La Banquise N°2 - Été 1983

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Revue fondée en 1983 par Gilles Dauvé, Serge Quadruppani et Jean-Pierre Carasso. Le Brise-Glace lui succède en 1988.

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  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

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    le

    roman

    de

    nos origines

    naissance du communisme moderne

    comprhension de

    la

    contre-rvolution et reprise rvolutionnaire

    histoire

    et

    petite histoire des quinze dernires annes

    a t i l

    une

    question

    juive

    ?

    pravda/public

    opinion

    M 1110 2

    2

    F )

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    u

    sommaire

    du numro

    1

    avant l

    a dbc

    le

    guerre et peur

    l hor

    reur es t

    h umain

    e

    pou

    run m o

    nde san

    smoral

    e-

    Pologn

    e: voir a

    il leurs

    1

    ~

    ~

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    L

    A

    BNQUISE

    Rev

    ue.

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    ori

    g in

    es

    naissancedu com m unism emoderne

    com

    prh

    ensi

    on de

    la co

    ntre-

    rvo

    lution

    e t r

    ponse

    rvo

    lutio

    nnair

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    Resp.

    publ. :

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    e: LA

    BA NQ

    UISE

    B.P.

    no 214

    75623

    Paris

    Cedex

    13

    14

    4

    61

    6

    66

    67

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    raticable

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    dans

    sa vie l'exprience-limite

    de

    l puisement

    que le capital fait subir,

    dans d autres

    conditions, la terre. A

    l usine comme

    au

    champ, l'obsession

    de la productivit se

    heurte

    la

    mme

    limitation:

    les conditions qu elle doit

    runir pour

    toujours abaisser le

    temps

    de travail socialement ncessaire la

    production des biens se

    retournent

    contre elle.

    Quand on

    dit

    qu en vingt\

    ans, le

    rendement

    l hectare

    a doubl

    ou

    tripl,

    on

    oublie

    que

    cet accroisse

    ment

    suppose des matires premires_

    et de l'nergie. Aux Etats-Unis,

    on

    a

    chiffr la relation

    entre

    l'nerg ie rcol

    te sous forme

    de

    grains, et celle appor

    te

    pour

    la produire. Le prix mis part,

    la valorisation de l'nergie investie

    n tait

    plus,

    en

    1970,

    que

    les 3/4 de ce

    qu'elle tait

    en

    1945 .

    (L Anne cono-

    mique

    et

    sociale 1978, Le Monde,

    1979,

    p. 158.)

    Comme la

    chute de

    rentabilit indus

    trielle, les

    rendements

    dcroissants

    dans

    l'agriculture

    ne

    sont

    pas

    insur

    montables. Mais la solution

    dpend du

    rapport de force social.

    Si

    la

    terre

    oppose sa seule inertie la valorisa

    tion, les proltaires

    en

    sont le

    moyen

    actif

    et le seuil critique. La crise de la

    valorisation, la fois effet

    et

    cause

    de

    l'action-raction proltarienne,

    ouvre

    la possibilit de

    rupture

    avec

    une

    socit reposant

    sur

    la rehe che syst

    matique de

    productivit.

    Le capitalisme aussi se

    trouve dans

    une

    situation ouverte,

    qu il

    rve de

    combler

    par

    le biais

    de

    la technique. La

    machine

    automatique combine outils

    et programme. Mais le software reste

    spar

    du

    hardware, le logiciel est

    distinct.

    de la

    partie

    proprement

    mca

    nique

    et (re)programmable. Le robot

    est typique

    d un monde o

    faire et

    apprendre, faire

    et

    diriger, sont main-

    .

    enus comme

    ralits diffrentes.

    Le

    robot est un ~ r a v a i l l e u r incorporant

    son chef.

    On

    n a

    pas pu

    faire, malgr

    Taylor,

    de l homme une

    machine,

    on

    . -

    i t i o n n e

    de faire de la

    machine un

    tre vivant. Les spcialistes

    de

    la robo

    tique versent sans cesse

    dans

    l' anthro

    pomorphisme

    :

    tout

    la fois

    bras

    il,

    etc., le robot

    runit

    corps et

    tte, muscles

    et

    intelligence. C'est

    l'esclave idal

    dont on mesure

    les

    degrs

    d'asservissement.

    On

    a bap

    tis

    Spartacus un

    projet

    de

    recherche,

    dont

    l une

    des

    cratures

    est une

    machine pour

    ttraplgique. Le robot

    s e ~ a i t

    la prothse

    d un

    capital dsin

    carn et dbarrass

    du

    surplus nfaste

    0

    FLEXIB LIU ou VERSATJLITt

    lO

    Appareil de levage

    non motoris

    MT Machine

    transfert

    L 1 Appareil de levage motoris MOCN Machine-outil commande numrique

    Ml Engin de manutention MAPl Manipulateur automatique programmable

    GMM Gros manipulateur motoris command par touches (robot industriel) de lre gnration

    TMA 1 Tlmanipulateur asservi sans

    retour d effort

    MAP2 Manipulateu.r

    automatique

    programmable

    TMA2 Tlmanipulateur asservi sans

    retour d effort et

    (robot industriel) de 2e gnration

    muni d organes sensoriels MAP3 Manipul ateur automatique programmable

    TMOR Tlmanipulateur

    malt

    re esclave mcanique

    retour

    (robot ,industriel)

    de

    3e gnration

    d effort

    MAl Manipulateur

    automatique

    idal

    TMl R Tlmanipulateur motoris retour

    d effort

    Ttraplgique

    TM2R T l m ~ n i p u l a t e u r r ~ t o u r

    d effort

    muni d'organes l J:l.A Ttraplgique quip d'aides mcaniques

    sensonels (2e gnration) i l i Ttraplgique quip d'aides motorises

    TMS

    Tlmanipulateurs

    spcialiss L Ttraplgique quip d'aides de manipulateurs

    SS Sondes spatiales

    de

    2e gnration (Spartacus)

    TM3R Tlmanipulateur

    de 3e

    gnration

    retour

    d effort Ttraplgique quip quasi-idalement

    MO Machine-outil H Homme normal

    - volution des machines automatiques (type robot)

    d action humaine, rduisant

    l tre

    vivant u ~ e pollution invitable mais

    matrise.

    Notre tentative de synthse s achve

    sur la

    perspec tive (seulement possible)

    d un

    bouleversement

    de

    porte aussi

    considrable

    que

    l'industrialisation

    de

    la

    premire

    moiti

    du

    sicle dernier,

    ou

    que

    l'apparition

    du

    nouveau systme

    de production

    au dbut du

    xx. Il serait

    toutefois

    trompeur d attendre que

    les

    proltaires se rvoltent

    simplement

    contre la marche en avant

    d un

    systme

    qui

    les crase. Les grands

    mouvements

    sociaux

    n ont

    pas

    de

    moteur, assimilable

    par

    exemple la

    crise conomique

    ou aux

    effets dsas

    treux du

    progrs technique. Ils sont

    mis

    en

    branle

    par

    les contradictions

    d un

    univers rvlant ses failles, ses

    aberrations.

    Rien

    ne

    garantit

    que

    le proltariat

    mettra

    ces contradictions profit

    pour

    jouer

    son

    propre

    jeu

    dans une

    crise

    qui

    s'

    avrera

    peut-tre la transition vers

    une autre

    forme de production et

    de

    socit capitalistes. Ce

    qui

    fonde

    notre

    action,

    c est

    la double conviction de la

    profondeur

    des contradictions actuel

    les,

    et du manque d adhsion

    manifes

    te, idologique,

    des ouvriers

    au

    capi

    tal, telle

    que

    la gauche

    communiste

    la

    notait avant-guerre

    ou en

    1944-1945.

    L action de classe,

    c e ~ t - - d i r e

    les prati

    ques qui

    unissent les proltaires, font

    avancer les choses

    dans

    les ttes,

    par

    des clivages durables

    entre

    les proltai

    res et

    tout

    ce qui soutient le capita

    lisme. Mais cette exprience prolta

    rienne,

    n est

    rvolutionnaire

    que

    si elle

    s'engage

    sur

    des voies

    rompant

    avec

    les issues capitalistes.

    5

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    Feu e

    rbach assimile l

    hurn:anit un

    dieu:

    L unit

    du moi et

    du

    toi,

    c est

    Dieu. dit

    Feuerbach. Cer ta

    ins utopis

    tes sont co

    mmunis tes e

    n

    c

    ela qu ils

    v

    eulent le

    communisme; mais il

    s ne

    v

    eu len t

    p s

    de rv

    olution.

    Social, le mouvem

    ent est aussi in

    ter

    national: des groupes d exils, d arti

    s

    ans parcourent l

    Europe. C est pa

    rfois

    aussi un mo

    uvement poli t i

    que : des

    passere

    lles nombreuses

    le relient la

    po

    usse dmocrat i

    que , don t on a

    vu

    qu elle

    finit par l absorb

    er . Cabet , par

    ex

    emple, loin d t

    re un penseur en

    ch

    ambre, a derr ir

    e lui

    u

    ne carr i

    re

    poli t ique. L on

    gtemps il caresse

    le pro

    jet de ra

    llier l oppos ition

    rpublicaine

    autour de l id

    e qu i l a

    du

    c

    o m m u -

    10

    nisme. ..

    nous, comm

    unistes , nous

    avons to

    ujours invoqu

    et

    inv

    oquerons

    toujours

    l

    union de tous

    lesdmocrcr

    t

    es .. crit-il

    en

    1845. Son opulaire

    compte,

    dit-il la

    mme poque,

    p

    eut-tre cen t m

    ille lecteurs.

    Et

    c es t l chec po

    litique qui l .inc

    ite, tar

    divement, fonder ai lleurs sa

    socit id

    ale, l Icarie.

    Le lien rel

    n tant ni assez

    fort ni .

    assez

    visible, on che

    rche cr er une

    unit sur un

    pr incipe extr ie

    ur

    au

    monde m a

    is qui rpond l

    essence de

    l hom

    me. A l horr

    eur du capital,

    on

    oppose la n

    ature de l homme. L

    uto

    p

    isme concide

    avec l anthropol

    ogie.

    Comme

    di t Feuerbach

    : L essence de

    l homme n est co

    n tenue que dan

    s la

    com

    munaut...

    L homme doit

    mener

    vie c

    onforme sa vr

    aie nature :

    une vie gnrique .

    La

    force de

    Four ier est de

    ne pas ten

    te

    r , con t r a i r emen

    t Cabet, de fo

    rger

    un homm

    e

    nouve u

    Il part

    de ce

    qui existe, d

    cr i t longuemen

    t l tre

    humain, fait l inv enta ire de ses pas

    sion

    s, afin de m

    on trer la pluralit

    de

    so

    n tre au-de

    l de sa fonction

    de pro

    ducteur . A l aid

    e de ses classific

    ations,

    il pr

    end

    l

    e contre-pied d une

    socit

    qui, en

    183

    0

    c

    omme au jour

    d hui , voit

    d ab

    ord

    da

    ns l h

    omme un t ravail leur .

    a

    cr i t ique dpa

    sse l re c_apita

    liste ;

    Four ier

    s en prend la civilisa

    tion

    dont le

    capital isme

    n est ses yeux

    q

    uun moment , e

    t propose d

    e

    restaur

    er

    h

    o

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    la nature, pille

    par

    les hommes. Ce

    que

    l hu11_1anit doit atteindre par le

    mouvement naturel de ses besoins et

    de

    ses actes, Fourier

    veut

    l'organiser

    au moyen

    d un

    plan. Il lui faut srier

    les passions

    pour

    les harmoniser. Criti

    quant la science - il se laisse guide

    par

    l 'intui tion - Fourier reste

    un

    homme de systme. Il privilgie le '

    savoir, il cherche

    LA

    solution, dont

    l'11pplication ne dpendra, plus que de

    la bonne volont capitaliste. Ni la poli

    tique ni la rvolution n ont de place

    dans sa pense,

    o

    le proltariat reste

    un objet.

    Aprs Fourier, l'utopie se radicalise.

    Posant toujours la question d une autre

    vie, elle s'interroge sur la

    nature de

    la

    rvolution qui l'instam:era et des forces

    qui

    feront cette rvolution.

    Des

    probl

    mes de l tre humain,

    les rvolution

    naires comme Dzamy passent ds

    avant 48 ceux des groupes sociaux et

    des luttes qui les ~ p p o s e n t Ils ne par

    tent plus de l'essence de l homme mais

    du dveloppement historique, et com

    mencent par

    faire la crit-ique

    du

    travail

    alin. Le principal reproche qu ils

    adressent aux utopistes n est pas

    d tre

    des visionnaires mais

    d esprer

    raliser

    leur vision au moyen de recettes, faute

    de ne pas concevoir d'issue partir des

    conditions existantes. Le

    communisme

    thorique des annes 1840-48 cherche

    au contraire percer le secret de la

    force irrsistible de ce systme si

    dgradant qu est le capitalisme. S'enra

    cinant dans le rel, il va en pouser les

    contradictions et finir par s y laisser

    prendre.

    Marx va

    montrer

    le premier,

    et

    c est

    son mrite,

    que

    l'aspiration

    une

    com

    munaut

    humaine,

    dont

    d autres

    comme Fourier ont pu mieux exprimer

    certains aspects,

    ne

    peut aboutir

    que

    le

    jour

    o

    la vie sociale a acquis

    un

    carac

    tre collectif pour l'ensemble des hom

    mes, et ainsi franchi

    un

    seuil au-del

    duquel le travail associ et l'action

    commune permettent

    de faire la rvo

    lution. Dans Le Capital, Marx

    va

    dcrire le mcanisme de ce processus

    dont les Manlfscrits

    e

    1844 exposaient

    le contenu. Mais Marx

    va perdre

    le fil

    originel en se lanant dans une analyse

    du

    capitalisme de l'intrieur, et

    non

    plus dans la perspective communiste.

    Il verra trop le mouvement commu

    niste

    comme

    celui de la bourgeoisie,

    mouvement

    porteur

    du dveloppe

    ment

    des forces productives. Sa contra

    diction est d avoir privilgi l conomie

    politique

    en en

    faisant la critique, de

    l'avoir critique sans qu elle cesse

    d tre

    son horizon thorique. Marx cri

    tique le capital la fois du point de

    vue

    capitaliste t du point de vue commu

    niste mais il oublie

    que

    le dveloppe

    ment

    de la production

    n est

    utile

    au

    proltariat

    que comme moyen de

    faire

    'clater son tre. Souvent il

    tudie

    la

    condition proltarienne partir du

    dveloppement capitaliste et non de

    l'activi t sociale que le capital a

    enferme.

    Toutefois, il reste le seul, en son

    . temps, offrir une vision d ensemble

    du

    processus historique, depuis les

    communauts

    originelles jusqu la

    rconciliation . entre

    l homme

    et la

    nature. Son uvre accomplissant la

    synthse la plus vaste de l'poque, la

    contradiction n en est que plus aigu.

    Un mme mouvement

    le conduit

    la

    fois dvelopper et

    abandonner

    la-

    dynamique communiste. Par l, il

    exprime dans la thorie les contradic

    tions pratiques auxquelles s est heurt

    le proltariat

    au

    milieu

    du XIX

    sicle,

    et annonce sa conqute ultrieure par

    le capital puis sa rapparition comme

    proltariat communiste

    au

    xx sicle.

    Marx est le fruit de la force et

    de

    l'ambigut du communisme de son

    temps.

    Le marxisme - utilisation post

    rieur de

    l uvre

    de

    Marx-

    va rsou

    dre la contradiction qui traverse son

    uvre en neutralisant son aspect sub

    versif. De la tendance

    de

    rvolutionnai

    res comme Marx s'enfouir dans la

    critique

    du

    capitalisme en lui-mme, le

    marxisme fait la ralit unique. Il est la

    pense

    d un

    monde incapable de pen

    ser

    autre

    chose

    que

    le capital. Rvolu

    tionnaire face aux socits et aux cou

    ches prcapitalistes, il s'identifie

    au

    progrs

    et

    l'conomie. En cela le

    marxisme constitue

    une

    des idologies

    dominantes.

    Pour le communisme

    thorique,

    Marx

    n est ni

    plus

    ni

    moins

    l abri

    de

    la critique que Fourier ou la gauche

    communiste

    d aprs

    1914. Qui ne com

    prend

    pas Fourier ou Gorter,

    ne

    com

    prend pas Marx, et vice versa. Le com

    munisme thorique, tel que l exprima

    Marx, ne

    peut tre

    intgralement

    digr

    par

    le capital car il contient

    plus

    que l'expos des. contradictions internes

    au

    capitalisme. Ce

    n est

    pas le cas

    du

    saint-simonisme,

    par

    exemple, dont le

    programme a t entirement r l i s ~

    pa,r le capital : essor de la production,

    cration

    d une classe industrielle,

    rduction de la politique la gestion,

    gnralisation

    du

    travail. Le systme

    industriel, c'est le capital. Au con

    traire, dans les textes les plus critica

    bles de Marx, le communisme reste

    prsent,

    ne

    serait-ce qu en ngatif.

    Croire un Marx ralis par le capital,

    c est croire au Marx qu a dcr it le capi

    tal.

    La faiblesse qualitative de l'assaut

    proltarien de 48 a permis l'absorption

    par le capital d'aspec ts limits de sa cri

    tique

    rvolutionnaire. Mais il faut

    reconnatre que le marxisme a aussi

    contamin les rvolutionnaires, la fin

    du

    sicle dernier

    comme

    de nos jours.

    Les groupes radicaux venus aprs

    Marx ont

    cru

    que l'expansion capita

    liste limiterait la segmentation et la

    division ouvrire, en retirant,

    par

    exemple, sa position dominante au

    capital anglais et

    en

    freinant

    la f o r m a ~

    tion d une couche ouvr ire privilgie.

    Ils n ont

    pas vu la capacit du capita-.

    lisme de crer

    une communaut

    nou

    velle,

    d absorber des organes ns sur le

    sol de la lutte de classe. L'illusion

    d une simplification de la question

    communiste

    par

    l'universalisme capi

    tali.ste reste une ide rpandue. Quoi

    qu on

    en

    dise,

    le

    dveloppement des

    forces productives

    demeure

    souvent,

    dans les rangs rvolutionnaires, un

    bien

    en

    soi.

    Quel chec pass n'explique-t-on pas

    par l'insuffisance du degr d'industria

    lisation Et cette

    erreur de

    perspective

    dforme aussi la vision communiste.

    Elle fait dpendre la constitution de la

    communaut humaine de la croissance

    conomique : Quand les forces pro

    ductives jailliront

    en

    abondance ..

    Elle conduit carter le risque

    de voir

    surgir des conflits dans le commu

    nisme

    en

    postulant l'existence d une

    humanit devenue

    enfin bonne

    parce

    qu elle

    aurait

    une

    vie facile. Gau

    che et gauchisme justifient les pouvoirs

    rvolutionnaires

    ou

    progressistes

    - qu' il s sou tiennent

    au

    nom de la

    ncessit de grer la pnurie. Les rvo

    lutionnaires expliquent les faillites pro

    ltariennes par l insuffisance

    des

    richesses.

    Cette illusion revient faire de nous,

    selon l'expression de Guesde, les fils

    du

    cheval-vapeur. Elle relve

    du

    dou

    ble rve - capitaliste et ouvrier - de

    pouvoir chapper l'exploitation grce

    la

    technique

    et l'automation.

    Le

    capital rve de se passer de l homme

    salari, source de conflit. Le salariat

    rve de

    se

    passer de l homme

    capitaliste,

    du

    chef, du profiteur; Le

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    approuve la clause anti-grve signe

    par

    les syndicats. L'affrontement de

    mai 1937 entre les ouvriers de Barce

    lone

    et

    l'Etat rpublicain espagnol mar

    que

    le dernier rebondissement

    de

    la

    vague

    de

    17. L encore,

    on

    peut mesu

    rer la contradiction de la pratique pro

    ltarienne

    au

    fait que la majorit des

    insurgs appartiennent la CNT et au

    POUM,

    qui

    font

    tout pour

    les

    arrter et

    y parviennent.

    Un

    cycle historique

    tait boucl avec la destruction de la

    rvolution espagnole : celui de la pre

    mire offensive internationale

    du

    pro

    ltariat contre le capitalisme. Munis,

    op cit., p. 67

    Une

    fois

    de

    plus, le prol

    tariat n a pas agi

    comme

    classe pour

    elle-mme.

    Malgr

    une

    expansion capitalis te pla

    ntaire, le proltariat n a su

    empcher

    ni

    le dcalage - fatal -

    dans

    le .temps

    entre

    les divers soulvements natio

    naux,

    ni

    surtout le dvoiement dmo

    cratique. Il a reconnu ses ennemis -

    qui

    s'taient dmasqus pour ce qu'ils

    sont, ds 1914. Il

    n a

    pas

    fait ce

    qu il

    fallait

    pour

    les dtruire, s en

    prenant

    l ennemi visible

    et

    non ce

    qui

    fonde

    son pouvoir : les rapports salariaux et

    marchands. Bien que, contrairement

    au

    XIX sicle, il ai t parfois pri s l' offen

    sive, il a continu

    de mener une

    action

    politique. En somme, il a seulement

    pos les exigences tactiques

    de la

    pre

    mire tape des nouveaux mouve

    ments

    : antiparlementarisme, antisyn-

    dicalisme

    et

    antifrontisme

    .

    Mouve-

    ment capitaliste

    et

    rvolution russe,

    Bruxelles, 1974) Ds lors, la gauche

    communiste,

    qui pendant

    des annes

    va

    s'employer

    comprendre

    ce

    qui

    s est

    pass, s'illustrera surtout

    par

    ses

    refus: refus des syndicats, de l'Etat

    jmme

    et

    surtout) dmocratique, des

    fronts populaires,

    de

    l'U.R.S.S., des

    mouvements

    de libration nationale,

    de la Rsistance, etc., et cela parce

    que

    le proltariat

    n intervient

    plus comme

    mouvement

    social. Cet effacement du

    communisme comme force historique

    n est

    pas forcment plus grave

    que

    celui de la

    seconde

    moiti

    du

    XIX sicle, il fut en

    tout

    cas plus frap

    pant.

    comprhension de la contre rvolution et reprise

    rvolutionnaire

    e la gauche allemande

    Socialisme ou Barbarie

    Un mouvement

    communiste, uni

    versel

    par

    nature,

    et qui

    tait

    parti pour

    conqurir le

    monde sur

    les pas

    du

    capi

    talisme, avait t conduit

    ne

    pas

    prendre

    l'offensive,

    sauf

    au

    centre du

    continent europen. Il fallait mainte

    nant

    s'employer dresser son bilan

    partir de lui-mme

    et

    des contradic

    tions

    de

    la contre-rvolution.

    La gnration rvolutionnaire ult

    rieure a

    eu

    l'avantage de pouvoir

    jeter

    sur

    la priode

    un

    regard plus claire

    ment critique, mais s'est

    heurte

    la

    difficult supplmentaire

    de

    remonter

    la source de thories dont l' cho avait

    fini

    par

    devenir plus distinct

    que

    le son

    initial.

    L'clatement de la guerre

    en

    1914

    avait tmoign de la faillite mons

    trueuse

    du monde

    bourgeois

    et du

    mouvement

    ouvrier. Pourtant, aprs

    que l humanisme

    bourgeois et le rfor

    misme salarial se furent effondrs cte

    cte

    dans

    la boue des tranches,

    l un

    et l 'autre. firent comme si cette catas

    trophe ne

    rfutait pas les bases

    sur

    les

    quelles ils avaien t pios{fr

    et

    entran

    des millions d'tres dans le gouffre.

    Tout le

    monde

    s'appliqua refaire,

    mais

    en

    mieux,

    en

    plus moderne,

    en

    plus dmocratique, la mme chose

    qu avant 14,

    alors que la civilisation

    14

    capitaliste entire avait prouv sa fail

    lite,

    et

    confirm les prvisions apo

    calyptiques des rvolutionnaires et les

    mises

    en

    garde des bourgeois lucides.

    Nous

    sommes les derniers [de la

    mystique rpublicaine]. Presque les

    aprs-derniers. Aussitt aprs

    nous

    commence un

    autre

    ge, un

    autre

    monde, le monde de ceux qui ne

    croient plus rien,

    qui s en

    font gloire

    et

    orgueil. jPguy, Notre jeunesse)

    Et,

    pour

    accentuer encore la confu

    sion, la Russie, l'Internationale com

    muniste

    et

    les P;C. allaient eux aussi,

    sous le

    masque

    radical, appuyer la

    reconstitution

    d un

    mouvement

    ouvrier et

    d une

    dmocratie rnovs,

    lesquels

    ne tardrent

    pas ressembler

    aux prcdents.

    Contrairement ceux

    qui s en

    remet

    taient vainement l'activisme, la gau

    che communiste comprit la profondeur

    de

    la contre-rvolution et en tira ses

    consquences. Elle s'affirma comme

    rsistance

    au

    capital et,

    pour

    cette rai

    son, s'avra ensuite incapable

    de

    sortir

    des ses retranchements pour imaginer,

    partir des faits nouveaux mais sur

    tout de

    l'invariance de la

    nature

    du

    mouvement

    communiste, les traits

    futurs

    d une

    rvolution diffrente

    de

    celles

    d aprs

    1917.

    C'est contre la social-dmocratie

    et

    le :

    lninisme -

    devenu

    stalinisme -

    qu est

    ne

    et

    qu a

    grandi l'ultra-

    gauche. Contre eux, elle a affirm la

    spontanit rvolutionnaire du prolta

    riat. La gauche communiste dite alle

    mande jen fait germano-hollandaise)

    et

    ses drivs

    ont maintenu

    que la seule

    solution

    humaine

    rsidait

    dans

    l'activit propre des proltaires, sans

    qu il

    soit besoin de les

    duquer ni

    de

    les

    organiser; .qu un embryon de

    rap

    ports sociaux radicalement diffrents

    est prsent

    dans

    l'action des ouvriers

    quand

    ils agissent par et

    pour

    eux

    mmes

    ;

    que

    l'exprience

    de

    la prise en

    main de

    leurs luttes par les proltaires

    les prpare la prise

    en

    main de la

    socit

    tout

    entire

    quand

    la rvolution

    devient possible ;

    que

    les proltaires

    doivent refuser

    de

    se laisser dposs

    der aujourd hui

    des actions les plus

    infimes

    par

    la bureaucratie des syndi

    cats

    et

    des partis, afin

    d empcher

    demain un Etat dit ouvrier de grer la

    production

    leur

    place

    et d instaurer

    un

    capitalisme d'Etat, comme

    l a

    fait la

    rvolution russe. Elle affirme enfin

    syndicats et partis sont devenus des

    , lments

    du

    capitalisme.

    Avant

    d tre

    rduite l' tat de grou

    pes minuscules, la gauche allemande

    avait t la composante la plus avance

    jet la plus nombreuse)

    du

    mouvement

    des annes 1917-1921. Ensuite, quelle

    qu ait

    t sa faiblesse, elle est reste le

    seul courant dfendre sans conces

    sions les exploits,

    en

    toutes circons-

  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

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  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

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    dans les premiers numros

    de

    la revue

    allait plus loin

    que

    la thorisation

    que

    fit Chaulieu

    par

    la suite

    sur

    le contenu

    du

    socialisme (mais la publication

    du

    texte de Stone n aurait pas t possible

    sans l erreur de Chaulieu).

    S ou

    B

    rompait avec l ouvririsme.

    L Exprience

    proltarienne, crit

    parC. Lefort dans le

    n 11

    (1952), est

    sans

    doute le texte le plus

    profond

    de S

    ~ u

    B

    Mais il en indique les limites

    et

    en

    cela annonce son impasse. Il conti

    nue en

    effet

    de chercher une mdiation

    entre la misre

    de

    la condition ouvrire

    et sa rvolte ouverte contre le capital.

    Or

    c est dans son sein que le proltariat

    trouve les lments de sa rvolte et le

    contenu de la rvolution, non dans une

    organisation pose comme pralable,

    et

    qui

    lui apporterait la conscience ou

    lui offrirait

    une

    base

    de regroupement.

    Lefort voit le mcanisme rvolution

    naire dans les proltaires eux-mmes,

    mais dans leur organisation plus qe

    dans leur nature contradictoire. Aussi

    finit-il

    par

    rduire le contenu

    du

    socia

    lisme la gestion ouvrire.

    De

    .plus,

    et

    au lieu

    des

    tmoignages

    ouvriers que souhaitait Lefort, S ou B.

    se lana dans la sociologie ouvrire,

    finissant par tout axer

    sur

    la distinction

    entre

    direction et excution. Il se dis

    tinguera

    en

    cela d Informations et Cor

    respondance Ouvrires (lCO) (que

    La

    gauche communiste dite

    allemande

    rejoindra Lefort) bulletin .

    et

    groupe

    ouvririste

    ef

    conseilliste, expression

    plus immdiate

    de

    l autonomie

    ouvrire, et du Groupe de Liaison pour

    l Action des Travailleurs

    (GLAT), fond

    en 1959, galement ouvririste, mais

    soucieux de publier des analyses minu

    tieuses

    de

    l volution

    du

    capitalisme.

    Chacun

    sa manire, ICO

    et

    le GLAT

    seront prsents

    au

    centre universitaire

    Censier, occup

    par

    les rvolutionnai

    res

    en mai 68.

    L insurrection hongroise de 1956

    donna une

    nouvelle vigueur S ou B

    tout en l enfonant plus encore dans le

    conseillisme. Elle y vit

    en

    effet la con

    firmation

    de

    ses thses alors que la

    forme conseil

    venait

    de donner la

    preuve qu elle tait capable de faire

    tout le contraire

    du

    conseillisme,

    comme d apporter son appui

    un

    stali

    nien

    libral. S

    ou

    B

    abandonna

    bientt

    ses anciens repres marxistes

    et

    se

    lana

    dans un

    vagabondage intellectuel

    qui devait prendre fin

    en

    1965. Cette

    volution dclencha le dpart des

    marxistes, qui fondrent Pouvoir

    Ouvrier (P.O.)

    en

    1963. Et c est l un des

    membres

    de PO, Pierre Guillaume,

    qui

    allait

    crer

    deux ans

    plus tard

    la librai

    rie la Vieille Taupe, dont

    on

    verra plus

    loin le rle.

    Comme l Internationale Situation

    niste, mais autrement,

    S.

    ou

    B.

    sut

    S. Bricianer Pannekoek et les conseils ouvriers EOI 1969.

    o l l r la

    modernisation

    de la

    socit occidentale. Ses thses sur le

    capitalisme bureaucratique

    et sur

    la

    soeit bureaucratique, nes la fois

    de la hantise d une prise du pouvoir

    par

    les staliniens et du bouleversement

    de la socit franaise orchestr

    par

    l Etat, exprimaient la crise

    qui

    se

    mit

    ronger, surtout

    en

    France, Je modle

    industriel dominant. En

    propageant

    des slogans comme Pouvoir Ouvrier -

    Pouvoir Paysan - Pouvoir Etudiant

    (tract PSU,

    juin

    1968),

    en

    faisant

    de

    la

    gestion autonome

    et

    dmocratique

    l objectif no

    1

    le mouvement de mai

    68 popularisera les thmes de S. ou B.,

    montrant du mme coup les limites du

    groupe et

    du

    mouvement tout entier.

    En

    1969, la revue Invariance con

    cluait:

    Socialisme ou Barbarie

    n est

    pas

    un

    accident. Il

    exprime de

    faon

    nette

    une

    position diffuse

    l chelle

    mondiale : interprtation de l absence

    du

    proltariat et de la monte des nou

    velles classes moyennes... Socialisme

    ou Barbarie

    a rempli

    son

    rle de dpas

    ser les sectes parce qu il a dbouch

    dans l immdiat, dans le prsent, cou

    pant

    toute attache avec le pass [ .. ]

    (n 6, pe srie, p. 29)

    O.

    Authier La Gauche allemande. Textes La Vecchia Talpa Invariance La Viei lle Taupe 1973.

    O.

    Authier J. Barrot La Gauche communiste en Allemagne 1 9 1 8 ~ 2 1 Payot 1976.

    Les revues animes par attick de 1934 1943 International Counc il Correspondence Living Marxism et New Essays ont t r-

    dites par Greenwood Corp. Westport Connecticut Etats-Unis. Une slect ion se trouve dans La Contre-rvolution bureaucrati

    que

    UGE

    10118.

    P. Mattick Intgration capitaliste et rupture ouvrire EOI 1972.

    P.

    Souyri

    Rvolution et contre-rvolution en Chine

    C.

    ~ o u r g e o i s 1982.

    Sur Social isme ou Barbarie postface de P. Guillaume aux Rapports de production en Russie de Chaulieu. La Vieille Taupe 1972.

    a

    gauche italienne

    et

    Bordga

    A l instar des autres courants

    de

    la

    gauche

    communiste, la

    gauche dite

    par

    simplification italiei1lle ~ o n t r a que le

    proltaire tait plus qu un producteur

    qui lutte pour mettre fin sa pauvret

    (thse

    de

    la gauche)

    ou

    son exploita

    tion (thse

    du

    gauchisme). Elle sut

    reconnatre dans

    l uvre de

    Marx

    une description

    des

    caractres

    de

    la

    socit communiste (Bordiga). Elle

    affirma le contenu antimercantile et

    antlsalarial de la rvolution. Et elle

    renoua

    avec l utopie.

    16

    Nous sommes les seuls fonder

    notre action sur le futur.

    Bordiga faisait

    une

    critique implicite

    de la coupure tablie par Engels dans

    l Anti-Dhring entre science

    et

    utopie

    qui, dit-il, repose

    sur

    une

    base

    fausse. Il dfinit les rvolutionnaires

    comme des explorateurs

    du futur.

    Pour lui, l utopie n est pas prvision

    mais perspectiv d avenir. Il restitue

    la rvolution sa dimension

    humaine et

    aborde

    mme

    ce

    qu on

    appellera vingt

    ans plus tard

    l cologie. Mais il conoit

    la rvolution comme application

    d un

    programme

    par

    le parti non comme

    une dynamique

    unifiant

    les homme.s

    mesure

    qu ils commuilisent

    le

    monde.

    Or, on peut prsager qu un mouve

    ment de

    communisation, dtruisant

    l Etat, sapant la

    base

    sociale de

    l ennemi, s largissant sous l effet de

    l attrait irrsistible que susciterait la

    naissance de nouvelles relations entre

    les hommes, souderait le camp rvolu

    tionnaire mieux que tout pouvoir qui,

    attendant pour

    communiser le

    monde

    d avoir conquis la plante, ne se com

    porterait pas autrement

    qu un

    .. Etat.

    Une srie de mesures lmentaires et

    de chocs

    en

    retour permettrait une

    norme

    conomie de moyens matriels

    et dcuplerait l inventivit. Le commu-

  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

    19/76

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    23/76

    sera

    la

    prise de conscience vague

    du

    fait

    que

    toutes ces forces conservatri

    ces vivent

    de l ordre

    tabli et ont

    besoin

    de

    son maintien. Contre elles,

    ou

    plutt malgr elles,

    mai

    n imagi-

    nera

    qu une

    auto-gestion gnralise,

    dont

    on parlera

    sans l amorcer. Mais le

    mouvement apparu

    vers 1965 est assez

    puissant

    pour ne p as s puiser dans

    les

    limites d un mai 68.

    Aux Etats-Unis, il y a confluence

    d un

    refus

    tudiant

    (de la guerre

    du

    Vietnam), d un ample

    mouvement

    d O.S.,

    et d meutes

    (depuis

    Watts en

    1965)

    mettant

    en question

    non

    les rap

    ports de production mais les rapports

    de distribution,

    non

    le capital

    dans

    sa

    totalit mais la forme

    marchande qu il

    imprime

    la vie. La reprise rvolu

    tionnaire

    de la fin des

    annes

    60 se

    signale

    par

    la

    convergence

    mais

    non

    l interpntration

    ni

    la fusion d actions

    nes dans

    la production avec celles

    portant sur

    l change

    marchand.

    Comme systme social, le salariat

    moderne

    synthtise l acte productif

    dans l entreprise et

    la libre

    disposi

    tion de l argent

    qu on

    y gagne

    hors

    de

    l entreprise.

    Tant

    que la remise en

    cause

    porte

    seulement

    sur l une

    ou

    l autre

    de ces sphres (travail/extra

    travail), le systme salarial conserve

    son

    unit

    et sa force.

    Une erreur

    de perspective,

    due

    la

    pousse

    du

    nationalisme noir

    aux

    Etats-

    Unis

    (an ti-rvolutionnaire

    comme tout

    nationalisme), a fait croire

    l existence d un

    mouvement ouvrier

    noir spcifique,

    plus

    radical. En fait, la

    rvolte proltarienne amricaine

    ne

    fut

    pas plus

    virulente chez les ouvriers

    noirs

    que

    chez les blancs. Le conserva

    tisme ouvrier,

    qui

    existe

    par

    exemple

    dans

    le btiment,

    n est pas pire aux

    Etats-Unis

    qu en

    France. Il

    n y eut pas

    plus d ouvriers amricains soutenir

    Nixon

    contre

    le Viet Cong

    que

    d ouvriers

    franais derrire

    leurs

    gou

    vernements successifs pendant la

    guerre d Algrie.

    Les

    vnements de

    Lordstown (Ohio)

    sont la charnire

    de deux

    poques. A

    la fin

    des annes

    60,

    c est l une des

    der

    nires grandes applications

    du

    for

    disme.

    Pour produire

    la Vega,

    General

    Motors attire les

    jeunes Il

    ge

    moyen

    est de 26 ans), accrot la productivit,

    augmente

    la proportion d O.S., dqua

    lifie

    tout

    en

    offrant

    plus d argent

    (comme Ford 40

    ans plus

    tt),

    mais

    introduit aussi

    la

    robotisation.

    En

    1970,

    l est le

    premier

    constructeur automo

    bile installer des chanes robotises

    avec engins Unimation (premier fabri

    cant amricain de robots). Les autres

    firmes

    attendront

    le milieu

    des annes

    70

    pour

    l imiter

    (Renault

    en

    1979 seu

    lement). La cadene de production y

    est alors le double de la

    moyenne

    mon

    diale

    {100

    vhicules

    l heure au

    lieu de

    50). Conu

    pour

    contrecarrer la rbel

    lion passive et active des jeunes, ce

    systme

    entrane un

    absentisme

    redoubl et

    un

    sabotage larv.

    Le

    capi

    tal

    a voulu rehausse r les cadences sans

    proposer tellement mieux aux salaris

    que

    ce

    qu il

    leur

    donne

    depuis long

    temps

    : la consommation

    de

    masse

    ne

    compense plus l alination

    du

    travail

    comme en

    1920

    ou

    1930, sa

    nouveaut

    s puise. La

    rvolte

    endmique

    n empche

    pas le syndicat

    de mener

    et

    de saboter la grve

    de

    1972, .sans doute

    le

    premier

    grand conflit antiroboti

    que

    aux

    E.-U.

    (Le Qument,

    p. 197),

    avec celui des dockers de la cte Ouest

    contre

    la

    containeurisat ion

    (1971-1972). Le conflit de Lordstown se

    solde

    par

    800 mises pied, mais il

    montre surtout

    la bourgeoisie

    que

    la

    robotisation doit s installe r progressi

    vement sous peine

    de

    faire rebondir la

    contestation (dj latente

    et

    parfois

    explosive)

    du

    travail industriel.

    On

    fera

    donc coexister chanes automatises

    et

    chanes d assemblage classiques.

    Le

    mouvement

    anti-guerre amri

    cain, pacifiste

    dans

    son ensemble,

    v ~

    jouer

    nanmoins un

    rle subversif

    en

    s opposant l Etat

    et

    l arme

    en

    guerre. C est la critique d un monde

    ascendant qui entre

    en

    crise (nous

    ne

    di

    sons pas dcadence). Est-ce

    un

    hasard si

    c est

    en

    1965 que les Etats-Unis

    envoient 500 000 soldats

    occuper

    le

    Vietnam

    du

    Sud (pas

    mme

    y faire la

    guerre :

    peu

    combattirent le Viet Cong

    et les

    troupes du

    Nord)? Un

    tel corps

    expditionnaire, dont les experts

    dirent

    ds le

    dbut q u il

    tait inefficace, est

    bien

    le produit typique

    d un

    capita

    lisme occidental

    trop sr de

    lui, con

    fiant

    dans

    son modle industriel

    comme dans

    la supriorit de la forme

    de

    guerre

    qu il mne par

    rapport

    celle de sous-dvelopps. Le refus

    de la guerre par une bonne partie de

    la

    jeunesse

    amricaine attaquait le fonde

    ment mme de

    la civilisation mar

    chande

    et tatique contemporaine.

    Du

    mme

    mouvement,

    le pacifisme amri

    cain accusait l Etat et le capital d occu

    per

    tout

    le terrain, de

    ne pas

    accorder

    assez

    d autonomie

    et d espace social

    aux gens. Socialisme ou Barbarie,

    dont letiernier

    numro

    parut

    en

    1965,

    tait, l encore,

    une

    expression ad

    quate

    de cette qute relle d un

    monde

    nouveau,

    mme

    si elle

    ne

    s en prenait

    pas

    aux racines de l ancien.

    L Internationale Situationniste

    L invasion capitaliste de la totalit

    de

    la vie, acclre

    par

    le cycle

    de

    prosp

    rit amorc depuis 1950 avait produit

    sa

    critique librale : ouvrages

    de

    Vance

    Packard

    sur

    l obsolescence planifie,

    de

    Riesman

    sur

    la

    foule

    solitaire,

    d Henri

    Lefebvre sut la vie quoti

    dienne, etc. Les pays industriels plus

    tardivement marchandiss, comme la

    France, ont longtemps

    entretenu

    une

    raction de repli frileux

    devant

    l am

    ricanisme (voir

    en particulier

    e

    Monde).

    Vers 1960,

    au moment o une

    critique

    pratique

    des proltaires con

    cide avec

    une premire

    inquitude

    sur

    la limite

    et

    le sens de cette croissance,

    c est l ensemble du mode et

    mme du

    style

    de

    vie capitaliste

    moderne qui

    est

    sur

    la sellette.

    Dans

    ce contexte,

    l Interna tionale Situationniste (1957-

    1971), poi1.1t

    de

    rencontre

    du

    Nouveau

    Monde, orgueilleux

    de

    sa

    modernit,

    et

    du

    Vieux Monde, branl

    par

    la con

    sommation de masse, l IS

    qui

    runis

    sait

    en

    effet

    d une

    part

    des Allemands,

    des Scandinaves, des Amricains et

    d autre part

    des Franais et des Ita

    liens,

    va apporter

    une

    contribution

    dcisive la critique de la colonisation

    marchande

    gnralise.

    Effet de la prosprit des annes 60,

    l IS a pu

    entreprendre une

    critique du

    monde

    sans

    s enfermer dans

    l cono

    mie, la p r o d ~ t i o n

    l usine, les

    ouvriers, alors

    mme que

    les ouvriers,

    comme

    chez FIAT

    en

    1969, faisaient

    aussi

    de

    l espace extra-t ravail (loge

    ment et

    transports)

    un

    point de dpart

    de

    leur

    action. L IS a

    renou

    avec la cri

    tique de

    l conomie politique de la

    priode prcdant 1848.

    -C est l volution historique

    qui

    force

    voir

    que

    la vie salariale

    ne

    se droule

    pas

    seulement

    sur

    le lieu de travail.

    L ancien

    mouvement

    ouvrier, celui

    qui

    , a disparu

    en tant que

    rseau social

    pour

    cder la place des organes

    de

    ngociation, tendait ses ramifications

    tous les aspects

    de

    la vie

    du

    prol

    taire. Partis et syndicats sont

    aujourd hui des

    dmarcheurs qui

    jouent

    le rle de services sociaux et

    fonctionnent

    dans

    une

    large

    mesure

    comme des

    administrations tatiques.

    21

  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

    24/76

    J

    Rplique de la Maison Blanche en construction Ryad, avec baraques d'ouvriers au premier plan.

    L'IS a

    critiqu

    l' urbanisme,

    science

    et technique de

    la

    rcration de

    relations sociales l

    o

    l on a arrach

    les racines des liens collectifs ant

    rieurs. Le capital a

    dtruit

    ville et cam

    pagne, produisant un espace btard,

    une ville

    sans

    centre. (En cela le capital

    a cr un espace son image, celle

    d une

    socit

    qui

    n a

    pas

    de centre, et

    dont

    le

    centre

    est partout.) Les nom

    breuses

    tentatives de villes modles

    exprimentales

    (Pullman prs de Chi

    cago, la fin

    du

    XIX sicle) n ont

    jamais

    empch les

    problmes

    sociaux

    ni

    les

    meutes ouvrires.

    La cit

    ouvrire-patronale,

    comme

    le projet

    de

    Nicolas Ledoux Arc-et-Senans la fin

    du

    xvm sicle, choue parce que la vie

    du

    salari

    ne peut

    avoir

    comme centre

    unique le lieu de travail. La ville

    moderne normale intgre mieux les

    ouvriers car l faut l ouvrier un

    cadre

    de vie capitaliste et non patronal. Ce

    cadre de vie

    maintient

    en effet une

    communaut mme s il s'agit pour une

    bonne

    part (mais

    pas entirement,

    loin

    de

    l)

    d une

    communaut marchande

    constitue par

    la tlvision, le super

    march, avec la voiture comme moyen

    de liaison

    entre

    des lieux clats. Tl

    vision,

    supermarch, voiture

    suppo-

    22

    sent toujours

    l existence d tres

    humains

    pour la regarder, s y

    rendre

    et

    la faire marcher

    plus

    ou

    moins

    ensem

    ble.

    Face la ville

    moderne,

    l'IS a cher-

    .ch

    un

    nouvel emploi de

    certains

    lieux.

    Elle a redonn vie l'utopie, au positif

    comme au

    ngatif de la vision utopi

    que. Elle a d abord r ~ possible d'exp

    rimenter ds maintenant des

    faons de

    vivre nouvelles puis elle a fini par

    montrer que cette

    rappropriation

    des

    conditions d'existence

    ne

    supposait

    rien moins que la

    rappropriation

    col

    lective

    de

    tous

    les aspects

    de

    la vie. Elle

    a redonn son sens l'exigence de

    cration de nouvelles relations socia-

    , les. Alors que la

    plupart des

    rvolution

    naires

    dbattaient

    du

    pouvoir

    ouvrier, du dprissement de

    l Etat,

    elle a pos la rvolution

    non

    comme affaire politique mais comme

    changement

    de toute la vie. Bana

    lit

    dira-t-on ? Mais banalit

    qui

    ne

    fut rintroduite dans le mouvement

    rvolutionnaire

    que dans les annes 60

    et grce,

    entre

    autres, l'activit

    de

    l'IS.

    Produit la fois de la

    gauche

    conseil

    liste (Guy

    Debord

    fut

    quelques

    mois

    membre

    de S

    ou B.)

    et de son

    rejet, l'IS

    partit d une critique du

    spectacle

    comme

    passivit,

    comme

    transforma

    tion de

    tout

    acte

    en

    contemplation,

    pour

    aboutir l affirmation du com

    munisme comme activit .

    Iconoclaste, libre de la problmati

    que

    de

    l'organisation ouvrire (dont

    n taient pas sortis des groupes comme

    Pouvoir

    Ouvrier ou

    ICO), l'IS secoua

    l'ultra-gauche. Mais

    sa

    thorie d spec-

    tacle la conduisit

    dans une

    impasse :

    celle du conseillisme. Expression des

    attaques

    contre la marchandise

    plus

    que

    d un mouvement d ensemble (absent)

    contre

    le

    capital

    elle

    ne

    fit

    pas

    l analyse de la totalit du processus

    capitaliste.

    Comme S ou

    B. elle vit

    dans le capital une gestion privant les

    proltaires de

    tout

    pouvoir sur leur vie,

    et en

    conclut

    la ncessit de trouver

    un

    mcanisme

    permettant la particip

    tion

    de

    tous. A cela, elle ajouta l'oppo-

    , sition passif-actif. Le capitalisme tant

    conu thoriquement comme spectacle

    plus que comme

    capital, elle

    crut

    trou

    ver, pour

    briser

    la passivit, un moyen

    (la dmocratie),

    un

    lieu le conseil), une

    forme de vie (l'auto-gestion gnrali

    se).

    La notion

    de

    spectacle avala celle

    de

    capital et

    opra

    un

    renversement

    de la

  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

    25/76

    ralit. L IS oubliait

    en

    effet

    que

    le

    trait

    dominant

    le plus significatif

    de

    toute division capitaliste

    du

    travail est

    la

    mtamorphose du

    _travailleur,

    du

    stade de

    producteur

    actif celui de

    spectateur passif de

    son

    propre

    labeur.

    (Root

    and

    Branch,

    Le nouveau

    mouvement ouvrier amricain

    Sparta

    cus, 1978, p. 90). Le

    spectacle

    a sa

    racine

    dans

    les relations de production,

    de travail,

    dans

    ce

    qui

    est constitutif du

    capital.

    On p eut comprendre

    le specta

    cle partir

    du capitalisme, non

    l inverse. Spectacle et contemplation

    passive sont l effet d un

    phnomne

    plus profond. C est la satisfaction rela

    tive

    de

    besoins crs

    par

    le capital

    depuis 150 ans (pain, emploi, loge

    ment)

    qui

    suscite la passivit

    dans

    le

    comportement. La conception thori

    que

    du

    spectacle

    comme moteur ou

    comme

    essence de la socit tait ida

    liste.

    Ainsi, l IS, la suite

    de

    la gauche

    allemande,

    reconnut

    la spontanit

    rvolutionn.aire, mais sans

    indiquer

    la

    nature de

    cette activit spontane. Elle

    glorifia les assembles gnrales, les

    conseils ouvriers,

    au

    lieu

    d indiquer

    le

    contenu

    de ce

    que

    ces formes

    devraient accomplir. Finalement, elle

    donna dans le

    mme

    formalisme

    que

    cette ultra-gauche dont elle moqu9it le

    ct

    trop

    poussireux ses yeux.

    L IS a

    montr

    les aspects religieux

    du

    militantisme,

    pratique

    spare

    o

    l individu agit

    pour une

    cause,

    en

    fai

    sant

    abstraction

    de

    sa vie personnelle,

    en rprimant

    ses dsirs

    et en

    se sacri

    fiant

    pour un

    objectif extrieur lui

    mme.

    Sans

    mme

    parler de

    la partici

    pation des organisations politiques

    classiques

    jPC,

    extrme-gauche

    ..

    ,

    l action rvolutionnaire permanente

    tourne

    en effet parfois

    au

    militan

    tisme :

    tout

    dvou

    un

    groupe, obnu

    bil

    par

    une

    c e r t a i n ~

    vision

    du

    monde,

    l individu

    perd

    toute

    disponibilit

    pour

    des actes rvolutionnaires le

    jour o

    ils

    deviennent

    possibles.

    Mais ce refus

    du

    militantisme,

    au

    lieu

    de

    s ancrer

    dans

    une

    pratique

    et

    une

    comprhension des rapports rels

    qui peuvent empcher

    le dveloppe

    ment

    du

    comportement de

    militant,

    participait plut t chez l IS de l exigence

    d une

    attitude radicale

    en

    tout. A la

    morale militante, elle

    en

    substituait

    une

    autre, la radicalit, aussi imprati

    cable et aussi intenable.

    Non o n t e ~ t e

    de dnoncer

    le specta

    cle, l IS

    entreprit de

    le

    retourner

    contre

    la socit

    qui en

    vit. Le scandale uni

    versitaire

    de

    Strasb9urg,

    annonant

    mai

    68, fut

    une

    russite. Mais l IS ri

    gea le procd

    en

    systme

    et

    en abusa

    au

    point

    qu il

    se

    retourna

    contre elle

    mme.

    La reprise des techniques publi

    citaires

    et

    scandaleuses

    vira

    bientt

    la

    contre-manipulation systmatique. Il

    n y

    a

    pas

    depublicit

    anti-publicitaire.

    Il n y a pas de bon usage des mdias

    pour

    faire passer des ides rvolution

    naires.

    Contre la fausse modestie militante,

    elle se

    mit

    elle-mme

    en

    scne et gros

    sit

    dmesurment

    son impact

    sur

    la

    situation mondiale. Ses rfrences

    rptes Machiavel, Clausewitz et

    autres stratges taient plus qu une

    coquetterie.

    L IS tait

    persuade

    qu une stratgie adquate pouvait per

    mettre

    un

    groupe assez habile de

    manipuler

    les mdias et

    d influencer

    l opinion publique

    dans

    un sens rvo

    lutionnaire. C es t

    i ~ n

    la

    preuve

    de son

    enfermement

    dans la notion

    de

    specta

    cle et,

    en

    dfinitive, de son incompr

    hension,

    par

    idalisme,

    du phnomne

    spectaculaire.

    Quand

    elle

    ~ e

    prsenta

    comme

    le

    centre du

    monde,

    comme

    l agent

    de

    la

    maturation

    rvolution-.

    naire, etc. on

    pensa d abord

    qu elle iro

    nisait

    son

    sujet.

    Quand

    elle

    en

    fit

    un

    leitmotiv,

    on

    finit

    par

    .se

    demander

    si

    elle

    ne

    croyait pas elle-mme les nor

    mits qu elle

    propageait

    sur son propre

    compte.

    L IS a fourni la meilleure approxima

    tion

    du communisme parmi

    les tho

    ries ayant

    eu une

    relle diffusion

    sociale avant 1968. Mais elle est reste

    prisonnire des vieilles illusions con

    seillistes, auxquelles elle a ajout ses

    propres

    illusions

    sur

    l instauration

    d un savoir-vivre rvolutionnaire.

    Elle a cr

    une thique o

    la jouissance

    tenait lieu d activit

    humaine. En

    cela

    elle

    n est pas

    sortie

    du

    cadre capitaliste

    de l abondance

    permise

    par

    l automa

    tion, se

    contentant

    de dcrire la fin

    du

    travail

    comme

    un immense. loisir pas

    sionnant.

    La gauche italienne avait pos le

    communisme comme

    abolition

    du

    march

    et

    rompu

    avec le culte des for

    ces productives mais elle avait ignor

    la formidable puissance subversive de

    mesures

    communistes concrtes. Bor

    diga repoussait la communisation aux

    lendemains de

    la prise

    du

    pouvoir. L IS

    a

    montr dans

    la rvolution une d

    marchandisation immdiate et progres

    sive. Elle a

    vu

    le processus rvolution

    naire

    dans

    les relations humaines.

    L Etat,

    en

    effet,

    ne peut pas

    tre dtruit

    sur

    le

    plan

    militaire seulement. Mdia

    tion

    de

    la socit, il doit aussi tre

    ananti

    par

    la sape

    des

    relations capita

    listes

    qui

    le soutiennent.

    L IS a fini

    dans l erreur

    symtrique

    de celle de Bordiga. Ce

    dernier

    avait

    rduit

    la rvolution l application

    d un

    programme.

    L ISla

    limitera

    un

    boule

    versement

    des relations immdiates.

    Ni Bordiga

    ni

    l IS

    n ont peru

    la tota

    lit. Le

    premier conut un

    tout, abstrait

    des relations relles et des

    mesures

    pratiques, la seconde un tout sans

    unit

    ni

    dtermination, une addition

    de

    points partiels

    s tendant peu

    peu.

    Incapables de

    dominer thoriquement

    la totalit

    du

    processus rvolution

    naire, ils

    durent

    recourir tous les deux

    un

    palliatif organisationnel : le parti

    chez

    l un,

    les conseils chez l autre.

    1

    Dans

    sa

    pratique, Bordiga dperson

    nalisa le

    mouvement

    l excs, allant

    jusqu

    se

    nier

    lui-mme et s effacer

    derrire

    un anonymat

    auto-mutilant

    qui permit

    toutes les manipulations

    du

    PCI (bordiguiste). Au contraire, l IS

    affirma l individu

    jusqu

    l litisme,

    allant

    jusqu

    se

    prendre pour

    le centre

    du

    monde.

    Bien

    qu elle et

    peu prs

    totale

    ment

    ignor Bordiga, l IS avait contri

    bu comme

    lui la synthse rvolu

    tionnaire

    qui

    s bauchait vers 1968.

    La Vieille Taupe

    Quand

    Socialisme ou Barbarie eut

    rejet

    pour

    de

    bon

    la thorie rvolu

    tionnaire classique

    , une

    minorit

    en

    sortit et se regroupa

    en

    1963

    autour

    du

    journal

    Pouvoir Ouvrier. PO voulait

    reprendre

    les bons aspects de S ou

    B

    ,

    en

    ignorant le

    il conducteur qui

    reliait

    les origines de

    S ou B.

    sa dviation

    ultrieure. PO tait en-de de la gau

    che

    allemande

    sur

    bien des points : les

    syndicats, le parti, l imprialisme

    et

    la

    question nationale, etc. En fait, y

    coexistaient des tendances

    ultra

    gauche, unies seulement sur les ques,

    tions

    du

    caractre capitaliste

    de

    la Rus

    ,sie et de la gestion ouvrire. A sa tte se

    trouvait Vga, un des anciens de la

    gauche italienne

    qui

    avaient rejoint S

    ou

    B

    peu

    aprs

    sa

    fondation. Mais ces

    ex-

    bordiguistes

    n avaient

    rien

    apport de bordiguiste S ou B.

    n ayant

    trouv dans la gauche italienne

    qu un

    lninisme

    plus pur

    que celui des

    trotskystes, complt

    par

    les thses

    sur

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    ment continuer

    :

    prendre un nombre

    de mesures simples mais qui rompent

    avec la logique capitaliste, afin que la

    grve dmontre sa capacit de faire

    fonctionner utrement

    la

    socit ;

    rpondre aux besoins sociaux (ce qui

    rallierait les

    hsitants,

    la

    classe

    moyenne,

    que

    la violence - produit

    d un blocage, raction impuissante

    devant l impasse- inquite) par

    la

    gra

    tuit des transports, des soins, de la

    nourriture, par la gestion collective des

    centres de distribution, la grve des

    paiements (loyers, impts, traites) ; et

    montrer

    ainsi

    que

    la bourgeoisie

    et

    l Etat sont inutiles.

    Le communisme

    ne

    fut prsent en

    1968 que comme vision. Mme les

    ouvriers hostiles aux syndicats

    ne

    fran

    chirent pas le pas, les

    l ~ n t s

    rvolu

    tionnaires

    parmi eux tant

    l exception.

    Preuve supplmentaire de faiblesse, la

    confusion qui entoura le meeting de

    Charlty, fin mai. Charlty, tentative

    de dpassement politique, de prolonge

    ment du mouvement social sur le plan

    de pouvoir d Etat, Charlty o se

    retrouvrent

    une

    bonne partie des gau

    chistes mais aussi de la gauche des

    syndicats (notamment CFDT), o l on

    vit aussi un personnage dont on a

    rcemment

    voulu faire un hros natio

    nal,

    11n

    De Gaulle de gauche : Mends

    France. Charlty fut le

    maximum

    de

    conscience et

    de

    ralism politiques

    dont fit preuve le mouvement de

    Mai. D un

    ct le rve : les conseils.

    De l autre la ralit : un vrai gouverne

    ment rformateur, o beaucoup se

    voient

    jouer

    les Lnine

    de

    ce Mends

    Krensky.

    On peut aujourd hui en

    sou

    rire mais si la solution Mends l avait

    emport, beaucoup de contestataires

    l auraient soutenue.

    Un an

    plus tard,

    deux jeunes ouvriers, qui tiraient la

    VT un tract rappelant l ampleur rvo-

    lutionnaire de mai 68, prcisaient :

    Nous

    n oublions pas Charlty .. En

    1981, Mitterrand ralisera enfin les

    espoirs de Charlty.

    L aprs-mai

    Aprs la fin

    de

    la grve, nous avons

    tous commis l erreur d escompter une

    clarification. C tait mconnatre la

    nature

    du mouvement,

    et

    oublier

    qu en

    pripde rvolutionnaire -

    ou de

    secousse comme 1968 - tou tes les

    organisations et idologies prosprent,

    y compris les contre-rvolutionnaires.

    Le gauchisme, en particulier, est

    venu donner

    de faux

    buts

    rvolution

    naires une rptition gnrale qui:

    n avait pas exist. Or, l aprs -mai ne

    pouvait tre que contre

    rvolutionnaire, revendication d une

    libert en tous sens, y compris par rap

    port au mouvement rvolutionnaire.

    L explosion n ayant pas modifi les

    structures fondamentales, son nergie

    se dispersa contre les institutions pri

    mes, dans les

    murs,

    etc.

    Prenant le relais du stalinisme, le

    gauchisme poussa un

    terme

    extrme

    la dpossession capitaliste tout eil pr

    sentant cela comme le remde cette

    dpossession._ L homme capitalis est

    priv de racines. Le gauchiste en remit

    dans la dsidentification. Vivant dans

    un autre monde, le militant se projeta

    dans

    un

    autre

    lui-mme,

    aux

    cts

    du

    proltariat avec les pays socialis

    tes ou

    avec

    le tiers-monde. La

    crise du gauchisme, quelques annes

    plus

    tard, dclencha le

    phnomne

    inverse : la qute d identit. Chacun

    fut dsormais la recherche

    du

    groupe particulier o il trouverait ses

    racines naturelles (fminisme,

    rgionalisme, identit homosexuelle,

    etc.).

    Toutes les idologies furent revitali

    ses, le lninisme comme l anar

    chisme.

    On ne

    doit

    pas

    regretter

    leur

    dclin actuel. Cette foire aux illusions

    dboucha naturellement sur son auto

    critique : on passa du militantisme la

    vie quotidienne. Si l individu est la

    forme d existence

    bourgeoise par

    excellence, et l gosme [ .. ] l essence

    ( .. ] de la socit actuelle [ .. ] dcompo-

    se

    en

    atome

    (Marx), la socit bour

    geoise a toujours aussi runi ces ato

    mes en

    groupes. La privatisation

    de

    la

    vie et la difficult cro issante d avoi r

    une

    activit collective non marchande

    entranent une

    polarisation

    o l on

    tend soit se nier comme personne

    pour ne plus

    exister

    que dans

    un

    groupe, soit refuser toute organisa

    tion pour

    ne

    plus vivre que comme

    individu.

    On

    pose la fausse alterna

    tive : l homme est-il d abord lui

    mme ou social

    ?

    L activit est

    elle menace davantage

    par

    l indivi

    dualisme ou par le rackett de groupe ?

    L ide que seule compte la vie int

    rieure, quotidienne, renverse sans la

    critiquer l ide

    du

    militant

    qui

    doit

    intervenir

    sur

    l extrieur,

    non

    sur soi.

    Quotidiennisme

    et

    militantisme

    s entretiennent comme un couple

    dchir qui jamais ne se sparera. La

    critique morale du militant rate son

    but. Le militant

    n est

    pas un pauvre

    type,

    frustr d affection. Le militan

    tisme est l illusion invitable

    d une

    activit possible dans un monde qui la

    rend

    presque impossible, un moyen

    mystifi

    d chapper

    . la passivit

    dominante. On cherche pour agir un

    autre motif que sa propre condition, on

    sort de soi, on trouve un dynamisme

    dans des ralits

    ou

    des ides extrieu

    res sa vie propre: le proltariat,

    la rvolution ou, plus

    moderne

    : la

    radicalit

    le dsir.

    On a tout critiqu aprs mai, sauf le

    ciment de ce tout, le

    tout

    lui-mme.

    L absence d offensive au centre de gra

    vit social obligeait les critiques tous

    azimuts respecter chacune les bornes

    de sa propre production. Dans

    un

    cadre gnral diffrent, elles

    auraient

    produit tout autre chose ; rien ne con

    duisant vers

    une

    rvolu,tion, elles ont

    reflu. Ces no-rformismes sont diff

    rents de l ancien : ce dernier avait un

    projet l chelle de la socit (la ror

    ganiser autour

    du

    travail constitu

    en

    force unifie), les

    premiers renoncent

    changer la socit

    pour

    s y amnager

    seulement un espace libre.

    La

    libration

    de la femme, de la

    sexualit, des murs, etc. est une frag

    mentation.

    On

    spare

    en

    soi

    une

    fonc

    tion des autres. Au lieu d aller vers

    l tre

    total, multiple,

    on

    se dcoupe,

    on

    se

    comprend

    et

    on

    se dfend tour

    tour comme femme, comme consom

    mateur,

    somme

    producteur, comme

    breton, etc., alors que les intrts de

    ces catgories s opposent les uns aux

    autres.

    Oftrussit

    ainsi le

    tour de

    force

    de crer en soi la division

    que

    le capital

    s efforce d entretenir

    au

    sein

    du

    prol- .

    tariat. /

    L auto-organisation dans l entre

    prise, en France, s croule aprs juin

    1968, l o elle s tai t ins taure . Le

    mai

    rampant

    italien fait surgir

    en

    1969-70 des conseils dont le chef de

    la CGIL reconnat qu ils se sont trans

    forms en institutions para-syndicales.

    Les conseils ne parviennent pas se

    constituer

    en

    organisations de masse

    embrassant toute la vie sociale, et ras

    semblant, plus que _les producteurs,

    toute la population laborieuse. Il

    n y

    a

    plus de place pour un mouvement

    ouvrier

    l ancienne. L espoir moder

    niste style CFDT d une nouvelle classe

    ouvrire recomposant

    l unit

    de travail

    et capable de le grer se brise

    sur

    la

    ralit du besoin d une couche peu

    27

  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

    30/76

    qualifie, nombreuse, mallable, tou

    jours

    ncessaire

    au

    capital. L autoges

    tion

    ne

    sert

    qu'

    faire croire

    qu'elle

    serait possible.

    En Italie, la situation volue plus

    lentement mais finit par faire appa

    ratre

    ses

    propres tendances.

    La

    premire phase du mouvement

    dura de 1968 jusque

    dans

    l'hiver

    1971. Elle

    fut caractrise par

    des

    luttes ouvrires qui firent leur appari

    tion en dehors

    de

    la

    sphre

    d'influence

    des

    syndicats et

    des

    organisations politiques.

    On vit

    alors

    se constituer en Italie l'quivalent

    des

    comits d'action ouvriers qui

    se

    manifestrent en France durant le

    mois de mai avec cependant une dif-

    frence essentielle : en France, les

    comits d'action furent trs rapide

    ment expulss de l'entreprise par la

    puissance

    des

    syndicats,

    ce

    qui les

    obligea en pratique ne

    pas

    s'illu

    sionner

    dans le

    cadre troit de

    l'entreprise. Dans la mesure o

    la

    situation gnrale ne permettait

    pas

    d'aller plus loin,

    ces

    comits disparu

    rent plus ou moins rapidement. En

    Italie, au contraire,

    dans

    un premier

    temps, des comits ouvriers purent

    s'organiser dans

    les entreprises

    elles-mmes. ( ..) l se forma alors

    une multitude de cmits

    dans

    les

    entreprises, isols les uns

    des

    autres, qui s'adonnrent tous syst

    matiquement la remise en question

    des cadences

    de travail et accessoi

    rement au sabotage.

    (

    ..

    ) Quant

    la

    lutte ouvrire, elle

    ne rencontrait pas de rsistance.

    C'est

    ce

    qui

    la

    dsarma.

    Elle

    ne put

    que

    s'adapter

    aux conditions de la

    socit capitaliste.

    De

    leur ct, les

    syndicats (

    ..

    ) remodelrent leurs

    organisations d'usine suivant le

    modle de comits autonomes

    apparus

    dans

    les luttes rcentes. ,

    e

    Mouvement Communiste no 1,

    1972:

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    dise [ ..]. Certes, Lnine, Trotsky et

    mme

    Marx,

    ont cru

    parfois dceler

    des possibilits rvolutionnaires dans

    les coutumires crises cycliques, sans

    jamais les considrer indispensables.

    La

    ralit a t l'encontre de l'espoir,

    trs nettement pendant la dernire

    vraie crise (1929-33) [ .. ] les problmes

    concrets de la rvolution

    communiste

    ne se

    dessinaient

    pas comme

    aujourd'hui, nettement, travers tous

    les rapports

    du

    capitalisme, p ~ u v s

    de plus en plus comme

    autant

    de con

    traintes insupportables et inutiles.

    C'est partir de l, et non pas de la

    panne

    des fonctions conomiques

    que

    le proltariat doit s'organiser contre le

    systme.

    /

    Miser sur la crise de surproduction

    est refuser de se battre

    sur

    un autre ter

    rain

    que

    le

    plus

    avantageux

    l'ennemi

    . [ ..]. Les actions de classe

    qui

    rveille

    ront

    la conscience rvolutionnaire chez

    des dizaines de milliers de travailleurs,

    puis chez des centaines de millions,

    devront tre entreprises partir des

    conditions de travail,

    non

    de chmage,

    partir

    des conditions politiques et des

    conditions

    de

    vie sous leurs multiples

    aspects [ ..

    ].

    La pratique. rvolution

    naire

    l'heure

    actuelle prend son point

    de dpart dans la ngation

    de

    tous les

    aspects fonctionnels du capitalisme, et

    doit opposer

    chacun

    de ses probl

    mes les solutions de la rvolution com

    muniste. Aussi longtemps qu'une frac

    tion

    au

    moins de la classe ouvrire

    n'entreprendra

    pas ce type

    de

    luttes,

    quelle que soit la conjoncture capita

    liste il pourrait avoir une crise dix

    fois plus forte que la dernire, que la

    conscience rvolutionnaire reculerait

    encore. Car, en dehors de la lutte pour

    changer les structures et superstructu

    res devenus ractionnaires, touffantes

    mme

    lorsqu'elles fonctionnent

    dans

    les meilleures conditions, il ne peut

    avoir conscience, ni parmi le prolta

    riat,

    ni

    chez les rvolutionnaires.

    Ce qui doit servir de ractif la

    classe ouvrire, ce

    n'est

    pas l'accident

    d'une grande crise de surproduction

    qui ferait regretter les 10 ou 12 heures

    de

    corves l'usine ou

    au

    bureau, mais

    la crise du systme de travail et d'asso

    ciation capitaliste, qui, elle, est perma

    nente,

    ne

    connat pas de frontires, et

    s aggrave mme avec une croissance opti

    male du systme. Ses funestes effets

    n'pargnent ni les zones industriali

    ses, ni les arrires, la Russie et ses

    satellites pas plus que les Etats-Unis.

    34

    C'est l le plus important atout du pro

    ltariat mondial. Il s'en rendra mieux

    compte dans des onditions norma-

    les , o la ralit

    n'apparat

    pas mas

    que par

    une

    situation de famine.

    , (Munis, pp 96 et 97).

    Le

    facteur

    d c i s i f ~ e s t j a m a i s l e s s o r

    ou le blocage de la crbissance, mais la

    configuration des forces. sociales en

    prsence. En 1917-21, l'attaque prol

    tarienne dmarra

    sur une

    crise politi

    que

    et conomique. Aprs 1929, mal

    gr l'arrt de l'expansion (d'ailleurs

    partielle) des annes 20, le rapport de

    force penchait

    lourdement

    du ct

    du

    capital, des bourgeoisies occidentales

    comme de la contre-rvolution en

    URSS. Alors qu'en 1917-21 le prolta

    riat avait profit (mal, mais tout de

    mme .. ) des contraste.s politico

    sociaux,

    en

    1929,

    il tait

    dans

    l'incapa

    cit de tirer parti de la dpression

    Lorsqu'clata la crise de 1929, la vague

    principale de l'

    ~ s u t

    proltarien avait

    dj dferl et, l'chel le

    de

    la plante,

    le proltariat tait battu. Tel n'est pas

    le cas aujourd'hui. Pourtant, la thse

    de

    Munis semble garder toute sa

    valeur, comme le montre le comporte

    ment

    des proltaires depuis 1974.

    Cette anne-l

    apparut au grand jour

    une crise qui depuis n'a cess de

    s'approfondir. Elle s'attaque aux prol

    taires directement -

    leur

    pouvoir

    d'achat

    baissant

    de

    10%

    aux

    Etats-Unis

    en 1979 et 1980, et

    indirectement-

    le

    chmage leur rendant plus vive la con

    currence avec les enfants des classes

    moyennes

    pour

    l'accession aux postes

    de petits employs. Contrairement aux

    annes

    60,

    le noyau jusque-l protg

    des salaris

    le

    travailleur adulte, mas

    culin et national, c'est--dire le qualifi

    ou le syndiqu, ou les deux) voit ses

    avantages rogns. Il fait son tour

    l'exprience

    du

    travail prcaire. La

    bourgeoisie branle ses points

    d'appui

    en

    milieu ouvrier, elle rationalise la

    production en liminant les moins pro

    ductifs et

    en

    laissant se dgrader les

    services sociaux. Dans un premier

    temps, elle tente de relever les caden

    ces

    pour

    rattraper la perte de producti-

    vit, ce qui dclenche les nombreuses

    grves sauvages du dbut des annes '

    70. Elle s'efforce dsormais de restruc

    turer

    la production en profondeur.

    Depuis sept ans, les travailleurs

    mnent une

    action dfensive

    qui

    rem

    porte le plus souvent

    un

    demi-succs.

    Ni le capital ni le travail ne s'imposent,

    le second ragissant aux coups du pre-

    mier. La capacit du systme amortir

    les coups est frappante.

    L'enjeu immdiat des luttes ouvri

    res est le plus souvent de conserver un

    salaire intact et

    un

    emplbi. LIP est

    l'exemple le plus fameux du phno

    mne

    caractristique de la priode : la

    dfense communautaire contre les fer

    metures

    d'usine. De telles luttes,

    qui

    constituent les travailleurs en commu

    nauts d'entreprise et les enferment,

    taient apparues avant LIP, dans le tex

    tile

    par

    exemple,

    et ne

    sont cantonnes

    ni la France ni l'Europe : le Japon

    aussi connat de nombreux mouve

    ments comparables.

    A l'i nverse de ce '

    que

    croient

    ou

    disent les ouvriers de ces work-in,

    du

    moins de ceux

    qu'on

    connat, ils ne

    cherchent pas produire autrement

    tout

    en

    restant salaris, ils sont d'abord

    en qute d'une entreprise : ils devien

    nent leur propre patron en attendant \

    d'en trouver un vrai.

    Hors ces murs nous ne sommes

    plus rien.

    Joe Toia

    9

    ans dpanneur chez

    Chrysler Detroit expliquant pour-

    quoi les. ouvriers

    ont

    refus de faire

    grve contre leur entreprise

    en iffi-

    cult.

    Ces mouvements naissent en rac

    tion la rorganisation industrielle. Il

    est arriv que des ouvriers, l'instar

    des mtallurgistes du

    Bade

    Wurtemberg en 1978, fassent payer

    au

    capital leur dclassification, les patrons

    s'engageant garantir

    aux

    salaris tou

    chs

    par

    l'volution technologique un

    emploi quivalent et leur paie ant

    rieure.

    Obtenu par

    16 jours de grves

    et

    13

    de

    lock-out

    pour 240 000

    salaris,

    cet accord concerne 40 des mtallur

    gistes allemands. Mais de tels amna

    gements sont l'exception. Pour l'ins

    tant, la rorganisation est encore dans

    les limbes et

    autant on

    connat les pro

    jets et dbuts de ralisation en roboti

    que, autant on ignore le rythme de son

    introduction. La question est bien loin

    d'tre purement technologique : le

    degr et la rapidit de la robotisati0n,

    les formes prises par les investisse

    ments et

    l'innovation

    dpendent

    des

    relations entre les classes. D'une

    manire gnrale, il semble que le

    capital

    ne

    peut plus recycler les exclus

    de

    l'industrie

    comme

    il recycla autre

    fois les exclus des campagnes.

    On

    s'aperoit

    mieux que

    la

    chute de

    la rentabilit dcoule des contraintes

  • 5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983

    37/76

    que

    fait

    peser

    la parcellarisation exces

    sive

    du

    travail

    sur

    la valorisation, et

    des contraintes

    de

    la reproduction de

    toutes les conditions de vie par le capi

    tal,

    car

    cette production inclut des ser

    vices

    qui ne

    sont pas reproductibles

    comme

    des objets de consommation

    faits

    en

    srie.

    Dans

    les services collec

    tifs, la productivit

    ne peut

    tre celle

    de l industrie. Et si l Etat les

    prend en

    charge, c est

    au

    dtriment

    de

    la collec

    tivit capitaliste.

    L une

    des solutions serait de passer

    du

    systme des

    machines au

    systme

    automatique,

    qui

    a sa cohrence

    interne feedback, autorgulation, pro

    grammation et

    non

    simple excution

    d ordres

    donns). Les machines sont

    asservies, c est--dire rgles

    entre

    elles, l objectif

    tant de

    raliser

    un

    auto-contrle. Il s agit

    moins de se

    pas

    ser de

    l homme que

    de le

    rendre plus

    productif.

    On

    le surveille mieux, mais

    surtout on

    l organisera de faon ce

    que

    le travail,

    mme

    sans surveillance,

    ne

    puisse

    qu tre

    bien fait, la con

    trainte

    machinique

    y suffisant.

    C est bien

    un autre

    visage de l utopie

    capitaliste.

    Quand

    l enrichissement

    des tches

    tait cens

    remdier

    au

    travail

    en

    miettes G.

    Friedmann)

    de l OS,

    on

    a exagr la porte

    de

    l expri ence Volvo,

    qui donna

    des

    effets sociaux et conomiques mdio

    cres. Avec

    ou

    sans le renfort de l lec

    tronique, l auto-exploitation prolta

    rienne ne sera jamais un

    phnomne

    massif.

    Jusqu

    prsent, il

    ne

    semble

    pas que

    le capital soit apte dgager et installer

    les investissements

    normes

    ncessai

    res cette restructuration.

    Une

    dvalo

    risation gnrale, dans

    une

    secousse

    sociale

    dont

    on ne peut

    prvoir la

    forme, les rendrait plus aiss. La dva

    lorisation apporte

    par une

    crise est

    plus

    qu un

    fait conomique,

    c est une

    redistribution des cartes

    au

    sein

    de

    la

    bourgeoisie

    et une

    rorganisation poli

    tique,

    de

    nouvelles formes

    de

    pouvoir,

    de nouvell es mdiations travail-capital,

    comme

    on

    le vit la faveur

    du

    double.

    choc

    de

    1914-18, puis

    de

    1939-45.

    Du

    point de vue

    des travailleurs,

    l enjeu,

    comme au

    moment

    de

    l instau

    ration

    de

    l OST,

    n est pas uniquement

    l emploi et la rmunration. Il s agit

    de

    la transformation du travail,

    que

    l vo

    lution capitaliste voudrait

    plus rythm

    par

    l entreprise, mieux contrl. Tout

    travail simple peut tre automatis. Le

    . choix est social : faut-il

    transfrer un

    poste

    de

    travail

    dans un pays

    l une ou

    l autre, l autonomie fut

    main-d uvre boQ march? Mais l expression

    du

    ressentiment antipoliti

    alors,

    que

    faire des

    chmeurs

    ainsi pro-

    que et

    anticapitaliste, port

    par

    des

    duits

    dans

    le pays industriel avanc ? couches plus

    ou

    moins marginalises

    Ou

    bien, va-t-on robotiser

    l usine?

    suivant les pays.

    Mais

    comment

    ragir ce

    que

    les sala- Ce

    n est pas

    un hasard si l autonomie

    ris

    vont exiger?

    En 1974, les OS

    de

    a

    tant

    prolifr

    en

    Italie.

    En

    raison

    des

    l automobile franaise, immigrs de particularits de la formation de

    l unit

    frache date, avanaient des revendica- nationale, l Etat italien est moins pr

    tions classiques. En 1983, les OS pein- sent, de manire moins directe qu en

    tres

    de Renault, souvent immigrs

    de

    France,

    dans une

    vie sociale

    et

    politi

    la seconde gnration et dsireux de

    que moins

    centralise. S il existe

    en

    demeurer en

    France,

    dans

    l entrepris e, Italie

    un

    fort secteur nationalis, ses

    ont

    lutt

    dans

    un atelier

    menac

    units sont

    devenues

    des fiefs chap-

    . d automatisation,

    pour

    obtenir le statut

    pant

    l Etat. L conomie italienne

    d OP

    qui garantit un recyclage aprs la affronte la crise

    en s appuyant sur

    l ini

    modernisation de l atelier. Vivant des tiative d entreprises prives et