pour les besoins liés au logement, à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et que l'accompagnement en économie sociale et familiale prévu à l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles n'apparaisse pas suffisant ; qu'en se bornant à considérer, pour faire droit à la demande de la Caisse d'allocations familiales de Béarn et Soule, que les prestations familiales perçues par les époux X... n'étaient pas utilisées pour les besoins liés à la santé et à l'éducation de leurs enfants, sans rechercher si l'accompagnement en économie sociale et familiale prévu à l'article L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles apparaissait insuffisant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 375-9-1 du code civil.

Publication : Bulletin 2010, I, n° 205 Décision attaquée : Cour d'appel de Pau du 30 avril 2008 Com., 3 mai 2012, Bull. civ. IV, n° 88 REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 septembre 2009, pourvoi n° 08-18.013), que M. X... a, dans le cadre de son activité de marchand de biens, fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle, le 18 décembre 2002, l'administration a remis en cause le régime de faveur prévu par l'article 1115 du code général des impôts, sous lequel M. X... s'était placé, en raison d'anomalies dans la tenue du répertoire prévu par l'article 852 du même code ainsi qu'en raison de l'absence de revente de certains biens qu'il s'était engagé à revendre dans le délai légal ; qu'après rejet de ses réclamations, M. X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir le dégrèvement des droits d'enregistrement et pénalités mis en recouvrement ; Sur le premier moyen : Vu l'article 2 du code civil ; Attendu que si la loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, elle ne peut remettre en cause des obligations régulièrement nées à cette date ; Attendu que, pour prononcer la décharge de l'imposition mise en recouvrement au titre de la déchéance du régime de faveur des marchands de biens pour défaut de tenue régulière du répertoire prévu par l'article 852 du code général des impôts, l'arrêt retient que, par l'effet de l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 dont l'article 16 abroge ledit article 852, l'obligation sanctionnée par la déchéance a disparu et que la sanction ne peut trouver encore à s'appliquer ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à la date du fait générateur de l'impôt, le bénéfice des dispositions prévues par l'article 1115 du code général des impôts était subordonné à l'accomplissement des formalités exigées par l'article 852, 2° du même code, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Et sur le second moyen : Vu l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, ensemble les articles 1181 du code civil et 1840 G ter du code général des impôts ;

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Attendu que la régularité de la procédure de redressement fondée sur la déchéance du régime de faveur des marchands de biens pour absence de revente dans le délai légal suppose seulement que l'avis de vérification porte sur la période d'exigibilité des droits rappelés ; Attendu que pour prononcer la décharge partielle de l'imposition mise en recouvrement au titre de la déchéance du régime de faveur des marchands de biens, pour absence de revente des biens dans le délai légal, l'arrêt, après avoir relevé que l'avis de vérification de la comptabilité portait notamment sur la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 au titre des déclarations en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, retient que la procédure de redressement est irrégulière pour la période antérieure au 1er juin 1998 ainsi que pour celle postérieure au 30 novembre 2001 et que l'administration est fondée à recouvrer les droits d'enregistrement au titre des seuls immeubles acquis par M. X... pendant la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 non revendus dans le délai de son engagement ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les droits rappelés sont rendus exigibles à la date d'expiration du délai pour revendre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans, autrement composée ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille douze. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils pour le directeur général des finances publiques. PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bourges et d'avoir jugé mal fondé le redressement notifié ; AUX MOTIFS PROPRES QUE pour ce qui est de la déchéance du régime de faveur de l'article 1115 du code général des impôts décidée par les services fiscaux à titre de sanction affectant la tenue du registre de marchands de biens, cette imposition est rendue caduque par l'entrée en vigueur, le 11 mars 2010, de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, dont les dispositions sont applicables aux effets à venir des situations non contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur, même lorsqu'elles font l'objet d'une instance judiciaire. L'article 16 de cette loi abroge en effet purement et simplement les articles 290, 852 et 1829 du code général des impôts qui fondaient en droit, le redressement, en tant qu'ils instituaient l'obligation pour les marchands de biens de tenir le répertoire dont l'irrégularité motive le présent redressement, définissaient les règles de sa tenue et punissaient l'irrégularité de cette tenue, de sorte que l'obligation sanctionnée par cette déchéance a disparu, et que la sanction ne peut trouver encore à s'appliquer. Article 2 du code civil. - violation -

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ALORS QUE conformément à l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif; que le principe de rétroactivité in mitius ne s'applique en matière fiscale qu'aux seules sanctions ayant la nature d'une peine ; que la remise en cause du régime de faveur des marchands de biens prononcée pour défaut de tenue régulière du répertoire visé à l'article 852 du C.G.I. ne constitue pas une peine ; que ces principes s'appliquent en matière fiscale et notamment aux droits de mutations de sorte que la législation applicable est celle en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt ; que s'agissant de la remise en cause du régime de faveur des marchands de biens prononcée pour défaut de tenue régulière du répertoire, le fait générateur de l'imposition est constitué par les actes d'acquisition; qu'en l'espèce, il est constant que la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, dont l'article 16 a abrogé l'article 852 du code général des impôts, est entrée en vigueur le 11 mars 2010; qu'il en résulte que seules les dispositions en vigueur à la date Du fait générateur intervenu au cours des années 1999, 2000 et 2001 étaient applicables; qu'ainsi les dispositions de l'article 852 du C.G.I. devaient être retenues car elles n'étaient pas abrogées à cette date; que dès lors, en jugeant que « cette imposition est rendue caduque par l'entrée en vigueur, le 11 mars 2010, de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010, dont les dispositions sont applicables aux effets à venir des situations non contractuelles en cours à la date de son entrée en vigueur, même lorsqu'elles font l'objet d'une instance judiciaire », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 2 du code civil. SUR LE SECOND DE CASSATION Le second moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bourges et d'avoir jugé mal fondé le redressement notifié ; AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant en quatrième lieu, de la période concernée par le redressement, l'avis de vérification de comptabilité du 14 janvier 2002 portait, ainsi qu'il vient d'être dit, sur la période du 1er juin 1998 au 31 mai 2000 du chef du contrôle de l'ensemble des déclarations fiscales opérations, et sur la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 au titre des déclarations en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. Il ne visait pas les droits d'enregistrement, mais lorsque le contribuable est astreint, comme M. X... du fait de sa profession de marchands de biens, à tenir et présenter des documents comptables à raison de son activité professionnelle, l'administration fiscale peut, dans le cadre de la vérification de cette comptabilité, contrôler les droits d'enregistrement et taxes assimilées dus à l'occasion de l'exercice de cette activité qui apparaissent ou devraient apparaître en comptabilité, et en tirer les conséquences en matière de droits d'enregistrement. Elle n'y est fondée, toutefois, qu'en s'en tenant à la période vérifiée, sans pouvoir étendre au-delà son contrôle. Il en résulte que le redressement notifié à M. X... au titre des droits d'enregistrement est régulier au 1er juin 1998 au 30 novembre 2001, qui est le terme de la période de vérification de TVA dans le cadre de laquelle elle a pu consulter le registre de marchands de biens et constater tant son irrégularité que son absence de précisions relativement à l'identification des biens acquis avec engagement de revente dans les quatre ans, et qu'il est en revanche irrégulier quant aux sommes mises en recouvrement du chef des droits d'enregistrement pour la période antérieure et postérieure. Ainsi, il y a lieu en définitive d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer la procédure de redressement irrégulière pour les redressements afférents à la période antérieure au 1er juin 1998 et postérieure au 30 novembre 2001 et régulière pour le surplus, et de dire l'administration bien fondée à percevoir le rappel des droits d'enregistrement au titre des immeubles acquis par M. X... sur la période du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001 avec l'engagement de les revendre dans les quatre ans pour lesquels cet engagement n'a pas été tenu, et de prononcer la décharge consécutive de toute autre imposition prévue par l'avis de redressement Article L. 47 du L.P.F. - violation - ALORS QUE conformément à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, sont réguliers les redressements de droits d'enregistrement opérés au titre des années mentionnées par l'avis de vérification ; que s'agissant d'un rappel prononçant la déchéance du régime de marchand de biens pour non revente des biens dans le délai légal, l'avis de vérification doit nécessairement porter sur la période d'exigibilité des droits rappelés constituée par la date d'expiration du délai pour revendre et non sur la date d'acquisition des immeubles litigieux; qu'en l'espèce, la période d'exigibilité des droits intervenue de 1998 à 2000 était bien comprise dans la période vérifiée mentionnée dans l'avis de

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vérification; qu'en jugeant bien fondée la déchéance notifiée par l'administration uniquement pour les immeubles acquis par M. X... au titre des années portées sur l'avis de vérification, c'est à dire du 1er juin 1998 au 30 novembre 2001, la cour d'appel a violé l'article précité.

Analyse

Publication : Bulletin 2012, IV, n° 88 Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, du 13 janvier 2011 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du 29 octobre 2014 N° de pourvoi: 13-19729 ECLI:FR:CCASS:2014:C101250 Publié au bulletin REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la suite de l’interdiction qui lui a été faite de poursuivre l’exposition de cadavres humains « Our Body / A corps ouvert » organisée à Paris à partir du 12 février 2009, la société Encore Events a assigné les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate, ses assureurs, en garantie ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Encore Events fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité du contrat d’assurance conclu le 7 novembre 2008 pour illicéité de sa cause, alors, selon le moyen : 1°/ que les conditions de validité d’une convention s’apprécient au regard du droit applicable le jour de sa formation ; qu’en estimant néanmoins que le contrat d’assurance conclu le 7 novembre 2008 a une cause illicite quand l’illicéité de l’exposition « Our Body / A corps ouvert » et donc celle du contrat d’assurance ne résultent, au regard de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 septembre 2010 (pourvoi n° 09-67.456), que de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 qui a créé l’article 16-1-1 du code civil et qui est postérieure à la date de formation du contrat d’assurance litigieux, la cour d’appel a violé les articles 2 et 1131 du code civil ; 2°/ que la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif ; qu’en estimant néanmoins que la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, qui ne comportait aucune disposition transitoire relativement à l’entrée en vigueur du nouvel article 16-1-1 du code civil, pouvait être considérée comme rétroactive, la cour d’appel a violé l’article 2 du code civil ; Mais attendu que le principe d’ordre public, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, préexistait à la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 d’où est issu l’article 16-1-1 du code civil ; qu’ayant relevé que le contrat d’assurance souscrit le 7 novembre 2008 par la société Encore Events avait pour objet de garantir les conséquences de l’annulation d’une exposition utilisant

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des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales, la cour d’appel en a exactement déduit que, bien qu’ayant été conclu avant l’entrée en vigueur de l’article 16-1- 1 précité, le contrat litigieux avait une cause illicite et, partant, qu’il était nul ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Mais sur le second moyen : Vu l’article 1147 du code civil ; Attendu que pour rejeter la demande de la société Encore Events, tendant à faire juger que les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate avaient manqué à leur devoir de conseil à son égard quant au caractère assurable de l’exposition litigieuse, l’arrêt retient que la société Encore Events est un professionnel de « l’événementiel », laquelle était de surcroît assistée pour la souscription du contrat litigieux, de son propre courtier d’assurances ; qu’il énonce ensuite que la société organisatrice n’ignorait pas les risques de l’exposition projetée dont elle seule pouvait connaître les caractéristiques ; qu’il constate enfin qu’avant la conclusion du contrat, la société Groupe Pont Neuf avait interrogé le courtier de la société Encore Events qui lui avait répondu que, présentée depuis 1995 dans le monde entier, ladite exposition n’avait jamais rencontré de refus d’installation ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résulte pas de ces constatations et énonciations que les assureurs avaient attiré l’attention de la société Encore Events sur le risque d’annulation de l’exposition litigieuse, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la société Encore Events de sa demande de dommages-intérêts pour manquement des assureurs à leur devoir d’information et de conseil, l’arrêt rendu le 5 février 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ; Condamne les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate Management aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quatorze. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Encore Events PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé la nullité du contrat d’assurance n° S 205.124 conclu le 7 novembre 2008 entre la société ENCORE EVENTS et, d’une part, la compagnie LE GROUPE PONT NEUF représentant les sociétés AREAS et CAMEIC et, d’autre part, la société LIBERTY SYNDICATES pour illicéité de sa cause ; Aux motifs que, «Sur la licéité du contrat d’assurance N° S 205.124 et la garantie Considérant qu’au soutien de son appel, la société ENCORE EVENTS prétend que la cause et l’objet du contrat du 7 novembre 2008 sont licites et que si l’ordonnance de référé du 21 avril 2009, l’arrêt de la cour d’appel du 30 avril 2009 et l’arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2010 ont considéré que l’ exposition était contraire aux dispositions de l’article 16-1-1 du Code civil, ce texte, issu de la loi

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n°2008-1350 du 19 décembre 2008, ne figurait pas dans le Code civil lors de la conclusion du contrat, tandis que les articles 16 et suivants du même Code ne concernaient alors que les personnes vivantes ; qu’elle ajoute que la Cour de cassation énonce dans son arrêt du 16 septembre 2010 que l’illicéité provient non pas de l’exposition elle-même mais de son caractère commercial, que la police d’assurance n’avait pas vocation à couvrir ; Considérant que les intimées font valoir que l’objet du contrat d’assurance, portant sur l’exposition sans autorisation de cadavres, dont la Cour de cassation a définitivement retenu qu’elle était illégale, est illicite et immorale de sorte que le contrat est nul ; qu’elle développent qu’avant même l’entrée en vigueur de l’article 16-1-1 du Code civil, le droit positif protégeait le corps humain sur le fondement de l’article 16 de ce Code, y compris après le décès de la personne, la loi du 19 février 2008, d’ordre public et tendant à la protection d’intérêts majeurs, pouvant du reste être considérée comme rétroactive, et que même si l’on devait considérer que l’illicéité du contrat n’est apparue qu’à compter de cette loi, le contrat devrait en tout état de cause être annulé dès lors que c’est en raison de cet objet ou de cette cause immoral(e) ou illicite que les parties se sont engagées ; Considérant que selon l’article 1128 du Code civil, l’objet des conventions doit être “dans le commerce”, c’est à dire licite ; qu’aux termes des articles 1131 et 1133 du même Code, “l’obligation sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet”, la cause étant illicite “quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public” ; Considérant que dans le contrat synallagmatique, l’obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l’objet de l’obligation de l’autre ; que l’illicéité ou l’immoralité de l’objet de l’une des obligations emporte celle de la cause de l’obligation corrélative ; Considérant, en l’espèce, que l’objet de l’obligation de la société ENCORE EVENTS, à savoir le paiement de la prime, avait pour cause l’objet de l’obligation des coassureurs de la garantir, selon les termes et conditions du contrat, de toute perte financière subie par suite notamment de l’annulation, de l’ajournement ou de l’abandon de l’exposition “Our Body/The universe within” objet de l’assurance, survenant indépendamment de sa volonté ; Or considérant que cette exposition a été définitivement jugée illicite par l’arrêt confirmatif rendu le 16 septembre 2010 par la Cour de cassation, qui a retenu que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaissait l’exigence posée par l’article 16-1-1, alinéa 2, du Code civil ; Considérant, certes, que l’article 16-1-1 du Code civil, qui énonce en son alinéa 1er que “ le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort” et en son alinéa 2 que “ les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence”, issu de la loi du 19 décembre 2008, n’était pas en vigueur à la date de conclusion du contrat en litige, le 7 novembre 2008 ; Mais considérant que comme l’a à juste titre jugé le tribunal, ces dispositions nouvelles, d’ordre public, n’ont fait qu’étendre explicitement au cadavre humain la protection de la dignité et du respect dus à l’être humain découlant de l’article 16 du Code civil, étant observé qu’au moment de la formation du contrat, les articles 16-1 et 16-5 prohibaient déjà la patrimonialisation du corps humain et l’article 16-3 l’atteinte à l’intégrité du corps humain, sans distinguer entre le corps des personnes vivantes et celui des morts ; Qu’ainsi le Conseil d’Etat, dans un arrêt N° 124960 du 2 juillet 1993, a jugé que les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine ne cessaient pas de s’appliquer avec la mort de celle-ci ; Considérant que l’utilisation à des fins commerciales de dépouilles et organes de personnes humaines dont il n’a pu être démontré qu’elles y avaient personnellement consenti avant leur décès ou que des personnes autorisées l’avaient fait postérieurement, se heurtaient dès lors aux principes fondamentaux d’ordre public relatifs à la dignité et au respect de l’être humain, qui ne cessent pas avec sa mort et s’attachent donc à son cadavre ; Considérant qu’il s’ensuit que le contrat d’assurance souscrit pour garantir la tenue de l’exposition organisée par la société ENCORE EVENTS, qui était illicite dès la formation du contrat, est nul pour

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illicéité de sa cause en vertu de l’article 1131 du Code civil ; Qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef ; Considérant qu’en conséquence de la nullité du contrat, les assureurs doivent restituer les primes réglées, soit 15 263 euros, aucun élément justificatif du montant des commissions prétendument versées à la société GPN et au courtier ASSUREVENTS n’étant produit ; Que par application de la convention de coassurance annexée au contrat, stipulant l’absence de solidarité entre les assureurs membres de la coassurance pour l’exécution de leurs obligations, la société LIBERTY SYNDICATES, dont la part dans la coassurance est de 50 %, est ainsi débitrice de la somme de 7 631,50 euros, et les sociétés AREAS et CAMEIC représentées par la société GPN, dont la part dans la coassurance est également de 50 %, sans autre répartition entre elles, à la même somme, la société GPN, qui n’a pas la qualité d’assureur, n’étant en revanche personnellement tenue à aucune restitution ; Que le jugement sera réformé sur ce point ; Considérant que le contrat d’assurance étant nul, il n’est pas nécessaire de rechercher si les conditions de la garantie étaient réunies ou encore si une clause d’exclusion de garantie était susceptible d’être valablement opposée à la société ENCORE EVENTS » ; Alors, d’une part, que les conditions de validité d’une convention s’apprécient au regard du droit applicable le jour de sa formation ; qu’en estimant néanmoins que le contrat d’assurance conclu le 7 novembre 2008 a une cause illicite quand l’illicéité de l’exposition « Our Body / A corps ouvert » et donc celle du contrat d’assurance ne résultent, au regard de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 septembre 2010 (pourvoi n°09-67456), que de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 qui a créé l’article 16-1-1 du Code civil et qui est postérieure à la date de formation du contrat d’assurance litigieux, la Cour d’appel a violé l’article 2 et 1131 du Code civil ; Alors, d’autre part, que la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif ; qu’en estimant néanmoins que la loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008, qui ne comportait aucune disposition transitoire relativement à l’entrée en vigueur du nouvel article 16-1-1 du Code civil, pouvait être considérée comme rétroactive, la Cour d’appel a violé l’article 2 du Code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande indemnitaire de la société ENCORE EVENTS formée à l’encontre des sociétés AREAS, CAMEIC, GROUPE PONT NEUF et LIBERTY SYNDICATES pour non-respect de leur obligation de conseil. Aux motifs que, «Sur la licéité du contrat d’assurance N° S 205.124 et la garantie Considérant qu’au soutien de son appel, la société ENCORE EVENTS prétend que la cause et l’objet du contrat du 7 novembre 2008 sont licites et que si l’ordonnance de référé du 21 avril 2009, l’arrêt de la cour d’appel du 30 avril 2009 et l’arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2010 ont considéré que l’ exposition était contraire aux dispositions de l’article 16-1-1 du Code civil, ce texte, issu de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, ne figurait pas dans le Code civil lors de la conclusion du contrat, tandis que les articles 16 et suivants du même Code ne concernaient alors que les personnes vivantes ; qu’elle ajoute que la Cour de cassation énonce dans son arrêt du 16 septembre 2010 que l’illicéité provient non pas de l’exposition elle-même mais de son caractère commercial, que la police d’assurance n’avait pas vocation à couvrir ; Considérant que les intimées font valoir que l’objet du contrat d’assurance, portant sur l’exposition sans autorisation de cadavres, dont la Cour de cassation a définitivement retenu qu’elle était illégale, est illicite et immorale de sorte que le contrat est nul ; qu’elle développent qu’avant même l’entrée en vigueur de l’article 16-1-1 du Code civil, le droit positif protégeait le corps humain sur le fondement de l’article 16 de ce Code, y compris après le décès de la personne, la loi du 19 février 2008, d’ordre public et tendant à la protection d’intérêts majeurs, pouvant du reste être considérée comme rétroactive, et que même si l’on devait considérer que l’illicéité du contrat n’est apparue qu’à compter

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de cette loi, le contrat devrait en tout état de cause être annulé dès lors que c’est en raison de cet objet ou de cette cause immoral(e) ou illicite que les parties se sont engagées ; Considérant que selon l’article 1128 du Code civil, l’objet des conventions doit être “dans le commerce”, c’est à dire licite ; qu’aux termes des articles 1131 et 1133 du même Code, “l’obligation sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet”, la cause étant illicite “quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public” ; Considérant que dans le contrat synallagmatique, l’obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l’objet de l’obligation de l’autre ; que l’illicéité ou l’immoralité de l’objet de l’une des obligations emporte celle de la cause de l’obligation corrélative ; Considérant, en l’espèce, que l’objet de l’obligation de la société ENCORE EVENTS, à savoir le paiement de la prime, avait pour cause l’objet de l’obligation des coassureurs de la garantir, selon les termes et conditions du contrat, de toute perte financière subie par suite notamment de l’annulation, de l’ajournement ou de l’abandon de l’exposition “Our Body/The universe within” objet de l’assurance, survenant indépendamment de sa volonté ; Or considérant que cette exposition a été définitivement jugée illicite par l’arrêt confirmatif rendu le 16 septembre 2010 par la Cour de cassation, qui a retenu que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaissait l’exigence posée par l’article 16-1-1, alinéa 2, du Code civil ; Considérant, certes, que l’article 16-1-1 du Code civil, qui énonce en son alinéa 1er que “ le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort” et en son alinéa 2 que “ les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence”, issu de la loi du 19 décembre 2008, n’était pas en vigueur à la date de conclusion du contrat en litige, le 7 novembre 2008 ; Mais considérant que comme l’a à juste titre jugé le tribunal, ces dispositions nouvelles, d’ordre public, n’ont fait qu’étendre explicitement au cadavre humain la protection de la dignité et du respect dus à l’être humain découlant de l’article 16 du Code civil, étant observé qu’au moment de la formation du contrat, les articles 16-1 et 16-5 prohibaient déjà la patrimonialisation du corps humain et l’article 16-3 l’atteinte à l’intégrité du corps humain, sans distinguer entre le corps des personnes vivantes et celui des morts ; Qu’ainsi le Conseil d’Etat, dans un arrêt N° 124960 du 2 juillet 1993, a jugé que les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine ne cessaient pas de s’appliquer avec la mort de celle-ci ; Considérant que l’utilisation à des fins commerciales de dépouilles et organes de personnes humaines dont il n’a pu être démontré qu’elles y avaient personnellement consenti avant leur décès ou que des personnes autorisées l’avaient fait postérieurement, se heurtaient dès lors aux principes fondamentaux d’ordre public relatifs à la dignité et au respect de l’être humain, qui ne cessent pas avec sa mort et s’attachent donc à son cadavre ; Considérant qu’il s’ensuit que le contrat d’assurance souscrit pour garantir la tenue de l’exposition organisée par la société ENCORE EVENTS, qui était illicite dès la formation du contrat, est nul pour illicéité de sa cause en vertu de l’article 1131 du Code civil ; Qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef ; Considérant qu’en conséquence de la nullité du contrat, les assureurs doivent restituer les primes réglées, soit 15 263 euros, aucun élément justificatif du montant des commissions prétendument versées à la société GPN et au courtier ASSUREVENTS n’étant produit ; Que par application de la convention de coassurance annexée au contrat, stipulant l’absence de solidarité entre les assureurs membres de la coassurance pour l’exécution de leurs obligations, la société LIBERTY SYNDICATES, dont la part dans la coassurance est de 50 %, est ainsi débitrice de la somme de 7 631,50 euros, et les sociétés AREAS et CAMEIC représentées par la société GPN, dont la part dans la coassurance est également de 50 %, sans autre répartition entre elles, à la même

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somme, la société GPN, qui n’a pas la qualité d’assureur, n’étant en revanche personnellement tenue à aucune restitution ; Que le jugement sera réformé sur ce point ; Considérant que le contrat d’assurance étant nul, il n’est pas nécessaire de rechercher si les conditions de la garantie étaient réunies ou encore si une clause d’exclusion de garantie était susceptible d’être valablement opposée à la société ENCORE EVENTS Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des obligations d’information et de conseil Considérant qu’à titre subsidiaire, la société ENCORE EVENTS reproche aux intimées une violation de leurs devoirs de conseil et d’information, notamment quant à “l’assurabilité” de l’événement, invoquant en outre la déloyauté de la société GPN qui, consultée en 2006 par la société de courtage GRAS SAVOYE, avait opposé alors un refus de couverture ; Considérant que les intimées font valoir que la société ENCORE EVENTS était directement conseillée par un courtier, la société ASSUREVENTS, qu’elles n’avaient pas connaissance du caractère illicite de l’événement et qu’il appartenait à l’intéressée de s’assurer de la licéité de l’exposition qu’elle projetait de réaliser ; Considérant qu’il incombait effectivement à la société ENCORE EVENTS, professionnel de l’événementiel, de surcroît assistée pour la souscription du contrat de son propre courtier, de s’assurer de la licéité de l’exposition projetée dont elle seule pouvait connaître précisément les caractéristiques ; Qu’au demeurant elle n’en ignorait pas les risques, ainsi qu’il ressort notamment du courriel de la société GRAS SAVOYE du 12 octobre 2012 relatant les circonstances dans lesquelles une première recherche de couverture avait été envisagée en 2006, à laquelle la société GPN avait opposé un refus ; Que ce refus était toutefois essentiellement motivé à l’époque par le fait que “les autorisations pour le bon déroulement d’une telle manifestation n’avaient pas encore été réclamées/obtenues” ; Considérant que l’exposition de restes humains n’étant pas en soi prohibée, les intimées, dont il n’est pas démontré qu’elles avaient connaissance des modalités pratiques de celle organisée par la société ENCORE EVENTS la rendant illicite, l’absence de consentement autorisé n’ayant été révélé qu’à l’occasion de la procédure de référé, alors qu’interrogé par la société GPN le 12 juillet 2007, le courtier de la société ENCORE EVENTS avait répondu le 13 suivant que cette exposition, présentée depuis 1995 dans le monde entier, n’avait jamais rencontré de refus d’installation, ne peuvent se voir imputer un manquement à leurs obligations d’information et de conseil cause du préjudice subi par l’appelante ; Que le jugement entrepris doit donc être également confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires de la société ENCORE EVENTS » ; Alors que nul n’est censé ignorer la loi ; qu’un professionnel du droit ne saurait arguer de l’incertitude quant à l’état réel du droit positif pour se dispenser d’exécuter valablement son devoir d’information et de conseil ; qu’en rejetant néanmoins l’action indemnitaire de la société ENCORE EVENTS pour manquement des assureurs à leur devoir de conseil, après avoir pourtant considéré que le droit antérieur à la loi du 19 décembre 2008 interdisait déjà l’exposition de cadavres à des fins commerciales, état du droit que les assureurs étaient censés connaître, ce dont il résultait nécessairement qu’ils avaient manqué à leur devoir de conseil envers la société ENCORE EVENTS quant au caractère assurable de l’exposition litigieuse, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et a ainsi violé l’article 1147 du Code civil. Publication : Bulletin 2014, I, n° 178 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris , du 5 février 2013

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UNIVERSITÉ PARIS 8 VINCENNES - SAINT DENIS

Année universitaire 2016 - 2017

Séminaires Introduction à l’étude du droit

Thème 9 : L’application de la loi dans l’espace

G. DANJAUME

- Civ. 1ère, 19 oct. 1999, D. 2000, 904. - Com., 28 nov. 2000, D. 2001, 305. - Civ. 1ère, 17 févr. 2004, D. 2004, 824. - Civ. 1ère, 17 nov. 1999, D. 2000, 547. - Civ. 1ère, 6 juill. 1999, D. 1999, 483. - Civ. 1ère, 14 févr. 2006, Bull. civ. I, n° 67. - Civ. 2ème, 8 févr. 2006, Bull. civ. II, n° 46. - Civ. 1ère, 21 nov. 2006, Bull. civ. I, n° 500. - Crim. 23 octobre 2013, Bull. criminel 2013, n° 201

Cas pratique Anna KAFERGAF est ressortissante néerlandaise, elle a obtenu un diplôme de pharmacie dans une université parisienne très connue. Depuis quelques années elle a ouvert une petite boutique d’herboristerie à Paris spécialisée dans la vente de produits naturels à vertus thérapeutiques et filiale d’une société dont le siège est à Rotterdam. Hier, la police a perquisitionné dans sa boutique et découvert des plants de cannabis et des produits dérivés de cette plante !... Anna explique aux policiers qu’aux Pays-Bas le commerce du cannabis est tout à fait autorisé et que son échoppe est soumise aux lois néerlandaises, elle ne comprend pas pourquoi sa marchandise a été confisquée ni pourquoi le commissaire lui indique qu’ « elle est en France et non aux Pays-Bas »… Eclairez-la en respectant le raisonnement syllogistique.

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 19 octobre 1999 N° de pourvoi: 96-22593 Publié au bulletin Cassation. Président : M. Lemontey ., président Rapporteur : M. Durieux., conseiller rapporteur Avocat général : M. Roehrich., avocat général Avocats : la SCP Delaporte et Briard, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le premier moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 3 du Code civil ; Attendu que les époux Y... et leurs enfants ont été blessés au cours d'une collision survenue en Espagne le 23 juillet 1989 ; que Mme Y... est décédée des suites de ses blessures ; que, par acte du 26 juillet 1990, M. Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal de ses enfants mineurs, et les consorts X..., ont assigné la compagnie d'assurances Rhin et Moselle afin qu'il soit dit qu'elle n'avait pas respecté la garantie " protection juridique " dont bénéficiait M. Y... et que leur soient payées diverses sommes en réparation de leurs préjudices ; Attendu que pour faire droit à la demande, la cour d'appel énonce qu'aucun texte législatif espagnol n'étant versé aux débats de façon à l'informer sur les chances d'indemnisation des différentes parties en Espagne, il convient de faire application de la loi française du 5 juillet 1985 en raison de sa vocation subsidiaire ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au juge qui doit faire une application même indirecte d'une loi étrangère, d'en rechercher la teneur, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen et sur les deuxième et troisième moyens : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble. Publication : Bulletin 1999 I N° 280 p. 182 Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 23 octobre 1996

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Cour de cassation chambre commerciale Audience publique du mardi 28 novembre 2000 N° de pourvoi: 98-11335 Publié au bulletin Rejet. Président : M. Dumas ., président Rapporteur : Mme Tric., conseiller rapporteur Avocat général : M. Feuillard., avocat général Avocats : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Bouzidi., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Donne acte à la société Allium de son désistement à l'égard de la société Alfin Incorporated ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 12 septembre 1997), que par contrats des 14 et 21 juillet 1989, la société de droit américain Alfin Incorporated a chargé la société Allium de la distribution exclusive en Europe et en Israël de parfums qu'elle commercialisait en vertu d'une licence mondiale ; que le 14 juillet 1993, la licence a été acquise par le groupe Inter parfums qui a résilié le contrat d'agent international dès le 31 juillet avec effet au 31 janvier 1994 ; que la société Allium l'a assigné en paiement d'une indemnité de rupture de 2 000 000 de francs ; Attendu que la société Allium reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen : 1° que les dispositions de l'article 12 de la loi du 25 juin 1991 aux termes duquel en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi et l'article 16 de la même loi, qui répute non écrite toute clause dérogeant aux dispositions de l'article 12, sont immédiatement applicables dans l'ordre international à titre de loi de police aux agents commerciaux exerçant leur activité en France ; qu'il s'ensuit que ces dispositions doivent recevoir application, nonobstant les stipulations contraires du contrat international ou de la loi choisie par les parties pour régir leur convention ; qu'en affirmant, pour débouter la société Allium de sa demande de ce chef, que le contrat d'agent conclu avec la société Alfin incorporated et repris par la société Groupe inter parfums, était expressément soumis à la loi de l'Etat de New York, et que les dispositions protectrices de la loi du 25 juin 1991 ne pourraient être intégrées à ce contrat dont les stipulations seraient indissociables, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 3 du Code civil ; 2° que l'article 1er de la loi du 25 juin 1991, applicable à tous les contrats en cours à la date du 1er janvier 1994, répute agent commercial le mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; que le bénéfice du statut d'agent commercial n'est pas subordonné à la formalité de l'immatriculation à un registre spécial au greffe du tribunal de commerce ou de grande instance du siège de l'agent commercial ; qu'en retenant, pour estimer que la société Allium ne pouvait bénéficier d'une indemnité compensatrice de résiliation de son contrat, intervenue à effet du 31 janvier 1994, qu'elle ne justifiait pas être immatriculée au registre spécial des agents commerciaux, la cour d'appel a violé les articles 1er et 20 de la loi du 25 juin 1991, ensemble l'article 4 du décret du 23 décembre

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1958 ; 3° et alors, que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté certaine de renoncer, et ne peut intervenir que postérieurement à la naissance du droit auquel il serait renoncé ; que la cour d'appel a déclaré, pour débouter la société Allium de sa demande tendant au paiement de l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article 12 de la loi du 25 juin 1991, rendue applicable à tous les contrats en cours à la date du 1er janvier 1994, que le contrat ne prévoyait pas l'attribution de cette indemnité, que le montant élevé des commissions s'expliquait par l'absence convenue d'indemnité et que l'ensemble de ces stipulations constituerait un tout indivisible auquel ne pourraient être intégrée l'indemnité sollicitée par la société Allium ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la renonciation de la société Allium au bénéfice de l'indemnité de fin de contrat, qui ne pouvait résulter du silence du contrat daté des 14 et 21 juillet 1989, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées et l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu que la loi du 25 juin 1991, codifiée dans les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce, loi protectrice d'ordre public interne, applicable à tous les contrats en cours à la date du 1er janvier 1994, n'est pas une loi de police applicable dans l'ordre international ; qu'abstraction faite du motif erroné mais inopérant critiqué par la deuxième branche, l'arrêt, loin de constater que la société Allium avait renoncé à un droit, retient que le contrat de droit international signé en juillet 1989 est expressément soumis au droit de l'Etat de New York qui ne prévoit pas l'attribution d'une indemnité de rupture ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui est irrecevable en sa deuxième branche, est mal fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. Publication : Bulletin 2000 IV N° 183 p. 160 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 12 septembre 1997 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 17 février 2004 N° de pourvoi: 01-11549 Publié au bulletin Rejet. M. Lemontey., président M. Pluyette., conseiller rapporteur M. Cavarroc., avocat général Me Choucroy, Me Cossa., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

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Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : Attendu que M. Ait X... et Mme Y..., tous deux de nationalité algérienne, se sont mariés en Algérie en 1985 ; qu'en janvier 1998, Mme Y... a présenté une requête en divorce au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris ; qu'à l'audience du 7 avril 1998, M. Ait X... a soulevé l'exception de litispendance internationale, en raison de l'instance en divorce pendante devant le tribunal de Sidi M'hamed (Algérie) depuis le 23 novembre 1997 ; Attendu que M. Ait X... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2001) d'avoir dit que le jugement du tribunal de Sidi M'hamed du 29 mars 1998 ayant prononcé le divorce ne pouvait être reconnu en France et d'avoir rejeté l'exception de chose jugée, alors, selon le moyen, que, dès lors qu'il résulte des propres constatations des juges du fond : 1 / que le litige entre les époux, tous deux de nationalité algérienne et mariés en Algérie, se rattachait de manière caractérisée aux juridictions algériennes, 2 / que la procédure devant la juridiction algérienne avait été loyale et contradictoire, l'épouse obtenant des dommages-intérêts, 3 / que le choix du juge algérien n'avait pas été frauduleux, dans la mesure où la saisine de la juridiction algérienne ne visait pas à faire obstacle à la saisine préalable du juge français et où, au contraire, l'épouse n'avait saisi la juridiction française qu'après mise en oeuvre de la procédure en Algérie, la cour d'appel ne pouvait refuser l'exequatur du jugement algérien du 23 mars 1998 sans violer l'article 1er d) de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 et les principes régissant l'ordre public international français ; Mais attendu que l'arrêt retient que le divorce des époux Ait X... a été prononcé par les juges algériens, malgré l'opposition de la femme, au seul motif, admis par la loi algérienne, que le pouvoir conjugal reste entre les mains de l'époux et que le divorce doit être prononcé sur la seule volonté de celui-ci ; que la cour d'appel en a exactement déduit que, même si elle résultait d'une procédure loyale et contradictoire, cette décision constatant une répudiation unilatérale du mari sans donner d'effet juridique à l'opposition éventuelle de la femme et en privant l'autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d'aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, était contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, que la France s'est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l'ordre public international réservé par l'article 1er d de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964, dès lors que, comme en l'espèce, les deux époux étaient domiciliés sur le territoire français ; d'où il suit que la deuxième branche du moyen n'est pas fondée tandis que les deux autres sont inopérantes dès lors qu'elles s'attachent à la compétence du juge algérien que la cour d'appel n'a pas déniée ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Ait X... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quatre. Publication : Bulletin 2004 I N° 47 p. 38 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 22 mars 2001

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mercredi 17 novembre 1999 N° de pourvoi: 97-20624 Publié au bulletin Rejet. Président : M. Lemontey ., président Rapporteur : M. Bargue., conseiller rapporteur Avocat général : M. Sainte-Rose., avocat général Avocat : M. Boullez., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu que Mme X... a obtenu, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris, l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble situé en France appartenant à sa débitrice, la société suisse Artransac ; que la faillite de cette société a été déclarée par jugement du tribunal de première instance de Genève qui a fait l'objet d'une décision d'exequatur du tribunal de grande instance de Paris, la créance déclarée par Mme X... ayant été admise ; que Mme X... a assigné la société Artransac en paiement de la somme, sollicitant également l'autorisation de faire procéder à l'inscription définitive de l'hypothèque provisoire ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Artransac fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 1997) d'avoir fait application de la loi française du lieu de situation de l'immeuble à l'inscription définitive de l'hypothèque provisoire, alors, selon le moyen, qu'en retenant l'applicabilité de cette seule loi et en en déduisant la validité de l'inscription définitive de l'hypothèque au mépris de la loi suisse de la créance qui ignore la constitution d'une hypothèque en cette hypothèse précise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Mais attendu que le principe et le régime de l'hypothèque judiciaire provisoire sont soumis à la seule loi de situation de l'immeuble et qu'il en est de même pour l'inscription définitive de cette hypothèque ; que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le second moyen : Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir déclaré opposable aux créanciers de la faillite l'inscription provisoire de l'hypothèque et en conséquence, d'avoir admis la régularité de l'inscription définitive prise en vertu de la loi française du lieu de la situation de l'immeuble, alors, selon le moyen, qu'en relevant que le droit suisse ne prend pas en compte la période suspecte et en déclarant néanmoins opposable aux créanciers l'inscription provisoire litigieuse prise moins de trois mois avant le jugement de faillite, la cour d'appel a violé le principe général d'ordre public international de l'égalité entre les créanciers ; Mais attendu que l'arrêt énonce exactement que la société Artransac est mal fondée à soutenir que l'inscription d'hypothèque provisoire litigieuse serait inopposable aux créanciers de la faillite dès lors que les effets du jugement étranger sont sans incidence, cette inscription ayant été prise avant le jugement suisse de faillite ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

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PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. Publication : Bulletin 1999 I N° 305 p. 198 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 9 mai 1997 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 6 juillet 1999 N° de pourvoi: 97-19453 Publié au bulletin Rejet. Président : M. Lemontey ., président Rapporteur : M. Durieux., conseiller rapporteur Avocat général : M. Sainte-Rose., avocat général Avocats : MM. Boullez, Choucroy., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Attendu que, le 24 septembre 1984, Mme Y..., de nationalité française, a mis au monde aux Lilas (Seine-Saint-Denis) une fille, prénommée Léonor, qui a été reconnue dans l'acte de naissance par M. X..., de nationalité allemande ; que, le 21 octobre 1991, celui-ci a engagé une action en contestation de sa reconnaissance de paternité ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu que M. X... reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 29 avril 1997) d'avoir déclaré son action irrecevable comme tardive au regard du droit allemand, violant ainsi l'article 311-14 du Code civil, tout en écartant l'application de ce même droit en ce qui concerne la validité de la reconnaissance ; Mais attendu que les juges du fond ont décidé à bon droit que l'article 311-17 du Code civil est applicable tant à l'action en nullité qu'à l'action en contestation d'une reconnaissance qui doivent être possibles à la fois au regard de la loi de l'auteur de celle-ci et de la loi de l'enfant ; qu'ils en ont exactement déduit que M. X... ne contestant pas la validité de la reconnaissance au regard de la loi française, son éventuelle irrégularité au regard de la loi allemande était inopérante, alors que la recevabilité de son action en contestation devait être appréciée au regard des deux lois ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen : Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir écarté son action par application du droit allemand, alors que ce droit renvoie, en matière de filiation naturelle, à la loi nationale de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou à la résidence habituelle de l'enfant, à savoir, en l'espèce, la loi française ;

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Mais attendu que M. X... ayant admis, dans ses conclusions d'appel, que la loi française, en cette matière, n'acceptait pas le renvoi et s'étant borné à solliciter l'application de la loi étrangère " dans son ensemble ", n'est pas recevable à présenter un moyen contraire à ses propres écritures ; Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : Attendu que M. X... reproche enfin à la cour d'appel, d'une part, d'avoir dénaturé la loi allemande en déclarant que ses doutes sérieux sur sa paternité s'étaient manifestés au plus tard le 17 octobre 1990, alors qu'à cette date aucun fait précis ne venait les concrétiser, d'autre part, d'avoir appliqué la loi allemande qui, prévoyant un bref délai de un an pour agir en contestation de reconnaissance, est contraire à la conception française de l'ordre public international ; Mais attendu que la loi allemande qui admet, comme la loi française, la contestation de reconnaissance, mais en délimite plus strictement les conditions d'exercice, n'est pas contraire à la conception française de l'ordre public international ; qu'ainsi, le moyen, qui, pris en sa première branche, ne peut être accueilli comme tendant à faire contrôler par la Cour de Cassation l'application de la loi allemande qui n'a pas été dénaturée, n'est pas fondé en sa seconde branche ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi. Publication : Bulletin 1999 I N° 225 p. 146 Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 29 avril 1997 Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 14 février 2006 N° de pourvoi: 03-11604 Publié au bulletin Cassation. M. Ancel., président Mme Pascal., conseiller rapporteur Me Brouchot, SCP Choucroy-Gadiou-Chevallier., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le premier moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 3 du Code civil, ensemble l'article 410-19 du Code civil monégasque ; Attendu que, par jugement du 23 octobre 2000 du tribunal de première instance de Monaco, Mme X... a été désignée en qualité d'administratrice judiciaire de Mme Y..., veuve Z..., en application de l'article 410-19 du Code civil monégasque ; qu'invoquant l'article 15 du Code civil, sa fille, Mme Z..., épouse

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A..., a assigné Mme Yvonne Z... et M. Z..., ses frère et soeur, ainsi que l'administratrice judiciaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour voir fixer le montant de leur contribution alimentaire respective à l'entretien de leur mère ; que Mme Y..., veuve Z..., est intervenue volontairement à la procédure ; que M. Z... a soulevé l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de sa mère, celle-ci ayant perdu sa capacité civile par l'effet de son placement sous administration judiciaire, l'incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction monégasque et subsidiairement a demandé au tribunal de se dessaisir au profit du tribunal de première instance de Monaco, premier saisi ; Attendu que, pour déclarer recevable l'intervention volontaire de Mme Y..., veuve Z..., l'arrêt retient que, selon l'article 410-19 du Code civil monégasque, un administrateur peut seulement être désigné lorsqu'il n'apparaît pas nécessaire d'organiser la tutelle ; qu'il en déduit que Mme Y..., veuve Z..., n'a pas perdu la capacité d'agir en justice et que la nomination d'un administrateur pour percevoir ses revenus et les employer à ses besoins ne la prive pas de la possibilité d'exercer personnellement une action en exécution de l'obligation alimentaire ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait d'un jugement du 8 novembre 2001 du tribunal de première instance de Monaco, versé aux débats et invoqué par M. Z..., que la nomination d'un administrateur judiciaire entraînait la perte de la capacité civile, la cour d'appel a dénaturé le droit étranger applicable et violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ; Condamne les défenderesses aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille six. Publication : Bulletin 2006 I N° 67 p. 65 Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 24 octobre 2002 Cour de cassation chambre civile 2 Audience publique du mercredi 8 février 2006 N° de pourvoi: 04-18379 Publié au bulletin Cassation. Premier président : M. Canivet., président M. Lafargue., conseiller rapporteur M. Kessous., avocat général

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SCP Le Bret-Desaché, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Monod et Colin., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur la demande de mise hors de cause : Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. X... ; Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par acte notarié du 12 mars 2000, Mme Y..., épouse Z..., a prêté à M. A... la somme de quinze millions de francs CFP ; que M. B... et Mlle A... se sont portés cautions hypothécaires au bénéfice de M. A... ; que la dette n'ayant pas été remboursée à son échéance, Mme Z... a fait pratiquer une saisie des immeubles des cautions pour obtenir le paiement de sa créance, s'élevant à 26 500 000 francs CFP ; qu'afin d'éviter la vente sur adjudication des immeubles saisis, M. B..., après avoir obtenu d'une banque un prêt destiné à régler cette dette, a adressé, par l'intermédiaire de son conseil, M. C..., à M. X..., conseil de Mme Z..., un chèque de 26 500 000 francs CFP émis par la banque à l'ordre de la Caisse autonome de règlement pécuniaire des avocats de Polynésie (CARPAP), en demandant que lui soit délivrée une quittance subrogatoire ; que M. X..., après avoir prélevé sur cette somme les frais et émoluments relatifs à la vente sur saisie, a fait adresser à sa cliente, par voie d'huissier de justice, un chèque d'un montant de 25 965 273 francs CFP ; que celle-ci a refusé le paiement en invoquant la nécessité de l'intervention d'un notaire et en déniant, notamment, à la CARPAP le droit d'être dépositaire des fonds ; que M. X... a remis ce chèque au bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Papeete en lui faisant savoir que, le paiement étant effectif, il refusait désormais de poursuivre la saisie-exécution ; que, le 17 janvier 2004, M. B... a saisi le juge des référés du tribunal de première instance afin que soit ordonné le séquestre de la somme de 25 965 273 francs CFP, et que soit désigné comme administrateur du séquestre le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Papeete, en sa qualité de président de la CARPAP ; Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche : Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la mise sous séquestre de la somme de 25 965 273 francs CFP, et désigné comme séquestre le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Papeete, alors, selon le moyen, qu'en l'absence de mention expresse d'applicabilité, le décret n° 96-610 du 5 juillet 1996 régissant le fonctionnement de la CARPAP n'est pas en vigueur en Polynésie française ; qu'en décidant que le paiement pouvait être effectué par la CARPAP, au lieu d'être déposé dans le compte séquestre prévu par les parties au contrat de prêt, ou au Trésor public, la cour d'appel a violé l'article 1165 du Code civil et l'article 240 du décret du 27 novembre 1991 tel que modifié par le décret n° 96-610 du 5 juillet 1996 ; Mais attendu que le principe de la spécialité de la législation applicable à la Polynésie française s'oppose à ce qu'un texte soit de plein droit applicable sur ce territoire à moins qu'il y ait été déclaré expressément applicable, qu'il ait fait l'objet d'un arrêté de promulgation par le haut-commissaire et qu'il ait été publié au Journal officiel de la Polynésie française ; Attendu que si le décret du 5 juillet 1996, modifiant l'article 240 du décret du 27 novembre 1991, n'a pas été déclaré applicable à la collectivité d'outre-mer de Polynésie française, cet article 240, dans sa rédaction initiale, avait été déclaré expressément applicable dans cette collectivité territoriale et avait fait l'objet d'un arrêté de promulgation par le haut-commissaire, publié au Journal officiel de Polynésie

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Française ; que la cour d'appel a décidé à bon droit que Mme Z... ne pouvait invoquer la prétendue incapacité légale de la CARPAP ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche : Vu l'article 1250 du Code Civil, ensemble l'article 6 de la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 ; Attendu que la subrogation consentie par le créancier qui reçoit son paiement d'une tierce personne doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; que l'endossement de la copie exécutoire à ordre est obligatoirement constaté par acte notarié et porté sur la copie exécutoire elle-même ; Attendu que pour ordonner la mise sous séquestre de la somme de 25 965 273 francs CFP et désigner comme séquestre le bâtonnier de l'Ordre des avocats de Papeete, l'arrêt énonce que le moyen tiré de l'article 1250 n'est pas fondé, l'exigence de rédaction de la quittance subrogative par notaire n'imposant nullement le paiement de la dette devant notaire ; Qu'en statuant ainsi, alors que la subrogation conventionnelle doit être expresse et concomitante au paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ; Condamne MM. B..., A... et X... et Mlle Tepiu A... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de MM. B... et X... ; condamne MM. B..., A... et X... et Mlle Tepiu A..., in solidum, à payer à Mme Z... lal somme de 2 000 euros ; Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille six. Publication : Bulletin 2006 II N° 46 p. 40 Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, du 13 mai 2004

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Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du mardi 21 novembre 2006 N° de pourvoi: 05-22002 Publié au bulletin Déchéance et rejet. M. Ancel., président Mme Monéger., conseiller rapporteur M. Cavarroc., avocat général SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Bouzidi et Bouhanna., avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les arrêts des 5 février 2002 et 3 juin 2004 : Attendu que M. Alain X... s'est pourvu en cassation contre les arrêts avant dire droit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence des 5 février 2002 et 3 juin 2004, en même temps qu'il s'est pourvu contre l'arrêt du 17 août 2005 ; Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre les deux premiers arrêts, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre ces deux décisions ; Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 17 août 2005 : Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : Attendu que Mme Irina Y..., de nationalité biélorusse, a intenté le 9 février 1998 devant le tribunal de grande instance de Toulon, à l'encontre de M. Alain X..., une action en recherche de paternité naturelle pour son fils Mikhail, né le 7 octobre 1993 à Saint-Pétersbourg (Russie) ; que, par le premier arrêt attaqué avant dire droit du 5 février 2002, la cour d'appel a renvoyé l'affaire à la mise en état en vue de rechercher la teneur de la loi bilélorusse applicable ; que, par le deuxième arrêt attaqué avant dire droit du 3 juin 2004, la cour d'appel, estimant les éléments insuffisants, a renvoyé, à nouveau, l'affaire à la mise en état en vue d'établir la preuve du contenu du droit étranger, et, notamment la teneur des articles 17 et 18 de la loi fédérale russe sur les actes d'état civil et leur applicablité à la cause ; que le troisième arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 août 2005) a déclaré l'action de Mme Irina Y... recevable en application de l'article 340-4 du code civil français, alors, selon le moyen : 1 / que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; que dès lors, en retenant qu'était applicable à l'action en recherche de paternité du fils d'Irina Y... l'article 53 du code du mariage et de la famille de la République du "Biélorus" en vigueur à partir du 1er septembre 1999 tout en constatant que cet enfant était né le 7 octobre 1993, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 311-14 du code civil ; 2 / que le juge qui déclare une loi étrangère applicable est tenu de procéder à sa mise en oeuvre et spécialement d'en rechercher la teneur, au besoin avec le concours des parties, sauf à établir son

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impossibilité d'obtenir les éléments nécessaires à la solution du litige ; que dès lors, en retenant que si la loi biélorusse devait s'appliquer ainsi que l'avait dit l'arrêt avant dire droit du 5 février 2002, le droit français redevenait applicable à défaut de renseignements suffisants sur la loi étrangère, nonobstant ses démarches auprès des autorités compétentes ayant consisté à interroger le service des affaires européennes et internationales du ministère de la justice, circonstance qui ne suffisait pas à établir son impossibilité d'obtenir les éléments dont elle avait besoin pour apporter à la question litigieuse la solution donnée par le droit biélorusse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 du code civil et 12 du nouveau code de procédure civile ; 3 / qu'en tout état de cause l'action en recherche de paternité ne peut être intentée dans les deux années qui suivent la rupture du concubinage que si, à défaut de communauté de vie, il est établi des relations stables ou continues pendant la période légale de la conception entre le père prétendu et la mère de l'enfant ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la déchéance de l'action de la mère, qu'un courrier du 20 janvier 1997 permettait de situer la période à laquelle Alain X... et Irina Y... s'étaient rencontrés en 1992, la période de conception du jeune Mikhail né le 7 octobre 1993 se situant début 1993, et que des relations stables et continues avaient existé entre les parties jusqu'en 1997, soit moins de deux ans avant l'assignation du 9 février 1998, ce qui ne caractérisait pas l'existence de relations stables ou continues entre Alain X... et Irina Y... pendant la période légale de la conception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 340-4 du code civil ; Mais attendu, d'abord, que si le juge français qui reconnaît applicable une loi étrangère se heurte à l'impossibilité d'obtenir la preuve de son contenu, il peut, même en matière de droits indisponibles, faire application de la loi française, à titre subsidiaire ; qu'après avoir retenu à bon droit que la loi biélorusse, loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant désignée par l'article 311-14 du code civil, était applicable, la cour d'appel, qui a relevé que, en dépit des démarches faites auprès des autorités compétentes, et notamment au regard des éléments transmis par le service des Affaires européennes et internationales du ministère de la justice, et eu égard à la carence des parties, n'avait pu être établie la teneur du droit étranger, non plus que l'applicabilité en la cause des articles 17 et 18 de la loi fédérale russe, a pu en déduire qu'il convenait d'appliquer le droit français à titre subsidiaire ; Attendu, ensuite, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait produits que la cour d'appel a considéré que le délai de deux ans pour intenter l'action selon l'article 340-4 du code civil n'était pas écoulé en l'espèce et que l'action était recevable ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS : CONSTATE la DECHEANCE du pourvoi formé contre les arrêts des 5 février 2002 et 3 juin 2004 ; REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt du 17 août 2005 ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille six. Publication : Bulletin 2006 I N° 500 p. 445 Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence,

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Cour de cassation chambre criminelle Audience publique du 23 octobre 2013 N° de pourvoi: 13-83499 ECLI:FR:CCASS:2013:CR04500 Publié au bulletin REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant : Statuant sur le pourvoi formé par : - M. Hakim X..., contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de LYON, en date du 5 avril 2013, qui, dans l’information suivie contre M. Halim Y..., du chef de meurtre, a infirmé l’ordonnance du juge d’instruction constatant l’extinction de l’action publique à son égard et a ordonné un supplément d’information ; La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 11 septembre 2013 Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 27 juin 2013, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ; Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du principe non bis in idem, des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, 55 de la Constitution, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 12 de la Convention conclue entre le gouvernement de la République algérienne et le Gouvernement français relative à l’exequatur et à l’extradition signée à Paris le 29 août 1964, 113-2 et 113-9 du code pénal, préliminaire, 6, 593 et 692 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; ”en ce que l’arrêt attaqué a dit que l’action publique à l’encontre de M. X... n’est pas éteinte et ordonné un supplément d’information aux fins notamment de mise en examen ; ”aux motifs qu’en application des dispositions de l’article 113-2, alinéa 1er, du code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République, ce texte consacrant le principe de territorialité de la loi pénale française ; que si aux termes de l’article 6 du code de procédure pénale, l’action publique peut s’éteindre notamment par la chose jugée, aucune disposition de droit interne n’interdit de poursuivre devant les juridictions françaises, un étranger condamné dans son pays pour un crime ou un délit commis sur le territoire de la République française ; qu’en effet, cette exclusion de la règle non bis in idem découle des textes alors que les articles 113-9 du code pénal et 692 du code de procédure pénale n’attachent respectivement l’autorité négative de la chose jugée à une décision étrangère que “dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7” et “dans les cas prévus au chapitre précédent” qui sont relatives à certaines infractions commises en dehors du territoire de la République ; que si la France a ratifié le 4 février 1981 le Pacte international des droits civils et politiques du 19 décembre 1966 dont l’article 14 § 7 dispose dans les termes les plus généraux que “nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays”, ce texte est dépourvu de portée internationale ; que le comité des droits de l’homme

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institué conformément à l’article 28 du dit pacte a ainsi “constaté” que cette disposition “n’interdit les doubles condamnations pour un même fait que dans le cas des personnes jugées dans un Etat donné” ; que l’article 4. 1 du protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure de cet Etat ; que ce texte est donc aussi dépourvu de portée internationale ; que l’article 12 de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964 relative à l’exequatur et à I’extradition ne prévoit pas que la demande de poursuite constitue une renonciation à cette dernière par l’Etat requérant ; que si les traités ou accords ratifiés ou approuvés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois, les dispositions de conventions de jumelage ne sauraient prévaloir sur les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale ; qu’en conséquence, même si M. X..., justifie avoir été poursuivi en Algérie et condamné 30 novembre 2008 par le tribunal criminel d’Annaba à la peine de cinq ans d’emprisonnement du chef de coups et blessures entraînant la mort sans intention de la donner, suite à une dénonciation des autorités judiciaires françaises pour des faits de meurtre commis en août 2003 à Lyon sur la personne de M. Z..., l’action publique à son encontre n’est en l’espèce pas éteinte ; qu’au demeurant il doit être observé d’une part, que contrairement à ce qu’a soutenu M. X..., les juridictions algériennes n’ont nullement disposé du dossier d’instruction puisque l’arrêt de la chambre d’accusation de la Cour d’Annaba a déploré à diverses reprises le défaut de transmission de la procédure d’information diligentée à Lyon, d’autre part, que la France partie requérante n ‘a pas été avisée des suites données à sa demande ce qui a nécessité le 2 mai 2011 la délivrance d’une commission rogatoire internationale par le magistrat instructeur ; 1°) “alors que; nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits ; que la dénonciation aux fins de poursuites, au sens de l’article 12 de la Convention franco-algérienne d’extradition du 29 août 1964, de faits commis sur le territoire français et que l’Etat requis s’engage consécutivement à juger, emporte renonciation de la part de l’Etat requérant à l’exercice de son droit de poursuite et reconnaissance de la chose consécutivement et effectivement jugée à l’étranger ; qu’en refusant de constater l’extinction de l’action publique, alors que M. X... avait été définitivement condamné pour les mêmes faits, sur dénonciation officielle de la France, par un tribunal criminel algérien, à une peine de cinq ans ferme qu’il avait intégralement purgée, la chambre de l’instruction a violé ce texte, ensemble les articles 55 de la Constitution, 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 113-2, 113-9 du code pénal, 6 et 692 du code de procédure pénale ; 2°) “alors que la règle non bis in idem constitue une garantie essentielle du droit à un procès équitable ; qu’aucune poursuite ni aucun nouveau procès ne peut être équitable à l’égard de celui qui a déjà été définitivement condamné pour les mêmes faits, sur demande expresse de l’Etat sur le territoire duquel les faits ont été commis ; qu’en ordonnant la poursuite de l’information en vue de la mise en examen de M. X..., déjà définitivement jugé pour les mêmes faits à l’étranger sur dénonciation officielle de la France, la chambre de l’instruction a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et préliminaire du code de procédure pénale” ; Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, mis en cause pour le meurtre de M. Z..., commis à Lyon, le 10 août 2003, M. X... a fait valoir qu’à la suite de la dénonciation faite par les autorités judiciaires françaises, il avait été définitivement condamné, du chef de coups mortels, par jugement du tribunal criminel d’Annaba (Algérie), en date du 30 novembre 2008, à la peine de cinq ans d’emprisonnement, et qu’il avait exécuté celle-ci ; que, par ordonnance en date du 13 novembre 2012, le juge d’instruction a déclaré l’action publique éteinte à son égard, par l’effet de la chose jugée ; qu’appel a été interjeté ; Attendu que, pour infirmer l’ordonnance, rejeter l’exception de chose jugée et ordonner un supplément d’information, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ; Attendu qu’en se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des articles 113-9 du code pénal, 6 et 692 du code de procédure pénale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; Qu’en effet, d’une part, la dénonciation faite à un Etat étranger, aux fins de poursuites, n’emporte pas renonciation, de la part de l’Etat requérant, à l’exercice de son droit de poursuite ; que, d’autre part,

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en dehors des cas où un texte spécial en dispose autrement, et sous réserve de la déduction, lors de l’exécution de la peine, de la détention subie à l’étranger de la peine qui pourrait être ensuite prononcée par la juridiction nationale, les décisions rendues par les juridictions pénales étrangères n’ont pas, en France, l’autorité de la chose jugée, lorsqu’elles concernent des faits commis sur le territoire de la République ; D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon , du 5 avril 2013