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JOG Kephren Publishing » « VOLUME 1 - N°5 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 - 35 Recherche • Radiothérapie de contact et cancer du rectum chez les personnes âgées Santé publique • Bilan de l’UPCOG Paris Est Cas clinique • Faut-il la traiter pour son lymphome de haut grade, elle est démente ? Article original • État de santé des sujets âgés antérieurement traités pour un cancer : étude rétrospective dans une unité de court séjour gériatrique Actualités • L’image du JOG - Un train peut en cacher un autre! • 1 ère Conférence Internationale ESH-SIOG : hémopathies malignes du sujet âgé Billet d’humeur • L’oncogériatrie à la française : quel avenir ? Dossier thématique • Maladie d’Alzheimer et Cancers Dossier thématique • Maladie d’Alzheimer et Cancers

JOG n5:Mise en page 1

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JOG Kephren Publishing

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VOLUME 1 - N°5 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 - 35 €

Recherche • Radiothérapie de contact et cancer du rectum chez les personnes âgées

Santé publique • Bilan de l’UPCOG Paris Est

Cas clinique • Faut-il la traiter pour son lymphome de haut grade, elle est démente ?

Article original • État de santé des sujets âgés antérieurement traités pour un cancer : étude rétrospective dans une unité

de court séjour gériatrique

Actualités• L’image du JOG - Un train peut en cacher un autre !

• 1ère Conférence Internationale ESH-SIOG : hémopathies malignes du sujet âgé

Billet d’humeur • L’oncogériatrie à la française : quel avenir ?

Dossier thématique • Maladie d’Alzheimer et Cancers

Dossier thématique • Maladie d’Alzheimer et Cancers

Page 2: JOG n5:Mise en page 1

Chère Consœur, Cher Confrère,

Tout le monde s’accorde à le dire : la France fait partie des pays à la pointe en matière d’oncogériatrie, et la dynamiqueautour de cet enjeu de santé publique s’amplifie.

Cependant, nous savons tous qu’un travail important reste à conduire.Les effets conjugués du vieillissement de la population, des progrès thérapeutiques et d’une incidence accrue du nom-

bre de cancers, vont imposer d’établir une coordination plus étroite entre les disciplines oncologique et gériatrique.La vocation du JOG est d’accompagner, soutenir et diffuser l’ensemble des travaux oncogériatriques auprès de la com-

munauté scientifique.Le numéro 5 du JOG ne déroge pas à la règle. Si, au premier abord, la Maladie d’Alzheimer et le Cancer peuvent sem-

bler des pathologies très éloignées, il nous a semblé important de faire le point sur les liens qui peuvent exister entre cesdeux pathologies.

Des données récentes indiquent qu’il pourrait exister des liens importants entre ces deux maladies, et que découvrir lesmécanismes à l’origine de ces interactions pourrait ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques pour l’une et l’autre des patho-logies. De plus, en dehors des phénomènes physiopathologiques intriqués, il est évident que la prise en charge d’unpatient pour un traitement anticancéreux quel qu’il soit est impactée par une comorbidité démentielle, tant sur le plan dupronostic global que des toxicités et de leur gestion.

Vous découvrirez aussi dans ce numéro les rubriques désormais habituelles sur la recherche, les articles originaux, lescas cliniques et les actualités, avec un compte-rendu de l’ESH qui s’est tenu à Lisbonne au début de l’été, où la per-sonne âgée occupait une place centrale.

Cela renforce, si besoin en était, notre conviction sur l’intérêt de la thématique oncogériatrique qui nous anime tous. Ainsi,c’est actuellement un des principaux sujets de demande de formation médicale continue pour les gériatres et les cancé-rologues… et nous espérons contribuer à répondre à cette demande ! C’est en tout cas notre souhait le plus cher.

Enfin, nous souhaitons remercier très sincèrement l’ensemble de nos abonnés pour leurs engagements à nos côtésdepuis la naissance du JOG. Et, nous invitons l’ensemble de nos confrères s’intéressant à la discipline oncogériatrique,à nous soutenir par la soumission de leurs épreuves pour publication et en s’abonnant au JOG. n

Véronique Girre Olivier Guerin Dimitri VerzaOncologue médicale – Institue Curie, Paris Gériatre – CHU de Nice Directeur de la publication

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Éditorial

185 VOLUME 1 - N°5 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie

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VOLUME 1 - N°5 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010

Rédacteurs en chefV. Girre (Paris)O. Guerin (Nice)

Rédacteur en chef techniqueT. Marquet (Paris)

Directeur de la rédactionJ.-P. Spano (Paris)

Advisory boardL. Balducci (Tampa - USA)J.-P. Droz (Lyon)

Chefs de rubriqueRecherche : G. Zulian (Genève - Suisse)Santé publique : T. Cudennec (Boulogne-Billancourt)Cas clinique : F. Retornaz (Marseille)Article original : C. Terret (Lyon)Actualités : L. Balardy (Toulouse), L. Mourey (Toulouse)

Comité éditorialG. Albrand (Lyon) - E.-C. Antoine (Neuilly-sur-Seine) - T. Aparicio (Bobigny) - A. Astier (Créteil) - R. Audisio(Londres - UK) - D. Azria (Montpellier) - S. Baffert (Paris)- S. Bonnin-Guillaume (Marseille) - C. Bouleuc (Paris) -E. Brain (Saint-Cloud) - E. Carola (Senlis) - P. Chaibi(Paris) - A. Charrasse (Monaco) - P. Chassagne (Rouen)- S. Delaloge (Villejuif) - M. Extermann (Tampa - USA) -P. Follana (Nice) - E. François (Nice) - J.-M. Hannoun-Levi (Nice) - Y. Kirova (Paris) - V. Laroche (La Ville-du-Bois) - C. Leger-Falandry (Lyon) - F. Lokiec (Saint-Cloud)- N. Magné (Saint-Priest en Jarez) - Y. Menu (Paris) -M. Paccalin (Poitiers) - M. Puts (Toronto - Canada) -L. Ribière (Versailles) - L. Rotenberg (Neuilly-sur-Seine)- F. Rousseau (Marseille) - S. Schneider (Nice) - F. Scotté(Paris) - L. Sifer-Rivière (Paris) - P. Soubeyran (Bordeaux)- L. Teillet (Paris) - M.-C. Van Nes (Liège, Belgique)

Comité scientifiqueM. Arcand (Sherbrooke - Canada) - J.-P. Aquino (Paris)- B. Asselain (Paris) - D. Benchimol (Nice) - R.-J. Bensadoun(Poitiers) - H. Bergmann (Montréal - Canada) - G. Berrut(Nantes) - F. Blanchard (Reims) - M. Bonnefoy (Lyon) -I. Bourdel-Marchasson (Bordeaux) - H. Curé (Reims) -T. De Baere (Paris) - M. Debled (Bordeaux) - L. Escalup(Paris) - J.-M. Ferrero (Nice) - M. Ferry (Valence) -G. Freyer (Lyon) - J.-P. Gérard (Nice) - E. Gilson (Nice) -X. Hebuterne (Nice) - M. Hery (Monaco) - C. Jeandel(Montpellier) - P. Kerbrat (Rennes) - D. Khayat (Paris) -J. Latreille (Montréal - Canada) - J.-P. Lotz (Paris) -L. Mignot (Paris) - G. Milano (Nice) - E. Mitry (Boulogne-Billancourt) - F. Mornex (Lyon) - M. Namer (Nice) -F. Nourhashemi (Toulouse) - A. Pesce (Monaco) - J.-Y. Pierga(Paris) - F. Piette (Ivry-sur-Seine) - F. Puisieux (Lille) -M. Rainfray (Bordeaux) - G. Ruault (Paris) - O. Saint-Jean(Paris) - M. Schneider (Nice) - C. Thieblemont (Paris) -A. Thyss (Nice) - A. Toledano (Neuilly-sur-Seine) -J.-M. Vannetzel (Neuilly-sur-Seine) - U. Wedding (Berlin- Allemagne) - H. Wildiers (Louvain - Belgique)

Comité de lectureListe communiquée en fin d’année

EditeurKephren Publishing22, rue Chanez75016 Paris - FranceTél. : +33 (0)1 75 77 20 [email protected]

Directeur de la publicationD. Verza

MaquetteAu support

ImprimeurS.P.E.I. Imprimeur, Pulnoy

Relations commercialesI. Chartrain - [email protected]

[email protected]

CPPAP 0212 T 90198ISSN version papier : 2106-8534ISSN version électronique : 2107-6669Dépôt légal : à parution

Les articles publiés dans le Journal d’OncoGériatrie le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

Sommaire Table of contents

Editorial EditorialV. Girre, O. Guerin, D. Verza

Recherche ResearchRadiothérapie de contact et cancer du rectum chez les personnes âgées Contact X-ray Therapy and Rectal Cancer in Older AdultsJ.-P. Gérard, J. Gal, F.X. Zhou, K. Benezery, O. Guerin, B. Jacqueme, V. Sciortino, E. François

Santé publique Public healthBilan de l’UPCOG Paris EstReport on the East Paris UPCOGP. Chaïbi, J.-P. Spano

Cas clinique Clinical case studyFaut-il la traiter pour son lymphome de haut grade, elle est démente ?Should Non-Hodgkin’s Lymphoma be treated in a Demented Woman?I. Potard, V. Brunel, H. Negre, J Caternet, F. Retornaz

Dossier thématique ReviewMaladie d’Alzheimer et CancersAlzheimer’s Disease and CancersCoordination : L. Balardy

Maladie d’Alzheimer et Cancers : un enjeu de la coopération oncogériatriqueAlzheimer’s Disease and Cancers : a key focus of oncogeriatricS. Gerard, C. Gaudin, L. Balardy, B. Vellas

Démarche diagnostique dans la maladie d’AlzheimerDiagnosis of Alzheimer’s diseaseJ. Delrieu, S. Larorie, T. Voisin

Le suivi du patient atteint de maladie d’Alzheimer et syndromes apparentés : points clésFollow-up of patients with Alzheimer’s disease and related syndromes: key pointsH. Villars, Ch. Hein

Thérapeutiques médicamenteuses dans la maladie d’Alzheimer : état des lieux et perspec-tives innovantesDrug therapy for Alzheimer’s disease: critical appraisal and innovative perspectivesA. Piau, Ch. Hein

Cancer et déclin cognitif : des effets neurotoxiques de la chimiothérapie à la maladied’Alzheimer Cancer and cognitive decline: neurotoxic effects of chemotherapy in Alzheimer’s diseaseS. Gerard, C. Bernard-Marty, C. Gaudin, L. Mourey, L. Balardy

Article original Original articleÉtat de santé des sujets âgés antérieurement traités pour un cancer : étude rétrospectivedans une unité de court séjour gériatriqueRetrospective study of the health status of older cancer survivors in an acute care geriatric unitJ. Caternet, I. Potard, C. Molines, H. Negre, F. Retornaz

Actualités NewsL’image du JOG - Un train peut en cacher un autre !Y. Menu, A. Ruiz

1ère Conférence Internationale ESH-SIOG : hémopathies malignes du sujet âgéA.-L. Couderc

Billet d’humeur Personal viewL’oncogériatrie à la française : quel avenir ? Interview du Professeur Hervé Curé par Dimitri Verza

Agenda Calendar - Petites annonces Job ads

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Radiothérapie de contact et cancer du rectumchez les personnes âgéesContact X-ray Therapy and Rectal Cancer in Older Adults

J.-P. Gérarda, J. Galb, F.X. Zhoua, K. Benezerya, O. Guerinc, B. Jacquemed, V. Sciortinod, E. Françoise

a. Département de radiothérapie, Centre Antoine Lacassagne, Université Nice Sophia-Antipolis, France.b. Département de statistique et méthodologie, Centre Antoine Lacassagne, Nice Sophia-Antipolis, France.c. Pôle de Gérontologie-CHU de Nice, UNSA, Nice Sophia-Antipolis, France.d. Direction Régionale des Services Médicaux PACA, Marseille, France.e. Département d’Oncologie Médicale, Centre Antoine Lacassagne, UNSA, Nice Sophia-Antipolis, France.Correspondance : J.-P. Gérard, Centre Antoine Lacassagne, 33 Avenue de Valombrose, 06000 Nice, France. Courriel : [email protected]

RésuméIntroduction : Le cancer du rectum survient dans 25 % des cas à 80 ans et au delà. Cependant, dans cette tranche

d’âge, il n’existe pas de traitement standard validé et les résultats sont mal connus. Ce travail a pour but d’appor-ter quelques données objectives pour mieux connaitre le devenir de ces patients.

Matériel et méthode : Trois types de données sont disponibles : une étude épidémiologique portant sur 78 patientsde la région PACA entre 2002 et 2005. Une série de 12 patients traités au Centre A. Lacassagne par radiothérapiede contact (CXRT) entre 2002 et 2008. Une étude lyonnaise de 18 patients traités entre 1998 et 2001 par CXRT avecun recul de 10 ans.

Résultats : Jusqu’à 84 ans la chirurgie radicale précédée de radiothérapie donne à 5 ans des taux de survie de68 %, voisins des taux observés entre 70 et 79 ans. La CXRT permet chez les patients porteurs de cancer T2 et“petit” T3 des taux de survie à 9 ans de 50 % sans toxicité notable.

Conclusion : Sous réserve d’une évaluation gériatrique rigoureuse, il est possible jusqu’à 84 ans de traiter les can-cers du rectum comme dans les tranches d’âge plus jeunes. Au-delà, ou chez des patients très fragiles, souventinopérables, il est possible par radiothérapie, notamment en utilisant la CXRT, d’obtenir des réponses cliniques com-plètes et prolongées conservant une fonction rectale normale sans contrainte thérapeutique majeure.Mots clés : Cancer rectum, radiothérapie de contact, gérontologie, personnes âgées.

AbstractIntroduction: Twenty five per cent of rectal cancer cases occur in patients aged 80 years or more. However, there

is no validated standard treatment in this age range and the results are poorly known. The purpose of this study wasto obtain some objective data to better understand the outcome of these patients.

Material and Methods: Three types of data are available: an epidemiological study on 78 patients in the PACAregion between 2002 and 2005, a series of 12 patients treated at Lacassagne Centre by contact X-ray therapy (CXRT)between 2002 and 2008 and a Lyon’s study on 18 patients treated between 1998 and 2001 by CXRT with a 10 yearfollow-up.

Results: For patients aged up to 84 years, radical surgery preceded by radiotherapy gave a 5-year survival rate of68% which is similar to the rates observed between 70 and 79 years. In patients with T2 and “small” T3 cancers,CXRT gave 9 year survival rates of 50% with no notable toxicity.

Conclusion: Provided rigorous geriatric evaluation is performed, rectal cancer may be treated in the same way asin younger age groups. Above this age or in very fragile and often inoperable patients, radiotherapy and in particu-lar CXRT may be used to obtain a complete and prolonged clinical response while maintaining normal rectal func-tion with no major therapeutic constraints.Keywords: Rectal cancer, contact radiotherapy, gerontology, older adults.

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IntoductionEn France, chaque année, 12000 nouveaux cas de can-

cers du rectum sont enregistrés, dont 25 % surviennentchez des patients de 80 ans ou plus 1. Le traitement stan-dard de ces cancers après 80 ans est mal connu, car laplupart des essais randomisés n’inclut pas les patients âgés,et il est volontiers admis que leur traitement est parfoissous-optimal 2. La chirurgie est le principal traitementcuratif de ces cancers, mais après 80 ans, et surtout85 ans, les travaux hollandais soulignent le risque de mor-talité et/ou morbidité de cette chirurgie 3. Pour les can-cers T3-4 M0 résécables une radiochimiothérapie préo-pératoire est recommandée. On utilise volontiers le protocoleCAP50 : 50Gy/25 séances/5 semaines avec capécitabineconcomitante. Si la tumeur est un “petit” T3 n’envahis-sant pas le mésorectum sur plus de 5 mm on peut, après80 ans, proposer un protocole “court” utilisé en Europedu Nord et en Grande Bretagne (25 Gy en 5 séances). Laradiothérapie de contact est réalisée avec un appareilémettant des rayons x de 50 kV et permettant une irra-diation endocavitaire directement dirigée sur la tumeur

rectale à travers un rectoscope métallique 4-5. Cette tech-nique permet de délivrer en ambulatoire des doses extrê-mement élevées (100 Gy en 3 ou 4 séances) bien tolé-rées car limitées exclusivement à la tumeur. Une séancedure 2 à 3 minutes et permet d’obtenir des réponsestumorales complètes fréquentes.

Trois séries de données françaises récentes concernantces cancers du rectum après 80 ans, apportent quelquesinformations originales sur leur prise en charge.

Matériels et méthodes1) Étude épidémiologique en région PACA (DRSM).En accord avec la CNIL et le CCTIRS, et avec l’aide de

la DRSM, il a été possible d’étudier de façon rétrospec-tive le traitement et la survie de 78 patients porteurs d’unadénocarcinome rectal, âgés de 80 ans ou plus, domici-liés en région PACA et traités entre 2002 et 2005.

2) Etude des patients du Centre Antoine Lacassagneâgés de 80 ans et plus et traités par radiothérapiede contact entre 2002 et 2008. Douze patients 6 ontbénéficié d’une radiothérapie exclusive associant le plussouvent une radiothérapie de contact 50 kV et une irra-diation externe à la dose de 45 à 50 Gy en 5 semaines.Tous ces patients ont bénéficié d’une évaluation gériatrique,et la chirurgie était contre-indiquée en fonction de leur étatgénéral et de leur comorbidité responsable d’une fragilitécertaine. Le recul moyen de cette série est de 3 ans. Tousles patients étaient porteurs d’un adénocarcinome dontle stade était T2 dans 8 cas et T3 dans 4 cas. Tous lespatients étaient sans métastase décelable.

3) Etude des patients lyonnais traités entre 1998 et 2001par radiothérapie de contact sans chirurgie.

Il s’agit d’une série de 18 patients d’âge moyen 75 ans,sans évaluation gériatrique rigoureuse, qui ont été traitéspar radiothérapie de contact et inclus dans une étude debiologie moléculaire à l’occasion d’un traitement à visée cura-tive, pour un cancer du rectum jugé inopérable en raisond’une fragilité importante. Le recul moyen de cette étudeest de 9 ans. Toutes les tumeurs ont été évaluées par écho-graphie endorectale. Les stades étaient T1: 4, T2: 7 et T3: 7.Aucun patient ne présentait de métastase décelable.

Résultats1) Etude épidémiologique en région PACA.Les caractéristiques de ces 78 patients sont données

dans le tableau 1. La majorité de ces cancers étaient clas-sés T3, et la plupart ont été traités par chirurgie radicaleavec souvent une radiothérapie préopératoire (34 patients).La survie globale à 5 ans de ces 78 patients est de 51 %,et pour les 34 patients traités par radio-chimiothérapie préo-pératoire, elle est de 68 %. Les patients traités par radio-

Radiothérapie de contact et cancer du rectum chez les personnes âgées • Contact X-ray Therapy and Rectal Cancer in Older Adults

Tableau 1 : Caractéristiques cliniques etthérapeutiques de 87 patients âgés de 80 ans et pluset traités en région PACA entre 2002 et 2005

Caractéristiques N° patients %

Âge80-84≥ 85

5433

6921

Sexe*HommeFemme

4433

5743

Stade*

T1T2T3T4M0M1

511389588

81760158812

Stade opératoire*

pT0-1pT2pT3-4pN0pN1

38352617

617776040

Radiothérapie*OuiNon

4333

5743

Chimiothérapie*OuiNon

2351

3169

Chirurgie

Amputation abdominopérinéaleou HartmanRésection antérieurAutre

21

288

37

4914

* certaines données sont manquantes

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thérapie seule (18) étaient plus âgés (âge moyen 86 ans)et 2 sont vivants au-delà de 3 ans. Les femmes ont unemeilleure survie que les hommes à 5 ans (70 % versus50 %), et après 85 ans la survie à 5 ans décline rapide-ment (31 %) (figure 1). Il n’a pas été possible dans cetteétude d’évaluer les résultats en terme de contrôle local.

2) Etude des patients du CAL.Parmi 12 patients traités par radiothérapie de contact,

on notait 8 T2 et 4 T3. Le traitement a associé, dans tousles cas, une radiothérapie de contact délivrant en moyenne95 Gy en 3 séances étalées sur 25 jours à une irradiationexterne à la dose de 45 à 50 Gy en 4 à 5 semaines, asso-ciées dans 3 cas à une chimiothérapie à base de capé-citabine (1 600 mg/m2 le jour des séances de radiothéra-pie). Une réponse clinique complète a été notée chez 8/8T2 et 3/4 T3. Les 8 tumeurs T2 ont été contrôlées loca-lement sans récidive locale. Parmi les tumeurs T3, deuxsont contrôlées, une est restée évolutive et une a rechutélocalement, après une réponse locale clinique complète.Il n’y a pas eu de toxicité notable (≥ G3). Cinq patientssont décédés, 3 en rémission complète et 2 avec une tumeurévolutive locale ou métastatique. La fonction intestinale etrectale est restée satisfaisante dans tous les cas, et aucundécès n’a été lié directement au cancer, sauf chez unmalade métastatique (figure 2).

3) Etude de patients lyonnais.Les 18 patients ont tous été traités par radiothérapie de

contact délivrant en moyenne 92 Gy en 3 séances et23 jours. Certains étaient inclus dans l’essai randomisé LyonR96-02 7. Une radiothérapie externe a été associée chez16 patients avec une chimiothérapie concomitante à basede 5-fluorouracil dans deux cas. Une réponse complètea été observée chez 17 sur 18 patients. Une récidivelocale a été observée dans 4 cas dont 3 associés à unemétastase. Au total 4 patients ont présenté des métas-tases qui ont entraîné le décès. La survie globale à 9 ans

Radiothérapie de contact et cancer du rectum chez les personnes âgées • Contact X-ray Therapy and Rectal Cancer in Older Adults

Figure 2 : Patients de 84 ans traités par radiothérapiede contact pour un T3 N0 M0 en mai 2009.

Contact : 100 GyRadiochimio : CAP50Mr B 84 ans Ins. Card

Bas rectum5 / 2010 en vie indemne

Figure 3 : Survie globale de 18 patients d’âge médian75 ans traités par radiothérapie exclusive(radiothérapie de contact avec ou sans irradiationexterne). Survie en fonction du stade UICC : T1, T2 et T3.

Figure 1 : Survie globale de 78 patients traités pourun cancer du rectum et domiciliés dans la régionPACA. Survie en fonction de l’âge

AGE:[80-84] AGE:[85-100]temps 0 12 24 36 48 60 0 12 24 36 48 60n.risk 54 39 31 25 18 7 24 12 8 5 5 4survie 1 0,894 0,798 0,717 0,686 0,595 1 0,759 0,621 0,388 0,388 0,31

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Radiothérapie de contact et cancer du rectum chez les personnes âgées • Contact X-ray Therapy and Rectal Cancer in Older Adults

de ces 18 patients est de 50 % (figure 3). Une bonne fonc-tion anorectale a été conservée chez la plupart de ces per-sonnes malgré un âge très avancé.

DiscussionCes données proviennent de trois séries de patients très

différentes, à des époques différentes, avec des stadeset des traitements différents. Toutes ces études sontrétrospectives. Il est possible cependant de tirer certainesinformations intéressantes concernant l’évolution de cescancers après 80 ans, et de dégager quelques proposi-tions thérapeutiques. L’étude de la région PACA, qui estreprésentative de la situation générale en pratique cou-rante, montre qu’entre 80 et 84 ans il est possible de pro-poser à des patients porteurs de cancers T3 un traitementidentique à celui des patients plus jeunes, avec des sur-vies globales pratiquement identiques (65 % à 5 ans). Ilest possible qu’à cet âge le taux d’amputation abdomi-nopérinéale soit un peu plus élevé par crainte d’inconti-nence anale, en cas de résection antérieure sur un sphinc-ter anorectal déficient. Le traitement néoadjuvant doit êtreproposé en fonction d’une évaluation gériatrique rigoureuse.Si le patient est opérable, une radiothérapie sera généra-lement possible. Elle est habituellement délivrée à la dosede 50 Gy en 25 séances et 5 semaines (avec réductiondes champs à 44 Gy). Il est possible, compte-tenu de lafragilité, de l’éloignement, de faire des schémas plus hypo-fractionnés (39 Gy/13séances/17 jours ou 25 Gy/5séances/1 semaine). La chimiothérapie néoadjuvante ouadjuvante est très rarement proposée après 80 ans. Onutilisera éventuellement la capécitabine uniquement le jourdes séances de radiothérapie à la dose de 1,600 mg/m2/jour.

Les deux études du Centre Antoine Lacassagne et deLyon utilisant la radiothérapie de contact chez des patientsjugés inopérables permettent d’apporter des donnéesbien validées. Tout d’abord l’étude lyonnaise confirmequ’il est possible d’obtenir des survies avec rémissioncomplète prolongée à 8 ans et au-delà, qui confinent à lanotion de guérison. On peut estimer, comme il a été publiédans quelques séries, 4-5,8 qu’il est possible d’obtenir parradiothérapie de contact seul un taux de contrôle local voi-sin de 90 % pour les T1N0. Les tumeurs classées T2 ouT3 N0 doivent être traitées par une association de radio-thérapie de contact et d’irradiation externe (éventuellementassociée à une chimiothérapie concomitante avec capé-citabine : protocole CAP50) 9, en raison d’un risque d’ex-tension ganglionnaire dans 20 à 35 % des cas. Avec unetelle association il est possible d’espérer un taux de contrôlelocal voisin de 80 % pour les T2, et de 50 % pour les “petits”T3 ne dépassant pas 4 cm de diamètre. On voit égale-ment avec la série du Centre Antoine Lacassagne, où lespatients sont tous au-delà de 80 ans, qu’un nombre signi-ficatif de patients va décéder dans les 3 premières années

après la radiothérapie, mais sans que le cancer soit res-ponsable de leur décès. Ces patients ne présentent pasde gêne fonctionnelle importante, même si leur tumeur rec-tale n’est pas toujours totalement stérilisée et qu’elle évo-lue “à bas bruit” sans symptôme majeur jusqu’au décès,lié très souvent à des comorbidités.

On peut donc retenir de ces trois séries, très différentesmais complémentaires, qu’au moins jusqu’à 84 ans lecancer du rectum peut être traité comme chez des patientsplus jeunes et avec des résultats très voisins, sous réserved’une évaluation gériatrique rigoureuse et d’une prise encharge spécialisée multidisciplinaire. Au-delà de 84 ans,ou chez des patients jugés inopérables en raison de leurfragilité, ou qui refusent obstinément une colostomie défi-nitive voire une chirurgie radicale, il est encore possible sila tumeur est limitée T1 T2 ou “petit” T3 N0 M0 ne dépas-sant pas 4 cm, de proposer un traitement à visée cura-tive. Dans ces cas, la radiothérapie de contact, souventassociée à une irradiation externe, jouera un rôle essen-tiel. Cette radiothérapie de contact désormais réaliséeavec le nouvel appareil Papillon 50TM est bien tolérée, réa-lisable à tout âge, et nécessite 3 à 5 séances maximumde quelques minutes en ambulatoire. Son efficacité tientà sa très grande précision, grâce au contrôle direct de lavision qui permet de distribuer des doses très élevées par-faitement ciblées, et dans un petit volume. Comme pourtout médecin spécialiste prenant en charge les cancersdu rectum, cette radiothérapie de contact impose une bonneexpérience et maîtrise clinique du toucher rectal et de larectoscopie rigide. n

Bibliographie :1 Belot A, Grosclaude P, Bossard N et al. Cancer incidence and mortality in France overthe period 1980-2005. Rev Epidemiol Sante Publique 2008 Jun ; 56 (3) : 159-75.2 Jung B, Pahlman L, Johansson R, Nilsson E. Rectal cancer treatment and outomein the elderly : an audit based on the Swedish Rectal Cancer Registry 1995-2004.BMJ Cancer 2009, 9 : 68.3 Rutten HJ, den Dulk M, Lemmens VE, van de Velde CJ, Marijnen CA. Controversiesof total mesorectal excision for rectal cancer in elderly patients. Lancet Oncol 2008May ; 9 (5) : 494-501.4 Papillon J. Present status of radiation therapy in the conservative managemen tofrectal cancer. Radiother Oncol 1990 ; 17 (4) : 275-283.5 Gérard JP, Ayzac L, Coquard R et al. Endocavitary irradiation for early rectal carci-nomas T1 (T2). A series of 101 patients treated with the Papillon technique. Int JRadiat Oncol Biol Phys 1996 ; 36 : 775-783.6 Gérard JP, Ortholan C, Benezery K, Ginot A, Hannoun-Levi JM, Chamorey E,Benchimol D, François E. Contact X-ray therapy for rectal cancer : experience inCentre Antoine-Lacassagne, Nice, 2002-2006. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2008 Nov1 ; 72 (3) : 665-70.7 Gerard JP, Chapet O, Nemoz C et al. Improved sphincter preservation in low rectalcancer with high-dose preoperative radiotherapy : the lyon R96-02 randomized trial.J Clin Oncol 2004 Jun 15 ; 22 (12) : 2404-9.8 Aumock A, Binbaum EH, Fleshman JW et al. Treatment of rectal adenocarcinomawith endocavitary and external beam radiotherapy : results for 199 patients with loca-lized tumors. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2001 ; 51 (2) : 363-370.9 Gérard JP, Azria D, Gourgou-Bourgade S et al. Comparison of two neoadjuvant che-moradiotherapy regimens for locally advanced rectal cancer : results of the phase IIItrial ACCORD 12/0405-Prodige 2. J Clin Oncol 2010 Apr 1 ; 28 (10) : 1638-44.

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Bilan de l’UPCOG Paris EstReport on the East Paris UPCOG

P. Chaïbi, J.-P. SpanoUPCOG Paris Est, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière Charles Foix, Paris, France.

RésuméL’UPCOG Paris Est, créée en 2005, se caractérise par une filière complète de prise en charge oncogériatrique (consul-

tation, RCP, hôpital de jour, hospitalisation de court et moyen séjour). L’évaluation de la RCP oncogériatrique cou-plée aux consultations d’évaluation gériatrique a abouti à une modification de la prise en charge thérapeutique chez80% des patients.Mots clés : Sujets âgés, cancer, évaluation gériatrique.

AbstractThe East Paris UPCOG, set up in 2005, provides a complete system (consultant visit, multidisciplinary team mee-

ting, day hospital, short and medium stay hospitalisation) for managing geriatric oncology patients. The assessmentof the geriatric oncology MDT meeting coupled with geriatric evaluation visits leads to a modification of therapeu-tic management in 80% of patients.Keywords: Elderly, cancer, geriatric evaluation.

L’UPCOG Paris Est a été créée en 2005 suite à unappel d’offres de l’INCa, et est dirigée actuellementpar le Docteur Pascal Chaibi – PH, gériatre, héma-

tologue, médecin coordonnateur de cette UPCOG, et parle Professeur Jean-Philippe Spano – PU PH oncologuedans le service d’Oncologie Médicale du Professeur Khayat,et responsable sur le site Pitié-Salpêtrière.

Contexte et mise en placeDans le cadre du premier appel d’offres de l’INCa concer-

nant la mise en place de ces unités spécifiques dédiéesaux patients âgés atteints de cancer, l’objectif de l’UPCOGétait d’améliorer la prise en charge de ces patients, maisaussi de promouvoir la recherche et la diffusion de l’infor-mation concernant l’oncogériatrie au sein des différenteséquipes médicales, ainsi qu’auprès du grand public.

La mise en place de cette unité d’oncogériatrie reposaitsur une collaboration étroite entre, d’une part le serviced’oncologie médicale de l’hôpital Pitié-Salpêtrière et l’en-semble des 16 RCP d’organes de la Pitié-Salpêtrière,d’autre part l’unité de court séjour gériatrique de l’hôpitalCharles Foix, et enfin la collégiale d’hématologie regrou-pant les différents services d’hématologie de l’AP-HP.

Très rapidement, afin d’améliorer la prise en charge et lecircuit des patients, ont été créées une consultation d’éva-luation gériatrique au sein du département d’oncologie médi-cale de la Pitié-Salpêtrière, et une RCP spécifique bimen-suelle d’oncogériatrie.

Développer l’offre de soinsGrâce à une allocation budgétaire obtenue dans le cadre

de l’appel d’offres de l’INCa, l’offre de soins oncogéria-triques a pu être développée au sein de l’UPCOG avec lacréation ou le développement sur le site de Charles Foixd’une filière de soins complète comprenant :

• une unité de court séjour d’oncogériatrie ;• un hôpital de jour thérapeutique d’oncogériatrie ;• une unité de soins de suite d’oncogériatrie ainsi qu’une

unité de soins de suite et de renutrition post-chirurgiedigestive.

Cette filière de soins d’oncogériatrie cohérente est par-faitement articulée avec les services d’oncologie et d’hé-matologie de l’UPCOG, permettant d’améliorer la prise encharge et le circuit des patients âgés atteints de cancer.

Une RCP spécifiqueUn des premiers objectifs de l’unité a été d’aider à la déci-

sion thérapeutique les cancérologues prenant en chargeles patients âgés, avec la mise en place d’une RCP spé-cifique dédiée à l’oncogériatrie où sont présentés, aprèsévaluation gériatrique, tous les dossiers des patients âgésprésentés en RCP d’organes pour lesquels un avis géria-trique est nécessaire. Cette évaluation gériatrique estmenée lors d’une consultation hebdomadaire dans le ser-vice d’oncologie médicale, et aussi au sein d’un hôpitalde jour d’évaluation gériatrique sur le site Charles Foix, pourles patients les plus complexes. Cette RCP dédiée à l’on-

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cogériatrie permet de réaliser une parfaite interface entreles oncologues médicaux, radiothérapeutes, chirurgiens,spécialistes d’organes, gériatres, anatomopathologistes,et une décision thérapeutique intégrant une démarchegériatrique peut ainsi être prise de manière collégiale.

RCP et décision de traitementUne des premières études menées consistait à évaluer

l’impact de cette RCP d’oncogériatrie, notamment surune modification éventuelle de décision thérapeutique ausein de la RCP par rapport à la décision prise au sein dela RCP d’organes. Entre janvier 2007 et novembre 2008,161 patients (57 hommes et 104 femmes), d’un âgemoyen de 82,4 ans ont été étudiés. Pour 83 % despatients, ils étaient en première ligne de traitement, et53 % des patients étaient à un stade métastatique.

La répartition selon les sites tumoraux est rappelée dansle tableau 1 avec une prédominance des cancers digestifs.

L’évaluation gériatrique a permis d’identifier chez cespatients un certain nombre de comorbidités. L’objectifétait également bien entendu de proposer des interven-tions gériatriques (symptomatiques, nutritionnelles, cog-nitives…) (tableau 2).

Notre étude a montré un impact important de l’évalua-tion gériatrique sur la prise en charge thérapeutique. Eneffet, 76 % des patients bénéficiaient d’une interventiongériatrique.

En terme de traitement anti-tumoral, la décision prise aucours de la RCP d’oncogériatrie s’est révélée être diffé-rente de celle de la RCP d’organes initiale pour 49 % despatients, soit 79 patients. Pour 34 patients (21 %), l’atti-tude thérapeutique proposée par la RCP a été plutôt dediminuer la dose intensité en proposant une chimiothéra-pie retardée pour 5 patients, une diminution des dosespour 10 patients et une prise en charge purement symp-tomatique pour 19 patients. En revanche, pour 45 patients(28 %), l’attitude thérapeutique proposée par la RCP d’on-cogériatrie a été en faveur d’une dose intensité supérieure(chimiothérapie adjuvante plutôt que surveillance, chimio-thérapie intra-veineuse plutôt qu’une chimiothérapie oraleproposée à la RCP d’organes, associations de chimiothé-rapie et de radiothérapie). Trente-deux de ces 45 patientsont effectivement reçu une chimiothérapie de dose d’in-tensité supérieure ou égale à 75 % de la dose initiale pré-vue ; 13 patients n’ont pas reçu le traitement anti-tumo-ral proposé par la RCP d’oncogériatrie (4 patients ont refusé,3 patients ont présenté une aggravation avant le débutdu traitement, et 6 patients ont présenté une toxicitémajeure après la première cure avec modification du trai-tement pour les cures suivantes).

Au total, notre étude a permis ainsi de mettre en évidencel’importance que peuvent avoir sur la décision finale, nonseulement une évaluation gériatrique, mais également uneRCP d’oncogériatrie, et spécifiquement chez des patientstrès âgés de plus de 80 ans qui représentent la majeurepartie de nos patients 1.

Une mission de formation et d’information

Au-delà de ses missions de soins, avec comme objec-tif le développement de cette filière gériatrique hospitalière,permettant l’accès aux traitements anti-cancéreux depatients âgés atteints de cancer ou d’hémopathies malignes,notre unité a également mis en place une mission de for-mation et d’information. Cet axe s’est notamment tourné

Bilan de l’UPCOG Paris Est • Report on the East Paris UPCOG

Tableau 1 : Caractéristiques des patients

Caractéristiques No %Âge, années

Moyen 82,4Intervalle 73-97

Âge distribution, années70-75 6 475-79 41 2580-84 60 3785-89 40 25> 90 14 9

SexeHomme 57 35Femme 104 65

Type de cancerColo-rectal 54 33Autre digestif 27 17Sein 31 19Poumon 14 9Gynécologique 11 7Autres 24 15

Ligne de traitement à l’inclusionPremière ligne 134 83Autre 27 17

Statut néoplasique à l’inclusionAdjuvant 75 47Localement avancé/Métastatique 86 53

Tableau 2 : Prise en charge gériatrique des patientsvus en RCP d’oncogériatrie

No %Patients bénéficiant d’une intervention gériatrique 122 76Prise en charge nutritionnelle 76 47Traitement dépression 30 19Exploration et/ou traitement de troubles cognitifs 29 18Adaptation des traitements 60 37Prise en charge sociale 32 20

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vers le grand public : une actualisation et une révision dela brochure grand public « Avoir un cancer après 70 ans »de la Ligue contre le cancer, un article « Guérir d’un can-cer après 70 ans » dans le journal Notre Temps, et uneréunion grand public annuelle d’une demi-journée à l’hô-pital Charles Foix consacrée à l’oncogériatrie.

L’UPCOG a aussi comme mission de participer au déve-loppement de la prise en charge des patients âgés atteintsde cancer par une activité de formation médicale et para-médicale, et d’information des spécialistes concernés(gériatres, oncologues et hématologues) sur les spécifi-cités oncogériatriques. Pour le personnel soignant, de nom-breuses réunions sont organisées, que ce soit à l’atten-tion des infirmières mais aussi de l’ensemble desparamédicaux, au sein de l’enseignement post-universi-taire ou au sein même de l’école des infirmières dans lecadre du module gériatrique.

Dans le cadre de sa mission universitaire, l’ensemble desresponsables de cette unité participe à de nombreuxenseignements, que ce soit au sein de masters de can-cérologie, de DU d’oncogériatrie, de DU de carcinologieclinique, de DU de pharmacie et de gériatrie ou de phar-macie et de cancérologie, ou au sein du DESC de can-cérologie et/ou du DIU européen de chirurgie cancérolo-gie. Des formations médicales spécifiques ont été réalisées:demi-journée consacrée à l’oncogériatrie lors du congrès2009 de la Société Française d’Hématologie, création en2009 des rencontres nationales d’oncogériatrie lors ducongrès annuel de l’ICACT.

La recherche en oncogériatrieL’UPCOG Paris Est a également une mission de recherche.

L’étude concernant l’influence de l’évaluation gériatriquesur la décision thérapeutique finale résumée ci-dessusest acceptée pour publication dans Critical Review inOncology and Hematology 1.

Le recrutement de patients âgés a aussi permis d’agré-menter une étude concernant l’utilisation du cetuximab chezles sujets âgés, et a clairement démontré son efficacité,même chez des patients lourdement prostatés, mais éga-lement sa tolérance, et a valu une publication dans CriticalReview in Oncology and Hematology en 2008 2.

Un autre projet de recherche a porté sur les traitementsdes lymphomes malins non hodgkiniens chez les patients

âgés, fragiles, et est soumis actuellement dansHaematologica 3. Une étude concernant l’impact de l’éry-thropoïétine sur le traitement de la myélodysplasie du sujetâgé a été publiée dans Oncology en 2006 4 et fait l’objetd’un nouvel article sur le suivi à long terme de ces patients.Une étude sur le traitement par agents déméthylants del’ADN dans les leucémies aiguës myéloblastiques est encours.

De nouveaux projets en terme de recherche cliniquesont en cours, en particulier portant sur l’impact des dif-férents traitements cytotoxiques sur la clairance rénale, encollaboration étroite avec le service de néphrologie de laPitié-Salpêtrière, et l’utilisation chez des patients beaucoupplus jeunes de nouvelles molécules validées et en parti-culier les thérapies ciblées, les inhibiteurs d’angiogenèsedans le domaine de la cancérologie mammaire et la can-cérologie digestive.

ConclusionLa création de l’UPCOG Paris Est a permis une amélio-

ration de la prise en charge des patients âgés atteints decancer, notamment grâce à la création d’une consulta-tion d’évaluation gériatrique qui influe de manière fré-quente sur le programme personnalisé de soins proposéà ces patients. À l’avenir, l’utilisation systématique par lesoncologues du groupe hospitalier des outils de dépistagegériatrique en cours de validation, pour décider d’adres-ser ou pas les sujets âgés à cette consultation, permet-tra d’étendre le bénéfice de cette prise en charge com-mune à l’ensemble des patients. n

Bilan de l’UPCOG Paris Est • Report on the East Paris UPCOG

Bibliographie :1 Chaïbi P, Magné N, Breton S, Chebib A, Watson S, Duron JJ, Hannoun L, LefrancJP, Piette F, Spano JP. Influence of Geriatric Consultation with Comprehensive GeriatricAssessment on Final Therapeutic Decision in Elderly Cancer Patients. CROH in press2 Bouchahda M, Macarulla T, Spano JP, Bachet JB, Lledo G, Andre T, Landi B, TaberneroJ, Karaboué A, Domont J, Levi F, Rougier P. Cetuximab efficacy and safety in a retros-pective cohort of elderly patients with heavily pretreated metastatic colorectal can-cer. Crit Rev Oncol Hematol 2008 ; 67 (3) : 255-623 Chaïbi P, Tagzirt M, Chebib A, Koenig N, Piette F. Treatment by R-CHOP for non Hodgkin’slymphoma in frail elderly patients : a single center experience. Haematologica, sub-mitted for publication.4 Chaïbi P, Gouin I, Berigaud S, Siguret V, Pautas E, Schlageter MH, Rain JD, RaffouxE. High response rate to Epoetin Beta in elderly patients with myelodysplasia (MDS) :results of a prospective study. Oncology 2006, supp 1:45-6.

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L’Histoire cliniqueUne femme de 74 ans est adressée à la consultation d’on-

cologie gériatrique pour aide à la décision thérapeutiquedevant la découverte d’un lymphome diffus à grandescellules B (LDGCB), cette patiente est atteinte de démencede type Alzheimer. Dans ses antécédents, on note unsyndrome dépressif, un asthme, un diabète de type 2, uneartériopathie (carotidienne et des membres inférieurs) etune démence de type Alzheimer diagnostiquée 4 mois plustôt. Elle est tabagique active. Son traitement comprenddu Glicazide, du Lormétazépam, du Citalopram, de laRispéridone, du Donépézil, du Valsartan, del’Hydrochlorothiazide, du Fluticasone.

Elle a été admise 4 mois plus tôt en service de gériatriepour un bilan de troubles cognitifs avec amaigrissementmajeur (20 kg en un an) chez une patiente tabagique. Lebilan biologique était normal. Le scanner thoraco-abdo-minopelvien retrouvait de multiples adénomégalies médias-

tinales supracentimétriques sans autre organomégalie.La patiente a été prise en charge en pneumologie pourun complément d’exploration où une fibroscopie bronchiques’est révélée normale. Le diagnostic anatomopatholo-gique a été posé après médiastinoscopie : LDGCB. Au vude la gravité du pronostic, la réunion de concertation plu-ridisciplinaire a proposé une polychimiothérapie curativede type R-CHOP, à discuter selon avis oncogériatrique.Elle nous est alors adressée.

Lors de la consultation, la patiente est asymptomatique.Il n’y a pas de douleur, ni de dyspnée, elle a repris 10 kgen 4 mois. L’évaluation gériatrique est résumée dans letableau 1. La patiente vit à son domicile avec son conjoint.Elle est dépendante pour les activités de la vie domes-tique et instrumentale. Elle a un critère de dénutrition etde discrets troubles de la mobilité. Le stade de démenceest modéré. Son état neurologique est stable et les symp-tômes dépressifs ont disparu.

Faut-il la traiter pour son lymphome de hautgrade, elle est démente ?Should Non-Hodgkin’s Lymphoma be treated in a Demented Woman?

I. Potarda, V. Brunelb, H. Negrea, J. Caterneta, F. Retornaza,b,c

a. Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Centre Gérontologique Départemental, 1 rue ElzéardRougier, 13012 Marseille, France.b. Hôpital Ambroise Paré, 1 rue d’Eylau, 13006 Marseille, France.c. EA3279. Evaluation des Systèmes de Soins - Santé Perçue. Université de la Méditerranée, 27 bd Jean Moulin,13006 Marseille, France.Correspondance : F. Retornaz, Unité pilote de coordination en oncogériatrie (UPCOG), Centre GérontologiqueDépartemental, 1 rue Elzéard Rougier, 13012 Marseille, France.Tél. : +33 (0)4 91 12 75 49, fax : +33 (0)4 91 12 75 52, courriel : [email protected]

RésuméCe cas clinique illustre les difficultés de prise en charge d’un lymphome malin non hodgkinien agressif chez une

patiente âgée de 74 ans atteinte de démence. La toxicité potentielle du traitement, les troubles cognitifs sous jacents,le choix de la patiente et sa famille, le caractère pauci symptomatique initial du lymphome, ont guidé la réflexiononcogériatrique. Pour cette patiente, le rapport bénéfice/risque a été finalement en défaveur d’un traitement par chi-miothérapie. Les aspects éthiques de cette décision sont discutés.Mots clés : Évaluation gériatrique, lymphome, démence, fin de vie.

AbstractThis case report illustrates the challenges of managing an aggressive lymphoma in an older woman with demen-

tia. The oncogeriatric decision-making process was guided by potential treatment toxicity, underlying cognitivedisorders, the choices of the patient and her family and the relatively few initial clinical symptoms of the lymphoma.For this woman, the benefit/risk ratio contraindicated chemotherapy. Ethical aspects are discussed in this article.Keywords : Geriatric assessment, lymphoma, dementia, end of life.

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Au total, cette patiente démente pose le problème de laprise en charge d’une hémopathie maligne d’évolution défa-vorable potentiellement rapide, pour laquelle un traite-ment curatif est possible par polychimiothérapie. L’alternativeétant une abstention thérapeutique avec traitement pal-liatif en cas d’apparition de symptômes (antalgiques, cor-ticoïdes).

DiscussionÀ l’issue de l’évaluation gériatrique, les questions suivantes

ont été abordées :• Seul un traitement agressif pouvait permettre un espoir

de guérison ;• Des facteurs sous jacents interféraient avec la prise en

charge dont le principal était la démence ;• La patiente était asymptomatique avec une qualité de

vie conservée.Chez les patients de plus de 60 ans, le traitement de réfé-

rence des LDGCB comporte l’association de 8 cycles depolychimiothérapie de type CHOP (Cyclophosphamide,Adriamycine, Vincristine, Prednisone) espacés de 21 jours,et de Rituximab 1. La toxicité de ce protocole est non négli-geable et elle augmente avec l’âge. Ainsi dans l’étude de

Chrischilles 2, le risque d’aplasie fébrile était doublé chezles plus de 65 ans (36.5 % versus 63.5 %). Chez le sujetâgé fragile, des protocoles de type mini CHOP ont été pro-posés, mais avec une réduction du taux de guérison etun risque non négligeable de toxicité 3.

La démence est un facteur de fragilité majeur en onco-logie et complique la prise en charge classique (risque desyndrome confusionnel, difficulté d’observance etc.). Ladémence est le plus souvent un facteur d’exclusion de toutedémarche diagnostique et thérapeutique 4. Chez lespatients déments se pose la question du bénéfice/risque,car l’évolution de cette maladie chronique est à moyen termefatale. La décision de prise en charge palliative ne doit pasêtre systématique lorsqu’un traitement curatif peut être pro-posé.

Lorsqu’un patient présente des troubles cognitifs, l’in-formation, l’obtention du consentement et l’adhésion autraitement proposé compliquent la prise en charge. Le plancancer 2003-2007 recommande d’avoir un dispositif d’an-nonce et un programme personnalisé de soins (PPS). Ledispositif d’annonce a pour objectif de permettre à la per-sonne malade de bénéficier des meilleures conditionsd’information, d’écoute et de soutien. Il est suivi du PPSqui permet de formaliser la proposition de prise en chargethérapeutique. Ces 2 dispositifs s’adressent aux maladeseux-mêmes. Qu’en est-il chez le patient dément en ce quiconcerne son aptitude à comprendre le diagnostic, àconsentir aux gestes diagnostiques et/ou thérapeutiquesinvasifs, à adhérer à son traitement, à s’exprimer quant àdes choix de vie réalistes et compatibles avec le maintiende son degré d’autonomie. Selon le travail de Montani etal., la personne « incapable de discernement » au senslégal du terme peut conserver une certaine autonomie depensée 5. Cette capacité, qui peut s’exprimer de façonfugace et fluctuante dans des sursauts de lucidité, poseun problème décisionnel. Dans le cas de notre patiente,elle a été informée de son diagnostic et sa réponse fut qu’ellene voulait recevoir aucun traitement anticancéreux. Sonavis a été ajouté à la prise de décision partagée (méde-cin, soignants, famille).

Chez tout patient âgé atteint de cancer, la famille jouesouvent un rôle prépondérant dans la décision thérapeu-tique, d’autant plus quand il existe une pathologie démen-tielle. Plusieurs membres différents de la famille ont été ren-contrés et ont témoigné du souhait de la patiente d’un refusde traitement anticancéreux potentiel, alors qu’elle n’avaitpas de troubles cognitifs. La famille souhaitait que cettepatiente puisse vivre le plus longtemps à domicile sansêtre « agressée » par toute thérapeutique contraignante,même si cela impliquait une durée de vie raccourcie. Nousn’avions pas cependant de directives anticipées ou de let-tres écrites témoignant de ses choix.

Enfin, la prise en compte de la souffrance des aidants

Faut-il la traiter pour son lymphome de haut grade, elle est démente ! • Should Non-Hodgkin’s Lymphoma be treated in a Demented Woman?

Tableau 1 : Synthèse de l’évaluation gériatrique

Paramètres Score Score OMS (/4) 2Habitus DomicileEntourage familial OuiNombre de Comorbidités 5Médicaments :

Nombre 8Type de médicaments

Cardio-vasculaires 2Anticholinestérasiques 1Psychotropes 3Autres 2

Statut fonctionnelScore ADL (/6) 3Score IADL (/14) 0

NutritionPerte de poids > 4kg en 1 an OuiPerte d’appétit dans les 3 derniers mois Non

MobilitéAppui unipodal <5 sec Oui

Dépression (GDS 4 items) Non Déficit neuro-sensoriel

Déficit auditif ModéréDéficit Visuel Modéré

Cognition Score MMSE 22/30

Douleurs Non

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d’une personne atteinte de pathologie démentielle estindispensable. Pour reprendre une phrase de son conjoint :« Faut-il voir mourir rapidement son proche d’un cancerbien entouré à son domicile, ou bien assister inexorable-ment à une déchéance progressive liée à sa démence quiimpliquera une séparation avec sa famille. » Notre obser-vation illustre parfaitement le dilemme du maintien à domi-cile et de la qualité de vie chez les patients âgés démentsatteints de cancer.

La décision finale a été un retour à domicile avec abs-tention thérapeutique et mise en soins palliatifs si appari-tion de symptômes. La patiente est réhospitalisée un moisplus tard pour une bartholinite. Elle décède brutalementdans la nuit, 3 jours après son admission.

Dans une étude qui portait sur 106061 patients âgés deplus de 68 ans atteints de cancer (sein, côlon, prostate),Raji et al ont montré qu’un tiers des patients qui avaientégalement un diagnostic de démence décédaient dansles 6 mois qui suivaient le diagnostic du cancer contre seu-lement 8,5 % des patients non déments 6. Moins de 17 %de cette augmentation de mortalité étaient expliqués uni-quement par un retard de diagnostic. Une réflexion sur l’in-térêt des traitements anticancéreux chez les patientsatteints de démence doit être menée au vu de cette étude.

ConclusionCe cas illustre la difficulté de la prise en charge des can-

cers agressifs potentiellement curables chez les patientsprésentant des troubles cognitifs. L’application des direc-tives anticipées pourrait permettre, à l’avenir, d’apporter

une aide supplémentaire à la prise de décision par les pro-fessionnels, notamment en ce qui concerne l’abstentionthérapeutique. À l’inverse, ne risquent-elles pas, aussi, delimiter la réflexion quant à la possibilité d’un traitement agres-sif et potentiellement curable chez ce type de patients?Des études sont indispensables pour mieux connaître lapopulation des patients âgés déments atteints de cancer,notamment en terme de survie, de tolérance des traite-ments, de fardeau des aidants (caregiver burden pour lesAnglo-Saxons) afin de pouvoir éclairer les professionnelsde plus en plus souvent confrontés à ce type de patient. n

Bibliographie :1 Feugier P, Van Hoof A, Sebban C, Solal-Celigny P, Bouabdallah R, Ferme C, et al.Long-term results of the R-CHOP study in the treatment of elderly patients with dif-fuse large B-cell lymphoma : a study by the Groupe d’Etude des Lymphomes del’Adulte. J Clin Oncol 2005 ; 23 : 4117-26.2 Chrischilles E, Delgado DJ, Stolshek BS, Lawless G, Fridman M, Carter WB. Impactof age and colony-stimulating factor use on hospital length of stay for febrile neutro-penia in CHOP-treated non-Hodgkin’s lymphoma. Cancer Control 2002 May-Jun ; 9(3) : 203-11.3 Soubeyran P, Mertens C, Bellera C, Mathoulin-Pélissier S, Rainfray M. Managementof unfit patients with unfavourable non-Hodgkin’s lymphomas. Cancer Treat Rev 2009Oct ; 35 (6) : 528-32.4 Moulias S, Cudennec T, Teillet L. Ethic reflexion in the care of elderly people withcancer. Cancer Radiother 2009 Oct ; 13 (6-7) : 632-3.5 C. Montani, M. Molines, O. Moreaud, A. Franco. Éthique et démence : une expé-rience de trois ans de l’Espace éthique Alzheimer grenoblois. L’Encéphale (2008) 34,274-279.6 Raji M, Kuo Y, Freeman J, Goodwin J. Effect of a dementia diagnosis on survival ofolder patients after a diagnosis of breast, colon, or prostate cancer : implications forcancer care. Arch Intern Med 2008 ; 168 (18) : 2033-40.

Faut-il la traiter pour son lymphome de haut grade, elle est démente ! • Should Non-Hodgkin’s Lymphoma be treated in a Demented Woman?

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Dossier thématique • Maladie d’Alzheimer et Cancers• Alzheimer’s Disease and Cancers

Coordination : L. Balardya, b

a. Service de Médecine Interne et Gérontologique, Gérontopôle, CHU Purpan Casselardit, 31320 Toulouse, France.b. Unité Pilote de Coordination Oncogériatrique de Midi-Pyrénées, France.

Maladie d’Alzheimer et Cancers : un enjeu de la coopération oncogériatriqueAlzheimer’s Disease and Cancers : a key focus of oncogeriatricS. Gerard, C. Gaudin, L. Balardy, B. Vellas

Démarche diagnostique dans la maladie d’AlzheimerDiagnosis of Alzheimer’s diseaseJ. Delrieu, S. Larorie, T. Voisin

Le suivi du patient atteint de maladie d’Alzheimer et syndromes apparentés : points clésFollow-up of patients with Alzheimer’s disease and related syndromes: key pointsH. Villars, Ch. Hein

Thérapeutiques médicamenteuses dans la maladie d’Alzheimer : état des lieux et perspectives innovantesDrug therapy for Alzheimer’s disease: critical appraisal and innovative perspectivesA. Piau, Ch. Hein

Cancer et déclin cognitif : des effets neurotoxiques de la chimiothérapie à la maladie d’Alzheimer Cancer and cognitive decline: neurotoxic effects of chemotherapy in Alzheimer’s diseaseS. Gerard, C. Bernard-Marty, C. Gaudin, L. Mourey, L. Balardy

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De par son impact épidémiologique et ses conséquences, la Maladie d’Alzheimer (MA) repré-sente un des principaux problèmes de santé liés au vieillissement. Elle concerne près de800000 patients en France dont 611550 de plus de 75 ans (432000 à un stade modéré).

En parallèle, le cancer devient également une pathologie du sujet âgé. Il est ainsi 11 fois plus fréquentaprès 65 ans, représentant la première cause de mortalité entre 65 et 79 ans et la deuxième après 80 ans.

En dépit de cette épidémiologie, les patients âgés ont longtemps été exclus de la recherche théra-peutique en cancérologie. De plus, les schémas et protocoles thérapeutiques oncologiques ne sont, leplus souvent, pas directement extrapolables aux sujets âgés.

Depuis un certain nombre d’années toutefois, on constate le développement des chimiothérapies oralespermettant une prise en charge ambulatoire des patients. D’autre part se développent des thérapeu-tiques qui, en raison d’une plus grande spécificité de leur mécanisme d’action, sont dites « ciblées ».Elles présentent souvent moins d’effets secondaires que les médicaments cytotoxiques de premièregénération et pourraient représenter un intérêt grandissant dans cette population âgée « fragile ».

Pour l’heure, il existe cependant encore trop de préjugés dans la prise en charge du cancer chez le sujetâgé. Ceci est encore plus vrai chez les patients atteints d’une affection neurodégénérative telle que la MA.

La MA est effectivement une maladie hétérogène dont la durée d’évolution est de 8 ans en moyenne.Le diagnostic est, quant à lui, de plus en plus précoce grâce, notamment, à une meilleure approche cli-nique, aux progrès de la neuro-imagerie et à l’avènement des bio-marqueurs.

Enfin, du fait d’une meilleure connaissance de sa physiopathologie, du développement de la rechercheclinique et de l’implication de l’industrie pharmaceutique, des progrès thérapeutiques significatifs sont atten-dus pour les prochaines années. Ils devraient avoir un impact réel sur l’histoire naturelle de la maladie.

Dès lors, notre vision péjorative de la MA, à ce jour systématiquement associée à la notion de dépen-dance, de perte d’autonomie, de trouble du comportement, devra nécessairement évoluer.

Il n’en reste pas moins vrai que la prise en charge d’un cancer chez un patient atteint de MA est pluscomplexe. Les décisions doivent se prendre au cas par cas au terme d’une évaluation gériatrique com-plète et faire l’objet d’une discussion pluridisciplinaire.

Cette pathologie neurodégénérative représente donc un défi pour l’oncogériatrie. Elle nécessite demettre en œuvre une évaluation cognitive systématique des patients âgés afin de dépister les troubles,d’adapter la prise en charge au stade de la MA, d’en prévenir les complications liées au traitement ducancer (confusion, aggravation des troubles cognitifs, dénutrition). Les progrès réalisés dans la prise encharge globale et le suivi de la MA sont des modèles à suivre en oncogériatrie.

L’objet de ce dossier thématique est d’examiner les liens entre cancers et MA et de sensibiliser lesacteurs de la prise en charge oncogériatrique aux principales notions de la MA que sont : la démarchediagnostique, l’approche thérapeutique, le suivi et la prise en charge oncologique de ces patients. n

Maladie d’Alzheimer et Cancers :un enjeu de la coopération oncogériatriqueAlzheimer’s Disease and Cancers : a key focus of oncogeriatric

S. Gerarda, b, C. Gaudina, b, L. Balardya, b, B. Vellasc

a. Service de Médecine Interne et Gérontologique, Gérontopôle, CHU Purpan Casselardit, 31320 Toulouse, France.b. Unité Pilote de Coordination Oncogériatrique de Midi-Pyrénées, France.c. Pôle Gériatrie et Gérontopôle, CHU de Toulouse, Toulouse, France.Correspondance : S. Gérard, CHU de Toulouse, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse cedex, Fance. Tél. : +33 (0)5 34 55 76 24, courriel : [email protected]

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Démarche diagnostique dans la maladied’AlzheimerDiagnosis of Alzheimer’s disease

J. Delrieua, b, S. Laroriea, T. Voisina, b

a. Centre de recherche clinique Maladie d’Alzheimer, Gérontopôle, CHU de Toulouse, France.b. INSERM U558, Toulouse, FranceCorrespondance : J. Delrieu, CHU de Toulouse, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse cedex, France. Tél. : +33 (0)6 68 19 45 16, courriel : [email protected]

RésuméLa maladie d’Alzheimer (MA) constitue la cause la plus fréquente de démence et un enjeu de santé publique.

Le diagnostic clinique de la MA probable est difficile, et repose actuellement sur un faisceau d’arguments cli-niques et paracliniques. La mise en place de procédures diagnostiques performantes paraît donc indispen-sable. Le but de cet article est de résumer les principales étapes de la démarche diagnostique de la MA. Uneévaluation cognitive comprenant au minimum un MMSE et une évaluation de la mémoire, ainsi qu’un exa-men d’imagerie cérébrale morphologique devront être réalisés de manière systématique et paraissent indis-pensables. L’imagerie cérébrale fonctionnelle (perfusion cérébrale et métabolisme) et les biomarqueurs de laMA du liquide céphalorachidien peuvent également être utilisés en présence de cas atypiques ou de discor-dances entre les différents examens cliniques et complémentaires. L’amélioration des pratiques diagnostiquesde la maladie doit être envisagée parallèlement au développement de thérapeutiques plus efficaces. Le diag-nostic au stade pré-démentiel nous semble donc être réservé à la recherche clinique pour le moment.Mots clés : Maladie d’Alzheimer, diagnostic, biomarqueurs.

AbstractThe Alzheimer’s disease (AD) constitutes the most frequent cause of dementia and a stake in public health.

The clinical diagnosis of probable AD likely is difficult and bases at present on a converging clinical and para-clinical arguments. The implementation of effective diagnostic initiative countered thus indispensable. Thepurpose of this article is to summarize the main stages of the diagnostic of AD. A cognitive evaluation inclu-ding at least a MMSE and a memory evaluation as well as a structural neuromaging examination should berealized systematicaly. Functional cerebral imaging (cerebral blood flow and metabolism) and biomarkers ofAD in the cerebrospinal fluid can be also used in the presence of atypical cases or of conflicts between thevarious clinical and complementary examinations. The improvement of the diagnostic practices of the diseasemust be envisaged at the same time as therapeutics in development become more effective. Therefore thediagnosis to the predementia stage seems to us to be reserved for the clinical research at this time.Keywords: Alzheimer’s disease, diagnosis, biomarkers.

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IntroductionLa maladie d’Alzheimer (MA) constitue une cause de

démence fréquente et est actuellement un enjeu de santépublique majeur. Elle représente environ 70 % desdémences. Cependant le diagnostic clinique de MA n’estpas simple, une revue récente 1 des études en popu-lation, avec vérification neuropathologique des casrepérés en population générale, illustre la complexitéde ce diagnostic à partir de 1200 autopsies. Le diag-nostic de MA certaine reste à ce jour histologique. Lediagnostic clinique de MA probable est difficile et reposeactuellement sur un faisceau d’arguments cliniques etparacliniques. La mise en place de procédures diag-nostiques performantes paraît donc indispensable.

Dans ce but, des conférences de consensus améri-caine, européenne et également françaises ont été misesen place lors de la dernière décennie. Leurs objectifs sontde diffuser des informations liées à la prise en charge, d’éta-blir une démarche diagnostique efficace de la MA, dansle but d’harmoniser les pratiques médicales. Le but de cetarticle est de résumer les principales étapes de la démarchediagnostique de la MA. Cette approche s’articule autourde plusieurs questions qui méritent d’être éclaircies:

1) Quels sont les critères diagnostiques de la MA?2) De quels outils disposons-nous pour réaliser le

diagnostic de MA?3) Comment utiliser ces outils dans une démarche diag-

nostique simple, efficace et hiérarchisée?4) Quelles sont les perspectives diagnostiques dans

l’avenir ?

Quels sont les critères diagnostiques de la MA ?

Les critères diagnostiques les plus utilisés en rechercheclinique sont les critères DSM-IV 2 et NINCDS-ADRDA 3.Ces derniers nécessitent la présence d’un trouble mné-sique associé à l’atteinte d’au moins un autre domainecognitif, et d’un retentissement social, ou sur les activi-tés de la vie quotidienne. Ils requièrent la présence d’untrouble cognitif d’installation insidieuse ainsi que la néces-sité d’exclure d’autres pathologies pouvant être à l’ori-gine d’une détérioration cognitive. Les critères DSM-IVet NINDS-ADRDA ont été validés par l’examen neuro-pathologique, avec une précision diagnostique (de manièreindépendante au stade de sévérité de la maladie) variantde 65 % à 95 %. Par rapport aux autres démences laspécificité de ces critères est seulement de 23 % à 88 %.

De quels outils disposons-nous pourréaliser le diagnostic de MA ?

L’évaluation neuropsychologiqueLes signes cognitifs inauguraux de la MA sont le plus

souvent des troubles de la mémoire antérograde inté-

ressant les processus de stockage et d’encodage del’information. Il n’y a pas de consensus sur les testsneuropsychologiques à réaliser pour porter le diagnos-tic de MA. La plupart des tests neuropsychologiques man-quent de sensibilité et de spécificité, et le diagnostic deMA reste donc probabiliste. Cependant, la mise en évi-dence objective d’un déficit de la mémoire antérogradeen utilisant une stratégie faisant appel à un encodagesémantique, avec une évaluation du rappel libre et indicé,est indispensable et permet de différencier les patientsatteints de MA à un stade démentiel très léger (où l’hip-pocampe qui est structure cérébrale importante pour lestockage de l’information est déjà atteinte), des sujetssains même si leur score MMSE n’est pas différent 4.

Le MMSE 5 sous sa forme consensuelle établie par leGroupe de Recherche et d’Évaluations Cognitives(GRECO) doit être utilisé quel que soit le stade de sévé-rité de la maladie. Ce test standardisé, permettant d’éva-luer de manière globale les fonctions cognitives, ne per-met pas cependant seul de poser le diagnostic de MA.Le MMSE présente le problème d’un effet-plancher auxstades les plus évolués de la maladie et d’un effet-pla-fond aux stades les plus précoces. L’épreuve des 5 mots 6peut être également utilisée lors d’un premier scree-ning par le praticien en consultation pour évaluer demanière spécifique la mémoire antérograde verbale. Austade léger de la MA, il est indispensable et systéma-tique de faire réaliser un bilan psychométrique détaillépar un professionnel spécialisé en neuropsychologie.Dans la plupart des cas, même aux stades les plus pré-coces de la maladie, le déficit mnésique est associé àd’autres atteintes des fonctions cognitives. Ainsi, untrouble des fonctions exécutives et des fonctions ins-trumentales spécifiques (langage, praxie et gnosie) doitêtre recherché pour porter le diagnostic de MA, selonles critères diagnostiques actuellement utilisés.

L’évaluation fonctionnelleL’échelle ADL (Activities of Daily Living) de Katz et l’échelle

IADL 7 (Instrumental Activities of Daily Living) de Lawtonsont les outils de référence de l’évaluation des activi-tés de la vie quotidienne. Au stade léger de la maladie,la plupart des activités instrumentales et quotidiennessont encore correctement et régulièrement réalisées,il est cependant indispensable de les quantifier dès lestade précoce de la maladie, puisqu’un retentissementfonctionnel du déclin cognitif est indispensable au diag-nostic selon des critères DSM-IV.

BiologieIl est recommandé de demander en première inten-

tion, et de manière systématique, avec pour objectif d’éli-miner un diagnostic différentiel (démence acquise, cura-

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ble…), un hémogramme, un ionogramme sanguin(incluant une calcémie), une glycémie, et un dosage dela TSH. La sérologie syphilitique et VIH, le dosage devitamine B12 et des folates, et le bilan hépatique sontà réaliser en fonction du contexte clinique (sujets àrisque exposés…). Le génotypage de l’apolipoprotéine En’est pas recommandé, la recherche des mutations n’estpas considérée comme contributive pour le diagnos-tic, mais seulement comme un facteur de risque de laMA en cas de positivité.

Concernant les biomarqueurs du liquide céphalo-rachidien (LCR), de nombreuses études récentes visentà étudier leur place et précision diagnostique dans laMA. Les biomarqueurs du LCR 8 seraient le reflet duprocessus pathogénique responsable de la maladie, àsavoir l’agrégation des peptides amyloïdes β et l’hyper-phosphorylation tau. Des techniques de dosage immu-noenzymatique de type sandwich (ELISA) sont actuel-lement commercialisées. Dans la MA, la concentrationdu peptide amyloïde β1-42 (Aβ42) est abaissée alorsque le peptide amyloïde β1-40 (Aβ40) reste normal outrès légèrement abaissé, la concentration de la pro-téine tau totale (Tau) et de la protéine tau phosphorylée(p-tau) est élevée dans le LCR par rapport aux sujetssains. Le ratio Aβ42/Aβ40 pourrait permettre un diag-nostic précoce de la maladie. La sensibilité et la spéci-ficité de ces 3 marqueurs sont supérieures à 85 % pourdifférencier la MA du sujet normal, de la maladie deParkinson, des troubles cognitifs liés à l’alcool et despathologies psychiatriques 9. Ces 3 marqueurs ne sontpas corrélés au stade de la maladie ni à sa durée d’évo-lution. Ainsi, la concentration de Aβ42 est déjà diminuéeau stade précoce de la maladie, et pourrait donc êtreutilisée pour le diagnostic de la MA au stade démentielléger, avec une sensibilité et une spécificité équiva-lentes.

L’imagerie cérébrale morphologiqueLa réalisation d’un examen d’imagerie structurale

cérébrale est indispensable lors du diagnostic de la MA,quel que soit le stade de la maladie. L’IRM encépha-lique doit être réalisée de manière systématique endehors de toute contre-indication où la tomodensito-métrie cérébrale sera bien sûr préférée. La réalisationd’une IRM encéphalique permet de remplir 2 objectifs :

1) l’objectif principal de cet examen est de ne pas mécon-naître l’existence (démarche diagnostique par exclusion)de lésions cérébro-vasculaires importantes, et égale-ment d’autres causes de démence dites « curables »ou « neurochirurgicales » (processus expansif intracrâ-nien, hydrocéphalie à pression normale…),

2) le deuxième objectif est de pouvoir évaluer plus pré-cisément les structures temporales internes, afin d’en

évaluer l’atrophie et donc de rechercher des argumentspositifs (démarche positive) en faveur du diagnosticde MA.

En effet, la mesure en IRM (évaluation qualitativevisuelle ou quantitative volumétrique) des structuresdu lobe temporal interne (hippocampe, cortex entorhi-nal et amygdales), permet de mettre en évidence uneperte de volume (par rapport à des sujets sains de mêmeâge), et donc de distinguer la MA des sujets sains ainsique des autres causes de démence, avec une spéci-ficité et une sensibilité de plus de 85 % 10. Le degréd’atrophie des structures du lobe temporal interne estcorrélé à la sévérité du déficit cognitif ainsi qu’aux per-formances en mémoire épisodique. L’analyse volumé-trique quantitative des formations hippocampiquesn’est pas pour le moment disponible en routine et pra-tique clinique quotidienne. L’analyse visuelle qualitative,plus rapide, doit donc pour le moment lui être préfé-rée, en accordant un intérêt particulier aux régionstemporales, en particulier internes (volume hippocam-pique, largeur de la fissure choroïdienne, taille de la corneventriculaire temporale) 11.

De façon à répondre aux exigences de ces 2 objec-tifs, l’IRM encéphalique doit comporter des séquencesT1 avec coupes perpendiculaires au grand axe de l’hip-pocampe, des séquences en coupe axiale et/ou coro-nale T2 et/ou FLAIR pour évaluer les lésions de la subs-tance blanche et les lésions cérébro-vasculaires, ainsique des séquences en coupe axiale T2 pour évaluerles « microbleeds » présents notamment dans ladémence vasculaire.

L’imagerie cérébrale fonctionnelleLa Tomographie par Émission de Positons (TEP) et la

Tomographie par Émission Monophotonique (TEMP) sontdes examens d’imagerie nucléaire qui permettent res-pectivement la mesure du métabolisme glucidique(18F-FDG PET) et de la perfusion cérébrale (99mTc-HMPAO, 133Xe, ECD). De manière plus récente, il estpossible in vivo de mettre en évidence les agrégats amy-loïdes avec la TEP, en utilisant comme radioligand lePIB (Pittsburgh Compound-B), le FDDNP (2- (1- [6- [(2-[18F] Fluoroethyl (methyl) amino]-2-naphthyl] ethyli-dene) malononitrile) ou l’AV-45 (18Florpiramine).

En pratique clinique quotidienne, la TEMP de perfu-sion cérébrale sera préférée devant son faible coût etsa meilleure disponibilité, bien que moins sensible etspécifique, à la TEP, utilisant le FDG ou le marquagedes plaques amyloïdes in vivo. La TEMP de perfusionne doit cependant pas être réalisée de manière systé-matique en présence d’une suspicion de MA proba-ble clinique, il semble plus pertinent de la réserverdevant un doute diagnostique clinique.

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Figure 2 : Arbre décisionnel concernant la place des biomarqueurs dans le diagnostic précoce de la maladied’Alzheimer (TEMP = tomographie par émission monophotonique, LCR = liquide céphalorachidien, TEP = tomographie par émission de positons). Adapté de 18.

(1) L’examen neuropsychologique détaillé est systématique aux stades précoces de la maladie d’Alzheimer.(2) L’IRM encéphalique est systématique aux stades précoces de la maladie d’Alzheimer. Une tomodensitométrie cérébrale sansinjection de produit de contraste peut être suffisante au stade sévère de la maladie d’Alzheimer.(3) Ces examens sont actuellement le plus souvent réservés à la recherche clinique.

Bilan neuropsychologique systématique (1) (Evaluation de la mémoire antérograde et des autres domaines cognitifs)

IRM encéphalique systématique (2)

- Démarche diagnostique par exclusion : éliminer les pathologies associées (lésions cérébrovasculaires, …)

- Recherche d’arguments éventuels positifs : évaluation qualitative visuelle des structures temporales internes

Devant la présence d’une présentation atypique

Et/Ou

TEMP de perfusion cérébrale

TEP-FDG (métabolisme cérébral) (3)

Recherche d’une signature « topographique » de la maladie

Biomarqueurs du LCR

TEP-marqueur de plaques amyloïdes (3)

Recherche d’une signature « histologique » de la maladie

Figure 1 : Examens d’imagerie cérébrale pouvant être utilisés dans la cadre de la démarche diagnostiquede la maladie d’Alzheimer.

A, IRM encéphalique, séquence pondérée en T1, coupe perpendiculaire au grand axe hippocampique, mettant en évidenceune atrophie des structures temporales internes ; B, TEP-FDG, coupe axiale, mettant en évidence un hypométabolisme tempo-ral bilatéral et cingulaire postérieur; C, TEP-AV45, coupe axiale, mettant en évidence des dépôts amyloïdes préférentiellementau niveau frontal et temporal externe.

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La TEP est pour le moment utilisée le plus sou-vent en recherche clinique, cependant sa prochaineplus grande accessibilité ainsi que ses résultatsencourageants en recherche en font un outil pro-metteur dans un futur proche. La TEP au 18F-FDGretrouve un hypométabolisme dans les régionspariéto-temporales de manière bilatérale, et auniveau cingulaire postérieur 12. Elle permet de dis-criminer la MA des sujets sains avec une sensibi-lité et une spécificité de 85 %. La TEP mettant enévidence les agrégats amyloïdes, retrouve une aug-mentation de la rétention du radioligand (PIB,FDDNP, AV45) dans la MA par rapport aux sujetssains au niveau des régions frontales, cingulairespostérieures, pariétales, temporales latérales etstriatales 13 (figure 1).

Comment utiliser ces outils dans unedémarche diagnostique simple, efficace ethiérarchisée ?

En l’absence de marqueur biologique spécifique, lediagnostic clinique de la MA ne peut être un diagnos-tic de certitude, et reste encore probabiliste. Les recom-mandations pour le diagnostic de la MA, ANAES, AAN(American Academy of Neurology) 14, EFNS 15 et HAS(Haute Autorité de Santé) 16 s’appuient sur les critèresdiagnostiques actuellement reconnus (DSM-IV etNINCDS-ADRDA), mais les différents examens cliniqueset para-cliniques préconisés sont cependant différents(voir tableau I).

Les recommandations françaises récemment révi-sées préconisent la réalisation d’un MMSE. Parmi lestests utilisés de passation brève sont cités : l’épreuve

des 5 mots, la fluence ver-bale, le test de l’horloge, leMIS (Memory ImpairmentScreen), le 7 minutes Screen.Le choix des tests neuro -psychologiques, dans lecadre d’une consultationspécialisée, est laissé à l’ap-préciation de chacun. Lestests appréciant notam-ment la mémoire antéro-grade avec un apprentis-sage, comportant uncontrôle de l’encodage,des rappels libres, indicés,immédiats et différés, ainsiqu’une reconnaissance sontrecommandés.

Les guidelines européens(EFNS) ont été élaborésrécemment et formulentdes recommandationsconcernant le diagnosticMA en insistant notammentsur l’importance de l’éva-luation des fonctions cog-nitives pour les raisons sui-vantes :

1) le diagnostic d’unedémence repose principa-lement sur une mise en évi-dence du déficit cognitif(notamment dans ledomaine de la mémoire épi-sodique, des fonctions ins-trumentales et exécutives),

2) la plupart des étiolo-

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Tableau I : Comparaison des démarches diagnostiques ANAES, HAS, AAN et EFNS.

AAN EFNS HASAnnée 2001 2006 2008

Évaluation neuropsychologique

NDMémoire systématique+/-fonctionsexécutives et instrumentales pour

démence légère à modérée

Mémoire épisodiqueet autres domaines

cognitifsEvaluation AVQ ND + IADL ou DAD

Tests neuropsychologiques

NDEvaluation globale+domaines spéci-

fiques/pas d’accord professionnelpour les tests à utiliser

MMSE, pas d’accordprofessionnel pour

les autres tests

Hémogramme + + +Ionogramme (calcémie) ND + +

Glycémie ND + +TSH ND + +VS ND + ND

TPHA/VDRL FC FC FCVIH ND FC FC

Sérologie borréliose ND FC FCB12 + FC FC

Folates ND FC FCBilan hépatique ND FC FC

LCR (Aβ42, Tau et p-tau) - FC FCApo-E - - -

TDM cérébrale Par défaut Par défaut Par défautIRM cérébrale + + +IRM/volumétrie - ND ND

TEMP de perfusion - FC FCTEP-FDG - FC FC

EEG ND FC* FC*

(+ = recommandé, - = non recommandé, ND = non discuté, FC = ± en fonction du contexte clinique, AVQ=activités de lavie quotidienne, LCR = liquide céphalorachidien, TSH = thyréostimuline hypophysaire, VS = vitesse de sédimentation,TPHA/VDRL = sérologie syphilitique, DAD = Disabiliy Assessment for Dementia)* Si suspicion de Transient Epileptic Amnesia ou de maladie de Creutzfeldt-Jacob.

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gies peuvent être identifiées sur la base des modifica-tions cognitives et comportementales,

3) les patients consultent à des stades de plus en plusprécoces, stades auxquels l’évaluation cognitive est laplus contributive. L’investigation doit comporter une éva-luation des 6 domaines cognitifs. Concernant l’effi-cience cognitive globale, le MMSE peut aider pour ladétection de troubles cognitifs, et sa sensibilité aug-mente si l’on tient compte du déclin cognitif au coursdu temps.

D’une façon générale, le diagnostic de la MA est dif-ficile aux 2 extrémités de l’évolution de la maladie. Audébut de la maladie, les symptômes sont discrets etpeuvent être masqués par le vieillissement normal. Àla fin de l’évolution, c’est-à-dire aux stades ultimes dela dégradation cognitive et comportementale, il est dif-ficile de retrouver lors de l’examen les stigmates spé-cifiques de cette affection. Il paraît donc légitime de pen-ser que la démarche diagnostique, même si elle estsensiblement similaire, ne peut être totalement super-posable en fonction des stades de sévérité de la MA.En effet, si la prise en charge diagnostique repose surune démarche en 2 étapes (par exclusion et positive)au stade léger de la maladie (voir figure II), elle estessentiellement par exclusion au stade sévère de la mala-die (figure 2).

Quelles sont les perspectivesdiagnostiques dans l’avenir ?

Dans l’avenir, les interventions thérapeutiques devrontprobablement se faire le plus tôt possible. Le dévelop-pement de nouveaux médicaments qui visent à ralen-

tir et à contrer les processus neuropathologiques de lamaladie pourrait rendre nécessaire l’identification despatients atteints de MA au stade de trouble cognitif légerou Mild Cognitive Impairement (MCI). En effet, il a étémis en évidence que, durant les quelques années quiprécèdent le diagnostic de MA, il existe un déclin cog-nitif progressif avec un continuum entre le stade pré-démentiel ou prodromal, actuellement dilué au sein duconcept de MCI, et les autres stades de la maladie. LeMCI présente différentes définitions mais inclut :

1) une plainte subjective dans le domaine de la mémoireet/ou d’autres domaines cognitifs,

2) un déficit objectif de la mémoire et/ou d’un autredomaine cognitif,

3) sans retentissement significatif sur les activités quo-tidiennes. Les nouveaux critères diagnostiques révisésen 2007 18, en cours de validation et pour le momentréservés à la recherche, pourraient alors être utilisés pourréaliser un diagnostic plus précoce. Il faut noter que,même si l’arrivée des nouveaux biomarqueurs nous apermis de redéfinir notre démarche diagnostique auxstades débutants de la maladie, il est encore difficilede différencier la MA des autres pathologies neurodé-génératives par ces seuls outils. Le développementd’examens paracliniques plus spécifiques de la MAdoit donc encore faire des progrès. Cependant, l’amé-lioration des pratiques diagnostiques de la maladie doitêtre envisagée, parallèlement au développement dethérapeutiques plus efficaces. Le diagnostic au stadepré-démentiel nous semble donc être réservé à larecherche clinique pour le moment. n

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Bibliographie :1 J Zaccai, P Ince, et al. (2006). Population-based neuropathological studies ofdementia : design, methods and areas of investigation- a systematic review. BMCNeurol 6: 2.2 American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mentaldisorders (IV-TR), 4th edn - text revised. Washington, DC : 2000.3 G McKhann, DA Drachman, M Folstein, R Katzman, DL Price, EM Stadlan. Clinicaldiagnosis of Alzheimer’s disease - report of the NINCDS - ADRDA work groupunder the auspices of Department of Health and Human Services Task Force onAlzheimer’s disease. Neurology 1984 ; 34 : 939-44.4 H Buschke, M-J Sliwinski, et al. (1997). Diagnosis of early dementia by theDouble Memory Test : encoding specificity improves diagnostic sensitivity and spe-cificity. Neurology 48 (4) : 989-97.5 MF Folstein, SE Folstein, et al. (1975). “Mini-mental state”. A practical methodfor grading the cognitive state of patients for the clinician. J Psychiatr Res 12(3) : 189-98.6 B Dubois, J Touchon, et al. (2002). “The 5 words”: a simple and sensitive testfor the diagnosis of Alzheimer’s disease. Presse Med 31 (36) : 1696-9.7 MP Lawton, EM Brody EM, et al. (1969). Assessment of older people : self main-taining and instrumental activities of daily living. Gerontologist 9 : 179-186.8 R Motter, C Vigo-Pelfrey, et al. (1995). Reduction of beta-amyloid peptide42 inthe cerebrospinal fluid of patients with Alzheimer’s disease. Ann Neurol 38 (4) :643-8.9 K Blennow, H. Hampel (2003). CSF markers for incipient Alzheimer’s disease.Lancet Neurol 2 (10) : 605-13.

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Le suivi du patient atteint de maladied’Alzheimer et syndromes apparentés :points clésFollow-up of patients with Alzheimer’s disease and related syndromes: key points

H. Villarsa, Ch. Heinb

a. Equipe de suivi des démences sévères, Gérontopôle, Service de médecine interne et gérontologieclinique, CHU Toulouse Purpan, Hôpital Casselardit, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse, France.b. Post-urgences gériatriques, Service de médecine interne et gérontologie clinique, Gérontopôle, CHUToulouse Purpan, Place Baylac, 31059 Toulouse, France. Correspondance : H. Villars, CHU Toulouse Purpan, Hôpital Casselardit, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse, France. Courriel : [email protected]

RésuméLe suivi du patient atteint de maladie d’Alzheimer a pour objectif principal de détecter, prévenir et traiter les

complications spécifiques de la maladie. En effet tout au long de l’évolution de la maladie, l’évaluation de laperte d’autonomie fonctionnelle, du déclin cognitif, des symptômes psychocomportementaux (SPCD), de ladénutrition et des troubles de la marche est essentielle pour adapter la prise en charge. Ce suivi a égalementpour objectif de favoriser l’utilisation des capacités fonctionnelles résiduelles, de prévenir l’épuisement desaidants et de favoriser une utilisation rationnelle des ressources du système de santé, c’est-à-dire notam-ment d’éviter les hospitalisations itératives en service d’urgence. Différents outils sont disponibles en pra-tique clinique, pour réaliser ces évaluations de suivi, mais ne sont pas encore consensuels quant à leur fré-quence de passation. Le plan de soins et de suivi est basé sur les mesures pharmacologiques mais surtoutnon pharmacologiques, ces dernières devant constituer une première étape dans la prise en charge. En tousles cas, la communication et la collaboration entre le médecin spécialiste, le médecin généraliste, les aidantsformels et informels sont primordiales dans la prise en charge de ces patients, chez lesquels l’essentiel estavant tout le maintien de la qualité de vie.Mots clés : Maladie d’Alzheimer, plan de soins, symptômes comportementaux et psychologiques de ladémence, dénutrition.

AbstractThe main objective of follow-up of Alzheimer’s disease patients is to detect, prevent and treat the specific

complications of the disease. To adjust treatment, it is essential to evaluate the loss of functional autonomy,cognitive decline, psycho-behavioural symptoms (PBS), malnutrition and gait disorders throughout the courseof the disease. The purpose of this follow-up is also to facilitate the use of residual functional capacities, toprevent caregiver burnout and facilitate a rational use of health resources by, in particular, avoiding repeatedemergency room visits. Different tools are available to perform these follow-up evaluations in clinical prac-tise though there is no current consensus about how often they should be applied. The healthcare and fol-low-up plan is based on pharmacological and in particular non-pharmacological measures with the latter consti-tuting first-line management. In every case, communication and collaboration between the specialist, generalistphysician and formal and informal caregivers is fundamental for the management of these patients, for whom,the essential is to maintain quality of life.Keywords: Alzheimer’s disease, care plan, behavioral and psychological symptoms of dementia, malnutrition.

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IntroductionActuellement, une fois le diagnostic de Maladie

d’Alzheimer (MA) posé, la fréquence du suivi du patientet de son aidant ne fait pas consensus. En France, laprise en charge et le suivi de ces sujets a récemmentfait l’objet de recommandations de la Haute Autoritéde Santé 1. En effet, le praticien, généraliste ou spé-cialiste, est confronté à de nombreuses probléma-tiques spécifiques tout au long de l’évolution de lamaladie. L’évaluation, la prévention et la prise en chargedes complications de la MA sont les éléments essen-tiels du suivi et seront présentés dans le texte suivant.Il s’agit du suivi du cours évolutif du déclin cognitif, dela perte d’autonomie, des troubles psycho-comporte-mentaux, de la perte de poids, des chutes et de l’épui-sement de l’aidant.

Objectif général du suiviIl est important de préciser que le premier temps du

suivi est celui de l’annonce diagnostique, actuellementcodifiée dans le plan Alzheimer 2. Le suivi en lui-mêmea pour objectif de détecter, prévenir et traiter les com-plications spécifiques de la MA, pour améliorer la qua-lité de vie du malade et de son aidant. Le suivi doit com-porter des consultations régulières, mais aussi l’accèsà une consultation de crise pour réadapter les théra-peutiques, dépister un facteur iatrogène et avoir accèsà une hospitalisation en milieu spécialisé, selon les cas.En ce qui concerne les consultations régulières, uneconsultation semestrielle avec le médecin spécialisteest actuellement recommandée, mais cette fréquencen’est pas consensuelle 3,4. La fréquence des consul-tations de suivi par le médecin généraliste n’est pas défi-nie, allant de tous les mois à tous les trois mois selonles pays 5.

Le suivi du rapport bénéfice/risque des thérapeutiques pharmacologiques

Au plan pharmacologique, la prise en charge despatients atteints de MA fait actuellement appel aux thé-rapeutiques symptomatiques dont l’utilisation a étéapprouvée par les agences du médicament 6. Les deuxclasses thérapeutiques qui ont l’autorisation de mise surle marché sont actuellement les Inhibiteurs del’AcétylCholine Estérase (IAChE) et la mémantine, anta-goniste partiel des récepteurs glutamatergiques NMDA.La Haute Autorité de Santé souligne que leur prescrip-tion est l’occasion de la mise en place d’une prise encharge et d’un suivi individualisés, et apporte uneAmélioration du Service Médical Rendu mineure, maispar l’obligation d’inscrire les patients dans une filière desoins spécifique, un Service Médical Rendu majeur 6.Actuellement et France, c’est le médecin spécialiste

(neurologue, psychiatre ou gériatre) qui instaure cestraitements mais c’est au médecin généraliste qu’incombela tâche de suivre leur rapport bénéfice/risque et de rééva-luer leur prescription tout au long de la maladie.

Le suivi du déclin cognitifL’évaluation de la cognition est nécessaire à chaque

consultation. Il est essentiel de dépister un déclin cog-nitif rapide 7. Le Mini Mental Status Examination(MMSE) est un test validé et pratique, de réalisationfacile, qui permet de juger du déclin 8. Il doit êtreassocié à un interrogatoire du patient et de la famille.Un déclin rapide ou brutal inhabituel devra faire dis-cuter d’une confusion surajoutée, d’un facteur iatro-gène, d’une comorbidité somatique ou d’une com-plication psycho-comportementale. En l’absence defacteur extrinsèque, certaines formes de la maladied’Alzheimer ont une évolutivité qui fait parler dedéclin rapide 7.

Le suivi de l’autonomie fonctionnelle et le maintien des capacités résiduelles

L’objectif du suivi est de pallier cette perte d’autono-mie et de valoriser les capacités résiduelles du patient.Il conviendra d’évaluer le niveau d’autonomie lors dechaque consultation pour adapter les aides à domicile.Il existe de nombreux outils permettant d’évaluer l’au-tonomie fonctionnelle. Nous citerons l’échelle ADL deKatz 9 qui évalue les 6 activités basiques de la vie quo-tidienne, et l’IADL de Lawton 10. Sa forme simplifiée àquatre items semble la plus facile d’usage en consul-tation de suivi : les activités évaluées sont la capacitéà utiliser seul le téléphone, à gérer seul ses traitements,à utiliser les transports en commun et à gérer seul sescomptes. Chez des patients au stade modéré à sévère,l’échelle ADL s’avère plus utile car, en effet, il a été mon-tré un caractère progressif du déclin fonctionnel allantdes tâches complexes vers les tâches les plus élémen-taires 11.

En fonction de l’autonomie du patient, il convien-dra par exemple d’adapter le lieu de vie pour per-mettre au malade de réaliser certaines activités de lavie quotidienne (renforcer la signalétique, sécuriserle périmètre de marche). La prescription d’une infir-mière par exemple pour la prise médicamenteuse, com-plétée secondairement par des aides à la toilette etaux soins d’hygiène corporelle, s’avère une étapeessentielle dans le maintien du patient à domicile. Enfonction de l’évolution on pourra conseiller l’accueilde jour ou l’hébergement temporaire en EHPAD.Enfin, en cas de perte brutale et récente d’autono-mie, il conviendra de rechercher un facteur somatique,possiblement réversible.

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La détection, la prévention et la prise en charge des troubles psycho-comportementaux

Les symptômes psycho comportementaux sont fré-quents dans le cours évolutif de la MA, accélèrent ledéclin cognitif et fonctionnel, et sont associés à une entréeen institution plus précoce 12. Leur évaluation reposesur l’observation clinique, mais aussi sur l’outil d’éva-luation de référence qu’est l’inventaire neuropsychia-trique : NPI 13. Il permet de dépister, de préciser le typede trouble, son intensité, sa fréquence, et son reten-tissement sur l’entourage du patient. Il comprend12 items (idées délirantes, hallucinations, agitation et/ouagressivité, dépression et/ou dysphorie, anxiété, exal-tation de l’humeur, apathie, désinhibition, irritabilité,comportement moteur aberrant, trouble du sommeil ettrouble de l’appétit). Parmi ces symptômes, certainsrépondent à des critères diagnostiques spécifiques, par-fois encore en cours d’élaboration, tels que l’apathie14, la dépression 15 et les troubles du sommeil 16. Toutemodification psycho comportementale devra, avanttoute chose, faire éliminer un syndrome confusionnelou une iatrogénie, avant de conclure à une complica-tion intrinsèque de la MA. Il faut noter qu’il existe actuel-lement d’autres outils de suivi des modifications com-portementales du patient, développés récemment etappartenant au domaine des nouvelles technologies,tels que l’actigraphie et les outils de surveillance vidéopar exemple.

La prise en charge des troubles du comportement està la fois pharmacologique et non pharmacologique. Cettedernière doit être privilégiée de manière systématiqueen première intention, et consiste à identifier et contrô-ler les facteurs favorisants (pathologie aiguë intercur-rente, iatrogénie, correction des déficits sensoriels) 17.La prévention repose sur l’éducation de l’aidant, caren effet, s’ils sont expliqués aux aidants, certains symp-tômes comportementaux deviennent compréhensibleset tolérables par la famille. Par ailleurs, il faut veiller àdiminuer les sources d’inconfort ou d’anxiété (bruits,lumières vives). L’aménagement de l’environnementest essentiel, ainsi que le renforcement des indicateurstemporels du cycle veille/sommeil. La prise en chargepharmacologique, quant à elle, passe par l’identifica-tion de sous-groupes de symptômes permettant de ciblerl’intervention. Il convient de préciser qu’aucun traite-ment pharmacologique n’a fait la preuve de son effi-cacité en prévention de l’apparition des troubles psy-chocomportementaux. Certains symptômes répondentau traitement neuroleptique, tels que les hallucinations,les idées délirantes et l’agressivité (auto-agressivitémettant en jeu le pronostic vital ou hétéro-agressivité

dangereuse pour les proches, les autres malades oules soignants) 17,18. D’autres répondent aux antidé-presseurs, particulièrement sérotoninergiques, commela dépression et l’anxiété.

La prescription de psychotropes ne se justifie qu’encas d’échec des thérapeutiques non pharmacologiques.Elle sera ciblée sur un symptôme donné, devra être rééva-luée à court terme en reprenant l’échelle d’intensité etde fréquence du trouble. Elle sera instituée pour une courtedurée et à posologie minimale efficace. Depuis 2007,la prescription des psychotropes dans le cadre de la MAfait l’objet de recommandations de l’HAS 19.

Évidemment, la réévaluation du symptôme cible, qu’ilsoit psychiatrique ou comportemental, doit être fréquenteet régulière, de même que la mesure du rapportbénéfice/risque du traitement. La monothérapie à poso-logie faible et de courte durée doit être privilégiée 17.La prise en charge de leurs effets secondaires doitégalement être précoce.

La prévention et la prise en charge de la perte de poids

La perte de poids et la dénutrition sont fréquentes etapparaissent parfois très précocement dans l’évolutionde la maladie d’Alzheimer. Leurs causes restent par-tiellement connues et sont souvent multiples. Il estessentiel d’évaluer le statut nutritionnel du patient. Lasurveillance du poids devra être au moins mensuelle,complétée devant une perte de poids par la passationd’un Mini Nutritionnal Assessment (MNA) 20 Selon lescas, un avis diététique permettra un conseil de l’aidantpour enrichir les apports et discuter des complémentsnutritionnels. Il a en effet été montré que l’enrichisse-ment des rations permettait de stabiliser voire d’amor-cer une reprise du poids 21. En dehors du MNA, d’au-tres échelles permettent d’appréhender la prisealimentaire, en étudiant les freins comportementaux oubio mécaniques (dentition) comme l’échelle deBlandford 22.

La prévention et la prise en charge des chutes

La prévalence des chutes est plus élevée dans lapopulation des sujets âgés atteints de démence en com-paraison avec les sujets âgés indemnes de démence 23.En outre, les symptômes psychocomportementauxnécessitent parfois l’utilisation de psychotropes quifavorisent les chutes. Lors de la consultation de suivi,l’évaluation de la station unipodale permet d’évaluer faci-lement le risque de chutes graves 24. La prévention deschutes passe par l’entretien de la fonction motrice, unemarche quotidienne d’une demi-heure étant recomman-

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dée 25. La prise en charge par une kinésithérapie peutpermettre de stimuler les capacités adaptatives restantes,même si cette option reste à valider par des études d’in-tervention.

Le suivi de l’aidant et la prévention de son épuisement

De nombreuses études ont objectivé l’épuisementde l’aidant principal, qui est considéré comme unecomplication à part entière de la MA. Il existe dans cettepopulation un taux élevé de syndrome dépressif, unemajoration des troubles du sommeil, une surconsom-mation de psychotropes et une surmortalité 26. Chaqueconsultation doit comporter un temps passé avec l’ai-dant 2. Certains outils de dépistage de l’épuisementde l’aidant sont validés comme l’échelle du fardeau deZarit dans sa forme courte 27. La connaissance desstructures de répit de proximité peut permettre unrecours en cas d’épuisement.

La réflexion éthique au cours de la maladie

Le suivi devra toujours tenir compte des souhaitsantérieurs du patient. Il faudra questionner l’existenced’une personne de confiance, ou de directives antici-

pées. En effet, au stade terminal de la maladie, lescomplications du syndrome d’immobilisation imposentdes décisions médicales qui devront être prises enfonction des souhaits du patient, en concertation avecla famille. Par exemple, la mise en place d’une alimen-tation entérale par gastrostomie n’est pas indiquée carelle n’améliore pas la qualité de vie 28. Il est importantque ces éléments soient discutés au cours du suivi. Ladécision de soins de confort évite ainsi des gestesinvasifs et des hospitalisations inutiles, pour centrer lessoins sur le traitement de la douleur ou de l’incon-fort 29.

Conclusion et perspectivesLa prise en charge d’un patient souffrant de MA est

complexe. Son objectif principal est avant tout le main-tien de la qualité de vie du sujet. Le suivi vise à détec-ter, prévenir et traiter selon les cas, les complicationsspécifiques de la maladie. À travers l’amélioration dela prise en charge, le suivi personnalisé doit permettreoutre d’éviter les complications de la maladie, le recoursinapproprié au système de soins. Le suivi permettra aussi,à un niveau individuel et collectif, de diminuer les iné-galités d’accès aux progrès thérapeutiques. n

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Thérapeutiques médicamenteuses dans la maladie d’Alzheimer : état des lieux et perspectives innovantesDrug therapy for Alzheimer’s disease: critical appraisal and innovative perspectives

A. Piau, Ch. Hein Gérontopôle, CHU de Toulouse, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse cedex, France.Correspondance : A. Piau, CHU de Toulouse, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse cedex, France. Tél. : +33 (0)5 61 77 22 36, courriel : [email protected]

RésuméLes traitements de la maladie d’Alzheimer actuellement disponibles ont des effets cliniques modestes et

n’interfèrent pas dans la cascade physiopathologique. La recherche de thérapeutiques ciblant les mécanismesétiologiques de la maladie est aujourd’hui très active. Les agents anti-amyloïdes représentent la majorité desproduits en cours d’évaluation. Ceux ciblant la protéine tau et d’autres thérapeutiques alternatives sont éga-lement en cours de développement. Cet article expose les différentes thérapeutiques disponibles ainsi quecelles en cours d’investigation.Mots clés : Maladie d’Alzheimer, traitement étiologique, essais cliniques.

AbstractSeveral agents thought to enhance cognition or slow down the progression of AD have been approved.

However, the effectiveness of these treatments is limited or controversial and they do not modify the diseaseprocess. The search for novel therapeutic approaches targeting the underlying pathogenic mechanisms is amajor focus of research. Anti-amyloid agents are the main products currently being evaluated although tau-related and other therapies are being investigated even if few compounds are available. This article describesthe general classes of disease-modifying therapies under investigation.Keywords: Alzheimer’s disease, etiological treatment, clinical trials.

IntroductionLa maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neuro-

dégénérative associant un déclin mnésique et l’atteinted’au moins une autre des fonctions cognitives, reten-tissant sur les capacités fonctionnelles et sociales. Cesdernières années, des médicaments symptomatiquesont été mis sur le marché. Leurs effets sont modesteset ne semblent pas interférer dans la cascade physio-pathologique. Les avancées récentes dans la compré-hension des mécanismes de la maladie ont abouti audéveloppement de nombreux produits dont l’ambitionest de modifier le processus pathologique sous-jacent.

Les thérapeutiques actuellesLes inhibiteurs de l’acétylcholinestérase (IAChEs) ont

été les premiers traitements de la maladie 1. Le déve-loppement de la mémantine, un antagoniste des récep-teurs N-Methyl-D-Aspartate (NMDA), est plus récent 2.Les effets cliniques de ces médicaments, bien que

significatifs, sont modestes et ne semblent pas inter-férer dans la cascade physiopathologique. Les IAChEscommercialisés sont efficaces aux stades légers etmodérés de la maladie. Ils sont prescrits en premièreintention si le patient ne présente pas de terrain à risque(troubles de la conduction cardiaque, bronchospasme,incontinence urinaire). Les effets indésirables les plusfréquents sont des effets digestifs (nausées, vomis -sements et diarrhées) à l’initiation du traitement et lorsdes majorations de posologie. Les données sont demoins bon niveau de preuve au stade sévère de lamaladie 1. La mémantine est indiquée dans la maladied’Alzheimer aux stades modérés à sévères. Selon leSIGN (Scottish Intercollegiate Guidelines) 3 et le NICE(National Institute for health and Clinical Excellence) 4sa place est limitée dans la prise en charge de la MA.Les effets indésirables rencontrés sont notamment l’as-thénie, la confusion, les hallucinations et les compor-tements agressifs, les poussées d’insuffisance car-

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diaque. Pour finir, du fait des résultats contradictoiresdes essais, l’association IAChEs et mémantine n’estactuellement pas recommandée 5. En pratique, onpeut envisager la prescription d’un anticholinestérasiqueen première intention dans les stades légers à modé-rés du fait d’un bon niveau de preuve (MMSE MiniMental State Examination 19 à 26). La mémantine peutêtre, quant à elle, envisagée à partir du stade modéréde la maladie (mini-mental state examination < 20).

Les médicaments innovantsLes agents anti-amyloïdes

Les lésions histo-pathologiques principales de la mala-die d’Alzheimer sont constituées de deux types d’agré-gats protéiques : les plaques extracellulaires de protéineβ amyloïde et les Dépôts Neuro-Fibrillaires intracellu-laires. Le composant principal des dépôts amyloïdesest le peptide Amyloïde Beta (Aβ) dont la forme toxique,le peptide Aβ 1-42, est issue du clivage de l’APP parles enzymes β et γ sécrétases. La voie non amyloïdo-génique prédominante correspond au clivage de l’APPpar l’α sécrétase. L’hypothèse amyloïde suppose quele dépôt à long terme du peptide Aβ 1-42 est respon-sable de la formation des plaques toxiques responsa-bles des symptômes et de la progression de la mala-die 6. Les dépôts neurofibrillaires sont des agrégatsintraneuronaux de protéine tau anormalement phospho-rylée, du fait d’un déséquilibre de la balance d’activitékinase et phosphatase, qui interfèrent avec le fonction-nement normal des neurones 7. Àβ et tau interféreraientselon des modalités originales aboutissant à une cas-cade d’événements à l’origine de la mort neuronale etdu déficit en neurotransmetteurs (figure 1).

Immunisation contre l’AβUn essai de phase I chez l’homme, évaluant la sécu-

rité d’emploi de l’utilisation d’une stratégie d’immuni-sation active, a eu des résultats prometteurs. Pourtant,la phase IIa utilisant un peptide synthétique (AN-1792)a été arrêtée après le signalement de méningo-encé-phalites chez 6 % des patients traités. L’analyse de cetessai retrouvait, dans le sous-groupe des patients ayanteu une analyse de LCR, un taux de protéine tau signi-ficativement réduit chez les patients considérés commerépondeurs 8. Une nouvelle génération de vaccins aété élaborée afin de prévenir l’induction de lymphocytesT, à l’origine probable des phénomènes inflammatoiresindésirables constatés avec l’AN-1792. Il est égalementpossible de court-circuiter la réponse immunitaire dumalade par l’administration directe d’anticorps anti-Aβ. Cette approche permet d’éliminer la réponse poten-tiellement toxique médiée par les lymphocytes T, et elleest plus facilement contrôlable dans l’éventualité d’ef-

fets indésirables graves. Les préparations classiquesd’immunoglobulines humaines polyvalentes sont éga-lement en cours d’évaluation, étant donné qu’un fai-ble pourcentage d’anticorps est dirigé contre lesséquences du peptide Aβ 9. Les produits en cours dedéveloppement sont présentés dans le tableau 1 10.

Modulation de l’action des sécrétasesLa transformation de l’APP par l’α sécrétase consti-

tue la voie non amyloïdogénique. L’augmentation deson action représente une piste thérapeutique poten-tielle. À notre connaissance, seule la bryostatin-1 esten cours de développement. La β sécrétase ou « β siteAPP cleaving enzyme 1 » (BACE1) est une autre cibleprivilégiée des thérapeutiques actuellement en coursde développement dans la MA 6. L’inhibition de la γ sécré-

Figure 1 : Physiopathologie de la Maladied’Alzheimer : la « cascade AmyloÏde » (d’après Cummings 2004 – NEJM 14).

Commentaires de la figure 1 : (1). La coupure protéolytique duprécurseur de la protéine amyloïde (APP) par les béta et gammasécrétases génère un peptide de 40 (Abéta 40) ou de 42 (Abéta42) acides aminés. La protéine Abéta 42 est insoluble (3) et s’ac-cumule sous forme de substance amyloïde pour former lesplaques séniles (7) entrainant la mort cellulaire. Cette substancetoxique favorise des processus d’oxydation (2) et inflammatoires(6). De plus, le peptide Abeta 42 favorise l’hyperphosphorylationdes proteines Tau (4). La protéine Tau faiblement phosphorylée(Tau-P) stabilise les microtubules dans les axones par interac-tion avec la tubuline. Au cours de la maladie d’Alzheimer, uneforme hyperphosphorylée de Tau ne s’associant pas avec la tubu-line provoque l’apparition de filaments appariés en hélice, ladégénérescence neurofibrillaire (8) et la mort neuronale.

Protéine APP

1. béta-sécrétase gamma-sécrétase

Peptide Abéta de 42 AA insoluble et toxique

2. Oxydation

3. agrégation Abéta

6. inflammation

4. hyperphosphorylation de Tau

MORT CELLULAIRE

5. excito-toxicité

9. déficit en neurotransmetteur

7. Plaques séniles 8. Dégénérescence Neurofibrillaire

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tase permet de cibler la production d’Aβ42, mais d’au-tres protéines sont également le substrat de cetteenzyme, et tout particulièrement le récepteur trans-membranaire Notch, impliqué dans des fonctionsvitales 11. Le LY450139, un inhibiteur de la γ sécrétase,inhibe la formation de l’Aβ in vitro et in vivo. Dans unessai chez des patients atteints de MA, il a montré uneréduction significative de l’Aβ40 plasmatique sansmodification significative dans le LCR 12. Les produitsen cours de développement sont présentés dans letableau 1 10.

Agents antiagrégation et antifibrillation des oli-gomères d’Aβ

Une approche alternative à l’inhibition des sécrétasesest l’inhibition de l’agrégation de l’Aβ en oligomères neu-rotoxiques. Divers produits prometteurs ont été aban-donnés, on peut citer : le tramiprosate, les chélateursPBT-1 et PBT-2, etc. Les produits en cours de déve-loppement sont présentés dans le tableau 1 10.

Thérapeutiques ciblant la protéine tauDiminuer la phosphorylation anormale de tau en ciblant

les kinases ou en stimulant l’activité des phosphatasesest une voie thérapeutique prometteuse. Le lithium etle valproate de sodium réduiraient la phosphorylationde tau mais les essais cliniques ont été décevants 10.

Un essai clinique de phase IIavec le methylthionium cloride(MTC) qui inhibe l’agrégationde la protéine tau a montrédes résultats encourageants.Mais son développementsemble stoppé.

Autres voiespharmacologiquesde recherche

Les approches thérapeu-tiques sont diverses et nom-breuses. On peut citer la voiede la protection cellulairecontre les agressions oxyda-tives (vitamine E, l’acide doco-sahexanoïque, l’acide αlipoïque, EGb761, etc.), inflam-matoires et toxiques (anti-inflammatoires, agents glu-tamatergiques, etc.), lesapproches neurorestoratives

(facteurs de croissance neurotrophiques, thérapie cel-lulaire), les thérapeutiques pro-cholinergiques (inhibiteursde l’acétylcholinestérase et de la butyrylcholinestérase,agonistes muscariniques M1, ligands des récepteursnicotiniques), la piste sérotoninergique, la piste desrécepteurs histaminiques, etc.

ConclusionDes progrès ont été faits concernant la connaissance

des mécanismes physiopathologiques de la MA, maisde nombreuses questions restent à éclaircir, et notam-ment le lien entre la cascade amyloïde et la pathologietau. En raison de la complexité de la physiopathologie,il est clair à présent que l’avenir thérapeutique résiderasans doute dans une polythérapie ciblant simultané-ment différents récepteurs ou processus morbides.L’hypothèse uniciste liant la maladie à une physiopa-thologie linéaire unique semble avoir vécu, et la majo-rité des molécules en développement aurait eu plusieursmodes et sites d’action. La multiplicité des approcheset le partage des connaissances, ainsi que l’implica-tion des malades et des cliniciens dans la recherchethérapeutique, permettront peut-être l’émergence dethérapeutiques curatives. Nous avons abordé ici desapproches uniquement pharmacologiques, mais d’au-tres voies sont également à explorer, telles que lestechniques de stimulation cérébrales profondes 13. n

Tableau 1 : Maladie d’Alzheimer : principaux essais cliniques en cours 10.

Intervention Phase de l’essai Agents anti-amyloïdesImmunisation active avec l’UB-311 IImmunisation active avec le V950 IImmunisation active avec l’Affitope AD02 IIImmunisation active avec le CAD106 IIImmunisation active avec l’ACC-001 IIImmunisation passive avec l’anticorps monoclonal MABT-5102A IImmunisation passive avec l’anticorps monoclonal R-1450 IImmunisation passive avec l’anticorps monoclonal GSK933776 IImmunisation passive avec l’anticorps monoclonal PF-04360365 IIImmunisation passive avec l’anticorps monoclonal PLY2062430 (Solanezumab) IIIImmunisation passive avec l’anticorps monoclonal AAB-001 (Bapineuzumab) IIIStimulateur de l’alpha sécrétase : Bryostatin-1 IIInhibiteur de la gamma sécrétase BMS-708163 IIInhibiteur de la gamma sécrétase NIC5-15 IIInhibiteur de la gamma sécrétase LY450139 IIIAgent antiaggrégation et antifibrillation ELND005 (AZD-103) IIAgent antiaggrégation épigallocatéchin-3-gallate (EGCg) IIITechniques neurorestorativesFacteur de croissance neurotrophique: CERE-110 II

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Bibliographie :1 Birks J. Cholinesterase inhibitors for Alzheimer’s disease. Cochrane DatabaseSyst Rev 2006 ; (1) : CD005593.2 McShane R, Areosa Sastre A, Minakaran N. Memantine for dementia. CochraneDatabase Syst Rev 2006 ; (2) : CD003154.3 Connelly PJ and James R. (2006). SIGN guideline for the management of patientswith dementia. Int J Geriatr Psychiatry 21 (1) : 14-6.4 Day M. NICE says anti-dementia drugs should be used only for moderate Alzheimer’sdisease. BMJ 2006 ; 333 (7572) : 774.5 Haute autorité de santé (HAS). Quelle place pour les médicaments anti-Alzheimerdans la prise en charge des patients ? 2008.6 Hardy J, Selkoe DJ. The amyloid hypothesis of Alzheimer’s disease : progressand problems on the road to therapeutics. Science 2002 ; 297 : 353 – 56.7 Iqbal K, Grundke-Iqbal I. Alzheimer neurofibrillary degeneration : significance,etiopathogenesis, therapeutics and prevention. J Cell Mol Med 2008 ; 12:38-55.8 Gilman S, Koller M, Black RS, et al. Clinical effects of ABeta immunization (AN1792)

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Cancer et déclin cognitif : des effetsneurotoxiques de la chimiothérapie à la maladie d’Alzheimer Cancer and cognitive decline: neurotoxic effects of chemotherapy in Alzheimer’s disease

S. Gerarda, b, C. Bernard-Martyb, c, C. Gaudina, b, L. Moureyb, c, L. Balardya, b

a. Service de Médecine Interne et Gérontologique, Gérontopôle, CHU Purpan Casselardit, 31320 Toulouse,France.b. Unité Pilote de Coordination Oncogériatrique de Midi-Pyrénées, France.c. Centre de Lutte contre le Cancer, Institut Claudius Regaud, 31000 Toulouse, France. Correspondance : S. Gérard, CHU de Toulouse, 170 avenue de Casselardit, 31059 Toulouse cedex, France. Tél. : +33 (0)5 34 55 76 24, courriel : [email protected]

RésuméLa Maladie d’Alzheimer (MA) et les cancers interagissent à plusieurs niveaux. La très forte incidence des

affections neuro-dégénératives au sein de la population âgée, et l’augmentation du risque de cancer avecl’avancée en âge, devraient rendre leur association particulièrement fréquente. Il existerait cependant unerelation inverse entre prévalence des cancers et maladie d’Alzheimer suggérant, comme premier niveau d’in-teraction, l’existence d’un mécanisme biologique commun, protecteur entre les deux pathologies, et expli-quant la rareté de leur association. Par ailleurs, il n’y a pas de recommandation sur la prise en charge despatients déments atteints de cancers, et celle-ci est souvent complexe. La maladie d’Alzheimer véhicule beau-coup d’idées reçues et un grand nombre de ces patients atteints de cancers sont exclus de façon systéma-tique de toute prise en charge oncologique, diagnostique et thérapeutique. Ceci représente le deuxième niveaud’interaction. Enfin, Le troisième niveau concerne le déclin cognitif imputable aux effets secondaires des trai-tements cancéreux. Il n’est pas encore clairement établi s’il est la conséquence d’effets neurotoxiques directsou lié à la présence de troubles cognitifs non diagnostiqués (stade préclinique, Mild Cognitive Impairment ouune maladie d’Alzheimer).Mots clés : Néoplasme, cancer, malignité, maladie d’Alzheimer, démence, déficit cognitif, chimiothérapie, trai-tement du cancer, âgé.

AbstractAlzheimer’s disease (AD) and malignancy interact at several levels. As the incidence and prevalence of both

diseases increases with age they are frequently associated. However, at this first level of interaction, an inverseassociation between prevalence of cancer and AD has been found suggesting the existence of common andprotective biological pathways. In addition, the health care plans of cancer patients who are also affected bydementia are usually inexistent or too complex to implement. These patients are therefore both under-trea-ted and exposed to the adverse effects of cancer treatments not specifically validated in this special popu-lation. This is the second level of interaction. Finally, the third level concerns the frequent onset of cognitivedecline caused by the adverse effects of cancer treatments. It is not yet known if this interaction is due to thedirect neurotoxic effects of treatment or the presence of an undiagnosed cognitive impairment (at a preclini-cal stage, Mild Cognitive Impairment or Alzheimer’s disease).Keywords: Neoplasm, cancer, malignancy, Alzheimer’s disease, dementia, cognitive impairment, chemothe-rapy, cancer treatment, older adults.

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IntroductionLes liens entre maladie d’Alzheimer (MA) et cancer sont

multiples, complexes et probablement encore largementsous-estimés. Ils intègrent plusieurs niveaux d’interac-tions :

• Sur le plan physiopathologique tout d’abord.Effectivement, un certain nombre d’auteurs évoquentl’existence d’un rapport de protection (relation inverse)entre ces deux affections. Nous discuterons de la per-tinence et des limites de cette hypothèse dans une pre-mière partie de ce document.

• Sur le plan clinique ensuite. Il existe une véritableinterférence de prise en charge entre cancer et affec-tion neurodégénérative. Les patients atteints de la mala-die d’Alzheimer (MA) véhiculent beaucoup d’idéesreçues de la part de la communauté médicale. Ils sontainsi le plus souvent exclus de toute prise en chargeoncologique, indépendamment de l’évolution de leurMA. Nous le discuterons dans une deuxième partie.

• Sur le plan thérapeutique enfin. Les traitements descancers sont pour certains d’entre eux pourvoyeurs detroubles cognitifs. S’agit-il d’un véritable effet neurotoxiquede ces médicaments ou jouent-ils simplement le rôlede catalyseur chez des patients MA non encore dépis-tés, ou à un stade infra-clinique de leur maladie (MCI) ?

Maladie d’Alzheimer et cancerPrévalence de l’association maladie d’Alzheimer

et cancerCertaines études ont montré une relation inverse entre

risque de cancer et de maladies neurodégénérativescomme la maladie de Parkinson 1 ou la MA 2,3. Ainsi,dans une étude prospective incluant 3020 patientsâgés, Roe CM et al. 3 viennent de montrer que la pré-sence d’une MA pure à l’inclusion réduit de 70 % lerisque d’avoir un cancer incident. Inversement, avoirun antécédent de cancer à l’inclusion réduit de 43 %l’incidence de la MA. Dans ces deux analyses, aucuneassociation n’a été retrouvée avec les démences vas-culaires.

L’intérêt de cette étude est d’avoir montré ces résul-tats sur une population représentative de la populationgénérale. Cependant, les principaux biais de ces ana-lyses soulignent la difficulté de prise en compte des décèsprématurés des patients atteints de la MA, ainsi que lesous diagnostic probable des cancers chez les patientsdéments.

Existe-t-il un mécanisme biologique communentre cancer et maladie d’Alzheimer?

Les résultats de cette dernière étude semblent étayercette hypothèse. En effet, l’absence de lien entredémence vasculaire (qui résulte de lésions cérébrales)

et cancer suggère que c’est par le biais des mécanismesde neurodégénération et d’oncogenèse que l’on peutexpliquer un lien protecteur entre MA et cancer.

Les hypothèses sur les mécanismes responsables res-tent nombreuses et, pour la plupart, du domaine del’expérimentation animale : on peut citer celles concer-nant la dysrégulation de la méthylation de l’ADN 4, dugène suppresseur de tumeur p53, une sur ou unesous-activité de l’isoenzyme Pin1 ou encore une surac-tivation de la voie de signalisation Wnt 5. Tous cesmécanismes ont montré, sur des modèles animaux,qu’ils participent à la régulation du cycle cellulaire per-mettant soit d’induire une apoptose ou, au contraire,de favoriser la longévité cellulaire en orientant la cellulevers la sénescence. La plupart de ces mécanismes sontimpliqués dans la physiopathologie de la maladied’Alzheimer en augmentant la production de la subs-tance Béta-amyloïde, et dans l’oncogenèse en inhibantla promotion des gènes suppresseurs de tumeurs. Ilsconstituent les deux faces d’une même pièce, avec desétats cellulaires soit orientant vers la sénescence et favo-risant les maladies neurodégénératives, soit vers l’apop-tose et exposant au risque de cancer. Une meilleureconnaissance de ces mécanismes pourrait ouvrir la voieà de nouvelles cibles thérapeutiques.

Impact du trouble cognitif sur la prise encharge des cancers

Le traitement cancérologique chez les patientsatteints de MA

Rares sont les articles qui se sont intéressés de façonspécifique à la prise en charge des patients atteints dela MA en oncogériatrie. Les données disponibles mon-trent que ces patients atteints de maladies neurodé-génératives sont diagnostiqués à un stade plus tardif 6,7et bénéficient moins des traitements spécifiques 7.Aussi les patients déments ont une survie à 6 mois pluscourte par rapport aux patients non déments 8. Ainsi33 % des patients déments décèdent dans les 6 moissuivant le diagnostic du cancer contre 8,5 % despatients non déments. Près de 17 % de cette surmor-talité chez les patients déments est expliquée par undiagnostic tardif. Cependant, la démence est une mala-die hétérogène et dans cette étude rétrospective lesanalyses ont été ajustées sur les stades des cancersmais pas sur le stade de la démence.

Problème de l’évaluation des fonctions cognitivesdans le contexte d’une pathologie cancéreuse

Un des objectifs de l’oncogériatrie est justement d’ap-précier le risque de décompensation des patients fra-giles, notamment ceux ayant des troubles cognitifs. Orces patients sont plus à risque de décès précoce et

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de complications des traitements comme la survenued’une confusion. Ainsi, dans deux études, les patientsayant un Mini Mental State Examination (MMSE) < 24ont une survie médiane de 23 mois contre 72,6 moispour ceux ayant un MMSE plus élevé 9 et un risque deconfusion postopératoire augmenté de 50 % 10.

Dans l’évaluation gérontologique standardisée, leMMSE est l’outil d’évaluation le plus fréquemment uti-lisé. C’est une bonne échelle de dépistage (sensibilitéet spécificité de 93 %) et de suivi de la MA. Lorsqueles troubles cognitifs sont évolués, elle permet, la plu-part du temps, d’évoquer de façon fiable le diagnos-tic de démence. En revanche, la normalité de ce testn’exclut pas forcément l’existence d’un trouble cogni-tif. Ceci est largement dépendant du niveau culturel dupatient et du type de déclin cognitif potentiellement impli-qué. En effet, la sensibilité du MMSE 11 à repérer destroubles cognitifs est seulement de 50 % par rapportà une évaluation neuropsychologique complète chezdes patients atteints de tumeurs cérébrales. De même,une autre étude a montré la faible sensibilité de ce testpour repérer les troubles cognitifs induits par les chi-miothérapies par rapport aux tests neuropsycholo-giques 12.

Or peu d’études proposent une batterie de tests neu-ropsychométriques pour l’évaluation cognitive, seuleméthode capable de faire la part des choses entre uneauthentique affection neurodégénérative concomitanted’un cancer et des troubles cognitifs imputables à ladépression, aux troubles attentionnels liés à la sidéra-tion de l’annonce ou aux médicaments.

Recommandations de prise en charge des patientsatteints de troubles cognitifs en oncologie

Il n’existe aucune recommandation sur la décisionthérapeutique d’un cancer en fonction du stade de ladémence ou du score de MMSE.

Riak et al. 13 ont établi un arbre décisionnel en fonc-tion de la sévérité de la démence pour la réalisation d’unemammographie de dépistage chez des patientesatteintes de MA. Cet examen n’était pas recommandéchez les patientes ayant une démence évoluée ou uneespérance de vie inférieure à 5 ans. Pour les autrespatientes, le rapport bénéfice-risque devait être discutéau cas par cas avec la patiente (si son jugement étaitconservé) et son entourage familial.

Dans les recommandations de prise en charge du can-cer de la prostate chez les sujets de plus de 70 ans,JP Droz 14 complète l’arbre décisionnel de Balduccien identifiant 4 catégories de patients en fonction deleurs comorbidités, de leur autonomie sur les IADL etles ADL, et de leur statut nutritionnel. Le statut cogni-tif est évalué par un MMSE, mais l’auteur recommande

de compléter l’évaluation par des tests neuropsycho-logiques en cas d’anomalie. Enfin, dans ces recomman-dations, la démence n’est pas un critère à lui seul dedécision d’abstention thérapeutique, mais la décisiondoit être prise au cas par cas.

Troubles cognitifs liés aux traitementsanti-cancéreux

Preuves des troubles cognitifs induitsLes progrès des thérapeutiques anticancéreuses ont

considérablement augmenté la survie des patients,notamment grâce aux progrès des chimiothérapies. Aussiune part non négligeable des patients ayant survécu àleur cancer ont des plaintes cognitives à distance deleur traitement. Les patients exposés à ces différentesthérapies sont-ils pour autant plus à risque de déve-lopper un authentique syndrome démentiel ?

Les patients ayant eu une chimiothérapie se plaignentfréquemment de troubles de l’attention, de la concen-tration ou de fatigue pendant ou après un traitementanticancéreux. Selon les études et les domaines exa-minés, la prévalence des difficultés mnésiques ressen-ties varie de 20 % à 71 % des patients 15,16. Cependant,aucune corrélation n’a été montrée entre les déficits cog-nitifs objectifs après une chimiothérapie et l’intensité dela plainte exprimée. Celle-ci serait même uniquementliée à la dépression et au pessimisme des patients 17.

Les différentes revues de la littérature 18,19 et 4 méta-analyses 20-23 concluent à un changement cognitif asso-cié aux cancers et aux traitements des cancers. Ellesrapportent un déclin modéré chez 15 à 50 % despatients ayant eu une chimiothérapie. Les troublescognitifs sont d’autant plus importants que les dosesou l’intensité de la chimiothérapie sont importantes. Maisl’hétérogénéité de la définition du déclin cognitif, du nom-bre et de la nature des tests neuropsychologiques rete-nus rendent l’exercice difficile. De plus, il est nécessairedans ce type d’étude de bien évaluer les biais de confu-sion que sont la fatigue, la dépression, l’anxiété, l’ané-mie, l’anesthésie post-chirurgie…

Les données disponibles ne permettent pas de concluresi certaines chimiothérapies induisent des troubles cog-nitifs et d’autres non. Les chimiothérapies qui ont unimpact sur la cognition les plus étudiées sont celles ducancer du sein 24. D’autres chimiothérapies sont res-ponsables de troubles cognitifs à court ou long terme.

Certaines études ont permis de mettre en évidencedes anomalies morphologiques 25 ou neuro-fonction-nelles 26 comme des lésions cérébrales sur l’IRM à typede leucoencéphalopathie induites par certaines théra-pies systémiques qui sont reportées dans le tableau 1 25.Par ailleurs il a été montré une anomalie de modula-tion du flux sanguin cérébral et cérébelleux au PET lors

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d’un test de mémoire à court terme chez des patientesayant subi une chimiothérapie pour un cancer dusein 26.

Types de troubles cognitifsToutes les études convergent pour conclure à un

trouble cognitif de type sous cortical avec une atteinteprépondérante sur les fonctions exécutives. Ainsi lesdomaines les plus fréquemment touchés sont l’atten-tion, la concentration, la vitesse de traitement des infor-mations, la mémoire verbale et visuelle 20-23.

Les études chez les sujets âgésMais dans ces études sur les troubles cognitifs chi-

mio-induits, les sujets âgés sont peu représentés. Orchez les sujets âgés, l’évaluation cognitive doit notam-ment permettre de faire la différence entre des trou-bles liés à la chimiothérapie et une maladie neuro-dégé-nérative débutante. Il existe peu d’études étudiantl’impact des traitements anticancéreux sur les trou-bles cognitifs ayant inclus exclusivement des sujetsâgés. Celles-ci, notamment du fait de leur faible effec-tif, n’ont soit pas montré de déclin cognitif 24, soit ontmontré un faible impact sur la mémoire ou l’attentionpar rapport au groupe témoin sans véritable déclin cog-nitif global 27.

Deux études ont été menées à partir de registres decancers américains, afin de déterminer si les femmesde plus de 65 ans ayant eu une chimiothérapie adju-vante pour un cancer du sein ont un risque accru dedévelopper une démence. La première a montré queles patientes ayant eu une CT ont un risque multipliépar 1,2 (IC 95 % : 1,08-1,33) de développer une

démence, mais les deux groupes n’étaient pas com-parables à l’inclusion 28. La seconde étude 29 n’a pasmontré d’augmentation du risque de démence après59 mois de suivi. La principale limite de ces études rétros-pectives reste le diagnostic de démence qui est récu-péré sur des bases de données médicales sans qu’au-cun critère diagnostic précis ne puisse être posé etcontrôlé.

Il est bien difficile de démontrer l’effet péjoratif poten-tiel des chimiothérapies sur la cognition des sujetsâgés. Il est donc nécessaire de mener des étudesprospectives afin de mieux déterminer l’impact sur lestroubles cognitifs des thérapeutiques anticancéreuses,à l’aide de tests neuropsychologiques systématiquesdans cette population particulièrement à risque. Taillibertet al. ont identifié un certain nombre d’éléments concer-nant la survenue de troubles cognitifs liés à la chimio-thérapie et proposé une batterie de tests neuropsycho-logiques 30. De plus, Hurria et al. ont étudié laproblématique du déclin cognitif chimio-induit chez lessujets âgés en particulier, et proposé non seulementune liste de tests neuropsychologiques, mais aussiune méthodologie pour réaliser des études cliniquesde qualité sur ce sujet 24.

ConclusionsIl existe vraisemblablement un lien entre les maladies

neurodégénératives et les cancers, aussi une meilleurecompréhension des mécanismes physiopathologiquesde ces deux pathologies pourrait ouvrir la voie à de nou-velles thérapeutiques. En oncogériatrie, la prise encharge de patients déments atteints de cancers est unesituation fréquente, seulement aucun modèle ne per-met de prédire de façon fiable les risques de compli-cations liés aux traitements de ces patients fragiles etleur pronostic. De plus, les chimiothérapies anticancé-reuses ont une neurotoxicité propre et augmentent lerisque de décompensation des patients ayant des trou-bles cognitifs préexistants. Il est donc nécessaire debien les évaluer avant de décider d’un traitement aucas par cas. n

Tableau 1 : Les principales thérapies avec uneneurotoxicité immédiate induisant des lésionscérébrales à l’IRM à type de leucoencéphalopathied’après Soussain C et al. Lancet 2009

Cisplatine Cyclophosphamide Rituximab Sunitinib

Cytarabine Gemcitabine Paclitaxel Bevacizumab

Cyclosporine Methotrexate Sorafenib Bortezomib

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État de santé des sujets âgés antérieurementtraités pour un cancer : étude rétrospectivedans une unité de court séjour gériatriqueRetrospective study of the health status of older cancer survivors in an acute care geriatric unit

J. Caterneta, I. Potarda, C. Molinesa, H. Negrea, F. Retornaza,b

a. Service de court séjour gériatrique, Centre Gérontologique Départemental, 1 rue Elzéard Rougier, 13012 Marseille, France.b. Unité Pilote de Coordination en Onco-Geriatrie, Centre Gérontologique Départemental, 1 rue Elzéard Rougier, 13012 Marseille, France.Correspondance : J. Caternet, Service de court séjour gériatrique, Centre Gérontologique Départemental, 1 rue Elzéard Rougier, 13012 Marseille, France. Tél. : +33 (0)4 91 12 74 88, fax : +33 (0)4 91 12 74 69, courriel : [email protected]

RésuméPropos : L’amélioration dans le dépistage, le diagnostic et le traitement augmente le nombre de patients qui sur-

vivent à leur cancer. Cependant, peu de données sont disponibles concernant l’état de santé de la population dessujets âgés qui ont survécu à un cancer.

Objectif de l’étude : C’est une étude rétrospective décrivant l’état de santé de patients âgés antérieurement trai-tés pour un cancer et hospitalisés dans un service de court séjour gériatrique.

Matériel et méthodes : Cette étude a inclus 35 patients, âgés de plus de 65 ans, présentant un antécédent de can-cer traité et guéri depuis plus de cinq ans. Les paramètres démographiques, les caractéristiques du cancer traitéet les paramètres gériatriques suivants : comorbidités, dépendance, statut nutritionnel, cognition, mobilité, dépres-sion et douleur ont été recueillis.

Résultats : Parmi les 1241 séjours de patients âgés de plus de 65 ans, admis dans le service entre janvier 2007 etdécembre 2008, 35 patients présentaient un antécédent de cancer préalablement traité (2,8 %). Ces patients avaientpeu de comorbidités mais ils présentaient une prévalence élevée de troubles cognitifs, de troubles de la marche etde deuxième cancer.

Conclusion : Notre étude met en évidence la grande prévalence des problèmes de santé dans la population despatients âgés qui ont survécu à un cancer. Elle contribue à améliorer les connaissances sur ces patients et ouvre lavoie à un travail prospectif sur le suivi et la prévention au long cours des patients âgés guéris de leur cancer.Mots clés : Cancer, sujets âgés, statut fonctionnel.

AbstractPurpose: Improvements in screening, diagnosis and treatment have increased the number of patients who survive

their cancer. However, few data are available about the health and functional status of older cancer survivors.Objective: This retrospective study describes the health status of older cancer survivors admitted to an acute care

geriatric unit.Materials and methods: This study included 35 older cancer survivors aged 65 years or more and considered to

be cured after more than 5 years. Demographic data, cancer characteristics and geriatric parameters (comorbidi-ties, disability, cognition, nutrition, mobility, depression and pain) were evaluated.

Results: 35 older cancer survivors were identified among 1,241 patients admitted between January 2007 and December2008 (2.8 %). These patients had few comorbidities but there was a high prevalence of cognitive disorders, gait pro-blems and second cancers.

Conclusion: Our study shows a high prevalence of health problems in older cancer survivors. It helps improveknowledge about this emerging population and opens the way for a prospective follow-up study of long-term pre-vention in older cancer survivors.Keywords : Cancer, older cancer survivors, health status.

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IntroductionL’âge est le principal facteur de risque de la majorité des

cancers. Plus de la moitié des cancers survient après 65 ans.L’amélioration dans le dépistage, le diagnostic et le traite-ment augmente le nombre de patients qui survivent à leurcancer. Actuellement, 63 % des patients atteints de cancersurvivent plus de 5 ans, et plus de la moitié survit au moins20 ans. Mais les traitements anticancéreux ont potentielle-ment des effets secondaires tardifs. Ces traitements (chirur-gie, radiothérapie, chimiothérapie, hormonothérapie, théra-pies ciblées) exposent le patient à des complications à longterme qui affectent sa qualité de vie et augmentent le risquede morbidité et de mortalité. Les conséquences de tels trai-tements peuvent survenir des années après. Ainsi, une sur-veillance au long cours de ces patients est indispensable 1.

Parmi les 24 millions de survivants du cancer dans lemonde, 61 % ont plus de 65 ans 2. Peu d’études sont dis-ponibles concernant cette population grandissante. Ainsicette population est méconnue des cliniciens et des épi-démiologistes et leurs besoins en terme de santé sont sousestimés. Les rares études publiées montrent que les patientsâgés qui ont survécu à un cancer, ont une plus mauvaisequalité de vie et souffrent plus de dépression, de douleuret d’asthénie que les sujets sans antécédents de can-cer 3-6. Les médicaments utilisés pour traiter le cancer pré-disposent également les patients à certaines complica-tions, notamment cardiaques, pulmonaires, neurologiqueset ostéoarticulaires. Le risque d’avoir un deuxième canceraugmente également au sein de cette population. Toutesces études ont été réalisées chez des patients vivant àdomicile. Aucune étude, à notre connaissance, n’a été réa-lisée dans un service hospitalier.

L’objectif principal de notre étude est de décrire l’état desanté des patients âgés ayant été traités pour un canceret hospitalisés dans un service de court séjour gériatrique.

Matériel et méthodeSélection de la population

Cette étude rétrospective a inclus 35 patients âgés de plusde 65 ans présentant un antécédent de cancer antérieure-ment traité et guéri, admis dans le service de court séjourgériatrique du centre gérontologique départemental deMarseille entre janvier 2007 et décembre 2008. Seuls étaientinclus les patients dont le diagnostic et le traitement du can-cer dataient de plus de 5 ans (antérieur à 2003). Les patientsatteints d’une néoplasie localisée stable sous traitement ontété exclus de l’étude (ex: adénocarcinome prostatique soushormonothérapie), de même que les patients qui avaientun cancer actif ou datant de moins de 5 ans.

Recueil des donnéesTous les patients ont bénéficié d’un interrogatoire, d’un

examen clinique complet et d’un bilan biologique standard

complet [dosage du taux d’albumine (en g/l)], de l’hémo-globine (en g/dl) et de la créatinine avec estimation de laclairance de la créatinine selon la formule MDRD (en ml/mn) 7.

Les paramètres démographiques (âge, sexe), les para-mètres d’hospitalisation (durée moyenne de séjour (DMS),provenance du patient, décès), les paramètres du cancer(type de cancer, date du diagnostic et traitement adminis-tré), la présence d’un deuxième cancer ont été recueillis.

Sept domaines ont été sélectionnés parmi les paramè-tres standards gériatriques pour leurs valeurs prédictivesen termes de morbi-mortalités 8-12 : comorbidités, dépen-dance, statut nutritionnel, cognition, mobilité, dépressionet douleur.

• Dix groupes de comorbidités ont été sélectionnés (car-dio-vasculaires, hypertension, diabète, dépression, démence,autres pathologies neurologiques, pathologies respira-toires, gastro-intestinales, ostéoarticulaires et rénales 13).

• Le degré de dépendance a été estimé en calculant leGroupe Iso Ressource (GIR) 14.

• Le statut nutritionnel a été estimé par le biais du tauxd’albuminémie : un taux compris entre 30 et 35 g/l est enfaveur d’une dénutrition modérée, un taux < 30 g/l en faveurd’une dénutrition sévère.

• Le Mini-Mental State Examination (MMSE) 15 a été uti-lisé pour estimer l’état cognitif. Un score inférieur à 26 sur30 est en faveur de troubles cognitifs. Chez certainspatients dont le diagnostic de démence était déjà posé,ou présentant un syndrome confusionnel, le MMSE n’apas été réalisé.

• La mobilité a été estimée par la présence de chutes àdomicile ou par des troubles de la marche constatés à l’exa-men clinique par les médecins du service.

• Les troubles de l’humeur à type de dépression ont étéappréciés à travers, d’une part, l’évaluation réalisée parle neuropsychologue dans le service et, d’autre part, parla présence, à l’admission du patient, d’un traitement anti-dépresseur.

• La présence d’un syndrome douloureux a été évaluéepar les échelles d’évaluation de la douleur (échelle EVApour les échelles d’autoévaluation et DOLOPLUS pour leséchelles d’hétéroévaluation) 16,17.

Analyse statistiqueLes données ont été saisies sur Excel et analysées sur

SPSS. Les variables qualitatives ont été exprimées enpourcentage. Les variables quantitatives ont été expri-mées en moyenne avec leurs écart-types.

RésultatsLes caractéristiques de la population sont résumées dans

le tableau 1. Parmi les 1241 séjours de patients âgés deplus de 65 ans, admis dans le service entre janvier 2007et décembre 2008, 35 patients présentaient un antécédent

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de cancer préalablement traité (2,8 %). L’âge moyen despatients était de 85 ans [SD ± 7] avec une majorité de femmes(65,7 %). La majorité des patients (60 %) venait de leur domi-cile. Le motif d’hospitalisation principal était une altérationde l’état général avec perte d’autonomie (71,4 % despatients). La DMS était de 14 jours [SD ± 9].

Les cancers les plus fréquents étaient le cancer du sein(37,1 %), suivi du cancer colorectal (20 %). En ce quiconcerne les traitements du cancer, tous les patientsatteints d’une tumeur solide avaient eu de la chirurgie. Tousles patients atteints d’une tumeur hématologique avaienteu un traitement associant radiothérapie et chimiothéra-pie. La survie moyenne était de 16 ans.

Les paramètres de l’évaluation gériatrique sont décritsdans le tableau 2. Les patients avaient en moyenne 3 comor-bidités [± 1], principalement cardio-vasculaires (26,2 %),démentielles (17,2 %) et ostéoarticulaires (14,7 %). Lespatients étaient majoritairement dépendants avec un GIRmoyen à 3 1 donc nécessitant une aide pluriquotidienne

pour les actes de la vie courante. La moyenne des MMSEréalisés dans le service était de 20/30, soit en faveur detroubles cognitifs modérés. Seuls 9 patients (25,7 %)étaient dénutris. Deux tiers des patients avaient des trou-bles de la mobilité, 17 % avaient des escarres à leuradmission dans le service. Un tiers des patients présen-tait une douleur à leur admission.

Pour les paramètres biologiques, seulement un tiers despatients avait une fonction rénale normale et la moitié étaitanémiée.

DiscussionCette étude est la première à notre connaissance qui

décrit l’état de santé de patients âgés ayant survécu à un

Etat de santé chez les patients âgés guéris d’un cancer • Older cancer survivors’s health

Tableau 1 : Caractéristiques des patients (N = 35)

Caractéristiques Moy ± SD ; n, %Age 85 ± 7Femmes 23 (65,7 %)ProvenanceDomicile 21 (60 %)Service d’urgences 7 (20 %)Maison de retraite ou centre de convalescence 7 (20 %)Tumeurs solides (dont :) 31 (88,6 %)Sein 13 (37,1 %)Côlon-rectum 7 (20 %)Utérus 3 (8,6 %)Tumeurs hématologiques 4 (11,5 %)Maladie de Hodgkin 3 (8,6 %)Lymphome 1 (2,9 %)Traitement antérieur du cancer Chirurgie 31 (88,6 %)Radiothérapie 18 (51,4 %)Chimiothérapie 7 (20 %)Hormonothérapie 1 (2,9 %)Radiothérapie + Chimiothérapie 5 (14,3 %)Deuxième cancer 2 (5,7 %)Durée moyenne de survie (années) 16 ± 11Motif d’admission Altération de l’état général 25 (71,4 %)Infection 4 (11,4 %)Syndrome confusionnel 2 (5,7 %)Autres 4 (11,4 %)Données d’hospitalisation (N = 35)Durée moyenne de séjour 14 ± 9Décès durant l’hospitalisation 3 (8,6 %)

Moy = moyenne ; SD = Déviations standards ou Ecart-ty

Tableau 2 : Paramètres gériatriques et ParamètresBiologiques

Evaluation gériatrique (Moy ± SD; n, %)Comorbidités (N=35)Cardio-vasculaires 32 (26,2%)Hypertension 17 (13,9%)Dépression 16 (13,1%)Diabète 2 (1,64%)Démence 21 (17,2%)Respiratoires 6 (4,9%)Osteoarticulaires 18 (14,7%)Neurologiques (hors démence) 11 (9%)Nombre de comorbidités par patient 3 ± 1DépendanceGIR 3 ± 1Cognition (N= 11)MMSE 20 [13-24]NutritionDénutrition 9 (25,7%)MobilitéTroubles de la mobilité 27 (77,1%)Douleur 12 (34,3%)Escarres 6 (17,1%)Dépression 16 (45,7%)Paramètres biologiquesAlbuminémie (N= 30) (g/L)> 35 g/L 21 (70%)Fonction rénale (N=34) DFG Fonction rénale normale (>90 ml/mn) 10 (29,4%)Insuffisance rénale débutante (60-89 ml/mn) 8 (23,5%)Insuffisance rénale modérée (30-59 ml/mn) 13 (38,2%)Insuffisance rénale sévère (< 30 ml/mn) 3 (8,8%)Hémoglobine (N= 34) (en g/dL)Femme < 12 g/dL et Homme < 13 g/dL 18 (52,9%)

Moy =moyenne ; SD= Déviations standards ou Ecart-type ; GIR= groupes iso-res-sources ; MMSE = Mini-Mental State Examination, DFG = Clairance de la créati-nine mL/mn/1.73m2)

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cancer hospitalisés dans un service de court séjour géria-trique. Notre étude montre que les patients présentant unantécédent de cancer antérieurement traité et guéri repré-sentent 2,8 % des patients hospitalisés dans le service. Cespatients ont peu de comorbidités, sont pour la plupart nondénutris, non déprimés, non douloureux. Mais ils sont plu-tôt dépendants, ils présentent une prévalence élevée de trou-bles cognitifs et de troubles de la marche. Ils ont égalementun risque élevé de deuxième cancer et de décès.

Les rares études 3-6 qui se sont intéressées à l’état desanté des patients âgés survivant à un cancer ont mon-tré que ces patients ont plus de comorbidités, en parti-culier de pathologies cardio-vasculaires, d’ostéoporoseet de diabète. Dans une population plus jeune, vivant àdomicile, Keating et al 3 ont comparé l’état physique etmental de 964 patients ayant survécu au cancer à14 333 patients indemnes de pathologies cancéreuses,âgés de plus de 55 ans. Ils rapportent chez les survi-vants au cancer, significativement plus de comorbiditéscardiaques (29,3 % versus 22,9 %), pulmonaires (13,9 %versus 9,6 %) et ostéoarticulaires (69,4 % versus 59,4 %).Ils ne mettent pas en évidence de différence en termesde troubles cognitifs et de dépression. Garman et al 4ont comparé le statut fonctionnel et les comorbidités de376 patients aux antécédents de cancer (répartis en3 groupes selon la date de diagnostic du cancer : moinsde 5 ans, de 5 à 15 ans et plus de 15 ans) à 3784 patientstémoins. Le pourcentage de patients avec plus de deuxcomorbidités (notamment cardiaques, hypertension, dia-bète) était plus important dans le groupe de sujets sur-vivants au cancer : 31,5 % des patients dont le cancerdatait de plus de 15 ans ; 33,3 % des patients dont lecancer datait de 5 à 15 ans versus 25,2 % de la popu-lation témoin. D’autre part, les patients dont le diagnos-tic de cancer datait de plus de 15 ans étaient significa-tivement plus âgés et présentaient plus de troublescognitifs que les patients des autres groupes (2,6 % ver-sus 1,5 % pour le groupe dont le cancer datait de 5 à15 ans et 1,9 % pour la population témoin). Enfin, cetteétude met en évidence que le statut fonctionnel du patientétait lié au nombre de comorbidités et non à l’histoire ducancer et à la durée de survie. Dans notre étude, lespatients ont peu de comorbidités (trois en moyenne)mais elles sont identiques à celles décrites dans les tra-vaux ci-dessus bien que notre population concerne despatients plus âgés et hospitalisés. La faible prévalencedes comorbidités chez les patients cancéreux a déjà éténotée dans plusieurs études chez des patients avec uncancer actif 18-21.

Contrairement aux études précitées, notre travail met enévidence une forte proportion de patients atteints de trou-bles cognitifs. Ceci est peut-être lié au recrutement despatients dans un service de court séjour gériatrique où les

hospitalisations de patients âgés déments sont plus fré-quentes, et au grand âge des patients (comme le suggèrel’étude de Garman 4). Certaines études réalisées chez despatients âgés avec des cancers actifs retrouvaient moinsde troubles cognitifs que dans une population témoin depatients sans antécédent de cancer 19. La question deseffets de la chimiothérapie sur la cognition reste encoredébattue. L’augmentation du risque de troubles cognitifsimputables à certains traitements anti cancéreux resteégalement débattue 22-24. Alors que les premières étudesont montré des séquelles de ces traitements sur les fonc-tions cognitives à court terme, d’autres ont mis en évidenceque ces troubles cognitifs peuvent persister des annéesaprès le traitement 22. Baxter et al 23 ont comparé l’étatcognitif de 2913 femmes âgées de 66 à 80 ans atteintesd’un cancer du sein qui avaient reçu une chimiothérapieadjuvante à 18449 autres patientes qui n’avaient pas eude chimiothérapie. Ils concluent que le traitement par chi-miothérapie n’est pas associé à un risque plus élevé dedévelopper un syndrome démentiel. Les conclusions detoutes ces études sont limitées par le manque d’étudeslongitudinales, des facteurs de confusion (dépression,fatigue) mal maîtrisés, des méthodologies variables avecune hétérogénéité de définition du trouble cognitif.

Dans notre étude, deux patients avaient un deuxième can-cer. Les chiffres concernant la prévalence globale desdeuxièmes cancers ne sont pas connus. Une secondetumeur peut se développer de façon précoce ou tardiveaprès le traitement de la tumeur primitive. Elle peut être lerésultat de mutations génétiques héréditaires ou acquises,d’un déficit immunitaire ou d’une exposition aux carcino-gènes de l’environnement, ou être induite par les traite-ments. La maladie de Hodgkin illustre le pouvoir carcino-gène des traitements anticancéreux: la probabilité cumulativede seconds cancers est de 17 % à 15 ans, 13 % pour lestumeurs solides et 4 % pour les leucémies et lymphomesmalins 25. Après un cancer du sein, les patientes ont unrisque de cancer du sein controlatéral 2,48 fois plus élevéque celui de la population générale pour un premier can-cer du sein 26. Des études épidémiologiques longitudinaleschez ces sujets sont indispensables pour estimer cette pré-valence et organiser une prise en charge pour prévenir etdépister la survenue d’un deuxième cancer.

Notre travail présente plusieurs limites. Il s’agit d’uneétude rétrospective où beaucoup de données font défaut.Certaines données (détail des thérapeutiques anti-cancers,paramètres nutritionnels comme l’indice de masse cor-porelle…) étaient renseignées de façon inconstante.Concernant le traitement du cancer du sein, seulementun dossier spécifiait le traitement par hormonothérapie.Nous pouvons penser, au vu des recommandationsactuelles que d’autres patientes ont bénéficié d’une hor-monothérapie mais que ce traitement n’était pas noté

Etat de santé chez les patients âgés guéris d’un cancer • Older cancer survivors’s health

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dans les antécédents de la patiente. De plus, cette étudeest monocentrique. Nous ne pouvons écarter un possi-ble biais de recrutement. Comme précédemment signalé,notre travail porte sur les patients d’un court séjour géria-trique qui prend généralement en charge des patientsâgés de 75 ans et plus, se caractérisant par la coexistencede plusieurs pathologies chroniques invalidantes, par lafréquence de pathologies neuro-dégénératives et qui sontdonc plus fragiles. Enfin, le faible nombre de sujets inclussur la période sélectionnée ne permet pas d’analyse parsous-groupe de cancer. Cependant, notre étude a inclusl’intégralité des patients répondant aux critères d’inclusion,admis en fonction des lits disponibles dans le service.Nous avons ainsi travaillé sur une population non sélec-tionnée et représentative des services de court séjourgériatrique.

ConclusionDu fait de l’allongement de l’espérance de vie et de

l’augmentation de la prévalence du cancer, le pourcen-tage de personnes âgées « survivantes » à un cancer vacroître dans les années à venir. La majorité des étudesmenées en oncologie clinique, thérapeutique et pharma-cologique compte peu de sujets de plus de 65 ans. Notreétude met en évidence la grande prévalence des pro-blèmes gériatriques en dehors des comorbidités despatients âgés qui ont survécu au cancer. Une surveillanceau long cours de ces patients semble indispensable afinde prévenir, d’améliorer ou de réduire les effets secondairesdes traitements, et les conséquences du cancer. Desconsultations gériatriques, dédiées à cette population,pourraient être utiles en complément des consultations onco-logiques de suivi déjà existantes. n

Etat de santé chez les patients âgés guéris d’un cancer • Older cancer survivors’s health

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groupes Iso-Ressources (GIR). Gérontologie et Société 2001 ; 99 : 111-29.15 Folstein MF, Folstein SE, McHugh PR. « Mini-mental state ». A practical method for gra-ding the cognitive state of patients for the clinician. J Psychiatr Res 1975; 12: 189-98.16 Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé. Evaluation et prise encharge thérapeutique de la douleur chez les personnes âgées ayant des troubles dela communication. Recommandations Octobre 2000.17 Wary B, Serbouti S. Doloplus : validation d’une échelle d’évaluation comportemen-tale de la douleur chez la personne âgée. Douleurs 2001 ; 2 (1) : 35-8.18 Maione P, Perrone F, Gallo C et al. Pretreatment quality of life and functional sta-tus assessment significantly predict survival of older patients with advanced non-small-cell lung cancer receiving chemotherapy : a prognostic analysis of the multicenter Italianlung cancer in the older study. J Clin Oncol 2005 ; 23 : 6865-72.19 Retornaz F, Seux V, Sourial N et al. Comparaison of the health and functional sta-tus between older inpatients with and without cancer admitted to a geriatric/internalmedecine unit. J Gerontol Med Sci 2007 ; 62 : 917-22.20 Serraino D, Fratino L, Zagonel V. Prevalence of functional disability among olderpatients with cancer. Crit Rev Oncol Hematol 2001 ; 39 : 269-73.21 Repetto L, Fratino L, Audisio RA et al. Comprehensive geriatric assessment addsinformation to eastern cooperative oncology group performance status in older cancerpatiens : an italian group for geriatric oncology study. J Clin Oncol 2002 ; 20 : 494-502.22 Ahles TA, Saykin AJ, Furstenberg CT. Neuropsychologic impact of standard-dosesystemic chemotherapy in long-term survivors of breast cancer and lymphoma. J ClinOncol 2002 ; 20 (2) : 485-93.23 Baxter N, Durham SB, Phillips KA et al. Risk of dementia in older breast cancer sur-vicors : A population-based cohort study of the association with adjuvant chemothe-rapy. J Am Geriatr Soc 2009 ; 57 : 403-11.24 Hurria A, Rosen C, Hudis C et al. Cognitive function of older patients receiving adju-vant chemotherapy for breast cancer : A pilot prospective longitudinal study. J Am GeriatrSoc 2006 ; 54 : 925-31.25 Tucker MS, Coleman CN, Cox RS et al. Risks of second cancer after treatment ofHodgkin’s disease. New Engl J Med 1988 ; 318 : 76-81.26 Kaiser HE, Nasir A, Groger Am et al. The etiology of second primary neoplasm. Invivo 1998 ; 12 : 89-93.

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Un train peut en cacher un autre !Y. Menu, A. Ruiz Service de Radiologie, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France.

Une femme de 82 ans se plaint de douleurs abdominales vagues et d’une constipation récente. L’examen cliniquemontre une impression de masse du flanc gauche, mais l’abdomen est souple et indolore. Il n’y a pas de fièvre.L’examen biologique montre que la NFS est normale et qu’il y a un syndrome inflammatoire modéré. On décide

de pratiquer d’abord un scanner abdominal, avant d’envisager une coloscopie. La figure 1 montre deux coupes axialespassant par la masse palpée. La figure 2 est une reconstruction coronale en mode « MIP ». La figure 3 est une recons-truction sagittale.

Réponses page suivante

Quels sont les signes observés ?Quelles sont les hypothèses diagnostiques ?

Figure 1a Figure 1b

Figure 2 Figure 3

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Quels sont les signes observés ?Sur la figure 1a, la paroi du côlon gauche est très épais-

sie (flèches). Cet épaississement peut être tumoral ouinflammatoire. Sur le bord externe, il existe un petit noduleadditionnel (flèche courbe) et un aspect flou des limitesavec la graisse péritonéale. On observe aussi des adéno-pathies dans le mésocôlon (tête de flèche). Sur la coupe1b, située 2 cm en dessous, on voit immédiatement enavant du côlon gauche une masse de 3 cm fortementrehaussée par le produit de contraste (flèches). La figure 2en mode « MIP » (sommation sur une coupe épaisse deszones de plus forte densité, permettant notamment de met-tre en évidence les vaisseaux après injection) montre à nou-veau cette masse fortement rehaussée ainsi qu’un grosvaisseau qui semble rejoindre le territoire de la veinemésentérique supérieure. Sur la figure 3, on voit à nou-veau la différence entre la masse hypervascularisée et lecôlon descendant dont la paroi est épaissie.

Il n’existe pas de dilatation d’amont du côlon.

Quelles sont les hypothèsesdiagnostiques ?

Le diagnostic différentiel concernant l’épaississement dela paroi colique se fait entre un cancer colique et une inflam-mation, par exemple une colite segmentaire, qu’elle soitischémique ou secondaire à une diverticulite. La pré-sence d’un nodule extra colique sur la figure 1a exclut

l’hypothèse d’une colite ischémique. Il est plus difficile d’éli-miner une perforation localisée d’un diverticule, mais laprésentation clinique, l’absence de fièvre et de syndromeinflammatoire marqué, l’absence de douleur à la palpa-tion ne sont pas en faveur. Par ailleurs, le scanner mon-tre que l’épaississement pariétal atteint la paroi de façoncirconférentielle (fig 1a et 1b) et de façon irrégulière.

Au total, il s’agit bien de l’aspect d’un cancer du côlondescendant, avec un nodule péritonéal avoisinant, mon-trant que la tumeur a franchi la capsule.

Toutefois, ceci n’explique pas du tout la masse hyper-vasculaire adjacente. En effet, le cancer colique se rehaussebien après injection de produit de contraste iodé, mais jamaisde façon majeure comme on le voit ici. De plus, on ne voitjamais de très grosse veine de drainage. L’aspect estassez typiquement celui d’une GIST (Gastro IntestinalStromal Tumour). Un aspect voisin pourrait être observéau cours d’une tumeur endocrine du tube digestif, plusrare. Le siège de cette lésion n’est pas le côlon, mais legrêle et en particulier le jéjunum. Bien que cette lésion soitaccolée au cancer, le drainage se fait par le territoiremésentérique supérieur, et non mésentérique inférieurcomme ce serait le cas pour une lésion colique. Par ail-leurs, la figure 4 (coupe axiale passant par le pôle inférieurde la lésion hypervasculaire), montre bien l’hypervascula-risation dans la paroi du jéjunum (flèche).

La coloscopie a confirmé la présence d’un adénocarci-

L’image du JOG • Réponses

Association d’un cancer du côlon gauche et d’une GIST fortuitement accolée

Figure 1a Figure 1b

232VOLUME 1 - N°5 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie

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nome lieberkhunien du côlon descendant, mais n’a évi-demment pas pu identifier la tumeur hypervasculaire.

Compte tenu d’un bilan d’extension à distance négatif,la chirurgie première a été indiquée. Elle a pu emporter latumeur et son atmosphère péri-colique, confirmant l’in-vasion péritonéale locale. Au cours de l’intervention, la lésionhypervasculaire a été identifiée. Il n’y avait aucune adhé-rence entre cette lésion et le cancer, seulement une conti-güité. Le chirurgien a pu la réséquer dans le même temps,et l’examen anatomo-pathologique a confirmé la GIST, sansaucun caractère de malignité. La localisation sur le grêlede ces lésions est d’ailleurs la forme la plus fréquente, sui-vie de peu par l’estomac. Le reste du tube digestif est plusrarement atteint. Il faut savoir qu’en dehors de la pré-sence de métastases, il est difficile ou impossible pour l’ima-gerie de prédire la nature bénigne ou maligne d’une GIST.Tout au plus peut-on considérer qu’une GIST hétérogèneet mesurant plus de 5 cm a de fortes chances d’êtremaligne, mais une plus petite taille et le caractère homo-gène ne sont aucunement garants de la bénignité. C’estpourquoi, compte tenu des implications thérapeutiques,l’exérèse chirurgicale est indiquée dans ce cas.

Un mot sur l’exploration du côlon chez les personnesâgées. La question clinique n’est généralement pas larecherche de polypes, mais celle de lésions évolutives.Les explorations possibles sont la coloscopie et le (ou plu-tôt les) scanner(s).

• La coloscopie a évidemment l’avantage de montrer leslésions endo-luminales et d’en faire la biopsie, mais elle al’inconvénient de méconnaître les lésions péri-coliques. Lesautres problèmes sont les possibilités de perforation, rares

mais évidemment graves,et le caractère assez dras-tique de la préparation. Ilest difficile de la proposercomme examen initial.

• La coloscopie virtuellepar scanner, obtenue eninsufflant de l’air dans lecôlon et en reconstrui-sant la lumière coliquesur une station de tra-vail, n’a évidemment pasles mêmes complicationset elle peut voir ce qui sepasse autour du côlon.Mais elle partage avec lacoloscopie la nécessitéd’une préparation que

les personnes âgées ont parfois du mal à supporter. Cen’est pas non plus le meilleur examen de débrouillage.

• Le « coloscanner à l’eau » est une variante qui consisteà remplir le côlon avec de l’eau plutôt que de l’air. Cetteméthode ne nécessite pas de préparation particulière, carelle ne prétend pas détecter les petits polypes. Elle permetd’analyser très finement la paroi colique et son voisinage.Comme on injecte de l’iode, si la fonction rénale est nor-male, on peut faire un bilan abdomino-pelvien et thora-cique complet. C’est probablement la meilleure méthode àmettre en œuvre initialement chez une personne âgée, àcondition toutefois qu’une certaine continence anale soit pré-sente.

• Si la continence est incertaine, ou tout simplement sil’origine colique des troubles n’était pas particulièrementsuspectée, on peut toutefois se contenter d’un scannerclassique sans remplissage du côlon. La possibilité de détec-ter les petites lésions est moins bonne car on ne peut pasapprécier un épaississement colique modéré sans avoirdistendu le côlon, mais c’est suffisant pour détecter degrosses lésions cliniquement symptomatiques.

Il y a souvent une confusion sur les techniques scano-graphiques d’exploration du côlon, qui ont pourtant desconséquences sur le type de préparation. On sait aussiqu’une préparation trop drastique peut être mal suppor-tée. Il appartient au clinicien de clarifier sa demande enfonction du contexte et du type de lésion recherchée.Dans le doute, et de façon à être le moins invasif possi-ble, mieux vaut se contenter d’un scanner classique, quitteà renouveler l’examen avec une technique plus ciblée, colos-canner, coloscopie virtuelle, ou même coloscopie optiqueselon les résultats du scanner initial. n

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Les onco-hématologues et les gériatres étaient réu-nis pour la première conférence internationale sur lesHémopathies du Sujet Âgé qui s’est déroulée à

Lisbonne, Portugal, du 2 au 4 juillet 2010, sous la direc-tion scientifique de L. Balducci, P. Fenaux et J.-L. Harousseau.

La conférence a débuté par la physiologie et la phy-siopathologie du vieillissement ainsi que l’évaluation cli-nique du sujet âgé. L’introduction sur les anémies chezle sujet âgé montre l’intérêt de leur prise en charge carassociées à la diminution de l’espérance de vie, à la dépen-dance et à différents syndromes gériatriques (L. Balducci).L’espérance de vie actuelle et la moyenne d’âge des patientsaugmentent en Europe et dans le monde (A.-J. Cruz-Jentoft), et les caractéristiques des pathologies dessujets âgés sont différentes des plus jeunes par leur chro-nicité, leur atypie, leur multiplicité et leurs conséquencesfonctionnelles. Or, les différents aspects de la « fragi-lité » (clinique, biologique, psychologique et socio-envi-ronnementale) ne sont pas irréversibles chez le sujet âgé(M. Rainfray), et des mesures de prévention et théra-peutiques peuvent être initiées. D’où l’intérêt de l’éva-luation gériatrique standardisée (EGS) pour évaluer lesdifférentes problématiques chez les sujets âgés de typefonctionnalité, comorbidités, thérapeutique, évaluationscognitive, nutritionnelle et sociale (G. Gambassi et M.Barbagallo). L’EGS permet d’identifier 3 groupes depatients âgés atteints de cancer au sein desquels l’orien-tation thérapeutique sera différente : les patients sansfragilité (fit elderly) qu’il faut considérer comme dessujets jeunes, les patients fragiles (frail elderly) avec unedépendance aux actes de la vie quotidienne associéeà au moins 3 comorbidités et/ou la présence d’un grandsyndrome gériatrique, et les patients vulnérables pré-sentant une dépendance au niveau des activités instru-mentales de la vie quotidienne et/ou une ou deux comor-bidités.

Concernant les adaptations thérapeutiques, notammentlors de l’utilisation de chimiothérapies, elles sont souventempiriques chez le sujet âgé car nous manquons de don-nées scientifiques (C. Falandry), ceci étant dû à une sous-représentation de la population gériatrique dans les étudescliniques. Or le taux de décès est de 37 % chez les plusde 65 ans quand la dose thérapeutique est inadéquate.L’âge est un facteur de risque de neutropénie post-chi-miothérapie et la mortalité due aux infections neutropé-niques augmente chez les sujets de plus de 65 ans (L.Balducci).

La conduite à tenir devant les hémopathies malignes dusujet âgé a été abordée en deuxième partie de programme.Les syndromes myélodysplasiques (MDS) sont des hémo-pathies des sujets âgés et très âgés : la moyenne d’âgeest de 72-75 ans et l’incidence augmente avec l’âge (R.Stauder). Plusieurs traitements peuvent être proposés etsont différents selon chaque patient âgé (facteurs indivi-duels et type de pathologie dépendant d’un système inter-national de score pronostique IPSS). Selon que la formeest à bas risque (IPSS Intermédiaire-1 ou IPSS bas) ou àhaut risque (IPSS Intermédiaire-2 et IPSS élevé), le traite-ment est différent. Le traitement dans les formes à basrisque repose sur les agents stimulants l’érythropoïèse (ESAs)et la lenalidomide dans les formes avec del 5q. On peutégalement utiliser les agents chélateurs du fer lorsque laferritinémie est supérieure à 1000-1500 µg/l et/ou le nom-bre de transfusions dépassent les 20 culots globulaires.Dans les formes à haut risque, les agents hypométhylantscomme azacytidine et decitabine montrent des résultatsencourageants chez les sujets âgés (P. Fenaux), surtoutlorsque les chimiothérapies intensives et la transplanta-tion de moelle osseuse ne peuvent être réalisées. En cequi concerne les leucémies aiguës chez les sujets âgés,le pronostic est défavorable. Or près de 50 % des leucé-mies aiguës myéloblastiques (LAM) sont diagnostiquées

1ère Conférence Internationale ESH-SIOG :hémopathies malignes du sujet âgéLisbonne, Portugal, 2-4 juillet 2010

A.-L. CoudercPôle de Gérontologie, CHU Nice, Hôpital de Cimiez, 4 avenue Reine Victoria, 06000 Nice, France.Courriel : [email protected]

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après 60 ans (C. Gardin), et l’âge médian des leucémiesaigües lymphoblastiques (LAL) est également élevé (A.Delannoy). Dans les LAM, l’arrivée des agents hypomé-thylants comme l’azacytidine, lorsque la cytogénétique estdéfavorable, a permis quelques avancées, de même quel’imitanib dans les LAL Philadelphie positives.

Les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC) (V. Levy) etles leucémies myéloïdes chroniques (LMC) (P. Rousselot)sont également des hémopathies largement représen-tées dans la population gériatrique avec près de 30 % despatients atteints de LMC qui ont plus de 70 ans. Différentesstratégies thérapeutiques sont actuellement encoura-geantes dans ces pathologies, comme l’association flu-darabine, cyclophosphamide et rituximab (FCR) dans lesLLC et les inhibiteurs de la tyrosine kinase dans les LMC.

Concernant la prise en charge du myélome du sujet âgé,l’association melphalan-prednisone (MP) n’est plus le trai-tement standard. Les agents alkylants tels que thalidomideet bortezomib associés au MP montrent des résultats

encourageants (J.-L. Harousseau) mais une surveillanceattentive des effets toxiques est indispensable dans lapopulation gériatrique. En effet, ces nouvelles moléculespeuvent entraîner une toxicité hématologique, des neuro-pathies périphériques, et il existe un risque thromboem-bolique nécessitant chez certains patients un traitementprophylactique (M. Delforge). Le traitement standard deslymphomes diffus à grandes cellules B chez les sujets âgésde moins de 80 ans est R-CHOP (H. Tilly), mais des ajus-tements de dose peuvent être réalisés chez les sujetsplus âgés ou avec des comorbidités de type R-miniCHOP.Car, dans cette population, 57 % des décès sont impu-tables à la progression du lymphome, alors que seulement16 % sont liés à la toxicité du traitement (principalementdes neutropénies fébriles), impliquant une réflexion sur ladécision thérapeutique. n

www.esh.org/webcasts.htm

ESH-SIOG International Conference

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Le Journal d’OncoGériatrie : Comment avez-vousvu évoluer ce concept d’oncogériatrie depuis quelquesannées?

Hervé Curé : Il est évident que l’évolution est plus quefavorable ; on peut citer le succès des 6èmes Journéesd’Échange de Pratiques en Onco-Gériatrie (épo-g) qui ontattiré cette année près de 400 congressistes, soit un tiersd’inscriptions supplémentaires par rapport à l’édition2009. Cette augmentation de la fréquentation est le refletd’une attente réelle autour de la problématique oncogé-riatrique ; les journées épo-g répondent à ce besoin maisne représentent qu’une réponse partielle ; une réponsenationale structurée est nécessaire. La seule structure opé-rationnelle qui existe à ce jour est celle labellisée parl’INCa à travers les Unités Pilotes de Coordination enOncogériatrie (UPCOG), il en existe 15 à ce jour. Le DrJeanne-Marie Bréchot de l’INCa a d’ailleurs annoncé,dans le cadre des Journées épo-g que l’INCa va lanceravant fin 2010, un appel d’offres au niveau national dansle but d’installer une Unité de Coordination en Oncogériatrie(UCOG) par région, soit passer de 15 UPCOG à 22UCOG, voire un peu plus.

Le JOG : Quels sont les facteurs d’accélération decette prise de conscience?

H. C. : Le premier facteur d’accélération est le nombrede cancers chez les personnes âgées. Pour nous, can-cérologues, « âgé » signifie 75 ans et plus. Si l’on s’entient à cette définition, les patients âgés atteints de can-cer représentent déjà 30 % de l’ensemble des nouveauxcas de cancers chaque année, soit 110000 nouveaux casde cancers par an. Le vieillissement de la population ou« papyboum » explique ce chiffre. 110 000 nouveaux casde cancers par an chez les sujets âgés : ceci constitueun réel problème de santé publique auquel sont confron-tés cancérologues et gériatres. Se pose alors une vraiequestion d’ordre thérapeutique : comment bien traiterces patients ou optimiser leur prise en charge thérapeu-tique ? Le gériatre, lui, prend en charge des patients sou-vent plus âgés, à savoir 80 ans et plus. Hier ces patientsn’avaient pas accès au traitement ou à l’innovation thé-rapeutique puisque leur espérance de vie était très fai-ble. Avec le vieillissement de la population, le gériatre estaujourd’hui confronté à la prise en charge thérapeutique

de cancers parmi ses patients âgés chez lesquels lerisque de comorbidités, souvent évolutives, est accru.L’oncogériatrie a contribué à faire évoluer les attitudes faceà de tels patients : la volonté est bien celle d’éviter touteperte de chance pour ces patients très âgés, ou tout aumoins tout patient âgé doit avoir la possibilité d’accéderaux traitements anticancéreux.

Aujourd’hui, nombre de gériatres « jouent » le jeu et seposent raisonnablement la question d’une prise en chargethérapeutique chez leurs patients très âgés atteints de can-cer. On sait d’ailleurs qu’il existe des traitements simplespour les cancers hormonodépendants et hormonosensi-bles qui peuvent être prescrits à ces patients. L’enjeud’une prise en charge thérapeutique du cancer chez lessujets très âgés repose sur le choix des traitements ayantun meilleur ratio bénéfice/risque.

Le JOG : Quels seraient les freins au développe-ment de l’oncogériatrie?

H. C. : Selon moi, il y en a peu. Nous sommes dans unedynamique oncogériatrique favorable et positive. Le freinque je perçois est un frein de la vie de tous les jours. Lespatients âgés atteints de cancers, surtout très âgés, nesont pas référés dans des structures hautement spécia-lisées et/ou spécifiquement dédiées au cancer (servicesde cancérologie, Centres de Lutte Contre le Cancer…).En effet, ils sont pris en charge dans des établissementsde soins de proximité, dont les équipes soignantes ne béné-ficient pas toujours du même niveau d’information/forma-tion pour la prise en charge des patients (très) âgés atteintsde cancer. Mon message est alors celui-ci : ne considé-rez pas l’âge comme une fatalité ; adressez vos patientsà des cancérologues ou à des structures organisées enoncogériatrie, ou ayez vous-mêmes une réflexion et unestructuration oncogériatrique au sein de vos établisse-ments de soins.

Pour exemple, dans un centre de lutte contre le cancercomme l’institut Jean Godinot, les patients de 75 ans etplus ne représentent que 18-20 % de notre patientèle, mal-gré une augmentation de cette proportion ces dernièresannées. Les patients âgés sont pris en charge aux alen-tours de leurs lieux de vie, dans ces hôpitaux dits péri-phériques, si bien que l’oncogériatrie « de la vraie vie » n’estpas encore systématiquement référée.

L’oncogériatrie à la française : quel avenir ? Interview du Professeur Hervé Curé, Vice-Président du Groupe d’Échange de Pratiques en Onco-Gériatrie (Gépo-g)Par Dimitri Verza, Directeur de la publication du Journal d’OncoGériatrie

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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrieVOLUME 1 - N°5 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010 238

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Le JOG : Quels devraient être la place et le rôle dechacun (oncologues, gériatres…)?

H. C. : Il est très important de savoir qui fait quoi, maiscette répartition des rôles se fait assez facilement : cha-cun respecte le rôle de l’autre entre gériatre et cancéro-logue, chacun ayant un regard différent sur le patient âgé.Et c’est justement ce regard croisé qui fait qu’il existe unéclairage double et intéressant au profit de la décision thé-rapeutique. Les acteurs de ce binôme ne sont pas en concur-rence mais complémentaires. Il est intéressant de le rap-peler et c’est bien l’esprit des Journées épo-g qui prévautdepuis leur création : les échanges entre le milieu géria-trique et le milieu cancérologique. A Reims pour cette 6ème

édition, 50 % des participants ont dit appartenir au milieugériatrique et 50 % au milieu cancérologique.

Mais les médecins hospitaliers ne sont pas les seulsdans la prise en charge du sujet âgé atteint de cancer. Lemonde paramédical est important : les infirmières, lesaides soignantes, les kinésithérapeutes, les assistantessociales… Sans oublier les médecins de ville, qu’ils soientspécialistes ou généralistes. Je crois que le médecin deville est un acteur important et que l’on doit aller vers lui.Sans oublier les pharmaciens de ville. En effet, la personneâgée va avoir le réflexe de se tourner vers son officine deproximité.

Le JOG : Faut-il une société savante nationale enoncogériatrie?

H. C. : C’est une excellente question. Il y a déjà 2 - 3ans, que nous, Gépo-g, y pensons. En fait, nous avonsinstallé les choses d’une façon très pragmatique : nous

avons d’abord créé les Journées épo-g, nous avionsbesoin de nous rencontrer. La 1ère édition en 2005 àClermond-Ferrand avait rassemblé 150 participants etnous avons accueilli cette année près de 400 congres-sistes. Puis nous avons senti le besoin en 2007 d’ungroupe (le Gépo-g) pour faire d’autres choses. Aujourd’hui,nous sommes arrivés à maturité et allons évoluer assezrapidement en une société savante francophone en onco-gériatrie, car nous avons tissé, ces dernières années, desliens avec des pays frontaliers francophones (Belgique,Luxembourg, Suisse). Il existe un vrai besoin et unedemande de ces pays par rapport à la politique sanitairefrançaise. Celle-ci est pyramidale : elle démarre d’en hautet elle descend sur le terrain, de la Direction Générale del’Offre de Soin (DGOS) à l’INCa et aux Agences Régionalesde Santé (ARS). Il nous faut exister au regard des instancessanitaires et que celles-ci puissent avoir un interlocuteurunique au service de l’oncogériatrie : ce sera la Sociétéd’Oncogériatrie Francophone. Car l’ouverture à la franco-phonie répond à une demande exprimée par le Pr HowardBergman, président d’honneur des 6émes Journées épo-g.Cette ouverture s’explique sûrement par l’avance de la Francedans la structuration oncogériatrique, d’ailleurs confirméelors de ces journées par le Pr Bergman qui nous a dit quece n’est pas le cas au Québec. n

L’oncogériatrie à la française : quel avenir ?

La 7ème édition des Journées épo-g se déroulera à Lyon du 15 au 17 septembre 2011 sur le thème cancers urologiques et andrologie.