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Comprendre les jardins japonais Pour aborder les jardins japonais, il est indispensable d’en connaître l’origine. « Si l’on parle du jardin zen, c’est avant tout une aventure artistique liée à un courant de pensée bouddhiste.Toutefois, les japonais ont eu une influence chinoise et coréenne après le 6 ème siècle, explique Érik Borja, les Japonais ont intégré l’art chinois mais l’ont énormément épuré ». Les Japonais, sous l’influence du shintoïsme, ont développé une certaine suspicion et vénération au Japon envers les éléments naturels. « Tout est vivant », insiste Érik Borja. Il ne faut donc pas contrarier la nature lorsque vous la disposez dans le jardin. Ainsi, les Japonais ont toujours utilisé des pierres qui devaient être le plus proche possible du naturel. Ils ont abandonné le côté flamboyant de l’art chinois pour être en harmonie avec la nature. Comme le précise Érik Borja, « avec l’évolution de la pensée zen et la culture samouraï, il y a eu une réelle évolution, un refus de toute ostentation. Le jardin est une métaphore du monde rêvé. On n’est pas vraiment dans le jardinage, on est plus dans la création artistique. Dans un jardin japonais, nous ne sommes pas maîtres de la situation ». La composition du jardin « En japonais, “paysage” se dit “sansui”, mot composé des caractères signifiant “montagne” et “eau”. Ce sont ainsi des éléments que l’on retrouve nécessairement dans les jardins, « même sous forme métaphorique » explique Olivier Geslin. Un simple rocher peut ainsi suggérer une montagne et une cascade sèche un torrent, même si aucune eau ne coule. « On utilise les éléments comme métaphores, même le végétal n’est pas toujours utilisé pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il représente ». Les règles essentielles avant de se lancer Les deux spécialistes s’accordent à dire que dans le concept du jardin japonais, il y a le vocabulaire et la syntaxe à respecter mais que chacun doit écrire son texte. « Le risque lorsque l’on aborde quelque chose de nouveau dans une autre culture, c’est que l’on colle de trop près à celui-ci. C’est l’esprit qui compte, met en garde Érik Borja, vous avez le vocabulaire et les règles grammaticales, mais après, chacun écrit son texte ». Dans les jardins japonais, les rochers sont enterrés, ils ne sont pas posés au hasard. Cela confère un aspect immuable au jardin. © Olivier Geslin LES JARDINS JAPONAIS SONT PRISÉS PAR LES PARTICULIERS, VOIRE PAR LES ENTREPRISES. DANS CE MONDE OÙ L’ON COURT BEAUCOUP, ILS APPELLENT À L’APAISEMENT. ÉRIK BORJA ET OLIVIER GESLIN, TOUS DEUX SPÉCIALISTES DE CE TYPE DE JARDINS, NOUS ÉCLAIRENT SUR LE SUJET. JARDINS JAPONAIS PAS À PAS Profession Paysagiste Magazine__n°39__Novembre 2012 26 dossier

JARDINS JAPONAIS PAS À PAS · zen ‘‘ karesansui’’, le jardin de thé ‘‘chaniwa ... l’orientation, l’exposition et la disposition que la pierre avait à l’origine

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Comprendre les jardins japonaisPour aborder les jardins japonais, il est indispensable d’en connaître l’origine. « Si l’on parle du jardin zen, c’est avant tout une aventure artistique liée à un courant de pensée bouddhiste. Toutefois, les japonais ont eu une influence chinoise et coréenne après le 6ème siècle, explique Érik Borja, les Japonais ont intégré l’art chinois mais l’ont énormément épuré ». Les Japonais, sous l’influence du shintoïsme, ont développé une certaine suspicion et vénération au Japon envers les éléments naturels. « Tout est vivant », insiste Érik Borja. Il ne faut donc pas contrarier la nature lorsque vous la disposez dans le jardin. Ainsi, les Japonais ont toujours utilisé des pierres qui devaient être le plus proche possible du naturel. Ils ont abandonné le côté flamboyant de l’art chinois pour être en harmonie avec la nature. Comme le précise Érik Borja, « avec l’évolution de la pensée zen et la culture samouraï, il y a eu une réelle évolution, un refus de toute ostentation. Le jardin est une métaphore du monde rêvé. On n’est pas vraiment dans le jardinage, on est plus dans la création artistique. Dans un jardin japonais, nous ne sommes pas maîtres de la situation ».

La composition du jardin« En japonais, “paysage” se dit “sansui”, mot composé des caractères signifiant “montagne” et “eau”. Ce sont ainsi des éléments que l’on retrouve nécessairement dans les jardins, « même sous forme métaphorique » explique Olivier Geslin. Un simple rocher peut ainsi suggérer une montagne et une cascade sèche un torrent, même si aucune eau ne coule. « On utilise les éléments comme métaphores, même le végétal n’est pas toujours utilisé pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il représente ».

Les règles essentielles avant de se lancerLes deux spécialistes s’accordent à dire que dans le concept du jardin japonais, il y a le vocabulaire et la syntaxe à respecter mais que chacun doit écrire son texte. « Le risque lorsque l’on aborde quelque chose de nouveau dans une autre culture, c’est que l’on colle de trop près à celui-ci. C’est l’esprit qui compte, met en garde Érik Borja, vous avez le vocabulaire et les règles grammaticales, mais après, chacun écrit son texte ».

Dans les jardins japonais, les rochers sont enterrés, ils ne sont pas posés au hasard. Cela confère un aspect immuable au jardin. ©

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LES JARDINS JAPONAIS SONT PRISÉS PAR LES PARTICULIERS, VOIRE PAR LES ENTREPRISES. DANS CE MONDE OÙ L’ON COURT BEAUCOUP, ILS APPELLENT À L’APAISEMENT. ÉRIK BORJA ET OLIVIER GESLIN, TOUS DEUX SPÉCIALISTES DE CE TYPE DE JARDINS, NOUS ÉCLAIRENT SUR LE SUJET.

JARDINS JAPONAIS PAS À PAS

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L’une des règles d’or, comme pour tout jardin, mais peut-être encore plus pour les jardins japonais, c’est l’importance de s’imprégner du lieu. « Il est capital de passer du temps sur le site pour s’imprégner du lieu et comprendre le client », affirme Érik Borja. Olivier Geslin précise : « il y a trois éléments à prendre en compte pour une composition réussie : la nature du site (sol, climat, orientation, contraintes techniques), la nature du client et la nature des matériaux et des éléments choisis dans le jardin ». « Une vie ne suffit pas pour appréhender l’art du jardin japonais », affirment les deux spécialistes. « Par contre, il existe quelques règles de base dont il faut s’imprégner ». Le jardin japonais repose en effet beaucoup sur la sensibilité artistique et le ressenti. Cela se travaille et c’est à force d’en faire que l’on « se bonifie… ».

Structure du jardin Souvent, dans les jardins japonais, on retrouve trois directions : l’horizontalité, symbole de la terre pour les bouddhistes, la verticalité symbolisant le ciel et l’oblique pour l’homme situé entre les deux. « Un jardin japonais s’inscrit dans un cadre, dans une structure », explique Érik Borja, et Olivier Geslin de compléter « ce sont les contours orthogonaux offerts notamment par l’architecture des bâtiments ou les palissades qui révèlent les courbes du jardin ». Un jardin japonais, contrairement aux jardins occidentaux, est construit de manière asymétrique. En effet, « l’harmonie nait du déséquilibre. En Occident, et en France plus particulièrement, les jardins sont réalisés de manière binaire et symétrique, tandis qu’au Japon, ils sont construits selon un

rythme ternaire et asymétrique », précise Olivier Geslin selon le précepte : « Shichi-Go-San » pour « sept, cinq, trois ». En effet, vous ne verrez pas de rochers, d’arbres ou de pas japonais en nombre pair, ni de symétrie d’un côté ou de l’autre du jardin. Il y a toujours un côté plus fort que l’autre, comme dans la nature (Yin et Yang). C’est cette “imperfection” qu’il faut rechercher. « Et c’est là, pour nous occidentaux, que cela devient compliqué. Naturellement on tend à réaliser des jardins symétriques. Il faut lutter contre ce pli culturel », constate Olivier Geslin. Une place pour chaque chose. Dans le jardin japonais rien n’est laissé au hasard. Chaque pierre, chaque plante ont une place bien précise. « Par exemple, les rochers sont enterrés, et ils ne sont pas posés au hasard. Leur orientation a de l’importance. Parfois, vous les mettez en place et finalement vous vous rendez compte qu’il faut les déplacer, même si ce n’est que de 10 centimètres ». Par ailleurs, autre concept important du jardin japonais : « le vide révèle le plein ». Comme le précise Olivier Geslin, « il est important de conserver des espaces entre les différents éléments structurant le jardin. Comme dans les arts martiaux, il existe une distance idéale appelée « Ma-ai » qui permet d’établir une relation entre les différents protagonistes… C’est cette maîtrise du vide, fruit de l’expérience, qui contribue à faire un bon paysagiste ».

« LE JARDIN JAPONAIS EST UNE MÉTAPHORE DU MONDE RÊVÉ »

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le jardin de thé dispose en général d’une arrivée d’eau en bambou appelée Kakehi et d’une lanterne (Toro).

Le célèbre jardin sec du temple Ginkaku-ji à Tokyo

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Trois types de jardins japonais pour les entreprises du paysageParmi les six types de jardins japonais, trois sont plus couramment mis en œuvre par les entreprises du paysage, les trois autres demandant beaucoup d’espaces : le jardin zen ‘‘karesansui’’, le jardin de thé ‘‘chaniwa’’ et le petit jardin ‘‘tsuboniwa’’. ‘‘Karesansui’’, ou jardin sec, est un jardin minéral. Les plans d’eau sont absents de ce type de jardin mais représentés par les étendues planes recouvertes de sable ou de gravier. Le jardin zen est vraiment immuable, le temps semble ne pas avoir d’emprise sur lui. Le minéral joue un rôle primordial dans ces jardins. Le jardin de thé, à l’origine, est celui qui mène au pavillon où se déroulent les cérémonies du thé. C’est un jardin compartimenté, caractérisé par des cheminements, que l’on emprunte pour se rendre à la cérémonie du thé, représentés en général avec des pas japonais. L’objectif de ce lieu est de créer l’apaisement et la concentration. Il est conçu comme un parcours initiatique. Le jardin de thé comprend obligatoirement un point d’eau destiné à la

purification : le ‘‘tsukubai’’. Il est formé par un récipient d’eau (‘‘Chôzubachi’’), traditionnellement encadré par deux pierres, dont l’une est plus haute que l’autre. Elles servaient à recevoir une bougie et un seau d’eau. Devant lui, une dalle appelée ‘‘Mae ishi’’ ou ‘‘Zen seki’’ est disposée afin de s’accroupir et d’accomplir le geste de purification avec l’eau avant la cérémonie. Il dispose en général également d’une arrivée d’eau en bambou appelée ‘‘Kakehi’’ et d’une lanterne (Toro). Ce type de jardin est souvent coupé du monde extérieur à l’aide de palissade… Le but étant pour l’individu de cheminer dans un espace naturel et apaisant. Le “tsuboniwa” quand à lui est caractérisé par sa petite taille et non par ce qui le compose (le Tsubo est une unité de surface équivalente à deux tatamis). Ainsi, un petit espace peut être transformé en jardin de thé ou en jardin sec. « Contrairement à ce que pourrait penser un occidental, il est intéressant d’insérer de gros éléments dans ces jardins afin d’agrandir mentalement l’espace », affirme Olivier Geslin.

Le minéral La place du minéral est prépondérante dans les jardins japonais. À lui seul, il peut représenter la montagne, les lacs, les rivières ou encore les îles. C’est lui qui fait la structure du jardin. Dans la tradition shintoïste les pierres ont une âme qu’il est important de respecter. C’est pourquoi leur disposition ne peut être laissée au hasard sinon, celles-ci perdent leur âme. Comme l’explique Érik Borja « Vous devez conserver l’orientation, l’exposition et la disposition que la pierre avait à l’origine. Ainsi, une pierre que vous avez pris qui à été trouvée horizontalement ne peut être installée verticalement dans le jardin. Par ailleurs, une pierre qui à l’origine était dans un sous-bois et couverte de mousse, si vous la mettez dans un endroit exposé au soleil, elle va perdre la patine qui la caractérise et

« CONTRAIREMENT À CE QUE POURRAIT PENSER UN OCCIDENTAL, IL EST INTÉRESSANT D’INSÉRER DE GROS ÉLÉMENTS DANS LES PETITS JARDINS AFIN D’AGRANDIR MENTALEMENT L’ESPACE »

La taille et l’entretien des jardins permettent de maitriser la forme et de conserver l’échelle que le concepteur a prévu à l’origine

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donc son intérêt ». Les pierres qui sont installées dans le jardin ne peuvent être simplement posées au sol. Elles doivent impérativement avoir leur base enfouie, signe de leur stabilité et de l’immuabilité du jardin.

Les pas japonaisComposants principaux des jardins japonais, parce qu’ils participent à leur trame, les pas japonais obéissent à des préceptes précis. Il existe différentes variétés de pas japonais avec des designs différents. ‘‘Tobi ishi’’ est un terme général pour désigner le pas japonais. Il signifie littéralement ‘pierres volantes’. Ce qui suppose que ces pas dépassent largement du sol afin de protéger le bas des kimonos à la saison des pluies. Ils peuvent aussi être construits avec des tuiles japonaises à champs, des meules ou tout autre élément susceptible d’accueillir des pieds et intéressant pour le design. Ce qui est surtout intéressant de noter c’est que le pas japonais, et plus généralement les jardins, peuvent revêtir différents styles : du plus strict et géométrique (‘‘Shin’’) au plus libre et naturel (‘‘So’’) en passant par un mixte des deux (‘‘Gyo’’) en fonction de la sensibilité du client, dans ce dernier cas les pierres naturelles et géométriques sont mélangées.Les pas japonais sont mis en place de façon à diriger le regard et à moduler la marche. En effet, si les pierres sont très rapprochées, elles incitent au ralentissement et lorsqu’elles sont éloignées, au contraire à déambuler plus librement. Certains types de jardins peuvent recevoir des pas japonais même en ne bénéficiant pas de circulations en leur sein, c’est le cas des jardins de contemplations notamment. Par ailleurs, il existe d’autres types de circulations comme des dallages appelés ‘‘Nobedan’’, dont il existe également plusieurs types, et qui obéissent aussi à des règles précises.

Érik Borja Érik Borja est né en Algérie. Rien ne le destinait au départ à vouer une passion pour les jardins japonais et devenir « l’amateur éclairé » qu’il est aujourd’hui. Adolescent, il se passionne pour la culture japonaise et pour les jardins. Il suit un cursus classique et intègre jeune les Beaux-Arts en 1963. Il

travaille ensuite beaucoup sur la sculpture et le dessin. Installé à Paris, il réalise des expositions. Sa famille s’installe dans la Drôme et il descend régulièrement la voir. Dans la propriété se trouve une bergerie qu’il décide de restaurer et d’aménager un petit jardin devant. « Comme je ne venais pas souvent, je voulais un jardin facile à entretenir, j’ai donc décidé de faire un jardin zen. J’ai commencé en 1973. En 1977, j’ai réalisé un voyage initiatique au Japon qui m’a complètement bouleversé et lorsque je suis rentré j’ai voulu tout changer dans mon jardin. J’ai quitté Paris pour m’installer dans la Drôme mais je continuais de penser cette activité comme une passion » se souvient-il. Les jardins de méditations correspondaient bien à la personnalité de l’artiste « on joue avec l’espace, le minéral, la lumière et le végétal ». Il se plait tellement dans son jardin qu’il en délaisse son atelier. « Mes proches ont pris cela pour une crise de la quarantaine et me mettaient en garde, mais j’ai toujours travaillé à l’instinct, j’ai donc continué et ce jusqu’en 1986 ». C’est à ce moment là que ses mêmes amis qui n’y croyaient pas au départ on commencé à lui demander d’aménager leurs jardins. En 1988, il a son premier article dans la presse qui débouche sur l’obtention d’un chantier en Corse. « On a travaillé à l’unisson avec les clients. Ca a duré quatre ans. C’était un chantier incroyable, j’ai déplacé des montagnes ! » Il poursuit également son jardin dans la Drôme, qu’il décline et est devenu un jardin labellisé « jardin remarquable ». Parallèlement à cela, Érik Borja réalise des jardins d’inspiration japonaise pour des entreprises, des particuliers ou même dans le domaine public.

Il existe des types de circulations autres que les pas japonais, comme ces dallages appelés Nobedan.

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Le végétal Il y a deux façons d’appréhender le choix des végétaux. Vous pouvez utiliser des espèces locales, le jardin japonais étant une représentation de la nature environnante. C’est ce qu’a fait Érik Borja avec son jardin méditerranéen dans la Drôme. L’autre possibilité c’est d’utiliser des végétaux exotiques « le pin, les prunus, les érables japonais, les azalées japonaises, les glycines et, dans une moindre mesure, le bambou sont des incontournables dans les jardins japonais traditionnels », explique Olivier Geslin. Cette liste est non exhaustive évidemment, et on trouve également des iris, des lotus, des nymphéas… L’érable, le cerisier et les azalées jouent des rôles importants pour marquer la saisonnalité. La végétation changeante de l’érable japonais est intéressante en toute saison mais il est particulièrement remarqué à l’automne avec son feuillage pourpre, les prunus et les azalées jouant un rôle majeur au printemps avec leur floraison. Le pin est omniprésent dans les jardins et notamment dans les jardins zen. C’est son intemporalité qui en fait un arbre de prédilection. Dans les jardins japonais, dans tous les cas, on choisira de préférence des arbres à croissance lente et à faible développement, qui seront plus facile à maitriser.Concernant les buissons qui seront maintenu dans une forme compacte, on favorise des végétaux denses comme des azalées, des buis, voire des bruyères ou des pittosporum si les premiers ne conviennent pas au climat et au terrain.

L’eau est très présente dans les jardins japonais, même si ce n’est que par la symbolique comme ici cette rivière sèche dans les jardins du Kinkaku-ji.

Le jardin de thé comprend obligatoirement un point d’eau destiné à la purification : le tsukubai.

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La place du minéral est prépondérante dans les jardins japonais. À lui seul, il peut représenter la montagne, les lacs, les rivières... c’est lui qui structure l’espace.

L’entretien fait partie intégrante des jardins japonais, le client doit en avoir conscience.

Parmi les six types de jardins japonais, trois sont plus couramment mis en œuvre par les entreprises du paysage : le jardin zen karesansui, le jardin de thé chaniwa et le petit jardin tsuboniwa.

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L’entretien « L’entretien fait partie intégrante des jardins japonais », insiste Olivier Geslin, il est indispensable que les clients soient intéressés par leur jardin et qu’ils veuillent passer du temps à l’entretenir ou que vous fassiez la prestation ». En effet, les jardins japonais demandent de la rigueur lors de leur création mais également ensuite pour leur entretien, notamment concernant la taille des végétaux. « La taille et l’entretien des jardins permettent de maitriser la forme et de conserver l’échelle que le concepteur a prévu à l’origine ». La taille japonaise, ou ‘‘Sentei’’, trouve ses fondements également sur le précepte selon lequel on reconstitue la nature dans le jardin. Ainsi, à l’origine, les ‘‘Niwaki’’, arbres taillés des jardins japonais, évoquent l’empreinte laissée par les éléments naturels comme les embruns, la neige, le gel ou les animaux. Il existe différents types de taille, celles-ci et bien d’autres : la taille linéaire : qui consiste à favoriser les qualités graphiques de l’arbre et laisse apparaitre le dessin du tronc et des branches. Par exemple, les pins sont ainsi taillés pour conserver une petite dimension ou leur donner un air de maturité... La taille compacte, pour les buissons, appelée ‘‘karikomi’’. Ils peuvent être traités en isolé ou en groupe.

Olivier Geslin Élevé dans une famille qui pratiquait les arts martiaux, c’est très jeune qu’Olivier Geslin a baigné dans la culture japonaise. Après avoir pratiqué le karaté avec un professeur japonais dont la personnalité l’a fortement marqué, à l’adolescence, il se passionne pour l’aikido et de manière plus générale pour la culture japonaise. Après des études de gestion, il travaille dans la banque, secteur porteur à l’époque. « J’ai tenu six ans, mais au bout de quatre ans, je commençais à réfléchir à ma future reconversion ». Parmi les critères, il souhaitait une formation courte, un métier physique, en rapport avec la nature et si possible en lien avec le Japon ! Il part alors en voyage au Japon ce qui lui a permis de visiter et de découvrir réellement les jardins japonais « avec un œil de néophyte ». À son retour en France il fait un BP en formation pour adulte dans un lycée horticole. Après avoir travaillé quelques temps comme ouvrier du paysage, il décide de se mettre à son compte et crée son entreprise « Abondance O jardins » en 2003. « J’ai eu 6 premiers mois difficiles puis les premiers chantiers sont arrivés. Et en 2004, alors que par hasard, je feuilletais un catalogue de formations, j’ai découvert que l’ENSP de Versailles organisait un stage avec Mitsuhashi Kazuo Sensei, un célèbre paysagiste japonais et son élève français. Je me suis donc inscrit sans hésiter ». Suite à ce stage, il collabore pendant quatre ans avec Mitsuhashi Kazuo Sensei et son élève à l’élaboration de ses premiers jardins en France. En 2008, il se concentre sur son activité « jardins japonais » et créé la marque ‘‘Niwashi’’. Il décide alors de dispenser des formations à destination des professionnels et d’importer du matériel de qualité du Japon. « Je propose des formations de deux jours sur les règles de base de la conception des jardins japonais avec de petits exercices pratiques, et des formations de trois jours avec la mise en place de petits jardins japonais. À partir de là, je propose des modules d’une journée sur la taille des végétaux, la construction des palissades en bambous… ». Ses formations sont susceptibles d’être prises en charge par vos OPCA (Fafsea et Vivea). Par ailleurs, il importe des outils et matériaux japonais sur son site www.niwashi. fr.

Les Niwaki, arbres taillés des jardins japonais, évoquent l’empreinte laissée par les éléments naturels comme les embruns, la neige, le gel ou les animaux.

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