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ANM ce‘lin~s Sornmairc : Pltrsieurs parlementaires, divers analystes et deux commissions d’btude rbcentes, l’une au palier fkdihl (Lambert) et l’autre au Qukbec (Bisail- Ion), ont traitt de la possibilite d’implanter un rkgime d’imputabilitk pour les ad- ministrateurs publics, particulikrement les sous-ministres et les dirigeants dor- ganismes. Les modifications apportkes, au dkbut de la prksente annhe, aux rkgles de procedure de I’Assemblke nationale vont permettre une certaine expkrimen- tation h cet Pgard. Une telle rkforme a m h e I’auteur A examiner diverses con- traintes qui pourraient influencer et m$me jouer contre son implantation, notam- ment : les principes de la responsabilitk et de la solidariti: ministkrielles, l’6volu- tion des rapports entre le gouvernement et I’administration, les differences de statut entre les sous-ministres et les dirigeants d’organismes et les prkckdents relatifs i la participation des sous-ministres et des dirigeants d’organismes aux travails de I’Assemblbe. Ces contraintes sont assurkment skrieuses car elles remet- tent en cause des Plkments majeurs du systkme politique. Reste A. savoir si, comme cela se produit souvent, les hommes politiques rkussiront encore une fois A. concilier ce qui parait incompatible. La commissionparlernentaire : mecanisrned’imputabilite a I’egarddes sous-ministreset des dirigeants d’organismes Abstract: Several members of Parliament, various analysts and two recent com- missions of inquiry, one federal (Lambert Commission) and the other from Quebec (Bisaillon), have studied the possibility of implementing an account- ability system for pubIic administrators, particularly deputy ministers and chief executive officers of agencies. Amendments brought forth earlier this year to the procedures of the National Assembly of Quebec will allow for experimenta- tion in that area. Such a reform leads the author to examine various constraints in its implementation; in particular, the principles of ministerial responsibility and soolidarity; the evolution of relationships between government and admini- stration; the status differences between deputy ministers and chief executive officers of agencies; the precedents concerning the participation of deputy minis- ters and chief executive officers in the work of the Assembly. Those constraints are of great importance since they challenge some major elements of the political system. It remains to be seen whether politicians will succeed once again in reconciling what appears to be incompatible. L’auteur est directeur du CEPAQ B 1’Bcole nationale d’administration publique de l’Uni- YersitC. du Qukbec. CANADIAN PUBLIC ADhlISISTRATlOV 1 ADMISISTRATION PUBLIQUE DU CANADA VOLUME 27, SO. 3 (FALL/AUTOMNE 1984 1, PI’. 372-98.

La commission parlernentaire: mécanisrne d'imputabilitéà l‘égard des sous-ministres et des dirigeants d'organismes

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ANM ce‘lin~s

Sornmairc : Pltrsieurs parlementaires, divers analystes et deux commissions d’btude rbcentes, l’une au palier fkd ih l (Lambert) et l’autre au Qukbec (Bisail- Ion), ont traitt de la possibilite d’implanter un rkgime d’imputabilitk pour les ad- ministrateurs publics, particulikrement les sous-ministres et les dirigeants dor - ganismes. Les modifications apportkes, au dkbut de la prksente annhe, aux rkgles de procedure de I’Assemblke nationale vont permettre une certaine expkrimen- tation h cet Pgard. Une telle rkforme a m h e I’auteur A examiner diverses con- traintes qui pourraient influencer et m$me jouer contre son implantation, notam- ment : les principes de la responsabilitk et de la solidariti: ministkrielles, l’6volu- tion des rapports entre le gouvernement et I’administration, les differences de statut entre les sous-ministres et les dirigeants d’organismes et les prkckdents relatifs i la participation des sous-ministres et des dirigeants d’organismes aux travails de I’Assemblbe. Ces contraintes sont assurkment skrieuses car elles remet- tent en cause des Plkments majeurs du systkme politique. Reste A. savoir si, comme cela se produit souvent, les hommes politiques rkussiront encore une fois A. concilier ce qui parait incompatible.

La commission parlernentaire : mecanisrne d’imputabilite a I’egard des sous-ministres et des dirigeants d’organismes

Abstract: Several members of Parliament, various analysts and two recent com- missions of inquiry, one federal (Lambert Commission) and the other from Quebec (Bisaillon), have studied the possibility of implementing an account- ability system for pubIic administrators, particularly deputy ministers and chief executive officers of agencies. Amendments brought forth earlier this year to the procedures of the National Assembly of Quebec will allow for experimenta- tion in that area. Such a reform leads the author to examine various constraints in its implementation; in particular, the principles of ministerial responsibility and soolidarity; the evolution of relationships between government and admini- stration; the status differences between deputy ministers and chief executive officers of agencies; the precedents concerning the participation of deputy minis- ters and chief executive officers in the work of the Assembly. Those constraints are of great importance since they challenge some major elements of the political system. It remains to be seen whether politicians will succeed once again in reconciling what appears to be incompatible.

L’auteur est directeur du CEPAQ B 1’Bcole nationale d’administration publique de l’Uni- YersitC. du Qukbec.

CANADIAN PUBLIC ADhlISISTRATlOV 1 ADMISISTRATION PUBLIQUE D U CANADA VOLUME 27, SO. 3 (FALL/AUTOMNE 1984 1, PI’. 372-98.

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LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

Cet article traite de divers aspects relatifs l'implantation d u n rkgime d'imputabilitk pour les hauts fonctionnaires et les dirigeants d'organismes devant une commission parlementaire. Cette proposition de rdforme doit assur6ment tenir compte des rkgles, des conventions et des pratiques qui rkgissent les rapports entre l'AssemblCe, le gouvernement et I'administra- tion. Celles-ci constituent en quelque sorte des contraintes B l'implantation d u n tel rkgime d'imputabilit6 et il importe den mesurer l'impact. Nous avons choisi de regrouper nos commentaires sous quatre volets :

la convention constitutionnelle; les principes du gouvernement respon- sable, de la responsabiliti! et de la solidariti! ministkrielles. Les raisons in- voqukes pour justifier l'instauration dun rkgime dimputabilit6 pour les sous-ministres et les dirigeants d'organismes de m&me que les implications, pour ces derniers, de l'instauration d'un tel ri!gime;

l'6volution des rapports d'autoritk entre le gouvernement et l'adminis- tration au Quebec au cours des dernikres annkes;

les diffkrences de statut entre les sous-ministres et les dirigeants d'orga- nisme et les divers rkgimes de responsabilitk;

les pr6cBdents relatifs B la participation des sous-ministres et dirigeants d'organisme aux travaux de l'Assemblke.

Dans une cinquiBme partie nous ferons des suggestions quant A des rBgles relatives B l'imputabilit6 des sous-ministres et dirigeants d'organisme en commission parlementaire de l'Assembl6e nationale.

La convention constitutionnelle Les principes de la responsabilite gouvernementale, de la responsabilite et de la solidarite ministerielles et les raisons invoquees pour justifier I'ins- tauration d'un regime d'imputabilite pour les sous-ministres et les dirigeants d'organismes

Le systbme parlementaire de type britannique est d'abord et avant tout un systbme de gouvernement responsable : klu par la population, le gou- vernement doit lui rendre des comptes, principalement au moment des klections mais aussi tout au long de l'exercice du mandat. Cette derniBre reddition de comptes se fait d'abord devant l'Assembli!e, suivant certaines rbgles et sous l'effet de I'action exercke par les formations d'opposition. Souvent p e r p e comme un simple rituel, l'activitk parlementaire est pour- tant fondamentale car elle alimente un dkbat politique continu, assure la Ugitimitk de l'exercice du pouvoir et prkpare la sanction klectorale. Bien qu'il faille parfois dissocier les trois notions (comme nous le ferons plus

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loin) il cst gknkralement justifik, dans le cas des ministres et du gouvernc- ment, d’associer reddition de comptes, autoritk et responsabilitk. Ainsi un ministre dktient l’autoritk lorsqu’il fait rapport b l’Assemblke de ses acti- vitbs - et cela a11 jour le jour - et il peut ktre alors tenu responsable des dkcisions, bonnes ou mauvaises, prises dans son secteur. I1 en va de m&me pour le gouvernement cjuant A l’ensemble de ses politiques.

Toutefois, il est aussi certain que le concept de gouvernement responsa- ble a acquis une connotation beaucoup plus large que la simple reddition de comptes h l’kgard dactes pas&. En effet, Q la suite de I’accroissement du rdle de I’Btat, on en est venu, au plan de la vie politique, A tenir le gou- vernement responsable non seulernent des actes qu’il a effectivement posks mais kgalement d’actes qu’il aurait omis de poser, m6me s’il n’y Ctait pas tcnu lbgalement, ainsi que du dimfaut d’apporter des correctifs A des ma- laises de la sociktk mkme si ces derniers sont le fait d’individus, de groupes oil encore de situations engendrbes de I’extArieur. La notion de gouverne- nient responsable a donc pris a\,ec le temps une dimension considkrable ct l’on devra garder cette considkration en mkmoire lorsque l’on abordcra l’imputabilitk des fonctionnaires.

Cela dit, la notion de responsabilitk gouvernementale - dans son sens restreint de recldition de comptes - a ktk transcrite a l’origine dans notre syst6me parlementaire dans deus principes fondamentaux : la responsa- bilitk ministerielle et la solidaritci ministerielle. En vertu du premier prin- cipe, les ministres sont exclusivement responsables des actes posks par Icms services dam leur sp216re respective de compktence. En vertu du second, les ministres sont solidaires des dbcisions prises collkgialement en conseil ou par lc Premier ministre.

Depuis quelques annkes, divers parlementaires A Quebec comme B Otta- wa ( Jean-Guy Cardinal, Jean Slarchand, Claude Forget, Dcnis Vaugeois) ont dbnonck le caractkre fictif du principe dc la responsabilitk ministCrielle. 11s ont fait observer qu‘il ktait injuste de tenir un ministre responsable de toutes les dkcisions prises par son administration en raison de l’ampleur de cclle-ci? qu’il ktait irrkaliste d’imaginer qu’une seule personne puisse super- viser toutes les activitCs et contraler toutes les dkcisions prises dans son minist&re et dans les nombrcux organismes qui s’y rattachent. L’expansion m&me de l’appareil administratif semblait condamner les ministres Q “cou- vrir” les inepties de personries bien rkmrrnkrees et qui, par surcrolt, jouis- saient dam certains cas de la skcuritk d’emploi. Pour la bonne mesure, certains ministres et d6putPs ainsi que le Vkrificatcur gknbral des comptes publics ont laissb entendre que le gouvernement avait perdu le contrdle des fonds publics, Q cause de l’amp!eur mkme de l’appareil, un phCnom&ne apparemment largement rkpandul. On peut penser que cette prkoccupa-

I J.R. Nethercote, Pnrliutnent and Bureaucracy, Sydney, Hale & Ironmonger et Aus- tralian Institute of Public Administration, 1982. Voir notaminent J . Uhr, “Parliament and Public z4d~ninistration,” p. 26.

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tion des parlementaires n’aurait pas kt6 aussi vive s’ils n’avaient 6th con- vaincus que les erreurs de l‘administration influenqaient de faqon nkgative l’opinion publique et que la population pouvait, en conskquence, choisir de voter eontre le parti au pouvoir, A l’klection suivante.

Or ces considkrations ont ktk invoqu6es pour justifier l’instauration d u n rkgime d’imputabilitk des hauts fonctionnaires et des dirigeants d’orga- nismes. Le raisonnement est simple : &ant donnk que les ministres et le gouvernement ne prennent pas toutes les decisions qu’on leur impute, ceux qui prennent ces dkcisions devraient, eux, en &tre tenus responsables devant l’AssemblCe. Cela semble dautant plus raisonnable que ce sont les gestionnaires qui, gknkralement, posskdent l’information la plus complkte et qui maitrisent le mieux les dossiers. Cette formule permettrait aux par- lementaires dexercer pleinement et directenient leur fonction de contrb- leurs de l’administration et B cette dernikre d’apporter les informations nkcessaires B un dkbat public kclair6. Le gouvernement pourrait m&me profiter de cette occasion pour raffermir sa mattrise de l’appareil adminis- tratif.

Cette proposition, toute sensee qu’elle puisse paraitre, est contestable B plusieurs points de vue. D’abord, il s’agit assurkment dune vision par- tielle des choses puisqu’elle ne tient pas compte du fait que les ministres et Ie gouvernement peuvent aussi tirer avantage des “bons coups” de l’ad- ministration puisque les memes principes excluent que - le merite “dheu- reuses initiatives” puisse revenir B dautres qu’aux ministres et au gouverne- ment meme si la suggestion est venue, en fait, de fonctionnaires. On com- prend pourquoi traditionnellement la responsabilitk complkte des minis- tres a ktk associke A une obligation de loyautk totale des fonctionnaires B l’endroit “du gouvernement du jour” et de neutralit6 politique B l’endroit de la population.

Deuxikmement, il est assez remarquable que d8s les annkes 1960, des analystes2 dknonqaient aussi le caractkre fictif du principe de la responsa- bilitk ministkrielle, mais cela pour des raisons diffkrentes sinon opposkes. 11s signalaient B cet hgard que ce principe n’htait, en pratique, que trks rarement sanctionnk par la dkmission du ministre tenu responsable. En effet, la convention a ht6 interprktke de telle faqon qu’en fait les ministres n’ont pas B dkmissionner pour des erreurs administratives, sauf lorsqu’ils sont personnellement impliquks et que les dkcisions ou les actes posks soulevent des consid6rations d’kthique, de moralit6 publique. En fait, meme Iorsque I’on reconnait que le principe de la responsabilitk minist&- rielle se traduit principalement aujourdhui par l’obligation qui est faite au ministre de rkpondre, en toute franchise, aux questions qui lui sont poskes en chambre on doit noter que le ministre peut toujours refuser de rkpondre.

2 G. Marshall et G.C. Moodie, Some Problems of the Constitution, London, Hutchison, 1959, ch. I11 et IV.

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De plus, une autre convention pnrlementaire a fait en sorte que la respon- sabilitt. minist6rielle a &t t fortement a t t h i k e A l’egard des organismes autonomes lesquels ont grandement prolifkrt au cours des vingt derniitres annires. En somnie, la convention n’aurait pas, en pratique, la rigiditk que IPS parlcmentaires mentionnks prkckdemnient semblent lui attribuer meme s’il est certain clue I’opposition chercliera toujours h le faire croire. On ne peut espiiquer autrenient le fait que ics nombreuses erreurs dknoncees par le seul Virrificateur g4ntral n’aient pas clonn4 lieu uii nombre plus irlevk de dhiss ions. Les analystes notaient encore qu’un ministre n’a pas non plus A dkmissionner (A rnoins qu’il le juge A proios ) ~orsqu’il est lik par une dt‘.cision collkgialc - le priiicipe de la solidarith ministGrielle ayant prk- sbancc, - mPme si celle-ci soult5vc de violentes critiques. Par contre, il n’est pas erclu qu’un ministre cloiit Line d6cision aurait entrain6 une sCrieuse misc en cause de la “crC.dibilit&” du gonvernement soit ‘‘invit6” A dkmis- sionner par le premier ministre. Ce dernier. dailleurs, est toujoiirs en me- sure d’obtcnir une d6niission ou de ne pas renouveler le inandat d’un minis- tre lors d’un remaniement s’il juge sa performance non satisfaisante OLI

pour toute autre raison. I1 p i t encore confier L I ~ nouveau portefeuiile, apr& un certain laps de temps X un ministre qui aurait suscit6 la reproba- tion populairc.. En d’autres termes, les principes de la responsabilitir et de Ia solidaritt ministirrielles ont une portte qui va bien au-delA de l’imputa- biliti. pour des fins administratives OLI mPme politiqucs.

TroisiGmement, il est difficile d’accepter sans reserve skrieuse la propo- sition suivant laquellt. cles fontrtionnaires prendraient des dkcisions dim- portalice sans les avoir fait approuver d’abord par le ministre OLI le gou- 1-ernenient. Non seulenient le cadre juridique mais kgalement la pratique veulent qu’h cet kgard les fonctionnaires fassent des recommandations aux hommes politiques qui, eux, ont B decider. Ainsi, en ce qui concerne l’adop- tion dune politique. le processus ktabli exige prkalablement une large consultation inter- et intraniir-iisti.rielle par le truchement de nombreux comitbs, l’accord du ministre et: du gouvernement; lorsqu‘il s’agit de pieces lkgislatives, il y a en outre les d6libkrations i 1’L4ssenibli.e, auxquelles par- ticipent h l’occasion les groupes concern& par les mesiires. I1 est vrai par ailleurs que dans l’application des mesures gouvernementales ou, plus largenient, dans la gestion quotidienne, le sous-ministre peut disposer d u n mandat suffisamnient large pour pouvoir deleguer A son tour B d’autres fonctionnaires. Cependant, il convient d’observer dabord que plusieurs ministres s’intkressent activement aus problemes de gestion, deuxieme- ment, que cette autoriti. dirlkguee (e t non une responsabilitk dklkguke) s’exerce habituellement dans 1111 cadre rbglementaire assez klabork, troi- s i h e m e n t que les dkrogations aux directives sont gknkralement portkes, pour fins de dkcision, soit au Conseil du Trbsor soit au Conseil executif, et quatriemenient, que les fonctionnaires, tr&s prudents, font tres souvent

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viser leurs dkcisions par leur supkrieur. De sorte que, s’il est sans doute vrai que, comme dans toute grande organisation, plusieurs dkcisions dappli- cation 6chappent A la connaissance de la haute direction des ministkres, i1 n’y aurait rien 1A de rkprkhensible, dans la mesure oh elles sont rkgulihes, bien au contraire.

En somme, sans vouloir caricaturer, on pourrait dire que la discrktion de l’administration se limite aux cas d’absence ou dinsuffisance de norma- lisation (une lacune que la direction du ministhe peut toujours combler) mais qu’elle inclut kgalement l’erreur de droit ou de fait, dklibkrke ou in- consciente. Cependant, B ce dernier propos, il reste encore B prouver : qu‘une erreur administrative a entralnk la chute d’un gouvernement, que des erreurs rkpkt6es n’ont pas ktk portkes B la connaissance du ministre ou du gouvernement qui pouvait les corriger, qu’une erreur administrative qui aurait pris une ampleur “politique” n’aurait pas donn6 lieu A un dCbat public permettant de dkpartager les responsabilitks, que la population ne fait pas preuve de discernement et tient vraiment le gouvernement respon- sable pour des erreurs qui sont manifestement le fait de fonctionnaires, qu’un gestionnaire incompktent ne peut Ctre rkvoqud ...

I1 convient &observer encore que s’il est dusage, depuis fort longtemps, pour les parlementaires de ddplorer l’insuffisance de l’information qu’ils reqoivent de la part du gouvernement et de l’administration, et de souli- gner la difficult6 qu’ils kprouvent en consdquence B exercer valablement leurs fonctions, il est apparent qu’en fait ils rkclament davantage des ana- lyses que des donnkes. En pratique, ils sont trks souvent inondds dinfor- mations et leur vkritable problkme consiste plutbt B les organiser de faqon significative. Cependant, toute analyse provenant des services gouverne- mentaux a de fortes chances d’Ctre consid6rt.e comme partiale par les for- mations d’opposition. Or s’il Ctait permis B ces formations d’entrer directe- ment en rapport avec les auteurs de ces analyses (en l’occurence les fonc- tionnaires ) , elles exigeraient trAs rapidement de pouvoir confronter ces derniers avec dautres experts de leur choix. Cette confrontation Clargi- rait l’emprise du d6bat politique, mais il n’est pas dit qu’elle en changerait la nature puisqu’il est toujours possible de mobiliser des experts favorables A l’un ou B l’autre point de vue. Dans cette seule perspective, on pourrait penser qu’il serait pr6f6rable de donner plus de vigueur aux organismes de surveillance (tel le Vkrificateur gknkral) qui ont pour fonction dassister les contrbleurs parlementaires et, plus certainement encore, de doter les partis dopposition de services d’analyse et de recherche.

Cela dit, il n’en reste pas moins que certains changements se sont pro- duits au cours des dernikres annkes qui semblent mettre en cause le con- cept de la responsabilit6 ministkrielle. D’abord, la population accepte moins facilement aujourd’hui qu’il y ait necessairement une solution gou- vernementale 21 tout probkme dans la sociktk; elle devient par cons6quent

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plus critique de son action. Ensuite, les exigences relatives B la fois B la neutralitk politique des fonctionnaires et h l’intkgritk du principe de la responsabilitk ministerielle sc sont attknukes avec le temps. Enfin, l’appa- reil administratif n’est plus un monolithe soumis au pouvoir hikrarchique ministkriel inais un ensemble d‘organismes plus ou moins dircentralis6s. C’est peut-6tre ce dernier ph6nomBne qui rend le plus plausible aujourdhui I’hypothBse d’un partage des responsabilitks entre le personnel politique et lc personnel administratif, le gouvernement conservant la seule respon- sabilitt. politique et I’appareil administratif assumant la responsabilitk administrative.

Les implications de I’instauration d’un regime d’imputabiiite pour ies sous-ministres et les dirigeants d’organismes

Bien sdr. ces obscri,ations ne resument pas l’ensemble du dt.bat. Toutefois, certaines constatations s’imposent quant au fonctionnement de la respon- sabilitk ministCrielle et quant a diverses implications de l’implantation d‘un rkgime d’imputabilitd pour les fonctionnaires et les dirigeants dorganismes.

Dabord il n’existe aucune facon dkviter que la population tienne soit un gouvernement, soit un ministre, “responsable” de malaises kprouvirs dans la sociktk en gknkral, ou dans un secteur particulier. M4me si le prin- cipe de la responsabilite ministkrielle est plus restrictif (ne s’appliquant qu’A l’egard de dkcisions prises ) , il n’en est pas moins influenck par ce con- texte, tout comnie le serait un rirgime d’imputabilitk des sous-ministres et des dirigeants d’organisnies.

Deuxikmement, le principe de la responsabilitk ministkrielle, jumelk ou non celui de la solidaritb ministerielle, n’est pas totalement dknuk de sanction mais cette sanction n’est pas fondke uniquement sur la perfor- mance de l’individu. I1 pourrait en aller de m&me d& sous-ministres et des dirigeants d’organismes, s’ils devaient devenir imputables.

Enfin, les ministres peuvent difficilement se plaindre du caractBre injuste du principe de la responsabiliti! ministkrielle puisqu’en pratique ils ne sont pas rkellement tenus personnellement responsables des erreurs de l’administration, qu’ils profitent de ses rkussites et que le gouvernement est toujours, au plan legal du moins, en position de corriger les erreurs administratives, de rirvoquer les fautifs et, A dkfaut, voire, de s’en dkmar- quer face A I’opinion publique, m&me si cela va A l’encontre de la conven- tion. I1 n’est pas kvident que les in&mes conditions prkvaudraient pour les sous-ministres et les dirigeants dorganismes devenus imputables.

Cela dit, on peut malgrk tout juger la situation actuelle tellement insatis- faisante qu’il faille instaurer un rkgirne d’imputabilitk pour les sous-minis-

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tres et les dirigeants d’organisme. Or on ne peut se cacher le fait que l’intro- duction d’un tel rkgime aurait des rkpercussions importantes tant au plan constitutionnel qu’B celui du fonctionnement du systbme politique et de l’appareil administratif.

En effet, la convention constitutionnelle actuelle assure la supr6matie du pouvoir exkcutif sur l’administration. L’instauration d’un r6gime dim- putabilitk des gestionnaires modifierait cette convention et mettrait en cause la subordination de l’administration au pouvoir ex6cutif puisqu’elle implique un partage des responsabilit& entre le pouvoir exe’cutif et l‘ad- ministration.

I1 faudrait, dans ce but, soit transfkrer B des organismes autonomes la totalitk des programmes actuellement administrhs par les ministbres, ceux-ci devenant, comme en Subde3, des organes de formulation de poli- tique, soit prkciser dans la loi des ministbres ou dans des lois ghn6rales (Loi sur la fonction publique, Loi sur l’administration financidre) les ma- tieres B l’kgard desquelles les sous-ministres seraient seuls responsables. Dans le premier cas on legaliserait une skparation horizontale entre le politique et l’administratif, entre les objectifs et leurs applications, une dichotomie qui n’est pas exempte d’ambiguitks comme on pourra le cons- tater plus loin. Dans le second cas, on pourrait se rendre compte qu’un rkgime de responsabilitk partielle et fragmentke ( verticale, certains pou- voirs en matibre de gestion du personnel ou de finances) non seulement conduit inkvitablement A des incohkrences car la gestion quotidienne impli- que forckment une intkgration des divers processus de gestion, mais en- core soulbve la question du niveau m&me de la responsabilit6.

A cet kgard, on a fait &tat, notamment dans le cadre des travaux de la commission Lambert4, qu’en Angleterre le sous-ministre est responsable de la gestion du personnel et de la gestion financiitre dans son ministbre (Personnel and Accounting Officer), On aurait donc rkussi B Westminster A rhconcilier l’imputabilitk des sous-ministres et le principe de la respon- sabilitk ministkrielle par une s6paration plus ou moins 6tendue des matibres administratives et politiques. Toutefois, une telle proposition doit Ctre accueillie, me semble-t-il, avec rkserve. I1 convient ici d’observer que, pen- dant plusieurs annCes, les fonctionnaires qui se prksentaient devant le Estimates Committee le faisaient “au nom des ministres”. I1 est vrai que par la suite ce comiti. fut remplacC par le “Public Expenditures Committee” devant lequel le sous-ministre ( Permanent Secretary) peut &re effective- ment appelk A “expliquer” les irr6gularitks rapportCes principalement par le ContrBleur et Vkrificateur gknkral. Le sous-ministre est Bgalement ap-

3 Oh la constitution m&me Btablit une skparation. 4 Commission royale sur la gestion financihre e t l’imputabilitk, Rapport final, Ottawa, ministeke des Approvisionnements et Services, 1979.

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pel4 h tkmoigner it la suite des enqu&tes mentes par le Commissaire parle- mentaire h l’aclministration (depuis 1968) qui, comme ombudsman, est chargk de voir A la correction d e cas de “maladministration”.

Cela dit, il serait prbmaturk de voir la un v6ritable regime d’imputabilitk cles sous-niinistres. D’abord, Ie Commissaire parlementairc n’a pas autoritk en matiiw de gestion du personnel parcc qu‘il existe un mkcanisme distinct de reglement des diffkrends. Deuxikmement, ses rapports ne mentionnent pas le nom cles fonctionnaires concernks et il est clair qu’il ne peut imposer de sanctions. TroisiGmement, le Comite des dkpenses publiques s’est sur- tout prkoccupk dr vkrifier l’existence et la qualitk des mCcanismes de contrble existant, ses rapports ont r e p peu de publicit6 et il n’est pas kvi- dent clue cette “reddition de coniptes” des sous-ministres ait donnk lieu A cles sanctions personnelles. En fait il peut difficilement en aller autrement car, malgrk la responsabilitk formelle attribuke aux sous-ministres, les pro- Cessus de gestion denicurent passablement centralisks. Bien plus, on a not6 qu‘un des eff ets de cette “imputabilitt. parlementaire” des sous-ministres a 4t4 “daccroitre la supervision des ministres en matiere administrative” {un paradose) et d e rendre moins harmonieuses les relations entre Ies rninistres et les sous-ministres, tout en mobilisant tine quantitk impression- nante de fonctionnaires subalternes dans le but d’kclaircr leur sous-ministre. On peut penser kgalement qu’en tant qu’Accozrnting Officer le sous-ministre peut Stre avisk par les services de vkrification des irregularitks que Yon liurait pu dkceler h l’intkrieur du ministkre avant m&me que soit prksentk le rapport du Contrbleur et Vkrificateur aux Communes. Enfin, on peut 1,oir dam la crkation des nombreux “centres autonomes d’imputabilit6” 4tablis depuis, et qui sont tantbt des organismes proprenient dits e t tantbt des subdivisions de ministhres, une faqon de dklester les sous-ministres de cette responsabiliti.. I1 est symptomatiquc qu’en dkpit de tous ces efforts le principe de la responsabiliti. ministkrielle ait kt6 r6affirmk pkriodique- ment par la suite comme ktant la base du systkme britannique.5

En fait, peu importe que 1’011 opte pour la dkcentralisation fonctionnelle par niveau 011 par matihres, il faudra encore s’interroger sur l’identiti: de l’institution qui esercerait dorihavant l’autoritk executive ( qui nomme, rkvoque, kmet des directives ) sur l’administration. Si le gouvernement con- serve cette autoritk, ne serait-il pas accusk de s’en servir pour miner la responsabilitk des sous-ministres et des dirigeants dorganismes, tout en

5 Ann Robinson, dans S . A . Walkland et 11. Rye, The Commissions in the Seventies, London, 1lartin Robinson, 1977, cli. VII; - Ann Robinson, Parlzarnent and Public Spending, the Public expenditure Committee of the House of Commons, 1970-71, London, Heinenuri, 1978; - R.S. Brown et D.R. Steel, The Administrative Procers in Britain, London, Lfethuen, 1979, p. 134, 147 et 149; - C. Roy, The Select Committee o n the Parliamentary Cornmissioner, 1967-1980-1982, Public Law - 49.

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ttludant ses propres responsabilitks devant l'Assemblke, l'opinion publi- cpe? Si 1'Assemblke acquiert cette autoritk - en prenant pour acquis que cette institution est apte h diriger une gestion quotidienne, - ne devra-t-on pas constamment se demander si la volontk a laquelle les gestionnaires doivent obkir est celle de la majoritk ministkrielle ou celle de l'opposition? Si une administration centrale quelconque se voit confkrer cette autorittt, ne devra-t-on pas la rendre responsable ii une institution due?

A vrai dire, on imagine ma1 que le gouvernement, ici, renonce B exercer cette autoritk exkcutive, qu'il refuse, par exemple, malgrk une critique par- lementaire ou populaire violente, de s'engager B reviser une dkcision mani- festement erronke ou impopulaire de l'administration, B imposer de nou- velles normes et lignes directrices B l'administration de faqon B kviter qu'une situation dkplorable ne se reproduise. En d'autres termes, une telle pratique irait A l'encontre de ce que la culture politique considkre comme du ressort de la responsabilitk gouvernementale et du fonctionnement niCme de l'Assemb1i.e. Cette hypothkse parait dautant plus difficile B sou- tenir que l'instauration d u n rkgime d'imputabilitk pour les gestionnaires suppose que ceux-ci disposent d'une marge de maneuvre, d'une autono- mie qui forcttment pourra se traduire par une diversitk ou meme une ab- sence de ritgles et, occasionnellement, par des dkcisions diffkrentes, con- tradictoires et apparemment discrktionnaires. Or, indkpendamment de l'ktendue de cette marge de maneuvre (qu'il faudra cerner ultkrieure- ment), il semble que si la population accepte assez bien les dkcisions prises par les gestionnaires privks qui paraissent Ctre dans l'intkrht de l'entre- prise, autant elle rkprouve les dkcisions du gestionnaire public dont l'kquitk et l'impartialitk ne paraissent pas Btre consacrkes par une norme. Combien de temps un tel rkgime de partage des responsabilitks et d'impu- tabilitk des gestionnaires pourrait-il durer dans un tel contexte?

En deuxi&me lieu, l'instauration d u n rkgime d'imputabilitk des hauts fonctionnaires et dirigeants d'organismes exigerait sans doute que Yon retrouve au plan administratif un cadre d'opkration analogue B celui qu'im- prime la solidaritk ministkrielle. En effet, il est difficile d'imaginer que I'administration puisse ne pas etre intkgrke B la fois par des rkgles gknkrales relatives h la gestion du personnel, des services auxiliaires et des finances, par des processus centralisks de prklitvement (fonds consolidk ) , d'alloca- tion et de gestion des ressources, ainsi que par un esprit de corps et de collaboration nkcessaire au bon fonctionnement d u n aussi vaste appareil. I1 existe actuellement une cinquantaine de mesures de contrble ou de ser- vice central au gouvernement du Qukbec. Dans un tel contexte on doit s'in- terroger non seulement sur l'ktendue de la marge de maneuvre des ges- tionnaires, ainsi rkduite par l'obligation de respecter les r&gles centrales, mais kgalement sur l'identitk de l'instance qui, B l'instar du premier minis-

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trc pour les ministres, sanctionner.ait les dkrogations h ces r&gles par les sous-ministres et des dirigeants d’organismes, ainsi que sur les cons& quences de ces dkrogations pour les individus.

hctuellement, il existe au Qukbec un mecanisme embryonnaire d’kvalua- tion formelle des sous-ministres et des dirigeants dorganismes sous l’kgide du Secrbtaire general du gouvernement et du Premier ministre. A Ottawa, le mkcanisme parah plus &labor6 et implique la participation du secretaire du Conseil privk, du secretaire du Conseil du trksor, du prksident de la Commission de la fonction publique et du Premier ministre. Cependant, m6me dans ce dernier cas, il ne semble pas que l’on ait envisag6 la possi- bilit6 d’inclure dans l’kvaluation des hauts dirigeants les considkrations qui pourraient &tre kmises par les dkputes (d’opposition) appelks B con- crktiscr leur imputabilitk, ce qui serait pourtant une suite logique. On verrait alors le gouvernement dkplacer certains dentre eux comme des ministres ii cause d’une mauvaise performance B l’hssemblke. Par ailleurs certains se sont dCjh inquikths de l’incitation au carrikrisme que pourrait constituer une telle centralisation de l’kvaluation B l’intkrieur du gouverne- mentG et l’on peut penser que l’imputabilitg parlementaire ne ferait que renforcer cette incitation.

A vrai dire, on peut s’etonner que l’on ait tant mis l‘accent sur l’imputa- biliti. des gestionnaires sectoriels et si peu stir celle des gestionnaires des organismes centraux dont les ritgles et les dkcisions conditionnent pourtant largement la gestion des ministkres et des organismes. C’est peut-&re parce que l’on est conscient que justement les organismes centraux opkrent une jonction entre Ie politique et l’administratif au plan mCme de la gestion et que rendre ceus-ci imputables c’est revenir B I’imputabilitk du gouverne- ment.

Enfin, et contrairement ii la ligne de penshe gbnkralement adoptke, cer- tains pourraient s’inqui&ter de ce que l’instauration d’un regime dimputa- hilitk pour les sous-ministres ct les dirigeants d’organismes ne puisse se concrktiser que par la formation d’une coalition des oppositionnistes et des niinistkriels contre l’administration. En effet, une telle coalition n’est-elle pas implicite clans toute proposition suggkrant la dkpolitisation des dkbats entourant le coiitrdle de l’administration? Outre que cette dkpolitisation serait surtout avantageuse pour les ministeriels, elle supposerait de la part de l’administration une indkpendance telle que l’on se demande s’il ne serait pas plus difficile pour les klus, par la suite, de lui imposer les rkorien- tations nkcessaires principalement dans le contexte d u n “Gtat positif’, qui exige justement une souplesse et une flexibilitt. accrues et l’klimination de normes ct de rkgles abondantes encadrant habitueIIement la mise en

6 .tccountabilit)” 1983, Admini&ution publique drr Canada, \ol. 26, no. 3, p. 325.

H L. Laframboise, “Conscience and confomiity : the incomfortable bedfellows of

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application des politiques. On peut encore se demander si cette dkresponsa- bilisation des 61us n’aurait pas pour effet, en revanche, de pousser les ges- tionnaires A se politiser pour mieux se dkfendre contre les critiques biparti- sanes; mais, A priori, cette politisation ne saurait qu’&tre i l’avantage de celui qui nomme les gestionnaires, le gouvernement. Un cercle vicieux.

L’evolution des rapports d’autorite entre le gouvernement et I’administra- tion au Quebec au cours des dernieres annees

11 est thkoriquement possible que les observations qui prkckdent soient plus ou moins pertinentes, dkpendant des rapports factuels dautoritk entre le gouvernement et l’administration. En d’autres termes, on peut s’interroger sur l’opportunitk d’introduire un rkgime d’imputabilitk pour des gestionnaires dam une conjoncture dkterminke.

Vers la fin des annkes 1960, plusieurs observateurs ont suggkrk que la rkvolution tranquille avait donnk naissance A un regime technocratique et que les hauts fonctionnaires avaient de fait, sinon au plan lkgal, acquis un ascendant sur le pouvoir politique. Indkpendamment du fait qu’une telle suggestion mettait en cause la qualitk du personnel politique (puis- qu’il ktait toujours en position d’autoritk formelle), il faut bien constater que la situation a serieusement changk depuis lors et que plus personne aujourd’hui ne porte un tel jugement.

I1 est difficile en effet de ne pas reconnaitre que le pouvoir politique a repris en main la direction effective de l’appareil administratif dks le dkbut des annkes 1970. Le renforcement et la multiplication des services et des contrbles centraux sous direction politique (Loi sur l’administration financidre de 1970 et secrktariat du Conseil exkcutif) ainsi que des cabinets ministkriels ont amenuisk de faqon tres sensible la fonction de conseiller qui avait BtB exercke, ici comme ailleurs, par les cadres supkrieurs des ministkres. Cette tendance, croyons-nous, s’est prolongee jusqu’i aujour- dhui. Les lois constitutives des organismes “autonomes” contiennent des dispositions qui confkrent au ministre ou au gouvernement le pouvoir d‘approuver les principales dkcisions stratkgiques de ces organismes.

Dans un tel contexte il paraft plut6t paradoxal que l’on choisisse ce moment pour suggkrer l’imputabilitk des gestionnaires. Plus prkcisement, on imagine ma1 qu’un tel regime puisse &re implant6 correctement sans que l’on ait au prkalable d6sengagk le pouvoir politique A l’kgard des dk- cisions administratives et, plus fondamentalement encore, que I’on ait effectuk un partage entre les matikres administratives et les matieres poli- tiques et que l’on ait dkpartagk les responsabilitks entre les organismes administratifs centraux et les gestionnaires sectoriels, de telle f a p n que les uns et les autres soient imputables “pour la peine”.

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Ces consid6rations valent, croyons-nous, tant pour les sous-ministres que pour les dirigeants d‘organismes bien que l’on doive assurbment distinguer la situation particuli6re de chacun de ces deux groupes.

Les differences de statut entre les sous-ministres et les dirigeants d’organismes et les divers regimes de responsabilite

A l’heure actuelle, il existe une diffbrence fondamentale entre les statuts respectifs des dirigeants d’organismes et des sous-ministres. Les premiers sont legalernent responsables, parce qu‘il s’agit d’organismes dCcentra- 1isi.s; Its seconds sont comptables A leur supkrieur parce qu’ils sont sou- mis A l’autoriti. hibrarchique de leur ministre respectif. On ne peut faire abstraction de cette d0nnt.e juridique de base sans s’exposer A des imbro- glios et li dcs confusions dont souffriront les personnes en cause et les institutions. En d’autres termes, dans notre systkme on peut &tre respon- sable et conskquemment imputable (ou comptable de ses actes) mais on peut aussi n’6tre que coniptable de ses actes A une autoritk supkrieure sans 6tre responsable l’egard des tiers parce que I’on agit A l’intkrieur d u n e structure hikrarchique.

L’autorite du sous-ministre Dans la plupart des lois constitumt les ministkres, on dkfinit ainsi les pou- voirs du sous-ministre :

SOUS la direction rlu ministre, il a la surveillance des autres fonctionnaires et employ& dii minist&re et il en administre les affaires courantes. L’autoriti. du sous-ministre est celle du ministre, ses ordres doivent Btre exkcutks de la mlme maniere que ceux du ministre et sa signature officielle donne force et autoritC h tout document du ressort du ministBre.

On ajoutera h l’occasion :

11 exerce, en outre, les fonctioiis que lui assigne le gouvernement ou le ministre.

I1 parait indubitable que le sous-ministre n’exerce pas de pouvoirs qui lui soient propres, car il cst globalement subordonnk A l’autoritk hikrarchique du ministre. S I h e si son autoritk est trks ktendue, jusqu’A se confondre avec celle du ministre, e lk ne s’ktend qu’aux employ& et A la ritgie interne du ministbre. C’est dans ces matitres que sa signature peut lier le minis- tPre A l’bgard des tiers. Toutefois, m6me dans ces cas, il ne devrait 6tre tenu responsable que conjointement avec le ministre, car son autoritk est exercee sous la direction du ministre. Bien plus, la demitre Loi sur In fonc- tiorz publique;, qui assimile le sous-ministre A un fonctionnaire, stipule

’7 L.Q., 83-c.55. art.

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que le gouvernement prend “fait et cause” pour lui lorsqu’il est poursuivi par un tiers, sauf en cas de faute lourde. I1 est clair en somme que le minis- tre a autant autoritk sur l’administration que le sous-ministre et que les lois organiques des ministkres n’ktablissent pas un partage de compktence ni n’opitrent une dkcentralisation entre le ministre et le sous-ministre.

I1 est vrai, par ailleurs, que la derniitre loi sur la fonction publique ac- corde des responsabilitds spdcifiques au sous-ministre en ce qui concerne certains actes de gestion du personnel (par exemple la discipline, la dota- tion) ou encore permet diverses dklkgations des organismes centraux au sous-ministre. Toutefois les dispositions de ce type ne sont, tout compte fait, pas tr&s nombreuses. De plus, les “nouvelles responsabilitds” continuent d‘ktre exercdes sous la direction du ministre, ce qui est pour le moins, contradictoire. Tel est le cas notamment de la gestion des ressources hu- maines daprits l’article 37 de cette loi. Si l’on devait tenter de mettre en vigueur cette imputabilitk, - on se rendrait compte assez rapidement que la discrktion des sous-ministres est circonscrite par une rdglementation centrale ainsi que par des conventions collectives dgalement dapplication gknbrale. A entendre certains sous-ministres cependant on serait port6 B croire qu’ils seraient pr& B 6tre reconnus imputables si l’on supprimait cette rkglementation, ces conventions, car il y aurait alors adkquation entre pouvoir et responsabilitk.

A vrai dire, ce raisonnement est discutable. Tout gestionnaire d’entre- prise doit euvrer avec de telles contraintes, toute organisation est intk- grde par des ritgles gkndrales, autrement elle devient incohkrente et l’exer- cice de la responsabilitd implique le respect de telles ritgles. On peut penser que l‘existence de ces rkgles devrait justement avoir pour effet de rkduire la responsabilitd individuelle des sous-ministres. Cela ne signifie pas cepen- dant qu’il n’y ait pas lieu de rkduire la quantitd ni la spdcificitd de ces rkgles lorsqu’elles sont trop nombreuses ou tatillonnes. Cela ne signifie pas non plus que les ddrogations B ces rkgles ne devraient pas &re dgalement sanc- tionnkes mais sans doute cela devrait se faire par des mesures disciplinaires de la part de l’instance gouvernementale.

En deuxikme lieu, on se rendrait aussi compte que le sous-ministre de- vrait, en l’occurrence, constamment chercher B concilier des objectifs con- flictuels de la gestion du personnel, que la loi a 6tablis aux articles 2 et 3. Or cette conciliation de la politique et de la pratique implique des rapports trits ktroits entre le gouvernement, les ministres et les sous-ministres. Con- crittement, il faudrait donc que le gouvernement indique rdguliitrement quand et comment il dksire que les sous-ministres privilkgient tantbt l’effi- cience, tantBt l’kgalitd d’accks, tantbt la contribution optimale des com- posantes de la sociktk qubbkcoise. Comment alors pourrait-on rendre le sous-ministre seul responsable? Enfin, il est clair que l’exercice de quelques pouvoirs en matiitre de gestion du personnel, qui n’auraient pas de contre-

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partie en matitire de gestion financikre et d’organisation des services, ne pourrait conduire qu’a une responsabilitk tgalement fragmentke menant A diverses confusions des rbles. En somme, il faudrait des modifications beaucoup plus substantielles pour que l’on puisse considhrer ces disposi- tions autrement que comme des exceptions et que le statut de subordonnk hitrarchique soit changt en celui de responsable.

L’autorite, la responsabilite et I’immunite du sous-ministre

I1 dkcoule de ce qui preci.de qu‘il est inconcevable qu’une commission parlementaire puisse tenir un sous-ministre personnellement responsable cI’acte5 administratifs dans le cadre luridique qui prkvaut actuellement. Son autoritt est subordonnke 21 celle du ministre.

Pour que cela puisse se produire, il faudrait retirer au ministre toute nutorit6 sur la gestion ou encore departager les actes dadministration sur lesquels le sous-ministre aurait iAtItorite finale et les actes A l’hgard des- quels le ministre pourrait e?rercer l’autorite finale par voie d‘autorisation prealable ou d’approbation en prenant bien soin de rendre cohkrente cette responsabilitt. fragmentee I1 faudrait en somme une rupture du lien hit.rarchique et l’instauration d u n rkgime de responsabilitk propre atis sous-ministres pour les fins du contrdle parlementaire. L‘exemple britanniquc cet & g a d n’est pas tellement convaincant. I1 est aussi assez remarquable que le Parlement de 1’Australie du Sud, qui a poussk l’expk- rimentation assez loin dans ce domaine, n’ait pas encore rksolu un partage satisfaisant entre les matitires politiques et administratives8.

On a beau raisonner qu‘une responsabilitk devant l’ilssemblke se situe- rait sur un plan diffGrent de celui d’un proctis devant un tribunal, il n’en reste pas moins que dans les deux cas il y aurait mise en cause de la respon- sabilitk personnelle du sous-ministre. I1 faudrait donc elaborer kgalement un rtgime approprik de sanctions : bllime, suspension, rkvocation, pour ce qui a trait aux erreurs administratives rattachCes au sous-ministre et dkterminer si la dkcision de la commission parlementairc lierait le gouver- nement. I1 faudrait egalement ktablir des rkgles de prockdure parlemen- take qui soient appropribes a ce genre de mise en cause, car si Yon devait faire de la commission parlementaire une espPce de tribunal administratif, il conviendrait que le sous-ministre puisse disposer des moyens approprih pour se defendre, notamment tles services d’un conseiller juridique. Imagi- nons seulement q u e le sous-ministre doive rkpondre aux dknonciations du Vkrificateur gkneral relatives A une dilapidation de fonds publics. On ne voit pas d’ailleurs comment il pourrait se soustraire 21 une telle incrimina- tion dans le nouveau contexte. On se demande alors s’il ne serait pas prk-

8 J.R. Kethercote, Parliament and Bureaucracy, op. cit., p. 37.

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fkrable que la rkgularitk des comptes et la d6charge des sous-ministres soient du ressort d’une cour des comptes comme dans divers pays euro- pkens. 11 va sans dire que les possibilitks de confrontation seraient encore accrues si l’on Blargissait le rdle du Vkrificateur gknkral B la verification de l’efficacit6 et Q l’efficience de la gestion.

Bien sQr, on pourrait vouloir donner un sens plus restreint Q la notion d’imputabilitk et limiter celle-ci B l’obligation de transmettre des informa- tions B l’Assemblke, principalement en rkponse B des interrogations de l‘opposition. I1 y aurait une diffkrence entre le fait de rendre compte de ce qui a kt6 fait ou dCcidC et celui dassumer la responsabilitk de ces actes, ces dkcisions. Bien que cette distinction soit plausible en thkorie, elle serait source de grande confusion, si dabord on n’avait pas d6partage formelle- ment les responsabilitks du sous-ministre par rapport B celle du ministre. De plus, on peut penser qu’un sous-ministre, subordonnk hikrarchique, se buterait trks rapidement B la difficult6 de limiter ces informations aux seules questions administratives. Par contre, il est certain qu’une telle obligation pourrait &tre fort rigoureuse quant Q l’exactitude des informa- tions transmises 21 I’Assemblke. On sait que Rita Lavelle, dirigeante du Bu- reau fddkral amkricain sur l’environnement, fut condamn6e B six mois de prison et Q 10 OOO $ damende pour avoir tromp6 le Congrks. Ne peut-on pas penser qu’elle a agi ainsi en grande partie pour ne pas embarrasser le pouvoir politique? Dans de telles circonstances, la question se pose de savoir s’il est justifiC de maintenir une distinction entre l’obligation de transmettre des informations et l’obligation dassumer la responsabilitk de la dkcision. I1 s’agissait en I’occurrence dun organisme autonome et l’on peut croire qu’un sous-ministre, soumis au pouvoir hikrarchique du ministre serait plack dans une situation encore plus inconfortable. L‘article 53 des Rdgles de procddure de Z‘lssemble‘e nationale stipule : “Le tCmoi- gnage dune personne devant l’Assemblke, une commission ou une sous- commission ne peut 6tre retenu contre elle devant un tribunal sauf si elle est poursuivie pour parjure.” L‘article 55 prkcise : “Nu1 ne peut porter atteinte aux droits de l’Assemblke ... ( b ) en rendant un tkmoignage faux ou incomplet.” L’article 133 prkvoit une amende de 10 OOO $ pour quiconque, autre qu’un dCputk, commet une infraction en regard de l’article 55. La question n’est donc pas hypothktique.

Enfin, il faudrait s’interroger sur les frontikres du champ de la responsa- biIitk parlementaire et de celui de la responsabilit6 judiciaire, et sur l’im- pact de l’une sur l’autre. Est-ce qu’un sous-ministre, tenu responsable de dommages-intkrks par une cour de justice, doit &re rkvoquk? Est-ce que Yon peut poursuivre un sous-ministre en justice lorsqu’il est tenu respon- sable en Assemblke? La question se pose d’autant plus que, dans le contexte actuel, le sous-ministre ne parait pas jouir dune immunitk comparable Q celle qui est accordke B certains dirigeants dorganismes agissant dans

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l’exercice de leurs fonctions puisqu’il peut Ctre tenu responsable de ses fautes lourdes.“

Le dirigeant d’organisme Le dirigeant dorganisme est dans une situation diffkrente en ce qu’il y a rupture du lien hierarchique eritre lui et le ministre. L’organisme a etk u i i acte dklibkre de decentralisation. Des pouvoirs autonomes lui ont &ti. confkres et le ministre, en l’absence de disposition expresse dans la loi constitutive, ne peut exercer de contrale ( d’autorisation, dapprobation, de rtvision, de verification) sur ses dkcisions. I1 existe donc a priori, un rtgime de responsabilitk propre aus dirigeants d’organismes.

Toutefois, lrs organisines n’ont pas tous les m&mes fonctions ni 1es diri- geants d’organismes le m&me rkgime de responsabilitks. I1 conviendrait sans doute au dkpart que le gouvernement officialise la liste des organismes autonomes ainsi qu‘une typologie de ces organismes par fonctions pour kviter que l’on ne se mkprenne stir leur rale veritable ktant donne que la dGsignation actuelle est une source de confusion. Deuxikmement, s’il est x n i que les organismes incorportk en vertu de la Loi dcs compagnies (Ibre, IIe et IIIe parties) posskdent un cadre juridique ddfinissant la responsa- bilitP des conseils d’administration A des fins judiciaires, tel n’est pas le cas pour divers autres organismcs ( rkgies, tribunaux conseils, offices, com- missions), si ce n’est parce que les lois constitutives contiennent, pour plu- sieurs. des dispositions affirmant l’immuniti. des dirigeants devant les cours de justice lorsqu’ils agissent dans I’exercice de leurs fonctions. Conskquem- ment il devrait Ctre plus difficile encore de cerner, dam ces cas, le champ de la responsabilitk parlementaire. Peut-on songer B tenir le pri.sident d u n tribunal administratif responsable devant l’Assemb1i.e pour des dkcisions dont la nature l’aurait justifii. d’invoquer l’immunitk judiciaire?

De plus, avant de tenir les dirigeants d’organismes responsables devant tine commission parlementaire, un certain nombre de considkrations parais- sent s’imposer. Les divers pouvoirs conf6ri.s aux organismes ne sont pas tous exercks de f q o n compl6tement indkpendante : certains pouvoirs (les plus stratkgiques) sont exert& sur approbation oti autorisation du ministre de tutelle ou du gouvernement et ces dkcisions conditionnent largement, par dhfinition, la gestion insme. De plus le ministre posskde, dans certains cas, Ie pouvoir d’imposer aux organismes sinon des ddcisions spkcifiques du moins des orientations gknerales par le moyen de directives. En fait, non seulement les contrales exercks sur les organismes varient selon les types d’organismes mais il arrive que les organismes d’un mkme type soient soumis a des contrales diff krents. Ainsi certaines sociktks administratives

9 Le tbmoin devant 1’.4ssembli.e nationale ne pourrait &tre poursuivi en matiire pknale inais il pourrait I’&tre en niatitre criminelle s’il ne se prCvaut pas de l’article 5 de la Lo i de Zu preuce uu Catiacla et ce nialgri. l’article 53 mention& ci-haut.

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ont un personnel intkgrk B la fonction publique, d'autres non; certaines ont leurs crkdits votks par l'Assemblke d'autres non. On constate, par ail- leurs, que les lois constitutives actuelles de meme que les lois d'adminis- tration gknkrale ( Loi sur la fonction publique, loi sur l'administration finan- cidre) ne sont pas rkdigkes de faGon B dissocier les matikres administratives et politiques, Les ministres de tutelle et le gouvernement sont meme habi- litks, dans certains cas, B prendre des dkcisions dans des matieres qui re% vent de la production spkcifique des divers organismes. I1 n'y a assurkment pas de moditle uniforme B cet Qgard.

Les pouvoirs confkrks B l'organisme sont exercks, dans le cas des sociktks, par le conseil d'administration qui, B son tour, peut en dklkguer certains au dirigeant proprement dit, suivant un rkglement de rkgie interne; dam le cas de soci6tCs administratives, la decision est, lkgalement, presque tou- jours collkgiale sauf pour les pouvoirs de rkgie interne qui sont confkrks au prksident.*O A vrai dire, meme si la deuxikme partie de la Loi des compa- gnies, en vertu de laquelle sont constitukes la plupart des sociktks dEtat, impose des responsabilitks aux membres du conseil d'administration, celles- ci sont, en pratique, passablement attknukes du fait que l'unique action- naire est le ministre de tutelle ou celui des finances.

La crkation d'organismes autonomes a gknkralement entraink, par con- vention, une rkduction de la responsabilitk minist6rielle B leur kgard vis- B-vis de I'Assemblke. Ce phknomhe a pris des connotations diffkrentes selon les types d'organismes. Ainsi, dans le cas des sociktBs d'Etat B carac- tkre monopolistique, il a kt6 convenu que le ministre ne pouvait &re tenu responsable des dkcisions relatives B la gestion courante ou B la rkgie in- terne de l'entreprise (day to day management) justement parce que l'on voulait favoriser une gestion plus souple, plus efficace. Cette restriction devrait normalement &re ktendue aux dkcisions de stratkgie dans le cas des sociktks d'Etat czuvrant en milieu concurrentiel et des sociktks d'kco- nomie mixte B cause de la participation d'intkrets privks, bien que l'kmis- sion de directives et l'adoption de plans de dkveloppement puissent avoir pour effet de retourner cette responsabilitk au ministre ou au gouverne- ment.

Dans le cas des organismes de rkgulation, il serait contre-indiqu6 que le ministre soit tenu responsable des dkcisions de rkgulation. I1 en irait de meme B l'kgard des dkcisions d'un tribunal administratif et des avis d u n conseil. La situation est moins Claire en ce qui concerne les socibtks admi- nistratives et les offices car le contrble ministkriel est variable et globale- ment plus accentuk mais aussi tr&s peu explicite.

En d'autres termes, il n'est pas du tout apparent que l'on puisse d6gager des lois constituant les organismes un modkle gknkral de partage de res-

10 Dans certaines socihths, le president du conseil et le prhsident de la societe sont deux personnes differentes.

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ponsabilitks qui soit fondk sur la distinction entre les matiitres dites poli- tiques et les matihres dites administratives. En supposant que l'on se con- tente de su i \w rigoureusement les dispositions expresses de la loi, il faudrait encore s'attaquer A la dktermination des informations transmissibles B l'.4sseinbli.e.

La responsabilite et la divulgation des informations

Rieii n'emp&che actuellement le ministre d'obtenir de l'organisme des infor- mations relati\;es A des questions poskes en Chambre m&me dans les matihres dkjA mentionnkes, et de tes transmettre B l'ilssemblke. I1 demeure toutefois Iibre de refuser dagir ainsi. En fait, tin ministre peut toujours refuser de rkpondre B des questions poskes en Chambre - quitte 8 suppor- ter ensuite la rkprobation que provoque un tel geste - et il n'a pas B justifier son refus". La question se pose de savoir si le dirigeant dorganisme de- vrait jouir de ce dernier privilkge.

Par ailleurs, il est facile dimaginer que mCme des informations de nature administrative pourraient avoir des rkpercussions politiques de grande importance. Les agissements des services de skcuritk, les rapports inter- gouvernementaux viennent rapidement A l'esprit. A cet kgard, il faudrait sans doute revoir les dispositions lkgislatives et rkglementaires relatives B l'obligation de confidentialiti. des fonctionnaires12 et dkterminer si sont exhaustives les restrictions de la Loi stir I'accBs a m documents des organis- ines publics et stir la protection des renseigneiiients personnels (L.R.Q. - c.A.2.1), notamment celles des articles 21 8 28. A ce propos, nous croyons savoir que dans le rkgime prksidentiel amirricain, servant souvent de moditle dans ce domaine, le Prksident jouit du privilhge d'empkcher un menibre de l'executif de rkvkler certaines informations au Congrbs. La question se pose de savoir si le ministre ou le premier ministre devrait se faire accorder un tel privilitge A l'hgard des sous-ministres et des dirigeants d'organismes. Si I'expkrience australieiine a quelque impact dans cette matiitre, on serait port6 8 croire que la Commission d'accks B l'information sera appelke A se prononcer sur l'exercice du privilkge par le pouvoir exCcu- tif lui-m$me13. I1 est difficile de ne pas voir 18 une erosion evidente du pouvoir gouvernemental.

h@me si le regime actuel consacre effectivement une zone d'irresponsa- bilitk, on peut s'inteiroger sur l'opportuniti. de rendre les dirigeants dorga- nismes imputables 2i l'kgard de dicisions que la convention parlementaire

11 Ottawa, niinistPre des Appro'i.isionner17ents et Services, 1982, pp. 4 6 4 7 . 12 Employees, 1982 - Public Law - 600. 13

Conirnission de la r6forme du droit. Le Parletnetit et Zes organismes administratifs,

Y . Cripps, Dirclosure it1 the Public Interest : the Predicament of Public Sector

1.R. Nethercote, Parliament and Bureaucracy, op. cit., p p . 220-221.

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LA 'COMMISSION PARLEMENTAIRE

a exclu de la responsabilitk ministkrielle. En effet on peut penser, d'une part, que cette imputabiliti. fera disparaitre la souplesse de gestion qui, dans plusieurs cas, avait justifik l'attribution d'une certaine autonomie. Si h tout moment un dirigeant est susceptible de devoir justifier telle ou telle decision administrative, il est prkvisible qu'il accentuera la normalisation interne dans son organisme. Dautre part, il est aussi prkvisible qu'en de- mandant au dirigeant d'organisme d'expliciter ou de justifier une dkcision particulikre de gestion ou de politique, on transformera l'Assembl6e en un organisme d'appel. I1 en rksultera assurkment un formalisme accru dans les rapports entre les ministres "responsab1es"et les dirigeants d'organismes. La moindre incertitude quant aux pouvoirs respectifs devra Btre clarifike au prkalable sans cependant pouvoir toujours inscrire cette clarification dans la loi organique, do21 la possibilitk de conflits entre l'autoritk de droit et l'autoriti. de fait. Un tel divorce provoquera sans doute des commen- taires dkfavorables, qui rejailliront A la fois sur le ministre et le dirigeant d'organisme.

A priori il sera difficile, le dirigeant ktant prksent et interrogk directe- ment li l'Assemblke, de faire respecter la distinction entre la transmission de l'information et la justification des dkcisions. I1 est fort probable que l'opposition aura inti.& B mettre en contradiction les dkclarations des uns et des autres car, malgrk les dispositions formelles, il reste gknkralement une zone grise dans le partage formel des responsabilitks.

Le gouvernement &ant le seul responsable de la nomination et de la rkvocation des dirigeants d'organismes, il est prkvisible que l'opposition pourra plus facilement faire des pressions pour obtenir la rkvocation de ces derniers que si elle devait le faire elle-m&me, dans l'hypothkse oh l'on aurait pu dkceler des manquements significatifs, et qu'elle serait tentke A l'occasion de suggkrer l'abolition pure et simple de l'organisme. I1 est kgalement prkvisible que le gouvernement serait, dans un tel contexte, plus enclin B ckder A ces pressions pour ainsi se dkmarquer face A l'opinion publique.

De ce qui precede semblent dkcouler deux rhgles de base relatives au fonctionnement d'une commission parlementaire chargke de rendre le dirigeant imputable. Premikrement, la commission parlementaire chargke de rendre les dirigeants d'organismes imputables devrait, en principe, respecter fidhlement Ies dispositions de la loi organique ktablissant le par- tage des responsabiliths entre le ministre de tutelle, le conseil d'adminis- tration et le dirigeant d'organisme. A l'heure actuelle, il n'est pas kvident du tout que les lois constitutives dkpartagent les responsabilitks selon la distinction entre le politique et l'administratif. Conskquemment, il serait pratiquement impossible que le dirigeant d'organisme soit convoquk seul devant la commission parlementaire. Incidemment, il importerait peu A cet kgard que la commission parlementaire vide soit une commission sec-

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ASDRE CELISAS

torielle ( affaires sociales, kconomiques, etc. ) ou une commission speciali- s6e ayant pour seule fonction de faire l’examen des organismes autonomes. La rCforme parlementaire propos6e par le prksident de l’Assernb1i.e na- tionalc, Richard Guay, en rendani obligatoire l’examen annuel d‘un orga- nisme par une commission sectorielle, devrait permettre aux parlemen- taires de developper une expertise. Toutefois, seule Line commission sp6- cialiske peut avoir un mandat comparable .X celui du formidable Public Bodies Reuicrc Conzrnittee du Parlement de Victoria’4, qui peut aller jus- qu‘h recommander l’abolition d u n organisme.

Deuxiilmement, on devrait sans doute accorder aux dirigeants d’orga- nismes, commc on le fait pour les ininistres, le droit de refuser de rkpondre, cbt aus ministres Ie droit dimposer le silence aux dirigeants dorganismes dans les matiilres ou dans les cas de dkcisions qui re lhent du ministre ou ( p i inettent cn cause l’inti.r&t public tel qu’ils le perqoivent A un moment c l o d et ce, m6me 5i le cas n’est pas explicitement pr6vu dans les matikres exclue? par la Loi stir Z’accPs aiix docziments ... En effet, d’une part, Ie main- tien du pouvoir gouvernemental de nomination et de rkvocation des diri- geants d’organisme (e t l’on voit inal 1’AssemblCe nommer l’ensemble des dirigeants d’organismes ) et, d’autre part, l’int6r&t pour Ies oppositionnistes de mettre en contradiction les minist6riels et les dirigeants d’organismes, pourraient aiskment se conjuger pour fairc des dirigeants dorganismes de parfaits bows kmissaires.

Bien entendu, on devrait &tre plus en mesure cle confirmer l’utilitk de ces Ggles (e t d’en suggCrer d’autre?) aprils avoir examink la pratique suivie :I I’Assemblke nu cours des derni6res annkes, de m&me que le comportement des formations politiques que nous avons postul6 comme Ctant foncikre- ment aduersarial.

Les precedents relatifs a la partici- pation des sous-ministres et des dirigeants d’organismes aux travaux de I’Assemblee

Zllalgrk la rilgle gen6rale qui interdit aux fonctionnaires et aux dirigeants d’organismes de participer directement A des travaux de l’Assemb1i.e et des commissions parlementaires - confirmant ainsi l’ktendue actuelle du prin- cipe de la responsabilitk ministkrielle - il est dkjA arriv6 que des fonction- naires et des dirigeants d’organisme soient mis en relation directe avec des membres dune commission elue. I1 existe m&me une disposition rkcente du rkglement en vigueur qui reconnait formellement cette participation. I1 convient toutefois deffectuer des distinctions entre les divers rbles alors conf6rCs aux fonctionnaires et ;tux dirigeants d’organisme.

14 J.R. Tiethercote, Parliament and Btireaucracy, op. cit., p 249.

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LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

Informer, expliquer au nom du ministre Au cours des annkes 1960, il est arrive que de hauts fonctionnaires aient kte invites B donner des informations et des explications notamment sur les rkformes en matikre d’kducation et de relation de travail dans les secteurs public et parapublic. Rkcemment le sous-ministre de l’gducation et quel- ques sous-ministres adjoints ont kt6 invitks B expliciter la politique gouver- nementale dans le cadre des nkgociations collectives avec les employks du secteur de l’kducation. Cependant, tous ont compris que ce rBle d’infor- mation ne devait pas pour autant rkduire la responsabilite du ministre de fournir lui-m6me les explications gknkrales. Les fonctionnaires n’agissaient donc que de fason complCmentaire au ministre et en son nom. Cela n’a pas emp&chk le principal reprksentant de l’opposition B cette commission de considkrer que le sous-ministre avait eu des attitudes et un comportement un peu trop engagks, pour tout dire partisans.

Informer, expliquer en son nom propre Le Rdglement de PAssembEe nationale 162 a - alinka c ) prkvoit que le ministre peut se faire accompagner de fonctionnaires et les autoriser B prendre la parole en leur nom propre lors dun dCbat d’une commission klue. La situation est a priori trhs diff krente de la prkckdente. Cependant, il est aussi arrive que l’on ait reproche au sous-ministre des Affaires inter- gouvernementales de prendre trop ouvertement parti pour une politique gouvernementale qu’il devait se contenter d’expliciter. I1 n’est assurkment pas facile pour quiconque d’expliquer le plus complktement possible, une politique, une dkcision, sans paraitre endosser les justifications. Si tel n’ktait pas le cas, on souppnnerait un dksaccord.

On pourrait Cgalement faire Ctat, dans ce contexte, de l’expkrience vCcue par la direction d‘Hydro Quebec qui, en 19821983, est venue expliquer, en commission parlementaire, les motifs justifiant les hausses de tarifs. I1 faut reconnaitre cependant que, dans les deux cas, le fait de parler en leur nom ne rendait pas les fonctionnaires ou les dirigeants dorganismes res- ponsables des dkcisions prises. I1 ktait entendu que le gouvernement (qui devait approuver les tarifs ou la politique arretke) ktait le seul responsable.

Justification et imputabilite I1 en alla diffkremment lors de la commission parlementaire spkciale qui fut rkunie pour faire toute la lumikre sur le “rkglement hors cour survenu B la suite du saccage de la baie James”. Cette commission d’enquete devait analyser les decisions prises et determiner le rBle joue par les divers inter- venants. Elle devait fatalement imputer des responsabilitks. On peut rksu- mer sous trois rubriques les commentaires des observateurs concernant le dkroulement des travaux de cette commission :

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AXDRE GELIKAS

Le caractkre ineprooise‘ de la de‘niarche. Celui-ci fut mis en lumiitre par I‘inadaptation des rkgles de procddures gbnkrales de l’Assemblke en ce qui concernait l’interrogation des “tbmoins”, qui dkposaient sous serment. ConCues pour rkgir les contributions des groupes d’int&r&ts aux dbbats relatifs B des politiques gouvernementales, ces rkgles n’imposaient aucune contrainte durant les interrogatoires. Certains tbmoins ont dt& harcelks au point davoir paru ne pas possgder les renseignements inhbrents Q une clkcision correcte et d’avoir ma1 servi l’int6ri.t public sans qu’ils n’aient PLI

se prkvaloir des protections qu’:iccorde un procPs devant une cour de jus- tice. L‘expkrience ktait nouvelle il est vrai et I’on a peut-6tre dramatid de part et d‘autre. Cela dit, on ne saurait se dispenser de mesures destinkes A assurer une protection minimale nux tbmoins, dont la carrikre peut &tre mise en jeu.

La nature pnrticulidre du t h o i n fonctionnaire ou dirigeant dorganisme, subordonnL hidrarchique 021 personne nomnie’e. Autant le pouvoir trits irtendu de 1’Assemblke d’interroger des tkmoins paraft lkgitime lorsqu’il s’agit de particuliers et de groupes, autant, en pratique, les parlementaires font preuve de retenue et de civilitk B leur kgard. Cela s’explique par le fait que les individus et les groupes qui sont interrogks en commission parle- mentaire le sont gkndralement clans le cadre du processus lkgislatif et non dans celui d’une enqu6te ou de I’exercice d’une fonction de contrble. Leurs prksentations sont alors sollicitkes et Yon peut penser que fondamentale- ment les formations politiques n’ont pas intkr2t Q se mettre B dos des clien- teles dlectorales. A vrai dire, bien qu’une protection semblable A celle du Cinquieme amendement de la constitution amkricaine n’existe pas ici, il n’y a pas eu, A notre connaissance, de cas d’atteinte aux droits de I‘Assem- blke pour refus de rbpondre. ‘Toutefois, cette courtoisie ct cette civilitk risquent de ne pas avoir cours dans le cadre d‘une conimission d’examen ou de contr6le; de m&me lorsque Ies tkmoins sont des dirigeants d’orga- nisme ou des fonctionnaires, pour la simple raison qu’ils sont assimilks A des allies du gouvernement et que l‘opposition n’a pas ndcessairement in- t4ri.t Q les mbnager si elle croit pouvoir de cette faqon ternir l’image du gouvernement. On ne peut conclure B partir d’un seul exemple, mais les expbriences amdricaines et australiennes laissent croire que le comporte- ment classique des dkputes, placds dans un cadre adversarial, ne se modifie pas rapidement.

Le contexte adversarial happe ine’citablentent les te‘moins, les dirigeants d‘organismes, et ceux-ci deviennent partisans par la force des choses, per- dant du m$me coup la neutralitk qui devrait les caractkriser. Le partage des responsabilitks entre le dirigeant dorganisme, le ministre responsable et le gouvernement n’est pas toujours ktabli de faqon trks Claire et les ambi-

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LA COMMISSION PARLEMENTALRE

guit6s ne peuvent pas toujours &re dissipkes m6me si tous les intervenants sont de bonne foi. L‘opposition a effectivement intkr&t Q souligner les con- tradictions dans les tkmoignages et le gouvernement peut donner I’impres- sion de chercher B se dkmarquer d’un dirigeant dorganisme qui apparai- trait alors comme le bouc kmissaire.

Certaines observations paraissent s’imposer. On peut d‘abord se deman- der si une solution ne consisterait pas B reconnaftre explicitement le carac- thre partisan du processus de nomination des sous-ministres et des diri- geants d’organismes, Q l’instar du modhle amkricain. On prBpare bien 8 cette kventualitk en raccourcissant les termes doffice des dirigeants dor- ganismes et en nommant des sous-ministres A contrat. Ces derniers feraient alors partie de l’kquipe gouvernementale et seraient remplac6s B la suite des Blections. Bien siir, les inconvknients d’un tel changement ne sont pas nkgligeables dans une petite socikt6, multiplication des conflits dint&&, subordination des critkres de compBtence B celui de loyauth, manque de continuitk, de cohBrence de la direction. En fait, cette solution rksout en partie le problkme puisqu’elle ne fait que repousser B un kchelon plus bas la ligne de partage entre le politique et l’administratif.

Ensuite, meme dans le cas des organismes, un partage des responsabilitks entre les matikres dites de politique et les matikres dites $administration ne correspond pas au schema du contenu de leurs lois constitutives.

Finalement, l’expkrience de la commission sur la baie James n’a pas d& montr6 l’aptitude des formations d’opposition Q dkgager des crititres de&- cience et d’efficacitk de la gestion, comme cela devrait &re nkcessaire si l’on instaurait un regime d’imputabilitk des sous-ministres et des dirigeants dorganismes. A vrai dire, il n’est pas kvident que les gouvernements dis- posent de tels critkres pour faire leurs propres 6valuations de leurs pro- grammes. Les contraintes conceptuelles et analytiques sont considkrables. Or en l’absence de tels critkres, on peut croire qu’il sera tentant pour les formations dopposition de s’en prendre bien plus B des “cas” spkcifiques de maladministration qu’B une apprkciation d’ensemble de la gestion. I1 n’y a kvidemment aucune objection B diffuser plus largement l’information et les renseignements, mais il serait alors exagkrk de parler alors d’imputa- bilitB.

Suggestions de regles relatives a I’imputabilite des sous-ministres et des dirigeants d’organisme en com- mission parlementaire

I1 est certain que toute formulation de suggestions B cet Qgard depend dans une large mesure des dkcisions que pourrait prendre le gouvernement, des attitudes et des comportements que pourraient adopter les formations d‘opposition et mBme “d’innovations” que pourraient mettre au point les

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ANDRE GELINAS

analystes. Idkalement, on souhaiterait avoir prkalablement des rkponses aux interrogations suivantes :

Va-t-on maintenir le lien hierarchique entre les ministres et les SOUS-

ministres ou transformer les ministkres en organes politiques et transferer I'administration B des organismes?

Va-t-on reconnaitre explicitement un caractere partisan aux nominations de sous-ministres et des dirigeants d'organismes?

Le gouvernement conservera-t-il une autorite exkcutive B l'endroit des sous- ministres et des dirigeants dorganismes?

Est-il possible deffectuer en pratique un partage (horizontal) des respon- sabilitks entre le pouvoir politique et l'administration (ce serait moins necessaire si l'on repondait oui A la question ( b ) ) et de formuler les lois constituant les organismes selon un tel schema?

Est-il raisonnable d'imputer des responsabilitks B partir d u n partage verti- cal de certains pouvoirs A l'egard des divers processus de gestion alors que dans la gestion courante ils doivent 6tre intkgrks?

Est-il rkaliste de limiter l'imputabiliti. B la seule transmission dinformations h l'Assemblee, sans que le gestionnaire assume la responsabilitk des actes et des decisions?

Est-il souhaitable d'accentuer le formalisme des rapports entre les ministres et les sous-ministres et les dirigeants d'organismes?

Est-il realiste de croire que le contexte adversarial de l'AssemblCe serait "depolitise" dans l'examen des matieres administratives?

Une commission parlementaire pourra-t-elle dkvelopper des crithes d'kva- luation de l'efficacitk et de l'efficience ainsi que des indicateurs d'impact des mesures ou des progranimes gouvernementaux?

Quelle sera l'ktendue des restrictions applicables aux informations qui peu- vent Ctre transmises B YAssemblke de la part des sous-ministres et des diri- geants dorganismes?

Quel serait le regime de sanctions et de rkcompenses applicable aux ges- tionnaires deb enus imputables? La commission parlementaire dktiendrait- elle un pouvoir de sanction liant le gouvernement?

Faute de pouvoir prkjuger des rkponses qui seront apportees B ces ques- tions, nous devons nous en teriir a la situation qui prevaut actuellement et ne considkrer qu'un rkgime dimputabiliti. des dirigeants d'organismes dont le statut ne serait pas modifik. C'est donc sous toute rkserve que nous suggerons les rkgles suivantes :

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LA COMMISSION PARLEMENTAIRE

Le sous-ministre ne devrait pas Qtre imputable B l'Assembl6e.

L'ensemble du conseil dadministration ou du collbge de direction d'un organisme devrait &re prksent en commission parlementaire mbme si le prksident devrait en btre le principal porte-parole; les autres membres ne seraient interrogks que par rapport B leurs dissidences enregistrkes.

Le ministre responsable devrait kgalement 6tre prksent pour rkpondre aux questions relatives aux dkcisions qu'il aurait dQ approuver ou qui auraient ktk soumises au gouvernement pour approbation.

Le ministre responsable pourrait continuer de refuser de rkpondre, prk- fkrablement "dans l'intkrbt public" et le porte-parole de l'organisme pour- rait en faire autant. Le ministre pourrait demander au dirigeant d'orga- nisme de refuser de rkpondre pour cette raison sans etre nkcessairement limit6 aux cas d'exclusion prkvus dans la Loi sur Paccds aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Un tribunal administratif ne devrait pas avoir B justifier ses dkcisions judi- ciaires devant la commission parlementaire.

Les dirigeants dorganismes pourraient Qtre conseillks par leurs cadres superieurs et par un conseiller juridique.

I1 devrait btre entendu que la responsabilitk d'un dirigeant ne peut &re sanctionnke dune rkvocation par l'Assemb1i.e mais que des poursuites en dommages-intkrbts pourraient 6tre intentkes devant un tribunal si le diri- geant avait dklibkr6ment induit l'Assembl6e en erreur.

L'examen de la gestion dun dirigeant d'organisme en commission parle- mentaire ne devrait pas donner ouverture B des poursuites criminelles.

Un m6me organisme ne pourrait 6tre appele en commission parlementaire plus de deux annkes de suite.

On pourrait ktablir un calendrier dans lequel le gouvernement et I'opposi- tion choisiraient un nombre kgal (et maximum) d'organismes convoquks chaque annke.

L'analyse que pr6ckde peut parahre compliquer inutilement l'implantation dune rkforme dont l'objectif est simple et louable. Cependant, il nous paraft dificile qu'il en aille autrement, ktant donne que cette rkforme met en cause non seulement les politiques de responsabilitk et de solidaritk ministkrielles mais aussi l'autoritk exkcutive qu'elles impliquent, la neutra- lit6 politique des fonctionnaires ou du moins leur loyautk au parti au pou- voir, ainsi que des considkrations relatives B la confidentialitk des informa- tions et B l'immunitk des gestionnaires-tkmoins dans des dkbats de type ad- versarial oh iI peut sembler presque impossible de d6partager les matikres politiques des matikres administratives. Chose certaine, seule une kvalua-

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ANDRE GELISAS

tion rigoureuse dune expkrience vCcue permettrait de conclure A la perti- nence des contraintes. I1 sera donc tr&s intkressant de suivre Ies &bats A 1'Assemblke nationale, qui va constituer, dans ce domaine, un vkritable laboratoire d'expQimentation.

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