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 Séance 1 Notes de cours de Chahli Meryem  1 DROIT DE LA FAMILLE  COURS DE MME LE PROFESSEUR AYOUB IDRISSI HYND INTRODUCTION GÉNÉRALE CONCEPTS ET DÉFINITIONS Le droit de la famille est l’ensemble des règles qui régissent les relations des personnes unies par des liens de filiation ou d’alliance au regard des différentes institutions familiales telles que le mariage, le divorce, la filiation, et leurs effets : la représentation légale, la capacité, le testament et les successions. Si l’on parle de droit de la famille, on ne trouve nulle définition de  la famille en droit marocain. Il en est de même en droit français où l’on ne trouve aucune définition dans le code civil. Les seules disciplines qui définissent la famille sont  des disciplines de sociologie. Les définitions ont pour source le droit international et les droits de l’homme. Ainsi, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) définit la famille en tant que cellule de base et unité naturelle de la société qui a droit à la protection de l’Etat et de la société. De même, le Pacte Inter national des Droits Civils et politiques de 1966 retient la même définition. La convention des droits de l’enfant de 1989 reprend cette définition dans son préambule et y ajoute que c’est l’environnement naturel pour l’épanouissement et le développement de  l’enfant. L’étude de ce droit, en plus de recourir à des notions sociologique s, nécessite une approche historique afin d’appréhender son évolution constante.  CODIFICATION DU DROIT MUSULMAN ET ÉVOLUTION DU DROIT DE LA FAMILLE Avant l’adoption du code de la famille en 2004, le Maroc était régi par les dispositions du code du statut personnel de 1957-1958, ce dernier étant la première compilation législative que connaît le Maroc dans ce domaine. En effet, avant son adoption, les relations familiales et les règles les régissant aussi bien au niveau personnel que patrimonial étaient régies par les dispositions du droit musulman, et plus précisément de rite malékite. A l’indépendance, le Maroc ne voulait pas rester étranger au mouvement de codification entrepris  dans de nombreux pays musulmans (Egypte, Tunisie, Syrie ...). C’est ainsi que le 19 aout 1957, une commission d’Oulémas a été instituée par feu le roi Mohammed V, présidée par feu le roi Hassan II et dont la rapporteur était feu Allal El Fassi. Cette commission avait pour mission de revivifier la culture musulmane, mise à mal par des années de protectorat, en élaborant une véritable législation musulmane centrée sur la famille, qui est demeurée le bastion de l’Islam et de la tradition au Maroc. Cette élaboration passe par une codification du droit musulman d’obédience malékite, jugé assez riche pour produire une législation complète. Il s’agissait également d’opérer un «  nettoyage », c'est-à-dire de se départir des différentes coutumes locales qui sont venues se greffer au droit musulman, voire le supplanter, et ce dans le but de simplifier, et d’unifier la pratique du droit au sein du Royaume. Feu Mohammed V a ainsi réclamé un retour aux fondamentaux du rite malékite.

Introduction au droit de la famille

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Ayoubi Idrissi HyndUniversité Mohammed V SouissiDroit en françaisNotes de cours

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  • Sance 1 Notes de cours de Chahli Meryem

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    DROIT DE LA FAMILLE

    COURS DE MME LE PROFESSEUR AYOUB IDRISSI HYND

    INTRODUCTION GNRALE

    CONCEPTS ET DFINITIONS

    Le droit de la famille est lensemble des rgles qui rgissent les relations des personnes unies par des liens de filiation

    ou dalliance au regard des diffrentes institutions familiales telles que le mariage, le divorce, la filiation, et leurs effets :

    la reprsentation lgale, la capacit, le testament et les successions.

    Si lon parle de droit de la famille, on ne trouve nulle dfinition de la famille en droit marocain. Il en est de mme en

    droit franais o lon ne trouve aucune dfinition dans le code civil. Les seules disciplines qui dfinissent la famille sont

    des disciplines de sociologie.

    Les dfinitions ont pour source le droit international et les droits de lhomme. Ainsi, la Dclaration Universelle des Droits

    de lHomme (1948) dfinit la famille en tant que cellule de base et unit naturelle de la socit qui a droit la

    protection de lEtat et de la socit. De mme, le Pacte International des Droits Civils et politiques de 1966 retient la

    mme dfinition. La convention des droits de lenfant de 1989 reprend cette dfinition dans son prambule et y ajoute

    que cest lenvironnement naturel pour lpanouissement et le dveloppement de lenfant.

    Ltude de ce droit, en plus de recourir des notions sociologiques, ncessite une approche historique afin

    dapprhender son volution constante.

    CODIFICATION DU DROIT MUSULMAN ET VOLUTION DU DROIT DE LA FAMILLE

    Avant ladoption du code de la famille en 2004, le Maroc tait rgi par les dispositions du code du statut personnel de

    1957-1958, ce dernier tant la premire compilation lgislative que connat le Maroc dans ce domaine. En effet, avant

    son adoption, les relations familiales et les rgles les rgissant aussi bien au niveau personnel que patrimonial taient

    rgies par les dispositions du droit musulman, et plus prcisment de rite malkite.

    A lindpendance, le Maroc ne voulait pas rester tranger au mouvement de codification entrepris dans de nombreux

    pays musulmans (Egypte, Tunisie, Syrie ...). Cest ainsi que le 19 aout 1957, une commission dOulmas a t institue

    par feu le roi Mohammed V, prside par feu le roi Hassan II et dont la rapporteur tait feu Allal El Fassi.

    Cette commission avait pour mission de revivifier la culture musulmane, mise mal par des annes de protectorat, en

    laborant une vritable lgislation musulmane centre sur la famille, qui est demeure le bastion de lIslam et de la

    tradition au Maroc. Cette laboration passe par une codification du droit musulman dobdience malkite, jug assez

    riche pour produire une lgislation complte. Il sagissait galement doprer un nettoyage , c'est--dire de se

    dpartir des diffrentes coutumes locales qui sont venues se greffer au droit musulman, voire le supplanter, et ce dans

    le but de simplifier, et dunifier la pratique du droit au sein du Royaume. Feu Mohammed V a ainsi rclam un retour

    aux fondamentaux du rite malkite.

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    Cette codification musulmane qui devait englober tous les domaines du droit a fini par ne concerner que le statut

    personnel. Cest ainsi quen 1958, un an peine aprs la constitution de cette commission, est promulgu le 5me

    Dahir

    concernant le statut personnel, donnant jour au premier code de la famille proprement parler.

    Peut-on pour autant parler dun droit de la famille exclusivement musulman ? Clairement non car il faut garder lesprit

    que le Maroc, pays multiculturel et multiconfessionnel, disposait lpoque dune importante communaut juive, qui

    ntait pas soumise au droit musulman, mais obissait des rgles de droit hbraques. Dautres part, nous ne pouvons

    pas dire que ce droit est purement musulman tout simplement car au sein mme des rudits existent des

    interprtations divergentes et des dissidences.

    Il nen reste pas moins que le code du statut personnel de 1957-58 est celui qui a le plus respect les prceptes du droit

    musulman de rite malkite, les rares emprunts y figurant tant issus dautres rites, et pour cause, ce code nest quune

    reprise de ce droit sous forme de digeste permettant de mettre entre les mains des praticiens un code uniforme et

    facile dutilisation (en lieu et place des diffrentes sources de droit malkite). En comparaison, le code du statut

    personnel tunisien (le Majallat de 1957) est jug lac pour avoir supprim des dispositions de droit musulman telles que

    la polygamie.

    Si lon considre que ce code na pas eu des apports notables, il garde le mrite davoir consacr des dispositions

    pertinentes considres lpoque comme une rvolution :

    Linstitution dun ge de majorit matrimoniale : 15 ans pour les femmes et 18 pour les hommes, sans dispense

    lgale possible (comme cest le cas aujourdhui), et ce pour lutter contre le mariage des impubres.

    Le consentement comme condition de fond du mariage : le vice de consentement entrainant la nullit absolue

    du mariage, dans le but de lutter contre la contrainte matrimoniale ( al jabr ).

    La dot proprit exclusive de lpouse : contrairement aux orientalistes qui considraient que la dot tait une

    contrepartie pcuniaire l achat dune pouse, ce nouveau code insiste sur le ct symbolique de la dot

    et prcise que celle-ci ne revient personne dautre que lpouse (sur laquelle par ailleurs ne pse aucune

    obligation dapport de trousseau ou autre, celle-ci pouvant mme refuser la consommation du mariage tant

    que la dot promise na pas t perue).

    Linstauration de la tutelle dative : nouveaut par rapport la tutelle lgale (celle des parents), et la tutelle

    testamentaire (tuteur dsign par le dfunt parent), le tuteur peut tre dsign par le juge (des tutelles) dans

    lintrt de la protection des droits de lenfant.

    Malgr ces apports, le code du statut personnel vhiculait le modle dune famille patriarcale o lautorit revient au

    pater familias. Dans son article 1, ce code disposait que lobjectif du mariage tait de fonder une famille sous la tutelle

    de lpoux et pre . Il sagissait l de sauvegarder et de perptuer le modle de la famille traditionnelle . Ce modle

    de famille traditionnelle se caractrise galement par des dispositions telles que la polygamie et la rpudiation qui

    fragilisent la cellule familiale et linstitution du mariage.

    Les diffrentes tentatives de rforme ont successivement chou en 1961, 1963, 1979 et 1989. Il aura fallu attendre

    1993, loccasion de la signature de plusieurs traits internationaux, pour oprer une rformette . En effet, face la

    rsistance des conservateurs (qui craignaient tout changement et apparentaient toute volution une influence

    occidentale nfaste), et de celle des modernistes (parmi lesquels les lacs qui dsiraient la sparation du systme

    lgislatif de ses sources religieuses et les progressistes qui dsiraient une volution plus souple du droit toujours

    dans le respect du droit musulman -), aucune mesure majeure na t prise. En revanche, cette rforme a eu le bnfice

    considrable de dsacraliser le droit de la famille et de casser son image de droit intouchable .

    Cette premire exprience de scission de lopinion publique a t ritre loccasion du projet de plan dintgration

    de la femme au dveloppement en 2000, tel point que le roi a du sinterposer en arbitre (en recevant les dolances

    des diffrentes parties). Ce projet a par la suite t abandonn. Il faudra attendre 2004 pour assister une rvolution.

    On passe alors dun code du statut personnel (aux connotations individualistes) un code de la famille, lgislation plus

    globale o la part belle sera accorde aux femmes, ne sintressant plus leur statut , mais leurs droits .