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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S162–S166 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mise au point La céramique composite Biolox ® Delta limite-t-elle le risque de rupture ? Does Biolox ® Delta ceramic reduces the rate of component fractures in total hip replacement? P. Massin a,, R. Lopes b , B. Masson c , D. Mainard d , la Société franc ¸ aise de la hanche et du genou (SFHG) e a Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, EA REMES, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75010 Paris, France b Université de Nantes, Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France c 18, rue des Potiers, 31320 Vieille Toulouse, France d Université de Lorraine, hôpital Central, 29, avenue de Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy, France e 56, rue Boissonade, 75014 Paris, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 10 mai 2014 Mots clés : Céramique Biolox ® Delta Prothèse totale de hanche Cassure de céramique Charge excentrée r é s u m é La céramique Biolox ® Delta est optimisée par l’inclusion de grains de Zirconium et d’oxyde de Strontium, capables de limiter la propagation des fissures. Ses propriétés mécaniques intrinsèques sont supérieures à celles des céramiques de génération antérieure. En l’absence de données précises sur ce matériau, les objectifs de ce travail étaient de déterminer 1) le taux résiduel de rupture d’implant et, 2) la configuration idéale en termes de diamètre de tête et de positionnement des implants. L’hypothèse était que l’utilisation de la céramique composite Biolox ® Delta avait réduit le risque de rupture d’implant. La recherche biblio- graphique (base PubMed mots clés « ruptures de céramique » et « prothèse totale de hanche ») a permis de retrouver 46 articles concernant les ruptures de céramique de troisième et quatrième génération dont 5 concernaient la céramique Biolox ® Delta. Les données du fabricant et de l’ANSM ont été confrontées aux rares expériences cliniques publiées. Selon les données du fabricant (CeramTec GmbH, Plochingen, Allemagne), l’utilisation de la céramique Biolox ® Delta a réduit le taux de rupture des têtes à 0,003 % par rapport à 0,021 % pour la céramique d’alumine. Le taux des ruptures d’insert est resté stable aux alentours de 0,03 %. Ces tendances sont confirmées par le nombre des déclarations à l’ANSM. Le taux de ruptures de têtes diminuait avec l’augmentation de leur diamètre. La qualité d’insertion sur les cônes morses (propreté du cône, insertion dans l’axe) est déterminante mais pas toujours facilement contrô- lable notamment pour l’insert. Un diamètre de 36 mm, disponible à partir des tailles 50 semble un bon compromis, diminuant le risque de conflit intraprothétique, sans majorer les phénomènes de microsé- paration survenant avec les plus gros diamètres. Bien que la céramique Biolox ® Delta soit plus résistante à la rupture que la céramique d’alumine, elle peut casser dans des conditions défavorables de charge excentrée. Son utilisation requiert les mêmes précautions que les autres couples dur/dur, imposant la maîtrise du positionnement de la cupule, de l’insertion sur ou dans les cônes morse et de l’ajustement de la tension musculaire. Niveau d’évidence. V : avis d’experts. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2014.05.010. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Massin). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2014.05.009 1877-0517/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

La céramique composite Biolox® Delta limite-t-elle le risque de rupture ?

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S162–S166

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

ise au point

a céramique composite Biolox® Delta limite-t-elle le risquee rupture ?�

oes Biolox® Delta ceramic reduces the rate of component fractures in total hipeplacement?

. Massina,∗, R. Lopesb, B. Massonc, D. Mainardd, la Société franc aise de la hanche et duenou (SFHG)e

Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, EA REMES, hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75010 Paris, FranceUniversité de Nantes, Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex 1, France18, rue des Potiers, 31320 Vieille Toulouse, FranceUniversité de Lorraine, hôpital Central, 29, avenue de Lattre-de-Tassigny, 54035 Nancy, France56, rue Boissonade, 75014 Paris, France

i n f o a r t i c l e

istorique de l’article :ccepté le 10 mai 2014

ots clés :éramique Biolox® Deltarothèse totale de hancheassure de céramiqueharge excentrée

r é s u m é

La céramique Biolox® Delta est optimisée par l’inclusion de grains de Zirconium et d’oxyde de Strontium,capables de limiter la propagation des fissures. Ses propriétés mécaniques intrinsèques sont supérieuresà celles des céramiques de génération antérieure. En l’absence de données précises sur ce matériau, lesobjectifs de ce travail étaient de déterminer 1) le taux résiduel de rupture d’implant et, 2) la configurationidéale en termes de diamètre de tête et de positionnement des implants. L’hypothèse était que l’utilisationde la céramique composite Biolox® Delta avait réduit le risque de rupture d’implant. La recherche biblio-graphique (base PubMed mots clés « ruptures de céramique » et « prothèse totale de hanche ») a permisde retrouver 46 articles concernant les ruptures de céramique de troisième et quatrième génération dont5 concernaient la céramique Biolox® Delta. Les données du fabricant et de l’ANSM ont été confrontéesaux rares expériences cliniques publiées. Selon les données du fabricant (CeramTec GmbH, Plochingen,Allemagne), l’utilisation de la céramique Biolox® Delta a réduit le taux de rupture des têtes à 0,003 %par rapport à 0,021 % pour la céramique d’alumine. Le taux des ruptures d’insert est resté stable auxalentours de 0,03 %. Ces tendances sont confirmées par le nombre des déclarations à l’ANSM. Le taux deruptures de têtes diminuait avec l’augmentation de leur diamètre. La qualité d’insertion sur les cônesmorses (propreté du cône, insertion dans l’axe) est déterminante mais pas toujours facilement contrô-lable notamment pour l’insert. Un diamètre de 36 mm, disponible à partir des tailles 50 semble un boncompromis, diminuant le risque de conflit intraprothétique, sans majorer les phénomènes de microsé-paration survenant avec les plus gros diamètres. Bien que la céramique Biolox® Delta soit plus résistante

à la rupture que la céramique d’alumine, elle peut casser dans des conditions défavorables de chargeexcentrée. Son utilisation requiert les mêmes précautions que les autres couples dur/dur, imposant lamaîtrise du positionnement de la cupule, de l’insertion sur ou dans les cônes morse et de l’ajustement dela tension musculaire. Niveau d’évidence. – V : avis d’e

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2014.05.010.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc aise de cet article, mais celle de l’artice DOI ci-dessus.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Massin).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2014.05.009877-0517/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

xperts.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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P. Massin et al. / Revue de chirurgie orthopé

. Introduction

La céramique Biolox® Delta a été commercialisée dans lesnnées 2000 avec pour but de réduire la fréquence des rupturese têtes ou d’insert de prothèses totales de hanche, déjà très basse1]. Il s’agit d’une céramique d’alumine composite optimisée prin-ipalement par l’inclusion de grains de Zirconium et d’oxyde detrontium [2]. La transformation de phase de la Zircone au seine la matrice de céramique d’alumine permet de limiter la propa-ation des fissures potentielles [3]. L’amélioration des propriétésécaniques de la céramique composite permet d’augmenter la fia-

ilité et d’apporter plus de liberté en terme de dessin. En particulier,’utilisation de têtes fémorales de grand diamètre a l’avantage au

oins théorique de réduire le risque de luxation à diamètre de colonstant, mais aussi d’améliorer le cône de mobilité de l’articulationt de réduire le risque de conflits entre le col de la tige et les rebordse l’insert et/ou de la cupule.

La rupture d’un composant d’un couple de frottement en céra-ique peut être favorisée par de multiples facteurs indépendants

es propriétés intrinsèques du matériau, notamment liés au des-in de l’implant, ou d’ordre technique, lié à l’implantation. Nousvons fait l’hypothèse que l’utilisation de la céramique compositeiolox® Delta avait diminué le risque de rupture d’implant, ouvrante nouvelles perspectives d’utilisation de ce matériau qui est l’unes plus avantageux en termes de résistance à l’usure à long terme.

Les résultats cliniques publiés sont encore très parcellaires etlusieurs questions subsistent, notamment 1◦ Quel est le risqueésiduel de rupture d’insert et de tête avec la céramique compo-ite Biolox® Delta ? 2◦ Quelle est la configuration idéale pour leonctionnement du couple céramique/céramique en termes de dia-

ètre de tête et positionnement des implants ?

. Matériel et méthode

.1. Matériel

Une étude de la littérature concernant les ruptures de céra-ique, basée sur les mots clés « ruptures de céramique » et

prothèse totale de hanche », a permis de retrouver 132 articlesans la base PubMed. Une recherche complémentaire concernant

a céramique composite Biolox® Delta a retrouvé 14 publicationsupplémentaires. La lecture de ces travaux a conduit à en éliminer6 qui n’étaient pas directement en rapport avec la probléma-ique des ruptures de céramique, en laissant 58 pour l’analyse,ont 53 concernaient la céramique de troisième générationBiolox Forte) et 5 la céramique de quatrième génération (Céra-

ique Biolox® Delta) [4–8]. Onze articles concernaient l’Alumine sandwich », configuration très particulière produisant des tauxrop élevés de ruptures d’insert, qui n’est actuellement plus uti-isée en France. Après élimination de ces onze articles, il restaitnalement 42 manuscrits pour la céramique de troisième géné-ation dans sa forme la plus conventionnelle à savoir des insertsn céramique massive. Parmi ceux-ci seize travaux concernaientes cas isolés (case report). Il y avait également 2 papiers rap-ortant des cas isolés [6,8] parmi les 5 publications concernant laéramique Biolox® Delta. Nous y avons rajouté 2 communicationsrales récentes consultables sur les recueils référencés des abs-racts des sociétés concernées [9,10].

.2. Méthodes

Les taux de rupture de céramique ont été recensés et confrontésux données du fabricant (CeramTec) et de l’agence nationale deécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), résultantes déclarations de matériovigilance effectuées par les chirurgiens.

t traumatologique 100S (2014) S162–S166 S163

Ils ont été rapportés à la population globale des patients implan-tés avec au moins un composant du couple de frottement encéramique. Pour l’insert, ont été pris en compte le nombre totalestimé de patients porteurs d’une prothèse avec un couple céra-mique/céramique. Pour la tête ont été pris en compte le nombretotal estimé de patients porteurs d’un implant avec une tête encéramique quel que soit le type de l’insert. Les ruptures de tête ontété discutées en fonction de la qualité du cône morse et de la taillede la tête. Les ruptures d’insert ont été discutées en fonction de cer-tains paramètres : taille de la cupule, dessin intérieur de la cupule,qualité d’insertion dans la cupule métallique et orientation de lacupule.

2.3. Résultats

Selon les données du fabricant (CeramTec GmbH, Plochingen,Allemagne), l’utilisation de la céramique Biolox® Delta a réduitsubstantiellement le taux de rupture des têtes fémorales. Surles 2 050 000 têtes fémorales en céramique Biolox Forte et les250 000 têtes fémorales en céramique Biolox® Delta livrées entrejanvier 2000 et mars 2008, le taux de rupture de tête a diminué de0,021 % (20 sur 100 000) à 0,003 % (3 sur 100 000) avec l’utilisationde la céramique Biolox® ® Delta. Ce taux a ensuite été réajusté ulté-rieurement sur 1 500 000 têtes en céramique Biolox® Delta venduesen 2012 à 0,002 % par le fabricant qui revendique ainsi une réduc-tion du taux de rupture de tête d’un facteur 10 grâce à l’utilisationde la céramique Biolox® Delta.

Selon les données de l’ANSM, le nombre de déclarations deruptures de têtes est de 428 depuis 2001 pour la céramique de troi-sième génération et de 3 depuis 2008 pour la céramique compositede quatrième génération. Ces nombres doivent être rapportés aunombre d’implants mis en place dans la même période, allant de107 803 en 2001 à 150 000 en 2011 selon les données de l’agencetechnique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH). En tenantcompte d’un pourcentage d’implant avec une tête céramique iso-lée à 50 % du total (quelle que soit la nature de l’insert), et del’évolution du ratio céramique de 4e/céramique de 3e génération(qui s’est inversé en 2008), on arrive à un taux de rupture de têtede 0,18 % avec la céramique de troisième génération et à un tauxde 0,0013 % avec la céramique de quatrième génération soit unediminution d’un facteur 100, alors que le fabricant n’avait fait étatque d’une diminution d’un facteur 10. Mais le nombre de rupturesde têtes en céramique de troisième génération déclarées est 2 foissupérieur à celui annoncé par le fabricant alors que les taux sontplus concordants pour la céramique composite de quatrième géné-ration.

La revue de la littérature fait état de taux de ruptures de têtesen céramique Biolox Forte allant de 0 à 10 % avec une médianeproche de 0 [1]. Avec la céramique Biolox® Delta, il n’y a que 2 sériespubliées. Lombardi et al. rapportaient une seule rupture de têtesur 44 hanches revues à 2 ans [7]. Enfin Cai et al. [4] n’ont observéaucune rupture de céramique chez 50 patients (50 hanches) revusavec 3 ans de recul moyen.

L’utilisation de la céramique Biolox® Delta ne semble pas avoirréduit le taux de ruptures d’inserts. Selon le fabricant, le taux desruptures d’insert parmi les 980 000 inserts en céramique BioloxForte et les 740 000 inserts en céramique Biolox® Delta livrés estresté stable, passant de 0,032 à 0,028 % (Tableau 1).

Le nombre de déclarations de ruptures d’inserts à l’ANSM est de449 depuis 2001 pour la céramique de troisième génération et de28 depuis 2008 pour la céramique composite de quatrième géné-ration. En tenant compte d’un pourcentage d’implant utilisant le

couple céramique/céramique estimé à 25 % du nombre total deprothèses totales de hanche posées en France et de l’évolution duratio céramique de 4e/céramique de 3e génération, on arrive à untaux de rupture d’insert de 0,086 % avec la céramique de troisième
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S164 P. Massin et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 100S (2014) S162–S166

Tableau 1Taux de rupture des têtes et des inserts en céramique de troisième et quatrièmegénération rapportés par le fabricant et par l’ANSM.

Troisième génération Quatrième génération

Insert Tête Insert Tête

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Fabricant (%) 0,032 0,021 0,028 0,002ANSM (%) 0,086 0,18 0,025 0,0013

énération et à un taux de 0,025 % avec la céramique de quatrièmeénération (Tableau 1). Le taux de rupture d’insert a été peu affectéar le passage à la céramique composite. Les taux de ruptures’insert déclarées sont voisins de ceux du fabricant quelle que soit

a génération de la céramique utilisée.Ces taux très bas contrastent avec certaines données, faisant état

e taux de ruptures d’inserts en céramique « Biolox® Delta » pluslevés. Hamilton et al. [5] rapportent des taux de ruptures d’insertse 1,1 % en peropératoire et de 1 % en postopératoire. Massin et Vogt9] ont rapporté 4 ruptures d’insert sur une série de 106 hanchesmplantées avec la même cupule venant du même fournisseurFig. 1). Il y avait aussi dans cette série un défaut d’insertion de’insert dépisté sur la radiographie postopératoire, qui a donné lieu

une reprise de principe avant la rupture. Mawdsley et McCourt10] ont récemment rapporté également 6 cas de ruptures d’insertn céramique Biolox® Delta expliqués par des défauts d’insertionu noyau dans sa cupule. Hwang et al. [6] et Taheriazam et al. [8]nt rapporté un cas isolé de rupture d’insert.

Plusieurs facteurs sont susceptibles d’influencer le taux deuptures de tête tels certains facteurs techniques (qualité de’impaction, propreté du cône morse à l’impaction) et le diamètre dea tête fémorale. 1) La qualité de l’impaction, qui doit être effectuéeans l’axe du col prothétique et sur un cône morse propre joue unôle déterminant. La persistance de débris tissulaires ou la présence’altération de surface (rayures) sur le cône morse peut réduire laharge de rupture à 20 % de sa valeur normale (celle du cône propret non altéré) [11]. 2) Le taux de ruptures dépend aussi du dia-ètre de la tête fémorale : le fabricant module les taux de ruptures

e têtes en céramique de troisième génération (Biolox Forte) de,005 % pour le diamètre 36 à 0,008 % pour le diamètre 32 et 0,03 %our le diamètre 28. Mais la problématique de l’utilisation des têtese très gros diamètre est complexe. En effet plusieurs paramètres

ont impliqués dans le fonctionnement du couple de friction. 3)orsque le diamètre de la tête augmente, le risque de conflit entree col et le rebord de l’insert en céramique ou de la cupule métallique

ig. 1. Insert en céramique Biolox® Delta cassé après 9 mois d’utilisation (photogra-hie due à l’obligeance de P. Massin).

Fig. 2. Schéma illustrant les conséquences d’un conflit entre le col fémoral et lerebord acétabulaire, entraînant une subluxation de la tête fémorale.

diminue et l’amplitude de mobilité augmente (Fig. 2) [4]. Il sembleque ce risque devienne rare à partir du diamètre 32 en dehors depositions aberrantes de la cupule, voire inexistant à partir du dia-mètre 36 avec les cols couramment utilisés sur le marché (diamètrede col autour de 12 mm). Lorsque le diamètre de la tête augmente, lerisque de luxation diminue par le même mécanisme. Cette possibi-lité d’améliorer le cône de circumduction de l’articulation, ainsi quele moindre risque de rupture encourage donc à utiliser des têtes encéramique du plus gros diamètre possible. 4) Mais l’utilisation destêtes de très gros diamètre a ses limites car elle modifie le fonction-nement du couple de friction [12]. Au delà du diamètre 36 apparaîtun « offset » positif, c’est-à-dire une excentration du centre de la têtepar rapport au centre de la cupule, diminuant l’angle de couverturede la tête. Sariali et al. [12] ont montré qu’il en résulte des phéno-mènes de remises en charge excentrées (« edge loading ») lors desphases de microséparation, inévitables lors du pas (Fig. 3). Elles sontd’autant plus fréquentes que le diamètre de la tête augmente. Cessituations tribologiques limites, quelle que soit leur origine (microséparation ou subluxations provoquées par des conflits intrapro-thétiques), augmentent considérablement la friction entre les deuxéléments du couple de frottement [13] et peuvent provoquer desbruits audibles (squeaking ou couinement) [14,15]. Elles sont sus-

ceptibles d’altérer la surface de la céramique mais leur influenceéventuelle sur le taux de rupture des éléments du couple de frotte-ment n’est pas connue.

Fig. 3. Schéma illustrant les conséquences du phénomène de microséparationtête/cupule avec une remise en charge excentrée.

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P. Massin et al. / Revue de chirurgie orthopédique e

Fig. 4. Paramètres caractérisant le dessin intérieur d’une cupule métallique (pentees

ddcdréd5de2rltccàesdclvlcddplpmvnélfid3dsdilpli

Le préassemblage au sec du noyau et de sa cupule métallique

t hauteur du cône morse), conditionnant la facilité d’insertion du noyau et la cohé-ion noyau/cupule après impaction.

La rupture de l’insert peut résulter de plusieurs phénomènesont certains sont inhérents à la mise en place des implants et auessin de la cupule, et d’autres aux fonctionnements « limites » enharge excentrée. 1) On a pu incriminer l’épaisseur insuffisantee l’insert mais il n’y a pas de données précises sur la limite infé-ieure à respecter. Les fabricants fournissent des inserts ayant unepaisseur minimale de 3,5 mm. Cette condition limite l’utilisatione têtes de diamètre 36 à partir d’un diamètre de cupule de0 ou 52 mm selon les systèmes, et de diamètre 32 à partir d’uniamètre de cupule de 46 ou 48 mm selon les marques. Par contren dec à de 46 mm, le diamètre de la tête doit être réduit à 28 mm.) La verticalisation de la cupule a été incriminée dans des cas deuptures d’insert avec la céramique de 2e génération. Par contre’inclinaison de la cupule ne semble pas modifier le risque de rup-ure avec la céramique Biolox® Delta [16]. Le dessin intérieur de laupule et notamment du cône morse recevant l’insert a été mis enause, car provoquant des difficultés d’insertion, pouvant aboutir

des impactions désaxées générant des contraintes périphériquesxcessives qui semblent bien correspondre aux observations faitesur les explants cassés, ébréchés à leur périphérie. L’insertionans l’axe du cône morse est d’autant plus difficile que la pente deelui-ci est basse (inférieure à 10◦ ce qui est le cas des produits avecesquels les ruptures de céramique Biolox® Delta ont été obser-ées) (Fig. 4). Cette diminution de pente lorsqu’elle est adoptée pare fabricant dans le but d’améliorer la cohésion insert/cupule,omplique l’insertion et nécessite la mise à disposition’instruments d’insertion spécifiques, ainsi que l’augmentatione la hauteur du cône morse, atteignant des valeurs de 9 mm,uis de 11 mm sur certaines cupules récentes, pour mieux guider

’introduction du noyau de céramique. Ces précautions ne résolventas les problèmes d’interposition tissulaire et de souillure du côneorse, très difficiles à contrôler pendant l’intervention surtout par

oies mini-invasives, et avec des cupules métalliques perforéeson-étanches. 3) Le diamètre et l’épaisseur de la cupule jouentgalement un rôle indirect sur la qualité de l’impaction de l’insert etes ruptures d’insert sont généralement décrites avec des cupulesnes de 50 à 54 mm de diamètre [8,9]. Avec l’avènement des têtese gros diamètre, l’épaisseur de la cupule métallique est réduit à

mm dans les diamètres 50 et 46 accouplés avec respectivementes têtes de diamètre 36 et 32. Des déformations de cupule peuvente produire lors de l’impaction, empêchant l’insertion complètee l’insert. Ces difficultés n’apparaissent pas avec l’utilisation des

nserts en polyéthylène, suffisamment souples pour s’adapter àa nouvelle forme de leur réceptacle. Cette adaptation n’est pas

ossible avec les inserts en céramique, extrêmement rigides, dont

’impaction et le calage dans leur cupule réceptrice sont alorsncomplets, d’où l’augmentation des contraintes de périphérie.

t traumatologique 100S (2014) S162–S166 S165

Pour les petites tailles de cupule, il y a donc certainement un avan-tage à utiliser les cupules préassemblées, résolvant simultanémentles problèmes de microdéformations de la cupule à l’impaction, depropreté du cône morse et les difficultés d’introduction de l’insert.

De nombreuses circonstances génèrent les phénomènes decharge excentrée, altérant de fac on importante la tribologie descouples dur/dur et favorisant peut-être les ruptures d’implant [17].La survenue de conflit col/cupule peut être à l’origine de subluxa-tions de la tête avec effet de charge excentrée, et de productionde débris métalliques dont le dépôt en surface de la céramiquealtère également les conditions tribologiques comme le suggère lesrésultats d’une récente méta-analyse [18], en générant une usure à3 composants [19]. Si les taux d’usure de la céramique de troisièmegénération sont significativement augmentés par ces fonctionne-ments en conditions « limites », la céramique Biolox® Delta, placéedans les mêmes conditions résiste mieux [20,21]. Enfin, dans toutesces conditions « limites », l’élévation anormale des forces de cisaille-ment exercées sur l’insert peut générer des micro déplacementsentre l’insert et son support métallique [15] surtout si la pente ducône est importante (supérieure à 10◦), car la cohésion entre l’insertet la cupule est plus faible. Avec les éléments finis, Walker et al. [15]ont modélisé une pente de 18◦ avec une antéversion de cupule de40◦. Ils ont observé des déplacements de 40 micromètres en chargeà l’interface entre l’insert et la cupule [15]. Walter et al. [22] avaientdéjà pointé l’effet d’un excès d’antéversion de la cupule dans unesérie clinique de hanches implantées produisant un « squeaking »,mais le retentissement sur le taux de rupture reste inconnu.

3. Discussion

Il n’y a pas de céramique incassable et la céramiqueBiolox® Delta n’échappe pas à cette règle, car les modalitésd’insertion et le dessin des implants peuvent éventuellement placerle matériau dans des conditions limites excédant ses capacités derésistance à la rupture. L’amélioration des propriétés mécaniquesdu matériau a certainement réduit le risque de rupture de tête à destaux extrêmement faibles. Mais les données déclarées par le fabri-cant et l’ANSM par les chirurgiens sous-estiment probablement laréalité.

Les facteurs techniques particuliers à l’implantation de la céra-mique doivent rester présentes à l’esprit du chirurgien, notammentles modalités d’impaction des implants sur (tête) ou dans (insert)leur cône Morse. Les diamètres de têtes optimaux pour les couplesde céramique se situent entre 32 et 36 mm, pour réduire les risquesde conflit entre le col prothétique et la cupule et les phénomènes decharge excentrée. Ce type de couple de frottement supporte mal lalaxité articulaire et ses phénomènes de microséparation, nécessi-tant un ajustement peropératoire précis de la longueur du membreinférieur. Il est prudent de vérifier l’absence de piston excessiflors de la réduction d’essai pendant l’opération sur un patient noncurarisé, manœuvre qui d’ailleurs elle-même peut entraîner unemobilisation d’un insert insuffisamment impacté.

En ce qui concerne le dessin des cupules, un défaut d’insertiondu noyau de céramique favorisé par un cône morse de faible pente(inférieure à 10◦) peut être l’origine de ruptures d’insert même si laprothèse fonctionne dans des conditions normales. C’est pourquoile cône morse de 18◦ a été adopté dans 99 % des poses mondiales deprothèses à couple céramique/céramique, car il facilite l’insertiondes inserts modulaires dans leur cupule métallique. En l’absence dephénomènes de charge excentrée, ce dessin d’implant ne pose eneffet pas de problème de mobilisation secondaire ou de micromo-bilité du noyau en céramique.

avant implantation est sûrement une solution d’avenir, mais risqued’imposer au chirurgien le diamètre de la tête car il n’est pas pos-sible au fabricant d’offrir pour chaque taille de cupule toutes les

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166 P. Massin et al. / Revue de chirurgie orthopé

ptions de diamètre de tête. Avec la céramique Biolox® Delta, leeilleur compromis semble se situer à 32 mm pour les tailles de

upules de 46 et 48 mm de diamètre et à 36 pour les tailles plusmportantes. En dessous de 46 mm de diamètre pour la cupule, seule diamètre de tête 28 mm semble possible dans l’état actuel deshoses. Des têtes en céramique Biolox® Delta de diamètre 22 mmont en cours d’expérimentation clinique avec les implants à doubleobilité céramique/céramique.Enfin l’orientation relative de la cupule par rapport à celle du col

oit être maîtrisée par le chirurgien dans les positions extrêmes duône de circumduction, justifiant peut être l’utilisation de naviga-ion spécifique précisément dans ces cas où le diamètre de la têtest inférieur à 32 mm.

. Conclusion

La céramique Biolox® Delta de quatrième génération est unrogrès mais elle n’échappe pas aux précautions d’implantationpécifiques aux couples dur/dur. Elle augmente la marge de sécu-ité en termes de risque d’usure et de rupture d’implant. Elle offrectuellement les conditions tribologiques les plus performantes duarché des prothèses totales de hanche. Ce matériau reste d’une

rande sûreté d’utilisation notamment dans les conditions limitese charge excentrée, qu’elle tolère mieux que les autres couples tels

es céramiques de génération antérieure.

éclaration d’intérêts

Philippe Massin a rec u des royalties sur matériel breveté de laociété Ceramconcept ; Bernard Masson est conseiller scientifiquet, à ce titre, rémunéré par la Société CeramTec ; Didier Mainardst consultant des sociétés Fournitures Hospitalières et BBraun et

rec u des rémunérations à ce titre ainsi que des royalties ; Ronyopes déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cetrticle.

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