16
ALLONS DOUCEMENT NOUS SOMMES PRESSES Bernard FRIOT est un être bienveillant qui veille au bien-être des a u t r e s ( s e s l e c t e u r s , s e s interlocuteurs), au bien public (rarement auteur n’a autant fait référence aux enquêtes ou aux recherches sur les usages sociaux de l’écrit). Enseignant de Lettres, il écrit des histoires à ses élèves (avec ses élèves) des textes en circuit court qui ne court-circuitent ni l’expérience sociale ni l’expérience intime des individus, condition première d’un rapport confortable à la lecture. La première 1 Histoire pressée sonne ainsi comme un manifeste : « Il était une fois un enfant qui ne croyait pas aux histoires. (…) Un jour, je lui ai demandé de s’asseoir à côté de moi sur le canapé et je lui ai raconté une histoire. L’histoire d’un enfant qui ne croyait pas aux histoires. (…) C’est drôle, cette histoire, je la vois et je la sens. C’est comme si j’étais dedans. Tu pourrais me la raconter encore une fois ? ». 2 Pour inventer des histoires comme ça, il faut connaître les enfants, les avoir observés et se plaire à les rêver. Si ces récits étaient des fables (après tout, ils en ont la concision) leur morale pourrait tenir en ces termes : enseignants, regardez vos élèves, écoutez-les, imaginez-les penser, désirer, apprenez leurs sociabilités, souvenez-vous de l’enfant que vous étiez ; ne faites pas de l’enfance un cliché (sage comme une image ), jetez les 3 préjugés par les fenêtres, n’instaurez que le silence de la concentration, de la réflexion consenties, pas celui de la soumission : à la maîtresse qui hurle sans arrêt « Silence ! », l’enfant répond « Taisez-vous et laissez-nous travailler. » Après l’avoir plongée dans un aquarium (monde du silence), les enfants peuvent se remettre au travail : « J’ai fini mon exercice puis j’ai écrit un texte. Une histoire de pirates. Ensuite, avec David, on a cherché dans un livre des renseignements sur Marco Polo. Et j’ai pensé : « Si elle reste encore un peu dans son bocal, j’aurai le temps de faire des mathématiques. Et peut-être, même, d’écouter de la musique. ». » 4 Voilà ce qu’ils vous feront (et pire encore), les enfants, si vous n’avez pas de considération pour eux. Mais arrêtons-nous un moment sur la pédagogie sous-jacente de cette histoire : les élèves y enchaînent des tâches presque tous seuls (en réalité, ils doivent avoir un plan de travail élaboré avec leur enseignant en fonction des contraintes scolaires – savoirs à découvrir et à automatiser), leur expression est valorisée (ils écrivent librement) ainsi que leur esprit d’initiative et de coopération (ils font des recherches documentaires en s’entraidant), les matières enseignées (ici abstraites) les intéressent tant qu’ils en « font » eux-mêmes pendant leur temps libre sans oublier de cultiver leur sens artistique (écouter de la musique – ce qui n’est pas sans rapport avec les mathématiques). On retrouve l’esprit de travail des mouvements pédagogiques à la tête desquels se tient Célestin Freinet qui a toujours privilégié 5 l’autonomie des élèves (autonomie cognitive et affective). Dans Peintures pressées , il y a encore la 6 figure d’un maître figé, sans que cette immobilité n’empêche les enfants de travailler (préparer un exposé sur les caïmans, faire des mathématiques, réfléchir). Dans sa position de statue (vu de dessous, comme du point de vue des enfants), ce maître n’a qu’une partie active : son cerveau qui illumine la classe comme un « esprit des lumières ». 1 LA FABRIQUE DES LECTEURS : Ouverture à l’œuvre de Bernard FRIOT – Auch (ESPE-CANOPE-DSDEN) – 4/11/2015 texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE LA FABRIQUE DE LECTEURS HISTOIRES PRESSÉES

La fabrique de lecteurs

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Page 1: La fabrique de lecteurs

ALLONS DOUCEMENT

NOUS SOMMES PRESSES B e r n a r d F R I O T e s t u n ê t r e bienveillant qui veille au bien-être des a u t r e s ( s e s l e c t e u r s , s e s interlocuteurs), au bien public (rarement auteur n’a autant fait référence aux enquêtes ou aux recherches sur les usages sociaux de l’écrit). Enseignant de Lettres, il écrit des histoires à ses élèves (avec ses élèves) des textes en circuit court qui ne court-circuitent ni l’expérience sociale ni l’expérience intime des individus, condition première d’un rapport confortable à la lecture. La première 1

Histoire pressée sonne ainsi comme un manifeste : « Il était une fois un enfant qui ne croyait pas aux histoires. (…) Un jour, je lui ai demandé de s’asseoir à côté de moi sur le canapé et je lui ai raconté une histoire. L’histoire d’un enfant qui ne croyait pas aux histoires. (…) C’est drôle, cette histoire, je la vois et je la sens. C’est comme si j’étais dedans. Tu pourrais me la raconter encore une fois ? ». 2

Pour inventer des histoires comme ça, il faut connaître les enfants, les avoir observés et se plaire à les rêver. Si ces récits étaient des fables (après tout, ils en ont la concision) leur morale pourrait tenir en ces termes : enseignants, regardez vos élèves, écoutez-les, imaginez-les penser, désirer, apprenez leurs sociabilités, souvenez-vous de l’enfant que vous étiez ; ne faites pas de l’enfance un cliché (sage comme une image ), jetez les 3

préjugés par les fenêtres, n’instaurez que le silence de la concentration, de la réflexion consenties, pas celui de la soumission : à la maîtresse qui hurle sans arrêt « Silence ! », l’enfant répond « Taisez-vous et laissez-nous travailler. » Après l’avoir plongée dans

un aquarium (monde du silence), les enfants peuvent se remettre au travail : « J’ai fini mon exercice puis j’ai écrit un texte. Une histoire de pirates. Ensuite, avec David, on a cherché dans un livre des renseignements sur Marco Polo. Et j’ai pensé : « Si elle reste encore un peu dans son bocal, j’aurai le temps de faire des mathématiques. Et peut-être, même, d’écouter de la musique. ». » 4

Voilà ce qu’ils vous feront (et pire encore), les enfants, si vous n’avez pas de considération pour

eux. Mais arrêtons-nous un moment sur la pédagogie sous-jacente de cette histoire : les élèves y enchaînent des tâches presque tous seuls (en réalité, ils doivent avoir un plan de travail élaboré avec leur enseignant en fonction des contraintes scolaires – savoirs à découvrir et à automatiser), leur expression est valorisée (ils écrivent librement) ainsi que leur esprit d’initiative et de coopération (ils font des recherches documentaires en s’entraidant), les matières enseignées (ici abstraites) les intéressent tant qu’ils en

« font » eux-mêmes pendant leur temps libre sans oublier de cultiver leur sens artistique (écouter de la musique – ce qui n’est pas sans rapport avec les mathématiques). On retrouve l’esprit de travail des mouvements pédagogiques à la tête desquels se tient Célestin Freinet qui a toujours privilégié 5

l’autonomie des élèves (autonomie cognitive et affective). Dans Peintures pressées , il y a encore la 6

figure d’un maître figé, sans q u e c e t t e i m m o b i l i t é n’empêche les enfants de travail ler (préparer un exposé sur les caïmans, faire d e s m a t h é m a t i q u e s , réfléchir). Dans sa position de statue (vu de dessous, comme du point de vue des enfants), ce maître n’a qu’une partie active : son cerveau qui illumine la classe comme un « esprit des lumières ».

! 1LA FABRIQUE DES LECTEURS : Ouverture à l’œuvre de Bernard FRIOT – Auch (ESPE-CANOPE-DSDEN) – 4/11/2015

texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

LA FABRIQUE DE LECTEURS

HISTOIRES PRESSÉES

Page 2: La fabrique de lecteurs

Une classe c’est une communauté arbitrairement réunie (même si l’âge est un indice rationnel) où chacun a droit à la reconnaissance de ses pairs et de l’enseignant. C’est là que s’affermit l’identité subjective, sociale et affective (« Premier amour » , 7

« Si… » ). On insiste beaucoup sur le « métier 8

d’élève », la concentration exclusive sur la tâche scolaire, la mise en parenthèse du quotidien… Ne sous-estimons pas le rôle de l’affectif dans le cognitif, les liens d’amitié avec les camarades et de confiance avec le maître ou la maîtresse, comme 9

l’illustre cette saynète apparemment grammaticale.

Tout être humain a besoin d’être reconnu a fortiori les enfants constamment évalués (Compte , 10

Répondeur, Un martien ) mais point trop n’en faut 11

(Chou, Maman ). S’ils ont devant eux des adultes 12

non démissionnaires (Histoire renversante, Bourreau d’enfant), les jeunes sont capables de tendresse (Robot) voire d’indulgence, même devant des conduites parentales absurdes (Façons de parler ). Mais ils savent aussi tromper leur monde 13

( E x e rc i c e s ) e t i n v e n t e r d e s h i s t o i r e s 14

abracadabrantesques pour cacher leurs doutes ou leurs faiblesses (Frigidaire, Roxy ). Ils adorent les 15

histoires qui dérapent (Une histoire au menu), les mondes inertes qui s’animent (Mme Denis ne veut pas d’histoires), bref, le fantastique (Télévision , 16

Poli ). Ils naviguent entre le 17

m o n d e r é e l e t l e m o n d e fictionnel, le relationnel et le rationnel, le désir de liberté et de sécurité. Ils ont des idées à condition qu’on ne leur pose pas des questions trop fermées et qu’on les aide en cas de panne (Escaliers, Recette de cuisine ). 18

Ils apprécient les mots (Escargot et tortue, tortue et escargot) et les silences (Rencontre), les h i s to i r e s qu i s e c ro i s en t (Coccinelle ), celles qui ne se 19

terminent pas (Dialogue ) et 20

celles qu’on peut bricoler (Attendons la suite ). Et 21

ça, Bernard Friot le sait et sait le mettre en œuvre depuis ses premières productions (Histoires pressées) jusqu’aux plus récentes (Super manuel pour devenir un écrivain génial – à paraître). Son écriture n’est pas seulement formelle, elle s’attaque au fond (dénonciation de certaines conduites éducatives, Faim , caricature de certaines pratiques 22

scolaires, Texte libre , illustration de certaines 23

angoisses enfantines, Personne, Ma sœur. ). Dans 24

les Histoires pressées, on apprécie l’humour, la narrativité, l’efficacité de l’écriture mais on voit surtout défiler une Comédie Humaine, très moderne, où les enfants tiennent un rôle central. Ces textes, qui ne sont pas courts mais concis, sont un concentré de littérature et de sociologie, un traité bienvenu sur la transmission.

! 2LA FABRIQUE DES LECTEURS : Ouverture à l’œuvre de Bernard FRIOT – Auch (ESPE-CANOPE-DSDEN) – 4/11/2015

texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

CONJUGAISON

Le maître a écrit au tableau :Exercice : conjuguer au présent de l’indicatif le verbe « exister ». Benoît lève le doigt. Timidement. Le maître ne voit rien. Il répond à Cécile qui demande un cahier. Benoît tend la main bien haut. Le maître cherche un cahier dans le tiroir de son bureau. Benoît tend les deux mains et claque les doigts. Le maître se lève pour aller fouiller dans l’armoire. « Il m’a vu, se dit Benoît, je suis sûr qu’il m’a vu. » Le maître prend une pile de cahiers dans l’armoire. Benoît se lève et sautille sur place en appelant : « M’sieur, m’sieur ! » Le maître dépose les cahiers sur son bureau et demande à Sophie d’apporter les protège-cahiers. Evidemment, c’est sa préférée. Benoît monte sur la table et agite les bras en gémissant. On dirait un bateau qui tangue, un jour de grand vent. Le maître écrit des noms à l’encre rouge sur les cahiers. Sans lever les yeux, il dit : - Oui, Benoît, qu’est-ce qu’il y a ? Benoît ne répond pas. Le maître soupire. Il regarde Benoît et dit : - C’est bon, Benoît, je t’ai vu, tu peux te rasseoir. Benoît s’assied et prend son stylo. Il regarde le tableau, réfléchit et puis écrit : Conjugaison J’existe…

Page 3: La fabrique de lecteurs

L’ORGANE DU LANGAGEC’EST LA MAIN

Valère Novarina Dès sa première parution poétique (Pour vivre : presque poèmes), Bernard Friot affirme l’action de la matière sur le sens (écrire sur du papier déchiré, papier imprimé, papier plié…) et reconnaît au support le rôle d’agent sémantique : « C’est dans

la pierre que les civilisations anciennes ont gravé, pour l’éternité, leurs codes administratifs tandis que des planchettes de bois ou des tablettes, brutes ou enduites de stuc ou de cire, ont couramment été employées (…) pour l’apprentissage et les écrits utilitaires. Les matières précieuses, elles, qu’il s’agisse de l’or, de la soie ou de l’ivoire, ont toujours été réservées aux dieux et aux princes. Au IIe millénaire, on emploie couramment des cailloux trouvés sur place pour noter quelque fait qui vient de se produire, ou bien une liste d’objets à commander, un reçu, une lettre… Dans le Sud-Ouest asiatique, où le bambou pousse en abondance, il est facile, dans l’urgence, de couper une partie de tige pour y écrire une missive... ». Régulièrement, l’auteur donne à la surface d’écriture un rôle actif : bandes (7 mai/12 mai), carrés (6 mai), fonds imprimés, de couleurs (16/17 janvier) ou de lettres (18 mai), sable (11 juillet), écran (6 août)… Il propose de jouer avec l’énergie du papier, ses diagonales (10 mai), ses plis (11 mai), de jeter les mots au hasard et de travailler leurs intervalles (11 octobre), d’accrocher les poèmes sur 25

une corde à linge ou dans une cage d’escalier (17 mai), de trouver son propre espace (9 mai) et d’en changer (15 octobre), d’écrire dans tous les sens et sur toutes les formes (30 octobre).

Bernard Friot aborde la poésie du côté de la fabrication (à part, entre autres, Pour vivre, Peut-être oui, La Bouche pleine : poèmes pressés) sans jamais

dissocier la part technique (Essayer, manipuler, inventer, imiter, élaborer, rafistoler…) de la part humaine (« Recherchez au plus profond de vous-même la raison qui vous impose d’écrire… »). 26

Dans L’Agenda des poètes, le 6 décembre, alors que l’année est presque finie et qu’on pourrait croire la technique rôdée et affûtée, il (re)met l’audace au programme (Oui, essaie.), réaffirmant la nature toujours inventive du travail (recherche, essais, erreurs). La préface de cet Agenda est une sorte de manifeste en faveur du bricolage et de la réflexion, de l’imitation et de l’originalité, de la variété et de la reprise, de l’application et de la transgression, de la raison et de l’émotion. Les préfaces auctoriales sont souvent des modes d’emploi des livres. 27

Essayer, manipuler, inventer, imiter, élaborer, rafistoler…

Puis revenir en arrière, analyser, reprendre, modifier,

observer et tenter une nouvelle expérience. Oser tous les registres : jouer les ressources

de la langue ; Varier les gestes d’écriture, travailler le

langage comme matière sonore, fixer des règles, les pervertir aussi.

Ecrire intelligemment, follement, sensiblement.

La manipulation est à l’honneur et le verbe rafistoler, qui suggère la réparation grossière et les moyens de fortune (bouts de ficelle, fil de fer, sparadrap), rappelle qu’on n’apprend jamais à partir de rien mais depuis un matériau déjà existant,

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texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

ART POETIQUE

Page 4: La fabrique de lecteurs

toujours modifiable et tellement surprenant quand on y pense.

A p’ti beur’s day to you topine a p’ti beur’s day to you topine

a p’ti beur’s day to you ou a ppp’ttttiiiiiii beurrr’sss day ay

tou ou you ou ou Ahuu ahuu topin. 28

Tout l’hymne d’anniversaire est là : l’accent français, le rythme, le souffle, l’allant, le simple amour. Pour mettre cet art de faire à la portée des enfants, Bernard Friot propose des activités si nombreuses et si variées qu’elles déroutent le formateur. Comment choisir, planifier, quelles passerelles établir ? Et si 29

c’était plus simple de « faire de la poésie » comme le disent souvent les poètes.

Prenez un mot prenez en deux ASSOCIERDans L’Agenda des poètes, des activités consistent à associer des mots et les laisser agir (fonction analogique et quasi inconsciente de l’écriture – un mot en appelle un autre, une idée se glisse sous une autre). Le 11 janvier, on fait des ricochets pour déclencher des ondes graphiques, sonores, sémantiques et les contempler : « Choisis un mot, le premier à toi qui s’impose. Ecris-le au centre d’une feuille. Puis, le plus vite possible, note tout autour les mots qui, pour toi, lui sont directement associés. Dans un deuxième cercle, note des mots associés aux mots du premier cercle… jusqu’à ce que la feuille soit remplie.

Ensuite, utilise deux de ces mots éloignés géographiquement pour lancer un poème. »

COLLECTER T o u s l e s e n f a n t s collectionnent, amassent, cherchent la pièce rare, comptent un butin qu’ils imaginent infini ; Bernard Friot les invite à poursuivre cette démarche ludique en constituant leurs anthologies poétiques à partir d’angles (poèmes sur un thème, un genre, une forme, une mise en page). Peu à peu, ils donnent forme à leur propre esthétique (réunir ses poèmes préférés, repérer les poèmes hermétiques ou désagréables – 7 janvier, 19 avril, 12 décembre) et passent d’une pratique culturelle naïve à une pratique textuelle volontaire et consciente : ils lisent et relisent (26 août), s’entourent de présences (de mots, d’auteurs), conquièrent un imaginaire. Enfin, ils copient, ils mémorisent, ils recopient la forme

apprise (« Recopie un poème ou un extrait de poème appris par cœur » - 26 janvier) : ils écrivent.

COMPARER Alors qu’on présente souvent la poésie comme un genre ineffable et certains poèmes c o m m e d e s œ u v r e s incomparables, Bernard Friot désacralise cette vision et propose de soumettre toute production à l’observation, au r a p p r o c h e m e n t , à l a différenciation. Comparaison

de mise en pages (21 octobre), de forme (6 avril), de traduction (9 octobre), de ses propres créations (14 juin), maniement de la comparaison et de la métaphore, ces vecteurs de la pensée analogique : « Si la première offre des ressources de fulgurance, la seconde présente de considérables avantages de suspension. » (André Breton). Une fois ces figures définies on s’y essaie graduellement, régulièrement : on relève des comparaisons (11 avril), on en produit (12 avril), on en insère dans un poème (13 avril), on relève des métaphores (16 avril), on en produit (17 avril), on en insère dans un poème (18 avril). Parce qu’ils se

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texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

Pour un art poétique

Prenez un mot prenez en deux faites les cuir’ comme des œufs

prenez un petit bout de sens puis un grand morceau d’innocence

faites chauffer à petit feu au petit feu de la technique

versez la sauce énigmatique

saupoudrez de quelques étoiles poivrez et mettez les voiles

Où voulez-vous donc en venir ? A écrire Vraiment ? A écrire ?

Raymond Queneau, L’Instant fatal,

Recette

Prenez un toit de vieilles tuiles un peu avant midi.

Placez tout à côté un tilleul déjà grand remué par le vent.

Mettez au-dessus d'eux un ciel de bleu,

lavé par des nuages blancs.

Laissez-les faire. Regardez-les.

Eugène Guillevic, Avec

Page 5: La fabrique de lecteurs

répètent, les formats de travail offrent des repères aux enfants qui, depuis ces bases, peuvent s’envoler.

INVENTORIER La liste offre (comme la collection) la prodigalité, elle cherche à produire une unité en supprimant, cependant, tout rapport, toute liaison, toute énonciation (qui parle dans une liste ?) laissant au lecteur la possibilité d’assumer tous ces rôles (trier, classer, catégoriser). C’est un instantané sur lequel on peut revenir indéfiniment. Au goût de la pièce unique et de l’objet rare (propriété de la collection), succède le charme de la déclinaison, du rythme (18 janvier) et de la structure (19 janvier) : l’Inventaire de Jacques Prévert ne ressemble en rien au Je me souviens de Georges Perec. La liste, quand elle s’applique aux lieux ordinaires (19/20 janvier), permet d’« appréhender des contenus nouveaux, de dire le laissé-pour-compte de nos langages : l’accessoire, l’insignifiant, le frivole » , de 30

s’intéresser à l’infra-ordinaire, pour reprendre l’expression de Georges Perec, et de rencontrer des situations de langage inédites en faisant intervenir la poésie là où on la croit étrangère (voire incongrue)

dans le simple quotidien (8 décembre), les nécessités les plus ordinaires et les plus urgentes 31

(10 décembre).

De la musique avant toute chose : Ecouter, lire, écrire à haute voix

La poésie sollicite tous les sens, avec ses sonorités et avec ses silences. C’est un art de l’écoute.

Bernard Friot multiplie les formes d’écoute, écouter l’au-dehors (un objet, une musique – 3 juin, 26 juin), l’au-dedans (son corps – 23 août), écouter lire (8 mars), s’écouter lire de toutes les façons (à l’endroit, à l’envers, à plusieurs – 5/6 novembre, 22 mars), sur tous les tons (en détachant, en scandant – 23 mars, 12 mars), lire un poème incompréhensible (21 avril), lire dans une langue étrangère (6/7 juin), lire sur tous les sujets, sur un nombre (29 avril) ou sur une couleur (31 mai), lire un poète : sentir comment Christophe Tarkos (qui disait n’écrire que dans sa tête), part, par exemple, du piétinement des sons, de leur litanie, de leur flux jusqu’à ce que la langue se détache de l’objet et vive sa vie propre. Lire enfin les blancs pour donner forme au spectacle silencieux de la page (2/3 mai).

Prenez un bout de sens : Définir C’est le sens donné à la pratique poétique qui encadre L’Agenda des poètes : définir la poésie (2/3/4/5/6 janvier), définir le poète (28/29 janvier), définir les raisons d’écrire et de lire de la poésie (27/30 janvier) mais aussi les raisons de ne pas aimer (2/3/4/5 décembre) et, en toute fin d’année, comme un bilan, choisir les trois (ou cinq ou dix !) définitions qui semblent les plus justes. Cet agenda est tout sauf un fourre-tout d’idées dans lequel il

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texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

Exemple au sujet des métaphores (14/04) :

De quoi parle-t-on dans ces extraits de poèmes ?

Tu n’es que la virgule d’une phrase en plein ciel. Alain Bosquet

Tu es plus souple que le vent. Tu sautes mieux que l’équateur. Alain Bosquet

La comète est blessée. Coton. Coton. L’arbre est dans le coma. Coton. Bandage. Alain Bosquet

Il est là simple et droit comme un cierge qui prie. Alain Boudet

Vol de chouette sous le taillis au crépuscule. André Hardellet

L’instant où tombe enfin la robe des clairières. André Hardell

Un grain de tabac à ressort. Jules Renard

De la musique encore et toujours ! Que ton vers soit la chose envolée

Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée Vers d'autres cieux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure

Eparse au vent crispé du matin Qui va fleurant la menthe et le thym...

Et tout le reste est littérature.

Verlaine, Art poétique

Page 6: La fabrique de lecteurs

suffirait de piocher même si la plupart des activités consistent à repérer, prélever, combiner, créer du neuf à partir de l’existant. Le patrimoine poétique est présenté comme un grand répertoire (une sorte de Cabinet des merveilles) à la disposition des lecteurs pour qu’ils trouvent des modèles, des questions et, parfois, des réponses.

Faites chauffer à petit feu, au petit feu de la technique

La technique, qui recouvre un champ très important (c’est une base, comme en musique), est tout entière tournée vers la langue (ses structures, ses assemblages) : Bernard Friot emploie la terminologie de l’analyse grammaticale (adjectif, adverbe, pronom, formes affirmative, impérative, négative – 29/31 août, 1er septembre – 15 juin – 15 septembre – 17 juin – 16 juin, 16 juillet), de la conjugaison (conditionnel, futur, infinitif - 20 juin, 19 juin, 15 juillet), de la ponctuation (5 mai, 9 avril, 9/10 juin) et incite les enfants à se servir des règles existantes comme des contraintes (18 juillet) aussitôt maîtrisées, aussitôt transgressées : les essayer, les confronter à une autre logique (17 juillet), les réinventer (30 septembre), entretenir, avec elles, une relation critique. La langue est présentée comme une matière vivante, à entendre et à voir, afin de nourrir l’imaginaire et permettre, comme le dit Jacques Roubaud , qu’au moment de 32

l’apprentissage, elle devient la propriété de l’enfant.

L’IMAGINATIQUE 33

TOUS LES USAGES DE LA PAROLESPOUR TOUT LE MONDE

Bernard Friot multiplie les occasions de produire (des histoires), d’inventer (des mondes), solitairement ou dans des cercles d’auteurs. Sur les traces de Gianni Rodari (qui notait dans son Cahier d’Imaginatique non pas toutes les histoires qu’il racontait mais « la façon dont elles naissaient dans [son] esprit, tous les trucs qu’[il] croyait découvrir pour mettre en mouvement mots et images » ) et 34

dans la tradition oulipienne (qui propose « des moyens de fabriquer de la littérature – par exemple des contraintes » ), Bernard Friot a écrit Histoires 35

minute. Ecrire est présenté comme une sorte de 36

« cuisine » expérimentale proche de l’art poétique de Raymond Queneau (co-fondateur de l’OULIPO) : « Prenez (dans le désordre) : un cartable, un costume de Superman, quelques copains, un loup, une sorcière, un orage, et puis aussi du ketchup, de la mousse au chocolat… Mélangez et secouez énergiquement. Servez très relevé, accompagné d’une bonne dose d’amour, d’une rasade d’humour, d’un zeste de frisson et d’une grande envie de rêver. Dégustez sans attendre. » (Postface d’Histoires minute). Au début de chaque histoire, il y a des ingrédients (des lanceurs) et des destinataires car un auteur a toujours, quoi qu’il en dise, un lecteur dans la tête (un lecteur modèle, pour reprendre l ’express ion d’Umberto Eco ). Chaque 37

histoire est circonscrite (un titre, des destinataires, des c o m p o s a n t s e t u n e illustration) et, à la tourne de page, ce n’est pas la solution qui est proposée mais une possibilité de texte, parmi tous ceux qui auraient pu être engendrés à partir des mêmes critères (voir Mille milliards de poèmes de Raymond Queneau) : « Toute œuvre, dans cette perspective, n’est donc qu’un arrangement singulier, une mise en ordre

! 6LA FABRIQUE DES LECTEURS : Ouverture à l’œuvre de Bernard FRIOT – Auch (ESPE-CANOPE-DSDEN) – 4/11/2015

texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

L’IMAGINATIQUE

Par exemple, comment définir la poésie ? • La poésie est le soleil qui ruisselle à travers les mailles

du matin (2/01) • La poésie est le big-bang de la pensée (3/01) • La poésie c’est pour les nuls ! (4/01)La poésie c’est de

savoir dire qu’il pleut quand il fait beau et qu’il fait beau quand il pleut (11/12)

• La poésie c’est bon pour les oisons les oiseaux les oisifs (3/12)

• Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré (7/01)

• Le poète est à mi-chemin entre la truelle et le pigeon voyageur (3/11)

• Le poète se souvient de l’avenir (19/10) • Le poète dit J’y suis pour tout le monde (18/09) • Lecteur/Le poète te donne tout, t’en fais ce que tu veux

(5/09)

Page 7: La fabrique de lecteurs

particulière, d’une quantité déterminée de lettres ou de mots. » Imaginons la richesse d’une correction 38

de rédactions si, au lieu d’évaluer chaque production à l’aulne d’un vague modèle, on se demandait comment, à partir de données communes, chacun avait configuré sa propre solution. (Dialogue, Histoires minute, p. 48)

Dans Peintures pressées, Bernard Friot prend l’exercice autrement. Devant un tableau (création achevée), ce qui a servi de référent (prétexte, stimulant) a disparu, absorbé par l’œuvre. Le spectateur peut décrire le résultat (considérer les lumières, les lignes, la manière dont les éléments s’emboîtent ou se répondent...) ou dépasser le statisme de la toile et faire proliférer quelques-uns de ses éléments dans un jeu fictionnel. Les tableaux s’animent, le passé reprend vie et devient plus clair (Portrait de couple) ou plus impénétrable (Ce serait une histoire d’amour) ; parfois, le présent réactualise les images d’hier (Le joueur de cartes), etc. L’auteur se promène dans une sorte de musée intime (exposition qu’il a lui-même réunie) accompagné par ses lecteurs. Souvent, ses

pensées (ses rêveries) précèdent l’image (Fraises, La main, Modèle, etc.), rarement l’image est première (La chaise, L’enfant malade) et, quand le tableau et son commentaire se font face, rien n’est pour autant figé : soit la peinture est à gauche et le texte, à droite (La petite paysanne), soit l’inverse (Nuit), soit les deux s'entrelacent (A l’exposition),

l’un recouvrant l’autre (La petite fille aux allumettes), l’autre entourant l’un (Arcimboldo). Aucun sentiment de fracture cependant, aucun effet de discontinuité : les pensées de l’auteur (ou du guide), ses rêveries, confèrent au tout une forme de linéarité. On peut commencer le livre à n’importe quelle page, on accède toujours à sa substance. Peu à peu, le lecteur se prend au jeu, prête des sentiments aux personnages, les fait parler, imagine les circonstances d’une scène, crée sa propre scène à partir d’une atmosphère, d’un détail… Il devient un visiteur réel (ému,

intrigué) dans un musée virtuel.

! 7LA FABRIQUE DES LECTEURS : Ouverture à l’œuvre de Bernard FRIOT – Auch (ESPE-CANOPE-DSDEN) – 4/11/2015

texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

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LE LABYRINTHE DE L’AVENTURE INTELLECTUELLE

Avec La Fabrique à histoires, Bernard Friot perfectionne l’accompagnement de ses jeunes lecteurs. S’inspirant de l’expérience de Gianni Rodari qui s’en allait dans les écoles répondre honnêtement aux en fan t s qu i demanda ien t « Comment fa i t -on pour inventer des histoires ? », il crée tout un matériel (plateau de jeu, cartes à jouer, cartes postales, plan, catalogue, carnet, pièces détachées, etc.) : l’attirail du parfait écrivain (comme on peut être parfait chimiste, parfait magicien ou parfait explorateur, le temps d’un jeu). Mais, sous l’apparent bricolage, l’ambition est profonde : « La fonction créatrice de l’imagination appartient à tous : à l’homme de la rue, au savant, au technicien ; elle est indispensable aux découvertes scientifiques tout comme à la naissance de l’œuvre d’art : elle est même une condition de la vie quotidienne. (…) Si une société basée sur le mythe de la productivité (et sur la réalité du profit) a besoin d’hommes à moitié – exécutants fidèles, reproducteurs zélés, instruments dociles sans volonté propre -, cela signifie qu’elle est mal faite et qu’il faut la changer. Pour la changer, il faut des hommes créatifs, qui sachent utiliser à plein leur imagination. » 39

Cette fabrique, comme toute fabrique, possède un moteur : quelque chose qui met en mouvement, transforme des énergies, propose des outils pour alléger l’effort, optimiser et rationnaliser l’action sans abolir le hasard. On trouve donc un moteur à rédactions, un ensemble d’offres et de liens vers des points d’assistance (en cas de panne) : idées à puiser dans un jeu de cartes, un catalogue, une caisse à outils, un stock de pièces détachées, une réserve de textes ou d’images, autour de soi... Ecrire est un exercice manuel et mental, l’œuvre, un montage de fragments séparés de leur contexte, compilés pour former un corps nouveau. Nombreux sont les écrivains qui ont conçu leurs œuvres à partir de

listes, de notes : Roland Barthes et ses fiches (« Je copiais sur des fiches les phrases qui me plaisaient… ou qui, simplement, se répétaient : en classant ces fiches, un peu comme on s'amuse à un

jeu de cartes, je ne pouvais que déboucher sur une thématique… » ), Georges 40

Perec et ses carnets (« Cela m’a valu la réputation d’être une sorte d’ordinateur, une machine à produire des textes… je me comparerais plutôt à un paysan qui c u l t i v e r a i t p l u s i e u r s champs ; dans l’un, il ferait des betteraves, dans un autre de la luzerne, dans un troisième du maïs, etc. Les livres que j’ai écrits se rattachent à quatre champs différents, quatre modes d ’ i n t e r r o g a t i o n … L a

première peut être qualifiée de sociologique : comment regarder le quotidien… la seconde est d’ordre autobiographique…, la troisième, ludique, renvoie à mon goût pour les contraintes, les prouesses, les gammes, à tous les travaux dont les recherches de l’OuLiPo m’ont donné l’idée et les moyens… la quatrième, enfin, concerne le romanesque, le goût des histoires et des péripéties, l’envie d’écrire des livres qui se dévorent à plat ventre sur son lit… » 41

LA LOGIQUE CREATIVE

L’itinéraire narratif Après quelques galops d’essai (associer des éléments, prolonger un événement, observer, nommer son environnement), après des esquisses (définir un univers, un personnage), Bernard Friot aborde la construction de l’histoire (la chevauchée romanesque). Pour cela, il conserve l’idée de jeu, préférant au sens populaire du Monopoly (monopole individuel, privilège exclusif), celui, étymologique (mono-poly : union de l’unique et du pluriel, génération de l’infini à partir d’un exemple). Le plateau de jeu pose le scénario comme un itinéraire (situation de départ/situation finale) 42

truffé de péripéties (faits subits/subis). Il y a, là, la plupart des lieux auxquels la littérature a donné des

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texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

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valeurs symboliques : la terre et ses côtes (où luit le phare protecteur des récits maritimes), l’île, ses mers et ses océans (où naviguent les bateaux, funestes ou providentiels, des Robinsonnades à la flibuste), la planète et ses abymes (univers de Jules Verne : Vingt Mille lieux sous les mers, Voyage au bout de la terre), le sauvage et le domestiqué (les fauves de Kipling, les troupeaux ou les basses-cours de Marcel Aymé), le désert et le peuplé, le végétal et l e m i n é r a l ( à l a b a s e d e n o m b r e u s e s Métamorphoses), le mécanique et l’électronique, l’humain (le trappeur des récits du Grand Nord, l’aïeule des contes) et le monstrueux (le loup, le serpent de mer du Loch Ness, Moby Dick) et les organisations du travail qui servirent et servent encore de décor aux textes romanesques, depuis le Moyen Âge (la paysannerie) jusqu’à nos jours (l’industrialisation, le travail précaire), depuis les artisans dont la production est visible (agriculteurs, bateliers) jusqu’aux ouvriers anonymes (usine mangeuse d’hommes – loup en figure de proue). Il y a enfin la rose des vents des portulans et les drapeaux flottants des expéditions militaires, sur terre et sur mer. Percer les énigmes des cartes est une aventure romanesque en soi. 43

Le script Lorsqu’il aura identifié ces possibilités (réactivé des références, ferments de toute création), l’apprenti écrivain disposera d’un formidable terrain de jeu avec des aides, pour faire monter la pression (Dans ce hangar est enfermé un chien particulièrement dangereux - Cerbère ?) ou la faire retomber (Dans le tronc de cet arbre est caché un message qui peut te sauver la vie – plan, carte, billet ?). Ainsi, le parcours aventureux (chemin pédestre, maritime ou ferroviaire, impasse), est-il perpétuellement sécurisé. En cas de panne imaginative, le lecteur est mis sur des rails (on appelle aussi chemin de fer la trame d’une histoire) : il dispose d’une demi douzaine de risques et de secours, indiqués par des

chiffres et des lettres (cryptogrammes) ou des couleurs et des graphismes (codes, légendes). Il peut aussi se référer à une banque de textes. Plusieurs squelettes d’histoires circulent en filigrane sur ce plateau digne des territoires imaginaires allant de François Rabelais (L’Abbaye de Thélème) à Jonathan Swift (Voyages de Gulliver) ou Italo Calvino (Les Villes invisibles). Il ne reste plus 44

qu’à repérer des trames et les développer, ouvrir des récits, les étirer, les obscurcir : écrire pour des lecteurs.

Le scénario Toutes les propositions de Bernard Friot n’affirment qu’une chose : l’imagination se nourrit et s’entraine (Gianni Rodari parle de Grammaire) : c’est une qualité à la portée de tous et non un don réservé. Mais il faut pratiquer souvent et disposer d’un public. Le cacher aux enfants c’est les tromper et les faire douter d’eux (l’honnêteté et la mise en confiance ne sont pas les moindres avantages des outils ici présentés). Pour aider les apprentis à étoffer leurs histoires (ce qu’ils ont beaucoup de mal à faire, considérant que lorsque les choses sont dites il n’y a pas besoin d’y revenir), notre auteur leur propose un carnet de pièces détachées (saynètes séparées) propices à une prise en mains progressive. Il s’agit d’abord de décrire des histoires complètes sur quatre vignettes (les dessins regorgent d’émotions – colère, douleur, satisfaction – d’éléments déchainés – vent, tempête – d’actions – poursuite, ruse) , puis de compléter d’autres 45

histoires (quatre vignettes) en reliant le début et la fin (points stratégiques du récit – problème/solution, détournement/inversion) , pour ensuite, trouver une 46

fin. Enfin, le fascicule propose des vignettes vierges (quatre par double page) afin que l’enfant reproduise le rythme des récits précédents (rythme incorporé) ou qu’il l’étende en ajoutant des vignettes. Alors, le cadre disparaît, laissant 47

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l’apprenti devant la page blanche : un débutant, peut-être, mais un débutant outillé.

Une autre « réserve » porte bien son nom : le Moulin à mots (pochette contenant trois dépliants) donne du grain à moudre (de quoi réfléchir et agir) en proposant des ressources scénaristiques (quels débuts, quelles fins, quelles phrases types, quelles instances énonciatives). Le graphisme (typographie, mise en pages) ajoute du sens aux expressions choisies et les rend plus faciles à intégrer dans une histoire pour la commencer, la finir, la rendre plus originale ou plus vivante.

Le point de vue

Afin de montrer qu’une histoire n’est pas seulement affaire de technique mais aussi de sentiments, d’émotions, d’engagement, de regard, autant de parts de soi mises dans le texte (le biographique), Bernard Friot multiplie les sources énonciatives (les plus improbables) : que voient les chaussures, la chaise, le bébé, le feu tricolore, le chien, le mendiant… bref, que pourraient dire tous les objets inanimés, les sans voix, les témoins de la vie « des autres », jamais consultés, jamais écoutés ? On pense aux objets qui parlent (le miroir de Blanche-Neige, les couverts de L’Enfant et les sortilèges de Ravel) ou aux animaux des fables, des contes ou des romans (Dialogues de bêtes, Colette) ou encore aux enfants muets, bébés ou non, que les fictions

rendent éloquents en donnant accès à leur pensée intérieure. Les mutiques, ce sont aussi tous ces dominés privés d’expression : Michel Tournier a ainsi donné un autre rôle à Vendredi qui, dans Robinson Crusoe, était sous-estimé et Kamel Daoud, un nom à l’Arabe de L’Etranger et même un point de vue. François Place a sorti de ses récits à 48

la troisième personne, deux personnages qui s’expriment à la première personne dans deux romans convergents. 49

Tous ces éléments, distingués pour les besoin de la démonstration et de l’entraînement, se retrouvent, fondus/enchainés (indissociables) dans des histoires (longues et pas du tout pressées) : des romans, pour adolescents (collection Macadam, chez Milan – Mon cœur a des dents, Désaccords ou chez Actes Sud – Rien dire, ou encore chez La Martinière – Un autre que moi, Un dernier été, deux romans réunis sous le titre C’est encore loin la vie ?, Seuil). Ainsi l’œuvre trouve-t-elle sa complétude, entre récits courts et récits longs, public jeune et moins jeune, humour et gravité, imaginaire et réalisme.

L’ECRITURE DE SOI 50

Jeux d’écriture Avec Le Cahier de mes vacances nulles, Le Livre de mes records nuls, Le Journal de mes amours nulles, Bernard Friot met plusieurs fers aux feux : le genre, l’écriture, l’énonciation. Les trois supports évoqués (cahier de vacances, livre de records, journal intime) sont d e s f o r m e s a u t o b i o g r a p h i q u e s caractéristiques de l’enfance ou de l’adolescence (le héros de cette collection, Ben Letourneux, est entre les deux puisqu’il a 11 ans). Toutes les couvertures se ressemblent (à la couleur près) et, chacune révèle, en

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L’ECRITURE DE SOI

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haut, à droite, sous le papier déchiré, un autre genre (Un roman – de Bernard Friot). Sur le recto et sur le verso, la surcharge graphique (typographie composite, déchirures de papier, bouts de scotch, émoticon au nom du héros – Approuvé par Ben Letourneux) trahit une production e n f a n t i n e b r o u i l l o n n e q u a n d l’habillage de l’ouvrage dénonce un éditeur pour la jeunesse, aguichant (objet à découper et à monter sur le premier rabat de la jaquette), soucieux de fidéliser son public (derrière le même rabat, une publicité décline la collection et sur l’autre, figurent la présentation des personnages et la table des matières – signalée par l’éditeur qui tutoie son lecteur). La quatrième de couverture (une fiche de lecture) entretient la confusion : le livre a bien été écrit par Bernard Friot mais le résumé et l’avis personnel (très élogieux) sont de source incertaine : l’éditeur vend-il habilement son produit, l’auteur imite-t-il un lecteur (ou son personnage à l’ego invasif) pour en attirer d’autres ? L’ambigüité est révélatrice des questions posées par l’autofiction, le caractère privé des écrits intimes tout de même publiés (« à lire absolument même si c’est strictement interdit »), la part du réel et de l’imaginaire dans ce genre dont on ne sait jamais s’il est à ranger parmi les documentaires (reportages) ou parmi les fictions (romans). Bernard Friot mêle astucieusement les deux : « empruntant, d’une part, au diariste le souci d’une méthode génétique (rapporter des faits quotidiens pour remonter aux origines d’une personnalité) au moyen du langage écrit qui devient alors le lieu « extra-ordinaire » d’une expérience immédiate du langage, et, d’autre part, à la fiction la possibilité d’inventer des univers romanesques. » Dans ces 51

trois ouvrages, le narrateur tente d’imposer son point de vue dans un monde d’adultes (parents, professeurs, pions) : c’est donc un Je en construction qui parle, avec sincérité et maladresse. Mais, le point de vue des adultes n’a pas disparu pour autant : discrètement, l’auteur guide son lecteur sur les chemins tortueux d’une étape de la vie où les changements (du corps, des humeurs, des sentiments) ne laissent guère de répit. L’écriture apparaît comme un des moyens d’affronter ces tourments : le roman cible des recours possibles, du

côté du réel (l’amitié, certains adultes, les projets, la lecture, le don de soi) et du côté de la langue

(l’écriture donne une continuité et une logique à des expériences heurtées qui, sans cela, resteraient anecdotiques, fugaces, et sans enseignement). C’est donc à une double expérience (humaine et linguistique) que convient c e s r o m a n s , s i m p l e m e n t e t magistralement.

L’écriture entre petits bricolages et expérience de soi Dans ces trois « documents », comme les appelle souvent le jeune narrateur,

l’écriture existe en tant que processus interne associant quatre opérations (ajout, suppression, remplacement, déplacement de mots – c’est visible sur le papier) et mécanisme ouvert convoquant des sources externes (documents, exemples, citations, etc.) : mouvement de l’intime au public, brouillons de soi avant de se « présenter » dans la vie ordinaire, au milieu « des autres ». Parce que son identité lui échappe constamment, Ben, le héros, éprouve le besoin constant de se positionner : il se situe géographiquement (plan de son quartier, indication de son habitation et des bâtiments principaux) et affectivement (Moi, Ben Letourneux, mon père, ma mère, ma sœur, un copain, la prof, le voisin, le clown, une maman avec son enfant), espérant donner une cohérence à ses expériences désordonnées et les inscrire dans une continuité. D a n s u n m o n d e n o r m é ( f a m i l i a l e m e n t , scolairement, socialement) et répétitif, tout est perpétuellement fluctuant pour lui : tout change, tout craque, tout s’effondre, tout échappe (l’encre du stylo comme la bouteille de lait). D’où ces incessantes ratures, ces reformulations, ces reprises de soi, ces doutes et ces disqualifications (« De toute f a ç o n , m a v i e n ’ a r i e n d’intéressant ; pas à ma connaissance en tout cas. »), d ’ o ù c e s c h a n g e m e n t s perpétuels de registres (humour, colère, ressentiment, générosité) et cette méticulosité, de peur d’être « repris » (recherche de synonymes, du mot juste), d’où c e s c o m m e n t a i r e s , c e s

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texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

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annotations, ces digressions, ces apartés, ces signaux au lecteur (préface, postface, menaces à qui lira) qui fonctionnent comme autant de replis que d’appels à l’aide. L’ensemble est froissé, biffé, déchiré, recollé : « un vrai torchon », dit le professeur qui n’hésite pas, cependant, à encenser un manuscrit d’écrivain « tout gribouillé » en associant, dans ce cas, les ratures à un « travail ». Ce n’est pas la moindre contradiction des adultes. Ligne à ligne, ce n’est plus des records exceptionnels que Ben accumule mais des petites victoires sur la vie : son écriture, plus fluide, est moins envahie de repentirs que de corrections (précisions, explications, traductions…) et ses ratures, moins nombreuses, relèvent davantage d’une vérification de l’expression que du contrôle de soi (honte, pudeur). Ben vit parmi les siens et s’il fuit encore dans la nourriture, il se rattache à la musique et se projette dans l’avenir : il apprend des langues étrangères (par amour) et converse avec des archéologues du XXXIIème siècle (pour assurer sa postérité). L’habitude du geste (écrire tous les jours), les efforts pour prendre des distances avec sa propre vie (« Je vais m’inventer une vie 100% autobiographique ») ont fait leur travail : Ben écrit.

Ces « journaux, cahiers, carnets, machins, documents », comme les appelle le narrateur, constituent les différents tomes d’un véritable roman de formation. On voit un jeune lecteur pris dans les contraintes existentielles (le temps qui passe et le fait devenir autre, les autres qui l’attirent et le troublent, les adultes qui imposent leurs normes, l’auto dévalorisation qui le menace…). Comment affronter cet ouragan d’épreuves ? Ben cède à des conduites désordonnées (crises de boulimie, de mythomanie, de doute extrême) mais il se socialise, suit des formations (un stage d’ados au cirque, des cours de saxophone), exerce des responsabilités (il assure la formation aux arts du cirque auprès d’un groupe de petits), épaulé par des adultes amicaux (un vieux voisin solitaire, un clown, maître et modèle) ; il construit, peu à peu, une autre relation aux autres et à lui-même, p lus apa i sée e t p lus encourageante et l’écriture/la lecture

s’inscrivent dans cet ensemble. Sous cette existence particulière, un roman circule donnant une autre dimension à l’écrit autobiographique : Lukas (le jeune clown tchécoslovaque muet rencontré sur un marché) se marie et attend un enfant, Monsieur Demirel (le voisin), contraint d’entrer dans une maison de retraite, offre son logement désormais vide à Lukas et Justine et son saxophone à Ben ; la vie progresse en s’inventant, elle ne meurt pas mais se transmet. L’écriture a aidé Ben à unifier des aventures paradoxales, elle lui a permis d’accumuler des savoirs sur lui-même et de suivre « l’avènement de l’autre en soi, le nouveau à partir de l’ancien, le passage du même à l’autre, certains transitions de l’être qui font que le héros est à la fois le même et un autre. (…) D’où la dimension d’enquête, d’analyse très fine de l’être dans la succession temporelle pour savoir ce qui le « qualifie » au sens que donne à ce mot Robert Musil. » Depuis qu’il 52

n’est plus obligé de tenir un journal, il écrit « comme ça lui vient » : il se décentre, parle des autres (monsieur Demirel, qu’il appelle Roger, ses amis, sa sœur et son copain, ses parents, le professeur de Français, amadouée, le bébé de Lukas et de Justine dont il sera parrain), il se recentre : il se regarde dans la glace, découvre sa moustache naissante et embrasse Soraya. Sur la bouche. Ben grandit… et s’affermit. Dans la postface du « Journal de mes amours nulles », il affleure sous l’auteur qui annonce sa prochaine production (« Je crois bien que je vais rédiger un manuel nul pour écrivains nuls. » ) sans oublier son lecteur, son 53

ami, son frère (« Tu te sens visé, au moins ? »)

Bernard Friot est un écrivain utile parce qu’il transmet autant de savoirs sur la vie que sur les moyens de l’affronter (aimer, s’aimer, faire, pour soi et avec les autres, lire, écrire, écouter, s’interroger…). Il part de sa propre expérience d’enfant et d’adolescent sans enfermer ses lecteurs dans une vis ion exclusive parce qu’il sait observer, entendre, s’adapter et qu’il n’a pas oublié ni qu’on apprend à partir de ce qu’on est, ni que l’action, sans réflexion,

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est de courte portée. C’est avant tout un écrivain qui pose l’écriture comme une expérience existentielle et langagière. Il en parcourt tout le spectre, méthodiquement, de l’atelier (gammes) à l’œuvre (productions), d’un genre à l’autre (autofiction, nouvelle, poème, roman), d’un registre à l’autre (humour, drame) explorant toutes les possibilités à la manière de Georges Perec qui espérait « écrire tout ce qui est possible à un homme d’aujourd’hui d’écrire : des livres gros et des livres courts, des romans et des poèmes, des drames, des livrets d’opéra, des romans policiers, des romans d’aventures, des romans de science-fiction, des feuilletons, des livres pour enfants.. » Il n’est ni 54

dogmatique ni compatissant, ne sous-estimant jamais la force démesurée qu’il faut aux enfants pour vivre. Il parle de cette ténacité de façon implacable : « Je ferai mon devoir. Je vivrai. Sans joie, sans raison. Mais sans déranger personne, au moins, et sans laisser rien deviner. Je vivrai sans preuve, en somme, pour rien. Et sans en faire toute une histoire, surtout. Banal, comme c’est banal. Il fait froid sur le balcon. Pourtant je respire presque normalement. La nuit est un moment acceptable. La promesse de l’anéantissement. Suffit d’attendre. Attendre que ça se passe. Demain, c’est dimanche. » Demain est arrivé, 55

Bernard Friot s’est tourné vers les enfants et les adolescents, vers les autres peuples ( t raducteur, animateur de formations) et même vers les enseignants (souvent malmenés dans ses livres) auxquels il suggère de faire de l’éducation un c h a n t i e r d ’ e x p é r i e n c e s respectueux du présent et soucieux du passé, seules conditions pour s’engager avec confiance dans l’avenir. E t s u r t o u t i l p o s e a u x éducateurs les plus exigeants (amateurs de littérature) une question aigue : comment aider les enfants à lire sans s’appuyer sur leurs goûts et de leurs usages ?

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texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

http://www.bernardfriot-fabriqueahistoires.com

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Sur l’écriture, littérature générale La Grammaire de l’imagination, Gianni Rodari, Rue du monde, 2010 Lettres en folie, Thierry Leguay et Alain Dushesne, Magnard, 1991 Le Petit OULIPO, Anthologie de textes de l’OULIPO, Paul Fournel, dir., Rue du monde, 2010 La Petite fabrique de littérature, Thierry Leguay et Alain Dushesne, Magnard, 1984 Les Petits papiers, Thierry Leguay et Alain Dushesne, Magnard, 1991 Le Plaisir du texte (précédé de Variations sur l’écriture), Roland Barthes, Seuil, 2000

Sur l’écriture, littérature de jeunesse Affiche ton poème, 27 poètes pour le droit des enfants à la poésie, 27 poèmes-affiches, à détacher, typographisme : Alain Serres, Rue du monde, 2014 Il était une fois… il était une fin, Alain Serres & Daniel Maja, Rue du monde, 2006 Ma langue à toutes les sauces, Christine Beigel & Anne Simon, Albin Michel, 2006 (voir tous les albums de cette collection : Jeux d’écriture pour enfants) Petit musée du bleu, Textes de Carl Norac autour de peintures, Rue du monde, 2015 La Petite bibliothèque imaginaire, Alain Serres et un collectif de 20 illustrateurs, Rue du monde, 2006

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texte écrit par Yvanne CHENOUF en collaboration avec Lucie BOUE

BIBLIOGRAPHIE

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Faire place au sujet lecteur en classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytiques en classe, Anne Vibert, 1

2011 : http://eduscol.education.fr/lettres/im_pdflettres/intervention-anne-vibert-lecture-vf-20-11-13.pdf « Histoire d’histoires », Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 9-122

« Image », Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 29-303

« Silence », Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 13-144

« Qu’est-ce que la pédagogie Freinet ? » : http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/8309 5

« Faux contact », Milan, 2013, p. 796

Histoires pressées, Milan, 1991, pp.107-1097

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 103-1048

Sur la fenêtre le géranium vient de mourir mais toi... oui, toi ... toi qui vois tout, toi qui peux tout, tu n'en as rien su, François Ruy-9

Vidal chez Harlin Quist éditeur, 1971 Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 7-7210

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 21-22 et 57-5911

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 15-17 et 79-8012

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 34-37 ; 65-66 ; 39-41 ; 43-4513

Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 91-9414

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 89-91 et 97-10115

Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 113-115 ; 45 ; 16-1916

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 6617

Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 59-61 et 66-6918

Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 77-79 ; 62-65 ; 99-10219

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 93-9520

Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 23-2521

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 111-11222

Histoires pressées, Milan, 1991, pp. 39-4923

Nouvelles histoires pressées, Milan, 1992, pp. 77-78 et 115-11724

Affiche ton poème, 27 poètes pour le droit des enfants à la poésie, 27 poèmes-affiches, à détacher, typographisme : Alain Serres, 25

Rue du monde, 2014 Préface et exergue de Un agenda du (presque) poète : la citation est de Rainer Maria Rilke (Lettre à un jeune poète).26

Gérard Genette, Seuils, Seuil, Points Essai, 1987, p. 20027

Petite annonce anonyme parue dans le journal Libération (activité du 8 avril)28

Même sentiment avec la série de Thierry Leguay et Alain Dushesne, chez Magnard : La Petite fabrique de littérature (1984), Lettres 29

en folie (1991), Les Petits papiers (1991) « Inventaires futiles », Petite fabrique de littérature, Alain Duchesne & Thierry Leguay, Magnard, 1993, pp. 251-25530

Voir, par exemple, les poèmes de Natalie Quintane31

Le Maki Mococo, film de Jean-Christophe Ribot, à partir d’un poème de Jacques Roubaud (Les Animaux de tout le monde, Seghers), 32

diffusion Association Française pour la Lecture (www.lecture.org) « Si nous avions une Imaginatique, comme nous avons une logique, l’art d’inventer serait découvert. », Novalis, Fragments, cité 33

par Gianni Rodari dans Grammaire de l’imagination, p. 17 Grammaire de l’imagination, p. 1834

« Préface », OULIPO, L’Abécédaire provisoirement définitif, dir. Michèle Audin et Paul Fournel, Larousse, 2014, 35

Milan 2004/2007 (ill. Jacques Azam)36

Lector in fabula : le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, Grasset, 197937

http://oulipo.net/fr/texte-images-et-manipulations38

Grammaire de l’imagination, pp. 182-18339

Roland Barthes, Tel Quel n° 47, automne 1971 : http://www.pileface.com/sollers/spip.php?page=imprime&id_article=161240

« Notes sur ce que je cherche », Penser/Classer, Georges Perec, Hachette, 1985 (Seuil, 2003)41

Dans son Petit Chaperon rouge (Pastel), Rascal cartographie le conte : deux maisons, deux chemins, la forêt…42

Dans Ma Vallée (L’école des loisirs), Claude Ponti trace la carte de son récit et Peter Sis (Grasset) dresse les cartes de sa mémoire, 43

entre la Tchécoslovaquie où il a passé son enfance et New York où il a émigré (Les Trois clés d’or de Prague, Madlenka). Voir le site de Christophe Meunier (Les territoires de l’album de jeunesse : www.ita.hypothèses.org)

! 15Ouverture à l’œuvre de Bernard Friot – Auch (ESPE-CANOPE-DSDEN) – 4 novembre 2015– Yvanne Chenouf –

Document de travail

NOTES DE BAS DE PAGE

Page 16: La fabrique de lecteurs

L’Abbaye de Thélème, Gargantua, François Rabelais, 1534/1535, Les Voyages de Gulliver, Jonathan Swift, Livre de poche, 2014, 44

Les Villes invisibles, Italo Calvino, Gallimard, 2013, Voir le Dictionnaire des lieux imaginaires, Alberto Manguel, Actes Sud, 2001 Si les enfants sont jeunes ou s’ils ont des difficultés, on peut mélanger les vignettes et demander une remise en ordre.45

Il était une fois… il était une fin, Alain Serres et Daniel Maja, Rue du monde, 200646

Ajouter n’est pas un problème pour les enfants qui relient souvent les épisodes avec le connecteur « et après… et après ».. Afin 47

d’éviter les histoires interminables, on peut proposer de les agrandir entre leurs deux termes : le début et la fin. Vendredi ou la vie sauvage, Michel Tournier, Gallimard, 1971/ Meursault contre-enquête, Kamel Daoud, Actes Sud, 201448

Le Secret d’Orbae (Casterman, 2011) reprend deux épisodes du premier volume de L’Atlas des géographes d’Orbae (Du pays des 49

Amazones aux îles Indigo, Casterman, 1996) : « Le golfe de Candaâ » et « Les Îles Indigo » ont ainsi donné deux romans réunis dans un même coffret (avec un portfolio de grandes images) : Le Voyage de Cornélius et Le Voyage de Ziyara.

Les Brouillons de soi, Philippe Lejeune, Seuil, 1998 : « La vie est une longue série d’essayages et de retouches : on bâtit son 50

identité, en suivant la mode, en cherchant son style. Un des apprentissages essentiels de la petite enfance est celui de l’identité narrative : savoir dire Je, se construire une histoire, avoir ses mythes fondateurs et son système de valeurs. »

« L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse », Claude Le Manchec : http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/51

reperes/RS034-8.pdf « L’écriture de soi dans la littérature de jeunesse », déjà cité52

Super manuel pour devenir un grand écrivain, Bernard Friot, Flammarion, à paraître en 201653

« Notes sur ce que je cherche », déjà cité 54

C’est encore loin, la vie ?, p. 234 55

! 16Ouverture à l’œuvre de Bernard Friot – Auch (ESPE-CANOPE-DSDEN) – 4 novembre 2015– Yvanne Chenouf –

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