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La bonne foi dans les relations contractuelles Conférence formation, Université McGill Michelle Cumyn Professeure titulaire, Université Laval [email protected]

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La bonne foi dans les relations contractuelles

Conférence formation, Université McGill

Michelle CumynProfesseure titulaire, Université Laval

[email protected]

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La bonne foi, « bonne à tout faire »?

Expansion considérable de la bonne foi en droit québécois depuis 1990 (BNC c. Houle).

Outil de « moralisation » des relations contractuelles.

Source d’obligations et de devoirs nouveaux; de recours autonomes.

Comment parvenir à cerner cette notion, afin de rendre son application prévisible pour les parties?

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Approches possibles pour tenter de mieux cerner la bonne foi contractuelle

1. Recherche d’une définition générale

2. Approche casuistique

3. Approche fonctionnelle

4. Apport du droit comparé

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Définitions courantes de la bonne foi en droit québécois

1. L’ignorance, la perception erronée de la réalité (ex. le possesseur de bonne foi)

2. L’absence d’intention malicieuse (par opposition à la mauvaise foi)

3. Depuis l’affaire Houle: une norme de comportement objective. Dans Banque de Montréal c. Bail (1992), la CSC réitère sa reconnaissance d’une « obligation générale de bonne foi » en matière contractuelle, qui procède de la même source que « l’obligation générale de bonne conduite » sanctionnée par l’article 1457.

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Inconvénients de cette approche

L’obligation de bonne foi est beaucoup trop générale.

Le rapprochement de la bonne foi contractuelle avec l’article 1457 est difficilement conciliable avec l’interdiction de l’option (art. 1458).

L’approche « moralisatrice » qui consisterait à invoquer la bonne foi chaque fois qu’un comportement paraît déraisonnable, ou qu’une situation paraît injuste ou trop onéreuse pour une partie, manque de rigueur.

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Une approche « casuistique »

1. Tantôt la bonne foi enrichit les règles existantes en favorisant leur développement; tantôt elle est la source de nouvelles règles et de recours autonomes.

2. Pour mieux cerner son application, il convient de préciser comment elle s’applique d’abord à la formation, puis à l’exécution du contrat, en distinguant au besoin selon la nature du contrat et de la relation des parties.

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La bonne foi dans la négociation et la formation du contrat

1. En cas d’échec des négociations, la bonne foi permet de sanctionner la rupture abusive ou le fait de tirer profit d’informations confidentielles communiquées par l’autre partie. Elle s’intègre alors à l’analyse sous l’article 1457.

2. Lorsqu’un contrat est formé, la bonne foi complète le régime des vices de consentement (dol, crainte, erreur). En particulier, la violation d’une obligation de renseignement (cf. les critères de l’arrêt Bail), sans nécessairement convertir l’erreur en dol, permet d’obtenir des dommages-intérêts. De nouveau, on peut y voir une application de l’article 1457.

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La bonne foi dans l’interprétation et l’exécution du contrat

1. Obligation de renseignement suivant les critères de Bail.

2. Obligation de coopération dans certains contrats de franchise (Provigo) ou d’entreprise de construction (Birdair c. Danny's Construction, 2013 QCCA 580).

3. Devoir de cohérence (estoppel by conduct / venire contra factum proprium?) (Hydro-Québec c. Construction Kiewit, 2014 QCCA 947).

4. Obligation de renégocier le contrat en cas d’imprévision (Churchill Falls v. Hydro-Québec, 2014 QCCS 3590 – non reconnue en CS)

5. L’obligation de loyauté, à distinguer de la bonne foi

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La distinction de la bonne foi et de l’obligation de loyauté

Prérogatives juridiques

Droits subjectifs Pouvoirs

Prérogatives « égoïstes »

Le titulaire peut exercer ses droits comme il l’entend et

dans son intérêt propre, sous réserve de la bonne foi.

Prérogatives « altruistes »

L’attributaire de pouvoirs doit exercer ses pouvoirs dans l’intérêt des bénéficiaires ou conformément

au but de son administration, en faisant abstraction de son intérêt

propre.

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Les fonctions de la bonne foi dans l’exécution du contrat

1) Comme outil d’interprétation des clauses du contrat ou des obligations légales des parties (art. 1426, 1432).

2) Pour compléter l’entente des parties par l’ajout d’obligations ou de devoirs qui ne sont pas incompatibles avec ceux qu’elles y ont exprimés (art. 1434).

3) Pour contrer l’exercice abusif d’un droit contractuel, càd son exercice excessif ou déraisonnable, sans égard pour les intérêts du cocontractant (art. 6, 7 et 1375). Cela ne contrecarre pas l’intention des parties, car l’exercice raisonnable est un exercice conforme aux buts qu’elles se sont donnés, ainsi qu’aux attentes légitimes qui se sont développées au fil de leur relation.

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Les fonctions de la bonne foi dans l’exécution du contrat

4) Pour identifier les clauses abusives, en vue de les faire annuler ou réduire par le juge. Cette fois, la bonne foi agit «contre » la volonté des parties (ou du moins celle qu’elles ont exprimée/ à laquelle elles ont adhéré). Ce contrôle se fonde sur la loi (art. 1437, 1474, 1901).

5) Pour imposer aux parties des devoirs ou des obligations auxquels le juge attribue un caractère impératif. Ces devoirs et obligations l’emportent sur les clauses du contrat.

Cette ingérence du juge dans le contrat se fonde sur l’article 1375, auquel la doctrine reconnaît un caractère impératif. Il importe de cerner et de justifier par des arguments pertinents ce pouvoir du juge, puisqu’il ne se fonde ni sur l’intention des parties, ni sur une règle de droit spécifique.

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L’affaire Churchill Falls Contrat d'électricité conclu le 12 mai 1969 pour un

terme initial de 44 ans et pour un terme additionnel de 25 ans (option d’HQ), se terminant en 2041.

Parties sophistiquées. Si l’on se place dans le contexte de l’époque, contrat

qui prévoit un partage équitable des risques et des bénéfices, ce qui n’est pas contesté par CF.

Augmentation substantielle des prix de l’énergie à compter des années 1970 (chocs pétroliers); ouverture des marchées d’exportation: HQ tire des profits du contrat qui paraissent disproportionnés (22 milliards en 2010 contre 1 milliard pour TNL).

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Le développement de l’imprévision en droit allemand,

à partir de l’article 242 BGB242. Prestation selon la bonne foi. Le débiteur est tenu de fournir la prestation comme l’exige la bonne foi eu égard aux usages admis en affaires.

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Codification en 2002313. Troubles du fondement de l’acte juridique. Si les circonstances qui ont constitué le fondement du contrat ont profondément changé après sa conclusion, de sorte que les parties n’auraient pas conclu ce contrat ou l’auraient conclu avec un autre contenu si elles avaient prévu ce changement, une adaptation dudit contrat peut être demandée dans la mesure où son maintien, tel qu’il avait été stipulé à l’origine, ne peut être imposé à l’une des parties, eu égard à tous les faits de l’espèce et notamment à la répartition conventionnelle ou légale des risques.