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tème d’informations complexes, à la croisée de l’art, de la technique et de l’individu vivant en société. Hors cadres Qu’entendons-nous par création numé- rique ? Un contenu qui se déploie sur des supports numériques (ordinateur, tablette, smartphone, console, etc.), gratuit ou payant, se présentant sous la forme d’un site Web – c’est le cas des webdocumen- taires – mêlant des contenus multimédias (vidéos, sons, textes, photos, liens hyper- textes, etc.) ; d’une application disponible sur une tablette interactive ; d’un eBook, qu’il soit ou non enrichi (enrichissement rendu possible par le développement de l’ePub 3) ; d’un jeu vidéo ; etc. Aujourd’hui, les évolutions technologiques sont telles que la création numérique existe au-delà des écrans, dans le cadre de la réalité aug- mentée ou connectée, grâce à des dispo- sitifs interactifs dans lesquels des données virtuelles et le monde réel se combinent simultanément. Du côté du livre, on notera le travail mené par les éditions Volumique, qui allient support tangible et virtuel. Ces explorations les invitent à (re)considérer l’espace du livre, comme ils le démontrent avec la récente collection papier « Les Dépliables », n’associant pas d’outil numé- rique. Ce projet prend sens au sein de leur ligne éditoriale car il questionne nos modes de lecture, quel que soit le support. Chaque page, illustrée, se déplie jusqu’à l’obtention du récit final en pleine page. Retour à Béziers est quant à lui un eBook qui s’intègre dans un dispositif multimédia pertinent. Fiction, photo- graphies et documentaire s’offrent comme autant de points de vue sur un sujet commun, interrogeant le rapport au politique alors que le Front national était aux portes de la ville en mars 2014. Ce livre numérique propose deux modalités de lecture : horizon- tale ou verticale, entre la fiction de Didier Daeninckx, les photographies de Sébastien Calvet, les ambiances sonores conçues par Julien Valette ou issues des enregistrements de François Rabaté lors de la campagne électorale. Pour mesurer l’effervescence de cette création, une visite au Cube d’Issy-les-Mouli- neaux s’impose, où la deuxième édition du Prix international jeune créa- tion en art numérique a décerné cette année son trophée à Post Code, du Russe Dmitry Morozov (::VTOL::). En scan- nant un emballage dis- posant d’un code-barres, le visiteur obtient de la machine une carte postale aux motifs multicolores et irréguliers : une œuvre « glitch » issue de l’esthé- tique du bug. Ce que révolutionne l’art numérique, au-delà des con-sidérations tech- nologiques, c’est le rap- port à l’espace, qu’il soit réel ou virtuel, sur la page 7 La création numérique ou l’ère du design L ors du dernier Salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis, la Pépite de la création numérique décer- née à Botanicula fut source de critiques. Pour reprendre les propos liminaires de Bruno Munari, quelles « places fortes » étaient ébranlées en distinguant un jeu – vidéo – dans une fête dédiée à la littéra- ture de jeunesse ? Cette « pépite » devrait- elle servir le livre numérique à une époque où l’édition traditionnelle revendique sa dimension transmédiatique ? Le débat ne serait-il pas à déplacer du côté des créa- teurs et des producteurs de contenus ? Qui sont les « artistes » du numérique et quelles sont les industries culturelles afférentes ? Des acteurs aux identités multiples La plupart des éditeurs traditionnels font appel à des prestataires extérieurs pour la réalisation de contenus numériques, n’ayant pas en interne les métiers cou- vrant cette expertise. Ainsi, l’applica- tion et le court-métrage Moi j’attends, adaptés de l’album éponyme aux édi- tions Sarbacane, ont été réalisés par Claire Sichez, coédités, produits et dis- tribués par le pôle France TV Nouvelles Écritures et Transmédia. Et, Professeur Cyclope, mensuel de bandes dessinées et de fictions numériques, est une copro- duction d’Arte TV avec le soutien du Centre national du livre. L’agrégation de compétences crée des croisements entre des industries qui se côtoyaient déjà dans le cadre du mixage culturel et des fictions polyexploitées, notamment entre l’édition jeunesse et l’au- diovisuel (best-sellers et héros sous licences déclinés au cinéma, à la télévision, dans des produits dérivés, etc.). La création numé- rique est-elle autre chose que la conver- gence de métiers et d’individus sur un projet artistique commun ? En regardant les crédits de ces œuvres protéiformes, des métiers apparaissent : webdesigner, designer graphique, game designer, designer sonore, etc. La création numérique voit éclore l’ère du design, comme le soulignait Bruno Munari ; c’est-à-dire des créatifs intégrant des objets qu’ils conçoivent dans un sys- DE FOND EN COMBLE Didier Daeninckx (aut.), Sébastien Calvet (ill.), Julien Valette (des. son.), Retour à Béziers, © L’Apprimerie/© La Générale de Production, 2014 Jaromír Plachý (game designer), Peter Stehlik (dév.), Botanicula, © Amanita Design (République tchèque), 2012 Davide Cali (aut.), Serge Bloch (ill.), Claire Sichez (réal.), Moi j’attends, © France Télévisions/ Les films d’ici 2/La Station Animation/ Sarbacane, 2013 Collection « Les Dépliables », © Volumique ::VTOL::, Post Code, 2013 – crédit photo. : Le Cube « Voilà pourquoi ces petits livres ne sont que des stimulations visuelles, tactiles, sonores, thermiques, matérielles. Ils doivent transmettre la sensation que les livres sont ainsi, remplis de surprises variées. La culture est faite de surprises, c’est-à-dire de la découverte de ce que l’on ignorait. Mais il faut être prêt à les recevoir et ne pas les refuser, de peur qu’elles ne fassent s’écrouler les places fortes que nous nous sommes construites. » Bruno Munari, Da cosa nasce cosa, à propos des Prélivres

La création numérique ou l'ère du design

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Création numérique Hors Cadre[s] - mars 2015

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Page 1: La création numérique ou l'ère du design

tème d’informations complexes, à la croisée de l’art, de la technique et de l’individu vivant en société.

Hors cadresQu’entendons-nous par création numé-rique ? Un contenu qui se déploie sur des supports numériques (ordinateur, tablette, smartphone, console, etc.), gratuit ou payant, se présentant sous la forme d’un site Web – c’est le cas des webdocumen-taires – mêlant des contenus multimédias (vidéos, sons, textes, photos, liens hyper-textes, etc.) ; d’une application disponible sur une tablette interactive ; d’un eBook, qu’il soit ou non enrichi (enrichissement rendu possible par le développement de l’ePub 3) ; d’un jeu vidéo ; etc. Aujourd’hui, les évolutions technologiques sont telles que la création numérique existe au-delà des écrans, dans le cadre de la réalité aug-mentée ou connectée, grâce à des dispo-sitifs interactifs dans lesquels des données virtuelles et le monde réel se combinent simultanément.

Du côté du livre, on notera le travail mené par les éditions Volumique, qui allient support tangible et virtuel. Ces explorations les invitent à (re)considérer l’espace du livre, comme ils le démontrent avec la récente collection papier « Les Dépliables », n’associant pas d’outil numé-rique. Ce projet prend sens au sein de leur ligne éditoriale car il questionne nos modes

de lecture, quel que soit le support. Chaque page, illustrée, se déplie jusqu’à l’obtention du récit final en pleine page. Retour à Béziers est quant à lui un eBook qui s’intègre dans un dispositif multimédia pertinent. Fiction, photo-graphies et documentaire s’offrent comme autant de points de vue sur un sujet commun, interrogeant le rapport au politique alors

que le Front national était aux portes de la ville en mars 2014. Ce livre numérique propose deux modalités de lecture : horizon-tale ou verticale, entre la fiction de Didier Daeninckx, les photographies de Sébastien Calvet, les ambiances sonores conçues par Julien Valette ou issues des enregistrements de François Rabaté lors de la campagne électorale.

Pour mesurer l’effervescence de cette création, une visite au Cube d’Issy-les-Mouli-neaux s’impose, où la deuxième édition du Prix international jeune créa-tion en art numérique a décerné cette année son trophée à Post Code, du Russe Dmitry Morozov (::VTOL::). En scan-nant un emballage dis-posant d’un code-barres, le visiteur obtient de la machine une carte postale aux motifs multicolores et irréguliers : une œuvre « glitch » issue de l’esthé-tique du bug.

Ce que révolutionne l’art numérique, au-delà des con-sidérations tech-nologiques, c’est le rap-port à l’espace, qu’il soit réel ou virtuel, sur la page

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La création numérique ou l’ère du design

Lors du dernier Salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis,

la Pépite de la création numérique décer-née à Botanicula fut source de critiques. Pour reprendre les propos liminaires de Bruno Munari, quelles « places fortes » étaient ébranlées en distinguant un jeu – vidéo – dans une fête dédiée à la littéra-ture de jeunesse ? Cette « pépite » devrait-elle servir le livre numérique à une époque où l’édition traditionnelle revendique sa dimension transmédiatique ? Le débat ne serait-il pas à déplacer du côté des créa-teurs et des producteurs de contenus ? Qui sont les « artistes » du numérique et quelles sont les industries culturelles afférentes ? Des acteurs aux identités multiplesLa plupart des éditeurs traditionnels font appel à des prestataires extérieurs pour la réalisation de contenus numériques, n’ayant pas en interne les métiers cou-vrant cette expertise. Ainsi, l’applica-tion et le court-métrage Moi j’attends, adaptés de l’album éponyme aux édi-tions Sarbacane, ont été réalisés par

Claire Sichez, coédités, produits et dis-tribués par le pôle France TV Nouvelles Écritures et Transmédia. Et, Professeur Cyclope, mensuel de bandes dessinées et de fictions numériques, est une copro-duction d’Arte TV avec le soutien du Centre national du livre.

L’agrégation de compétences crée des croisements entre des industries qui se côtoyaient déjà dans le cadre du mixage culturel et des fictions polyexploitées, notamment entre l’édition jeunesse et l’au-diovisuel (best-sellers et héros sous licences déclinés au cinéma, à la télévision, dans des produits dérivés, etc.). La création numé-rique est-elle autre chose que la conver-gence de métiers et d’individus sur un projet artistique commun ? En regardant les crédits de ces œuvres protéiformes, des métiers apparaissent : webdesigner, designer graphique, game designer, designer sonore, etc. La création numérique voit éclore l’ère du design, comme le soulignait Bruno Munari ; c’est-à-dire des créatifs intégrant des objets qu’ils conçoivent dans un sys-

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Didier Daeninckx (aut.), Sébastien Calvet (ill.), Julien Valette

(des. son.), Retour à Béziers, © L’Apprimerie/© La Générale

de Production, 2014

Jaromír Plachý (game designer), Peter Stehlik (dév.), Botanicula,

© Amanita Design (République tchèque), 2012

Davide Cali (aut.), Serge Bloch (ill.), Claire Sichez (réal.), Moi j’attends, © France Télévisions/ Les films d’ici 2/La Station Animation/Sarbacane, 2013

Collection « Les Dépliables », © Volumique

::VTOL::, Post Code, 2013 – crédit photo. : Le Cube

« Voilà pourquoi ces petits livres ne sont que des stimulations visuelles, tactiles, sonores, thermiques, matérielles. Ils doivent transmettre la sensation que les livres sont ainsi,

remplis de surprises variées. La culture est faite de surprises, c’est-à-dire de la découverte de ce que l’on ignorait. Mais il faut être prêt à les recevoir et ne pas les refuser,

de peur qu’elles ne fassent s’écrouler les places fortes que nous nous sommes construites. »Bruno Munari, Da cosa nasce cosa, à propos des Prélivres

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forçait à développer narrativement autre-ment », souligne le jeune auteur-illustra-teur. Vincent Pianina a quant à lui proposé dans le n° 11 du Professeur Cyclope une histoire intitulée « Scröll » qui ne tient qu’en une case, à « scroller » et à lire hori-zontalement. Comme il le dit, non sans humour, son travail n’a jamais été aussi proche de la « bande dessinée » ! Au sein de la revue numérique, d’autres expériences sont à souligner, comme la lecture en TurboMedia exploitée dans Le Sourire de Rose de Sacha Goerg. De la gravure sur bois au numérique, Olivier Philipponneau investit pour sa part de multiples univers (album, bande dessinée, application, etc.). Avec Renversant !, la ligne constitue un motif visuel (ligne d’horizon, réflexion sur les perspectives) autour duquel se déroule également la trame narrative, tout en défi-nissant le sens de lecture rendu possible par l’objet numérique : horizontal et vertical. L’auteur s’est imposé des contraintes simi-laires dans l’album papier Détective Rollmops paru chez The Hoochie Coochie. Ce titre fait se confronter jeux graphiques formels, illustrations, contraintes oulipiennes et oubapiennes, bandes dessinées, jeux de société, réflexions sur le graphisme et la maquette d’un livre.

À l’orée des genres : musique, cinéma, typographie, photographieEn explorant la Gaîté lyrique, espace pari-sien dédié aux arts numériques, et son centre de ressources, de nombreuses appli-cations élargissent le champ de la création numérique, notamment en matérialisant les sons par des images ou inversement. Ainsi, Visuamusio permet de créer des animations à la fois visuelles et musicales. La mélodie se dessine en frise graphique par l’ajout de formes colorées sur l’écran. PolyFauna de Radiohead offre une expérience similaire

et transforme l’univers musical du groupe anglais en songe graphique.

Le cinéma a lui aussi trouvé sa place dans des créations numériques judicieuses. À ce titre, l’application consacrée à Norman McLaren (1914-1987) permet de découvrir ce cinéaste canadien qui a marqué l’histoire de l’animation par ses innovations et ses travaux d’avant-garde sur le son et l’image, et des ateliers interac-tifs reproduisent le plus justement possible l’esprit créatif de ce dernier. En employant les techniques du cinéaste, l’utilisateur explore son travail tout en créant son propre film. Produite par l’Office national du film du Canada (ONF), La Dernière Chasse constitue une expérience de lec-ture inédite, dite en parallaxe ; le texte se lit verticalement tandis qu’au second plan les photographies et les illustrations défilent horizontalement. Surtout, l’émo-tion prend le pas sur l’inter-activité grâce aux photographies et au texte d’Alexi Hobbs qui dresse un portrait sensible de son grand-père.

Malte Martin, graphiste et typographe, propose avec l’application Superpo un jeu combinatoire de dessin de lettres. Sur une même structure se superposent des ronds, carrés, losanges, ondulés, zigzags, en couleurs, qui créent de nouvelles sil-houettes aux mots. Cette démarche artis-

Alexi Hobbs (aut. & ill.), Jeremy Mendes et NFB Digital Studio (dév.), La Dernière Chasse, © Office national du film du Canada (ONF), 2013 Tous droits réservés

et au-delà, notre horizon et ses perspectives, les projections et les conver-gences rendues possibles entre notre imaginaire et notre environnement, les narrations multiples et la poétique des algorithmes ; les lectures renouve-lées des images qui se déploient dans des univers infinis. L’acte créatif est métamorphosé, éminem-ment pluriel et partagé, entre les concepteurs et les publics.

Le livre numérique : une création sous contraintes Les débats sont nom-breux, des schémas listent et explicitent les formats

dans lesquels ont été encapsulés les livres numériques : ePub 3, HTML, KF8, Flash, IOS, Androïd, etc. Serait-ce la gram-maire de toute création numérique ? Il faut s’armer de patience pour accéder à ces contenus innovants, appréhender leur obsolescence, distinguer l’innovation de l’opportunisme numérique. L’éditeur et pure player Walrus a publié récemment un article intitulé « Le livre numérique est mort : vive le livre numérique ! », dans lequel il jugeait avec sévérité la complexité dans laquelle était plongé le public qui souhaitait accéder aux livres numériques. La bipolarisation qui s’est construite entre l’application et l’eBook (ePub 3) est insatisfaisante pour les créateurs comme pour le public. L’écosystème instable, les innovations technologiques disruptives modifient le champ de la création. Si les éditeurs numériques tendent à s’affranchir

du format « transhistorique » de la page, les accès aux contenus restent perfectibles.Où sont les artistes du (livre) numérique ?Lors de la Foire du livre de Bologne, Love, the app a été saluée par le jury. Adaptée d’un livre d’artiste de l’Italien Gian Berto Vanni paru en 1964, elle ne reste qu’une pâle copie de l’œuvre originale, dans laquelle la sensorialité des papiers décou-pés tenait une place prépondérante, car les animations sonores et l’interactivité ne suppléent pas la matérialité initiale. L’application Un jeu suscite une déception identique parce que, bien qu’elle ne soit pas une transposition du livre d’Hervé Tullet, la « poudre aux yeux » technique ne remplace pas la force de l’interacti-vité induite, rendant le lecteur capable de modifier la disposition des ronds de couleur. La place laissée à l’imaginaire ne peut pas se convertir en une quel-conque prouesse technologique. Au-delà du débat sur ce que devrait être ou non un livre numérique, quelles sont les créa-tions numériques réellement innovantes ? Certains artistes, opérant dans le champ du graphisme et de l’illustration, effectuent des allers-retours entre le numérique et le papier, et dessinent les contours d’univers qui bousculent nos zones de confort.

Victor Hussenot centre son travail sur le détournement de l’espace de la case (La Casa, chez Warum), interroge la nar-ration et s’empare des codes du jeu vidéo, comme avec l’album Au pays des lignes à La Joie de lire, ou avec l’œuvre transmédia Level, qui avance par épisodes en étant hébergée sur différents sites Web. « Utiliser plusieurs plateformes Internet allait avec le scénario, comme un outil de mise en scène. Je pouvais ainsi assimiler chaque site Internet à des univers différents avec des aptitudes structurelles différentes. Cela me

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Vincent Pianina, « Scröll », © Professeur Cyclope, Silicomix/Arte France,

n° 11, fév. 2014

Alice Brière-Haquet (aut.), © Olivier Philipponneau (ill.),

Les Petites Mains (dév.), Renversant !, Les Petites Mains, 2011

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navigation libre et aux procédés interac-tifs mêlant photographies, textes, vidéos, dessins, etc – dessinent la lente muta-tion de la diffusion de l’image du papier à l’écran. Les webcréations réussissent là où la plupart des livres numériques échouent : elles sont accessibles sur tout type d’écrans connectés à Internet et traduisent un projet d’auteur(s). Photo de classe se base sur la « photographie » d’une classe de CE2 dans le 18e arron-dissement de Paris. Pendant une année scolaire, l’institutrice a fait travailler ses élèves sur leurs origines et l’his-toire de leur famille. Les réalisatrices Estelle Fenech et Catherine Portaluppi ont filmé. Les enfants sont partie pre-nante de la création, créateurs et acteurs de l’œuvre finale, qui a donné lieu à un outil pédagogique que peuvent se réapproprier les enseignants. Il faudrait s’attarder plus longuement sur ces web-créations qui dessinent probablement l’avenir de la fiction et des littératures graphiques numériques.

La création numérique est continuelle-ment à l’œuvre dans nos sociétés. Les sup-ports, les logiciels, les outils se sont démo-cratisés. Les vidéos, les photographies, les jeux typographiques abondent sur le Web. Nous sommes tous devenus des créateurs potentiels. Détournement et remix par le biais des outils numériques dressent les contours de nouvelles démarches artis-tiques comme d’une certaine désacralisa-tion de l’art. Ainsi, le travail du photo-graphe Sacha Goldberger transforme des chefs-d’œuvre à l’aune des codes de la pop

culture massivement diffusée sur le Web. Les (Vraies !) Histoires de l’art, aux éditions Palette..., revisitent des classiques de la peinture, les détournant dans des strips en trois cases, le pastiche devenant une pra-tique artistique à part entière soulignant l’enjeu culturel du numérique, et non pas uniquement technique.

Ces projets témoignent de la vita-lité du design numérique et du boule-versement qu’il insuffle dans les arts graphiques. Sa pérennité dépend de l’affirmation de la place de l’artiste, des histoires qu’il souhaite raconter, des narrations innovantes qu’il mettra en œuvre, par le texte ou par l’image, et du choix assumé du Web comme le plus bel espace d’expérimentation. Le deuxième enjeu sera certainement du côté de l’audience : comment capter l’attention des publics sur ces contenus tout en contournant la « dictature » du divertissement ?

Anne Clerc

tique, initialement pensée pour les visuels du Théâtre 71 de Malakoff, se décline à destination du public, qui compose et par-tage ses messages.

Cinéma, musique, illustration, typo-graphie, etc., les créations numériques voient converger les arts, invitent les usagers à s’en emparer et à les explo-rer. Au sein des musées, les médiations numériques favorisent des expériences nouvelles entre les œuvres exposées et les publics. La Bibliothèque nationale de France a innové en réalisant une soixan-taine d’expositions virtuelles reprenant les thèmes et sujets exposés en réel. L’éducation aux médias et les dispositifs de médiation adaptés aux spécificités des œuvres numériques seront certainement amenés à se développer dans les années à venir afin d’accompagner les publics dans cette offre pléthorique.

Quels critères et quelle(s) lecture(s) ?L’expérience induite par la création numérique (créations exposées ou aven-tures individuelles sur nos smartphones, tablettes et ordinateurs) souligne la préca-rité de nos outils d’analyse pour appréhen-der les propositions numériques actuelles et leurs paradigmes. Quels seront nos cri-tères de lecture à venir ? Quelles seront les nouvelles classifications de ces œuvres ? Comment pourrons-nous les référencer et les conserver ?

En regardant au plus près Botanicula, interrogeons-nous sur les modalités de narration qui sous-tendent ce jeu, et la lecture d’une image en mouvement dans

laquelle le spectateur est également nar-rateur. Quelle histoire sommes-nous en mesure de créer en jouant et quels récits peuvent y être apposés ? Comment défi-nir et transformer l’expérience person-nelle qui se réalise dans le storytelling du jeu vidéo ? Nombreux sont les créateurs de jeux vidéo qui investissent la fiction interactive, dont les origines sont stric-tement littéraires, comme le souligne Fibre Tigre, game designer et scénariste : la Marelle de Julio Cortázar, Raymond Queneau et ses Exercices de style, puis la collection « Les Livres dont vous êtes le héros » créée dans les années 1980 aux éditions Gallimard. Ces œuvres litté-raires ont posé les jalons des fictions aux choix multiples et du lecteur-joueur. Jouer est un acte créateur, comme le sou-lignait Winnicott, et par le jeu on peut entrer dans la culture et s’approprier l’objet culturel.

L’immersion rendue possible par les contenus interactifs dessine de nouvelles pistes d’étude : comment lire une image en mouvement ? Comment lire une image que l’on peut modifier ? Quels rapports entretenons-nous dans notre société avec la lecture et le jeu ? Enfin, la convergence du jeu et des images dans des univers virtuels construit-elle de nouveaux récits qu’il faudra appréhender comme de nou-velles symbolisations du monde ?

Création en partageLe webdocumentaire, la webfiction – mots-valises pour définir des œuvres produites et diffusées sur le Web, à la

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Sylvain Coissard, Alexis Lemoine, Les (Vraies !) Histoires de l’art, © Palette..., 2012

Catherine Portaluppi et Estelle Fenech (réal.), Irvin Anneix (design), Photo de classe, © Narrative, 2013– C’est quoi le racisme ?

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Malte Martin, Superpo, © Atelier graphique Malte Martin, 2014