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Revue fondée en 1983 par Gilles Dauvé, Serge Quadruppani et Jean-Pierre Carasso. Le Brise-Glace lui succède en 1988.
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5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983
1/76
le
roman
de
nos origines
naissance du communisme moderne
comprhension de
la
contre-rvolution et reprise rvolutionnaire
histoire
et
petite histoire des quinze dernires annes
a t i l
une
question
juive
?
pravda/public
opinion
M 1110 2
2
F )
5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983
2/76
u
sommaire
du numro
1
avant l
a dbc
le
guerre et peur
l hor
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e-
Pologn
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1
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5/21/2018 La Banquise N2 - t 1983
3/76
L
A
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naissancedu com m unism emoderne
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Resp.
publ. :
G
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Para
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an : 65
F
Pour.
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B.P.
no 214
75623
Paris
Cedex
13
14
4
61
6
66
67
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ls r
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raticable
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dans
sa vie l'exprience-limite
de
l puisement
que le capital fait subir,
dans d autres
conditions, la terre. A
l usine comme
au
champ, l'obsession
de la productivit se
heurte
la
mme
limitation:
les conditions qu elle doit
runir pour
toujours abaisser le
temps
de travail socialement ncessaire la
production des biens se
retournent
contre elle.
Quand on
dit
qu en vingt\
ans, le
rendement
l hectare
a doubl
ou
tripl,
on
oublie
que
cet accroisse
ment
suppose des matires premires_
et de l'nergie. Aux Etats-Unis,
on
a
chiffr la relation
entre
l'nerg ie rcol
te sous forme
de
grains, et celle appor
te
pour
la produire. Le prix mis part,
la valorisation de l'nergie investie
n tait
plus,
en
1970,
que
les 3/4 de ce
qu'elle tait
en
1945 .
(L Anne cono-
mique
et
sociale 1978, Le Monde,
1979,
p. 158.)
Comme la
chute de
rentabilit indus
trielle, les
rendements
dcroissants
dans
l'agriculture
ne
sont
pas
insur
montables. Mais la solution
dpend du
rapport de force social.
Si
la
terre
oppose sa seule inertie la valorisa
tion, les proltaires
en
sont le
moyen
actif
et le seuil critique. La crise de la
valorisation, la fois effet
et
cause
de
l'action-raction proltarienne,
ouvre
la possibilit de
rupture
avec
une
socit reposant
sur
la rehe che syst
matique de
productivit.
Le capitalisme aussi se
trouve dans
une
situation ouverte,
qu il
rve de
combler
par
le biais
de
la technique. La
machine
automatique combine outils
et programme. Mais le software reste
spar
du
hardware, le logiciel est
distinct.
de la
partie
proprement
mca
nique
et (re)programmable. Le robot
est typique
d un monde o
faire et
apprendre, faire
et
diriger, sont main-
.
enus comme
ralits diffrentes.
Le
robot est un ~ r a v a i l l e u r incorporant
son chef.
On
n a
pas pu
faire, malgr
Taylor,
de l homme une
machine,
on
. -
i t i o n n e
de faire de la
machine un
tre vivant. Les spcialistes
de
la robo
tique versent sans cesse
dans
l' anthro
pomorphisme
:
tout
la fois
bras
il,
etc., le robot
runit
corps et
tte, muscles
et
intelligence. C'est
l'esclave idal
dont on mesure
les
degrs
d'asservissement.
On
a bap
tis
Spartacus un
projet
de
recherche,
dont
l une
des
cratures
est une
machine pour
ttraplgique. Le robot
s e ~ a i t
la prothse
d un
capital dsin
carn et dbarrass
du
surplus nfaste
0
FLEXIB LIU ou VERSATJLITt
lO
Appareil de levage
non motoris
MT Machine
transfert
L 1 Appareil de levage motoris MOCN Machine-outil commande numrique
Ml Engin de manutention MAPl Manipulateur automatique programmable
GMM Gros manipulateur motoris command par touches (robot industriel) de lre gnration
TMA 1 Tlmanipulateur asservi sans
retour d effort
MAP2 Manipulateu.r
automatique
programmable
TMA2 Tlmanipulateur asservi sans
retour d effort et
(robot industriel) de 2e gnration
muni d organes sensoriels MAP3 Manipul ateur automatique programmable
TMOR Tlmanipulateur
malt
re esclave mcanique
retour
(robot ,industriel)
de
3e gnration
d effort
MAl Manipulateur
automatique
idal
TMl R Tlmanipulateur motoris retour
d effort
Ttraplgique
TM2R T l m ~ n i p u l a t e u r r ~ t o u r
d effort
muni d'organes l J:l.A Ttraplgique quip d'aides mcaniques
sensonels (2e gnration) i l i Ttraplgique quip d'aides motorises
TMS
Tlmanipulateurs
spcialiss L Ttraplgique quip d'aides de manipulateurs
SS Sondes spatiales
de
2e gnration (Spartacus)
TM3R Tlmanipulateur
de 3e
gnration
retour
d effort Ttraplgique quip quasi-idalement
MO Machine-outil H Homme normal
- volution des machines automatiques (type robot)
d action humaine, rduisant
l tre
vivant u ~ e pollution invitable mais
matrise.
Notre tentative de synthse s achve
sur la
perspec tive (seulement possible)
d un
bouleversement
de
porte aussi
considrable
que
l'industrialisation
de
la
premire
moiti
du
sicle dernier,
ou
que
l'apparition
du
nouveau systme
de production
au dbut du
xx. Il serait
toutefois
trompeur d attendre que
les
proltaires se rvoltent
simplement
contre la marche en avant
d un
systme
qui
les crase. Les grands
mouvements
sociaux
n ont
pas
de
moteur, assimilable
par
exemple la
crise conomique
ou aux
effets dsas
treux du
progrs technique. Ils sont
mis
en
branle
par
les contradictions
d un
univers rvlant ses failles, ses
aberrations.
Rien
ne
garantit
que
le proltariat
mettra
ces contradictions profit
pour
jouer
son
propre
jeu
dans une
crise
qui
s'
avrera
peut-tre la transition vers
une autre
forme de production et
de
socit capitalistes. Ce
qui
fonde
notre
action,
c est
la double conviction de la
profondeur
des contradictions actuel
les,
et du manque d adhsion
manifes
te, idologique,
des ouvriers
au
capi
tal, telle
que
la gauche
communiste
la
notait avant-guerre
ou en
1944-1945.
L action de classe,
c e ~ t - - d i r e
les prati
ques qui
unissent les proltaires, font
avancer les choses
dans
les ttes,
par
des clivages durables
entre
les proltai
res et
tout
ce qui soutient le capita
lisme. Mais cette exprience prolta
rienne,
n est
rvolutionnaire
que
si elle
s'engage
sur
des voies
rompant
avec
les issues capitalistes.
5
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Feu e
rbach assimile l
hurn:anit un
dieu:
L unit
du moi et
du
toi,
c est
Dieu. dit
Feuerbach. Cer ta
ins utopis
tes sont co
mmunis tes e
n
c
ela qu ils
v
eulent le
communisme; mais il
s ne
v
eu len t
p s
de rv
olution.
Social, le mouvem
ent est aussi in
ter
national: des groupes d exils, d arti
s
ans parcourent l
Europe. C est pa
rfois
aussi un mo
uvement poli t i
que : des
passere
lles nombreuses
le relient la
po
usse dmocrat i
que , don t on a
vu
qu elle
finit par l absorb
er . Cabet , par
ex
emple, loin d t
re un penseur en
ch
ambre, a derr ir
e lui
u
ne carr i
re
poli t ique. L on
gtemps il caresse
le pro
jet de ra
llier l oppos ition
rpublicaine
autour de l id
e qu i l a
du
c
o m m u -
10
nisme. ..
nous, comm
unistes , nous
avons to
ujours invoqu
et
inv
oquerons
toujours
l
union de tous
lesdmocrcr
t
es .. crit-il
en
1845. Son opulaire
compte,
dit-il la
mme poque,
p
eut-tre cen t m
ille lecteurs.
Et
c es t l chec po
litique qui l .inc
ite, tar
divement, fonder ai lleurs sa
socit id
ale, l Icarie.
Le lien rel
n tant ni assez
fort ni .
assez
visible, on che
rche cr er une
unit sur un
pr incipe extr ie
ur
au
monde m a
is qui rpond l
essence de
l hom
me. A l horr
eur du capital,
on
oppose la n
ature de l homme. L
uto
p
isme concide
avec l anthropol
ogie.
Comme
di t Feuerbach
: L essence de
l homme n est co
n tenue que dan
s la
com
munaut...
L homme doit
mener
vie c
onforme sa vr
aie nature :
une vie gnrique .
La
force de
Four ier est de
ne pas ten
te
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t Cabet, de fo
rger
un homm
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nouve u
Il part
de ce
qui existe, d
cr i t longuemen
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humain, fait l inv enta ire de ses pas
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s, afin de m
on trer la pluralit
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n tre au-de
l de sa fonction
de pro
ducteur . A l aid
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ations,
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qui, en
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Four ier
s en prend la civilisa
tion
dont le
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t propose d
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h
o
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la nature, pille
par
les hommes. Ce
que
l hu11_1anit doit atteindre par le
mouvement naturel de ses besoins et
de
ses actes, Fourier
veut
l'organiser
au moyen
d un
plan. Il lui faut srier
les passions
pour
les harmoniser. Criti
quant la science - il se laisse guide
par
l 'intui tion - Fourier reste
un
homme de systme. Il privilgie le '
savoir, il cherche
LA
solution, dont
l'11pplication ne dpendra, plus que de
la bonne volont capitaliste. Ni la poli
tique ni la rvolution n ont de place
dans sa pense,
o
le proltariat reste
un objet.
Aprs Fourier, l'utopie se radicalise.
Posant toujours la question d une autre
vie, elle s'interroge sur la
nature de
la
rvolution qui l'instam:era et des forces
qui
feront cette rvolution.
Des
probl
mes de l tre humain,
les rvolution
naires comme Dzamy passent ds
avant 48 ceux des groupes sociaux et
des luttes qui les ~ p p o s e n t Ils ne par
tent plus de l'essence de l homme mais
du dveloppement historique, et com
mencent par
faire la crit-ique
du
travail
alin. Le principal reproche qu ils
adressent aux utopistes n est pas
d tre
des visionnaires mais
d esprer
raliser
leur vision au moyen de recettes, faute
de ne pas concevoir d'issue partir des
conditions existantes. Le
communisme
thorique des annes 1840-48 cherche
au contraire percer le secret de la
force irrsistible de ce systme si
dgradant qu est le capitalisme. S'enra
cinant dans le rel, il va en pouser les
contradictions et finir par s y laisser
prendre.
Marx va
montrer
le premier,
et
c est
son mrite,
que
l'aspiration
une
com
munaut
humaine,
dont
d autres
comme Fourier ont pu mieux exprimer
certains aspects,
ne
peut aboutir
que
le
jour
o
la vie sociale a acquis
un
carac
tre collectif pour l'ensemble des hom
mes, et ainsi franchi
un
seuil au-del
duquel le travail associ et l'action
commune permettent
de faire la rvo
lution. Dans Le Capital, Marx
va
dcrire le mcanisme de ce processus
dont les Manlfscrits
e
1844 exposaient
le contenu. Mais Marx
va perdre
le fil
originel en se lanant dans une analyse
du
capitalisme de l'intrieur, et
non
plus dans la perspective communiste.
Il verra trop le mouvement commu
niste
comme
celui de la bourgeoisie,
mouvement
porteur
du dveloppe
ment
des forces productives. Sa contra
diction est d avoir privilgi l conomie
politique
en en
faisant la critique, de
l'avoir critique sans qu elle cesse
d tre
son horizon thorique. Marx cri
tique le capital la fois du point de
vue
capitaliste t du point de vue commu
niste mais il oublie
que
le dveloppe
ment
de la production
n est
utile
au
proltariat
que comme moyen de
faire
'clater son tre. Souvent il
tudie
la
condition proltarienne partir du
dveloppement capitaliste et non de
l'activi t sociale que le capital a
enferme.
Toutefois, il reste le seul, en son
. temps, offrir une vision d ensemble
du
processus historique, depuis les
communauts
originelles jusqu la
rconciliation . entre
l homme
et la
nature. Son uvre accomplissant la
synthse la plus vaste de l'poque, la
contradiction n en est que plus aigu.
Un mme mouvement
le conduit
la
fois dvelopper et
abandonner
la-
dynamique communiste. Par l, il
exprime dans la thorie les contradic
tions pratiques auxquelles s est heurt
le proltariat
au
milieu
du XIX
sicle,
et annonce sa conqute ultrieure par
le capital puis sa rapparition comme
proltariat communiste
au
xx sicle.
Marx est le fruit de la force et
de
l'ambigut du communisme de son
temps.
Le marxisme - utilisation post
rieur de
l uvre
de
Marx-
va rsou
dre la contradiction qui traverse son
uvre en neutralisant son aspect sub
versif. De la tendance
de
rvolutionnai
res comme Marx s'enfouir dans la
critique
du
capitalisme en lui-mme, le
marxisme fait la ralit unique. Il est la
pense
d un
monde incapable de pen
ser
autre
chose
que
le capital. Rvolu
tionnaire face aux socits et aux cou
ches prcapitalistes, il s'identifie
au
progrs
et
l'conomie. En cela le
marxisme constitue
une
des idologies
dominantes.
Pour le communisme
thorique,
Marx
n est ni
plus
ni
moins
l abri
de
la critique que Fourier ou la gauche
communiste
d aprs
1914. Qui ne com
prend
pas Fourier ou Gorter,
ne
com
prend pas Marx, et vice versa. Le com
munisme thorique, tel que l exprima
Marx, ne
peut tre
intgralement
digr
par
le capital car il contient
plus
que l'expos des. contradictions internes
au
capitalisme. Ce
n est
pas le cas
du
saint-simonisme,
par
exemple, dont le
programme a t entirement r l i s ~
pa,r le capital : essor de la production,
cration
d une classe industrielle,
rduction de la politique la gestion,
gnralisation
du
travail. Le systme
industriel, c'est le capital. Au con
traire, dans les textes les plus critica
bles de Marx, le communisme reste
prsent,
ne
serait-ce qu en ngatif.
Croire un Marx ralis par le capital,
c est croire au Marx qu a dcr it le capi
tal.
La faiblesse qualitative de l'assaut
proltarien de 48 a permis l'absorption
par le capital d'aspec ts limits de sa cri
tique
rvolutionnaire. Mais il faut
reconnatre que le marxisme a aussi
contamin les rvolutionnaires, la fin
du
sicle dernier
comme
de nos jours.
Les groupes radicaux venus aprs
Marx ont
cru
que l'expansion capita
liste limiterait la segmentation et la
division ouvrire, en retirant,
par
exemple, sa position dominante au
capital anglais et
en
freinant
la f o r m a ~
tion d une couche ouvr ire privilgie.
Ils n ont
pas vu la capacit du capita-.
lisme de crer
une communaut
nou
velle,
d absorber des organes ns sur le
sol de la lutte de classe. L'illusion
d une simplification de la question
communiste
par
l'universalisme capi
tali.ste reste une ide rpandue. Quoi
qu on
en
dise,
le
dveloppement des
forces productives
demeure
souvent,
dans les rangs rvolutionnaires, un
bien
en
soi.
Quel chec pass n'explique-t-on pas
par l'insuffisance du degr d'industria
lisation Et cette
erreur de
perspective
dforme aussi la vision communiste.
Elle fait dpendre la constitution de la
communaut humaine de la croissance
conomique : Quand les forces pro
ductives jailliront
en
abondance ..
Elle conduit carter le risque
de voir
surgir des conflits dans le commu
nisme
en
postulant l'existence d une
humanit devenue
enfin bonne
parce
qu elle
aurait
une
vie facile. Gau
che et gauchisme justifient les pouvoirs
rvolutionnaires
ou
progressistes
- qu' il s sou tiennent
au
nom de la
ncessit de grer la pnurie. Les rvo
lutionnaires expliquent les faillites pro
ltariennes par l insuffisance
des
richesses.
Cette illusion revient faire de nous,
selon l'expression de Guesde, les fils
du
cheval-vapeur. Elle relve
du
dou
ble rve - capitaliste et ouvrier - de
pouvoir chapper l'exploitation grce
la
technique
et l'automation.
Le
capital rve de se passer de l homme
salari, source de conflit. Le salariat
rve de
se
passer de l homme
capitaliste,
du
chef, du profiteur; Le
11
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approuve la clause anti-grve signe
par
les syndicats. L'affrontement de
mai 1937 entre les ouvriers de Barce
lone
et
l'Etat rpublicain espagnol mar
que
le dernier rebondissement
de
la
vague
de
17. L encore,
on
peut mesu
rer la contradiction de la pratique pro
ltarienne
au
fait que la majorit des
insurgs appartiennent la CNT et au
POUM,
qui
font
tout pour
les
arrter et
y parviennent.
Un
cycle historique
tait boucl avec la destruction de la
rvolution espagnole : celui de la pre
mire offensive internationale
du
pro
ltariat contre le capitalisme. Munis,
op cit., p. 67
Une
fois
de
plus, le prol
tariat n a pas agi
comme
classe pour
elle-mme.
Malgr
une
expansion capitalis te pla
ntaire, le proltariat n a su
empcher
ni
le dcalage - fatal -
dans
le .temps
entre
les divers soulvements natio
naux,
ni
surtout le dvoiement dmo
cratique. Il a reconnu ses ennemis -
qui
s'taient dmasqus pour ce qu'ils
sont, ds 1914. Il
n a
pas
fait ce
qu il
fallait
pour
les dtruire, s en
prenant
l ennemi visible
et
non ce
qui
fonde
son pouvoir : les rapports salariaux et
marchands. Bien que, contrairement
au
XIX sicle, il ai t parfois pri s l' offen
sive, il a continu
de mener une
action
politique. En somme, il a seulement
pos les exigences tactiques
de la
pre
mire tape des nouveaux mouve
ments
: antiparlementarisme, antisyn-
dicalisme
et
antifrontisme
.
Mouve-
ment capitaliste
et
rvolution russe,
Bruxelles, 1974) Ds lors, la gauche
communiste,
qui pendant
des annes
va
s'employer
comprendre
ce
qui
s est
pass, s'illustrera surtout
par
ses
refus: refus des syndicats, de l'Etat
jmme
et
surtout) dmocratique, des
fronts populaires,
de
l'U.R.S.S., des
mouvements
de libration nationale,
de la Rsistance, etc., et cela parce
que
le proltariat
n intervient
plus comme
mouvement
social. Cet effacement du
communisme comme force historique
n est
pas forcment plus grave
que
celui de la
seconde
moiti
du
XIX sicle, il fut en
tout
cas plus frap
pant.
comprhension de la contre rvolution et reprise
rvolutionnaire
e la gauche allemande
Socialisme ou Barbarie
Un mouvement
communiste, uni
versel
par
nature,
et qui
tait
parti pour
conqurir le
monde sur
les pas
du
capi
talisme, avait t conduit
ne
pas
prendre
l'offensive,
sauf
au
centre du
continent europen. Il fallait mainte
nant
s'employer dresser son bilan
partir de lui-mme
et
des contradic
tions
de
la contre-rvolution.
La gnration rvolutionnaire ult
rieure a
eu
l'avantage de pouvoir
jeter
sur
la priode
un
regard plus claire
ment critique, mais s'est
heurte
la
difficult supplmentaire
de
remonter
la source de thories dont l' cho avait
fini
par
devenir plus distinct
que
le son
initial.
L'clatement de la guerre
en
1914
avait tmoign de la faillite mons
trueuse
du monde
bourgeois
et du
mouvement
ouvrier. Pourtant, aprs
que l humanisme
bourgeois et le rfor
misme salarial se furent effondrs cte
cte
dans
la boue des tranches,
l un
et l 'autre. firent comme si cette catas
trophe ne
rfutait pas les bases
sur
les
quelles ils avaien t pios{fr
et
entran
des millions d'tres dans le gouffre.
Tout le
monde
s'appliqua refaire,
mais
en
mieux,
en
plus moderne,
en
plus dmocratique, la mme chose
qu avant 14,
alors que la civilisation
14
capitaliste entire avait prouv sa fail
lite,
et
confirm les prvisions apo
calyptiques des rvolutionnaires et les
mises
en
garde des bourgeois lucides.
Nous
sommes les derniers [de la
mystique rpublicaine]. Presque les
aprs-derniers. Aussitt aprs
nous
commence un
autre
ge, un
autre
monde, le monde de ceux qui ne
croient plus rien,
qui s en
font gloire
et
orgueil. jPguy, Notre jeunesse)
Et,
pour
accentuer encore la confu
sion, la Russie, l'Internationale com
muniste
et
les P;C. allaient eux aussi,
sous le
masque
radical, appuyer la
reconstitution
d un
mouvement
ouvrier et
d une
dmocratie rnovs,
lesquels
ne tardrent
pas ressembler
aux prcdents.
Contrairement ceux
qui s en
remet
taient vainement l'activisme, la gau
che communiste comprit la profondeur
de
la contre-rvolution et en tira ses
consquences. Elle s'affirma comme
rsistance
au
capital et,
pour
cette rai
son, s'avra ensuite incapable
de
sortir
des ses retranchements pour imaginer,
partir des faits nouveaux mais sur
tout de
l'invariance de la
nature
du
mouvement
communiste, les traits
futurs
d une
rvolution diffrente
de
celles
d aprs
1917.
C'est contre la social-dmocratie
et
le :
lninisme -
devenu
stalinisme -
qu est
ne
et
qu a
grandi l'ultra-
gauche. Contre eux, elle a affirm la
spontanit rvolutionnaire du prolta
riat. La gauche communiste dite alle
mande jen fait germano-hollandaise)
et
ses drivs
ont maintenu
que la seule
solution
humaine
rsidait
dans
l'activit propre des proltaires, sans
qu il
soit besoin de les
duquer ni
de
les
organiser; .qu un embryon de
rap
ports sociaux radicalement diffrents
est prsent
dans
l'action des ouvriers
quand
ils agissent par et
pour
eux
mmes
;
que
l'exprience
de
la prise en
main de
leurs luttes par les proltaires
les prpare la prise
en
main de la
socit
tout
entire
quand
la rvolution
devient possible ;
que
les proltaires
doivent refuser
de
se laisser dposs
der aujourd hui
des actions les plus
infimes
par
la bureaucratie des syndi
cats
et
des partis, afin
d empcher
demain un Etat dit ouvrier de grer la
production
leur
place
et d instaurer
un
capitalisme d'Etat, comme
l a
fait la
rvolution russe. Elle affirme enfin
syndicats et partis sont devenus des
, lments
du
capitalisme.
Avant
d tre
rduite l' tat de grou
pes minuscules, la gauche allemande
avait t la composante la plus avance
jet la plus nombreuse)
du
mouvement
des annes 1917-1921. Ensuite, quelle
qu ait
t sa faiblesse, elle est reste le
seul courant dfendre sans conces
sions les exploits,
en
toutes circons-
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dans les premiers numros
de
la revue
allait plus loin
que
la thorisation
que
fit Chaulieu
par
la suite
sur
le contenu
du
socialisme (mais la publication
du
texte de Stone n aurait pas t possible
sans l erreur de Chaulieu).
S ou
B
rompait avec l ouvririsme.
L Exprience
proltarienne, crit
parC. Lefort dans le
n 11
(1952), est
sans
doute le texte le plus
profond
de S
~ u
B
Mais il en indique les limites
et
en
cela annonce son impasse. Il conti
nue en
effet
de chercher une mdiation
entre la misre
de
la condition ouvrire
et sa rvolte ouverte contre le capital.
Or
c est dans son sein que le proltariat
trouve les lments de sa rvolte et le
contenu de la rvolution, non dans une
organisation pose comme pralable,
et
qui
lui apporterait la conscience ou
lui offrirait
une
base
de regroupement.
Lefort voit le mcanisme rvolution
naire dans les proltaires eux-mmes,
mais dans leur organisation plus qe
dans leur nature contradictoire. Aussi
finit-il
par
rduire le contenu
du
socia
lisme la gestion ouvrire.
De
.plus,
et
au lieu
des
tmoignages
ouvriers que souhaitait Lefort, S ou B.
se lana dans la sociologie ouvrire,
finissant par tout axer
sur
la distinction
entre
direction et excution. Il se dis
tinguera
en
cela d Informations et Cor
respondance Ouvrires (lCO) (que
La
gauche communiste dite
allemande
rejoindra Lefort) bulletin .
et
groupe
ouvririste
ef
conseilliste, expression
plus immdiate
de
l autonomie
ouvrire, et du Groupe de Liaison pour
l Action des Travailleurs
(GLAT), fond
en 1959, galement ouvririste, mais
soucieux de publier des analyses minu
tieuses
de
l volution
du
capitalisme.
Chacun
sa manire, ICO
et
le GLAT
seront prsents
au
centre universitaire
Censier, occup
par
les rvolutionnai
res
en mai 68.
L insurrection hongroise de 1956
donna une
nouvelle vigueur S ou B
tout en l enfonant plus encore dans le
conseillisme. Elle y vit
en
effet la con
firmation
de
ses thses alors que la
forme conseil
venait
de donner la
preuve qu elle tait capable de faire
tout le contraire
du
conseillisme,
comme d apporter son appui
un
stali
nien
libral. S
ou
B
abandonna
bientt
ses anciens repres marxistes
et
se
lana
dans un
vagabondage intellectuel
qui devait prendre fin
en
1965. Cette
volution dclencha le dpart des
marxistes, qui fondrent Pouvoir
Ouvrier (P.O.)
en
1963. Et c est l un des
membres
de PO, Pierre Guillaume,
qui
allait
crer
deux ans
plus tard
la librai
rie la Vieille Taupe, dont
on
verra plus
loin le rle.
Comme l Internationale Situation
niste, mais autrement,
S.
ou
B.
sut
S. Bricianer Pannekoek et les conseils ouvriers EOI 1969.
o l l r la
modernisation
de la
socit occidentale. Ses thses sur le
capitalisme bureaucratique
et sur
la
soeit bureaucratique, nes la fois
de la hantise d une prise du pouvoir
par
les staliniens et du bouleversement
de la socit franaise orchestr
par
l Etat, exprimaient la crise
qui
se
mit
ronger, surtout
en
France, Je modle
industriel dominant. En
propageant
des slogans comme Pouvoir Ouvrier -
Pouvoir Paysan - Pouvoir Etudiant
(tract PSU,
juin
1968),
en
faisant
de
la
gestion autonome
et
dmocratique
l objectif no
1
le mouvement de mai
68 popularisera les thmes de S. ou B.,
montrant du mme coup les limites du
groupe et
du
mouvement tout entier.
En
1969, la revue Invariance con
cluait:
Socialisme ou Barbarie
n est
pas
un
accident. Il
exprime de
faon
nette
une
position diffuse
l chelle
mondiale : interprtation de l absence
du
proltariat et de la monte des nou
velles classes moyennes... Socialisme
ou Barbarie
a rempli
son
rle de dpas
ser les sectes parce qu il a dbouch
dans l immdiat, dans le prsent, cou
pant
toute attache avec le pass [ .. ]
(n 6, pe srie, p. 29)
O.
Authier La Gauche allemande. Textes La Vecchia Talpa Invariance La Viei lle Taupe 1973.
O.
Authier J. Barrot La Gauche communiste en Allemagne 1 9 1 8 ~ 2 1 Payot 1976.
Les revues animes par attick de 1934 1943 International Counc il Correspondence Living Marxism et New Essays ont t r-
dites par Greenwood Corp. Westport Connecticut Etats-Unis. Une slect ion se trouve dans La Contre-rvolution bureaucrati
que
UGE
10118.
P. Mattick Intgration capitaliste et rupture ouvrire EOI 1972.
P.
Souyri
Rvolution et contre-rvolution en Chine
C.
~ o u r g e o i s 1982.
Sur Social isme ou Barbarie postface de P. Guillaume aux Rapports de production en Russie de Chaulieu. La Vieille Taupe 1972.
a
gauche italienne
et
Bordga
A l instar des autres courants
de
la
gauche
communiste, la
gauche dite
par
simplification italiei1lle ~ o n t r a que le
proltaire tait plus qu un producteur
qui lutte pour mettre fin sa pauvret
(thse
de
la gauche)
ou
son exploita
tion (thse
du
gauchisme). Elle sut
reconnatre dans
l uvre de
Marx
une description
des
caractres
de
la
socit communiste (Bordiga). Elle
affirma le contenu antimercantile et
antlsalarial de la rvolution. Et elle
renoua
avec l utopie.
16
Nous sommes les seuls fonder
notre action sur le futur.
Bordiga faisait
une
critique implicite
de la coupure tablie par Engels dans
l Anti-Dhring entre science
et
utopie
qui, dit-il, repose
sur
une
base
fausse. Il dfinit les rvolutionnaires
comme des explorateurs
du futur.
Pour lui, l utopie n est pas prvision
mais perspectiv d avenir. Il restitue
la rvolution sa dimension
humaine et
aborde
mme
ce
qu on
appellera vingt
ans plus tard
l cologie. Mais il conoit
la rvolution comme application
d un
programme
par
le parti non comme
une dynamique
unifiant
les homme.s
mesure
qu ils commuilisent
le
monde.
Or, on peut prsager qu un mouve
ment de
communisation, dtruisant
l Etat, sapant la
base
sociale de
l ennemi, s largissant sous l effet de
l attrait irrsistible que susciterait la
naissance de nouvelles relations entre
les hommes, souderait le camp rvolu
tionnaire mieux que tout pouvoir qui,
attendant pour
communiser le
monde
d avoir conquis la plante, ne se com
porterait pas autrement
qu un
.. Etat.
Une srie de mesures lmentaires et
de chocs
en
retour permettrait une
norme
conomie de moyens matriels
et dcuplerait l inventivit. Le commu-
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sera
la
prise de conscience vague
du
fait
que
toutes ces forces conservatri
ces vivent
de l ordre
tabli et ont
besoin
de
son maintien. Contre elles,
ou
plutt malgr elles,
mai
n imagi-
nera
qu une
auto-gestion gnralise,
dont
on parlera
sans l amorcer. Mais le
mouvement apparu
vers 1965 est assez
puissant
pour ne p as s puiser dans
les
limites d un mai 68.
Aux Etats-Unis, il y a confluence
d un
refus
tudiant
(de la guerre
du
Vietnam), d un ample
mouvement
d O.S.,
et d meutes
(depuis
Watts en
1965)
mettant
en question
non
les rap
ports de production mais les rapports
de distribution,
non
le capital
dans
sa
totalit mais la forme
marchande qu il
imprime
la vie. La reprise rvolu
tionnaire
de la fin des
annes
60 se
signale
par
la
convergence
mais
non
l interpntration
ni
la fusion d actions
nes dans
la production avec celles
portant sur
l change
marchand.
Comme systme social, le salariat
moderne
synthtise l acte productif
dans l entreprise et
la libre
disposi
tion de l argent
qu on
y gagne
hors
de
l entreprise.
Tant
que la remise en
cause
porte
seulement
sur l une
ou
l autre
de ces sphres (travail/extra
travail), le systme salarial conserve
son
unit
et sa force.
Une erreur
de perspective,
due
la
pousse
du
nationalisme noir
aux
Etats-
Unis
(an ti-rvolutionnaire
comme tout
nationalisme), a fait croire
l existence d un
mouvement ouvrier
noir spcifique,
plus
radical. En fait, la
rvolte proltarienne amricaine
ne
fut
pas plus
virulente chez les ouvriers
noirs
que
chez les blancs. Le conserva
tisme ouvrier,
qui
existe
par
exemple
dans
le btiment,
n est pas pire aux
Etats-Unis
qu en
France. Il
n y eut pas
plus d ouvriers amricains soutenir
Nixon
contre
le Viet Cong
que
d ouvriers
franais derrire
leurs
gou
vernements successifs pendant la
guerre d Algrie.
Les
vnements de
Lordstown (Ohio)
sont la charnire
de deux
poques. A
la fin
des annes
60,
c est l une des
der
nires grandes applications
du
for
disme.
Pour produire
la Vega,
General
Motors attire les
jeunes Il
ge
moyen
est de 26 ans), accrot la productivit,
augmente
la proportion d O.S., dqua
lifie
tout
en
offrant
plus d argent
(comme Ford 40
ans plus
tt),
mais
introduit aussi
la
robotisation.
En
1970,
l est le
premier
constructeur automo
bile installer des chanes robotises
avec engins Unimation (premier fabri
cant amricain de robots). Les autres
firmes
attendront
le milieu
des annes
70
pour
l imiter
(Renault
en
1979 seu
lement). La cadene de production y
est alors le double de la
moyenne
mon
diale
{100
vhicules
l heure au
lieu de
50). Conu
pour
contrecarrer la rbel
lion passive et active des jeunes, ce
systme
entrane un
absentisme
redoubl et
un
sabotage larv.
Le
capi
tal
a voulu rehausse r les cadences sans
proposer tellement mieux aux salaris
que
ce
qu il
leur
donne
depuis long
temps
: la consommation
de
masse
ne
compense plus l alination
du
travail
comme en
1920
ou
1930, sa
nouveaut
s puise. La
rvolte
endmique
n empche
pas le syndicat
de mener
et
de saboter la grve
de
1972, .sans doute
le
premier
grand conflit antiroboti
que
aux
E.-U.
(Le Qument,
p. 197),
avec celui des dockers de la cte Ouest
contre
la
containeurisat ion
(1971-1972). Le conflit de Lordstown se
solde
par
800 mises pied, mais il
montre surtout
la bourgeoisie
que
la
robotisation doit s installe r progressi
vement sous peine
de
faire rebondir la
contestation (dj latente
et
parfois
explosive)
du
travail industriel.
On
fera
donc coexister chanes automatises
et
chanes d assemblage classiques.
Le
mouvement
anti-guerre amri
cain, pacifiste
dans
son ensemble,
v ~
jouer
nanmoins un
rle subversif
en
s opposant l Etat
et
l arme
en
guerre. C est la critique d un monde
ascendant qui entre
en
crise (nous
ne
di
sons pas dcadence). Est-ce
un
hasard si
c est
en
1965 que les Etats-Unis
envoient 500 000 soldats
occuper
le
Vietnam
du
Sud (pas
mme
y faire la
guerre :
peu
combattirent le Viet Cong
et les
troupes du
Nord)? Un
tel corps
expditionnaire, dont les experts
dirent
ds le
dbut q u il
tait inefficace, est
bien
le produit typique
d un
capita
lisme occidental
trop sr de
lui, con
fiant
dans
son modle industriel
comme dans
la supriorit de la forme
de
guerre
qu il mne par
rapport
celle de sous-dvelopps. Le refus
de la guerre par une bonne partie de
la
jeunesse
amricaine attaquait le fonde
ment mme de
la civilisation mar
chande
et tatique contemporaine.
Du
mme
mouvement,
le pacifisme amri
cain accusait l Etat et le capital d occu
per
tout
le terrain, de
ne pas
accorder
assez
d autonomie
et d espace social
aux gens. Socialisme ou Barbarie,
dont letiernier
numro
parut
en
1965,
tait, l encore,
une
expression ad
quate
de cette qute relle d un
monde
nouveau,
mme
si elle
ne
s en prenait
pas
aux racines de l ancien.
L Internationale Situationniste
L invasion capitaliste de la totalit
de
la vie, acclre
par
le cycle
de
prosp
rit amorc depuis 1950 avait produit
sa
critique librale : ouvrages
de
Vance
Packard
sur
l obsolescence planifie,
de
Riesman
sur
la
foule
solitaire,
d Henri
Lefebvre sut la vie quoti
dienne, etc. Les pays industriels plus
tardivement marchandiss, comme la
France, ont longtemps
entretenu
une
raction de repli frileux
devant
l am
ricanisme (voir
en particulier
e
Monde).
Vers 1960,
au moment o une
critique
pratique
des proltaires con
cide avec
une premire
inquitude
sur
la limite
et
le sens de cette croissance,
c est l ensemble du mode et
mme du
style
de
vie capitaliste
moderne qui
est
sur
la sellette.
Dans
ce contexte,
l Interna tionale Situationniste (1957-
1971), poi1.1t
de
rencontre
du
Nouveau
Monde, orgueilleux
de
sa
modernit,
et
du
Vieux Monde, branl
par
la con
sommation de masse, l IS
qui
runis
sait
en
effet
d une
part
des Allemands,
des Scandinaves, des Amricains et
d autre part
des Franais et des Ita
liens,
va apporter
une
contribution
dcisive la critique de la colonisation
marchande
gnralise.
Effet de la prosprit des annes 60,
l IS a pu
entreprendre une
critique du
monde
sans
s enfermer dans
l cono
mie, la p r o d ~ t i o n
l usine, les
ouvriers, alors
mme que
les ouvriers,
comme
chez FIAT
en
1969, faisaient
aussi
de
l espace extra-t ravail (loge
ment et
transports)
un
point de dpart
de
leur
action. L IS a
renou
avec la cri
tique de
l conomie politique de la
priode prcdant 1848.
-C est l volution historique
qui
force
voir
que
la vie salariale
ne
se droule
pas
seulement
sur
le lieu de travail.
L ancien
mouvement
ouvrier, celui
qui
, a disparu
en tant que
rseau social
pour
cder la place des organes
de
ngociation, tendait ses ramifications
tous les aspects
de
la vie
du
prol
taire. Partis et syndicats sont
aujourd hui des
dmarcheurs qui
jouent
le rle de services sociaux et
fonctionnent
dans
une
large
mesure
comme des
administrations tatiques.
21
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24/76
J
Rplique de la Maison Blanche en construction Ryad, avec baraques d'ouvriers au premier plan.
L'IS a
critiqu
l' urbanisme,
science
et technique de
la
rcration de
relations sociales l
o
l on a arrach
les racines des liens collectifs ant
rieurs. Le capital a
dtruit
ville et cam
pagne, produisant un espace btard,
une ville
sans
centre. (En cela le capital
a cr un espace son image, celle
d une
socit
qui
n a
pas
de centre, et
dont
le
centre
est partout.) Les nom
breuses
tentatives de villes modles
exprimentales
(Pullman prs de Chi
cago, la fin
du
XIX sicle) n ont
jamais
empch les
problmes
sociaux
ni
les
meutes ouvrires.
La cit
ouvrire-patronale,
comme
le projet
de
Nicolas Ledoux Arc-et-Senans la fin
du
xvm sicle, choue parce que la vie
du
salari
ne peut
avoir
comme centre
unique le lieu de travail. La ville
moderne normale intgre mieux les
ouvriers car l faut l ouvrier un
cadre
de vie capitaliste et non patronal. Ce
cadre de vie
maintient
en effet une
communaut mme s il s'agit pour une
bonne
part (mais
pas entirement,
loin
de
l)
d une
communaut marchande
constitue par
la tlvision, le super
march, avec la voiture comme moyen
de liaison
entre
des lieux clats. Tl
vision,
supermarch, voiture
suppo-
22
sent toujours
l existence d tres
humains
pour la regarder, s y
rendre
et
la faire marcher
plus
ou
moins
ensem
ble.
Face la ville
moderne,
l'IS a cher-
.ch
un
nouvel emploi de
certains
lieux.
Elle a redonn vie l'utopie, au positif
comme au
ngatif de la vision utopi
que. Elle a d abord r ~ possible d'exp
rimenter ds maintenant des
faons de
vivre nouvelles puis elle a fini par
montrer que cette
rappropriation
des
conditions d'existence
ne
supposait
rien moins que la
rappropriation
col
lective
de
tous
les aspects
de
la vie. Elle
a redonn son sens l'exigence de
cration de nouvelles relations socia-
, les. Alors que la
plupart des
rvolution
naires
dbattaient
du
pouvoir
ouvrier, du dprissement de
l Etat,
elle a pos la rvolution
non
comme affaire politique mais comme
changement
de toute la vie. Bana
lit
dira-t-on ? Mais banalit
qui
ne
fut rintroduite dans le mouvement
rvolutionnaire
que dans les annes 60
et grce,
entre
autres, l'activit
de
l'IS.
Produit la fois de la
gauche
conseil
liste (Guy
Debord
fut
quelques
mois
membre
de S
ou B.)
et de son
rejet, l'IS
partit d une critique du
spectacle
comme
passivit,
comme
transforma
tion de
tout
acte
en
contemplation,
pour
aboutir l affirmation du com
munisme comme activit .
Iconoclaste, libre de la problmati
que
de
l'organisation ouvrire (dont
n taient pas sortis des groupes comme
Pouvoir
Ouvrier ou
ICO), l'IS secoua
l'ultra-gauche. Mais
sa
thorie d spec-
tacle la conduisit
dans une
impasse :
celle du conseillisme. Expression des
attaques
contre la marchandise
plus
que
d un mouvement d ensemble (absent)
contre
le
capital
elle
ne
fit
pas
l analyse de la totalit du processus
capitaliste.
Comme S ou
B. elle vit
dans le capital une gestion privant les
proltaires de
tout
pouvoir sur leur vie,
et en
conclut
la ncessit de trouver
un
mcanisme
permettant la particip
tion
de
tous. A cela, elle ajouta l'oppo-
, sition passif-actif. Le capitalisme tant
conu thoriquement comme spectacle
plus que comme
capital, elle
crut
trou
ver, pour
briser
la passivit, un moyen
(la dmocratie),
un
lieu le conseil), une
forme de vie (l'auto-gestion gnrali
se).
La notion
de
spectacle avala celle
de
capital et
opra
un
renversement
de la
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ralit. L IS oubliait
en
effet
que
le
trait
dominant
le plus significatif
de
toute division capitaliste
du
travail est
la
mtamorphose du
_travailleur,
du
stade de
producteur
actif celui de
spectateur passif de
son
propre
labeur.
(Root
and
Branch,
Le nouveau
mouvement ouvrier amricain
Sparta
cus, 1978, p. 90). Le
spectacle
a sa
racine
dans
les relations de production,
de travail,
dans
ce
qui
est constitutif du
capital.
On p eut comprendre
le specta
cle partir
du capitalisme, non
l inverse. Spectacle et contemplation
passive sont l effet d un
phnomne
plus profond. C est la satisfaction rela
tive
de
besoins crs
par
le capital
depuis 150 ans (pain, emploi, loge
ment)
qui
suscite la passivit
dans
le
comportement. La conception thori
que
du
spectacle
comme moteur ou
comme
essence de la socit tait ida
liste.
Ainsi, l IS, la suite
de
la gauche
allemande,
reconnut
la spontanit
rvolutionn.aire, mais sans
indiquer
la
nature de
cette activit spontane. Elle
glorifia les assembles gnrales, les
conseils ouvriers,
au
lieu
d indiquer
le
contenu
de ce
que
ces formes
devraient accomplir. Finalement, elle
donna dans le
mme
formalisme
que
cette ultra-gauche dont elle moqu9it le
ct
trop
poussireux ses yeux.
L IS a
montr
les aspects religieux
du
militantisme,
pratique
spare
o
l individu agit
pour une
cause,
en
fai
sant
abstraction
de
sa vie personnelle,
en rprimant
ses dsirs
et en
se sacri
fiant
pour un
objectif extrieur lui
mme.
Sans
mme
parler de
la partici
pation des organisations politiques
classiques
jPC,
extrme-gauche
..
,
l action rvolutionnaire permanente
tourne
en effet parfois
au
militan
tisme :
tout
dvou
un
groupe, obnu
bil
par
une
c e r t a i n ~
vision
du
monde,
l individu
perd
toute
disponibilit
pour
des actes rvolutionnaires le
jour o
ils
deviennent
possibles.
Mais ce refus
du
militantisme,
au
lieu
de
s ancrer
dans
une
pratique
et
une
comprhension des rapports rels
qui peuvent empcher
le dveloppe
ment
du
comportement de
militant,
participait plut t chez l IS de l exigence
d une
attitude radicale
en
tout. A la
morale militante, elle
en
substituait
une
autre, la radicalit, aussi imprati
cable et aussi intenable.
Non o n t e ~ t e
de dnoncer
le specta
cle, l IS
entreprit de
le
retourner
contre
la socit
qui en
vit. Le scandale uni
versitaire
de
Strasb9urg,
annonant
mai
68, fut
une
russite. Mais l IS ri
gea le procd
en
systme
et
en abusa
au
point
qu il
se
retourna
contre elle
mme.
La reprise des techniques publi
citaires
et
scandaleuses
vira
bientt
la
contre-manipulation systmatique. Il
n y
a
pas
depublicit
anti-publicitaire.
Il n y a pas de bon usage des mdias
pour
faire passer des ides rvolution
naires.
Contre la fausse modestie militante,
elle se
mit
elle-mme
en
scne et gros
sit
dmesurment
son impact
sur
la
situation mondiale. Ses rfrences
rptes Machiavel, Clausewitz et
autres stratges taient plus qu une
coquetterie.
L IS tait
persuade
qu une stratgie adquate pouvait per
mettre
un
groupe assez habile de
manipuler
les mdias et
d influencer
l opinion publique
dans
un sens rvo
lutionnaire. C es t
i ~ n
la
preuve
de son
enfermement
dans la notion
de
specta
cle et,
en
dfinitive, de son incompr
hension,
par
idalisme,
du phnomne
spectaculaire.
Quand
elle
~ e
prsenta
comme
le
centre du
monde,
comme
l agent
de
la
maturation
rvolution-.
naire, etc. on
pensa d abord
qu elle iro
nisait
son
sujet.
Quand
elle
en
fit
un
leitmotiv,
on
finit
par
.se
demander
si
elle
ne
croyait pas elle-mme les nor
mits qu elle
propageait
sur son propre
compte.
L IS a fourni la meilleure approxima
tion
du communisme parmi
les tho
ries ayant
eu une
relle diffusion
sociale avant 1968. Mais elle est reste
prisonnire des vieilles illusions con
seillistes, auxquelles elle a ajout ses
propres
illusions
sur
l instauration
d un savoir-vivre rvolutionnaire.
Elle a cr
une thique o
la jouissance
tenait lieu d activit
humaine. En
cela
elle
n est pas
sortie
du
cadre capitaliste
de l abondance
permise
par
l automa
tion, se
contentant
de dcrire la fin
du
travail
comme
un immense. loisir pas
sionnant.
La gauche italienne avait pos le
communisme comme
abolition
du
march
et
rompu
avec le culte des for
ces productives mais elle avait ignor
la formidable puissance subversive de
mesures
communistes concrtes. Bor
diga repoussait la communisation aux
lendemains de
la prise
du
pouvoir. L IS
a
montr dans
la rvolution une d
marchandisation immdiate et progres
sive. Elle a
vu
le processus rvolution
naire
dans
les relations humaines.
L Etat,
en
effet,
ne peut pas
tre dtruit
sur
le
plan
militaire seulement. Mdia
tion
de
la socit, il doit aussi tre
ananti
par
la sape
des
relations capita
listes
qui
le soutiennent.
L IS a fini
dans l erreur
symtrique
de celle de Bordiga. Ce
dernier
avait
rduit
la rvolution l application
d un
programme.
L ISla
limitera
un
boule
versement
des relations immdiates.
Ni Bordiga
ni
l IS
n ont peru
la tota
lit. Le
premier conut un
tout, abstrait
des relations relles et des
mesures
pratiques, la seconde un tout sans
unit
ni
dtermination, une addition
de
points partiels
s tendant peu
peu.
Incapables de
dominer thoriquement
la totalit
du
processus rvolution
naire, ils
durent
recourir tous les deux
un
palliatif organisationnel : le parti
chez
l un,
les conseils chez l autre.
1
Dans
sa
pratique, Bordiga dperson
nalisa le
mouvement
l excs, allant
jusqu
se
nier
lui-mme et s effacer
derrire
un anonymat
auto-mutilant
qui permit
toutes les manipulations
du
PCI (bordiguiste). Au contraire, l IS
affirma l individu
jusqu
l litisme,
allant
jusqu
se
prendre pour
le centre
du
monde.
Bien
qu elle et
peu prs
totale
ment
ignor Bordiga, l IS avait contri
bu comme
lui la synthse rvolu
tionnaire
qui
s bauchait vers 1968.
La Vieille Taupe
Quand
Socialisme ou Barbarie eut
rejet
pour
de
bon
la thorie rvolu
tionnaire classique
, une
minorit
en
sortit et se regroupa
en
1963
autour
du
journal
Pouvoir Ouvrier. PO voulait
reprendre
les bons aspects de S ou
B
,
en
ignorant le
il conducteur qui
reliait
les origines de
S ou B.
sa dviation
ultrieure. PO tait en-de de la gau
che
allemande
sur
bien des points : les
syndicats, le parti, l imprialisme
et
la
question nationale, etc. En fait, y
coexistaient des tendances
ultra
gauche, unies seulement sur les ques,
tions
du
caractre capitaliste
de
la Rus
,sie et de la gestion ouvrire. A sa tte se
trouvait Vga, un des anciens de la
gauche italienne
qui
avaient rejoint S
ou
B
peu
aprs
sa
fondation. Mais ces
ex-
bordiguistes
n avaient
rien
apport de bordiguiste S ou B.
n ayant
trouv dans la gauche italienne
qu un
lninisme
plus pur
que celui des
trotskystes, complt
par
les thses
sur
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ment continuer
:
prendre un nombre
de mesures simples mais qui rompent
avec la logique capitaliste, afin que la
grve dmontre sa capacit de faire
fonctionner utrement
la
socit ;
rpondre aux besoins sociaux (ce qui
rallierait les
hsitants,
la
classe
moyenne,
que
la violence - produit
d un blocage, raction impuissante
devant l impasse- inquite) par
la
gra
tuit des transports, des soins, de la
nourriture, par la gestion collective des
centres de distribution, la grve des
paiements (loyers, impts, traites) ; et
montrer
ainsi
que
la bourgeoisie
et
l Etat sont inutiles.
Le communisme
ne
fut prsent en
1968 que comme vision. Mme les
ouvriers hostiles aux syndicats
ne
fran
chirent pas le pas, les
l ~ n t s
rvolu
tionnaires
parmi eux tant
l exception.
Preuve supplmentaire de faiblesse, la
confusion qui entoura le meeting de
Charlty, fin mai. Charlty, tentative
de dpassement politique, de prolonge
ment du mouvement social sur le plan
de pouvoir d Etat, Charlty o se
retrouvrent
une
bonne partie des gau
chistes mais aussi de la gauche des
syndicats (notamment CFDT), o l on
vit aussi un personnage dont on a
rcemment
voulu faire un hros natio
nal,
11n
De Gaulle de gauche : Mends
France. Charlty fut le
maximum
de
conscience et
de
ralism politiques
dont fit preuve le mouvement de
Mai. D un
ct le rve : les conseils.
De l autre la ralit : un vrai gouverne
ment rformateur, o beaucoup se
voient
jouer
les Lnine
de
ce Mends
Krensky.
On peut aujourd hui en
sou
rire mais si la solution Mends l avait
emport, beaucoup de contestataires
l auraient soutenue.
Un an
plus tard,
deux jeunes ouvriers, qui tiraient la
VT un tract rappelant l ampleur rvo-
lutionnaire de mai 68, prcisaient :
Nous
n oublions pas Charlty .. En
1981, Mitterrand ralisera enfin les
espoirs de Charlty.
L aprs-mai
Aprs la fin
de
la grve, nous avons
tous commis l erreur d escompter une
clarification. C tait mconnatre la
nature
du mouvement,
et
oublier
qu en
pripde rvolutionnaire -
ou de
secousse comme 1968 - tou tes les
organisations et idologies prosprent,
y compris les contre-rvolutionnaires.
Le gauchisme, en particulier, est
venu donner
de faux
buts
rvolution
naires une rptition gnrale qui:
n avait pas exist. Or, l aprs -mai ne
pouvait tre que contre
rvolutionnaire, revendication d une
libert en tous sens, y compris par rap
port au mouvement rvolutionnaire.
L explosion n ayant pas modifi les
structures fondamentales, son nergie
se dispersa contre les institutions pri
mes, dans les
murs,
etc.
Prenant le relais du stalinisme, le
gauchisme poussa un
terme
extrme
la dpossession capitaliste tout eil pr
sentant cela comme le remde cette
dpossession._ L homme capitalis est
priv de racines. Le gauchiste en remit
dans la dsidentification. Vivant dans
un autre monde, le militant se projeta
dans
un
autre
lui-mme,
aux
cts
du
proltariat avec les pays socialis
tes ou
avec
le tiers-monde. La
crise du gauchisme, quelques annes
plus
tard, dclencha le
phnomne
inverse : la qute d identit. Chacun
fut dsormais la recherche
du
groupe particulier o il trouverait ses
racines naturelles (fminisme,
rgionalisme, identit homosexuelle,
etc.).
Toutes les idologies furent revitali
ses, le lninisme comme l anar
chisme.
On ne
doit
pas
regretter
leur
dclin actuel. Cette foire aux illusions
dboucha naturellement sur son auto
critique : on passa du militantisme la
vie quotidienne. Si l individu est la
forme d existence
bourgeoise par
excellence, et l gosme [ .. ] l essence
( .. ] de la socit actuelle [ .. ] dcompo-
se
en
atome
(Marx), la socit bour
geoise a toujours aussi runi ces ato
mes en
groupes. La privatisation
de
la
vie et la difficult cro issante d avoi r
une
activit collective non marchande
entranent une
polarisation
o l on
tend soit se nier comme personne
pour ne plus
exister
que dans
un
groupe, soit refuser toute organisa
tion pour
ne
plus vivre que comme
individu.
On
pose la fausse alterna
tive : l homme est-il d abord lui
mme ou social
?
L activit est
elle menace davantage
par
l indivi
dualisme ou par le rackett de groupe ?
L ide que seule compte la vie int
rieure, quotidienne, renverse sans la
critiquer l ide
du
militant
qui
doit
intervenir
sur
l extrieur,
non
sur soi.
Quotidiennisme
et
militantisme
s entretiennent comme un couple
dchir qui jamais ne se sparera. La
critique morale du militant rate son
but. Le militant
n est
pas un pauvre
type,
frustr d affection. Le militan
tisme est l illusion invitable
d une
activit possible dans un monde qui la
rend
presque impossible, un moyen
mystifi
d chapper
. la passivit
dominante. On cherche pour agir un
autre motif que sa propre condition, on
sort de soi, on trouve un dynamisme
dans des ralits
ou
des ides extrieu
res sa vie propre: le proltariat,
la rvolution ou, plus
moderne
: la
radicalit
le dsir.
On a tout critiqu aprs mai, sauf le
ciment de ce tout, le
tout
lui-mme.
L absence d offensive au centre de gra
vit social obligeait les critiques tous
azimuts respecter chacune les bornes
de sa propre production. Dans
un
cadre gnral diffrent, elles
auraient
produit tout autre chose ; rien ne con
duisant vers
une
rvolu,tion, elles ont
reflu. Ces no-rformismes sont diff
rents de l ancien : ce dernier avait un
projet l chelle de la socit (la ror
ganiser autour
du
travail constitu
en
force unifie), les
premiers renoncent
changer la socit
pour
s y amnager
seulement un espace libre.
La
libration
de la femme, de la
sexualit, des murs, etc. est une frag
mentation.
On
spare
en
soi
une
fonc
tion des autres. Au lieu d aller vers
l tre
total, multiple,
on
se dcoupe,
on
se
comprend
et
on
se dfend tour
tour comme femme, comme consom
mateur,
somme
producteur, comme
breton, etc., alors que les intrts de
ces catgories s opposent les uns aux
autres.
Oftrussit
ainsi le
tour de
force
de crer en soi la division
que
le capital
s efforce d entretenir
au
sein
du
prol- .
tariat. /
L auto-organisation dans l entre
prise, en France, s croule aprs juin
1968, l o elle s tai t ins taure . Le
mai
rampant
italien fait surgir
en
1969-70 des conseils dont le chef de
la CGIL reconnat qu ils se sont trans
forms en institutions para-syndicales.
Les conseils ne parviennent pas se
constituer
en
organisations de masse
embrassant toute la vie sociale, et ras
semblant, plus que _les producteurs,
toute la population laborieuse. Il
n y
a
plus de place pour un mouvement
ouvrier
l ancienne. L espoir moder
niste style CFDT d une nouvelle classe
ouvrire recomposant
l unit
de travail
et capable de le grer se brise
sur
la
ralit du besoin d une couche peu
27
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qualifie, nombreuse, mallable, tou
jours
ncessaire
au
capital. L autoges
tion
ne
sert
qu'
faire croire
qu'elle
serait possible.
En Italie, la situation volue plus
lentement mais finit par faire appa
ratre
ses
propres tendances.
La
premire phase du mouvement
dura de 1968 jusque
dans
l'hiver
1971. Elle
fut caractrise par
des
luttes ouvrires qui firent leur appari
tion en dehors
de
la
sphre
d'influence
des
syndicats et
des
organisations politiques.
On vit
alors
se constituer en Italie l'quivalent
des
comits d'action ouvriers qui
se
manifestrent en France durant le
mois de mai avec cependant une dif-
frence essentielle : en France, les
comits d'action furent trs rapide
ment expulss de l'entreprise par la
puissance
des
syndicats,
ce
qui les
obligea en pratique ne
pas
s'illu
sionner
dans le
cadre troit de
l'entreprise. Dans la mesure o
la
situation gnrale ne permettait
pas
d'aller plus loin,
ces
comits disparu
rent plus ou moins rapidement. En
Italie, au contraire,
dans
un premier
temps, des comits ouvriers purent
s'organiser dans
les entreprises
elles-mmes. ( ..) l se forma alors
une multitude de cmits
dans
les
entreprises, isols les uns
des
autres, qui s'adonnrent tous syst
matiquement la remise en question
des cadences
de travail et accessoi
rement au sabotage.
(
..
) Quant
la
lutte ouvrire, elle
ne rencontrait pas de rsistance.
C'est
ce
qui
la
dsarma.
Elle
ne put
que
s'adapter
aux conditions de la
socit capitaliste.
De
leur ct, les
syndicats (
..
) remodelrent leurs
organisations d'usine suivant le
modle de comits autonomes
apparus
dans
les luttes rcentes. ,
e
Mouvement Communiste no 1,
1972:
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dise [ ..]. Certes, Lnine, Trotsky et
mme
Marx,
ont cru
parfois dceler
des possibilits rvolutionnaires dans
les coutumires crises cycliques, sans
jamais les considrer indispensables.
La
ralit a t l'encontre de l'espoir,
trs nettement pendant la dernire
vraie crise (1929-33) [ .. ] les problmes
concrets de la rvolution
communiste
ne se
dessinaient
pas comme
aujourd'hui, nettement, travers tous
les rapports
du
capitalisme, p ~ u v s
de plus en plus comme
autant
de con
traintes insupportables et inutiles.
C'est partir de l, et non pas de la
panne
des fonctions conomiques
que
le proltariat doit s'organiser contre le
systme.
/
Miser sur la crise de surproduction
est refuser de se battre
sur
un autre ter
rain
que
le
plus
avantageux
l'ennemi
. [ ..]. Les actions de classe
qui
rveille
ront
la conscience rvolutionnaire chez
des dizaines de milliers de travailleurs,
puis chez des centaines de millions,
devront tre entreprises partir des
conditions de travail,
non
de chmage,
partir
des conditions politiques et des
conditions
de
vie sous leurs multiples
aspects [ ..
].
La pratique. rvolution
naire
l'heure
actuelle prend son point
de dpart dans la ngation
de
tous les
aspects fonctionnels du capitalisme, et
doit opposer
chacun
de ses probl
mes les solutions de la rvolution com
muniste. Aussi longtemps qu'une frac
tion
au
moins de la classe ouvrire
n'entreprendra
pas ce type
de
luttes,
quelle que soit la conjoncture capita
liste il pourrait avoir une crise dix
fois plus forte que la dernire, que la
conscience rvolutionnaire reculerait
encore. Car, en dehors de la lutte pour
changer les structures et superstructu
res devenus ractionnaires, touffantes
mme
lorsqu'elles fonctionnent
dans
les meilleures conditions, il ne peut
avoir conscience, ni parmi le prolta
riat,
ni
chez les rvolutionnaires.
Ce qui doit servir de ractif la
classe ouvrire, ce
n'est
pas l'accident
d'une grande crise de surproduction
qui ferait regretter les 10 ou 12 heures
de
corves l'usine ou
au
bureau, mais
la crise du systme de travail et d'asso
ciation capitaliste, qui, elle, est perma
nente,
ne
connat pas de frontires, et
s aggrave mme avec une croissance opti
male du systme. Ses funestes effets
n'pargnent ni les zones industriali
ses, ni les arrires, la Russie et ses
satellites pas plus que les Etats-Unis.
34
C'est l le plus important atout du pro
ltariat mondial. Il s'en rendra mieux
compte dans des onditions norma-
les , o la ralit
n'apparat
pas mas
que par
une
situation de famine.
, (Munis, pp 96 et 97).
Le
facteur
d c i s i f ~ e s t j a m a i s l e s s o r
ou le blocage de la crbissance, mais la
configuration des forces. sociales en
prsence. En 1917-21, l'attaque prol
tarienne dmarra
sur une
crise politi
que
et conomique. Aprs 1929, mal
gr l'arrt de l'expansion (d'ailleurs
partielle) des annes 20, le rapport de
force penchait
lourdement
du ct
du
capital, des bourgeoisies occidentales
comme de la contre-rvolution en
URSS. Alors qu'en 1917-21 le prolta
riat avait profit (mal, mais tout de
mme .. ) des contraste.s politico
sociaux,
en
1929,
il tait
dans
l'incapa
cit de tirer parti de la dpression
Lorsqu'clata la crise de 1929, la vague
principale de l'
~ s u t
proltarien avait
dj dferl et, l'chel le
de
la plante,
le proltariat tait battu. Tel n'est pas
le cas aujourd'hui. Pourtant, la thse
de
Munis semble garder toute sa
valeur, comme le montre le comporte
ment
des proltaires depuis 1974.
Cette anne-l
apparut au grand jour
une crise qui depuis n'a cess de
s'approfondir. Elle s'attaque aux prol
taires directement -
leur
pouvoir
d'achat
baissant
de
10%
aux
Etats-Unis
en 1979 et 1980, et
indirectement-
le
chmage leur rendant plus vive la con
currence avec les enfants des classes
moyennes
pour
l'accession aux postes
de petits employs. Contrairement aux
annes
60,
le noyau jusque-l protg
des salaris
le
travailleur adulte, mas
culin et national, c'est--dire le qualifi
ou le syndiqu, ou les deux) voit ses
avantages rogns. Il fait son tour
l'exprience
du
travail prcaire. La
bourgeoisie branle ses points
d'appui
en
milieu ouvrier, elle rationalise la
production en liminant les moins pro
ductifs et
en
laissant se dgrader les
services sociaux. Dans un premier
temps, elle tente de relever les caden
ces
pour
rattraper la perte de producti-
vit, ce qui dclenche les nombreuses
grves sauvages du dbut des annes '
70. Elle s'efforce dsormais de restruc
turer
la production en profondeur.
Depuis sept ans, les travailleurs
mnent une
action dfensive
qui
rem
porte le plus souvent
un
demi-succs.
Ni le capital ni le travail ne s'imposent,
le second ragissant aux coups du pre-
mier. La capacit du systme amortir
les coups est frappante.
L'enjeu immdiat des luttes ouvri
res est le plus souvent de conserver un
salaire intact et
un
emplbi. LIP est
l'exemple le plus fameux du phno
mne
caractristique de la priode : la
dfense communautaire contre les fer
metures
d'usine. De telles luttes,
qui
constituent les travailleurs en commu
nauts d'entreprise et les enferment,
taient apparues avant LIP, dans le tex
tile
par
exemple,
et ne
sont cantonnes
ni la France ni l'Europe : le Japon
aussi connat de nombreux mouve
ments comparables.
A l'i nverse de ce '
que
croient
ou
disent les ouvriers de ces work-in,
du
moins de ceux
qu'on
connat, ils ne
cherchent pas produire autrement
tout
en
restant salaris, ils sont d'abord
en qute d'une entreprise : ils devien
nent leur propre patron en attendant \
d'en trouver un vrai.
Hors ces murs nous ne sommes
plus rien.
Joe Toia
9
ans dpanneur chez
Chrysler Detroit expliquant pour-
quoi les. ouvriers
ont
refus de faire
grve contre leur entreprise
en iffi-
cult.
Ces mouvements naissent en rac
tion la rorganisation industrielle. Il
est arriv que des ouvriers, l'instar
des mtallurgistes du
Bade
Wurtemberg en 1978, fassent payer
au
capital leur dclassification, les patrons
s'engageant garantir
aux
salaris tou
chs
par
l'volution technologique un
emploi quivalent et leur paie ant
rieure.
Obtenu par
16 jours de grves
et
13
de
lock-out
pour 240 000
salaris,
cet accord concerne 40 des mtallur
gistes allemands. Mais de tels amna
gements sont l'exception. Pour l'ins
tant, la rorganisation est encore dans
les limbes et
autant on
connat les pro
jets et dbuts de ralisation en roboti
que, autant on ignore le rythme de son
introduction. La question est bien loin
d'tre purement technologique : le
degr et la rapidit de la robotisati0n,
les formes prises par les investisse
ments et
l'innovation
dpendent
des
relations entre les classes. D'une
manire gnrale, il semble que le
capital
ne
peut plus recycler les exclus
de
l'industrie
comme
il recycla autre
fois les exclus des campagnes.
On
s'aperoit
mieux que
la
chute de
la rentabilit dcoule des contraintes
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37/76
que
fait
peser
la parcellarisation exces
sive
du
travail
sur
la valorisation, et
des contraintes
de
la reproduction de
toutes les conditions de vie par le capi
tal,
car
cette production inclut des ser
vices
qui ne
sont pas reproductibles
comme
des objets de consommation
faits
en
srie.
Dans
les services collec
tifs, la productivit
ne peut
tre celle
de l industrie. Et si l Etat les
prend en
charge, c est
au
dtriment
de
la collec
tivit capitaliste.
L une
des solutions serait de passer
du
systme des
machines au
systme
automatique,
qui
a sa cohrence
interne feedback, autorgulation, pro
grammation et
non
simple excution
d ordres
donns). Les machines sont
asservies, c est--dire rgles
entre
elles, l objectif
tant de
raliser
un
auto-contrle. Il s agit
moins de se
pas
ser de
l homme que
de le
rendre plus
productif.
On
le surveille mieux, mais
surtout on
l organisera de faon ce
que
le travail,
mme
sans surveillance,
ne
puisse
qu tre
bien fait, la con
trainte
machinique
y suffisant.
C est bien
un autre
visage de l utopie
capitaliste.
Quand
l enrichissement
des tches
tait cens
remdier
au
travail
en
miettes G.
Friedmann)
de l OS,
on
a exagr la porte
de
l expri ence Volvo,
qui donna
des
effets sociaux et conomiques mdio
cres. Avec
ou
sans le renfort de l lec
tronique, l auto-exploitation prolta
rienne ne sera jamais un
phnomne
massif.
Jusqu
prsent, il
ne
semble
pas que
le capital soit apte dgager et installer
les investissements
normes
ncessai
res cette restructuration.
Une
dvalo
risation gnrale, dans
une
secousse
sociale
dont
on ne peut
prvoir la
forme, les rendrait plus aiss. La dva
lorisation apporte
par une
crise est
plus
qu un
fait conomique,
c est une
redistribution des cartes
au
sein
de
la
bourgeoisie
et une
rorganisation poli
tique,
de
nouvelles formes
de
pouvoir,
de nouvell es mdiations travail-capital,
comme
on
le vit la faveur
du
double.
choc
de
1914-18, puis
de
1939-45.
Du
point de vue
des travailleurs,
l enjeu,
comme au
moment
de
l instau
ration
de
l OST,
n est pas uniquement
l emploi et la rmunration. Il s agit
de
la transformation du travail,
que
l vo
lution capitaliste voudrait
plus rythm
par
l entreprise, mieux contrl. Tout
travail simple peut tre automatis. Le
. choix est social : faut-il
transfrer un
poste
de
travail
dans un pays
l une ou
l autre, l autonomie fut
main-d uvre boQ march? Mais l expression
du
ressentiment antipoliti
alors,
que
faire des
chmeurs
ainsi pro-
que et
anticapitaliste, port
par
des
duits
dans
le pays industriel avanc ? couches plus
ou
moins marginalises
Ou
bien, va-t-on robotiser
l usine?
suivant les pays.
Mais
comment
ragir ce
que
les sala- Ce
n est pas
un hasard si l autonomie
ris
vont exiger?
En 1974, les OS
de
a
tant
prolifr
en
Italie.
En
raison
des
l automobile franaise, immigrs de particularits de la formation de
l unit
frache date, avanaient des revendica- nationale, l Etat italien est moins pr
tions classiques. En 1983, les OS pein- sent, de manire moins directe qu en
tres
de Renault, souvent immigrs
de
France,
dans une
vie sociale
et
politi
la seconde gnration et dsireux de
que moins
centralise. S il existe
en
demeurer en
France,
dans
l entrepris e, Italie
un
fort secteur nationalis, ses
ont
lutt
dans
un atelier
menac
units sont
devenues
des fiefs chap-
. d automatisation,
pour
obtenir le statut
pant
l Etat. L conomie italienne
d OP
qui garantit un recyclage aprs la affronte la crise
en s appuyant sur
l ini
modernisation de l atelier. Vivant des tiative d entreprises prives et