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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL ANALYSE DU PROCESSUS D’ÉMERGENCE ET DE DÉVELOPPEMENT DES INDICATEURS DU BÂTIMENT DURABLE : LE CAS DU QUÉBEC THÈSE PRÉSENTÉE COMME EXIGENCE PARTIELLE PAR AHMED DRIDI MONTRÉAL, LE 23 DÉCEMBRE 2016

irec.quebec  · Web viewTout d’abord, mes remerciements sans limites et ma gratitude profonde vont à ma directrice de thèse, Madame Andrée De Serres, professeure au Département

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CHAPITRE I

universit du qubec montral

ANALYSE DU PROCESSUS DMERGENCE ET DE DVELOPPEMENT DES INDICATEURS DU BTIMENT DURABLE: LE CAS DU QUBEC

thse

prsente

comme exigence partielle

du doctorat en ADMINISTRATION DES AFFAIRES

par

AHMED DRIDI

Montral, le 23 Dcembre 2016

456

457

LUniversit nentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans cette thse. Ces opinions doivent tre considres comme propres lauteur.

Qui naime pas gravir la montagne, vivra ternellement au fond des valles.

(Abou El Kacem Chebbi)

mes parents

Remerciements

La priode de la thse reprsente un moment particulier dans la vie du chercheur. De nombreuses personnes mritent dtre chaleureusement remercies pour leur prsence, leur contribution et leur appui tout au long de ce marathon. Jai eu la chance de raliser mon travail doctoral au sein dun environnement favorisant les changes et les rencontres avec plusieurs personnes qui je prsente mes sincres remerciements.

Tout dabord, mes remerciements sans limites et ma gratitude profonde vont ma directrice de thse, Madame Andre De Serres, professeure au Dpartement de stratgie, responsabilit sociale et environnementale lESG UQAM qui ma donn loccasion de conduire sous sa direction les travaux de recherche, a patiemment lu et comment tous mes crits et ma tout le temps fait bnficier de ses rflexions et de ses prcieuses recommandations. Durant ces six annes, elle a su me soutenir tout au long dun parcours sinueux avec son aide prcieuse, sa disponibilit, sa gnrosit et ses encouragements. Critique, mais bienveillante, toujours lcoute, MmeAndre a constamment eu lesprit les termes justes pour menthousiasmer et me transmettre lenvie daller de lavant dans ma rflexion.

Je tiens exprimer toute ma reconnaissance Madame la professeure Hlne Sicotte, professeure lcole des sciences de la gestionde lUQAM, pour ses encouragements, ses conseils, ses commentaires prcieux et surtout pour le temps quelle a bien voulu consacrer au cours des trois phases de ma thse.

Je remercie sincrement les autres membres de mon jury de soutenance de thse, monsieur Luciano Barin Cruz, professeur HEC Montral et monsieur David Talbot, professeur lcole nationale dadministration publique qui mont fait lhonneur de siger ce jury.

Je ddie une pense toute particulire mes parents qui mont inculqu la persvrance ainsi que des valeurs dquit et de justice sociale. Ils mont guid tout au long de ma vie et mont toujours cout, encourag et support dans les bons comme dans les mauvais moments.

Je remercie ma famille, mes amis en Tunisie et au Canada et partout ltranger, qui ont toujours su stimuler ma motivation profonde pour la ralisation de ce travail travers le contact maintenu et le soutien moral trs fort. Cette thse vous est aussi ddie.

Je tiens galement remercier mes collgues de lUQAM et limpeccable quipe de la chaire Ivanho Cambridge dimmobilier pour leur soutien, leur empathie, leur gentillesse et leur affection. Je remercie tous les professionnels qui ont particip mon tude et mont aussi accord de leur prcieux temps malgr leur charge de travail considrable. vous tous, merci!

Ce projet a finalement t rendu possible grce lappui financier de la Chaire Ivanho Cambridge, de la bourse Fernand Perreault, de la bouse de la Fondation de lUQAM, de la bourse dexcellence ESG et de la bourse Robert Sheitoyan.

Je tiens remercier lensemble des personnes qui mont apport toute sorte de soutien.

Puissent toutes les personnes susmentionnes de trouver ici lexpression de ma sincre et indfectible gratitude.

TABLE DES MATIRES

Liste des figuresx

liste des tableauxxii

LISTE DES ABRVIATIONS, SIGLES ET Accronymesxiv

Rsumxvi

EXECUTIVE SUMMARYxix

introduction gnrale1

1.1Contexte de la recherche1

1.2Motivation et nonc du problme6

1.3Questions et objectifs de recherche9

1.4Choix mthodologique et principaux rsultats de la recherche11

1.5Organisation de la thse14

chapitre I17

DMARCHE pistmologique et Mthodologique17

introduction17

1.1 Positionnement ontologique et pistmologique de la recherche18

1.1.1Positionnement ontologique18

1.1.2Positionnement pistmologique20

1.2 Mthodologie de la recherche25

1.2.1Le type de la recherche: la description25

1.2.2La mthode qualitative27

1.2.3La stratgie de dcouverte31

1.3Oprationnalisation de la recherche35

1.3.1Stratgie de cueillette de donnes36

1.3.2Rcolte des donnes documentaires36

1.3.3Entrevues semi-diriges38

1.3.4chantillonnage40

1.3.5Guide dentrevue45

1.4 Mthode danalyse des donnes47

1.4.1Dfinition et objectifs48

1.4.2Analyse de contenu de type thmatique49

1.4.3tapes de lanalyse thmatique50

1.4.4Choix dune unit de codage51

1.4.5Conception des catgories52

1.4.6 Processus de codage54

1.5Analyse de donnes57

1.6 Vrification des conclusions de la recherche58

1.7 Scientificit et thique de la recherche59

1.7.1Les critres de la scientificit de la recherche60

1.7.2La validit61

1.7.3La fiabilit de la recherche67

1.7.4Lthique de la recherche71

1.8 Dmarche gnrale et synopsis de la recherche73

Conclusion du chapitre 176

CHAPITREII77

LMERGENCE ET LE DVELOPPEMENT DE LA MESURE DE LA PERFORMANCE DES GRANDS BTIMENTS LCHELLE INTERNATIONALE77

Rsum77

introduction79

2.1Du dveloppement durable au btiment durable82

2.1.1Le dveloppement durable83

2.1.2La construction durable90

2.1.3La typologie des btiments performants98

2.1.4Le btiment durable et le btiment vert102

2.1.5Les rfrentiels ISO/CEN et le btiment durable107

2.1.6Le cycle de vie dun btiment durable111

2.1.7Lanalyse du cycle de vie dun btiment durable113

2.1.8Unit de mesure117

2.1.9Conclusion120

2.2Mesure de la performance de durabilit du btiment121

2.2.1Les outils/rgimes/systmes par rapport aux mthodes dvaluation123

2.2.2Les caractristiques des mthodes et des systmes de mesure de la performance 127

2.2.3Les critres et les indicateurs de mesure de la performance129

2.3Cadre thorique132

2.3.1Recherche sur le contenu133

2.3.2Recherche sur le processus134

2.3.3Recherche pour dcrire136

2.3.4Conclusion137

2.4Mthodologie de recherche138

2.4.1La phase didentification139

2.4.2La phase danalyse de screening140

2.4.3La phase de la slection des mthodes/systmes applicables142

2.4.4Conclusion143

2.5Rsultats144

2.5.1Lapproche de processus dvolution des systmes de notation158

2.5.2Lapproche de contenu et les systmes de BREEAM et de LEED169

2.5.3Conclusion205

2.6Discussion206

Conclusion du chapitre ii213

chapitre III215

mesure de la performance des grands btiments au Canada et au qubec215

Rsum215

introduction217

3.1Cadre thorique et mthodologie221

3.1.1Thorie de diffusion et dadoption dinnovation222

3.1.2Mthodologie239

3.2 Revue de la littrature240

3.2.1Les codes et les programmes de construction durable au Canada240

3.2.2Les mthodes dvaluation et les systmes de notation au Canada252

3.3Rsultats258

3.3.1Building Environmental Standards: BOMA BESt258

3.3.2volution du programme BOMA BESt261

3.3.3Leadership in Energy and Environmental Design (LEED)264

3.3.4volution du systme LEED267

3.3.5Comparaison entre les systmes BOMA BESt et LEED269

3.3.6Diffusion et adoption de BOMA BESt et de LEED au Canada281

3.3.7Diffusion et adoption de BOMA BESt et de LEED au Qubec287

3.4Analyse des donnes qualitatives295

3.4.1Le processus de la diffusion des certifications296

3.4.2La catgorie des innovateurs298

3.4.3Le processus de la diffusion des indicateurs305

3.4.4Le processus de la diffusion de linnovation et de la crativit des mesures de la performance318

3.4.5Ladoption des systmes LEED et BOMA BESt326

3.5Discussion343

Conclusion du chapitre III348

chapitreIV350

Les motivations et les obstacles de lvolution de la mesure du btiment durable au Qubec350

Rsum350

introduction352

4.1Thorie institutionnelle356

4.1.1La thorie institutionnelle sociologique357

4.1.2Le processus dinstitutionnalisation360

4.1.3Le processus dinstitutionnalisation des pratiques et des indicateurs de mesure de la performance362

4.2Mthodologie de recherche365

4.3Revue de la littrature367

4.3.1Les motivations de la mise en uvre des pratiques et des indicateurs de la durabilit368

4.3.2Les obstacles la mise en uvre des pratiques et des indicateurs de la durabilit..404

4.4 Rsultats443

4.4.1Les facteurs de motivation443

4.4.2 Les facteurs dobstacles474

4.4.3Discussion des rsultats498

Conclusion du chapitre IV504

chapitre V508

Synthse des rsultats et contributions507

introduction507

5.1Synthse et analyse des rsultats de la recherche508

5.1.1Synthse des rsultats de la recherche508

5.1.2Analyse des rsultats de la recherche516

5.2Contribution de la recherche522

5.2.1Apports thoriques522

5.2.2Apports mthodologiques524

5.2.3Apports conceptuels526

Conclusion Gnrale528

Annexe A Guide dentrevue semi-dirige534

ANNEXE B Fiche didentification du rpondant535

ANNEXE c lettre dinvitation536

ANNEXE D Arbre de Codage537

ANNEXE E Projets de construction AU Canada et Au Qubec538

ANNEXE F Les catgories dimmeubles539

BIBLIOGRAPHIE541

Liste des figures

FigurePage

Figure1 Design de recherche75

Figure1.1 Frontires du btiment durable111

Figure1.2 Dclinaisons du dveloppement durable vers la mesure de performance de btiment durable121

Figure1.3 Critres danalyse de screening142

Figure1.4 Rpartition gographique des outils identifis selon les continents145

Figure1.5 volution des outils disponibles selon les annes146

Figure1.6 Dveloppement des systmes de notation147

Figure1.7 Processus du dveloppement des systmes de notation de grands btiments160

Figure1.8 volution des versions BREEAM et LEED173

Figure1.9 volution des catgories des versions de BREEAM175

Figure1.10 volution des catgories des versions de LEED NC184

Figure1.11 Catgories et pondrations de BREEAM et LEED196

Figure3.1 Courbe de diffusion de linnovation (adapt de Rogers, 1995, p.11)229

Figure3.2 Catgorisation des adoptants dune innovation selon Rogers (1995)230

Figure3.3 Implantation des programmes verts pour le secteur du btiment au Canada253

Figure3.4 Pointages BOMA BESt par section dvaluation: module dimmeuble de bureaux260

Figure3.5 volution du nombre de certificats BOMA BESt et LEED au Canada282

Figure3.6 volution du nombre de BOMA BESt et de LEED au Canada282

Figure3.7 Cumulative de LEED et de BOMA BESt au Canada286

Figure3.8 volution du nombre de certifications de BOMA BESt et de LEED au Qubec287

Figure3.9 volution du nombre de certifications de BOMA BESt et de LEED au Qubec288

Figure3.10 volution du nombre de certifications de BOMA BESt au Qubec289

Figure3.11 volution de BOMA BESt par catgorie290

Figure3.12 Cumulative de BOMA BESt au Qubec291

Figure3.13 volution du nombre de certifications LEED au Qubec293

Figure3.14 volution de LEED par Catgorie293

Figure3.15 Cumulative de LEED au Qubec294

Figure5.1 Rsultats de la requte des frquences de mots517

liste des tableaux

TableauPage

Tableau1 Synthse des sous-questions, des objectifs et des approches adoptes dans chaque chapitre16

Tableau1.1 Les diffrents paradigmes pistmologiques23

Tableau1.2 Panoplie de dfinitions de formes de raisonnement scientifique32

Tableau2.1 Les vnements, les publications et les discours ayant marqu le dveloppement durable87

Tableau2.2 Diffrence dtaille entre la construction verte et la construction durable97

Tableau2.3 Typologie et dfinition des principaux concepts des btiments performants100

Tableau2.4 Diffrence dtaille entre le btiment durable et le btiment vert105

Tableau2.5 ISO et le btiment durable108

Tableau2.6 Principales exigences normalises pour lvaluation environnementale des btiments110

Tableau2.7 Normes ISO se rapportant lACV114

Tableau2.8 Facteurs et attributs communs des systmes dvaluation132

Tableau2.9 Base de lvolution des certifications148

Tableau2.10 Mthodes dvaluation pour les grands btiments152

Tableau2.11 Pondrations de BREEAM2006, 2008, 2011 et 2014174

Tableau2.12 Nouveaux crdits BREEAM NC2014177

Tableau2.13 volution des catgories et des pondrations de versions LEED NC182

Tableau2.14 Nouveaux crdits de la versionv4190

Tableau2.15 Comparaison sommaire entre BREEAM et LEED192

Tableau2.16 Nombre de projets certifis BREEAM et LEED193

Tableau2.17 Catgories et pondrations de BREEAM et de LEED195

Tableau2.18 Critres de BREEAM2014 et LEEDv4199

Tableau2.19 Synthse des critres202

Tableau3.1 Principaux codes du btiment et les codes nergtiques au Canada244

Tableau3.2 Principaux programmes nergtiques pour les btiments au Canada245

Tableau3.3 Mthodes et systmes de notation pour les grands btiments255

Tableau3.4 Pointages BOMA BESt: Module dimmeuble de bureaux264

Tableau3.5 Structure de BOMA BESt et de LEED272

Tableau3.6 Comparaison des cots pour un btiment de 150,000m2274

Tableau3.7 Principaux avantages de BOMA BESt et de LEED276

Tableau3.8 Fonctionnement de BOMA BESt et de LEED278

Tableau3.9 La diffusion des indicateurs environnementaux307

Tableau3.10 Les indicateurs des mesures de la QEI312

Tableau3.11 Les indicateurs sociaux313

Tableau3.12 Pratiques exemplaires de dveloppement culturel317

Tableau3.13 Paramtres explicatifs de ladoption de LEED et BOMA BESt343

Tableau4.1 Les tudes existantes sur les facteurs de motivation des btiments durables396

Tableau4.2 Les tudes existantes sur les facteurs dobstacles des btiments durables429

Tableau4.3 Synthse des facteurs de motivation440

Tableau4.4 Synthse des facteurs dobstacle441

Tableau4.5Les facteurs de motivations conomiques/financires457

Tableau4.6Les facteurs de motivations environnementaux460

Tableau4.7Les facteurs de motivation sociaux463

Tableau4.8 Les rglementations et les incitatifs466

Tableau4.9Les autres facteurs de motivations471

Tableau4.10 Synthse des facteurs de motivation473

Tableau4.11Les autres facteurs dobstacles conomiques et financiers480

Tableau4.12 Les autres facteurs dobstacles socioculturels et du march487

Tableau4.13 Les facteurs dobstacle du groupe politique et rglement488

Tableau4.14 Rsum des facteurs dobstacles497

LISTE DES ABRVIATIONS, SIGLES ET Accronymes

ACV: analyse du cycle de vie

ASHRAE: American Society of Heating,Refrigerating and Air-Conditioning Engineers

BESt: Building Environmental Standards

BOMA: Building Owners and Managers Association

BRE: Building Research Establishment

C: degr Celsius

CaGBC: Canada Green Building Council

CBDCa: Conseil du btiment durable du Canada

CEN: Comit europen de normalisation

CMNEB: Code modle national de lnergie pour les btiments

CNEB: Code national de lnergie pour les btiments

CO2: dioxyde de carbone

COV: composs organiques volatils

CVC: chauffage, ventilation et climatisation

GBCI: Green Building Certification Institute

GES: gaz effet de serre

GIEC: Groupe dexperts intergouvernemental sur lvolution du climat

ISO: International Organization for Standardization

LEED BE: E&E: LEED Canada pour Btiments Existants: Exploitation & Entretien

OCDE: Organisation de Coopration et de Dveloppement conomiques

ONU: Organisation des Nations unies

PIB: Produit intrieur brut

QEI: qualit de lenvironnement intrieur

RSE: responsabilit sociale de lentreprise

UNEP: United Nations Environment Programme

USGBC: U.S. GreenBuilding Council

WGBC: World Green Building Council

Rsum

Lengouement mdiatique, politique et social, voire mme artistique, qui sest forg pour le btiment durable depuis quatre dcennies sest transform progressivement en une obligation que les diffrents acteurs de nos socits modernes doivent maintenant prendre en considration. Ainsi, nous nous sommes permis de proposer la question suivante: Comment a merg et sest dveloppe la mesure de la performance du btiment durable? . Cest la question principale de cette thse doctorale. Dans notre recherche, nous nous appuyons sur les constats de certaines lacunes dans les domaines thorique et pratique.

Sur le plan thorique, il semble quil ny ait pas de recherche connue au Qubec qui traite particulirement du dveloppement de la mesure de performance du btiment durable. Et malgr les bnfices concrets raliss et les motivations cls de lintgration de ces mesures, plusieurs dfis sont relis leur dveloppement et leur application sur le plan pratique. Dans ce contexte, et dans le but de pallier ces diverses lacunes, nous avons choisi de centrer notre rflexion sur ltude de la mesure de performance du btiment durable lchelle internationale pour mieux saisir les particularits de son dveloppement spcifique au Qubec. Concrtement, nous cherchons comprendre, dans cette recherche, comment a merg et sest dveloppe la mesure de performance du btiment durable tant lchelle internationale quau Qubec?

Ce travail sinscrit dans une posture pistmologique positiviste se refltant dans une dmarche prdominante de description. Lensemble de la mthodologie repose sur une dmarche danalyse qualitative avec une logique de raisonnement abductive. Nous avons eu recours quatre thories complmentaires: la thorie de processus, la thorie de contenu, la thorie de diffusion et dadoption de linnovation et la thorie institutionnelle. Nous avons procd dabord lanalyse de la littrature acadmique sur les contraintes et les motivations. Ce qui a permis didentifier les facteurs dexplication de lvolution de la mesure de performance lchelle internationale. Par la suite, quarante-cinq entrevues semi-directives ont t conduites auprs des praticiens-experts immobiliers impliqus dans le btiment durable au Qubec, entrevues transcrites et codes en deux tapes avec le logiciel danalyse textuelle Nvivo.

Notre recherche a permis didentifier la prsence de 649 outils de mesure de la performance de btiments lchelle mondiale et de 506 certifications dont les plus importantes au plan international sont LEED, BOMA BESt, HQE, BREEAM, CASBEE, DGNB, etc. Elle a aussi permis dexpliquer le processus de dveloppement complexe et hrditaire de ces certifications qui se fonde sur un modle itratif sarticulant en trois phases fondamentales. La premire phase consiste en lmergence de systmes de notation mettant laccent sur les aspects environnementaux. La deuxime phase montre lintgration des aspects conomiques dans les systmes de notation. Enfin, la troisime phase marque la prise en considration des dimensions sociales et culturelles dans les nouvelles versions des systmes de notation. Et par le biais de notre recherche, nous avons pu identifier les caractristiques qui expliquent ladoption des deux certifications de btiment durable les plus utilises au Qubec et au Canada, soit LEED et BOMA BESt. Ces derniers sont diffuss grce aux caractristiques suivantes: lavantage relatif, la simplicit et lobservabilit des rsultats.

Nos constats dmontrent cependant que le seuil de certification des btiments y demeure peu lev; le nombre dimmeubles certifis ne dpasse pas un pour cent (1%) de lensemble du parc existant. Nous avons analys les raisons qui expliquent ce faible taux. Ce qui nous a permis didentifier trente-sept facteurs de motivation et vingt-quatre facteurs obstacles lintgration des pratiques et des indicateurs durables avec une prgnance des facteurs conomiques et financiers. Les rsultats de cette tude recouvrent des recommandations aussi bien pratiques quacadmiques et constituent un noyau autour duquel se greffe lengouement des pratiques et des mesures de la performance durables. Enfin, le processus dvolution de limmobilier est marqu par un passage du concept du btiment vert celui durable, pour aboutir enfin au btiment sain.

Mots cls: processus dvolution, mesure de la performance, indicateurs et pratiques durables, btiment durable, certification, obstacles et motivations.

EXECUTIVE SUMMARY

Overthepast four decades, the medias growinginterest, as well as the political, social and even artistic interest forsustainablebuilding, evolved progressively into an obligation for which, the various stakeholders of our modern societies, must now take into consideration. How the sustainable building performance measures have emerged and developed? It is the main question of this doctoral thesis. Through our research, we will demonstrate certain gaps between the theoretical and practical fields.

From a theoretical perspective, there doesnt seem to be any research in Quebec dealing specifically with the development of sustainable building performance measurement, despite the tangible expected benefits and the key motivations for the integration of these measures. Their development and their practical application encountered several challenges. Within this context, and in order to understand these various gaps, we have chosen to focus our research on the study of performance measurement of sustainable building at the International scale to better understand its particular development in Quebec. Therefore, this research is meant to indicate how the measure of sustainable building performance has emerged and developed in Qubec.

Using a positivist epistemological position, reflected in a predominant descriptive approach, the entire methodology is based on a qualitative analysis with an abductive reasoning logic. We have used four complementary theories: the theory of processes, the theory of content, the theory of diffusion and adoption of innovation and the institutional theory. Firstly, we analyzed the academic literature related to both, the constraints and the motivations permitting to understand the explanatory factors of the evolution of the performance measures, at the international level. Secondly, we conducted forty-five semi-directive interviews with real estate practitioners and experts involved in sustainable building in Quebec. The interviews have been transcribed and coded in two stages with Nvivo text analysis software.

Our research has identified 649 existing global performance measurement tools and 506 certifications. The most internationally recognized are LEED, BOMA BESt, HQE, BREEAM, CASBEE, DGNB, etc. Our research also permits to explain the process of "complex" and "hereditary" development of these certifications, based on an "iterative" model articulated around three fundamental phases. The first phase consists of the emergence of rating systems with an emphasis on environmental aspects. The second phase shows the integration of economic aspects into the rating systems. Finally, the third phase integrates the consideration of the social and cultural dimensions in the new versions of the rating systems. Our research allows us to identify the characteristics that explain the adoption of the two most used sustainable building certifications in Quebec and Canada, LEED and BOMA BESt. They are recognized for the following characteristics: the relative advantage, the simplicity and the observability of the results.

However, our finding results indicate that the certification threshold for buildings is remaining low, the number of certified buildings does not exceeding one per cent (1%) of the total existing fleet. We have analyzed the reasons for this low rate. Our analysis identified thirty-seven motivators and twenty-four barriers to the integration of sustainable practices and indicators, with an emphasis on economic and financial factors. The results of this study include practical and academic recommendations and constitute an emerging nucleus where the enthusiasm and fascination for sustainable practices and performance measures can develop. Finally, the real estate development process dmonstrates that there is an evolution from the "green" building to the "sustainable" concept and ultimately to the "healthy" building.

Keywords: evolution process, performance measurement, sustainable indicators and practices, sustainable building, certification, barriers and motivations.

introduction gnrale

Cette introduction dcrit le contexte et la motivation de la recherche, la question, les objectifs ainsi que lorganisation de notre thse.

1.1Contexte de la recherche

Le btiment rpond un besoin essentiel des tres humains. Il assume aussi une fonction importante pour les entreprises, les gouvernements et les autorits publiques ainsi que pour tous les acteurs de lconomie sociale. Il se retrouve incontestablement au cur de la vie conomique, politique et sociale. Alors que les fondements de notre dveloppement conomique et social sont rorients vers un dveloppement plus durable, cherchant rduire les impacts environnementaux et cologiques qui y sont associs, il savre urgent dapprendre appliquer ce concept au btiment et limmobilier et dvelopper des moyens et des mesures pour le faire. Cette thse sinscrit dans cet esprit.

Paradoxalement, alors que nous avons choisi aux fins de cette thse dexplorer le concept de btiment durable, notre civilisation industrielle naurait plus que quelques dcennies de survie et elle serait voue seffondrer et disparaitre, selon des experts de la National Aeronautics and Space Administration (NASA)[footnoteRef:1] (The Guardian, 2014). La NASA a identifi plusieurs causes lorigine de ce dclin, notamment lpuisement et la surexploitation des ressources naturelles, qui causeront un effondrement abrupt de notre civilisation. Ce scnario de la chute des civilisations ressemble celui quont vcu nos prcurseurs, les Mayas, lempire Msopotamien, lEmpire romain et la dynastie Han, etc. Une telle menace est prise au srieux par les parties prenantes (socits civiles, gouvernements, secteurs privs, etc.). Ce dsastre imminent trouve son origine par la recherche, de plus en plus difficile, dun quilibre entre la demande de matires premires servant satisfaire les besoins primaires (alimentation, habillement, logement, nergie), dun ct, et les limites de lenvironnement, dun autre ct. Compte tenu des abus des ressources naturelles disponibles par lhomme, leffet de ces impacts et ces problmes environnementaux anthropiques se sont accentus surtout la suite des progrs technologiques et de laccumulation de la richesse matrielle par des segments spcifiques de la population mondiale (Bennett, 1984). [1: Communiqu de presse disponible sur le site web de The Guardian : http://www.theguardian.com/environment/earth-insight/2014/mar/14/nasa-civilisation-irreversible-collapse-study-scientists, consult le 10 novembre 2014.]

La proccupation de limpact ngatif caus par les humains sur leur propre environnement est devenue, aujourdhui, non seulement un sujet de conversation quotidien, mais aussi un sujet de dbat social repris par la sphre politique et par la couverture mdiatique mondiale. Notre socit est devenue plus consciente de la dgradation de lenvironnement et des menaces possibles pour le bien-tre humain. Depuis quelque temps, certaines personnes ont commenc remettre en cause leurs points de vue et leurs hypothses de base de la croissance conomique et du dveloppement (Du Pisani, 2006). Des discussions instructives ont mis en cause les impacts sur lenvironnement naturel causs par les activits des secteurs industriels et de transports ainsi que par lindustrie du btiment, impacts qui ont continu daugmenter dans des proportions importantes au cours des deux dernires dcennies. Les impacts environnementaux ngatifs du secteur du btiment contribuent la pollution plantaire, au changement climatique (Alyamia et Rezguib, 2012), lappauvrissement par lrosion des sols, la dsertification, leutrophisation, lacidification, lappauvrissement de la biodiversit, la dispersion de substances toxiques et lpuisement des matires premires (Kibert, 2008). Parmi ces impacts, rappelons que le changement climatique est, ds lors, un sujet plus que jamais dactualit et la lutte demeure toutefois une source de proccupations grande chelle.

Le secteur dimmobilier, en plus dtre un contributeur majeur au dveloppement non durable du fait de ses impacts nfastes au plan environnemental et conomique pendant tout le cycle de vie du btiment, exerce galement une norme pression sur les ressources naturelles. De faon concrte, les btiments consomment 40% de lnergie mondiale (Worldwatch, 2007; EPA, 2009), 25% de bois vierges et 16% de lapprovisionnement en eau dans le monde (Banani, Vahdati et Elmualim, 2013 ; Kulman, 2001). Pendant leur cycle de vie, les btiments consomment environ un cinquime du total de lnergie produite dans le monde (USEIA, 2010), ce qui correspond un tiers des missions de dioxyde de carbone (CO2), causant le rchauffement climatique et les deux cinquimes des missions de dioxyde de soufre, qui se transforment en pluies acides. Le btiment est aussi associ la destruction du paysage, lcoulement toxique, la dforestation, la pollution de lair et de leau, la perte de la diversit biologique et vgtale, la production de dchets et les missions de CO2 (Younan, 2011). De surcrot, plus de 30% des btiments neufs ou rnovs, dans le monde, ont des problmes de qualit de lair intrieur. Voil ce qui suscite des problmes de sant, comme le syndrome des btiments malsains. Ces derniers contribuent de manire significative la pollution de lair urbain, labsentisme des employs, la mauvaise attitude des employs au travail (Vischer, 2007) et surtout la mort de 800000 personnes par an (Roodman et Lenssen, 1995). Compte tenu de ces effets nfastes, lindustrie a donc besoin de rexaminer ses pratiques en matire de durabilit (Huang et Hsu, 2010) afin dviter des consquences potentiellement graves pour les gnrations futures (GIEC, 2007).

Nanmoins, bien que les acteurs du secteur aient diffus un certain nombre de publications, de conseils et dinitiatives pour favoriser plus defficacit et defficience dans lindustrie du btiment, la consommation de ressources ne cesse daugmenter. Prcisment, au Canada, les btiments sont responsables de 33% de lnergie utilise, de 50% des ressources naturelles consommes, de 12% de leau non-industrielle consomme, de 25% des dchets des sites denfouissement, de 10% des particules en suspension produites, et de 35% des gaz effet de serre (GES) mis (Conseil du Btiment durable du Canada, 2014). De plus, avec de fortes perspectives de croissance, les btiments exercent une norme pression sur les ressources naturelles (Alyamia et Rezguib, 2012), ce qui exacerbe les problmes environnementaux mondiaux, en particulier des pays industrialiss qui ont des niveaux relativement levs dmissions de CO2 et de GES.

Pour surmonter ces difficults, plusieurs dmarches, normes, directives et approches co-responsables et respectueuses de lenvironnement ont t labores dune part, pour parvenir la durabilit de notre environnement bti (Smith, 2010), et dautre part, pour amliorer la performance globale du btiment. Sinscrivant dans le cadre de la dmarche de dveloppement durable et dune approche multidimensionnelle introduite notamment par Elkington (1999), ces initiatives incitent considrer simultanment la performance durable sur le plan conomique, social et environnemental (Wheeler et Elkington, 2001). cet gard, le btiment durable, en pleine effervescence, apparat comme un fleuron (Yoon et Lee, 2003), une application (AggRegain, 2007), ou encore un cas particulier de dveloppement durable (Lanthing, 1995). Selon ces orientations de plus en plus lourdes et qui ne cessent daugmenter de faon exponentielle au cours des dernires annes, tant au Canada qu lchelle internationale, la tendance privilgier ce type de btiment est la plus rapide, toutes industries confondues, jusqu le qualifier de rvolution tranquille (Robichaud et Anantatmula, 2010). Il occupe environ 2% du march des nouveaux btiments non rsidentiels aux tats-Unis et au Canada (Sobin, Molenaar et Gransberg, 2010). La durabilit immobilire est passe dune tendance un but et, maintenant, elle est devenue une ncessit dans lenvironnement (Yusoff et Wen, 2014) et un dfi pressant et complexe.

Actuellement, le btiment durable a le vent en poupe et prsente des avantages divers et trs significatifs sur le plan conomique, environnemental et social. Face ces enjeux, la mise en place dun cadre mthodologique, capable de mesurer et dvaluer la performance des btiments et visant poursuivre la durabilit, est devenue, aujourdhui, une ncessit plus pressante que jamais. Rigoureusement parlant, dans une optique de valoriser les actifs immobiliers et surtout dans lobjectif de grer les impacts environnementaux des immeubles et leurs usages (De Serres, 2016), lvaluation de la performance immobilire joue le rle dun outil permettant de dterminer en quoi les attributs dun immeuble sont durables et, par consquent, de les certifier selon lintgration des meilleures pratiques. cet gard, afin de rendre le secteur du btiment plus durable, plusieurs mthodes dvaluation de la performance environnementale se sont dveloppes et ont merg dans le monde: par exemple, BREEAM au Royaume-Uni, CASBEE au Japon, Green Star en Australie et LEED aux tats-Unis, etc. Or, quoique ces systmes de notation soient multiplis dans le monde, cependant, ils sont considrs comme des outils ayant pour but de suivre, de mesurer, dvaluer, de comparer le rendement ou la performance attendue dun btiment ou dun portefeuille immobilier. Cela se fait en fonction de la somme des points obtenus et en appliquant un ensemble de critres organiss dans diffrentes catgories, par exemple: lnergie, lutilisation efficace de leau, les matriaux et les ressources, etc. En vue de promouvoir un environnement bti plus durable (Mateus et Bragana, 2011), la performance des btiments durables est dsormais une proccupation majeure chez les professionnels de lindustrie du btiment (Crawley et Aho, 1999). Pour cela, diverses mesures de durabilit ont t proposes et publies dans le monde entier en se basant sur les besoins des groupes dintrts concerns (Crawley et Aho, 1999) et en incluant divers objectifs et questions de la durabilit comme la sant, la consommation des ressources, etc. aussi bien dans le secteur public que dans le secteur priv. Lengouement pour les mesures de la performance durable et particulirement pour les certifications des btiments durables est une ralit contemporaine que le secteur immobilier doit prendre en considration.

En conclusion, cet engouement mdiatique, politique et social, voire mme artistique, qui sest forg autour des btiments durables, surtout au cours des dernires annes, est devenu une obligation qui doit tre considre par les diffrents acteurs de nos socits modernes.

1.2Motivation et nonc du problme

Le btiment est un des produits particuliers qui rpond un besoin essentiel pour les humains, offrant un confort, un abri et un lieu de travail, de loisirs et dapprentissage. Nous passons sept huitimes de notre temps lintrieur dun btiment. la suite des changements survenus notre mode de vie, le btiment est devenu dans certains cas une vritable ville, un lieu complet comportant une mixit dusage qui volue perptuellement pour devenir prsentement un endroit pour vivre, travailler, se divertir, etc. Cette volution des modes de vie a contribu changer considrablement la vision du cadre bti, devenu une synthse dinteractions entre les enjeux environnementaux, conomiques et sociaux avec laccent mis de plus en plus sur la qualit de vie des occupants (Banani, Vahdati et Elmualim, 2013). De plus, la mutation de paradigme du dveloppement durable a largement influenc la conception, la construction et mme la rnovation des btiments. la suite ces changements, les acteurs immobiliers ont plac lhumain au centre du processus de dveloppement et de prise de dcision. Simultanment ces vnements et cette volution, plusieurs mesures reprsentatives de la performance ont pris une ampleur sans prcdent. Elles se sont dveloppes pour suivre les nouvelles tendances et pour traduire les questions de la durabilit du btiment.

Or, avec la prise de conscience collective face aux dfis environnementaux, sociaux et conomiques du secteur immobilier, lengouement pour ces mesures porte dj ses fruits et sest traduit par des certifications, des systmes de notations et des mthodes dvaluation pour encadrer le concept de btiments durables. Bien quils aient jou un rle important, multiple et vari dans linnovation et lintgration des proccupations de durabilit dans le secteur du btiment, aucun de ces outils na vraiment merg jusqu ce jour, en tant que leadeur lchelle mondiale (Christensen, 2011). Variant la fois dans leur complexit et dans leur application, ces systmes couvrent des aspects compltement diffrents et touchent divers types de btiment tels que: rsidences, htels, bureaux, locaux industriels, commerces de dtail, coles, points de vente, lieux de culte, etc. En fait, lvaluation et la notation des btiments constituent un domaine qui a merg au cours des dernires dcennies, impliquant la fois des praticiens et des universitaires (Cole, 2005). Avec la prise de conscience croissante des importants impacts ngatifs de lenvironnement bti sur lcosystme, les outils dvaluation sont considrs comme utiles et essentiels pour rduire les impacts environnementaux du parc immobilier.

Ltude des impacts des btiments sur lenvironnement est devenue en soi un sujet dintrt en recherche acadmique, dans le but dapprendre en attnuer les consquences, voire inverser la tendance (Banani, Vahdati et Elmualim, 2013 ; Cole, 2005 ; Mezher, Majdalani et Ajam, 2006 ; Rees, 1999a ; Younan, 2011 ; Ziabakhsh et Bolhari, 2012). ce stade, les systmes de notation, phnomne de mode la suite dun rel sentiment de responsabilit, ont abouti un engagement des acadmiciens. En effet, la discussion sur les systmes dvaluation durable a gagn lattention dans la littrature acadmique. Mais un grand pan de la littrature porte principalement sur les aspects environnementaux (Hugo, 2005 ; Zhu et Lin, 2004) comme le dveloppement des systmes pour mesurer la performance environnementale (Ali et AlNsairat, 2009 ; Chang, Chiang et Chou, 2007 ; Cole, 2006 ; Cooper, 1999 ; Crawley et Aho, 1999 ; Grace, 2008 ; Haapio et Viitaniemi, 2008a, 2008b). Toutefois, la majorit des recherches dans ce domaine sest concentre particulirement sur lanalyse comparative de certifications, par exemple: Alyamia et Rezguib, 2012 ; Cole, 2004 ; Elgendy, 2002 ; Finnveden et Moberg, 2005 ; Forsberg et von Malmborg, 2004 ; Haapio et Viitaniemi, 2008a, 2008b ; Reed et al., 2009 ; Sangster, 2013 ; Sinou et Kyvelou, 2006 ; Todd et al., 2001 ; Yokoo et Oka, 2000. Bien que certaines recherches aient tent de sintresser lvolution des systmes dvaluation (Berardi, 2012 ; Hastings et Wall, 2007) alors que dautres tudes se sont penches sur le processus de dveloppement doutils dvaluation (Ali et AlNsairat, 2009 ; Aspinal et al., 2012 ; Assefa et al., 2007 ; Baumann et Tillman, 2004 ; Giama et Papadopoulos, 2012), ces tudes tiennent compte dun seul aspect environnemental la fois, comme lnergie; ou lvolution des approches mthodologiques utilises lors du dveloppement doutils tels que les outils fonds sur les critres ou sur le cycle de vie (Forsberg et von Malmborg, 2004). De ce fait, la littrature na pas couvert le processus de dveloppement et dvolution de ces mesures de la performance de faon exhaustive (en tenant compte de lvolution environnementale, conomique et sociale) ni les facteurs explicatifs de leurs mergences et de leur cycle dimplantation. Tout de mme, le questionnement sur la mesure de la performance de limmobilier a mri dans une zone lgitime de recherche et dtude, visant amliorer notre approche traditionnelle de dveloppement vers une approche plus responsable. Tel est le cas, surtout, dans le contexte actuel qui est marqu par des crises de lnergie, de changement climatique et de la dgradation de lenvironnement (Roy, 2011 ; Smith, 2010 ; Yusoff et Wen, 2014).

Somme toute, plusieurs raisons expliquent notre intrt manifeste pour le phnomne de la mesure de la performance,tant lchelle nationale quinternationale:

Premirement, pour assurer loptimisation et lefficacit de lintgration des pratiques et des indicateurs durables dans le secteur du btiment, le progrs et le dveloppement doivent tre mesurs et contrls (Singh et al., 2009).

Deuximement, ltude de la mesure de la performance de btiment durable est fondamentale afin davoir une bonne gestion et une amlioration contenue de la performance (Torbett et al., 2001).

Troisimement, face aux impacts du secteur immobilier ngatifs contribuant lmission de GES et aggravantencorele rchauffement climatique, un rle stratgique est jou par ces mesures comme moyen de promotion des objectifs de dveloppement durable et surtout comme une rponse face cette menace.

Enfin, pour combler le manque de recherche lchelle internationale, surtout au Qubec, et pour tenir compte des trois piliers: environnemental, conomique et social, qui ont t longtemps abandonns, mme ignors, nous proposons dtudier avec une perspective holistique le processus dvolution de mesure de la performance lchelle internationale et en nous concentrant sur le Qubec en particulier.

Dans cette optique, nous jugeons que les recherches sur le processus dvolution des mesures de la performance durables sont essentielles, voire capitales, si nous voulons atteindre les objectifs de la durabilit pour le secteur immobilier et apporter ainsi des innovations concrtes et structures aux pratiques actuelles sur le plan environnemental, conomique et social de la performance du btiment durable.

1.3Questions et objectifs de recherche

Nous avons expos prcdemment le contexte de notre recherche. Nous avons mis laccent sur plusieurs points intressants dvelopper, lesquels deviendront ensuite un fil conducteur pour lensemble de ce travail. Plus prcisment, nous avons expliqu ci-avant que plusieurs enjeux dcoulent de la mesure de performance du btiment durable, particulirement au Qubec. Lobjet de notre recherche sappuie principalement sur les constats de certaines lacunes sur les plans pratique et thorique. Plusieurs obstacles sont relis au dveloppement et lapplication de ces mesures sur le plan pratique. Sur le plan thorique, il y a une absence de recherche traitant du processus de dveloppement de la mesure de performance du btiment durable. Pour pallier ces diverses lacunes, nous nous concentrons durant notre recherche sur ltude de la mesure de performance du btiment durable et nous mettons en vidence le Qubec comme notre terrain dtude. Concrtement, nous nous posons la question suivante dont les rponses reprsentent lobjectif atteindre dans ce projet doctoral:

Comment a merg et sest dveloppe la mesure de performance du btiment durable?

Cette question gnrale tend rpondre cinq objectifs de recherche, sur lesquels portera notre travail de recherche. En effet, nous dclinons cette problmatique en objectifs de recherche orients pour:

tudier lmergence et lvolution des certifications environnementales des grands btiments lchelle mondiale;

Examiner lvolution des indicateurs de la mesure de la performance (environnementaux, sociaux et conomiques);

tablir un diagnostic de la diffusion et de ladoption de la mesure de la performance des grands btiments au Canada et notamment au Qubec;

tudier les causes et les motivations qui poussent lintgration des indicateurs et des pratiques durables dans les grands btiments au Qubec;

tudier les contraintes ou les obstacles pour ladoption des indicateurs et des pratiques durables dans les grands btiments au Qubec.

La problmatique et les objectifs de la thse, prcdemment dcrits, ont confirm la pertinence de notre question principale de recherche, mais ont aussi impliqu la ncessit de la prciser davantage. De ce fait, pour atteindre les objectifs sus mentionns, et aussi, pour mieux clairer et comprendre lmergence et le dveloppement de la mesure de la performance, notre question initiale sest alors prcise dans sa dclinaison en trois sous-questions:

Comment a merg et sest dveloppe la mesure de performance du btiment durable lchelle mondiale?

Comment a merg et sest dveloppe la mesure de performance du btiment durable au Qubec?

Quels sont les facteurs dexplication de lvolution des pratiques et des indicateurs de la mesure de la performance du btiment durable au Qubec?

1.4Choix mthodologique et principaux rsultats de la recherche

Dun point de vue thorique, plusieurs recherches ont t menes sur la mise en uvre et lvolution des normes et des pratiques de gestion (ISO14001, ISO9001, certification RSE, FSC (Forest Stewardship Council), CSA, FORESTCTKF, etc.). Certaines tudes ont mis laccent sur une industrie spcifique pour analyser les processus dadoption et la mise en uvre de nouvelles pratiques. Par exemple, Westphal, Gulati et Shortell (1997) ont tudi ladoption de pratiques de TQM (gestion de la qualit totale) dans les hpitaux. Par contre, dautres recherches ont analys dune manire transversale le processus dimplantation de nouvelles pratiques entre diffrentes industries (Baum, Li et Usher, 2000 ; Rosenkopf et Abrahamson, 1999).

Ces contributions acadmiques sont bases sur diffrentes thories et approches pour tudier les processus de dveloppement et dvolution des normes et des pratiques de gestion. Plusieurs chercheurs ont reconnu limportance de lintgration thorique pour explorer le processus dadoption de nouvelles pratiques (Christmann, 2000 ; Henderson et William, 1997 ; Rugman et Verbeke, 1998). ce stade, Damall (2002) a utilis une approche intgre pour explorer les facteurs institutionnels et organisationnels qui influencent les dcisions dadoption de norme de gestion ISO14001 par les entreprises amricaines en sappuyant sur deux thories: la thorie institutionnelle pour valuer les diffrentes pressions et la thoriedu management par les ressources (ou Resource based View Theory: RBV) pour dterminer comment les ressources et les capacits organisationnelles des entreprises fournissent un fondement essentiel pour leurs dcisions. De son ct, Terlaak (2002) a tudi le processus dadoption de norme de gestion de la qualit ISO9000 en utilisant une approche qualitative. Dans le mme ordre dides, Montiel (2006) a analys les facteurs qui ont motiv la diffusion de lISO14001 dans lindustrie chimique et lindustrie de lautomobile nord-amricaine en combinant les justifications de la thorie institutionnelle avec la thorie de cots de transaction. Finalement, en utilisant une approche quantitative, Aravind (2008) a examin les antcdents et les consquences de limplantation de systmes de gestion ISO14001 dans les tablissements amricains en empruntant son tour la thorie institutionnelle et la thorie de RBV. Gnralement, deux lments capitaux ressortent de toutes ces recherches acadmiques. En premier lieu, ces tudes adoptent des mthodologies qualitatives sous la forme des entrevues (Hayward et Vertinsky, 1999 ; Terlaak, 2002). En deuxime lieu, elles sont appuyes sur plusieurs cadres thoriques pour expliquer le processus dadoption de ces normes et surtout les thories institutionnelles pour examiner limpact de lenvironnement institutionnel.

Notre travail se situe au carrefour de plusieurs problmatiques la fois thoriques et pratiques. La convergence de ces diffrentes dimensions nous incite nous proccuper de lmergence et du dveloppement de la mesure de la performance du btiment durable au Qubec. cet effet, notre recherche sinscrit dans un souci de dcrire le processus dvolution et didentifier les facteurs dexplication de ladoption de la mesure de performance. Il sagit dune recherche qui se caractrise par un cheminement de rflexion en faisant des allers-retours entre la revue de la littrature et la recherche empirique. Par consquent, notre tude se situe dans une perspective dabduction, dans une dmarche prdominante de dcrire. Nous recueillons deux types de donnes. Dabord, nous cherchons les donnes secondaires, cest--dire des donnes externes et internes spcifiques aux systmes de notations (guide dutilisation, grille dvaluation, etc.). Ensuite, nous collectons des donnes primaires partir des entretiens semi-dirigs avec les acteurs immobiliers au Qubec. Enfin, pour rpondre ces sous-questions de recherche, nous nous appuyons sur un cadre thorique large et nous retenons des courants distincts potentiellement explicatifs. En effet, cette tude se base assurment sur une posture mixte, sur le contenu et sur le processus dvolution et nous empruntons galement la thorie institutionnelle et la thorie de la diffusion et de linnovation comme assise thorique.

La contribution de notre travail se situe tant au niveau thorique quau niveau pratique. Sur le plan thorique, nous envisageons une triple contribution qui mrite de porter une attention particulire. Premirement, ce travail a pour but de pallier un manque dtude dans ce domaine et contribuer la ralisation dune recherche permettant de mieux comprendre le processus de dveloppement de la mesure de performance du btiment durable. Deuximement, nous souhaitons mieux clairer ce processus, en particulier les phases dadoption de ces mesures et les vnements critiques de lvolution de ces mesures. Troisimement, nous tentons de comprendre les causes et les motivations qui poussent intgrer les pratiques et les indicateurs durables dans le grand btiment. partir dun point de vue pratique, nous pensons que les rsultats de ce travail permettent, en premier lieu, de dresser un portrait de la situation actuelle de lorientation du march qubcois envers la durabilit. En deuxime lieu, elles aident les socits immobilires comprendre le processus dvolution et surtout de comparer lintgration de leurs pratiques actuelles avec le dveloppement des mesures.

En un mot, bien quil y a un engouement pour les mesures de la performance durable qui se concrtise par 649 outils recenss pour la mesure de la performance de btiments lchelle internationale, ltude rvle que le seuil de certification ne dpasse mme pas le 1% de lensemble du parc existant que ce soit au Canada et au Qubec. Ainsi, il importe de signaler que le dveloppement de ces mesures est bien un processus complexe et hrditaire et le processus dvolution se fonde sur un modle itratif sarticulant sur trois phases fondamentales. Nous en dduisons que les caractristiques expliquant ladoption de deux certifications au Qubec sont: lavantage relatif, la simplicit et lobservabilit des rsultats. Enfin, il existe trente-sept facteurs de motivation et vingt-quatre facteurs obstacles lintgration des pratiques et des indicateurs durables avec une prgnance des facteurs conomiques et financiers.

Il faut dire quaprs une analyse approfondie des dfis et des enjeux soulevs par les certifications environnementales de btiments, tant au niveau international qu lchelle locale, les rsultats de cette recherche pourraient tre utiliss dans des formations universitaires pour illustrer les spcificits du secteur immobilier durable au Qubec.

1.5Organisation de la thse

Pour rpondre notre problmatique, nous avons suivi le cheminement classique afin de rsoudre la question de recherche constituant notre objet dtude. ce titre, lensemble de la prsente thse doctorale est anim et structur autour de trois parties.

La premire partie inclut une introduction gnrale o nous prsentons le contexte, la motivation de recherche, la question et les objectifs de recherche et enfin les principaux rsultats. Ensuite, nous prcisons au premier chapitre le positionnement pistmologique, la mthodologie, les critres de validit et la scientificit du projet de recherche. Nous y discutons aussi du type et du paradigme de recherche retenu pour rpondre la question de recherche (ChapitreI).

La deuxime partie porte sur ltude de lmergence et du dveloppement de la mesure de la performance de grands btiments lchelle internationale (ChapitreII), la diffusion et ladoption des mesures au Qubec (ChapitreIII) et enfin les facteurs dexplication de lvolution des pratiques et des indicateurs de la mesure de la performance (ChapitreIV). Elle prsente les dmarches et les rsultats empiriques des diffrentes sous-questions de recherche poses. Cette partie comprend 3 chapitres qui permettent de rpondre nos sous-questions. Chaque chapitre comprend un tour dhorizon de la littrature, de la mthodologie ayant guid la collecte et lanalyse des donnes, des rsultats de ltude et de la discussion clairant chacune des sous-questions. Enfin, une discussion sensuit, au cours de laquelle les principaux rsultats de recherche sont confronts ceux des recherches antrieures sur des problmatiques similaires.

La troisime partie sattache plus prcisment lanalyse, la rponse et la discussion de la question principale (Chapitre V). Ce dernier comporte la synthse et lanalyse des rsultats ainsi que les principaux apports (thorique, mthodologique et conceptuel). Pour finir, une conclusion gnrale porte sur la synthse et lanalyse des principaux rsultats de ce travail. Celle-ci fait ressortir les principales conclusions et voque les limites (thorique et mthodologique), les recommandations et les perspectives et les prolongements envisageables clturent ce travail.

Les annexes comportent des lments complmentaires afin de prciser certaines tapes de la recherche: le guide dentrevue, le traitement des donnes collectes, etc.

Tableau1Synthse des sous-questions, des objectifs et des approches adoptes dans chaque chapitre

Chapitre2

Chapitre3

Chapitre4

Sujet

- Lvolution de la mesure de performance du btiment durable lchelle mondiale

- Lvolution de la mesure de performance du btiment durable au Qubec

- Les facteurs dexplication de lvolution des pratiques et des indicateurs de la mesure de la performance

Sous-question

- Comment a merg et sest dveloppe la mesure de performance du btiment durable lchelle mondiale?

- Comment a merg et sest dveloppe la mesure de performance du btiment durable au Qubec?

- Quels sont les facteurs dexplication de lvolution des pratiques et des indicateurs de la mesure de la performance du btiment durable au Qubec?

Objectifs

- tudier lmergence et lvolution des certifications environnementales des grands btiments lchelle mondiale

- Examiner lvolution des indicateurs de la mesure de la performance (environnementaux, sociaux et conomiques);

- tablir un diagnostic de la diffusion et de ladoption de la mesure de la performance des grands btiments au Canada et notamment au Qubec;

- tudier les causes et les motivations qui poussent lintgration des indicateurs et des pratiques durables dans les grands btiments au Qubec;

- tudier les contraintes et les obstacles pour ladoption des indicateurs et des pratiques durables dans les grands btiments au Qubec.

Approches/

donnes

- Revue de la littrature

- Analyse de screening

- Examen des guides des systmes de notation

- Revue de la littrature

- Base de donnes de BOMA BESt et de LEED;

- Donnes des entrevues

- Revue de la littrature

- Donnes des entrevues

Contexte thorique

- Approche de processus;

- Approche de contenu

- Thorie de la diffusion de linnovation

- Thorie institutionnelle

chapitre I

DMARCHE pistmologique et mthodologique

introduction

Dans ce chapitre, nous explicitons nos choix pistmologiques et mthodologiques. En effet, notre travail, vise descriptive, est principalement articul autour de la ralisation dune tude des indicateurs de la performance du btiment durable. Cette recherche sinscrit dans une posture pistmologique positiviste (objectif de comprhension du chercheur). Notre mthodologie repose sur une dmarche danalyse qualitative avec un raisonnement abductif, cest--dire de comprendre et de dcrire un phnomne, tout en faisant un aller-retour entre le terrain et la thorie. Les critres de scientificit propres lanalyse qualitative et lthique de la recherche sont exposs et pris en compte.

Ce travail est indispensable afin de contrler notre dmarche de recherche, daccrotre la validit de la connaissance qui en est issue et de lui confrer un caractre cumulable (Perret et Sville, 2007, p.13). De ce fait, Denzin et Lincoln (1994) ont expliqu que les positionnements pistmologiques et mthodologiques dune recherche ne sont pas donnsa priori,mais sont largement influencs par les questions poses et le contexte de la recherche. Dans ce cadre, Guba et Lincoln (2005) ont prcis que lexplication des prsupposs du chercheur comporte entre autres trois dimensions. Plus prcisment, un chercheur doit sinterroger sur:

les hypothses sur la nature de la ralit (la question ontologique);

son rapport lobjet dtude (la question pistmologique); et

les moyens danalyse du rel (la question mthodologique).

La premire partie de ce chapitre dbute par la prsentation du positionnement ontologique (positionnement objectif) et du paradigme pistmologique que nous avons retenu pour notre recherche (paradigme pistmologique positiviste). Ensuite, travers la seconde partie, nous montrons les implications que ce positionnement a sur la mthodologie et sur la construction de notre dmarche gnrale. Pour cela, nous prsentons finement nos terrains dtude et nos modalits de collecte et danalyse des donnes empiriques.

1.1 Positionnement ontologique et pistmologique de la recherche

Lobjectif de cette partie nest pas de dbattre de la classification des positionnements, mais didentifier notre paradigme de recherche. Pour cela, dans cette section, nous expliquerons les deux critres pertinents de recherche: lontologie et lpistmologie. La prsentation du positionnement pistmologique et ontologique est consubstantielle toute recherche et a pour vocation dexpliciter lensemble des prises de position et des choix qui guident notre thse. La mise en lumire de nos prsupposs permet de tendre vers une objectivation et par consquent la mise en discussion de nos travaux au sein du champ scientifique.

1.1.1Positionnement ontologique

Lontologie est concerne par la nature de la ralit. Dans cette section, nous revenons sur la dfinition de lontologie et notre manire de prciser la nature de la ralit tudie.

Lontologie est dfinie par Aristote comme ltude de ltre en tant qutre (Blay, 2007) et sinterroge sur la signification de ltre. De son ct, Giordano (2003, p.18) a dfini lontologie comme la manire dont la ralit est envisage en tant que donne ou construit social. Lontologie est base sur deux points de vue diffrents: lobjectivisme et le constructivisme. Pourlobjectivisme, cest une position ontologique qui affirme que les phnomnes sociaux et leur signification ont une existence indpendante des acteurs sociaux (Bryman et Bell, 2007, p.22). Quant au constructivisme, ce dernier reprsente les phnomnes sociaux et leur signification qui sont raliss par les acteurs sociaux (Bryman et Bell, 2007, p.22).

Dterminer notre base ontologique est une tape indispensable par laquelle doit passer tout chercheur. Il sagit en fait de prciser la nature de la ralit tudie telle quelle est perue par le chercheur. Cette perception constitue le point de dpart de tout questionnement scientifique. Concernant notre projet de recherche, notre question centrale a trait fondamentalement la comprhension du comment de la mesure de la performance durable de btiment a merg et sest dveloppe. Nous avons accord dans notre objet de recherche une place centrale aux acteurs et aux structures institutionnelles comme cadre et rsultat des actions. En effet, la mesure de performance du btiment durable est apprhende comme une ralit qui existe et possde une essence propre. Cette ralit existe en tant que telle et demeure extrieure au chercheur et indpendante des acteurs qui lexprimentent. Ainsi, cette ralit est considre comme tant objective puisquelle est extrieure lobjet observ. Plus prcisment, la connaissance produite correspond exactement la ralit. De plus, il nexiste aucune forme dintermdiaire entre lobjet tudi et la connaissance produite qui aboutit une connaissance objective (Perret et Sville, 2014). Ce principe de lobjectivit est dcrit par (Popper, 1991, p185)La connaissance en ce sens objective est totalement indpendante de la prtention de quiconque la connaissance; elle est aussi indpendante de la croyance ou de la disposition lassentiment (ou laffirmation, laction) de qui que ce soit. La connaissance au sens objectif est une connaissance sans connaisseur; cest une connaissance sans sujet connaissant.

Somme toute, la notion de la mesure de la performance peut tre analyse comme une ralit ontologique objective et comme un processus prexistant quil suffirait de mettre jour. Ces mesures sont dj cres par les acteurs du domaine du btiment. Par consquent, nous qualifions ces mesures de durabilit comme un objet dtude au sens positiviste du terme. Dans le prochain paragraphe, nous revenons sur ce qui constitue la connaissance et notamment notre positionnement pistmologique positiviste.

1.1.2Positionnement pistmologique

Lexposition et la justification des choix pistmologiques constituent une tape ncessaire pour toute recherche (Giordano, 2003). En effet, savoir ce que lon cherche apparat donc comme une condition essentielle (Allard-Poesi et Marchal, 2004, p.34). Dans un premier temps, nous prsentons les positionnements pistmologiques les plus rpandus en science de gestion. Puis, dans un second temps, nous focalisons sur la perspective positiviste mobilise dans ce travail.

tymologiquement, lpistmologie signifie ltude critique des sciences (episteme) et des logiques (logia) qui lui sont sous-jacentes. Lpistmologie est un nologisme construit par le philosophe cossais James Frederick Ferrier (1808 1864) qui le faonne du grec pour symboliser le discours raisonn (logos) sur le savoir (pistm) (Lecourt, 2001). Ces choix reprsentent un filet de prmisses dans lequel le chercheur est soumis (Giordano, 2006). En fait, ce mot signifie le discours sur la connaissance.

Lpistmologie est judicieusement dfinie par ltude philosophique de la science et a pour objet dextrioriser sur ce quest la science (Girod-Sville et Perret, 2003, p.13) en discutant de la nature, de la mthode et de la valeur de la connaissance. Selon Savall et Zardet (1996), lpistmologie est une rflexion critique constructive qui porte sur la production de connaissances scientifiques, leur conduite et leurs limites. De leurs cts, Remenyi et al. (1998, p.202) ont dfini lpistmologie comme ltude de la nature et des motifs de connaissances, notamment en rfrence ses limites et sa validit. Cest galement ltude de la constitution des connaissances valables (Piaget, 1967, p.6). Dans le mme sens, selon (Ritchie et Lewis, 2003, p.13), lpistmologie implique que le chercheur doit avoir la capacit de comprendre les ralits et la faon dacqurir les connaissances. Somme toute, ces dfinitions se concentrent sur quatre dimensions essentielles: 1) la nature de la connaissance produite (ou la construction), 2) son chemin, 3) sa valeur et 4) son statut (validit).

En outre, un paradigme pistmologique constitue un ensemble cohrent de rponses relatives aux questions pistmologiques (Kuhn, 1970) permettant de guider le chercheur dans son cheminement. cet effet, la rflexion pistmologique est insparable et videmment consubstantielle toute recherche qui sopre (Martinet, 1990). Durant son projet de recherche, le chercheur met en vidence une certaine vision du monde (Bergada et Nyeck, 1992), travers une mthodologie, dans le but de proposer des rsultats visant prdire, prescrire, comprendre, construire ou expliquer (Sville et Perret, 1999, p.13). La rflexion pistmologique spcifie lessence de la ralit observe et la relation entre la thorie et cette ralit (Koenig, 1993, 2005). Selon Perret et Sville (2004, 2007), les assises pistmologiques se centrent autour de trois fondements indispensables: la valeur de la connaissance, la nature de la connaissance produite et le chemin/le processus de la connaissance. Lpistmologie expose lensemble des prsupposs sur lesquels la recherche sappuie et explique les implications qui en dcoulent. Elle motive le chercheur expliciter et prsenter les paradigmes associs sa recherche scientifique. Il est donc judicieux de se justifier au regard des paradigmes existants et dinterroger souvent notre positionnement.

Il existe une diversit de paradigmes pistmologiques en sciences de gestion. Par exemple, Avenier et Thomas (2013) identifient six classifications distinctes, Van de Ven (2007) distingue quatre paradigmes tandis que Perret et Sville (2007) retiennent seulement trois paradigmes pistmologiques. En effet, dans notre dmarche, nous retenons la classification de Perret et Sville (2014) ou plutt les trois grands paradigmes pistmologiques qui dfinissent gnralement les recherches en sciences de gestion: le paradigme positiviste a pour objet dexpliquer la ralit, le paradigme constructiviste vise construire la ralit et enfin le paradigme interprtativiste ambitionne le comprendre (Martinet, 1990 ; Perret et Sville, 2003, 2004, 2007, 2014 ; Sville et Perret, 1999). Ces paradigmes forment des cadres de rfrence permettant aux chercheurs de sinscrire dans un courant (Kuhn, 1983). Cesdits paradigmes se diffrencient vis--vis de leur conception de la ralit et de leur dfinition de la relation entre le chercheur et son objet de recherche. En outre, selon ces trois paradigmes pistmologiques, il importe de mentionner que la nature de la connaissance produite dpend de la nature de la ralit que le chercheur souhaite apprhender, de la nature du lien sujet/objet considr et de la nature mme du monde social tel quenvisag (Perret et Sville, 2003, p.21).

Comme notre objectif nest pas de prendre position au sein de ce dbat ou de cette guerre de paradigmes, nous nvoquerons pas la dmarcation entre ces trois grands paradigmes. ce stade, nous limitons notre rflexion prsenter et rsumer dans le tableau1.1 ci-dessous, les positions pistmologiques des paradigmes positiviste, interprtativiste et constructiviste qui ont t synthtiss dans les travaux de Thitart et al. (2003) et Perret et Sville (2007). Ce tableau1.1 ci-dessous apporte des rponses aux diffrentes interrogations pistmologiques par chacun des trois grands paradigmes.

Tableau1.1 Les diffrents paradigmes pistmologiques

Le positivisme

Interprtativisme

Constructivisme

Nature de la connaissance produite

Objective

Acontextuelle dnue de contexte

Subjective

Contextuelle

Subjective

Contextuelle

Nature de la ralit

Hypothse raliste

Il existe une essence propre la connaissance

Hypothse relativiste

Lessence de lobjet ne peut tre atteinte

Hypothse relativiste

Lessence de lobjet ne peut tre atteinte ou nexiste pas

Nature du lien sujet/objet

Indpendance du sujet et de lobjet

Dpendance du sujet et de lobjet

Vision du monde Social

Dtermine

Intentionnelle

Intentionnelle

Connaissance est engendre par

La dcouverte

Statut privilgi de lexplication

Linterprtation

Statut privilgi de la comprhension

La construction

Statut privilgi de la construction

Les critres de validit

Vrifiabilit Confirmabilit

Rfutabilit

Idographie

Empathie

Adquation

Enseignabilit

Objectif de chercheur

dcouvrir des lois qui simposent aux acteurs

comprendre comment les acteurs construisent le sens quils donnent la ralit

contribuer construire, avec les acteurs, la ralit

Source: Adapt selon (Thitart et al., 2003, p.14-15) et (Perret et Sville, 2003, p21).

Il importe de mentionner que les chercheurs, au travers de ces paradigmes, adoptent des points de vue diffrents relatifs la nature de la ralit et de la connaissance produite. vrai dire, selon Perret et Sville (2003), il existe quatre principes fondamentaux qui participent la dfinition et structurent les positions pistmologiques: le chemin de la connaissance scientifique, les critres de validit de la connaissance, la nature de la connaissance et de la ralit. Du fait que notre objectif de recherche est de comprendre lmergence et le dveloppement de la mesure de performance du btiment durable au Qubec, notre travail est ancr au cur dune approche positiviste. Ce dernier est le paradigme dominant dans les sciences de gestion, il simpose comme un positionnement raliste (Sville et Perret, 1999) et prtend que la ralit a une essence propre qui existe de faon extrieure au chercheur (Popper, 1991). Autrement dit, il y a une indpendance entre le sujet de recherche et le chercheur. Concrtement, nous pouvons observer et dcrire la mesure de la performance sans que nous intervenions. Cest le principe dobjectivit, cest--dire il est possible de remonter jusqu lessence des lois de la ralit de faon objective. Finalement, notre recherche est descriptive qui tente de mettre au jour le processus dmergence et dvolution des mesures de performance du btiment durable.

Somme toute, le choix dun positionnement pistmologique est vritablement crucial et central. Il est fait en fonction de lobjet de ltude et implique de sinterroger sur la faon de concevoir la ralit dans notre travail. La dtermination du positionnement pistmologique est une dmarche indispensable pour tout chercheur consciencieux et soucieux deffectuer une recherche srieuse, car elle permet dasseoir la validit et la lgitimit dune recherche (Perret et Sville, 2003, p.13). Par consquent, il est fondamental de choisir lun des paradigmes qui est le mieux adapt aux objectifs de la recherche, dans notre cas, le positivisme, afin dlaborer les fondements de notre travail.

1.2 Mthodologie de la recherche

De par notre positionnement pistmologique et notre objet de recherche, il nous est apparu pertinent davoir recours une tude qualitative et descriptive que nous avons approche par une dmarche abductive afin de mettre en lumire un sujet peu tudi.

Cette section sera consacre aux aspects mthodologiques de notre thse. Notre objectif est de prsenter de faon dtaille, les choix mthodologiques qui seront raliss dans notre recherche permettant dapprhender la ralit. Pour cela, dans la premire tape, nous expliquons comment nous prvoyons produire la connaissance travers la description. Ensuite, nous prcisons comment le choix de dmarche qualitative permettrait de formuler des explications notre questionnement de recherche. Enfin, nous prcisons notre mode de raisonnement abductif. Dans la deuxime tape, nous prsentons notre mthode de recueil de donnes. Nous exposons le recours aux entrevues semi-directives, le choix des rpondants et la construction de notre guide dentrevue. Enfin, dans la troisime tape, nous voquons les moyens mis en uvre pour augmenter la fiabilit et la validit de notre recherche. Nous prcisons le processus de construction de donnes et lensemble des outils mobiliss dans cette recherche traitant de lanalyse des donnes recueillies. Nous tentons dexpliquer minutieusement la manire dont nous procdons pour atteindre nos rsultats.

1.2.3Le type de la recherche: la description

Notre recherche adopte une posture descriptive et elle vise la description et la comprhension dun phnomne. Deslauriers et Krisit (1997, p.88) prcisent quune recherche descriptive pose la question des mcanismes et des acteurs (le comment et le qui des phnomnes); par la prcision des dtails obtenus et des connaissances qui en dcoulent, elle fournit des informations contextuelles. galement, ce type de recherche est parfaitement appropri notre dmarche, dans la mesure o nous cherchons comprendre comment mergent les indicateurs et les bonnes pratiques durables au Qubec. Dans ce paragraphe, nous dcrivons notre type de recherche soit la recherche descriptive.

Notre choix pour la recherche descriptive simpose logiquement, lmergence et le dveloppement de la mesure de performance du btiment durable ayant t jusqu prsent peu observs en recherche. De plus, lutilisation du paradigme positiviste ne prsente pas de difficults pour les recherches descriptives. En effet, il existe plusieurs types de recherches pouvant tre adopts par les chercheurs dans leurs travaux: descriptive, explicative, exploratoire ou prdictive. Lorsque les chercheurs explorent de nouveaux domaines, ils doivent souvent dcrire les caractristiques se rattachant la problmatique (Fortin et Gagnon, 2010). La recherche descriptive sert dcrire un phnomne (Fortin et Gagnon, 2010), dans le cas de cette recherche, cest lmergence et le dveloppement de la mesure de la performance du btiment durable. Gnralement, la recherche descriptive commence avec une narration de donnes et elle se poursuit par son explication plausible ou la reconnaissance entre les faits ou les phnomnes (Pelletier et Demers, 1994). Ce type de recherche vise aussi prsenter des caractristiques de situations de faon objective et identifier les lments dune situation, ainsi qu dcrire la relation existant entre ces composantes (Karsenti et Savoie-Zajc, 2011 ; Legendre, 2005).

Concrtement, nous nous situons dans cette vise puisque nous tentons de dcrire et de comprendre le processus dmergence et de dveloppement des indicateurs du btiment durable au Qubec. travers ce sujet, nous essayons galement de rpondre au manque dtude en offrant une description de ltat de la situation du btiment durable au Qubec. Ensuite, notre ambition est didentifier les lments du processus dvolution et de faire les liens entre ses composantes. De plus, il sagit bien dune vise descriptive puisquune situation particulire est tudie dans un temps spcifique, ce qui est une caractristique de ce type de recherche (Karsenti et Savoie-Zajc, 2011).

En somme, nous souhaitons dresser un portrait, une reprsentation dtaille et fidle du processus ainsi que de dcrire les relations qui existent entre ses composantes comme les obstacles et les motivations dadoption de mesure de la performance, ce qui, selon Savoie-Zajc (2011) et Angers (2009), renvoie une recherche descriptive. Notre recherche relve galement de la mthodologie qualitative, puisquelle exprime une vision de la ralit dont le sens qui lui est attribu est produit par le chercheur et les participants Karsenti et Savoie-Zajc (2011). Nous prsentons la mthode qualitative dans le prochain paragraphe.

1.2.4La mthode qualitative

Dans ce paragraphe, notre objectif nest pas de prendre position sur le dbat qualitatif/quantitatif qui existe depuis fort longtemps. Notre ambition est plutt de justifier le choix dune mthodologie qualitative pour effectuer notre recherche. En fait, il est ncessaire pour un chercheur de faire un choix mthodologique pour parvenir linformation et notamment pour justifier sa dmarche pour des fins de validit.

Depuis quelques dcennies, les recherches appeles qualitatives ne cessent de gagner de limportance dans plusieurs champs, par exemple, les sciences de gestion. Mucchielli (1996, p.182) dfinit la dmarche qualitative comme une succession doprations et de manipulations techniques et intellectuelles quun chercheur fait subir un objet ou phnomne humain pour en faire surgir les significations pour lui-mme et les autres hommes. De son ct, Paill (1996) dcrit lanalyse qualitative comme un travail complexe. Selon lauteur, cest une dmarche discursive de reformulation, dexplicitation ou de thorisation dun tmoignage, dune exprience ou dun phnomne. La recherche qualitative est dfinie aussi comme une activit situe qui localise lobservateur dans le monde. Elle se compose dun ensemble dinterprtation des matires pratiques qui rendent le monde visible. Ces pratiques transforment le monde en une srie de reprsentations []. Cela signifie que les chercheurs qualitatifs tudient les phnomnes dans leurs milieux naturels. Ils tentent de donner un sens ou dinterprter ces phnomnes en matire de sens que les personnes leur apportent[footnoteRef:2] (Denzin et Lincoln, 2000, p.4-5). Le terme qualitatif met laccent sur les qualits des entits, sur les processus, sur les phnomnes ou les comportements et sur les significations plutt que leur tude en matire de quantit, dintensit ou de frquence. Les donnes qualitatives se prsentent sous forme de donnes non chiffres, par exemple des mots, des locutions, des textes, mais aussi des images, des icnes, etc., plutt que des chiffres (Miles et Huberman, 1991). Ces recherches qualitatives se concentrent sur la relation entre lobjet de la recherche, le sujet et les contraintes situationnelles qui faonnent la question. travers la varit de matriaux empiriques (tude de cas, entretien, observation, etc.), lobjectif est dobtenir une meilleure ide de lobjet de recherche. [2: Traduction libre de Qualitative research is a situated activity that locates the observer in the world. It consists of a set of interpretive, material practices that make the world visible. These practices transform the world. They turn the world into a series of representations, including field notes, interviews, conversations, photographs, recordings, and memos to the self. This means that qualitative researchers study things in their natural settings, attempting to make sense of or to interpret, phenomena in terms of the meanings people bring to them .]

Dans ces conditions, une dmarche qualitative reprsente plusieurs intrts comparativement une dmarche quantitative. En fait, les avantages dutiliser une approche qualitative sont multiples (Miles et Huberman, 1991, 2003). Ces mthodes permettent avant tout de comprendre la perception que les personnes ont de leur exprience (Yin, 1994). Parmi les nombreux avantages de ces recherches, nous citons en exemple: les descriptions fructueuses fournies, la formulation dexplications riches, la marge de libert quelle laisse au chercheur dans la ralisation de sa recherche, la prise en compte du contexte particulier la situation tudie (Thitart, 1999) et enfin lenrichissement de la comprhension de linformation qui en provient (Pettigrew, 1992). Toutefois, lavantage le plus important rside surtout dans sa sensibilit au contexte. Une approche qualitative soriente vers des comprhensions approfondies tires dun riche corpus dinformations fcondes, contextualises et prcises. En dfinitive, ces mthodes sont les seules rendre possible une perspective large et englobante dun sujet dtude (Eisenhardt, 1989 ; Gagnon, 2005). Elles permettent aussi de rendre le monde visible lobservateur (Denzin et Lincoln, 2003) et non de dcrire une ralit objective et extrieure aux sujets. Enfin, cette dmarche permet une immersion dans le phnomne observ, travers les possibilits quelle offre de raliser une analyse en profondeur (Miles et Huberman, 2003).

Malgr ces avantages et en plus de la place importante quelle occupe dans les recherches en sciences de gestion, les recherches qualitatives sont sujettes des critiques. Par exemple, nous citons: labsence dchantillonnage probabiliste reprsentatif dune population, et donc gnralisable par la suite. De plus, les donnes recueillies et analyses sont considres comme subjectives tant donn quelles sont lies au chercheur surtout dans leur choix et leur interprtation. Finalement, lapproche qualitative requiert une instrumentation trs lourde et parfois assez longue notamment pour le recueil et lanalyse de donnes.

Dans le cadre de notre travail, nous nous appuyons exclusivement sur une mthodologie de recherche qualitative. Les avantages dutiliser cette approche sont nombreux dans notre travail. Tout dabord, cette orientation prsente deux principaux avantages, savoir, la description peut seffectuer et les processus peuvent tre examins en profondeur tout en exploitant la profusion des donnes (Langley, 1997). Plus prcisment, tant donn que notre dmarche mthodologique est descriptive, lapproche qualitative devient plus adquate dans notre cas. De plus, le processus qualitatif facilite notre comprhension de pourquoi et de comment se droule les vnements dans des situations concrtes (Wacheux, 1996). cet gard, nous rappelons que nos sous-questions comprennent les deux composantes (comment et quels). Cette approche sert galement dcrire et comprendre un phnomne social dans son contexte et de prendre en compte une diversit dlments composant un systme social (Marshall et Rossman, 1989). Elle favorise ltude des phnomnes perceptuels dacteurs. Dans notre travail, cest la perception des experts immobiliers au Qubec par rapport la mesure de la performance du btiment durable. Un des buts de notre recherche sera danalyser les perceptions et les motivations de ces acteurs immobiliers intgrer les indicateurs et les bonnes pratiques dans le grand btiment au cours de son cycle de vie. La mthode qualitative laisse une grande place la flexibilit afin de prendre en compte les contraintes empiriques et savre la mieux adapte puisquelle offre aux intervenants questionns un certain degr dautonomie dans ses rponses.

Ds lors, la lumire dun paradigme positiviste et laide dune mthodologie qualitative, les expriences de ces acteurs impliquent ncessairement la prise en compte de leur subjectivit dans notre processus de recherche. Dailleurs, cette mthodologie qualitative se montre de grande souplesse et flexibilit, permettant de modifier, au cours de la recherche, certains aspects du cadre thorique, et de remanier les questions et les problmes poss au dpart (Jorgenson, 1989). Cela est impos par la comprhension des phnomnes lors de notre contact direct du terrain, et lanalyse des informations rcoltes.

Pour conclure, avec une telle dmarche, nous sommes au cur de notre projet de recherche qui vise dcrire le processus dmergence et de dveloppement des mesures de la performance de btiment durable. travers cette dmarche, le projet de description peut tre ralis. En outre, la recherche qualitative suppose lutilisation et la collecte dune varit de matriels empiriques comme les expriences personnelles, les entrevues, les observations qui dcrivent des problmatiques, des routines et des significations lies la vie des individus. Nous expliquons dans les prochaines sections les stratgies de dcouverte et nous justifions notre recours la stratgie de raisonnement abductive.

1.2.5La stratgie de dcouverte

La validit dun travail de recherche svalue par la capacit du chercheur restituer et justifier sa dmarche (Koenig, 1993). Cest pourquoi nous explicitons avec le plus de prcision possible la mthodologie qualitative retenue et ses diffrentes dimensions y compris le type de raisonnement slectionn.

Le chercheur en sciences de gestion dispose de trois modes de raisonnement distincts pour aborder le processus dexploration: linduction, la dduction et labduction. Il est judicieux dans la gnration des connaissances scientifiques, de dpasser lopposition classique entre dmarche inductive et dmarche dductive (David, 2008). cet gard, notre objectif sera de prsenter les trois raisonnements et de justifier notre choix. Nous nentrerons pas dans le dbat entre ces trois modes de raisonnement.

En effet, Aristote dfinit linduction comme le passage du particulier au gnral. Cest un raisonnement qui prsume quon dcouvre et quon explore sur le terrain des rgularits partir de cas particuliers, dune question ou dun phnomne peu tudi (Wacheux, 1996). La dduction est une dmarche de raisonnement thorique qui va du gnral au particulier. Cette logique passe par la dmonstration partant de la formulation dune ou plusieurs hypothses, de modle ou de thorie dj approuvs par les rsultats dautres recherches et ensuite de la confronter avec la ralit (Wacheux, 1996). Enfin, labduction est un raisonnement permettant dexpliquer un phnomne ou une observation partir de certains faits, vnements ou lois. Cest la recherche des causes, ou dune hypothse explicative.

Nous exposons dans le tableau suivant une synthse des dfinitions pour ces trois raisonnements, mais nous retenons que: la dduction permet de gnrer des consquences, linduction dtablir des rgles gnrales, et labduction de construire des hypothses (David, 2008 ; Koenig, 1993 ; Wacheux, 1996). Nous prsentons dans le tableau1.2ci-dessous les diffrentes formes de raisonnement scientifique tir de (David, 2008 ; Koenig, 1993 ; Wacheux, 1996).

Tableau1.2Panoplie de dfinitions de formes de raisonnement scientifique

Raisonnement

Description

Dduction

Processus de construction de connaissance ou la thorisation a priori doit trouver une vrification par lexprience dans le rel.

Consiste tirer une consquence partir dune rgle gnrale et dune observation empirique.

Induction

Processus de production de connaissance qui part des ralits empiriques pour formuler des reprsentations. Les rcurrences significatives des observations permettent de construire lexplication.

consiste trouver une rgle gnrale qui pourrait rendre compte de la consquence si lobservation empirique tait vraie.

Abduction

consiste tirer de lobservation des conjectures quil convient ensuite de tester et discuter.

consiste laborer une observation empirique qui relie une rgle gnrale une consquence, cest--dire qui permette de retrouver la consquence si la rgle gnrale est vraie.

Adapte Koening, 1993 et Wacheux, 1996.

Suivant le projet de connaissance, pour apprhender le rel, le choix queffectue le chercheur nest pas neutre, mais il rsulte de lobjectif sollicit par le chercheur, cest--dire, explorer, dcrire ou tester (Charreire et Durieux, 1999, 2003). Dans un objectif de tester, une dmarche dductive est privilgie et vise valuer dans un but explicatif la pertinence dune hypothse, dun modle ou dune thorie (Charreire et Durieux, 1999, 2003). Pour lexploration et la description, la dmarche sera soit inductive ou abductive et lobjectif est de proposer des rsultats thoriques sur un sujet novateur (Koenig, 1993). Nous expliquons pourquoi nous favorisons la logique abductive dans le prochain paragraphe.

1.2.5.1La stratgie abductive

Il nous est fondamental de passer par un raisonnement scientifique fiable, valide et justifi. En effet, nous venons dexpliciter que nous avons un positionnement positiviste. De plus, notre positionnement pistmologique tait de conduire une dmarche qualitative pour la collecte de donne, centre sur les entrevues semi-diriges au sein du secteur du btiment. Dans une logique de dcouverte de la ralit, notre dmarche a consist mettre en vidence les faits, les sentiments et les opinions des praticiens-experts immobiliers impliqus dans le btiment durable au Qubec. Suivant cette logique, nous devrions donc utiliser le raisonnement inductif ou abductif. Nous avons expliqu que notre recherche a une vise essentiellement descriptive, du fait de linscription un phnomne ou une problmatique peu tudis au Qubec et plus gnralement dans le monde. Nous devrions donc selon la logique prconise ci-dessus, appliquer une dmarche de type abductive. Aprs avoir justifi notre choix, nous exposerons de faon dtaille dans ce qui suit les dfinitions de labduction et comment nous mettons luvre ce raisonnement pour les objectifs de notre travail.

Labduction aussi appele induction non dmonstrative (Girod, 1995, p.87), est galement nomme retroduction (Peirce, 1931). Cest lopration qui nappartient pas la logique (Blaug, 1982, p.16) et consiste tirer de lobservation des conjectures quil convient ensuite de tester et de discuter (Koenig, 1993, p.7). Hartwig (2007) affirme que la dmarche abductive permet daboutir la meilleure explication possible dun phnomne ou dune observation quil convient dexpliquer. Elle constitue, in fine, le seul chemin qui puisse permettre datteindre une explication rationnelle (Peirce, 1955). Lobjectif de ce raisonnement est dtudier des faits et de concevoir une thorie pour les expliquer (Peirce, 1965, p.145). De leur ct, Charreire et Durieux (2004) corroborent avec ce constat et dclarent que cette procdure diffrentielle nest pas rellement de produire des lois universelles, mais plutt de proposer de nouvelles conceptualisations thoriques valides et robustes, rigoureusement labores (p.60).

Nous avons privilgi une dmarche abductive pour plusieurs raisons. En effet, le raisonnement abductif a pour objectif dans notre travail, partir dtudes dentrevues semi-diriges, de proposer et de prsenter un processus dmergence et de dveloppement de la mesure de performance du btiment durable. Notre cration de connaissances passe par la comprhension de sens que nos rpondants cest--dire l