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Article original La cholangiographie par résonance magnétique nucléaire en pathologie biliaire. Étude prospective chez 60 patients C. Cervi 1 , C. Aube 2 , J.J. Tuech 1 , P. Pessaux 1 , N. Regenet 1 , P. Burtin 3 , J.P. Arnaud 1 * 1 Service de chirurgie viscérale, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France ; 2 service de radiologie, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France ; 3 service d’hépato-gastroentérologie, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France RE ´ SUME ´ Objectif : Le but de cette étude prospective était d’évaluer une nouvelle séquence de cholangio-IRM en coupes épais- ses single shot fast spin echo (SSFSE), dans la pathologie obstructive des voies biliaires. Patients et méthodes : Cette étude a porté sur 60 patients (36 hommes et 24 femmes) ayant un âge moyen de 69 ans, qui avaient un syndrome cholestatique faisant redouter une obstruction des voies biliaires. Tous ont eu une cholangio-IRM en coupes épaisses, réalisée avec la séquence SSFSE. La référence diagnostique a été 47 fois une cholangiopancréatographie rétrograde, une fois une cholangiographie percutanée et 12 fois l’intervention chi- rurgicale. Vingt-deux malades avaient une obstruction lithiasique, 23 avaient un obstacle tumoral, huit avaient une sténose inflammatoire ou postchirurgicale et sept avaient des voies biliaires jugées normales. Résultats : La sensibilité et la spécificité de la cholangio- IRM étaient de 100 et 94 % pour le diagnostic de lithiase et de 95 et 97 % pour le diagnostic de pathologie tumorale. Le calcul du kappa appréciant la concordance entre la réfé- rence diagnostique et la cholangio-IRM pour la localisation du niveau de l’obstacle était compris entre 0,79 et 1. Conclusion : La cholangio-IRM avec la séquence SSFSE est un examen simple et performant. La réalisation de cou- pes épaisses lors d’une apnée inférieure à deux secondes permet de limiter les artefacts cardiorespiratoires et de s’affranchir du post-traitement. © 2000 Éditions scientifi- ques et médicales Elsevier SAS cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique / IRM / lithiase de la voie biliaire principale / obstruction cancéreuse de la voie biliaire principale / voies biliaires ABSTRACT MR cholangiopancreatography in biliary disease. A prospective study in 60 patients. Purpose: The aim of this prospective study was to evalu- ate a new MR cholangiography sequence, with thick slices, single shot fast spin echo (SSFSE) in biliary obstructive diseases. Patients and methods: This study included 60 patients (36 males and 24 females, mean age: 69 years) with chole- static syndrome and suspected bile duct obstruction. All patients were prospectively investigated with MR cholan- giography using SSFSE sequence with thick slices. The gold standard was ERCP (n = 47), per cutaneous cholan- giography (n = 1), and surgical intervention (n = 12). According to this gold standard, 22 patients had obstruc- tive gallstones, 23 had neoplastic obstruction, eight had inflammatory or postoperative stenosis and 7 had normal bile ducts. Results: The sensitivity and specificity of MR cholangio- graphy were 100 and 94% in the diagnosis of obstructive gallstones, and 95 and 97% in the diagnosis of neoplastic obstruction, respectively. A good agreement was observed between MR cholangiography and the gold standard, regardless of the site of obstruction (range of kappa value: 0.79–1). Conclusion: MR cholangiography with SSFSE sequence is an effective and easy technique. Acquisition of thick slices in a very short time (< 2 sec) limits cardiorespiratory arte- facts and eliminates the need for post-processing. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS main bile duct / main bile ducts stones / main bile duct neoplasms / endoscopic retrograde cholangio- pancreatography / MR cholangiopancreatography Reçu le 15 novembre 1999 ; accepté après révision le 15 mars 2000. *Correspondance et tirés à part. Ann Chir 2000 ; 125 : 428–34 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003394400002169/FLA

La cholangiographie par résonance magnétique nucléaire en pathologie biliaire. Étude prospective chez 60 patients

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Page 1: La cholangiographie par résonance magnétique nucléaire en pathologie biliaire. Étude prospective chez 60 patients

Article original

La cholangiographie par résonance magnétique nucléaire en pathologiebiliaire. Étude prospective chez 60 patients

C. Cervi1, C. Aube2, J.J. Tuech1, P. Pessaux1, N. Regenet1, P. Burtin3, J.P. Arnaud1*1 Service de chirurgie viscérale, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France ; 2 service de radiologie, CHUd’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France ; 3 service d’hépato-gastroentérologie, CHU d’Angers, 4, rue Larrey,

49033 Angers cedex, France

RESUMEObjectif : Le but de cette étude prospective était d’évaluerune nouvelle séquence de cholangio-IRM en coupes épais-ses single shot fast spin echo (SSFSE), dans la pathologieobstructive des voies biliaires.Patients et méthodes : Cette étude a porté sur 60 patients(36 hommes et 24 femmes) ayant un âge moyen de69 ans, qui avaient un syndrome cholestatique faisantredouter une obstruction des voies biliaires. Tous ont euune cholangio-IRM en coupes épaisses, réalisée avec laséquence SSFSE. La référence diagnostique a été 47 foisune cholangiopancréatographie rétrograde, une fois unecholangiographie percutanée et 12 fois l’intervention chi-rurgicale. Vingt-deux malades avaient une obstructionlithiasique, 23 avaient un obstacle tumoral, huit avaient unesténose inflammatoire ou postchirurgicale et sept avaientdes voies biliaires jugées normales.Résultats : La sensibilité et la spécificité de la cholangio-IRM étaient de 100 et 94 % pour le diagnostic de lithiase etde 95 et 97 % pour le diagnostic de pathologie tumorale.Le calcul du kappa appréciant la concordance entre la réfé-rence diagnostique et la cholangio-IRM pour la localisationdu niveau de l’obstacle était compris entre 0,79 et 1.Conclusion : La cholangio-IRM avec la séquence SSFSEest un examen simple et performant. La réalisation de cou-pes épaisses lors d’une apnée inférieure à deux secondespermet de limiter les artefacts cardiorespiratoires et des’affranchir du post-traitement. © 2000 Éditions scientifi-ques et médicales Elsevier SAS

cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique /IRM / lithiase de la voie biliaire principale / obstructioncancéreuse de la voie biliaire principale / voies biliaires

ABSTRACTMR cholangiopancreatography in biliary disease. Aprospective study in 60 patients.

Purpose: The aim of this prospective study was to evalu-ate a new MR cholangiography sequence, with thick slices,single shot fast spin echo (SSFSE) in biliary obstructivediseases.Patients and methods: This study included 60 patients(36 males and 24 females, mean age: 69 years) with chole-static syndrome and suspected bile duct obstruction. Allpatients were prospectively investigated with MR cholan-giography using SSFSE sequence with thick slices. Thegold standard was ERCP (n = 47), per cutaneous cholan-giography (n = 1), and surgical intervention (n = 12).According to this gold standard, 22 patients had obstruc-tive gallstones, 23 had neoplastic obstruction, eight hadinflammatory or postoperative stenosis and 7 had normalbile ducts.Results: The sensitivity and specificity of MR cholangio-graphy were 100 and 94% in the diagnosis of obstructivegallstones, and 95 and 97% in the diagnosis of neoplasticobstruction, respectively. A good agreement was observedbetween MR cholangiography and the gold standard,regardless of the site of obstruction (range of kappa value:0.79–1).Conclusion: MR cholangiography with SSFSE sequenceis an effective and easy technique.Acquisition of thick slicesin a very short time (< 2 sec) limits cardiorespiratory arte-facts and eliminates the need for post-processing. © 2000Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

main bile duct / main bile ducts stones / main bile ductneoplasms / endoscopic retrograde cholangio-pancreatography / MR cholangiopancreatographyReçu le 15 novembre 1999 ; accepté après révision le 15 mars 2000.

*Correspondance et tirés à part.

Ann Chir 2000 ; 125 : 428–34© 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés

S0003394400002169/FLA

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L’ imagerie des voies biliaires par résonance magné-tique nucléaire (cholangio-IRM) est une techniquerécente, permettant d’obtenir une imagerie de l’arbrebiliaire de grande qualité [1, 2]. Cependant la pre-mière génération de cholangio-IRM, donnait des cou-pes sujettes à des artefacts quand l’apnée du patientétait imparfaite.

L’évolution des techniques de cholangio-IRM, trèssignificative, a permis de réaliser des séquencessingle-shot avec une très forte pondération en T2,« d’effacer » tous les signaux d’origine parenchyma-teuse et vasculaire et d’obtenir ainsi des coupes épais-ses, qui réalisent un cholangiogramme complet enun temps d’acquisition très court (inférieur à septsecondes) et sans reconstruction secondaire.

Le but de cette étude prospective a été d’évaluercette séquence en la confrontant aux données de lacholangiopancréatographie rétrograde endoscopique(CPRE) ou lorsque celle-ci n’était pas réalisable, àcelles de l’exploration chirurgicale, ou de la cholan-giographie percutanée.

PATIENTS ET MÉTHODES

Patients

Cette étude prospective a été réalisée de janvier àoctobre 1997 chez 60 patients (36 hommes et 24 fem-mes) qui avaient un syndrome cholestatique. La sus-picion d’obstruction des voies biliaires reposait surdes signes cliniques (subictère, ictère), biologiques(augmentation des gamma GT, des phosphatasesalcalines, de la bilirubinémie) et/ou radiologiques(entre autres : dilatation des voies biliaires) et uneCPRE était indiquée soit à visée diagnostique, soit àvisée thérapeutique. L’âge moyen des patients étaitde 69 ans (extrêmes : 28–92 ans).

Vingt-deux patients avaient une obstruction lithia-sique, 23 une pathologie tumorale, huit une sténoseinflammatoire ou postchirurgicale et sept patientsavaient des voies biliaires jugées normales (diamè-tre inférieur à 8 ou 10 mm en cas de cholécystecto-mie antérieure, parois régulières, pas de sténose nid’ image lacunaire). L’obstruction lithiasique étaitsituée dans deux cas au niveau du hile et des voiesbiliaires intra-hépatiques, dans onze cas au niveau dela moitié inférieure de la voie biliaire principale(VBP) extra-hépatique (figure 1) et dans neuf cas auniveau de la région papillaire ou juste au-dessus de

la papille. Les lésions tumorales étaient dix adéno-carcinomes pancréatiques (figure 2), une tumeurmucineuse du pancréas, dix cholangiocarcinomes etun papillome. Enfin, une obstruction tumorale étaitliée à des adénopathies pédiculaires et hilaires d’unadénocarcinome rectal. Ces obstacles tumorauxétaient localisés : une fois au niveau des voies biliai-res intra-hépatiques, sept fois au niveau hilaire(figure 3), quatre fois à la partie supérieure de la voiebiliaire principale, huit fois à sa partie inférieure ettrois fois dans la région papillaire. Les huit autresobstructions biliaires regroupaient une inflammationaprès migration calculeuse, deux cholangites scléro-santes, trois pancréatites chroniques calcifiantes,deux anastomoses hépaticojéjunales sténosées dontune par récidive d’un adénocarcinome gastrique(figure 4).

Cholangio-IRM

Les examens ont étéréalisés sur un appareil 1,5 Tesla(General Electrict), à l’aide d’une antenne de sur-face en réseau de phase, chez un patient à jeun.Aucune préparation particulière n’a été faite.

Un repérage rapide permettait de positionner lescoupes de cholangio-IRM en single shot fast spinecho (SSFSE). Des coupes coronales (obliques anté-rieures droites) de 40 puis 20 mm étaient réalisées,suivies éventuellement de coupes axiales transver-ses en cas de pathologie hilaire. Des coupes plus fines

Figure 1. Lithiase du bas cholédoque (flèche). Dilatation cholédo-cienne d’amont. Canal de Wirsung non dilaté.

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(10 à 13 mm d’épaisseur) étaient réalisées, à la lec-ture immédiate des coupes épaisses lorsqu’ il existaitun doute diagnostique. L’examen complet nécessi-tait 15 minutes.

Cholangiopancréatographie rétrogradeendoscopique

La CPRE était la technique diagnostique de référence(n = 47), mais chez 13 patients cet examen n’a pasété réalisable (endoscopie impossible, papille noncathéterisable). Dans ce cas, la référence diagnosti-que a été la cholangiographie percutanée (n = 1) etl’exploration chirurgicale (n = 12). Toutes les CPREréalisées pour suspicion de lithiase ont été associéesà une sphinctérectomie endoscopique. La référencepour ces patients a donc été la CPRE + la sphincté-rotomie.

La CPRE était réalisée après la cholangio-IRMdans un délai moyen de 1,8 jours (extrêmes :1–7 jours) ; en effet dans certains cas, il s’agissaitnon seulement d’un examen à visée diagnostique,mais également àvisée thérapeutique, modifiant alorsla sémiologie de l’obstruction biliaire.

Interprétation des résultats

Les cholangio-IRM ont été interprétées par deux lec-teurs en consensus, sans connaître les résultats de laCPRE ni des autres examens paracliniques, mais

Figure 3. Adénocarcinome du hile hépatique (flèche) avec envahis-sement des canaux hépatiques droit et gauche et dilatation des canauxd’amont. Cholédoque et canal de Wirsung non dilatés.

Figure 2. Adénocarcinome pancréatique. Sténose filiforme du bascholédoque (flèche). Dilatation de la voie biliaire principale et ducanal de Wirsung.

Figure 4. Sténose d’une anastomose hépatico-jéjunale liée à unenvahissement néoplasique par récidive d’un cancer gastrique (flè-che). Dilatation de la voie biliaire principale et de la partie distale del’anse en Y.

430 C. Cervi et al.

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l’orientation clinique était connue. De même, l’ inter-prétation de la CPRE était toujours faite sans connaî-tre les résultats de l’ IRM, en lecture directe par unendoscopiste.

Les données étudiées étaient : l’aspect pathologi-que des voies biliaires, la mesure du diamètre maxi-mal du cholédoque et du canal hépatique, le niveaude l’obstacle (voies biliaires intra-hépatiques, hile,VBP supérieure, VBP inférieure et région papillaire)et la nature de l’obstacle : tumoral, lithiasique et nontumoral, non lithiasique. Les voies biliaires étaientjugées normales lorsqu’ il n’existait aucune anoma-lie pariétale ; lorsque le diamètre de la VBP n’excé-dait pas 7 mm et 10 mm en cas d’antécédent de cho-lécystectomie ; et enfin lorsqu’aucun obstacle n’étaitdécelé. Pour la CPRE, les mesures du diamètre desvoies biliaires étaient réalisées secondairement surclichés. Pour tenir compte du facteur d’agrandisse-ment radiologique, on utilisait le cliché d’une règlegraduée réalisé dans les conditions de la CPRE.

Les différents résultats ont été analysés en termede sensibilité, spécificité, valeur prédictive positiveet de valeur prédictive négative. La concordanceentre les deux examens pour la localisation du niveaude l’obstacle a étécalculée par une concordance brutepuis analysée niveau par niveau à l’aide d’un test deKappa (Kappa de Cohen). La concordance est consi-dérée comme moyenne àbonne de 0,4 à0,75 et excel-lente de 0,75 à 1 [3].

RÉSULTATS

La concordance brute entre les deux examens étaitde 92 % pour la localisation du niveau de l’obstacle.La concordance réelle était bonne quel que soit lesiège : papille (K = 0,82), VBP inférieure (K = 1),VBP supérieure (K = 0,91), hile (K = 0,8), VBIH(K = 0,79).

Le diamètre maximal du cholédoque a été mesuréen moyenne à 9,5 mm par la cholangio-IRM (extrê-mes : 3–20) contre 10,5 mm par la CPRE (extrêmes :3–20). Pour le diamètre maximal du canal hépati-que, les chiffres étaient respectivement de 10 mm(extrêmes : 4–21) et de 11,5 mm (extrêmes : 4–21).

Les performances de la cholangio-IRM en termede sensibilité, spécificité, valeurs prédictives posi-tive et négative sont rapportées dans le tableau I.

Dans la pathologie lithiasique, il existait deux fauxpositifs. Le premier concernait un diagnostic de cal-cul du bas cholédoque à la cholangio-IRM (figure 5)

avec échec de la CPRE ; le diagnostic de normalitéaété porté par la cholangiographie peropératoire.Cependant l’ intervention chirurgicale ayant étéeffec-tuée quatre jours après la cholangio-IRM, une migra-tion spontanée du calcul était plausible, d’autant plusque les clichés de la cholangio-IRM étaient évoca-teurs. Le deuxième faux positif était en rapport avecun adénocarcinome papillaire invaginé dans la voiebilaire principale, diagnostiqué par la CPRE, alorsqu’ il avait été interprété comme lithiase du bas cho-lédoque en IRM.

En pathologie tumorale, cette série comportait unfaux négatif (cas précédent) (figure 6) et un faux posi-tif concernant un patient porteur d’une cholangitesclérosante pour laquelle le diagnostic de lésiontumorale avait été porté. En cas de pathologie nontumorale et non lithiasique (cholangite sclérosante,sténose cicatricielle), il existait un faux négatif (cas

Tableau I. Résultats de la cholangio-IRM en fonction de la naturede l’obstacle.

Sensibilité Spécificité VPP VPN

Voie biliaire pathologique 98 % 87 % 97 % 87 %Obstacle lithiasique 100 % 87 % 95 % 100 %Obstacle tumoral 95 % 87 % 95 % 87 %Obstacle autre 88 % 100 % 100 % 87 %

VPP : valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative.

Figure 5. Double calcul du cholédoque (flèche), non retrouvé lorsde la cholangiographie peropératoire.

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précédent). Enfin, sur les sept voies biliaires consi-dérées comme normales, la cholangio-IRM était nor-male six fois et montrait une lithiase du bas cholé-doque une fois, non retrouvée sur la cholangiographieperopératoire avec les réserves évoquées ci-dessus.

DISCUSSION

Cette étude confirme les bonnes performances de lacholangio-IRM en terme de diagnostic puisque troiserreurs diagnostiques ont été notées sur une série de60 patients. Ces performances sont dans la fourchettedes résultats rapportés dans la littérature concernantles séquences de cholangio-IRM jusqu’alors utili-sées. Les sensibilités publiées dans les différentesséries pour le diagnostic de dilatation des voies biliai-res varient de 90 à 96 % et pour le diagnostic deslithiases biliaires de 91 à95 %. La spécificitéest com-prise entre 85 et 100 % [4-10].

Dans notre série, le type de recrutement (indica-tion de CPRE) introduit un biais et doit faire inter-préter les résultats de la spécificité et surtout desvaleurs prédictives avec une grande prudence, laprescription d’une CPRE étant faite pour une fortesuspicion de pathologie biliaire. Le nombre depatients sans pathologie était donc faible.

Notre étude montre une surestimation du diamètredes voies biliaires mesuré par la CPRE comparati-vement à la cholangio-IRM. Ce fait est rapportédansd’autres séries [1] et s’explique principalement par

la distension des voies biliaires en CPRE, due àl’ injection du produit de contraste dans un systèmecanalaire fermé.

Cette nouvelle technique de cholangio-IRM donneune excellente image par rapport aux autres séquen-ces et en particulier aux séquences en trois dimen-sions qui ne visualisent pas bien les voies biliairesen l’absence de dilatation [11]. L’obtention de cou-pes épaisses par l’application d’une pondération T2,efface les structures parenchymateuses, mais aussivasculaires, notamment à flux lent, pour ne conser-ver en projection que les liquides stagnants.

La séquence SSFSE a le temps d’acquisition le pluscourt de toutes les séquences actuellement utilisées :900 ms avec un temps de repos tissulaire nécessaired’environ une seconde. La brièveté de ces acquisi-tions permet de pratiquer l’examen chez la quasi tota-lité des patients, une apnée de deux secondes étanttoujours possible. Cette faisabilité est renforcée parla possibilité de réaliser les coupes une à une. Ainsile patient peut reprendre une respiration régulièreentre ces très courtes apnées. De plus la séquenceSSFSE, en permettant la réalisation de coupes épais-ses et fines, donne à la fois une excellente vued’ensemble de l’arbre biliaire et de la zone papil-laire. En cas de doute, des coupes fines visualisentdes lésions de petite taille (lithiase au sein d’unestructure dilatée ou tumeur). Van Hoe et al. [12] ontmontréque l’ interprétation de la région papillaire doitêtre prudente car il y a un risque de faux positif dû àla présence d’air, et à la contraction du sphincterd’Oddi. Pour limiter ces risques, la réalisation de cou-pes radiaires [13] et l’effacement du cadre duodénalpar l’absorption de particules de Ferrites pourraientêtre utiles. Les coupes radiaires permettent de diffé-rencier l’air des structures calculeuses ou tissulaires ;l’absorption de particules Ferrites [14, 15] (Abdos-cant, Lumirent) permet de faire disparaître toutsignal au sein du duodénum, évitant ainsi de mas-quer la région papillaire par une superposition duo-dénale liquidienne.

Les performances diagnostiques de la cholangio-IRMavec les séquences single shot sont proches de cellesde la CPRE [7, 16, 17]. Dans cette étude, la CPRE aété choisie comme technique de référence pour sesperformances diagnostiques (valeur diagnostique =95 %) et parce qu’elle permet un traitement souventexclusif, évitant le recours à la chirurgie. Mais unautre moyen d’exploration des voies biliaires est

Figure 6. Adénocarcinome papillaire invaginé dans la voie biliaireprincipale avec dilatation cholédociennne d’amont (flèche).

432 C. Cervi et al.

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l’écho-endoscopie. Ses performances en ont faitl’examen diagnostique de référence dans la patholo-gie de la partie inférieure de la VBP et de la papille.Une seule étude comparant l’écho-endoscopie (EES)et la cholangio-IRM a été rapportée [18]. Cette étudemontre une sensibilité égale de la cholangio-IRM etde l’EES pour le diagnostic de lithiase de la VBP,mais une spécificité inférieure de la cholangio-IRM.Une autre étude sur une série importante de patientscompare CPRE, EES et CPRE [19]. Cette étude amontréune sensibilitébien moindre de l’EES par rap-port à la cholangio-IRM (38 % contre 98 %) et unespécificité équivalente (100 % contre 98 %). De tel-les études doivent être menées afin d’avoir toutes lesdonnées nécessaires à l’élaboration d’une hiérarchi-sation des examens. Néanmoins on peut déjà déga-ger certaines orientations.

La cholangio-IRM en coupes épaisses pallie leséchecs ou les contre-indications de la CPRE, maiselle tend surtout à remplacer celle-ci, lorsque la pro-babilité de trouver un obstacle est faible et que sonobjectif est surtout diagnostique [20-23]. La patho-logie tumorale hilaire en est une bonne indicationpuisque celle-ci permet de visualiser les voies biliai-res exclues en amont d’une obstruction complète. Deplus, cette région est difficilement analysée enéchoendoscopie [24] ; la validité de la cholangio-IRM dans cette pathologie est malheureusement dif-ficile à affirmer puisque les patients sont rarementopérés et les autres examens complémentaires impré-cis. Cette série ne comporte que sept tumeurs hilai-res, et seul un patient a étéopéré. Dans ce cas, l’opé-ration a confirmé le niveau de l’envahissementobservé en cholangio-IRM.

Dans la pathologie cholédocienne, surtout du bascholédoque, la situation est moins claire. En patho-logie lithiasique, la place de la cholangio-IRMdépend de l’attitude chirurgicale. Lorsqu’une cho-langiographie peropératoire est réalisée de façon sys-tématique, la cholangio-IRM ne garde vraisembla-blement un intérêt qu’en cas de suspicion de calculscholédociens postcholécystectomie [14, 25]. Lorsquecette cholangiographie peropératoire n’est pas systé-matique, faut-il utiliser la cholangio-IRM ou l’écho-endoscopie ? Cette dernière est en effet, devenue laréférence dans la pathologie lithiasique de la VBP,permettant de mettre en évidence de très petits cal-culs (inférieurs à 2 mm), là où la cholangio-IRMatteint ses limites.

De plus, l’échoendoscopie permet de découvrir depetites tumeurs papillaires, qui sont, elles aussi, sou-vent méconnues par la cholangio-IRM. Mais lacholangio-IRM nécessite un apprentissage moinslong que l’échoendoscopie, a un coût probablementmoindre et surtout un risque nul. Une récente étudea montré que la réalisation d’une cholangio-IRM depremière intention dans la pathologie obstructive desvoies biliaires, permettait de diminuer significative-ment les coûts en orientant vers une conduite adap-tée et en supprimant la redondance des examens [26].

CONCLUSION

La cholangio-IRM réalisée avec la séquence SSFSEest une technique simple et rapide, possible chez tousles patients sans contre-indication IRM. Elle a l’avan-tage de pouvoir réaliser à la fois des coupes fines etépaisses, sans recourir à des logiciels de post-traitement. Ses performances en comparaison aveccelles de l’échoendoscopie doivent être encore pré-cisées mais grâce à son innocuité, sa facilité de réa-lisation et ses résultats, elle doit devenir un des exa-mens primordiaux dans l’exploration des voiesbiliaires.

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