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La dénomination des langues et des territoires en Algérie ou l’itinéraire conjoncturel des noms propres Ouerdia YERMÈCHE Sujets à l’arbitraire des hommes et conditionnés par des facteurs sociaux-politico- idéologiques, les noms propres sont des lieux où s’investissent la subjectivité et la partialité. Les desseins et les conséquences de l’acte de nommer sont différents suivant que les nommés sont acteurs de l’acte de se nommer ou qu’ils sont des « récepteurs passifs » de dénominations attribuées par d’autres. Par ailleurs, suivant que la nomination est le fait des autochtones donc de nommants endogènes ou le fait d’un donneur allogène, la forme nominale variera en fonction des intentions souvent autres. Dans cette communication, nous nous proposons de réfléchir sur les enjeux qui prévalent à la nomination des langues et des territoires. Nous tenterons de montrer que les présupposés idéologiques, politiques, culturels et identitaires inhérents à l’acte de nommer les langues et les lieux sont intrinsèquement liés à des stratégies d’assujettissement de l’autre et d’appropriation d’un espace. Nous illustrerons notre propos par l’analyse de quelques noms de langues et de territoire algériens. A partir d’une étude diachronique des glottonymes « Berbère »/ « Tamazight » et des toponymes « Tamazgha », « Berbérie » et « Kabylie », nous essayerons de saisir à travers quelques éléments d’histoire, dans quelles

La dénomination des langues et des territoires en Algérie

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Page 1: La dénomination des langues et des territoires en Algérie

La dénomination des langues et des territoires en Algérie

ou l’itinéraire conjoncturel des noms propres

Ouerdia YERMÈCHE

Sujets à l’arbitraire des hommes et conditionnés par des facteurs sociaux-politico-

idéologiques, les noms propres sont des lieux où s’investissent la subjectivité et la partialité.

Les desseins et les conséquences de l’acte de nommer sont différents suivant que les nommés

sont acteurs de l’acte de se nommer ou qu’ils sont des « récepteurs passifs » de dénominations

attribuées par d’autres. Par ailleurs, suivant que la nomination est le fait des autochtones donc

de nommants endogènes ou le fait d’un donneur allogène, la forme nominale variera en

fonction des intentions souvent autres.

Dans cette communication, nous nous proposons de réfléchir sur les enjeux qui

prévalent à la nomination des langues et des territoires. Nous tenterons de montrer que les

présupposés idéologiques, politiques, culturels et identitaires inhérents à l’acte de nommer les

langues et les lieux sont intrinsèquement liés à des stratégies d’assujettissement de l’autre et

d’appropriation d’un espace.

Nous illustrerons notre propos par l’analyse de quelques noms de langues et de territoire

algériens. A partir d’une étude diachronique des glottonymes « Berbère »/ « Tamazight » et

des toponymes « Tamazgha », « Berbérie » et « Kabylie », nous essayerons de saisir à travers

quelques éléments d’histoire, dans quelles conditions et selon quel processus, ces concepts ont

été créés. Quelles en sont les instances nommantes ? Quelles motivations ont prévalu à leur

création ? Quelles sont les incidences sur les représentations symboliques et identitaires des

personnes dont les langues et les territoires ont été ainsi « dits » ?