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Les sites pollu&. Traitement des sols et des eaux souterraines Paul Lecomte Lavoisier Tee 8 Dot, 1998 (Ze edition), 208 p., 250 F. E n 1995 paraissait la premiere edition de I’ouvrage consacre par Paul Lecomte aux sites pollues et, le sous-titre est explicite, au traitement des sols et des eaux souterraines. Trois annees ont passe et une deuxiome edition, partiellement remaniee, est deja necessaire : c’est dire a la fois Factual&e du probleme trait& I’in- t&et manifeste par ceux qu’il concerne et I’evolution rapide des connaissances en ce domaine. Comme le rappelle I’auteur au debut de son livre, la France n’a pris conscience que tres recemment de I’importance en nombre, en surface et en diversite des sites pollues. Si en 1993 le bureau Frost and Sul/ivun estimait qu’il pourrait y avoir sur le territoire national environ 100 000 sites contamines dont 20 000 a nettoyer rapidement, d’autres pensent que ces chiffres sont a multiplier par trois... Quant aux coats globaux de la depollution, ils inquietent aussi bien les industriels que les collectivites territoriales ou les respon- sables ministeriels : 200 a 300 millions de francs pour le site du Grand Stade de France, peut-etre un milliard de francs pour Salsigne et ses alentours (si I’on veut vraiment revenir au referentiel geochi- mique anterieur). Encore faut-il savoir ce que I’on entend par site contamine : c’est le but que se donne en premier lieu I’au- teur qui fait sienne la definition proposee par J. Ricour : e espace 00 se sont exercees ou s’exercent des activites de production, de transformation, de transport, de service... et qui, du fait de negligence, de defaut de conception ou de maintenance, conduit a I’apparition de dommages et risques immediats ou differ& pour les usagers, les riverains actuels ou futurs et I’environnement *. Puis il propose une classification multicritere pouvant permettre, entre autres, de determiner des urgences. Les pages suivantes (p. 13-43), sont d’une importance indeniable puisqu’elles sont consacrees au diagnostic environne- mental, fort bien explique dans toutes ses phases. Avec raison, I’auteur insiste sur I’interpretation et la synthese finales mettant ainsi en valeur I’importance pour I’expertise du choix de criteres prioritaires. Puis il traite de I’analyse du danger (p. 45-63). A ses yeux, trois facteurs cl& doivent Ptre pris en compte : la source, le vecteur, la cible. On retrouve la une analyse qui n’est pas partagee par toutes les personnes concernees par la definition des dangers suscites par les sites pollues. L’essai de typologie des risques ou dangers que I’auteur presente ensuite a le merite d’une clarte indeniable saris pour autant permettre des certitudes absolues : la aussi le recours aux expertises peut donner lieu a de nombreuses polemiques et il est evident que de longues recherches seront encore necessaires. P. Lecomte constate d’ailleurs qu’un facteur de subjec- tivite significatif est lie a I’utilisateur et nous precise que I’analyse d’un meme site avec la meme methode par plusieurs personnes aboutit souvent a des diver- gences pouvant conduire a des decisions differentes. Le flou constate dans les travaux francais risque d’ailleurs de perdurer, les methodes developpees aux Pays-Bas ou aux Stats-Unis n’apportant guere plus de certitudes. Une fois pass&es les phases du diagnostic environnemental et de I’ana- lyse du danger, en depit des doutes pouvant persister quanta la pertinence des methodes mises en ceuvre, se pose le probleme de la decontamination. Lauteur est conscient de son importance puisqu’il lui consacre plus de la moitie de son livre (p. 65-173). Apres avoir insiste sur la necessite d’une bonne adequation entre le niveau de rehabilitation souhaite, la qualite de vie de la population (concept 6 combien subjectif), I’equilibre des ecosys- temes locaux et les contraintes technico- financieres a mettre en regard, I’auteur ne cache pas que les objectifs de depollution a fixer doivent rester raisonnables, c’est-a- dire cantonnes par ce qu’il definit comme x la realite technico-financiere a. Si on le comprend bien, la decontamination d’un site est affaire tout autant de politique que de technique... Cela peut expliquer inci- demment les lenteurs et atermoiements du recensement (1 officiel * des sites poten- tiellement pollues, d’aucuns craignant que la publication exhaustive des listes deja etablies n’entraine des pressions trop fortes dans le but d’exiger diagnostics, analyses de danger et in fine decontami- nation pour nombre de ces anciennes friches industrielles, carrieres comblees avec des dechets et autres. A supposer neanmoins que pour un site, en depit de la complexite de la demarche d’etude de faisabilite, la decision de decontamination soit prise, diverses techniques peuvent alors etre mises en ceuvre. On sent que I’auteur est la plus a I’aise que dans les pages precedentes pour les exposer. C’est avec brio et clarte qu’il presente successi- vement les methodes physiques par evacuation (excavation, pompage, pompage-ecremage, lavage,...) ou par piegeage de la pollution (confinement, stabilisation, inertage,... ), les methodes chimiques et thermiques (incineration, desorption, pyrolyse, vitrification) saris oublier les methodes biologiques (bioreac- tion, bioventing, biosparging, phytoremtidiu- tion,...). Les coats des unes et des autres ne sont pas occult& en conclusion de cette partie et on comprend alors I’importance des choix initiaux de niveau de depollu- tion a atteindre. Ce panorama aurait ete incomplet si Paul Lecomte n’avait pas traite des aspects reglementaires et des problemes poses par les assurances et la prevention (p. 175- 194). Dans ce domaine Pgalement, son ouvrage est d’une grande nettete, allant a I’essentiel. Mais il est probable que la reglementation d’une part, la jurispru- dence d’autre part connaitront des evolu- tions au tours des prochaines annees. Clobalement, la lecture de ce livre me semble indispensable a toute personne interessee par le sujet et je ne partage pas le pessimisme teinte de modestie de sa conclusion qui lui fait predire que son ouvrage ne restera pas longtemps sur les rayons des bibliotheques et qu’il sera exile rapidement vers les archives. Frederic Oge (CresalKNRS) La biosphere Wladimir Vernadsky Diderot, COIL * Latitudes n, 1997, 288 p., 49 F. S oixante-dix ans apres la premiere paru- tion de I’edition francaise, voici La biosphere de Wladimir Vernadsky reeditee. A I’heure oti I’ecologie est devenue planetaire, comment ignorer les lecons du u pere de I’ecologie globale n, pour reprendre I’expression de Jean-Paul Deleage, auteur d’une remarquable et riche preface intitulee * Wladimir Vernadsky, penseur de la biosphere s. De fait, il faut bien reconnaitre que, trop en avance sur son temps, Vernadsky n’a guere influence I’evolution de I’ecologie NSS, 1999, vol. 7, n” 2, 83-89 / 0 Elsevier

,La biosphère Wladimir Vernadsky Diderot, coll. « Latitudes (1997) 288 p

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Les sites pollu&. Traitement des sols et des eaux souterraines Paul Lecomte Lavoisier Tee 8 Dot, 1998 (Ze edition), 208 p., 250 F.

E n 1995 paraissait la premiere edition de I’ouvrage consacre par Paul

Lecomte aux sites pollues et, le sous-titre est explicite, au traitement des sols et des eaux souterraines. Trois annees ont passe et une deuxiome edition, partiellement remaniee, est deja necessaire : c’est dire a la fois Factual&e du probleme trait& I’in- t&et manifeste par ceux qu’il concerne et I’evolution rapide des connaissances en ce domaine.

Comme le rappelle I’auteur au debut de son livre, la France n’a pris conscience que tres recemment de I’importance en nombre, en surface et en diversite des sites pollues. Si en 1993 le bureau Frost and Sul/ivun estimait qu’il pourrait y avoir sur le territoire national environ 100 000 sites contamines dont 20 000 a nettoyer rapidement, d’autres pensent que ces chiffres sont a multiplier par trois... Quant aux coats globaux de la depollution, ils inquietent aussi bien les industriels que les collectivites territoriales ou les respon- sables ministeriels : 200 a 300 millions de francs pour le site du Grand Stade de France, peut-etre un milliard de francs pour Salsigne et ses alentours (si I’on veut vraiment revenir au referentiel geochi- mique anterieur). Encore faut-il savoir ce que I’on entend par site contamine : c’est le but que se donne en premier lieu I’au- teur qui fait sienne la definition proposee par J. Ricour : e espace 00 se sont exercees ou s’exercent des activites de production, de transformation, de transport, de service... et qui, du fait de negligence, de defaut de conception ou de maintenance, conduit a I’apparition de dommages et risques immediats ou differ& pour les usagers, les riverains actuels ou futurs et I’environnement *. Puis il propose une classification multicritere pouvant permettre, entre autres, de determiner des urgences.

Les pages suivantes (p. 13-43), sont d’une importance indeniable puisqu’elles sont consacrees au diagnostic environne- mental, fort bien explique dans toutes ses phases. Avec raison, I’auteur insiste sur I’interpretation et la synthese finales mettant ainsi en valeur I’importance pour I’expertise du choix de criteres prioritaires. Puis il traite de I’analyse du danger (p. 45-63). A ses yeux, trois facteurs cl& doivent Ptre pris en compte : la source, le vecteur, la cible. On retrouve la une analyse qui n’est pas partagee par toutes les personnes concernees par la definition des dangers suscites par les sites pollues. L’essai de typologie des risques ou dangers que I’auteur presente ensuite a le merite d’une clarte indeniable saris pour autant permettre des certitudes absolues : la aussi le recours aux expertises peut donner lieu a de nombreuses polemiques et il est evident que de longues recherches seront encore necessaires. P. Lecomte constate d’ailleurs qu’un facteur de subjec- tivite significatif est lie a I’utilisateur et nous precise que I’analyse d’un meme site avec la meme methode par plusieurs personnes aboutit souvent a des diver- gences pouvant conduire a des decisions differentes. Le flou constate dans les travaux francais risque d’ailleurs de perdurer, les methodes developpees aux Pays-Bas ou aux Stats-Unis n’apportant guere plus de certitudes.

Une fois pass&es les phases du diagnostic environnemental et de I’ana- lyse du danger, en depit des doutes pouvant persister quanta la pertinence des methodes mises en ceuvre, se pose le probleme de la decontamination. Lauteur est conscient de son importance puisqu’il lui consacre plus de la moitie de son livre (p. 65-173). Apres avoir insiste sur la necessite d’une bonne adequation entre le niveau de rehabilitation souhaite, la qualite de vie de la population (concept 6 combien subjectif), I’equilibre des ecosys- temes locaux et les contraintes technico- financieres a mettre en regard, I’auteur ne cache pas que les objectifs de depollution a fixer doivent rester raisonnables, c’est-a- dire cantonnes par ce qu’il definit comme x la realite technico-financiere a. Si on le comprend bien, la decontamination d’un site est affaire tout autant de politique que de technique... Cela peut expliquer inci- demment les lenteurs et atermoiements du recensement (1 officiel * des sites poten- tiellement pollues, d’aucuns craignant que la publication exhaustive des listes deja etablies n’entraine des pressions trop fortes dans le but d’exiger diagnostics, analyses de danger et in fine decontami-

nation pour nombre de ces anciennes friches industrielles, carrieres comblees avec des dechets et autres. A supposer neanmoins que pour un site, en depit de la complexite de la demarche d’etude de faisabilite, la decision de decontamination soit prise, diverses techniques peuvent alors etre mises en ceuvre. On sent que I’auteur est la plus a I’aise que dans les pages precedentes pour les exposer. C’est avec brio et clarte qu’il presente successi- vement les methodes physiques par evacuation (excavation, pompage, pompage-ecremage, lavage,...) ou par piegeage de la pollution (confinement, stabilisation, inertage,... ), les methodes chimiques et thermiques (incineration, desorption, pyrolyse, vitrification) saris oublier les methodes biologiques (bioreac- tion, bioventing, biosparging, phytoremtidiu- tion,...). Les coats des unes et des autres ne sont pas occult& en conclusion de cette partie et on comprend alors I’importance des choix initiaux de niveau de depollu- tion a atteindre.

Ce panorama aurait ete incomplet si Paul Lecomte n’avait pas traite des aspects reglementaires et des problemes poses par les assurances et la prevention (p. 175- 194). Dans ce domaine Pgalement, son ouvrage est d’une grande nettete, allant a I’essentiel. Mais il est probable que la reglementation d’une part, la jurispru- dence d’autre part connaitront des evolu- tions au tours des prochaines annees.

Clobalement, la lecture de ce livre me semble indispensable a toute personne interessee par le sujet et je ne partage pas le pessimisme teinte de modestie de sa conclusion qui lui fait predire que son ouvrage ne restera pas longtemps sur les rayons des bibliotheques et qu’il sera exile rapidement vers les archives.

Frederic Oge (CresalKNRS)

La biosphere Wladimir Vernadsky Diderot, COIL * Latitudes n, 1997, 288 p., 49 F.

S oixante-dix ans apres la premiere paru- tion de I’edition francaise, voici La

biosphere de Wladimir Vernadsky reeditee. A I’heure oti I’ecologie est devenue planetaire, comment ignorer les lecons du u pere de I’ecologie globale n, pour reprendre I’expression de Jean-Paul Deleage, auteur d’une remarquable et riche preface intitulee * Wladimir Vernadsky, penseur de la biosphere s.

De fait, il faut bien reconnaitre que, trop en avance sur son temps, Vernadsky n’a guere influence I’evolution de I’ecologie

NSS, 1999, vol. 7, n” 2, 83-89 / 0 Elsevier

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alors naissante. Pourtant, comme le souligne Jean-Paul Deleage, sa vision de la planete Terre etait premonitoire et la premiere partie de son ouvrage - = La biosphere dans le cosmos * - merite encore toute notre attention, meme si le relais a ete pris avec succes par Lovelock avec sa promotion de Ca’ia. L’evolution des sciences est ainsi que, en depit d’ori- gines souvent multiples, et c’est le cas de l’ecologie, elles connaissent des phases qui voient leur parcours canalise, appro- prie par un point de vue dominant. C’est ce qu’a connu I’ecologie, dominee par une pensee naturaliste, puis evolutionniste et modelisatrice des annees 50 jusqu’aux annees 80 : annexee par la biologie ; se trouvaient ainsi negligees aussi bien la nature n terrestre ” que la sensibilite * humaine m, e societale n. Prenez les manuels d’ecologie publies au long de ces decennies, que ce soit en France ou dans le monde anglo-saxon : Vernadsky en est absent, comme I’ecologie = globale n. II faut attendre la fin des annees 80 pour qu’un renversement sop&e.

Voila pourquoi il faut lire Vernadsky. Sa presentation de la * biosphere dans le cosmos * est encore une lecon, meme si la biogeochimie a beaucoup progresse depuis, meme si on realise aujourd’hui, en cette fin de XXe siecle, que la revolution industrielle et le succes ecologique de I’Homo economicus ont fait de la biosphere un objet de recherche bio-gee-social, un systeme planetaire a fonctionnement anthropocentre.

Vernadsky, il est vrai, fut a bonne ecole : fils d’un professeur d’economie politique, il a d’eminents professeurs a I’universite de Petersbourg, avec le chimiste Mendeleiev et le fondateur de la pedologie, Dokouchaev. Sa vision plane- taire de I’ecologie, telle qu’elle apparait dans I’ouvrage et qui lui fait donner au mot de biosphere (tree par le geologue autrichien Eduard Suess) son sens moderne, sa valeur de concept structurant, en fait un des grands precurseurs de I’eco- logie moderne.

Certes, I’ecologie des populations et des communautes a beaucoup evolue depuis, de sorte que la deuxieme partie du livre - ” Le domaine de la vie n - n’a plus qu’un inter& historique. On peut en dire autant de I’appendice consacre a s Revolution des especes et la matiere vivante 11, encore qu’il s’acheve sur une belle lecon pour les specialistes d’aujourd’hui : m II est inutile d’insister sur I’extreme accroissement de la pression de la vie dans la biosphere provoque par I’apparition de I’Homo sapiens evolue, qu’on peut, semble-t-il,

appeler en combinant la terminologie de Linne et celle de Bergson et en en@Oyant

la triple caracteristique de I’espece I’Homo sapiensfaber. La pensee de l’lfomosapiens faber est un nouveau fait qui bouleverse la structure de la biosphere apres des myriades de siecles. n (p. 268).

Voila pourquoi, 8 mon avis, le concept de biosphere prend tout son sens et depasse largement celui d’ecosysteme que I’on a juge, dans les decennies 40-80, plus operationnel et suffisant.

Voila pourquoi il faut lire Vernadsky. Robert Barbault

(Institut federatif d’&ologie/CNRS)

Les paysans francais T. I. Le travail, les metiers, la transmission des savoirs T. 2. Souffrances et resistances des paysans francais : violences des politiques publiques de modernisation Cconomique et culturelle Michele Salmona Lharmattan, toll. Alternatives rurales *, 1994, T. I : 371 p., 190 F ; T.2 : 254 p., 140 F.

C et ouvrage rigoureusement construit autour d’une problematique d’anthro-

pologie du travail est, comme le dit C. Dejours dans sa preface, plus qu’une recherche d’anthropologie. C’est une ceuvre. Lceuvre d’une vie. C’est aussi un livre qui marque par la beaute de ses concepts et donne a entendre la parole du corps et de la derive, echappant ainsi a la seule argumentation rationnelle. Cest done un livre pleinement esthetique. C’eSt encore un travail qui relie de facon essen- tielle la recherche et I’action, qui invite en analysant les pratiques des autres, ces paysans courbes sur la terre ou engages a bras le corps dans leur elevage, a analyser nos propres pratiques de cher- cheur, de formateur ou de politique. Au-dela des approches anthropologiques, enrichies des apports de la sociologic clinique, de I’ethnologie et de I’ethnogra- phie de terrain, soulignant la complexite des rationalites economiques des agricul- teurs, I’oeuvre de Michele Salmona se lit comme une reflexion ethique majeure sur ces mondes agricoles engages dans la souffrance et le plaisir du travail animalier et percutes par les mutations violentes de ce qu’on a appele le developpement. Nous sommes done, avec ces deux livres, faut-il le preciser, au plus proche des agri- culteurs consider& comme sujets avec toute leur profondeur psychologique, et bien loin d’une approche abstraite ou fonctionnaliste.

Voici 25 ans que les recherches de Michele ouvrent des chemins aux miennes, que nous nous renvoyons nos questions, hypotheses, trouvaifles.. que nous partageons nos desarrois. Que nous testons et tentons des modes d’interven- tion, de la recherche-action a I’analyse des pratiques, en passant par la creation d’outils et de demarches pedagogiques

tant pour les agriculteurs, les agricultrices que pour les agents et les institutions qui les encadrent. Aussi, je glane dans cette moisson de concepts quelques themes forts qui m’ont guidee, et que je propo- serai sous forme de ” preceptes 0, ce que Michele Salmona ne fait surtout pas. Je choisis quelques unes de ses propositions theoriques et methodologiques incitant a des applications pratiques. Si j’extrais done de son livre quelques unes de ses orienta- tions, je pointerai d’abord ceci : decrire les competences avec une attention precise et poetique (au sens ou les Grecs parlaient de poiesis), telles par exemple : I’art de ne rien faire, la tolerance au desordre, la patience, la capacite a supporter le sang, la souffrance, la mort... (ce que Michele Salmona nomme les savoirs phoriques, du grec phorein : porter, supporter). Elle decrit aussi la capacite a dejouer les ruses, I’utili- sation des tactiques de I’absurde, la dexte- rite physique (ou Michele compare celle de I’eleveur a celle d’un danseur ou d’un sportif). _. et bien d’autres encore..

A I’epoque des bilans de competences et des referentiels de metiers, C’eSt un enjeu important de savoir identifier et faire identifier de telles competences. Ce qu’elle dit des transmissions de qualifica- tions, en depassant I’habituel clivage de I’inne et de I’acquis et en s’appuyant sur des concepts provencaux d’aisance et de perfectibilite b gaubi n), d’adresse et d’intel- ligence du travail pratique 6 biai m qui est aussi la e m.@fis * des Grecs), est fonda- mental dans I’approche des competences. Cela permet aussi a des personnes de c reparer ” leur image de soi devalorisee par le manque de diplome.

Je releve une autre idee que je soumets de la meme facon : decrire de facon ordonnee, exhaustive, et metaphorique, en s’appuyant sur les q mots des gens ” et taxinomies locales, toutes les situations de travail et les representations qu’ils indui- sent. Ainsi par exemple : la terre est une petite fille, une putain ou une rebelle pour un maraicher. Le troupeau, pour un Pleveur sert de refuge-passion, de reequili- brage, de moyen de pouvoir, de moyen de transgression des rapports sociaux de sexe... il est un objet transitionnel et symbolique, il est le lieu de fantasmes qui

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