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1 La figure du monstre dans la tragédie de l’Antiquité à nos jours Français seconde La tragédie au XVIIème siècle : le classicisme / Langues et cultures de l’Antiquité Œuvre intégrale : Phèdre, Racine (1677) (les extraits d’Euripide, Ovide, Sénèque, Koltès, Minyana peuvent alors servir de lectures complémentaires) Groupement de textes sur la figure du monstre dans la tragédie au XVIIème siècle (Corneille et Racine) Français première Construction d’une séquence sur « Les réécritures, du XVIIème siècle à nos jours » en 1 ère L à partir de l’un des deux parcours (autour de l’aveu pour Phèdre, du dénouement pour Médée) Latin première Séquence sur les tragédies de Sénèque dans le cadre de l’entrée « Le théâtre : texte et représentation » (ce sont alors les textes d’Euripide, de Racine ou d’auteurs contemporains qui deviennent des lectures complémentaires permettant de saisir la singularité de l’écriture théâtrale de Sénèque) Latin terminale Phèdre, Sénèque Les extraits d’Euripide, de Racine ou d’auteurs contemporains permettent de saisir la spécificité de la tragédie latine et surtout, de faire des comparaisons entre des extraits précis dans le cadre d’un travail sur la traduction. Variations sur le mythe de Phèdre d’Euripide à Minyana Introduction : à partir de la lecture d’un extrait des Héroïdes d’Ovide Dans cette œuvre de jeunesse, Ovide imagine les lettres que des héroïnes mythologiques écrivent à l’homme aimé ou haï, lettres d’adieu ou de vengeance: lettre de Didon à Enée, lettre de Pénélope à Ulysse, lettre de Médée à Jason, lettre d’Ariane à Thésée… « Lettre de Phèdre à Hippolyte », Héroïdes, IV (vers 53 à 85) Extrait (vers 53-66, traduction de Marcel Prévost) : « Par cet amour, peut-être m’acquitté-je envers la fatalité de ma race et Vénus lève-t-elle ce tribut sur toute ma famille. Jupiter, dieu déguisé en taureau, aima Europe ; c’est l’origine

La figure du monstre dans la tragédie - ac-nancy-metz.fr · Texte 5 : Phèdre, Racine (Acte II, scène 5, vers 631 à 670) Il s’agit ici de comparer les extraits 4 et 5. Le texte

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La figure du monstre dans la

tragédie de l’Antiquité à nos jours

Français seconde

La tragédie au XVIIème siècle : le classicisme / Langues et cultures de l’Antiquité

• Œuvre intégrale : Phèdre, Racine (1677) (les extraits d’Euripide, Ovide, Sénèque,

Koltès, Minyana peuvent alors servir de lectures complémentaires)

• Groupement de textes sur la figure du monstre dans la tragédie au XVIIème siècle

(Corneille et Racine)

Français première

Construction d’une séquence sur « Les réécritures, du XVIIème siècle à nos jours » en 1ère

L

à partir de l’un des deux parcours (autour de l’aveu pour Phèdre, du dénouement pour

Médée)

Latin première

Séquence sur les tragédies de Sénèque dans le cadre de l’entrée « Le théâtre : texte et

représentation » (ce sont alors les textes d’Euripide, de Racine ou d’auteurs contemporains

qui deviennent des lectures complémentaires permettant de saisir la singularité de

l’écriture théâtrale de Sénèque)

Latin terminale

Phèdre, Sénèque

Les extraits d’Euripide, de Racine ou d’auteurs contemporains permettent de saisir la

spécificité de la tragédie latine et surtout, de faire des comparaisons entre des extraits

précis dans le cadre d’un travail sur la traduction.

Variations sur le mythe de Phèdre d’Euripide à Minyana

Introduction : à partir de la lecture d’un extrait des Héroïdes d’Ovide

Dans cette œuvre de jeunesse, Ovide imagine les lettres que des héroïnes mythologiques

écrivent à l’homme aimé ou haï, lettres d’adieu ou de vengeance: lettre de Didon à Enée,

lettre de Pénélope à Ulysse, lettre de Médée à Jason, lettre d’Ariane à Thésée…

« Lettre de Phèdre à Hippolyte », Héroïdes, IV (vers 53 à 85)

Extrait (vers 53-66, traduction de Marcel Prévost) :

« Par cet amour, peut-être m’acquitté-je envers la fatalité de ma race et Vénus lève-t-elle ce

tribut sur toute ma famille. Jupiter, dieu déguisé en taureau, aima Europe ; c’est l’origine

Page 2: La figure du monstre dans la tragédie - ac-nancy-metz.fr · Texte 5 : Phèdre, Racine (Acte II, scène 5, vers 631 à 670) Il s’agit ici de comparer les extraits 4 et 5. Le texte

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première de ma race. Pasiphae, ma mère, livrée à un taureau abusé, rejeta de ses flancs son

crime et son fardeau. L’ingrat fils d’Egée, suivant un fil conducteur, échappa, par l’aide de ma

sœur aux détours du palais. Et maintenant, pour qu’on n’aille pas supposer que je ne suis

guère la fille de Minos, voici que la dernière, je subis les lois communes de ma race ! C’est

encore la fatalité. Une seule maison a séduit deux femmes : moi, ta beauté me fait captive ;

ton père a captivé ma sœur. Le fils de Thésée et Thésée ont ravi les deux sœurs ; dressez un

double trophée, pour cette victoire sur notre maison ! »

Cet extrait est destiné à faire le point sur le mythe avec les élèves avant d’entrer dans la

séquence qui va en proposer différentes versions, voire différentes lectures. Il est destiné à

fournir des points de repère pour faciliter les comparaisons entre les textes.

1. Le motif de l’aveu et ses métamorphoses

L’intérêt de cette démarche comparative est de faire apparaître la spécificité de chaque

auteur. En ce qui concerne l’aveu à la nourrice, Racine imite Euripide puisque cet

épisode n’existe pas chez Sénèque. Chez ce dernier, en effet, la tragédie commence par

une conversation entre Phèdre et sa nourrice : la reine lui parle sans réticence de son

amour pour Hippolyte. La nourrice lui conseille de renoncer à cette passion fatale.

Phèdre résiste d’abord à ses arguments, elle est en proie au « furor », puis elle prend

conscience de son crime et décide de mourir. Pour la sauver d’une mort certaine, la

nourrice propose d’intervenir pour elle auprès d’Hippolyte et de « séduire un cœur

sombre et intraitable ». En ce qui concerne l’aveu à Hippolyte, Racine imite Sénèque

puisque chez Euripide c’est la nourrice qui, contre l’avis de Phèdre, va déclarer l’amour

de sa maîtresse à Hippolyte.

« L’aveu de Phèdre à la nourrice »

Texte 1 : Hippolyte, Euripide (folio classique, page 224 à 227, vers 321 et suivants)

Texte 2 : Phèdre, Racine (Acte I, scène 3, vers 218 à 267)

« Je meurs, pour ne point faire un aveu si funeste. » (v.225)

Une comparaison systématique entre les deux extraits fera apparaître tant les emprunts

que les différences. L’intérêt de l’exercice est bien entendu d’interpréter ces différences,

d’envisager dans quelle mesure elles définissent une « autre » Phèdre et un rôle différent

pour la nourrice. La composition des deux scènes est identique : Phèdre entre sur la scène

très affaiblie et soutenue par la nourrice, elle exprime sa souffrance et son désir de mourir,

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prononce des paroles incompréhensibles. C’est la nourrice qui en faisant référence à

Hippolyte va en quelque sorte déclencher l’évocation de la malédiction familiale puis l’aveu;

toutefois, la présence du coryphée chez Euripide met l’accent sur les effets dévastateurs de

la passion : il décrit l’entrée de Phèdre (Comme elle est faible, et que son corps est ravagé !)

et interroge la nourrice sur les causes du mal qui la ronge (Les dieux ont-ils égaré sa raison

ou veut-elle mourir ?). A la fin de la scène, Phèdre s’adresse aux femmes de Trézène et

refuse fermement de céder à cette passion. Que peux-tu craindre ? dit la nourrice – Que tu

n’ailles découvrir quelque chose au fils de Thésée. Les craintes de Phèdre sont fondées

puisque la nourrice, pour la sauver d’une mort certaine, s’empresse de tout révéler à

Hippolyte. Phèdre assiste impuissante à la réaction violente du fils de l’Amazone dissimulée

derrière la porte du palais.

« L’aveu de Phèdre à Hippolyte »

Texte 3 : Hippolyte, Euripide (folio classique, page 235-236, vers 565 et suivants)

Texte 4 : Phèdre, Sénèque (LES BELLES LETTRES, classiques en poche, page 341 à 343, vers

640 à 679)

Texte 5 : Phèdre, Racine (Acte II, scène 5, vers 631 à 670)

Il s’agit ici de comparer les extraits 4 et 5. Le texte 3 n’est là qu’en contrepoint ; il permet de

comprendre pourquoi la tragédie d’Euripide s’intitule Hippolyte et non Phèdre. A la fin de la

scène suivante, après avoir maudit et chassé sa nourrice, elle s’adresse au chœur constitué

par les jeunes filles de Trézène et annonce sa décision de se suicider. Elle désire également

se venger d’Hippolyte en laissant une lettre qui l’accuse. L’action se poursuit bien après la

mort de Phèdre. Dans les tragédies de Sénèque et de Racine, Phèdre se suicide à la fin de la

tragédie, après avoir avoué son crime à Thésée.

Les modes de suicide choisis dans les trois tragédies sont également significatifs. Dans la

version d’Euripide, elle se pend avec un lacet. Les spectateurs ne voient pas la scène qui est

décrite par le chœur et par les servantes.

Une servante : - Accourez, vous tous qui pouvez m’entendre ! Elle s’est pendue, notre reine,

la femme de Thésée !

Le coryphée: - Hélas, c’en est fait. Elle n’est plus, la dame royale, pendue à un lacet.

Chez Sénèque, Phèdre se lamente sur le cadavre d’Hippolyte et se suicide au moyen d’une

épée. Florence Dupont parle d’ailleurs d’une « perversion du rituel funéraire » : « elle fait

sur les restes hideux du garçon un sacrifice humain : elle l’emmène avec elle aux Enfers par

son sang qui coule dans la terre et détache le mort du monde des vivants ». La scène finale

est d’une violence invraisemblable et pose de véritables problèmes de représentation : elle

plonge l’épée dans son ventre et fait couler son sang sur le corps déchiqueté d’Hippolyte.

Chez Racine, au contraire, la violence du dénouement est esquivée, bienséances obligent:

Phèdre a pris du poison, elle s’éteint lentement, perd peu à peu ses forces, ce qui confère

une grande douceur à son lamento. Le corps d’Hippolyte est absent et elle ne meurt pas sur

scène.

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2. Echos et filiations

Texte 6 : Volcan, Philippe Minyana (THEATRALES, 1993)

« 11. auprès du volcan » (page 64-65)

Extrait :

PHEDRE LA JEUNE.- (à Thésée Roi) Et quand tu l’as fait venir au palais – le petit jeune homme

ton fils – deux ans après notre alliance et que tu m’aimais sans arrêt moi qui t’aimais aussi

sans arrêt j’ai su que c’était l’erreur numéro un et quand je l’ai vu le petit jeune homme ton

fils qui entrait dans le palais j’ai eu un coup dans le ventre je me suis dit : Phèdre la jeune

serait-ce la voix de tes entrailles (…)

Texte 7 : Combat de nègre et de chiens, Bernard-Marie Koltès (LES EDITIONS DE

MINUIT, 1983)

Tirade de Léone à la fin de la pièce qui tente de persuader Alboury de renoncer à son projet

(XV, pages 91-92)

Extrait :

Léone (bas). – Acceptez, Alboury, acceptez. Il vous propose même de l’argent, gentiment de

l’argent, que vous faut-il de plus ? (…) Moi, c’est vivre tout court que je veux, tranquillement

dans une petite maison, où vous voudrez, tranquilles. Oh, je veux bien être pauvre, cela

m’est bien égal, et chercher l’eau très loin et cueillir aux arbres et tout le saint-frusquin ; je

veux bien vivre d’absolument rien du tout, mais non pas tuer et me battre et m’entêter à

serrer les poings oh non, pourquoi être si durs ? Ou alors je ne vaux pas un mort à moitié

bouffé, je ne vaudrais pas cela ! (…)

Elle continue à le supplier, elle est interrompue par Horn. Alboury lui répond en wolof, lui

crache au visage et disparait dans l’ombre. Léone casse une bouteille de whisky et avec un

éclat de verre grave sur ses joues les marques scarifiées, semblables au signe tribal sur le

visage d’Alboury.

Ces extraits offrent deux exemples de réécritures de natures différentes : Minyana écrit une

nouvelle version de Phèdre, il s’agit d’une réécriture revendiquée. Koltès n’a peut-être pas

songé à Phèdre en créant le personnage de Léone mais la violence de sa prière, son

sacrifice, son renoncement à sa vie d’avant pour partager le quotidien d’Alboury fait

étrangement écho à la prière de Phèdre chez Sénèque quand elle déclare son amour à

Hippolyte. Le rituel de scarification renvoie également au geste de Phèdre qui se suicide sur

le corps déchiqueté d’Hippolyte. Elle s’approprie ainsi le corps d’Alboury qui la rejette.

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Médée, du monstre infanticide à l’héroïne de la révolte

Introduction :

« Les Romains et les mythes grecs »

Extrait du livre de Florence Dupont : Le Théâtre latin (ARMAND COLIN, 1988, Deuxième

partie : Lire une tragédie latine)

« Toute tragédie romaine est le résultat d’une traduction, ou plus exactement de la

transposition d’une tragédie grecque, parfois de plusieurs. Elle est donc la présentation d’un

mythe grec, puisque toute tragédie grecque était d’abord la mise en scène d’un récit

mythique. Or ces mythes grecs sont pour les romains des histoires à la fois invraisemblables

et monstrueuses (…) Si la Médée d’Euripide avait été représentée à Rome, même traduite en

latin, elle aurait été inintelligible. Pour un romain, qui est Médée ? Une femme criminelle ?

Alors pourquoi n’est-elle pas punie ? Est-ce un animal sauvage ? Alors pourquoi la montre-t-

on avec des enfants, un époux, dans une cité ? (…) Les poètes tragiques latins qui écrivaient

leurs pièces à partir de tragédies grecques devaient donc rendre acceptables, autrement dit

intelligibles pour leur public, les mythes grecs qui constituaient obligatoirement les sujets

des tragédies romaines. »

1. Les composantes d’un dénouement

Texte 1 : Médée, Euripide (431 av J-C) Rivages poche / Petite Bibliothèque, page 159 à

164

Texte 2 : Médée, Sénèque (61 ap. J-C) Le spectateur français, page 84 à 86, vers 978 à

1027)

Texte 3 : Médée, Corneille (1635) Acte V, scène VI, vers 1538 à 1580

Texte 4 : Médée, Jean Anouilh (1946) Editions de la Table Ronde

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Ces quatre dénouements présentent des variations qui entraînent des interprétations très

différentes du personnage de Médée et des traitements très distincts de l’espace théâtral.

Dans la version d’Euripide, quand Jason arrive devant la maison, il est trop tard. Médée

apparaît sur un char tiré par un dragon ailé. Elle l’arrête au-dessus de la maison. Auprès

d’elle se trouvent déjà les corps des enfants. Jason et Médée s’affrontent, il la supplie en

vain ; elle disparaît emportant les enfants avec elle.

Chez Sénèque, Médée, juchée sur le toit de la maison, après avoir tué un de ses fils,

s’apprête à tuer le second. Jason la supplie de l’épargner, en vain. Il la supplie de le tuer lui,

pour abréger ses souffrances, en vain. Elle décrit le « char ailé avec deux serpents attelés »

avec lequel elle part, lui abandonnant les corps des enfants.

Chez Corneille, c’est pour venger l’affront fait à sa race et aux dieux, au nom d’un devoir et

d’une exigence morale que Médée a été amenée à tuer ses enfants. Elle emploie des

termes elliptiques pour parler du meurtre et les corps sont absents. Le char tiré par deux

dragons l’emporte. La pièce se termine par un monologue de Jason qui précède son suicide.

Dans la version d’Anouilh, Médée vit avec la nourrice dans une roulotte à l’écart de

Corinthe. Quand elle apprend son exil et son rejet, elle décide de céder à la folie meurtrière.

Elle met le feu à la roulotte et, après avoir annoncé la mort des enfants, elle se frappe et

s’écroule dans les flammes en présence de Jason résigné. La pièce se termine par une

conversation entre la nourrice et un garde ; la vie continue malgré tout.

Dans ces différentes versions, Médée tue ses enfants mais elle ne les tue ni de la même

façon, ni pour les mêmes raisons. Le personnage le plus monstrueux est assurément celui

de Sénèque. Le dénouement est également le plus violent et le plus spectaculaire.

La comparaison permet également de s’interroger sur la notion de représentation

(représentation de la violence sur scène, du char ailé, du feu chez Anouilh…).

Nota bene : on trouve une séquence très proche mais plus développée dans le manuel de

1ère

des éditions Magnard 2011 : le corpus est constitué de 7 textes (Euripide, Sénèque,

Corneille, Anouilh, Rouquette, Gaudé et Christa Wolf+ HdA : fresque de Médée, Maison des

Dioscuri, Pompéi)

2. Variations sur la figure de l’infanticide

Texte 5 : Hedda Gabler, Henrik Ibsen (éditions THEATRALES, Acte III, page 81 à 84),

1891

L’intrigue :

Hedda a fait un mariage de raison avec un médiocre qu’elle méprise. Elle a autrefois aimé

Lövborg, un génie débauché qu’elle a voulu tuer. Lövborg réapparaît apparemment guéri de

ses excès grâce à une femme, Théa, qui l’a aidé à écrire un ouvrage remarquable. Après une

nuit de débauche au cours de laquelle il a perdu le manuscrit, Lövborg désespéré et se

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croyant fini retrouve les deux femmes. Hedda détient en réalité le manuscrit car son mari l’a

retrouvé dans la rue mais elle n’en dit rien. Lövborg, honteux, fait croire à Théa qu’il a détruit

le manuscrit et elle s’enfuit. Alors qu’elle pourrait encore le sauver du suicide en lui révélant

la vérité, Hedda détruit le manuscrit en le brûlant dans le poêle. Elle fait ce geste d’une

violence inoui en prononçant cette phrase étrange: « Je brûle- Je brûle l’enfant.». Lövborg se

suicide avec le revolver qu’elle lui a remis lors de leur dernière rencontre. La pièce se termine

par la mort d’Hedda qui se tue d’une balle dans la tempe.

Texte 6 : Récits de femmes et autres histoires/ Médée, Dario Fo, Franca Rame

(Dramaturgie éditions, 1986), page 111 à 116

Extrait du prologue de Médée (Franca Rame) :

« Notre Médée reprend les chansons de mai de Toscane-Ombrie. C’est une Médée populaire

qui suit la tragédie d’Euripide, mais les raisons qui lui font tuer ses enfants sont très

différentes. Ce n’est pas le drame de la jalousie et de la colère. C’est une prise de

conscience. Médée dit en effet une phrase que je trouve extraordinaire : Nos enfants sont

comme le joug de bois dur pour la vache : vous autres hommes, vous nous les mettez au cou

pour mieux nous assujettir (…) C’est pour cela que je les tue, pour que puisse naître une

femme nouvelle ! (…) Nous sommes sur la place de Corinthe ; là, c’est la maison de Médée ;

les femmes du peuple, le chœur grec essaie d’amener Médée à sortir de chez elle et

accepter sa situation de femme répudiée. »

Ces deux textes traduits du norvégien ou de l’italien ont été choisis dans la mesure où ils

illustrent parfaitement ce que Florence Dupont écrit à propos des traductions ou des

relectures des mythes grecs par les romains. Franca Rame se réclame ouvertement

d’Euripide, elle affirme même dans son prologue : Euripide est selon nous le tragique grec le

plus progressiste qui soit. Je n’irais pas jusque là mais disons, pour simplifier qu’elle

« s’approprie » le destin de Médée et qu’elle s’efforce de le rendre intelligible à ses

contemporains. Elle fait une lecture « féministe » de la tragédie : Ce n’est pas, mesdames,

que la morale du spectacle soit qu’il faut rentrer chez vous pour égorger vos enfants. Non,

c’est une allégorie !

J’ignore si Ibsen a imité consciemment Euripide ou Sénèque en écrivant Hedda Gabler mais

on ne peut qu’être frappé par les similitudes entre le destin d’Hedda et celui de Médée. Au

moment où Hedda incite Lövbörg à se suicider, elle peut à tout moment le sauver, rien n’est

encore perdu, mais, dès qu’il a quitté la pièce, elle détruit le manuscrit dans une scène

d’une violence insoutenable, parfaitement consciente qu’elle détruit la vie de Lövbörg et

celle de Théa en détruisant leur « enfant ». Sa vengeance est sans limites comme celle de

Médée. Elle est la figure fatale de l’héroïne malfaisante qui s’élève au dessus de l’horreur

petite-bourgeoise. Son suicide même est une sorte d’apothéose tant elle sidère ses

proches : « Mais, bonté divine, on ne fait pas des choses comme ça ! »

On aurait également pu parler d’une autre pièce d’Ibsen où il est question de

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l’émancipation d’une femme qui part en laissant derrière elle ses enfants, sans les tuer

toutefois. Dans Une maison de poupée, Nora se résout à quitter son mari pour devenir elle-

même: « Adieu, Torvald, je ne veux pas voir les petits. Je sais qu’ils sont en de meilleures

mains que les miennes. Telle que je suis maintenant, je ne peux pas être une mère pour

eux. »

On est ici dans une perspective de littérature comparée. Ce travail peut être mené sous la

forme de lectures cursives qui donneront lieu à des exposés ; cela pourrait également être

une piste de TPE (les réécritures en L, la condition féminine en ES…).

Bibliographie

Ouvrages d’où sont tirés les extraits choisis :

Euripide, Tragédies complètes I, traduction de Marie Delcourt-Curver (folio classique)

Euripide-Sénèque, Médée, traduit et présenté par Pierre Miscevic (Rivages poche /

Petite Bibliothèque)

Sénèque, Médée, Traduction de Florence Dupont (Le spectateur français, 1991)

Sénèque, Tragédies Texte établi par François-Régis Chaumartin, traduit par Olivier

Sers (LES BELLES LETTRES, classiques en poche, bilingue, 2011)

Sénèque, Théâtre complet, traduit du latin et présenté par Florence Dupont

(«Thesaurus », Actes sud, 2012)

Corneille, Théâtre II (Garnier-Flammarion)

Le personnage de Phèdre

Bernard-Marie Koltès, Combat de nègre et de chiens (1983-1989) LES EDITIONS DE

MINUIT

Philippe Minyana, Volcan (1993) Editions THEATRALES

Sarah Kane, L’amour de Phèdre (1996) : cette pièce traduite de l’anglais est d’une

grande violence, âmes sensibles s’abstenir.

Le personnage de Médée

Henrik Ibsen, Hedda Gabler (1891) Editions THEATRALES / Traduit du norvégien par

François Regnault

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Jean Anouilh, Médée (1947), La Table ronde

Jean Vauthier, Medea (1967), Gallimard

Dario Fo, Franca Rame, Récits de femmes et autres histoires IV, 1986 (DRAMATURGIE

éditions) / Traduction

Heiner Muller, Médée-matériau (1991), LES EDITIONS DE MINUIT / Traduction

Max Rouquette, Médée (1992), Espace 34

Dea Loher, Manhattan Medea (2001), L’Arche / Traduction

Laurent Gaudé, Médée Kali (2003), ACTES SUD-PAPIERS

Ouvrages consultés sur la mythologie grecque et latine, sur le théâtre

LES MYTHES GRECS, Robert Graves, 1958 (Le Livre de Poche / La Pochothèque)

Histoire du théâtre dessinée, André Degaine, 1992 (NIZET)

L’acteur roi ou le théâtre dans la Rome antique, Florence Dupont, 1985 (LES BELLES

LETTRES, REALIA)

Le Théâtre latin, Florence Dupont, 1988 (ARMAND COLIN, Cursus)

Les monstres de Sénèque / Pour une dramaturgie de la tragédie romaine, Florence

Dupont, 1995 (Belin)

Le théâtre romain, Florence Dupont, Pierre Letessier, 2014 (ARMAND COLIN, Arts du

spectacle / Lettres sup.)

Mises en scène importantes de Phèdre

Phèdre de Sénèque

• Mise en scène de Julie Recoing en 2008 au Théâtre des Amandiers (quelques

photographies de la mise en scène donnent une idée du parti-pris)

Phèdre de Racine :

• Jean-Louis Barrault, Phèdre, collection « mises en scène », Le Seuil, 1946

On peut trouver dans les archives INA une interview de Barrault où il parle du choix du

décor dans sa mise en scène de 59 avec des images du spectacle commentées.

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• Mise en scène d’Anne Delbée en 1995 à la Comédie Française

Les costumes ont été réalisés par Christian Lacroix, ce qui a donné lieu à deux courts

reportages télévisés où le créateur, le metteur en scène et les comédiens parlent des

costumes et de leur rôle dans la dramaturgie.

• Mise en scène de Patrice Chéreau (2003) à l’Odéon - Théâtre de l’Europe aux

ateliers Berthier (DVD) : mise en scène remarquable, très bien filmée + entretiens

avec le metteur en scène et les comédiens.

• Mise en scène de Philippe Adrien (2006) à la Cartoucherie - Théâtre de la Tempête

Mise en scène avec des acteurs antillais : on peut trouver des extraits importants de la

pièce et des interviews du metteur en scène et des comédiens sur Daily motion.

Mises en scène importantes de Médée

Médée d’Euripide :

• Mise en scène de Jacques Lassalle en 2000 au Festival d’Avignon avec Isabelle

Huppert dans le rôle de Médée

• Mise en scène de Laurent Fréchuret (2009)

Médée de Corneille, mise en scène de Brigitte Jacques-Wajeman (2006)

Médée de Max Rouquette, mise en scène de Jean-Louis Martinelli (2009)

Cinéma

Médée de Pier Paolo Pasolini avec Maria Callas dans le rôle de Médée (1969) DVD

Florence Marchand