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J. Gaucher, Laboratoire Santé, Individu, Société (EA-SIS 4129), Université de Lyon 1 Le malade Alzheimer et son aidant : La rencontre de deux sujets Pr Jacques GAUCHER Université Lumière-Lyon2 CM Psychologie Clinique du Vieillissement, Bron le 18-10-2010

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Le malade Alzheimer et son aidant :

La rencontre de deux sujets

Pr Jacques GAUCHER

Université Lumière-Lyon2

CM Psychologie Clinique du Vieillissement, Bron le 18-10-2010

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L’approche scientifique de la maladie d’Alzheimer

La maladie d ’Alzheimer préoccupe et occupe beaucoup de monde.

Les recherches sur cette maladie avancent et livrent leurs avancées comme leurs hésitations.

La communication qui en est faite produit de l’intérêt, de l’attente et aussi de l’angoisse dans la population.

1. La science apportera-t-elle une réponse totale ?

2. Quel est l’impact de la diffusion de découvertes et de savoirs scientifiques sur les représentations que nous avons du malade ?

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L’intérêt scientifique se porte-t-il sur la maladie ou sur la personne malade ?

Les publications scientifiques rendent compte des explorations descauses et origines de la maladie.

L’objectif légitime de la recherche dans ce domaine est de développerdes connaissances afin de contrôler la maladie et d’assurer une guérisonet une prévention.

Éviter la maladie aux personnes est une des missions de la science.

Pour autant, la maladie atteint des personnes. Elle a un impact sur lespersonnalités et les sensibilités.

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L’approche clinique du malade :

Le malade présente des comportements psychiques, relationnels et surtout humains qui rappellent qu’il est avant tout un être sensible, doté de sentiments.

L’analyse fine de ses comportements nous renseigne sur ce qu’il vit et éprouve.

Nos réactions à son égard conditionnent ses ressentis parce que la malade d’Alzheimer est sensible à ceux qui l’entourent.

Le malade d’Alzheimer exprime sa personnalité et les traces de son passé, ses émotions et son appréhension du futur.

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Comportements psychiques caractéristiques du malade d’Alzheimer

La déambulation

La désorientation temporelle

L’angoisse de dépendance

Parfois l’agressivité

Le collage à l’objet

Le discours confusionnel

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La déambulation

La déambulation apparaît comme la résultante de trois sources:

- Le manque de mémorisation de ses trajets. C’est comme si le malade en était toujours à son « premier déplacement ». La déambulation est souvent confondue avec la fugue.

- Une curiosité maintenue pour l’environnement et ce qui sollicite le malade (présences, mouvements, bruits,…).

- Le besoin de « bouger », c’est-à-dire d’être vivant, au risque de s’épuiser au cours de la journée.

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La fugue est un comportement intentionnel qui n’est pas propre à ces malades.

- Il s’agit de quitter un lieu où l’on est mal pour se rendre en un lieu où l’on imagine être mieux.

- Le scénario de fugue est complexe et nécessite une habileté cognitive difficile pour ces malades: en particulier l’anticipation.

- La leçon a en tirer est que la fugue est susceptible de nous renseigner sur le sentiment de bien être ou de mal-être du malade.

- Contrarier systématiquement la fugue du malade aggrave son mal-être.

- La question est alors d’identifier ce qui fait son mal-être dans ce lieu (sentiments d’enfermement, d’immobilisme, d’échec ou de dépendance,…).

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La désorientation temporelle

Elle apparaît souvent comme un déficit cognitif majeur et réputé.

Elle pourrait entrer dans un processus défensif contre l’angoisse… et en ce sens, devrait être protégée parce que nécessaire à l’apaisement de cette angoisse.

La désorientation temporelle procède de la mise en désordre de « l’ordre du temps qui passe ».

La désorientation défait la linéarité du temps chronologique.Il n’y a plus de passé, présent et avenir, il n’y a que de du

« factuel ».

La désorientation protège de l’angoisse de mort (J.Maisondieu,1989).

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L’angoisse de dépendance

Elle est commune à tout être humain dès lors qu’il arrive au monde dans l’incapacité d ’assurer sa survie.

Il a besoin d’une instance maternante.

Son angoisse de dépendance est un moteur de développement.

Cette angoisse est jugulée par le sentiment d’autonomie.

Elle fait irruption lorsque le sentiment d’autonomie cède.

Elle est quotidienne chez le malade d’Alzheimer.

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Quelles sont les manifestations de cette angoisse ?

1. La perte de confiance en soi.

2. Le besoin de référence.

3. Les conduites d’agrippement.

4. La recherche de la sécurité primaire auprès de la mère (la mère, le chez soi, le village d’enfance,…).

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La question de l’agressivité :

Le malade d’Alzheimer n’est pas « neuropathologiquement » agressif !

Son agressivité est légitime.

Elle est une réponse défensive au sentiment d’insécurité et de danger.

Elle est un indicateur précieux pour l’accompagnement du malade.

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Le collage à l’objet :

Le malade d’Alzheimer est souvent en difficulté pour négocier les séparations, les pertes, les deuils…

Même absent ou disparu, l’objet revient comme s’il avait toujours été présent.

Les deuils actuels ne semblent plus possibles et les deuils anciens se déconstruiraient, rendant présents tous les objets qui ont composé l’univers objectal du malade.

L’irreprésentabilité de l’absence chez le malade d’Alzheimer éclaire le processus. C’est en effet la représentation de l’objet et non l’objet lui-même qui ferait retour ou serait maintenu permanent.

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Le discours confusionnel :

Deux interprétations cliniques des états confusionnels des personnes démentes attirent l’attention:

- Le « mécanisme de remplissage » qui apparaîtrait comme un substitut défensif à l’éprouvé du manque de mémoire ou de reconnaissance (agnosie).

- Le syndrome « centrifuge », qu’évoque E. Minkowski, qui traduirait le sentiment de décalage éprouvé par la personne démente par son incapacité à suivre le mouvement ambiant (sentiment que le monde environnant fuit et qu’elle-même reste sans possibilité de partir)

(On retrouve, cliniquement cet état de confusion chez le « fugueur » qui s’égare et tente d’expliquer son geste)

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Le propos confusionnel peut être mis en corrélation avec ladésorientation temporelle.

Telle la confusion des générations conduisant le patient àchercher ses parents et/ou ses enfants ensemble.

La correction du discours confusionnel entraîne généralementagressivité ou angoisse, comme si la construction défensivevenait à céder brutalement, libérant l’angoisse qu’elle tentaitde contenir et de contraindre.

Selon le schéma suivant, on peut aussi concevoir que la raisonne contient et ne traduit plus suffisamment l’émotionnel.

Alors, l’émotion traverse la pensée par effraction… (schéma )

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RI

PCS

RE

RI = émotionPCS = raison, penséeRE = réalité externe

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En résumé :

Le malade d’Alzheimer est une personne fragilisée.

Bien que handicapée par la maladie, elle n’en reste pas moins un SUJET.

Ses propos et ses comportements ont du sens, même si nous ne comprenons pas toujours.

Le malade nous renseigne sur ce que nous ne pouvons ou ne voulons pas voir en nous. Merci à lui…!

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Et l’aidant familial ?

Pour une famille, accepter de l’aide suppose:

Que l’espace familial puisse être pénétré et soit capable de résister aux nouvelles problématiques.

Que l’organisation familiale s’y prête et puisse déléguer.

Que le principe d’aide soit toléré.

Que la nouvelle organisation triangulaire se mette en place.

Que les relations « en miroir » soignants – famille soient positives.

Que les limites du maintien à domicile soient envisagées.

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L’aide à domicile, chez une personne âgée, suppose la présence d’une famille (Lévesque L. & Lauzon S., 2000) :

- pour faire la demande d’aide, directe ou indirecte

- pour assurer une liaison et parfois une coordination

La structure familiale est fortement sollicitée :

- à une désorganisation du tissu familial

- par la dépendance du parent âgé et la perspective prochaine de sa mort

- pour accomplir un accompagnement du parent, dès lors qu’il y a absence de conjoint valide et supplétif

La structure familiale traverse une situation de crise qui conduit (Biegel D-E, 1991):

- à un nouveau mode d’organisation: enfant désigné (Gaucher J.,1999)

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L’enfant désigné(Gaucher J. & all., 2001, 2000, 1999)

Celle (85%) ou celui (15%) qui est le plus présent.

Fait preuve d’une disponibilité: sentimentale, professionnelle, géographique,...

Désigné implicitement depuis longtemps: porte-tout dans la famille.

Très fragile narcissiquement et très dépendant des parents.

Cherche à prolonger sa tâche malgré l’épuisement et mal soutenu par sa fratrie.

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Sa disponibilité peut-être comprise comme conjoncturelle oucomme structurelle.

Son récit de vie souligne la dimension structurelle de sadisponibilité.

L’enfant désigné développe une conduite d’adhésivité dans lestyle «présence permanente».

- il a des difficultés à se tenir éloigné du parent.- il sollicite de façon permanente et forte les soignants.

Il est en «dette» à l’égard de son parent:

- ses propos le confirment- les propos de son parent sont cruellement décisifs.

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Entre le malade et son aidant :

Le malade est vulnérable.

L’aidant est vulnérable, aussi…

La rencontre des vulnérabilités peut être l’occasion d’une ouverture réciproque et d’une découverte de l’autre et de soi.

Le choc des vulnérabilités peut aussi être la source de confit et de désespoirs réciproques.

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Merci de votre attention…

Pr Jacques Gaucher

Directeur adjointdu

Laboratoire Santé, Individu, Société(EA-SIS 4129)

Université Lumière – Lyon 2