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Ann Urol 2002 ; 36 : 99-103 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003-4401(01)00081-X/SCO Surrénales Kyste hydatique de la surrénale. À propos d’un cas A. El Idrissi Dafali, Z. Dahami , N.O. Zerouali Service des urgences chirurgicales, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc RÉSUMÉ Le kyste hydatique primitif de la surrénale reste une loca- lisation exceptionnelle. Une revue de la littérature nous a permis de retrouver onze cas seulement publiés. Un nou- veau cas d’hydatidose surrénalienne isolée est rapporté chez une patiente âgée de 28 ans, révélé par des douleurs du flanc droit et des vomissements. Le diagnostic a été fait grâce à l’imagerie, surtout la tomodensitométrie asso- ciée à la sérologie hydatique, confirmé en peropératoire et à l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire. Le traitement a consisté en une simple kystectomie avec conservation de la glande. Les suites opératoires ont été simples. L’intérêt de cette observation réside dans le ca- ractère rare de cette localisation hydatique de diagnos- tic difficile. Parmi les différentes méthodes thérapeutiques proposées, la résection simple du kyste reste le meilleur traitement permettant de conserver la glande surrénale. 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS kyste hydatique / surrénale ABSTRACT Hydatid cyst of the adrenal gland. A case report. The hydatid cyst of the adrenal gland is still an exceptional localization. Only eleven cases have been described in the litterature. A new case of isolate suprarenal hydatidosis is reported in one 28 years old patient, that the signs con- sisted in pains of the right flank and vomitings. The di- agnosis has been based on the imagery, particularly the computed tomography associated to the hydatid serology, confirmed during the operation and by the pathologic ex- amination of the resected piece. The treatment consisted in a simple cystectomy with conservancy of the gland, the operative sequelae have been simple.The interest of this (Reçu le 23 mars 2001 ; accepté le 5 avril 2001) Correspondance et tirés à part : Z. Dahami, 113, avenue de Nice Anfa, Casablanca, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (Z. Dahami). case lies in the rare feature of this hydatid localization that the diagnosis is difficult. Among the various suggested surgical methods, the simple resection of the cyst is still the best treatment that permits to keep the gland. 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS adrenal gland / hydatid cyst 1. INTRODUCTION Le kyste hydatique primitif de la surrénale constitue une affection exceptionnelle et une localisation aber- rante, même dans notre pays où l’hydatidose sévit à l’état endémique. C’est une localisation méconnue de la maladie hydatique peu décrite dans la littéra- ture. Elle représente moins de 0,1 % des diverses lo- calisations de la maladie hydatique. Les aspects cli- niques de cette affection sont variables, de diagnostic difficile malgré les techniques d’imagerie médicale moderne. Nous rapportons un cas de kyste hydatique surré- nalien diagnostiqué avant l’intervention chirurgicale, dont le traitement a permis de conserver la glande. 2. OBSERVATION Mlle R.S., âgée de 28 ans, originaire et résidente à Casablanca, sans antécédents particuliers, sans no- tion de contact avec les chiens, est hospitalisée au

Kyste hydatique de la surrénale. À propos d'un cas

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Ann Urol 2002 ; 36 : 99-103 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS0003-4401(01)00081-X/SCO

Surrénales

Kyste hydatique de la surrénale. À propos d’un cas

A. El Idrissi Dafali, Z. Dahami∗, N.O. Zerouali

Service des urgences chirurgicales, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc

RÉSUMÉLe kyste hydatique primitif de la surrénale reste une loca-lisation exceptionnelle. Une revue de la littérature nous apermis de retrouver onze cas seulement publiés. Un nou-veau cas d’hydatidose surrénalienne isolée est rapportéchez une patiente âgée de 28 ans, révélé par des douleursdu flanc droit et des vomissements. Le diagnostic a étéfait grâce à l’imagerie, surtout la tomodensitométrie asso-ciée à la sérologie hydatique, confirmé en peropératoire età l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire.Le traitement a consisté en une simple kystectomie avecconservation de la glande. Les suites opératoires ont étésimples. L’intérêt de cette observation réside dans le ca-ractère rare de cette localisation hydatique de diagnos-tic difficile. Parmi les différentes méthodes thérapeutiquesproposées, la résection simple du kyste reste le meilleurtraitement permettant de conserver la glande surrénale. 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

kyste hydatique / surrénale

ABSTRACTHydatid cyst of the adrenal gland. A case report.The hydatid cyst of the adrenal gland is still an exceptionallocalization. Only eleven cases have been described in thelitterature. A new case of isolate suprarenal hydatidosis isreported in one 28 years old patient, that the signs con-sisted in pains of the right flank and vomitings. The di-agnosis has been based on the imagery, particularly thecomputed tomography associated to the hydatid serology,confirmed during the operation and by the pathologic ex-amination of the resected piece. The treatment consistedin a simple cystectomy with conservancy of the gland, theoperative sequelae have been simple.The interest of this

(Reçu le 23 mars 2001 ; accepté le 5 avril 2001)∗ Correspondance et tirés à part : Z. Dahami, 113, avenue de Nice Anfa, Casablanca, Maroc.Adresse e-mail : [email protected] (Z. Dahami).

case lies in the rare feature of this hydatid localization thatthe diagnosis is difficult. Among the various suggestedsurgical methods, the simple resection of the cyst is stillthe best treatment that permits to keep the gland. 2002Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

adrenal gland / hydatid cyst

1. INTRODUCTION

Le kyste hydatique primitif de la surrénale constitueune affection exceptionnelle et une localisation aber-rante, même dans notre pays où l’hydatidose sévit àl’état endémique. C’est une localisation méconnuede la maladie hydatique peu décrite dans la littéra-ture.

Elle représente moins de 0,1 % des diverses lo-calisations de la maladie hydatique. Les aspects cli-niques de cette affection sont variables, de diagnosticdifficile malgré les techniques d’imagerie médicalemoderne.

Nous rapportons un cas de kyste hydatique surré-nalien diagnostiqué avant l’intervention chirurgicale,dont le traitement a permis de conserver la glande.

2. OBSERVATION

Mlle R.S., âgée de 28 ans, originaire et résidente àCasablanca, sans antécédents particuliers, sans no-tion de contact avec les chiens, est hospitalisée au

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Figure 1. Échographie rénale droite : kyste au pôle supérieur du rein droit.

service des urgences chirurgicales pour des dou-leurs localisées au niveau du flanc droit et de l’hy-pochondre droit (HCD), évoluant depuis trois moisavec des vomissements, sans troubles urinaires. Lapatiente est apyrétique et présente un bon état géné-ral.

L’examen de l’abdomen retrouve une sensibilitéde l’HCD sans masse palpable et sans contact lom-baire. On ne trouve pas de signes de dysfonction-nement surrénalien. L’abdomen sans préparation estnormal. L’échographie abdominale (Fig. 1) a objec-tivé une image transsonique de 54 mm de grand axese projetant sur le segment VII du foie présentant uneinterface avec le pôle supérieur du rein droit avec uneparoi fine, faisant évoquer un kyste hydatique ou unkyste biliaire, sans exclure la possibilité d’un kystesurrénalien. Ce kyste est mieux étudié à la tomoden-sitométrie abdominale (Figs 2 et 3) qui objective unemasse de 57× 47 mm hypodense, ne prenant pas lecontraste iodé, siégeant au niveau de la loge surréna-lienne droite, concluant à un kyste simple de la sur-rénale. La radiographie pulmonaire est normale. Lanumération formule sanguine trouve une hyperéosi-nophilie à 500 élts/mm3. La sérologie hydatique est

positive à l’Elisa, négative à l’hémagglutination, fai-sant évoquer un kyste hydatique peu immunogène.

La patiente fût opérée par une voie d’abord an-térieure sous-costale droite qui a mis en évidence,après ouverture du péritoine pariétal postérieur, d’unkyste hydatique de type I au niveau de la loge sur-rénalienne. On a procédé à une kystectomie simplesans drainage, avec lavage à l’eau oxygénée et au sé-rum salé hypertonique. Les suites opératoires sontsimples. L’étude anatomopathologique retrouve uneparoi membraneuse grisâtre, fibreuse avec fragmentanhyste accolée à un tissu surrénalien normal confir-mant la nature hydatique du kyste. Les sérologies hy-datiques de contrôle faites à trois mois et à 13 moisétaient négatives. Il n’y a pas de récidive hydatiqueaprès un recul de 48 mois.

3. DISCUSSION

Le kyste hydatique primitif de la surrénale repré-sente une localisation aberrante et exceptionnellede la maladie hydatique. Seuls 11 cas sont rap-portés dans la littérature mondiale. Ces publica-tions sont recensées essentiellement dans les pays

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Figure 2. Tomodensitographie (TDM) abdominale sans contraste : kyste de la surrénale droite.

Figure 3. TDM abdominale avec contraste : kyste de la surrénale droite ne prenant pas le produit de contraste.

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Tableau I. Incidence des différents types de kystes surrénaliens dans la littérature [17, 18]

Kystes surrénaliens Rehault Lefebre (1970) Debre [18] Copeland [17]

Kystes parasitaires 7 % 5 % 6 %(échinococcose alvéolaire, hydatidose)Kystes à revêtement épithélial 9 % 5 % 2 %Lymphangiome kystique 45 % 45 % 44 %Pseudokyste hémorragique 39 % 45 % 48 %

méditerranéens ou la maladie hydatique est répan-due à l’état endémique.

Dans la classification anatomopathologique dé-crite par Rheault et Lefebre s’inspirant de Foster, leskystes parasitaires (échinococcose alvéolaire, hyda-tidose) représentent moins de 6 % de l’ensemble deskystes surrénaliens. Le mécanisme d’infiltration dela surrénale est mal connu ; la voie artérielle aprèspassage des embryons par les filtres hépatiques etpulmonaires paraît la plus probable.

Les circonstances de découverte sont variables,selon le stade évolutif de la maladie. La symptoma-tologie la plus fréquente se résume à des douleursnon spécifiques de compression de l’hypochondre,des lombalgies [1, 2] ou à une masse palpable. Ilpeut s’agir d’un tableau de suppuration profonde enrapport avec la surinfection du kyste [3]. Benayed,sur 86 cas de kyste hydatique à localisation inha-bituelle, a objectivé une localisation surrénaliennechez une patiente de 38 ans, dont l’étude anatomo-pathologique trouve une surrénale très atrophique etun kyste hydatique de cinq cm de diamètre [4].

Martinez Marsal [2] a publié un cas de kystehydatique solitaire de la surrénale droite révélé pardes lombalgies dont le diagnostic a été fait grâceau couple imagerie – immunologie. Le traitementa consisté en une exérèse du kyste associée à untraitement par mebendazole.

Sroujieh [3] sur une série de sept cas de kystessurrénaliens, trouve un cas de kyste hydatique de lasurrénale chez une patiente âgée de 50 ans, révélépar des douleurs abdominales et diagnostiqué à latomodensitométrie. Le traitement a consisté en uneexérèse du kyste associé à une splénectomie.

Le diagnostic du kyste hydatique de la surrénaleest difficil [5 – 8], il peut prêter confusion avecun kyste hydatique hépatique ou biliaire du côtédroit ou avec un kyste simple de la surrénale,

principalement le lymphangiome kystique (45 %),le pseudokyste hémorragique (40 %) et le kysteà revêtement épithélial (9 %). Plus le kyste estvolumineux et plus le diagnostic de son origineanatomique est difficile à préciser. Le problème estaussi de rattacher la lésion à la maladie hydatique.

L’imagerie et surtout la tomodensitométrie peutposer le diagnostic d’hydatidose lorsqu’il existeun aspect de membrane décollée (type II) ou desvésicules filles (type III) [9 – 11].

La sérologie hydatique (hémagglutination, Elisa)peut apporter la certitude diagnostique (Tableau I).

Le traitement est chirurgical [1, 2, 8, 12 – 15]. Lavoie d’abord peut être soit antérieure en sous-costaletranspéritonéale qui permet d’explorer aussi le foie,ou latérale par une lombotomie avec résection de la11e côte qui permet après la libération de la logerénale d’aborder la surrénale. La surrénalectomieincluant le kyste [1, 8, 14, 16] ne se conçoit quelorsque la glande est détruite ou très atrophique.La résection simple du kyste dans notre cas nous apermis de conserver la glande.

La prophylaxie postopératoire par les carbamatesde benzimidazole, même si elle est préconisée parcertains auteurs [2, 8] reste à discuter.

4. CONCLUSION

L’hydatidose primitive de la surrénale reste une lo-calisation exceptionnelle, qu’il faut évoquer devanttout kyste surrénalien, particulièrement dans un paysd’endémie pour éviter toute ponction de celui-ci. Latomodensitométrie associée à la sérologie hydatiquepermet de poser le diagnostic. Le traitement chirur-gical doit être au mieux conservateur.

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