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FÉVRIER 2018 / N°32 / INGÉNIERIE TERRITORIALE 39 LE PROJET, AU CŒUR DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT Toutes les grandes collectivités, qu’elles agis- sent en tant que communes ou organisées en intercommunalités mettent en avant cette notion de projet. C’est avant tout un moyen pour elles de s’engager dans une dynamique de développement et d’afficher TRIBUNE leurs ambitions dans une compétition forte entre territoires de toute nature. Il s’agit souvent de créations ex nihilo. La démarche peut permettre de créer un quartier neuf sans les contraintes d’un quartier déjà urbanisé comme c’est le cas dans les opéra- tions de rénovation urbaine. Ces opérations La fabrique de la ville au cœur de la maîtrise d’ouvrage Les collectivités assurent la maîtrise d’ouvrage 1 de leurs projets d’aménagement quelle qu’en soit la nature. La maîtrise d’œuvre est ensuite souvent confiée à des acteurs exté- rieurs. Mais il arrive que les urbanistes des collectivités n’occupent pas la place qui devrait être la leur dans ce processus. Le développement urbain connaît en France une expansion vertigineuse depuis le début des années 2000. © Fotolia.com IT 32_INGENIERIE_Mise en page 1 08/02/18 18:57 Page39

La fabrique de la ville au cœur de la maîtrise d’ouvrage · La fabrique de la ville au cœur de la maîtrise d’ouvrage ... urbanisme pour faciliter le mode de vie des habitants

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FÉVRIER 2018 / N°32 / INGÉNIERIE TERRITORIALE 39

LE PROJET, AU CŒUR DES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENTToutes les grandes collectivités, qu’elles agis-sent en tant que communes ou organiséesen intercommunalités mettent en avantcette notion de projet. C’est avant tout unmoyen pour elles de s’engager dans unedynamique de développement et d’afficher

TRIBUNE

leurs ambitions dans une compétition forteentre territoires de toute nature.

Il s’agit souvent de créations ex nihilo. Ladémarche peut permettre de créer un quartierneuf sans les contraintes d’un quartier déjàurbanisé comme c’est le cas dans les opéra-tions de rénovation urbaine. Ces opérations

La fabrique de la ville au cœur de la maîtrised’ouvrage Les collectivités assurent la maîtrise d’ouvrage1 de leurs projets d’aménagement quellequ’en soit la nature. La maîtrise d’œuvre est ensuite souvent confiée à des acteurs exté-rieurs. Mais il arrive que les urbanistes des collectivités n’occupent pas la place qui devraitêtre la leur dans ce processus.

Le développement urbainconnaît en France uneexpansion vertigineusedepuis le début des années 2000.

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INGÉNIERIE TERRITORIALE / N°32 / FÉVRIER 201840

Bernard Lensel,association des

Urbanistes des Territoires

[email protected]

Éric Raimondeau, association des

Urbanistes des Territoires

[email protected]

1. Le maître de l’ouvrage est la personne morale, mentionnée àl’article premier (de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiéerelative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec lamaîtrise d’œuvre privée), pour laquelle l’ouvrage est construit.Source :http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/Maitre-ouvrage.htm2. La première loi qui a rebattu les cartes est la loi SRU de décem-bre 2000, Mais d’autres textes importants sont venus renforcerl’arsenal juridique à disposition des élus : loi Engagement nationalpour le logement, la loi Grenelle, loi relative à la mobilisation dufoncier public en faveur du logement et au renforcement desobligations de production de logement social, loi relative aulogement et à un urbanisme rénové etc. etc. Sans oublier lesnombreux textes parus sur la période 2012-2017.

TRIBUNE

souvent lourdes, compte tenu des enjeuxpolitiques qu’elles représentent pour lesmunicipalités, et elles sont également misesen œuvre sous forme de projets d’envergureprincipalement dans des quartiers sensibles.En général, ces projets sont mis à profitpour engager des requalifications et des restructurations lourdes de leurs espacespublics. Bref il s’agit souvent d’initier unurbanisme pour faciliter le mode de vie deshabitants. Ces projets visent aussi à améliorerla mixité sociale et fonctionnelle de cesquartiers, voire aussi à tendre à les densifier.

Les élus préfèrent parfois avoir recours soità des bureaux d’étude privés soit à dessociétés d’économie mixte (SEM), qui ontconnu de nombreuses évolutions juridiquesau cours de ces quinze dernières années,dès le stade des études préalables.

Ils disposent pourtant très souvent en internede l’expertise et de l’ingénierie technique eturbaine nécessaires pour traduire les orien-tations politiques et stratégiques qu’ils souhaitent mettre en œuvre, dans le cadrede leur programme politique.

DES SERVICES COMPOSÉS D’URBANISTES AUX PROFILS DIVERSIFIÉSLes services urbanisme peuvent deveniralors des ensembliers. La démarche projetnécessite d’assurer des relations partenarialesavec les services internes à la collectivitémais aussi avec les services externes.

En ces temps où les collectivités sont misesau pilori pour avoir, au regard de certains,trop embauché: en faisant plus souventappel à leur expertise interne, cela leur per-mettrait de faire des économies non négli-geables, d’autant que les jeunes urbanistessont très bien formés et que l’expertiseacquise pendant leurs années de masterleur permet de répondre aux exigences desélus dans de bonnes conditions.

Reste que le positionnement des agentsn’est pas facile à assumer entre les élus et lesservices extérieurs. Ces partenaires qui sou-haitent une relation privilégiée avec les dé-cideurs s’adressent parfois directement àeux en ignorant tout bonnement les chefsde projets. Et quand ces derniers sont solli-cités, ils ont alors, parfois, la désagréablesensation d’être des sortes de « passe-plats »pour transmettre des consignes politiques

ou opérationnelles entre les élus et les SEMou d’autres organismes.

UN CONTEXTE NORMATIF ET RÉGLEMENTAIRE COMPLEXE :Les professionnels de la ville ont donc, enraison de leur formation universitaire dequalité et de leur pratique professionnelle,vocation à exercer en régie la définitionmême de ce qui constitue le périmètred’une opération (le contenant) ainsi que leprogramme qu’il conviendra d’y réaliser (lecontenu) et les opérateurs qui devront êtreappelés à les mettre en œuvre.

Le développement urbain connaît en Franceune expansion vertigineuse depuis le débutdes années 2000 : la mise en place des inter-communalités et des métropoles, mais aussil’augmentation continue des impôts locauxa donné à ces collectivités une force defrappe sans précédent pour répondre auxenjeux majeurs de l’aménagement du ter-ritoire dans de multiples domaines qui vontdu logement au transport en passant parles aménagements d’espaces publics.

Mais l’accumulation des textes législatifs,juridiques et réglementaires2 depuis le débutdes années 2000 rend les procédures pluscomplexes et beaucoup plus longues. Lescollectivités ont donc tout intérêt à solliciterleur personnel, car l’une des priorités c’estavant tout d’anticiper tout recours conten-tieux qui ne pourrait que nuire à la bonneréalisation du projet dans le temps voulupar les élus.

UNE RÉPONSE PAR UN FONCTIONNE-MENT DIRECT ET SIMPLIFIÉUn circuit direct entre élus et professionnelsmaison est gage de simplification, d’économiepermettant de passer sans heurt, grâce àdes circuits courts de validation entre lesélus et les professionnels de la ville, de laphase de stratégie urbaine à celle de l’opé-rationnelle.Une règle du jeu peut alors s’établir entrel’élu et l’urbaniste, où chacun à un rôleprécis et bien compris : l’élu fixe le cadrestratégique, l’urbaniste fait des propositionsen restant bien dans ce cadre. Puis le maireou le président de l’intercommunalité tranchesur les options à retenir et l’urbaniste passealors à la phase applicative.

En cas de problème complexe, le recours àune expertise par assistance à la maîtrise

d’ouvrage est tout à fait envisageable, maisl’urbaniste territorial doit rester dans sonrôle d’ensemblier et de coordinateur.

De plus les projets sont traditionnellementportés sur des durées longues. L’urbanisteterritorial semble le mieux à même de parsa connaissance de la respiration du territoire,de prendre en compte les évolutions quiseront les siennes au fil des années. Il estégalement bien placé pour établir un lienavec de nouveaux élus à l’issue d’élections.Cela s’avère encore plus prégnant lors d’al-ternances politiques.

Ce fonctionnement nécessite une bonnereconnaissance entre les acteurs du processusde projet urbain, mais il offre aussi de grandsatouts, tels que la rapidité de réalisation, dutype « circuit court » et une facilitation duretour d’expérience, avec une évaluationnécessaire, directe et objective des politiquespubliques.

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