La Date Du Nouveau Testament Selon Robinson - Association Jean Carmignac

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    13/11/2015 La date du Nouveau Testament selon Robinson - Association Jean Carmignac

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    LA DATE DU  NOUVEAU  TESTAMENT SELON  R OBINSON

    AUTEUR :

    JEAN  CARMIGNAC  - BULLETINS N° 0 ET N° 1

    On entend parfois dire que l’Abbé Jean Carmignac, ayant concentré son effort sur l’examen critique des textes des

     synoptiques, ne s’était pas intéressé à l’Evangile de Jean. Or il n’en était rien ; sans avoir lui-même étudié aussi à fond le problème johannique, il notait les points de comparaison que lui avait suggéré l’étude des trois premiers évangiles et il setenait au courant des travaux des autres exégètes à ce sujet.

     Nous vous proposons des extraits d’une conférence que l’Abbé Carmignac a prononcé en 1978 dans un monastère anglais,où il aimait venir se reposer. Il y indique très nettement quel était son point de vue sur les éléments de datation duquatrième Evangile. Il approuve entièrement celui de J. A. T. Robinson. Ajoutons que ceux qui l’ont connu peuvent témoigner que jusqu’à sa mort il s’est dit convaincu de la force des arguments du célèbre exégète anglais.

    F. Demanche

    Je vous ai déjà présenté Robinson qui était évêque auxiliaire de Londres, quiest maintenant professeur à Cambridge, qui a publié d’abord un livre "Honest toGod" qui a fait scandale, l’a même obligé à donner sa démission d’évêque, parceque l’ouvrage était considéré comme étant, si on peut dire, d’extrême gauche. Etcet homme-là qui, voulant prouver que le Nouveau testament est de date récente,est lui- même tellement pris par les arguments qu’il découvre, qu’il aboutit à laconclusion opposée. Et maintenant tout le monde le prend pour d’extrême droite !(lui-même m’a écrit la phrase suivante : je suis étonné combien je trouve denouveaux amis !)

    Le problème de la date du Nouveau Testament est capital, et pas seulementde la date des Evangiles, mais de tout le Nouveau Testament et de chacun desécrits du Nouveau Testament, parce que, selon la date que l’on déduit de nosarguments, ou bien les Evangiles sont un témoignage sur la vie de Jésus, ou bience sera simplement une catéchèse sur la vie de Jésus, ou bien encore ce seraune expression de la foi des communautés primitives. Mais forcément, ce sera àdes dates différentes ; pour que ce soit l’expression de la foi des communautésprimitives il faut déjà que les communautés aient pu se former, qu’il y ait déjà euune certaine expansion du christianisme, donc qu’on soit à une date relativementrécente.

    Arguments fournis par comparaison avec les événementscontemporains :

    Dans l’Apocalypse 17, 9-I0, on vous parle du 6è roi de Rome. Les rois deRome sont faciles à calculer : 1er : César, et 6è : Néron, et Néron a régné de 54à 68. Ce passage de l’Apocalypse vous dit en parlant d’une ville où il y a septcollines - c’est clair que c’est Rome - et une ville où l’on parle de sept rois (maisle chiffre sept évidemment... il y a sept collines et il y a autant de rois). Sur lessept rois on vous dit. : 5 ont déjà régné, c’est tous ceux-là, jusqu’à Claudeinclusivement ; il y a un autre qui règne et puis il en viendra après ; eh bien, aprèsNéron il y a eu Galba, etc. Donc l’Apocalypse dit elle-même qu’elle a été écriteentre 54 et 68.

    Ces arguments-là sont des choses sérieuses puisque nous connaissons par l’histoire profane la date des événements qui sont racontés. Mais surtoutRobinson insiste sur deux arguments que, je le reconnais à ma honte, je neconnaissais pas et je suis tout honteux de ne pas les avoir trouvés tellement ilssont clairs ! Ils me paraissent absolument convaincants et je ne vois pas ce que

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    l’on pourrait objecter pour réfuter ces deux arguments-là. Je vous les donne :

    Le premier, c’est la différence qu’il y a dans la mentalité juive entre la prise deJérusalem et la destruction du Temple. Nous qui sommes des occidentaux, nousparlons toujours de la destruction de Jérusalem et du contrecoup que cela a dûavoir dans la piété juive ; oui, c’est vrai, mais Jérusalem avait déjà été prise par les Romains en 63 avant Jésus-Christ, et cela n’avait pas fait de drame : pour lesJuifs, ce n’est pas la prise de Jérusalem, c’est la destruction du Temple - et le

    Temple a été détruit le 29 août 70. Nous avons des précisions extraordinaires sur la destruction du Temple, par Flavius Josèphe, nous avons même le nom desgénéraux et ce qu’ils ont voté au Conseil de guerre qui a précédé. Etc.

    Pour les Juifs, depuis ce jour-là, ils ne peuvent plus pratiquer leur religion, ilsne peuvent plus manger la Pâque - l’agneau doit être immolé au Temple ; il n’y aplus de Grand-Prêtre. Ce sont des choses que nous avons du mal à comprendremais si vous vous remettez dans la mentalité juive, le 29 août 70 est une cassuretotale dans la vie du peuple juif. Jusque là, il a sa religion qui remonte à Moïse etqui a été vécue, plus ou moins bien, mais qui a été vécue jusqu’au 29 août 70. Apartir de là, la religion juive est devenue impossible à pratiquer et tout ce qui étaitcentré sur les sacrifices, etc., tout cela n’existe plus.

    Quand on pense à cela, on se rend compte du contrecoup énorme que cela adû être pour les Juifs ; alors que nous nous pensons à la destruction politique deJérusalem, eux pensent surtout à la destruction du Temple.

    Qu’est-ce que nous dit le Nouveau Testament sur la prise du Temple ? Nousavons un petit texte dans Marc 13, I-4 : "Comme Jésus sortait du Temple, un deses disciples lui dit : "Maître, regarde quelles pierres, quelles constructions !"Mais Jésus lui dit : "Tu vois ces grandes constructions ? Il n’en restera pas pierresur pierre, tout sera détruit." Et c’est tout, nous n’avons que cela sur ladestruction du Temple. Et Matthieu et Luc recopient ce passage-là tel que, sans yajouter de variante. Que Jésus ait prévu la ruine du Temple, si on croit à sadivinité, il n’y a pas de problème, mais même si on ne croit pas à sa divinité, étantdonné la situation des Juifs à ce moment-là, qui voulaient sans cesse se révolter,Jésus ayant parlé de la destruction de Jérusalem, il était logique de penser à ladestruction du Temple. En tout cas il y a ces deux mots, sans commentaire, sansrien : si les Evangiles avaient été écrits après la destruction du Temple, il auraitdû nécessairement y avoir un mot pour indiquer que, de fait, cela s’est réalisé, etcela n’aurait pas dû être indiqué seulement par deux petits mots, cet événementle plus important de la vie du peuple juif, indiqué par presque rien...

    Une autre chose curieuse est qu’il y a quelques passages du NouveauTestament où l’on vous parle du Temple comme existant toujours. Par exempledans Hébreux, chapitre 9, 6-7 : "Tout étant ici disposé, les prêtres entrent en toustemps dans la première tente pour s’acquitter du service cultuel, dans la secondeau contraire, seul le Grand-Prêtre pénètre, et une seule fois par an... " c’estimpensable qu’on écrive cela quand le Temple n’existe plus et que le Grand-Prêtre ne peut plus y pénétrer. De même dans Hébreux 10, 1-3 : "...L’on offreperpétuellement d’année en année (...) autrement n’aurait-on pas cessé de lesoffrir ?"... Donc, c’est qu’on n’a pas cessé de les offrir, par conséquent l’épîtreaux Hébreux est écrite avant la destruction du Temple, d’ailleurs la TOB le dit

    aussi, autrement cela ne peut plus se comprendre.

    Voyez cet argument-là : s’il y avait une partie du Nouveau Testament qui soitpostérieure à 70 elle devrait normalement nous avoir parlé de la destruction duTemple, et surtout les Evangiles à l’endroit où ils font allusion à la destruction duTemple. Un autre qui aurait dû en parler aussi, c’est saint Jean, car toutes sespolémiques contre les juifs... si la religion juive était devenue impossible, c’était

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    facile de mettre un mot pour l’indiquer, mais rien !

    Deuxième argument qui me paraît encore plus fort : c’est la différence qu’il y aentre un païen et un juif qui se convertissent au christianisme.

    Envisageons la situation d’un païen qui se convertit au christianisme, il fautd’abord qu’il croie à l’existence de Dieu, car les Grecs, les païens grecs, ne

    croient pas en l’existence de Dieu, ils croient à l’existence de « dieux », qui sontdes divinités mais ce n’est pas un Dieu personnel, et pratiquement, en dehors dupeuple juif, personne dans le monde païen de ce temps-là ne croit à l’existencede Dieu comme Dieu unique. Deuxièmement il faut croire que Dieu est unCréateur et la notion de création est une notion totalement inconnue en dehorsdu judaïsme. Savez-vous l’une des phrases les plus importantes de la penséedepuis que le monde est monde ? C’est celle-ci : « Au début, Dieu créa le ciel etla terre ». Rien que cette phrase-là, cela change absolument tout...

    Il faut donc admettre que Dieu existe, que Dieu est Créateur ; il faut admettreque Dieu a parlé dans l’Ancien Testament, il faut admettre l’inspiration des

    Ecritures, et dans le Nouveau Testament à chaque instant on se reporte àl’Ancien qu’on considère comme parole de Dieu, il faut admettre que Dieu a parlédans l’Ancien Testament, il faut admettre l’inspiration des Ecritures, il fautadmettre que Dieu a voulu sauver son peuple et qu’il a promis un Messie – ce quiest dans les Ecritures, mais qui n’est pas connu dans le monde païen – il fautensuite admettre que ce messie est Jésus, et que Jésus est Fils de Dieu. Il fautdonc ces six choses pour qu’un païen devienne chrétien.

    Tandis que si c’est un Juif qui devient chrétien : l’existence de Dieu, il laconnaît, pas besoin d’en parler, la Création, il la connaît, pas besoin d’en parler,l’inspiration des Ecritures, la promesse d’un Messie, la même chose. Il n’y a quedeux choses sur lesquelles il faut compléter la pensée d’un Juif : l’amener àcomprendre que le Messie, c’est Jésus, et que Jésus est le Fils de Dieu. Un Juif qui devient chrétien n’a que ces deux choses-là à ajouter à sa foi, tandis qu’unpaïen a toutes les autres. Or dans tout le Nouveau Testament qu’est-ce que noustrouvons ? Il n’y a aucun texte qui essaye de prouver l’existence de Dieu, aucuntexte (sauf un dont je vous parlerai tout à l’heure) qui parle de la création et quidémontre que Dieu est Créateur, aucun texte qui parle de l’inspiration del’Ecriture, au contraire on la suppose toujours, aucun texte qui présente lapromesse du Messie. Mais dans le Nouveau Testament, ce que nous voyonssouvent : le Messie c’est Jésus, et Jésus est Fils de Dieu – les deux dernierspoints nous les voyons couramment.

    Il y a une seule exception dans le Nouveau Testament où l’on trouve cesthèmes-là abordés : le discours de saint Paul à l’aréopage [à Athènes] où il parlaità des païens. Saint Paul, parlant à des païens, tout de suite parle de l’existencede Dieu, de la création - de l’inspiration de l’Ecriture, non : mais de Dieu qui doitenvoyer un sauveur – ces thèmes- là qui sont totalement inconnus de la penséegrecque, pour qu’un Grec soit chrétien, il faut les lui présenter. La seule fois oùsaint Paul parle devant un auditoire purement grec, purement païen, il abordetout de suite ces thèmes-là mais jamais ailleurs on ne les aborde dans leNouveau Testament.

    Cela suppose donc que ceux qui ont écrit le Nouveau Testament, quand ilsécrivaient, envisageaient comme destinataires de leurs écrits, uniquement desJuifs ou des prosélytes – païens déjà assumés dans le judaïsme – qui parlaientgrec mais avaient déjà la foi juive. Si les auteurs du Nouveau Testament avaientécrit à des destinataires dont au moins une partie étaient des Grecs encorepaïens, il fallait absolument aborder cela. Or c’est en 70 lors de la prise deJérusalem et de la destruction du Temple, qu’il y a eu le clivage décisif dans la

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    vie de la communauté juive. Jusqu’en 70 il y a eu d’importantes communautés juives en Palestine, elles rayonnaient un peu partout, tandis qu’à partir de 70elles sont détruites et donc à partir de 70 il n’est pas pensable que l’on écrivelonguement, et tout le Nouveau Testament, sans faire allusion aux païens. Nous,nous voyons l’aspect missionnaire du Nouveau Testament, oui, maismissionnaire auprès des Juifs ou des païens déjà judaïsés, en fait on ne pensepas encore – on ne nie pas bien sûr,- mais on ne pense pas encore que cestextes pourront être lus par des Grecs païens et qu’il faudrait essayer de lesconvertir.

    Car parmi les membres de l’Eglise primitive vous avez trois catégories :premièrement ceux qui vivent en Palestine et qui parlent hébreu (ou une languesémitique, araméen, peu importe), deuxièmement, ceux qui vivent en Palestine etqui parlent grec (il pouvait y en avoir en Palestine, par exemple il y avait lasynagogue des Affranchis et des Cyrénéens dont on parle dans les Actes), etpuis tous ceux qui vivent en dehors de la Palestine et qui parlent grec, mais quisont juifs. Dans toutes les communautés auxquelles saint Paul s’adresse, ils’adresse toujours à une communauté essentiellement juive ou formée de païensdéjà devenus prosélytes. La communauté de Rome à laquelle il écrit et la façondont il se présente à elle comme nous le verrons dans le Livre des Actes des

     Apôtres, les communautés de Corinthe et d’ailleurs, sont toutes descommunautés semblables, donc quand saint Paul écrit, quand les Evangélistesécrivent, quand tout le Nouveau testament est écrit, le tournant de 70 n’a pasencore été pris et Robinson conclut : tout le Nouveau Testament estnécessairement antérieur à l’année 70, on ne peut admettre aucune partie duNouveau Testament postérieure à 70.

    Quand j’ai commencé à lire Robinson, je me disais : oui, c’est très joli tout ça,mais pour nous faire croire que le quatrième Evangile a été écrit avant 70, ça neva pas être facile, je t’attends-là ! Or l’argument de Robinson est très simple, il

    nous dit : les anciens Pères de l’Eglise qui nous parlent du quatrième Evangile,c’est Irénée vers 180, le fragment de Muratori dont on ne sait pas la date, mais àla fin du Iième siècle, Clément d’Alexandrie vers 210, Eusèbe de Césarée vers325 et Jérôme vers 400. Ils nous disent deux choses : premièrement le quatrièmeEvangile a été composé par Jean l’Apôtre, deuxièmement Jean l’Apôtre est mortvieux – mais ils ne disent pas que c’est dans sa vieillesse qu’il a composé lequatrième Evangile ! Et cela, ce n’a été inventé que par Epiphane, le plus ancienauteur qui dise que le quatrième Evangile a été composé à la fin de la vie desaint Jean – il écrit en 375 – mais les auteurs précédents disent : saint Jean acomposé le quatrième Evangile, il est mort vieux.

    Je n’avais pas remarqué cela, vous voyez comme on se fait facilementillusionner !

    Si on reprend les arguments que nous avons vus tout à l’heure pour saintJean : son Evangile est rempli de polémiques contre les Juifs, pas une seuleallusion à la destruction ni à la ruine du Temple. Alors Robinson conclut : il n’estpas vraisemblable que le quatrième Evangile ait été écrit après 70, il a même dûêtre écrit un peu avant. Lui le place aux environs de 65 en disant : l’horizonhistorique qui correspond au quatrième Evangile, c’est celui de l’année 65. Et defait, en y réfléchissant bien, je ne vois pas comment le quatrième Evangilepourrait avoir été écrit après la destruction du Temple.

    Un autre argument pour corroborer ce que dit Robinson sur l’antiquité de saintJean : depuis quelques années on a découvert un fragment de manuscrit quicontient un texte de saint Jean et qui date des années 120-130 et la datation desmanuscrits par la paléographie, l’étude de l’évolution de l’écriture, est vraimentscientifique, à quelques années près bien sûr. Mais les savants compétents, lespaléographes de métier, datent ce fragment de manuscrit de saint Jean entre 120

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    et 130. Il faut bien supposer une certaine distance. Cela n’est pas un argumentdéfinitif, mais un “confirmatur”.

    Quand j’ai eu fini de lire ça, j’ai été convaincu et j’ai écrit à Robinson pour luidire qu’il m’avait convaincu !

    Jean Carmignac