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Kinésithérapie après reconstruction mammaire par lambeau du grand dorsal : intégration de la méthode Mézières * Kinésithérapeute Saint-Barthélémy d’Anjou (49) D’après un mémoire de fin de stage de la formation dispensée par l’Association méziériste internationale de kinésithérapie (AMIK) 37 n° 453 mars 2005 KS Introduction Beaucoup de kinésithérapeutes reconnaîtront dans cet article des techniques qu’ils utilisent déjà. Ceci est dû au fait que les principes de Françoise Mézières ont progressive- ment été intégrés dans la kinésithéra- pie classique. De nombreuses femmes (environ 40 000) se font opérer chaque année du cancer du sein. C’est le premier cancer féminin. Actuellement, les traitements chirur- gicaux proposés aux patientes sont le traitement chirurgical conservateur ou mastectomie. Le choix entre ces deux options chirurgicales dépend souvent de la taille ou du nombre de tumeurs. Le ratio entre ces deux techniques varie entre 70 et 80 % de traitements conservateurs contre 20 et 30 % de mastectomies. La reconstruction mammaire est pro- posée aux patientes ayant eu ou une mastectomie ou un sein irradié ayant présenté des problèmes trophiques graves (sclérose postradique). Il y a peu d’évaluations chiffrées sur la proportion des femmes opérées d’un cancer du sein qui font réaliser une reconstruction. Les patientes ont le choix entre une reconstruction soit d’emblée, soit secondaire. Certaines équipes chirur- gicales privilégient la reconstruction immédiate. Les reconstructions sont de deux types : – soit avec un lambeau du grand droit de l’abdomen (rectus abdominis) ; – soit avec un lambeau du grand dor- sal (latissimus dorsi). Ce lambeau est le plus fréquent. Cette chirur- gie peut être associée ou non à la pose d’un implant prothétique [1]. Cet article aborde la place de la kiné- sithérapie dans les suites du lambeau du grand dorsal. Les résultats cli- niques n’y sont pas abordés. La chirurgie de reconstruction du sein par lambeau du grand dorsal a des conséquences directes sur : – le grand pectoral (pectoralis major), le grand dorsal (latissimus dorsi) et leurs aponévroses ; Laurence THAREAU* MOTS CLÉS • Cancer du sein • Grand dorsal • Mézières • Postopératoire • Reconstruction Le but de cette réflexion est d’apter un concept de type Mézières à des pathologies dites “lourdes” et d’en proposer une application TECHNIQUE PRATIQUE

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Kinésithérapieaprès reconstruction mammairepar lambeau du grand dorsal :intégration de la méthode Mézières

* KinésithérapeuteSaint-Barthélémy d’Anjou (49)D’après un mémoire de fin de stagede la formation dispenséepar l’Association méziéristeinternationale de kinésithérapie(AMIK)

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n° 453mars 2005KS

Introduction

Beaucoup de kinésithérapeutesreconnaîtront dans cet article destechniques qu’ils utilisent déjà. Ceciest dû au fait que les principes deFrançoise Mézières ont progressive-ment été intégrés dans la kinésithéra-pie classique.

De nombreuses femmes (environ 40 000) se font opérer chaque annéedu cancer du sein. C’est le premiercancer féminin.

Actuellement, les traitements chirur-gicaux proposés aux patientes sont letraitement chirurgical conservateur oumastectomie. Le choix entre cesdeux options chirurgicales dépendsouvent de la taille ou du nombrede tumeurs.

Le ratio entre ces deux techniquesvarie entre 70 et 80 % de traitementsconservateurs contre 20 et 30 % demastectomies.

La reconstruction mammaire est pro-posée aux patientes ayant eu ou unemastectomie ou un sein irradié ayantprésenté des problèmes trophiquesgraves (sclérose postradique).

Il y a peu d’évaluations chiffrées sur laproportion des femmes opérées d’uncancer du sein qui font réaliser unereconstruction.

Les patientes ont le choix entre unereconstruction soit d’emblée, soitsecondaire. Certaines équipes chirur-gicales privilégient la reconstructionimmédiate.

Les reconstructions sont de deuxtypes :

– soit avec un lambeau du grand droitde l’abdomen (rectus abdominis) ;

– soit avec un lambeau du grand dor-sal (latissimus dorsi). Ce lambeauest le plus fréquent. Cette chirur-gie peut être associée ou non à lapose d’un implant prothétique [1].

Cet article aborde la place de la kiné-sithérapie dans les suites du lambeaudu grand dorsal. Les résultats cli-niques n’y sont pas abordés.

La chirurgie de reconstruction du seinpar lambeau du grand dorsal a desconséquences directes sur :

– le grand pectoral (pectoralis major),le grand dorsal (latissimus dorsi) etleurs aponévroses ;

Laurence THAREAU*✞

MOTS CLÉS

• Cancer du sein• Grand dorsal• Mézières• Postopératoire• Reconstruction

Le butde cette réflexion

est d’apterun concept

de type Mézièresà des pathologies

dites “lourdes”et d’en proposerune application

TECHNIQUE•

PRATIQUE

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– les fascias du thorax ;

– la cavité axillaire avec son contenuveineux lymphatique.

Mais cette chirurgie induit aussi desconséquences indirectes sur :

– les muscles cervico-scapulairessternocléïdomastoidus (SCOM),scalènes, trapèzes ;

– la statique de la patiente.

À la sortie de l’hôpital, la prise encharge kinésithérapique se fait endeux étapes :

– rétablir la fonction de l’épaule etgérer les problèmes lymphatiques etcicatriciels ;

– répondre aux modifications postura-les et aider la patiente à accepter lanouvelle image de son corps.

Dans cette optique, il est légitime dansles suites opératoires de la recons-truction par lambeau du grand dorsalavec ou sans adjonction d’implant, deproposer un concept d’approche glo-bale de la patiente selon l’observationet les outils proposés par la méthodeMézières.

La technique chirurgicaledu lambeaudu grand dorsalet ses conséquencesbiomécaniques

Description de la techniquede recouvrementpar lambeau du grand dorsal

Un prélèvement d’une palette cuta-néo-musculo-aponévrotique est effec-tué au dépend du muscle grand dorsalhomolatéral (fig. 1). La partie muscu-laire du transplant forme le galbe dusein en avant du grand pectoral.

Un implant est éventuellement inséré(prothèse d’expansion à implantationdéfinitive texturée).

Il est nécessaire parfois d’associer uneréduction mammaire controlatéralepour symétriser. Cet acte chirurgicallaisse une cicatrice dorsale horizon-tale ou oblique selon la largeur de l’îlot prélevé. Cette technique est pré-férentiellement indiquée chez les fem-mes minces [1].

Conséquences biomécaniques

Aux conséquences déjà connues ducurage axillaire [2] (lymphorrhées,thromboses lymphatiques superficiel-les (TLS), œdèmes, etc.) s’ajoutent cel-les du déséquilibre des masses muscu-laires. Nous observons un déséquilibredes masses musculaires absentes, dé-placées ou irradiées.

– Perte d’élasticité et de glissementdes plans aponévrotiques ;

– rétraction du grand pectoral et deson enveloppe ;

– rétraction du grand dorsal (latissi-mus dorsi) ;

– rétraction des fascias du thorax ;

– défect musculaire en “coup de ha-che” en regard de la zone prélevée[3].

L’ensemble favorisant la positionantalgique : rotation interne, adduc-tion de la scapulo-humérale.

Se surajoute très fréquemment unecicatrice dorsale souvent rétractée etadhérente au plan sous-jacent.

Bilans

Durant l’hospitalisation d’une à 2semaines, la rééducation est souventfreinée par les problèmes postopéra-toires immédiats : drains, douleursphysiques et psychiques.

La prise en charge kinésithérapiquedébute en externe, 2 à 3 semainesaprès la reconstruction. Elle peut s’ef-

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▲ Figure 1 (d’après N. Bricout)

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fectuer à domicile ou au cabinet.L’objectif est de redonner de la mobi-lité à la région scapulaire permettantd’effectuer sans gêne les gestes quo-tidiens. Par la suite, il est proposé uneapproche plus globale de la patientetenant compte de l’unité du corps etde la notion de chaîne.

Interrogatoireou prise de contact

Cette première consultation nous ren-seigne sur les antécédents orthopé-diques, rhumatismaux (conflit sous-acromial) et chirurgicaux. On enprofite pour évaluer la douleur grâce àl’échelle analogique (EVA) ainsi quecelle de l’anxiété.

Pour affiner le traitement, la prise deconnaissance du compte-rendu opé-ratoire est nécessaire.

Cette première rencontre est essen-tielle : elle est basée sur la parole et l’écoute.

Bilan locorégional

Ce bilan est effectué à partir de la pal-pation, c’est une lecture du corps.

Bien que cette intervention ne touchepas à proprement dit l’articulation del’épaule. Ce bilan comprend :

– un bilan articulaire passif et actif decelle-ci en décubitus dorsal : anté-pulsion, abduction-rotation externe,rotation interne ;

– un bilan lymphatique : nombre deTLS, localisation de l’œdème [2] ;

– un bilan des cicatrices : adhérence,couleur, douleur ;

– un bilan de la mobilité tissulaire ;

– un bilan sensitif : hypoesthésie dulambeau ;

– un bilan des tensions musculairescervicales.

Bilan morphologique et statiqueselon la méthode Mézières

Ce bilan peut ne pas être proposé lorsdes premières séances afin derespecter l’approche psychologiquede la patiente afin de ne pas lui ren-voyer une image négative.

L’observation posturale du patient est undes fondements du traitement [4, 5, 6].

■ Debout

On note :

– la position des épaules : enroulement,rotation interne, élévation ;

– la position de la tête : inclinaison/rotation ;

– l’attitude de protection avec refus del’ouverture de l’angle thoraco-brachial.

■ Allongé

– Observation de la forme du thorax, dumode respiratoire, évaluation de l’anglede Charpy et inclinaison du sternum ;

– prise de conscience des appuis sur leplan de référence par la patiente :occiput, épaule, bassin, sacrum, talon.

L’observation est complétée par l’ap-préciation de l’indépendance desmouvements en ABD de l’épaule opé-rée par rapport au rachis cervical et dela ceinture pelvienne : test du glissé debras en actif sur le sol.

Bilan dynamique

Il est effectué après plusieurs semai-nes lorsque les problèmes de TLS etmobilité d’épaule sont résolus et lestensions locales levées.

■ Examen debout penché en avant

On note :

– les tensions dans les ischios-jam-biers, les pelvis trochantériens, lescarrés des lombes, les psoas ;

– les raideurs articulaires : hanches,genoux, chevilles.

■ Test de mises en tensionsdes différentes chaînes musculaireset observation des compensations[4, 5, 6]

Il est établi une fiche-bilan : synthèsede l’examen clinique, des tensionsmusculaires, et des déséquilibres pos-turaux dans le but de se définir unplan de traitement à objectifs théra-peutique, préventif et éducatif.

Traitement

Principes et fondementsde la méthode Mézières

Par l’observation, F. Mézières a donnénaissance à la notion d’interdépen-dance musculaire, de liens méca-niques entre le tronc et les membres.Elle a mis en évidence l’unité du corpsà travers la chaîne musculaire posté-rieure (fig. 2).

Dans le même temps, elle a soulignél’importance de la lordose et de la

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TECHNIQUE•

PRATIQUE

Figure 2 ▲La chaîne musculaire postérieure, ▲

selon F. Mézières ▲

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rotation interne omniprésente et duréflexe antalgique, à priori :

– réaction de défense ou de compen-sation : “Le mal n’est jamais où il setrouve” ;

Puis, au cours de son travail, elle adécrit trois autres chaînes :

– la chaîne antérieure du cou ;

– la chaîne brachiale (fig. 3) ;

– la chaîne antéro-interne (le dia-phragme).

D’autres ont poursuivi ce concept :Godelieve Denys-Struyf a décrit d’au-tres chaînes liées à notre typologiecorporelle, mettant en évidence unterrain mécanique prédisposant à despathologies [4, 5, 6]. Les moyens utili-sés pour cette méthode sont [7] :

– la prise de conscience corporelle ;

– les mobilisations ;

– les postures globales d’étirementsà composante passive lente etcontractions statiques excentriques ;

- les massages.

Protocole rééducatif proposé

Selon F. Mézières, “la forme condi-tionne la fonction”. Si on s’attache àredonner mobilité et élasticité, il endécoule un bon fonctionnement,entraînant une sédation des algies.

Installation du patient

La position allongée en décubitus dor-sal est privilégiée car elle permet uneplus grande détente.

Il est mis une petite cale sous occipi-tale pour soulager la mise en tensiondes muscles antérieurs du cou lesdeux épaules à l’horizontale, les sca-pulas en contact avec la table, mem-bres supérieurs en rotation externe,membres inférieurs fléchis. Si néces-saire, on place un très gros coussinsous les genoux afin de diminuer latension abdominale, bassin à l’hori-zontale dans le but d’éviter le phéno-mène de mise en corde d’arc du granddorsal.

Prise de consciencedu mode respiratoire

Le diaphragme, par ses piliers qui s’at-tachent sur les vertèbres et lesdisques lombaires, augmente la lor-dose lors de l’inspiration. Il appartientà la chaîne antéro-interne.

Par son travail concentrique incessant,il tend à se bloquer en inspiration. Ilinfluence toute la statique et la dyna-mique du corps et se trouve lui-mêmeinfluencé en retour [8, 9]. Il agit aussicomme pompe à dépression sur lesystème veineux et sur le système lym-

phatique par le truchement du canalthoracique [10].

La respiration est aussi liée au sys-tème nerveux autonome (nerf vague) :nos émotions influent sur celle-ci [11,12].

Le diaphragme est donc considérécomme “le point d’équilibre du corpstout entier”. C’est pourquoi la respira-tion occupe une place importantedans le traitement du type Mézières.Celle-ci doit être libre pour un bonfonctionnement de l’ensemble ducorps.

L’éducation ventilatoire est indispen-sable, l’expiration étant un momentclef lors de la mobilisation et du main-tien des postures.

Toutefois, F. Mézières disait : “Il estaussi absurde d’apprendre à quelqu’unà respirer que de lui apprendre à fairecirculer son sang dans ses veines”.

Techniques corporellesproposées aprèsreconstruction mammairepar lambeau du grand dorsal

Modelage thoracique

Ce premier toucher indolore permetdéjà d’observer les compensations. Lerôle du kinésithérapeute méziériste estde répondre à celles-ci.

La patiente, bras en rotation externe,scapula à plat, genoux fléchis, effec-tue une inspiration suivie d’une expi-ration durant laquelle elle est invitée àfuir doucement la main du thérapeuteposée à plat sur le sternum, tout enabaissant les côtes inférieures. Le thé-rapeute veille au non-enroulementdes épaules et au positionnement dela tête.

Cette manœuvre étire déjà légèrementle grand pectoral, les fascias thoraci-

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▲ Figure 3La chaîne brachiale,selon F. Mézières

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ques, ainsi que les structures tissulai-res éventuellement lésées par laradiothérapie et la chirurgie.

Ce modelage est une base importantedu traitement.

Levées de tensions

Les tensions siègent souvent auxniveaux scapulaire et cervical.

La position antalgique provoquée parcette chirurgie modifie souvent l’équi-libre postural ou accentue les com-pensations préexistantes. Cette posi-tion est fixée par une contracture detype “myométabolique” permanente,silencieuse à l’EMG [13].

Ces tensions portent sur :

– les scalènes : montrant un thorax enposition inspiratoire, en élévation auniveau sous-claviculaire.

– le trapèze supérieur responsabled’une élévation de l’épaule et unesonnette externe de la scapula ;

– le petit pectoral : correspond à unebascule et à un abaissement de l’é-paule vers l’avant ;

– les SCM : marquant une rotation de latête du côté opposé, accompagnéed’une saillie sous-cutanée du muscle ;

– le grand pectoral enroulant l’épauleen avant et en dedans ;

– le grand dorsal signant une rotationinterne extension épaule.

➔ Remarquons que ces muscles ontun rôle inspirateur, d’où la positioninspiratoire haute prédominantechez la patiente.

La technique de levée de tension estle “contracté-relâché de Kabat” : miseen course externe maximale du mus-cle, puis contraction maximale tenue,puis repos (quelques secondes), puisallongement.

Cette technique est proposée essen-tiellement pour le trapèze (fig. 4) et lesSCOM (fig. 5).

Cette mobilisation n’est utilisée nipour le grand dorsal ni pour le grandpectoral en postopératoire avant lacicatrisation des fibres.

Mobilisations passives analytiques

Elles sont de deux types : capsulairesaponévrotiques et tissulaires.

■ Capsulaires

Pour atteindre les amplitudes maxima-les capsulaires, on s’attarde à travaillercelles-ci en effectuant des manœu-vres spécifiques de type microglisse-ments, scooping (Maitland) [14], pom-pages dans tous les plans de la glène.

Au cours des séances et de l’améliora-tion des amplitudes, on envisage desmises en étirement musculaires etcicatricielles.

■ Aponévrotique et tissulaire

En décubitus dorsal, membres infé-rieurs fléchis, une mobilisation passivede l’épaule en antépultion et décoap-tation est réalisée le bras en rotationexterne ou indifférente afin de faciliterle passage sous-acromial du trochiter.Cette mobilisation accompagne dou-cement le bras et provoque prudem-ment la mise en tension du grand dor-sal et de sa cicatrice (fig. 6).

Le retour en actif freinatoire est undébut du travail du grand dorsal.

La même démarche est effectuéedans le sens de l’abduction Cettemanœuvre est souvent appréhendéepar la patiente. Elle laisse apparaîtreles TLS en partie responsables de laperte d’amplitude ; on profite del’espace huméro-thoracique existantpour masser les TLS avec le pouce

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PRATIQUE

Figure 4 ▲Étirement du trapèze supérieur ▲

Figure 5 ▲Étirement du SCOM ▲

Figure 6 ▲Mobilisation passive, épaule en antépulsion ▲

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(fig. 7) et drainer l’œdème sous-axil-laire [2].

Ces deux mobilisations (ANT. et ABD.)sont répétées plusieurs fois selon lespossibilités articulaires, douloureusesde la patiente et en respectant les TLS.

Ces mobilisations analytiques sonttoujours accompagnées d’une visionglobale de la patiente. L’expirationaccompagne la mise en tension ren-dant la manœuvre plus efficace.

Mobilisation de la cicatrice dorsale

Une cicatrice rétractée gêne plus lafonction quand elle est orientée dansune direction perpendiculaire auxlignes de tensions.

La technique chirurgicale avec prélè-vement dorsal horizontal risque donc

d’être plus péjorative pour la récupé-ration de l’élasticité tissulaire.

■ Mobilisation passive de la cicatrice

La patiente, en latérocubitus-contro-latéral en bord de table, coussin sousla tête, genoux fléchis : la gléno-humérale est placée en position derepos fonctionnel 45° dans les troisplans de l’espace.

On mobilise la scapula en élévation,abaissement et sonnettes entraînantla mise en tension des tissus et de lacicatrice.

■ Massage de la cicatrice

La patiente reste placée en latéro-cubitus afin que la cicatrice dorsalesoit accessible.

Ce sont les techniques classiquesdéfibrosantes et d’assouplissement :pétrissages doux, pincers de Leroy-Jacquet, pressions glissées et pincer-rouler (fig. 8). Ces types de manœu-vres sont proposées alternativementen fonction de la réactibilité des tissus.

Le drainage lymphatique manuel estutilisé pour son effet défibrosant etpour résorber l’œdème [2].

Il est à noter que chaque patientecicatrise différemment, ce qui expliquedes résultats variables [15].

Posture d’étirement

Selon la progression capsulaire et tis-sulaire obtenue au fil des séances, lasuite du traitement se déroule sur untapis au sol, ou sur une table large afinde mieux contrôler les postures et lescompensations : patiente en décubitusdorsal, cale sous l’occiput, bras enrotation externe, épaules à la mêmehauteur, tête dans l’axe, membresinférieurs fléchis, sacrum en appui.

■ Description de la posture

Il est demandé à la patiente de faireglisser sur le tapis son bras côtéopéré, paume de main vers le haut, etde maintenir la position obtenue enutilisant le temps expiratoire.

Le MK contrôle un éventuel élargisse-ment thoracique, une ascension del’hémibassin dû aux fibres iliaques dugrand dorsal. Une lordose compensa-toire est à surveiller.

La posture est maintenue et travailléedans l’amplitude maximale n’entraî-

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▲ Figure 7DLM sur TLS

Figure 8 ▲Technique de massage de cicatrice ▲

In : J.-C. Ferrandez “Rééducation et cancer du sein”. Paris : Masson, 2004 ▲

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nant pas de compensations (élévationmoignon de l’épaule).

En fonction du degré d’abduction, dif-férents muscles sont étirés (fig. 9a et9b) :

– à 90°, le faisceau claviculaire dugrand pectoral, puis le faisceaumoyen du grand pectoral (chaîneantéro-médiane) ;

– à 180°, le faisceau iliaque du granddorsal (chaîne postérieure).

Ces mouvements mettent en tensionles aponévroses, les TLS, et le tissuneural.

Cette posture peut être complétée parl’étirement contracté-relaché du petitpectoral.

Toutes ces manœuvres sont réaliséesavec un diaphragme libre.

Plusieurs mois après cette chirurgie,d’autres postures plus spécifiques à lapatiente sont proposées selon lesrésultats des bilans statiques et dyna-miques. Cette prise en charge permetde réharmoniser le corps par des pos-tures adaptées.

Massage régional

• À visée circulatoire et lymphati-que : DLM pratiquée en sous-axil-laire et sur la paroi thoracique.

• À visée d’assouplissement : pres-sion glissée sur le grand pectoraldans le sens de l’ouverture, décolle-ment de la peau sous le sternum.

• À visée apaisante : massage de lapartie basse des côtes sur la facelatérale du thorax, massage décon-tracturant du cou et de la ceinturescapulaire.

• À visée de réharmonisation dusystème neurovégétatif et dediminution du seuil de la douleur :massage réflexe sous forme de traitstirés sous le diaphragme.

Il n’est pas proposé de renforce-ment musculaire. La récupérationfonctionnelle à travers les activités dela vie quotidienne est suffisante si leslibertés articulaires et tissulaires sontobtenues au cours des séances.

Apports de la méthodetype Mézièresdans la prise en chargepsycho-oncologique

“Soigne ton corpspour que ton âme s’y plaise”

Saint-François de Sales

La psychologie est définie comme uneétude scientifique des phénomènesde l’esprit et de la pensée.

La psycho-oncologie, par extension,aide le patient à composer avec lediagnostic et les répercussions destraitements difficiles sur sa vie et cellede son entourage [16]. L’objectif dupraticien est d’obtenir un bien-êtrepsychique existentiel de la patiente àtravers une démarche intellectuelle.

Ce praticien s’ajoute à la liste déjà lon-gue des spécialistes prenant encharge la patiente. Pour cela, il utilisecomme moyen de communication laparole. La verbalisation étant essen-tielle afin de libérer ses émotions, sesnon-dits et d’exprimer ses ressentis.

Mais est-elle suffisante pour ces fem-mes opérées du sein ? Bien que lareconstruction mammaire prévienne letraumatisme émotionnel lié à l’ampu-tation, l’empreinte de l’acte chirurgical,reste fort.

La reconstruction mammaire sous-entend qu’il y a eu destruction et queces patientes vont devoir se familiari-ser avec un corps différent de celui dupassé : vivre avec une nouvelle image.À la sortie de l’hôpital, beaucoup deperceptions sont abolies, la sensibilitésuperficielle est perturbée par la sec-

tion de terminaisons nerveuses entraî-nant une hypoesthésie, voire uneanesthésie ou, a contrario, une hyper-esthésie dans d’autres zones. La pro-thèse, s’il y en a une, amplifie ces sen-sations particulières.

Cette modification corporelle nécessitede réintégrer son corps, d’autant quecette chirurgie affecte plus qu’unorgane, un symbole, celui de la féminité.

Il semble que ce cheminement qui vade l’intéro à l’extéro peut s’effectuergrâce à l’interface qu’est la peau. Lapeau devenant alors un support decommunication comparable à celle dela parole : “C’est un cerveau étalé” disaitPaul Valéry.

La première main extérieure à repren-dre contact d’une manière tactile aveccette partie du corps reconstruite est

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TECHNIQUE•

PRATIQUE

Figures 9a et 9b ▲Étirement du grand et du petit pectoral ▲

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celle du MK. Les femmes nousconfient que leur conjoint “ont peur deleur faire mal”. Grâce au toucher, leMK méziériste perçoit les tensions, etles décrypte, sans que la patiente aitbesoin de s’expliquer ou de se justifier.

Peu à peu cette approche thérapeu-tique, avec l’aide de techniques diffé-rentes telles que le massage, la pro-prioception, les étirements, lespostures ou la respiration, va permet-tre au corps que l’on touche de perce-voir des informations.

Ces moyens vont avoir une répercus-sion profonde au niveau des mécanis-mes corporels. De plus, ils vont néces-siter une introspection, une prise deconscience, une participation de lapatiente.

La méthode Mézières aide “à vivre lecorps et à le ressentir”. Cette démarchepeut être comparable à celle utiliséepar les psychologues : aller au plusprofond de soi-même pour se recons-truire non pas avec les mots maiscette fois avec la perception, un lan-gage, celui du corps.

Ces techniques, redonnant des per-ceptions positives, de bien-être, delâcher prise, peuvent permettre à cespatientes de réapprendre à s’aimerpour être aimées. Cette revalorisationdu corps amenant les femmes àreconquérir leur confiance en elles.

Un travail en commun entre le MKméziériste et le psycho-oncologuepourrait être largement bénéfiquepour la patiente.

Dolto disait : “L’inconscient loge ennous à fleur de peau”.

Conclusion

Si la prise en charge d’un patient danssa globalité n’est plus à discuter, il

n’en reste pas moins important deposséder les connaissances de lapathologie. Cette dernière entraînantdes répercussions sur la physiologie etdonc sur le traitement à proposer.

Le but de cette réflexion est d’adapterun concept de type Mézières à despathologies dites “lourdes” et d’enproposer une application.

Il n’y a pas de global sans analytique,il n’y a pas de chaîne sans muscles etil n’y a pas de reconstruction mam-maire sans cancer.

Un concept, une méthode, ne sont pasdes techniques. Elles ne sont donc pasreproductibles d’autant que chaquepersonne est unique. Malgré tout, ilsemble important de fixer des princi-pes de base pour une même patholo-gie. Sinon un concept reste isolé, detype ésotérique, et franchit difficile-ment la barrière de la reconnaissancescientifique. Il serait intéressant d’ima-giner des passerelles entre les diffé-rentes thérapies manuelles, pour per-mettre aux patientes de bénéficier detraitements encore plus adaptés.

L’intégration des techniques typeMézières mériterait d’en comparer lesrésultats aux autres techniques.■

KinésithérKinésithérapie après rapie après reconstruction mammaireconstruction mammaireepar lambeau du grpar lambeau du grand dorsaland dorsal

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